CES MOTS QUI BRÛLENT AUSSI
Alors que les flammes ravageaient le marché d’Adjamé, une autre forme d’incendie s’est déclarée sur les réseaux sociaux : celle des mots mal pesés. Un post effacé, mais capturé. Une erreur vite commise, mais longuement commentée. Dans un monde où le pouce publie plus vite que la pensée ne réfléchit, l’affaire Didi B soulève une question brûlante : que vaut une parole publique en temps de crise ? Car sur Internet, les mots aussi peuvent tout réduire en cendres.
Crédit photo : Authentique Fortographie


SUR INTERNET, LES MOTS AUSSI BRÛLENT
Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions

Il y a des incendies visibles, ravageurs, dont les cendres noircissent encore les trottoirs et les mémoires. Et puis, il y a les autres. Ceux qui ne consument pas des hangars, mais l’estime, le lien, la pudeur. Ce jeudi 15 mai 2025, alors que les flammes dévoraient les magasins du marché Petit Lomé à Adjamé, une étincelle numérique a suffi pour en allumer un autre. Sur les réseaux sociaux. Dans les cœurs. Dans les consciences.
Un post malheureux, vite modifié, puis effacé par l’artiste Didi B a déclenché une avalanche de réactions. Certains ont crié à l’indécence, d’autres ont invoqué l’erreur humaine. Mais au fond, ce débat dépasse la personne de l’artiste. Il pose une question fondamentale : qu’attend-on de ceux qui ont une voix qui porte, lorsque le peuple a mal ? Doivent-ils réagir à chaud, au risque de verser dans l’ego ou la récupération ? Ou se taire, au nom du respect, du recul, de la pudeur ? Faut-il publier un message de compassion, un silence solidaire ou, tout simplement, s’effacer pour laisser place aux cris étouffés de ceux qui ont tout perdu ?
Nous vivons dans un monde où publier est devenu un réflexe plus rapide que réfléchir. Mais les figures publiques, qu’on le veuille ou non, incarnent des repères. Elles ne sont pas tenues à la perfection, mais à la responsabilité. En temps de crise, chaque mot est un acte, et chaque acte peut devenir un symbole — de dignité ou d’égarement. À titre personnel, j’ai une maxime : « Tourner sept fois son pouce avant de publier. »
Autrefois, on tournait sa langue dans sa bouche avant de parler. Aujourd’hui, c’est notre pouce qu’il faut apprendre à maîtriser. Ce petit doigt qui scrolle, commente, partage, like ou publie… peut aussi appuyer sur la gâchette de l’irréparable.
Sur internet, chaque post laisse une trace. Même supprimé, il est capturé, archivé, disséqué. Le Web a de la mémoire. Elle peut être longue, cruelle parfois intransigeante. Et à ce stade, une simple erreur de quelques secondes peut effacer dix ans de projets, de combats ou de promesses. Une mauvaise phrase peut résumer toute une vie à une bourde.
Internet n’oublie pas. Il archive nos colères, nos maladresses, nos vanités. Et parfois, il choisit d’ignorer nos regrets.
Alors oui, avant de publier, tournons sept fois notre pouce. Parce qu’à l’ère du numérique, le discernement est une forme de sagesse. Et la retenue, une forme de respect.

