LA HAUSSE DES RÉSERVES D’OR DE LA BCEAO, UNE BONNE NOUVELLE POUR L’AFRIQUE DE L’OUEST ?

Avec la flambée du cours du métal jaune, les avoirs en or de l’institution monétaire ouest-africaine ont augmenté de 38 % en un an. Saluée par certains, cette évolution pose aussi des questions. leurs réserves en or, cela permet de soutenir la monnaie », commente, sur la même ligne, un banquier ouest-africain, qui rappelle que les réserves d’or servent avant tout à renforcer la crédibilité d’une banque centrale et à sécuriser ses actifs face aux chocs systémiques.
Fin décembre 2023, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) disposait d’avoirs en or d’un montant total de 1 831,7 milliards de F CFA (environ 2,8 milliards d’euros). Ces réserves – placées à hauteur de 70 % à la Banque de France – ont augmenté de 38 % sur un an, et ont ainsi atteint 2 531,8 milliards de F CFA à la fin de l’année 2024, selon les derniers états financiers de l’institution monétaire ouestafricaine.
Cette hausse est principalement due à la flambée du cours de l’or, qui a franchi la barre des 3 000 dollars l’once Le prix du métal jaune a progressé de 19 % au premier trimestre de cette année, confirmant une tendance observée l’an dernier, ce qui explique que la valeur des réserves a progressé quand la quantité physique d’or détenue est, elle, restée quasiment stable : autour de 43 tonnes
« L’or monétaire fait partie des réserves officielles des banques centrales Naturellement, plus une banque centrale dispose de réserves, plus la couverture de sa monnaie est solide. Cela signifie tout simplement que, même si beaucoup d’entreprises et de particuliers se présentent pour convertir leur monnaie locale en devises, la banque centrale est sûre de pouvoir le faire », explique une source au sein de l’institution monétaire basée à Dakar.
« Une orientation à manier avec discernement » En 2023, pour contrer l’inflation, la banque centrale avait relevé son taux moyen pondéré à 4,68 % et restreint l’accès aux liquidités. Un durcissement de la politique monétaire qui avait plongé les banques commerciales de la région dans une spirale de crises de liquidités désormais révolue.
« Toutes les banques centrales au monde renforcent
« Cette hausse peut s’expliquer par une volonté de diversification stratégique dans un contexte mondial incertain marqué par des tensions géopolitiques et la résurgence du protectionnisme avec le retour de Donald Trump aux États-Unis », confirme l’économiste sénégalais Magaye Gaye
Si la hausse des réserves de métal jaune permet de résister à l’inflation en consolidant la stabilité du franc CFA, elle pose aussi des questions Plusieurs voix appellent ainsi la BCEAO à ne pas transformer ce coussin de sécurité en une accumulation oisive, surtout si le cours de l’or venait à dégringoler à moyen terme
« Augmenter considérablement le niveau des réserves de change n’est pas nécessairement une bonne chose pour un pays », reprend l’économiste Magaye Gaye, passé par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). « Cette orientation, bien que prudente, doit être maniée avec discernement dans la mesure où un stock excessif d’or peut devenir contre-productif s’il représente une part importante des réserves, au détriment des ressources mobilisables pour financer le développement et notamment le commerce extérieur structurellement déficitaire des États. »
Prudence monétaire vs impératifs de développement
Alors que plusieurs pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) suivent des -->

--> trajectoires de croissance portées par la découverte d’hydrocarbures et de gaz, un point fait notamment débat : le maintien de la règle de trois à quatre mois de couverture des importations par les réserves de change
« Dans une phase marquée par une volonté accrue de maîtrise des ressources nationales et par un engagement sur une gestion plus responsable, n’est-il pas temps de repenser cette règle de précaution pour mieux aligner les réserves de change sur les impératifs de développement ? » se demande ainsi l’ancien cadre sénégalais de la BOAD.
Et de préciser : « Ces perspectives promettent un commerce extérieur plus dynamique, notamment avec des recettes d’exportation accrues. Parallèlement, le tournant vers des politiques affirmées de souveraineté économique s’accompagne de véritables stratégies d’industrialisation, qui nécessitent des importations massives en biens d’équipement. »
De fait, il devient légitime de s’interroger sur le juste équilibre entre prudence monétaire et mobilisation des ressources pour la croissance. Autrement dit, à quel moment l’accumulation des réserves devient-elle pénalisante pour les économies ? Une question qui n’est pas près d’être tranchée
Jeune Afrique
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Deuil : Décès à Paris du Pr Philippe Cowppli-Bony, président honoraire du PDCI-RDA
Le professeur Philippe Cowppli-Bony, président honoraire du PDCI-RDA, est décédé à Paris le mardi 6 mai 2025 à l’âge de 91 ans, selon une note officielle du parti.
Des rumeurs persistantes sur son décès avaient circulé dès le dimanche 4 mai, mais avaient été formellement démenties par ses proches L'information a finalement été confirmée par une note signée du coordonnateur des activités des viceprésidents du parti, consultée par Linfodrome. « Profond regret de vous faire part du rappel à Dieu, le 6 mai 2025 en France, du président honoraire du PDCI-RDA, le Professeur Cowppli-Bony. Nos vives condoléances à la famille du regretté doyen, ainsi qu’à tous les militants du PDCI-RDA, parti auquel il était viscéralement attaché. », indique le document. Originaire de Bouaflé, le Pr Cowppli-Bony Kwassi Alphonse fut l’une des figures historiques du Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Auteur du livre « Les compagnons de l'aventure 46 », il était lui-même un acteur engagé de cette génération fondatrice du parti, née autour du combat anticolonial en 1946. Sur le plan politique, il a assuré l’intérim à la présidence du PDCI-RDA entre le décès d’Henri Konan Bédié, le 2 août 2023, et l’élection de Tidjane Thiam, le 23 décembre de la même année Médecin agrégé, gynécologue de renom, il a enseigné l’anatomie et la chirurgie générale à la faculté de médecine de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan Sa carrière universitaire et hospitalière a marqué plusieurs générations de médecins en Côte d’Ivoire, et lui a valu une reconnaissance tant nationale qu’internationale Sur le plan politique, il a assuré l’intérim à la présidence du PDCI-RDA entre le décès d’Henri Konan Bédié, le 2 août 2023, et l’élection de Tidjane Thiam, le 23 décembre de la même année. Depuis janvier 2024, il occupait le poste de président honoraire du parti et avait activement participé aux grandes décisions, du bureau politique qui décidé de la convention ayant acté la désignation de Thiam comme candidat du parti à la présidentielle de 2025. L’Infodrome
GHISLAIN DUGGARY ASSY : LIBERTÉ SOUS CONDITION, POUVOIR SOUS PRESSION

