
La France à propos de la Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire
La France à propos de la Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire
À cinq mois de l’échéance électorale, la France sort du silence. Pas de pression, pas d’ingérence, mais une exigence : que la Côte d’Ivoire respecte ses propres règles. Derrière le langage diplomatique, un message clair adressé aux acteurs ivoiriens : la stabilité passera par la crédibilité du processus.
Ce qui devait fragiliser son autorité pourrait bien avoir consolidé sa légitimité. Face à une action en justice engagée par Yapo Valérie, ancienne déléguée départementale du PDCI-RDA, Tidjane Thiam vient de clore un chapitre judiciaire dont il ressort politiquement plus ancré que jamais.
Le jeudi 22 mai 2025, le tribunal a rejeté la quasitotalité des requêtes de la plaignante, qui contestait la légalité de son élection à la tête du parti et réclamait une mise sous administration provisoire du PDCI. Des demandes que les avocats du parti ont qualifiées d’irrecevables et que plusieurs observateurs ont interprétées comme une tentative de déstabilisation à l’approche de la présidentielle
Une plainte devenue caduque
Ironie du sort, c’est la démission inattendue de Tidjane Thiam, annoncée dans la nuit du 11 au 12 mai, qui a désamorcé le cœur du contentieux Le juge a estimé que les demandes de suspension des organes du parti et de désignation d’un administrateur provisoire n’étaient plus pertinentes, le président contesté ayant quitté ses fonctions et un nouveau congrès ayant été convoqué pour le 14 mai
« La justice a dit le droit. Le contexte a changé. La plainte ne tient plus », a résumé Me Suy Bi, avocat du PDCI-RDA.
Une manœuvre politique habile, qui a pris de vitesse ses adversaires tout en repositionnant Thiam comme maître du calendrier interne du parti.
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Une opposition interne désamorcée
Depuis février, Yapo Valérie contestait la légitimité de l’ancien CEO du Crédit Suisse, arguant qu’il s’était présenté à la présidence du parti alors qu’il détenait encore la nationalité française. Une question aujourd’hui tranchée, puisque Thiam a depuis renoncé à cette double nationalité.
Le tribunal a néanmoins ordonné la réintégration de Valérie Yapo dans ses droits en tant que militante, une décision déjà anticipée par la direction du parti lors du bureau politique du 5 avril.
Réélu, plus légitime que jamais
Le 14 mai, lors du 9ᵉ congrès extraordinaire du PDCI-RDA, Tidjane Thiam a été réélu à la tête du parti. Un retour confirmé, moins de trois jours après sa démission surprise, qui témoigne d’un soutien solide au sein de la base militante
De cette séquence, Tidjane Thiam ressort renforcé
Son leadership a été remis en jeu, contesté, puis réaffirmé. Pour un homme en campagne vers la magistrature suprême, cette capacité à résister, reculer pour mieux avancer, et rassembler malgré les vents contraires, constitue sans doute l’un de ses arguments les plus solides.
Philomène Tourey
Alors que la présidentielle d’octobre 2025 se profile à l’horizon, la France a clarifié sa position : ni pression, ni ingérence, mais un appel à la responsabilité des institutions ivoiriennes.
Interpellé à l’Assemblée nationale française par le député Aurélien Taché (LFI), le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a livré une réponse mesurée mais sans équivoque : la question d’une nouvelle révision de la liste électorale relève exclusivement des autorités ivoiriennes.
« Nous soutenons tous les efforts en faveur d’un processus électoral inclusif, transparent et apaisé. […] Quant à la révision de la liste électorale, la décision d’y procéder relève de la responsabilité des institutions ivoiriennes », a déclaré le ministre Derrière cette posture diplomatique, une volonté claire de ne pas s’immiscer dans un débat profondément politique et juridico-institutionnel en Côte d’Ivoire Une ligne qui s’inscrit dans la tradition française d’accompagnement plutôt que d’intervention, surtout sur des sujets à haute sensibilité comme les listes électorales.
La CEI et le gouvernement tranchent : pas de nouvelle révision
En Côte d’Ivoire, la Commission électorale indépendante (CEI) s’est déjà exprimée à plusieurs reprises : la révision de la liste électorale n’est pas envisageable à ce stade, invoquant des contraintes de calendrier et de logistique
Une position soutenue par le gouvernement et le RHDP, au nom du respect des institutions et des délais constitutionnels.