PDCI-RDA : MAURICE KAKOU GUIKAHUÉ CLAQUE LA PORTE ET DÉNONCE LES MÉTHODES DE TIDJANE THIAM
Dans un communiqué diffusé dans la nuit du 15 mai 2025, Maurice Kakou Guikahué, vice-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), a annoncé sa démission de ses fonctions de conseiller politique du président du parti, Tidjane Thiam. Une décision fracassante, qui survient en plein cœur d’une tempête interne secouant le plus vieux parti politique du pays.
Nommé le 17 janvier dernier au poste stratégique de conseiller politique par une décision officielle du président Thiam, Guikahué, figure historique du PDCI et ancien bras droit de feu Henri Konan Bédié, justifie son retrait par un profond désaccord sur les méthodes de gouvernance du nouveau dirigeant.
« Des décisions majeures sont régulièrement prises sans que je ne sois consulté, ni même informé », déplore-t-il. Pire, affirme-t-il, ces décisions lui parviennent par voie de presse, comme à n’importe quel militant de base. Le point de non-retour semble avoir été franchi lors du 9ᵉ congrès extraordinaire du parti, tenu le 14 mai, deux jours à peine après la démission surprise de Tidjane Thiam. Ce dernier y a été réélu dans des conditions jugées opaques par Guikahué, qui fustige « une tenue sans président ni bureau du congrès ». Une « mascarade » pour certains, un « passage en force » pour d’autres.
Fidélité au parti, mais pas à ses pratiques actuelles L’ancien ministre de la Santé reste cependant attaché au PDCI-RDA.
Dans son communiqué, il insiste : « Je demeure un militant convaincu du PDCI-RDA et participerai aux combats pour sa survie ; le PDCI-RDA étant l’âme de la Côte d’Ivoire. »
Mais il affirme ne pas pouvoir « s’accommoder » des méthodes actuelles, qu’il juge contraires aux valeurs de loyauté, de consultation et de transparence inculquées par l’histoire du parti.
Une crise de gouvernance profonde
Cette démission, loin d’être un simple acte personnel, illustre les profondes lignes de fracture au sein du PDCI-RDA depuis l’arrivée de Tidjane Thiam à sa tête. Le retour de ce dernier, perçu comme une tentative de renouvellement, suscite à la fois espoirs et crispations. Le départ de Guikahué, une figure tutélaire du parti, risque d’amplifier les tensions déjà vives.
Au-delà des divergences individuelles, c’est la question de la gouvernance interne et de l’unité du parti qui est désormais posée. Le PDCI-RDA, engagé dans une phase de recomposition, pourrat-il surmonter cette épreuve sans perdre son âme ? Philomène Tourey

DÉCRYPTAGE – GUIKAHUÉ : LE MAUVAIS MOMENT POUR PARTIR ?
Parmi les nombreuses réactions suscitées par la démission de Maurice Kakou Guikahué, celle du journaliste Saint-Claver Oula tranche par sa franchise et sa tonalité critique. Dans un texte incisif publié sur ses réseaux sociaux, le journaliste s’interroge ouvertement sur le timing de la sortie de l’exbras droit de feu Bédié.
« On ne lâche pas son patron lorsque celui-ci est dans les creux des vagues de l’adversaire au pouvoir et de la Justice », martèle-t-il.
Pour Saint-Claver Oula, Guikahué aurait dû faire preuve de solidarité stratégique, en demeurant aux côtés de Tidjane Thiam face aux attaques politiques et judiciaires, notamment après la radiation contestée de ce dernier de la liste électorale.
Il revient sur un épisode révélateur : le 27 avril dernier, alors que le PDCI était sous pression judiciaire, un aîné tente d’obtenir une réaction de Guikahué. Ce dernier élude, affirmant « ne pas parler politique ». Une posture que le journaliste juge incohérente avec sa récente sortie où il se plaint d’être écarté des prises de décisions.
Directeur de Publication : Israël Guébo
Secrétaire de rédaction : Jemima Kessié
Direction Artistique : Félix Ancien
« Est-ce Guikahué qui devait se tenir aux côtés de son président, ou celui qui subit un harcèlement politico-judiciaire qui devrait venir à ses pieds ? », questionne-t-il.
Au-delà de l’homme, c’est une culture interne du parti que Saint-Claver Oula met en accusation. Selon lui, certains cadres du PDCI-RDA auraient espéré que Tidjane Thiam « fasse d’eux des rois », forts de leur longévité au sein du parti. Un fantasme que ne partage pas, selon lui, la base militante.
Et de conclure, sur un ton stratégique : « Le vrai débat aujourd’hui, c’est : qui peut déboulonner Alassane Ouattara ? Voilà la seule urgence politique du moment. »
Un avis tranché, qui remet la lumière sur les fractures générationnelles, culturelles et stratégiques au sein du PDCI. PT
Rédacteurs : Arthur Debi, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)
TRAORÉ ABOUDRAHAMANE : D’ABOBO AUX SOMMETS DE L’ÉLITE
SCIENTIFIQUE MONDIALE
Il s’appelle Traoré Aboudrahamane. Il est né à Abobo. Il a grandi dans cette commune souvent stigmatisée, rarement célébrée. Mais en 2024, ce jeune Ivoirien a inscrit son nom dans l’histoire. Il est devenu l’un des rares Africains admis à la prestigieuse École Polytechnique de France, connue simplement sous le nom de “l’X”.
Un destin hors du commun, forgé à la sueur de l’effort et à la flamme de l’ambition.

