Abidjan Soir N°351

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ÉTHIQUE, MÉTHODE ET VÉRITÉ

Le trépied du journalisme

Crier plus fort n’a jamais remplacé une enquête. Dans l’affaire Komé, des voix se sont précipitées, sans preuve, sans recul. Aujourd’hui, elles s’excusent. Trop tard. Car un journaliste, ce n’est pas un mégaphone : c’est un enquêteur. La vérité ne se devine pas, elle se démontre. Et sans rigueur, il ne reste qu’un show… sans journalisme.

ÉTHIQUE, MÉTHODE ET VÉRITÉ : LE TRÉPIED DU JOURNALISME

Dans cette époque où chaque smartphone prétend faire office de salle de rédaction, il devient urgent de rappeler que le journalisme n’est pas un état d’âme. C’est un métier. Un métier avec ses règles, ses principes, ses devoirs — et surtout, sa rigueur.

L’affaire Komé Bakary, qui a récemment secoué l’espace médiatique et numérique ivoirien, l’a tristement rappelé. En se ruant sur une narration bancale, en relayant des accusations à peine vérifiées, certains se sont jetés dans une croisade médiatique sans armure éthique ni boussole professionnelle Et aujourd’hui, face aux faits qui émergent, les revirements sont aussi bruyants que les imprudences qui les ont précédés.

Il ne s’agit pas ici de juger des intentions. Il s’agit de mesurer le désastre causé par l’abandon méthodique de la rigueur journalistique. Car ce qu’on attend d’un journaliste, ce n’est pas qu’il “ressente”, qu’il “croit savoir” ou qu’il “penche vers”. Ce qu’on attend, c’est qu’il vérifie, recoupe, interroge, confronte les versions, cherche la preuve plutôt que l’émotion Il ne suffit pas de tenir un micro pour faire du journalisme. Il faut aussi savoir se taire quand les faits manquent. Résister à la pression de la viralité. Refuser d'être l’écho de causes mal ficelées Un bon journaliste ne court pas après les buzz Il creuse, même quand c’est lent. Il doute, même quand c’est tentant de croire. Il attend, même quand le public réclame du sensationnel. Et surtout, il reconnaît que son premier devoir est à la vérité pas à sa communauté, pas à son audience, pas à son égo Dans cette affaire, Assalé Tiémoko a été transformé en coupable idéal pour une partie de l’opinion, grâce à des “enquêtes” qui n’en portaient que le nom, dénuées de chronologie, de pièces, d’auditions croisées On lui a prêté des intentions, fabriqué un procès médiatique, inversé les rôles Jusqu’à ce que ceux-là mêmes qui l’avaient cloué au pilori finissent par avouer, en silence ou en public : “Nous nous sommes trompés.”

Mais à quel prix ?

Car dans un pays où les journalistes sont encore attendus comme des phares dans la nuit démocratique, chaque faute est une trahison.

Chaque approximation, une balle dans le pied de la crédibilité collective. Quand un journaliste cède à la facilité, c’est tout le métier qui en paie le prix. Et dans ce monde numérique où la confiance est devenue une denrée rare, il faut la construire pierre après pierre, et non la saboter tweet après tweet

Ce métier est un métier noble. Il a été pensé comme un contre-pouvoir. Pas comme un amplificateur de buzz ou un facilitateur d’intox. Il a été conçu pour poser des questions que personne n’ose poser, pas pour surfer sur les réponses toutes faites Et sa force réside moins dans le ton que dans le fond. Moins dans le style que dans la vérification. Moins dans l’opinion que dans la discipline.

Alors oui, il est salutaire que certains reviennent aujourd’hui sur leur précipitation Mais il faut aller plus loin Il faut faire de cette affaire un cas d’école Enseigner à nos jeunes journalistes qu’on ne se jette pas dans une affaire parce qu’elle fait du bruit. Qu’on n’accuse pas un homme public parce qu’on croit en sa culpabilité Qu’on ne fait pas du journalisme pour “croire”, mais pour savoir Et que parfois, ne rien publier est une forme supérieure de professionnalisme.