« C’est la CEI qui est chargée de la révision de la liste électorale C’est une commission indépendante, et le
gouvernement n’a pas à lui dicter ce qu’elle doit faire », rappelait Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement, en février dernier.
Une opposition sous pression, des figures majeures écartées
Face à cette fermeture institutionnelle, l’opposition ivoirienne se retrouve en difficulté. Elle conteste la légitimité de la liste électorale actuelle, qu’elle juge entachée d’irrégularités, et continue de réclamer un audit indépendant
Plus de cinq millions d’Ivoiriens non-inscrits selon elle, seraient exclus du processus. Mais au-delà des chiffres, c’est la question des exclusions politiques qui cristallise les tensions
Des leaders comme Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé ou Guillaume Soro sont, pour diverses raisons judiciaires, absents du fichier électoral ou privés de leurs droits civiques. Des absences lourdes de conséquences dans un scrutin à fort enjeu démocratique
Une élection sous haute tension, entre légalité et légitimité
Dans un climat où l’opposition évoque l’exclusion et où le pouvoir appelle au respect des institutions, la présidentielle de 2025 s’annonce à haut risque politique. Le RHDP, confiant, assure que le vote se déroulera dans les délais, dans le calme et la légalité.
Mais la question reste posée : une élection peutelle être apaisée sans être inclusive ?
Arthur Debi
Le portugais António Luís Santos da Costa, ancien Premier ministre et actuel président du Conseil européen, a reçu le jeudi 22 mai 2025 à Abidjan le prestigieux Prix Félix Houphouët-Boigny-Unesco pour la recherche de la paix. La cérémonie, solennelle et riche en symboles, s’est tenue en présence du couple présidentiel ivoirien, de plusieurs membres du gouvernement, de diplomates et d’invités internationaux.
En présidant cette édition 2024, le chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, a souligné que ce prix célèbre non seulement l’engagement des lauréats en faveur de la paix, mais aussi la mémoire du président Félix Houphouët-Boigny, pour qui « la paix était un sacerdoce » et « le dialogue, l’arme des forts ». Il a également rendu hommage à feu
Henri Konan Bédié, qu’il a salué pour son rôle dans la préservation de l’esprit de ce prix au fil des années.
Le président Ouattara en a profité pour réaffirmer son engagement à garantir une élection présidentielle apaisée en octobre 2025 : « Toutes les dispositions nécessaires seront prises pour préserver la stabilité, la concorde nationale et les idéaux de paix qui ont fondé notre nation. » Il a également évoqué la situation sécuritaire dans le nord du pays, où la Côte d’Ivoire accueille près de 80 000 réfugiés fuyant les violences au Burkina Faso.
Dans son discours de remerciement, António Costa a déclaré que ce prix représentait « une immense responsabilité ». Pour lui, la paix ne se limite pas à l’absence de conflits armés : « La paix, c’est aussi la solidarité, le dialogue, la justice sociale »
l a appelé à faire rayonner ces valeurs « aux quatre coins du monde », insistant sur la nécessité pour l’Europe et l’Afrique de « construire ensemble un partenariat pour l’avenir »
IAudrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, a qualifié ce prix d’« africain par son enracinement, mais universel par son message » Elle a salué le parcours du lauréat, tout en exprimant sa gratitude à la Côte d’Ivoire pour son soutien constant à l’organisation qu’elle dirige : « Je souhaite que le message de paix porté par Félix Houphouët-Boigny continue de résonner dans le monde entier »
Le président du jury, le Dr Denis Mukwege, a pour sa part alerté sur le recul de la démocratie à l’échelle mondiale, affirmant que dans ce contexte, « le leadership d’António Costa incarne un espoir ». Il a également déploré les violences et instabilités persistantes sur le continent africain, en appelant à une mobilisation renforcée pour la justice et la dignité des peuples.
Un prix spécial du jury a également été décerné à l’organisation équatorienne « Fundación De Desarrollo Social Afroecuatoriana Azúcar », en reconnaissance de ses actions en faveur des droits des Afro-descendants en Amérique latine.