Son parcours démarre dans les salles de classe du Collège Anador d’Abobo, où il décroche son Baccalauréat C avec mention Bien. Déjà, les graines de l’excellence étaient semées. Elles trouvent un terreau fertile à l’INP-HB, au sein des classes préparatoires MPSI/MP, véritable pépinière des futurs ingénieurs d’élite. Et puis, vient la consécration : intégrer l’X, ce temple de la science, berceau de leaders internationaux.
Une ascension nationale et symbolique
Aboudrahamane Traoré fait partie des 08 étudiants ivoiriens admis à l’X en 2024, une année record pour la Côte d’Ivoire. Parmi eux, 05 sont issus de l’INP-HB et 03 du Lycée Blaise Pascal. Cette performance vient consacrer une dynamique d’excellence relancée grâce au partenariat noué en 2015 entre l’INP-HB et Polytechnique. Depuis cette date, 40 étudiants ivoiriens ont intégré ce prestigieux établissement. À titre de comparaison, seuls 8 Ivoiriens y étaient parvenus de 1960 à 2015, dont deux figures connues : Tidjane Thiam (1981) et Abdourahmane Cissé (2001).
Le symbole d’une Côte d’Ivoire qui croit en elle Le parcours de Traoré n’est pas qu’une réussite individuelle. Il est un symbole. Le symbole d’une jeunesse ivoirienne capable de rivaliser avec les meilleurs du monde, quand elle est soutenue, guidée, valorisée. Le symbole aussi d’un pays dont l’excellence académique peut — et doit — redevenir un levier de rayonnement international.
Dans un contexte souvent marqué par la résignation ou l’exil intellectuel, l’histoire d’Aboudrahamane sonne comme une promesse. Celle qu’un enfant d’Abobo, à force de mérite et de rigueur, peut tutoyer les cimes du savoir scientifique mondial.
De la poussière d’Abobo à l’aigle de Palaiseau, c’est toute une nation qui salue, avec fierté, ce parcours exemplaire. Et qui, peut-être, y puisera l’élan pour inspirer d’autres vocations. Car les étoiles, parfois, naissent dans les quartiers populaires. Il suffit de lever les yeux.
Arthur Debi
INCENDIE A PETIT LOMÉ (ADJAMÉ) : DES VIES RÉDUITES EN CENDRES