Assalé Tiémoko, dans cette affaire, n’est pas seulement un acteur Il est un test Un test pour la presse Un test pour la démocratie Un test pour l’intégrité de notre espace public. Et ceux qui l’ont attaqué sans preuve ne lui ont pas fait mal. Ils ont dégradé leur propre outil : la crédibilité. La leur. Celle de leur média. Et, par ricochet, celle de tout un écosystème

Le journalisme est un métier exigeant. Il ne tolère ni paresse, ni panique, ni propagande. Il demande du courage, oui mais surtout du temps, de la mémoire, de la structure, et une rigueur à toute épreuve. Sans cela, il n’est plus qu’un divertissement dangereux Et le danger, ce n’est jamais la vérité. Le danger, c’est de croire qu’on peut s’en passer.

PRÉSIDENTIELLE 2025/LA CEI TRANCHE : PAS DE RLE AVANT

La Commission Électorale Indépendante (CEI) a fait un choix décisif. Lors d’une conférence de presse tenue ce lundi 2 juin 2025 à Abidjan, son président, Coulibaly-Kuibiert Ibrahime, a annoncé qu’aucune nouvelle opération de révision de la liste électorale ne serait lancée, afin de préserver la tenue de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels.

Face aux interrogations et appels à une révision exceptionnelle de la liste électorale, le président de la CEI a estimé que cette hypothèse compromettrait la rigueur du calendrier électoral. « Pour tenir compte de cette impossibilité, nous avons, en son temps, envisagé l’option de capter ceux des citoyens devant atteindre la majorité civile à fin février 2025, date de la publication de la liste électorale provisoire », a-t-il précisé.

Le respect des règles, socle du processus À quelques mois d’une élection majeure, CoulibalyKuibiert a invité les citoyens à faire preuve de responsabilité démocratique et à renforcer leur confiance dans les institutions. « Rien n’est jamais assez parfait pour échapper à la critique Mais c’est par le respect des règles et des institutions que nous ferons progresser notre pays », a-t-il affirmé. Les électeurs pourront vérifier leur inscription à partir du mercredi 4 juin, via le site officiel de la CEI (www cei ci) ou par USSD en composant *919# ou #919# sur tous les réseaux mobiles nationaux

Le parrainage maintenu et encadré

La CEI a par ailleurs confirmé que le parrainage citoyen – mesure introduite en 2020 – sera maintenu pour cette élection. Chaque candidat devra collecter les signatures nécessaires à partir de la liste électorale définitive, comme réclamé par plusieurs partis et observateurs du processus.

Le président de la CEI a indiqué que les partis politiques seront mieux formés pour cette étape cruciale, afin de faciliter la recevabilité des candidatures devant le Conseil constitutionnel. « Les leçons des scrutins passés ont été intégrées pour assainir les procédures », a-t-il assuré. En conclusion, Coulibaly-Kuibiert a placé son propos sous le signe de l’apaisement et de la responsabilité collective. Citant Aimé Césaire, il a rappelé que « la Nation n’est pas une construction, mais un mûrissement », et que la gestion de la liste électorale s’inscrit dans cette dynamique de consolidation démocratique Philomène Tourey

OPINION | UNE PRÉSIDENTIELLE SANS LES JEUNES ?

La Commission Électorale Indépendante a décidé : aucune nouvelle révision de la liste électorale ne sera effectuée avant l’élection présidentielle d’octobre 2025. En clair, des centaines de milliers de jeunes majeurs en 2025 ne voteront pas.

C’est une décision incompréhensible. L’élection présidentielle est l’élection la plus importante C’est celle qui engage l’avenir d’un pays, qui devrait mobiliser le plus largement possible. Et pourtant, on s’apprête à la tenir avec une liste électorale incomplète, figée, volontairement fermée.

On invoque le calendrier, la logistique, les délais Mais à quoi bon organiser un scrutin "dans les temps" si une partie significative du peuple n’a même pas le droit d’y participer ? En démocratie, l’inclusion prime sur la commodité

Des jeunes ivoiriens, conscients, engagés, désireux de voter pour la première fois, seront écartés du processus. Et on leur dira que c’est “la règle”. Mais qui fait ces règles ?