Créé en 1989, le Prix Félix Houphouët-BoignyUnesco récompense chaque année une personnalité, institution ou organisation ayant contribué de manière significative à la paix dans le monde. António Costa rejoint ainsi la liste des illustres récipiendaires, parmi lesquels figurent Nelson Mandela, Jimmy Carter ou encore le Pape Jean-Paul II. AD
Il a conseillé Abidjan, Accra, Brazzaville et Libreville. À la tête d’Algest Consulting, banque d’affaires basée à Paris, le Franco-Ivoirien Ibrahim Magassa est devenu l’un des artisans les plus sollicités du moment pour redessiner les courbes des dettes africaines. Parcours d’un stratège des finances publiques, aussi discret qu’influent, et dont certaines méthodes soulèvent aussi des interrogations.
Il a conseillé Abidjan, Accra, Brazzaville et Libreville À la tête d’Algest Consulting, banque d’affaires basée à Paris, le Franco-Ivoirien Ibrahim Magassa est devenu l’un des artisans les plus sollicités du moment pour redessiner les courbes des dettes africaines Parcours d’un stratège des finances publiques, aussi discret qu’influent, et dont certaines méthodes soulèvent aussi des interrogations
Ordre national du mérite gabonais
Un épais carnet d’adresses Quelques mois plus tard, au Gabon, rebelote. En amont de l’élection présidentielle, celui qui considère que « les États africains doivent avoir une stratégie de gestion de la dette à long terme » pilote l’opération baptisée « Mouele », une restructuration de la dette intérieure de 1 741 milliards de F CFA. Grâce à un partenariat avec Rothschild & Co et dix banques de la zone Cemac, l’État obtient un rééchelonnement à neuf ans de sa dette sur cinq ans, sans alourdir le stock. Fitch Ratings a salué cette initiative comme un modèle de gestion proactive, tout en soulignant le caractère insuffisant de l’opération. Le Gabon, selon l’agence de notation, manque d’argent pour faire face à ses dépenses. Mais ce type d’opération, très technique et politiquement sensible, suscite aussi son lot de critiques. Le site Gabon Leaks a notamment qualifié l’opération Mouele de « manœuvre opaque », pointant le choix d’un acteur encore peu connu du grand public et les conditions de sélection de son cabinet, Algest Consulting
Son carnet d’adresses est bien rempli : on l’a vu récemment à Paris en discussion avec Tony Elumelu, patron du groupe bancaire nigérian UBA, avec qui il a collaboré au Congo comme au Gabon En Côte d’Ivoire, où il a longtemps conseillé le gouvernement pour le financement de grands chantiers à hauteur de plus de 3 milliards d’euros, il a bénéficié de l’appui d’Amadou Gon Coulibaly. Après le décès du Premier ministre ivoirien, en 2020, Ibrahim Magassa installe définitivement son quartier général à Paris, sans jamais rompre le lien avec Abidjan.
Sur recommandation du président Alassane Ouattara à son homologue d’alors, le président Nana Akufo-Addo, il est également missionné en 2023 pour assister le Ghana dans la restructuration de 14,5 milliards de dollars de dette. Là encore, l’opération, menée aux côtés de Lazard, Hogan Lovells ou encore Lee Buchheit, est couronnée de succès, et saluée par le président ghanéen, qui le décore avant son départ en décembre 2024.
Une reconnaissance qu’il obtiendra aussi quelques mois plus tard quand, élu à la présidence de la République gabonaise, Brice Clotaire Oligui Nguema lui remettra une distinction honorifique, au même titre que le patron d’UBA, que Léon Koffi Konan (Atlantic Financial Group) ou encore qu’Henri-Claude Oyima (BGFIBank).
En parallèle de ses activités de conseil souverain, Ibrahim Magassa accompagne des investisseurs privés sur des financements structurés dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures. En mai dernier, il présentait à l’Unesco sa feuille de route pour soutenir les programmes prioritaires de l’organisation onusienne en Afrique, notamment l’éducation des jeunes filles et la formation professionnelle Également titulaire d’un diplôme en management d’Harvard, obtenu en 2016, Ibrahim Magassa fait aujourd’hui partie du cercle très restreint des banquiers capables de dialoguer à la fois avec les chefs d’État, les grands bailleurs internationaux et les acteurs du marché Une position centrale qu’il revendique avec sobriété, préférant les chiffres aux slogans, les résultats aux postures
Jeune Afrique