Vingt-quatre heures après le terrible incendie qui a ravagé le marché de Petit Lomé, dans la commune d’Adjamé, l’émotion reste vive. Ce matin encore, des commerçants, hagards, errent entre les décombres, debout sur les cendres de leurs investissements, incapables de croire à la brutalité du destin.
Il est presque 10 heures lorsque nous arrivons sur le boulevard Nangui Abrogoua. En face du supermarché Chic Shop, un périmètre de sécurité établi conjointement par la police municipale et la police nationale bloque l’accès. À leurs côtés, les sapeurspompiers militaires, toujours mobilisés, inspectent minutieusement les moindres recoins de ce marché emblématique, dont environ 600 m2 ont été réduits en ruines.
Le constat est accablant. Des allées entières ont disparu sous les flammes. Et avec elles, des années de labeur, d’économies, de rêves bâtis génération après génération.
« Nous avons pu sortir quelques marchandises, mais c’est un drame que nous vivons », confie Karamoko, vendeur de vêtements, présent sur le site dès 6h du matin le jour de l’incendie. Derrière une apparente résilience, c’est la douleur d’une perte irrémédiable qui transparaît.
Karim, agent de sécurité du marché, peine à contenir son émotion en relatant les faits. « C’est vers 5h30 que le feu a démarré à l’entrée 2, près des escaliers. C’était un petit feu dû à un court-circuit. Nous avons tenté de l’éteindre avec les deux extincteurs disponibles, mais ils étaient troppetits pour être efficaces. »
Le feu s’est rapidement propagé au plafond, puis à l’ensemble du marché, devenant incontrôlable en quelques minutes.
Bien que les sapeurs-pompiers aient mis à peine 15 minutes pour arriver, leurs efforts ont été entravés par la configuration chaotique du marché : des accès étroits, encombrés, mal ventilés, et surtout l’absence de bouches d’incendie, ont rendu leur intervention difficile. Face à trois foyers d’incendie simultanés, leur combat contre les flammes a duré jusqu’au début d’après-midi.
Petit Lomé, bien au-delà d’un espace commercial de renom, ou créateurs informels de modes s’y retrouvent depuis des décennies, est un pan vivant de l’histoire d’Adjamé. Des centaines de commerces s’y sont succédé, contribuant activement à l’économie locale. Aujourd’hui, ce sont des sacrifices carbonisés qui jonchent le sol, laissant un parfum désagréable de mauvais souvenirs .
Le drame remet en lumière les failles sécuritaires de nombreux marchés traditionnels: la promiscuité des installations, le manque d’aération, l’accessibilité réduite pour les secours, et un nombre insuffisant d’extincteurs.
Une enquête est en cours pour déterminer avec précision l’origine du sinistre. Mais déjà, une évidence s’impose : la nécessité urgente de repenser la sécurité des marchés traditionnels enCôte d’Ivoire.
Bainguie Jean-François
POLÉMIQUE APRÈS L’INCENDIE D’ADJAMÉ : DIDI B DANS LA TOURMENTE APRÈS
UNE PUBLICATION MALADROITE
Alors que les cendres du marché "Petit Lomé" d’Adjamé continuaient encore de fumer ce jeudi 15 mai 2025, une autre étincelle — cette fois virtuelle — a mis le feu aux réseaux sociaux. L'artiste ivoirien Didi B, star incontestée du rap francophone, s’est retrouvé au cœur d’une vive controverse suite à une publication jugée maladroite en lien avec le drame.
Tout est parti d’un post diffusé par le rappeur sur ses réseaux sociaux dans la matinée, quelques heures après l’incendie. Mal perçue par de nombreux internautes, la publication semblait — selon certains — faire abstraction de la gravité des événements en cours, voire capitaliser sur le drame pour mettre en avant sa propre image. Face au tollé immédiat, l’artiste a rapidement modifié, puis supprimé son message. Trop tard : les captures d’écran circulaient déjà massivement.
Dans un second temps, Didi B a tenté d’éteindre l’incendie en ligne avec une nouvelle publication, dans laquelle il exprimait son soutien aux sinistrés et expliquait sa démarche. Mais pour certains, le mal était fait. Accusé de manque d’empathie, de calcul médiatique et d’indécence, l’artiste s’est vu reprocher de ne pas avoir mesuré l’impact de ses mots à un moment où des commerçants voyaient partir en fumée le fruit de toute une vie de labeur.
Rappel des faits : un marché dévasté à l’aube L’indignation autour de cette publication trouve d’autant plus d’écho qu’elle intervient dans un contexte de grande émotion. Le sinistre s’est déclaré aux alentours de 5h du matin sur le boulevard Nangui Abrogoua, à Adjamé, enface de la boutique Chic Shop.
Les flammes, attisées par des matières inflammables, ont ravagé des dizaines de magasins : vêtements, tissus, produits chimiques, matériel électroménager...
Les pertes sont estimées à plusieurs dizaines de millions de francs CFA. Si aucune perte en vie humaine n’est à déplorer, les dégâts matériels sont immenses.

Le Groupement des sapeurs-pompiers militaires (GSPM), appuyé par la police et la CIE, est intervenu rapidement pour circonscrire l’incendie et sécuriser la zone. Cet épisode tragique survient quelques jours seulement après l’incendie du grand marché de Duékoué, ravivant le débat sur la sécurité dans les marchés urbains de Côte d’Ivoire.
Le constat est accablant. Des allées entières ont disparu sous les flammes. Et avec elles, des années de labeur, d’économies, de rêves bâtis génération après génération.
« Nous avons pu sortir quelques marchandises, mais c’est un drame que nous vivons », confie Karamoko, vendeur de vêtements, présent sur le site dès 6h du matin le jour de l’incendie. Derrière une apparente résilience, c’est la douleur d’une perte irrémédiable qui transparaît.
Karim, agent de sécurité du marché, peine à contenir son émotion en relatant les faits. « C’est vers 5h30 que le feu a démarré à l’entrée 2, près des escaliers. C’était un petit feu dû à un court-circuit. Nous avons tenté de l’éteindre avec les deux extincteurs disponibles, mais ils étaient troppetits pour être efficaces. »
Le feu s’est rapidement propagé au plafond, puis à l’ensemble du marché, devenant incontrôlable en quelques minutes.
Arthur Debi / Crédit photo: Authentique Fortographie