Directeur de Publication : Israël Guébo

Secrétaire de rédaction : Jemima Kessié

Direction Artistique : Félix Ancien

Qui les change selon les échéances ? Pourquoi avoir organisé une révision avant les élections locales, mais pas avant la présidentielle ?

Cette décision affaiblit la légitimité du scrutin à venir. Elle nourrit le sentiment que le jeu démocratique est verrouillé, réservé à ceux qui sont déjà dedans Le vote est un droit, pas une faveur.

Réviser la liste après la présidentielle, c’est inviter les absents une fois le choix fait. C’est reculer l’avenir au lendemain d’un rendez-vous décisif Une démocratie forte commence par là : donner à chaque citoyen la possibilité de s’exprimer. En temps utile.

IG

Rédacteurs : Arthur Debi, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
Abidjan soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)

«LA FÊTE, C’EST LA FÊTE!»: LA CÔTE D'IVOIRE SE PRÉPARE À CÉLÉBRER LA TABASKI

L'Aïd el-Kébir ou Aïd el-Adha, la plus grande fête de l'islam, sera célébrée ces 6 et 7 juin dans les pays et les communautés musulmanes. Elle est appelée Tabaski en Afrique de l'Ouest. En Côte d’Ivoire, où plus de 40% de la population est musulmane, les foyers se préparent à des rassemblements familiaux, mais pas seulement. À Abidjan, une famille nous a ouvert ses portes.

Tous les ans, c’est le même ballet dans la maisonnée Madame Taofik, qui tient une boutique à Cocody, sait que son petit pavillon de Blockhaus ne suffira pas à accueillir tous ses invités. Avec la famille élargie et les conjoints, la population du foyer devrait doubler. Alors il faut anticiper. « Le matin avant la prière, ma belle-fille et son mari vont venir, explique Madame Taofik Ma fille aussi, qui n’est pas encore mariée vient aussi, tout comme le petit frère de mon mari. Ce qui est sûr, c'est qu'on sera en famille. Tout le monde va venir à la maison pour qu’on fête ensemble. Souvent on dépasse les quinze personnes ! Quand la famille vient, on loue les sièges quand il est l’heure de manger. On sait bien s’amuser ! »

Plus que les retrouvailles, les enfants sont enthousiasmés par les habits de fête et le festin. En réunissant toutes les générations, la Tabaski est aussi l’occasion de transmettre les traditions aux plus jeunes. Les pères de famille mettront à mort le mouton ou le bœuf, pour ceux qui en ont les moyens.

Le petit-fils de Madame Taofik, Jimoh, veut apprendre auprès de son père, qui a promis de l’initier. « La fête va bien se passer, prédit le garçon de dix ans.

On va payer un joli habit pour moi, des jolies chaussures, un chapeau, et un bœuf.

On va fêter en famille, on va manger et rigoler. Je suis très pressé ! Mon papa va tuer le bœuf, il va me montrer comment, je vais regarder. Comme ça, quand je serai grand, je pourrai le faire aussi. »

« J'ai des amis chrétiens et des amis musulmans, je célèbre avec tout le monde »

Les femmes de la maison préparent le repas la veille, mais les traditions évoluent chez une jeunesse urbaine et moderne. Pour elle, Tabaski n’est plus seulement une célébration familiale, mais aussi un moment de fête avec les amis, toutes religions confondues « On a programmé de faire une sortie le soir, explique Rokia Taofik, 27 ans. Le matin, je suis à la maison avec les parents. Après avoir mangé, tout le monde est à l’aise, vous vous reposez. Et puis le soir, vers 19h, vous sortez, vous partez vous amuser Moi, j’ai des amis chrétiens et des amis musulmans, donc je fête avec tout le monde Tout le monde a droit à la fête de la Tabaski ! Il ne faut pas dire “lui est musulman, lui est chrétien, il ne peut pas aller fêter” . La fête, c’est la fête ! »

Plus de douze millions de personnes devraient célébrer la Tabaski vendredi 6 juin, qui sera un jour férié pour tous les Ivoiriens.

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