Ghislain Duggary Assy, enseignant et syndicaliste, est libre… mais sous condition. Remis en liberté provisoire ce mercredi 7 mai après un mois de détention, il reste poursuivi pour avoir organisé une grève réclamant le paiement de primes promises aux enseignants.
Son arrestation dans la nuit du 2 au 3 avril 2025 avait choqué : des hommes cagoulés, aucun mandat, une opération digne d’un film pour arrêter un professeur. Très vite, il est condamné à deux ans de prison pour « coalition d’agents publics » et « entrave au fonctionnement du service public ». Une condamnation que beaucoup jugent excessive. « On ne peut pas mettre quelqu’un en prison pour avoir réclamé ce qui lui est dû », dénonce Assalé Tiémoko, député et maire de Tiassalé. Sur sa page Facebook, il a écrit : « Aujourd’hui, on envoie un enseignant en prison parce qu’il a parlé. Et demain ? Ce sera qui ? On ne construit pas une Nation en muselant ceux qui demandent justice. »
Dès les premiers jours, les syndicats enseignants sont montés au créneau. L’IS-MENA, l’IS-METFPA, le SYNESCI Tous ont dénoncé une arrestation arbitraire Pour Kouadio Armand, secrétaire général d’un syndicat enseignant : « Cette arrestation, c’était un signal Mais on ne va pas se taire Ghislain, c’est nous tous » Des sit-in ont été organisés, des lettres adressées aux autorités, des campagnes sur les réseaux sociaux lancées La pression est montée, même dans les écoles où certains enseignants ont observé des journées sans cours en signe de protestation Sous cette pression, Ghislain Duggary Assy a été remis en liberté provisoire « Nous venons d’obtenir la mise en liberté provisoire de l’enseignant Syndicaliste Ghislain Duggary Assy Merci à toute l'équipe de défense », a réagi son avocat, Me Ange Rodrigue Dadjé. Beaucoup de citoyens, au-delà même du secteur de l’éducation, ont vu en cette affaire une tentative
d’intimider toute voix contestataire. Des figures politiques de l’opposition, mais aussi des leaders religieux et des intellectuels ont exprimé leur inquiétude. Mme K.Z, mère d’élève à Abobo, ne cache pas sa colère : « On promet des choses aux enseignants et on ne les respecte pas. Mais quand ils réclament, on les met en prison ? Ça, ce n’est pas juste. »
Cette affaire n’est pas isolée. Depuis plusieurs mois, des arrestations de cyberactivistes, de journalistes ou de militants ont été signalées. À chaque fois, la même méthode : interpellation brutale, détention, puis libération sous condition. Aujourd’hui, la société civile se pose des questions. Peut-on encore manifester, critiquer ou simplement réclamer ses droits sans être arrêté ? La liberté provisoire de Ghislain Assy est donc accueillie avec soulagement mais aussi prudence
Car il reste sous contrôle judiciaire Et surtout, il n’est pas blanchi Il peut encore être reconvoqué, rejugé, voire renvoyé en détention
Ce que retiennent les enseignants et leurs soutiens, c’est qu’ils doivent rester mobilisés Le combat pour des conditions de travail dignes, pour le respect de la parole de l’État, ne s’arrête pas
Et au-delà du cas Assy, c’est la place des syndicats dans la société ivoirienne qui est en jeu Car un syndicat qui ne peut plus revendiquer, c’est une société qui ne peut plus avancer
Jemima Kessié