

Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions
Il y a des silences qui enterrent la République. Et il y a des paroles qui réveillent les peuples. Ce 1er mai, le Barreau de Côte d’Ivoire a choisi de parler. Pas pour accompagner la foule dans une commémoration convenue, mais pour alerter. Dénoncer. Résister. Dans une déclaration sobre mais ferme, les avocats ivoiriens ont remis au centre du débat une évidence que l’on avait presque oubliée : la paix ne peut exister sans justice, et la justice ne peut exister sans droit.
Dans une Côte d’Ivoire où l’équilibre institutionnel semble vaciller, où la justice est perçue à tort ou à raison comme l’arme du plus fort, il fallait du cran pour dire, noir sur blanc : « La justice ne doit pas être un théâtre d’ombres où se jouent des luttes de pouvoir » C’est une prise de parole rare Et précieuse Car les exemples d’injustice grossière, d’abus ou de silence complice ne manquent pas Le syndicaliste Ghislain Duggary Assy, emprisonné pour avoir simplement revendiqué une prime, incarne cette nouvelle génération de victimes d’une justice sélective À l’opposé, l’affaire Komé du nom de cet homme d’affaires inculpé pour des expropriations foncières massives et frauduleuses symbolise ce que beaucoup dénoncent : une justice à deux vitesses. Depuis des années, malgré les cris des familles dépossédées, malgré l’ouverture d’une information judiciaire, Komé reste libre. Protégé. Intouchable.
Dans sa déclaration, le Barreau n’accuse pas. Il constate. Et il interpelle. Il s’inquiète des arrestations nocturnes en violation flagrante du Code de procédure pénale. Il dénonce la remise en cause des droits syndicaux. Il observe avec gravité que les mécanismes électoraux liste électorale, commissions, organes de contrôle sont déjà contestés à quelques mois de l’échéance présidentielle d’octobre 2025.
Mais surtout, le Barreau propose Il appelle à replacer le droit au cœur du débat public À faire de la justice un outil de médiation, et non d’intimidation. À garantir une séparation réelle des pouvoirs. À sortir les magistrats du soupçon permanent. À encadrer le débat politique pour qu’il n’ouvre plus la voie à la haine.
« Le droit doit servir de boussole pour protéger les fondamentaux de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de religion ou d’appartenance politique », insiste la déclaration.
Il faut saluer ce sursaut. Dans une société où beaucoup choisissent la prudence, où les institutions se taisent par réflexe ou par crainte, les avocats, eux, ont décidé de dire ce qui doit être dit. Ce n’est pas de l’opposition. Ce n’est pas de la provocation. C’est une profession de foi républicaine. La justice ivoirienne a trop souvent été le théâtre de crises plutôt que le régulateur des conflits. Elle a trop souvent amplifié les fractures au lieu de les résorber. Elle a parfois puni les faibles et protégé les puissants.
Si nous voulons éviter que 2025 ne soit une redite sanglante des années 2000, 2010 ou 2020, il faut écouter cette alerte Elle n’est pas politique Elle est vitale Quand le Barreau choisit l’honneur, il nous rappelle que dans un pays, la dignité ne se mesure pas à la taille des bâtiments ou au volume du PIB, mais à la rigueur avec laquelle la loi est appliquée Pour tous Sans exception
À l’occasion de la fête du Travail, Zadi Gnagna, président de la Confédération syndicale plateforme nationale des travailleurs de Côte d’Ivoire (CSNP), s’est exprimé dans le cadre de l’émission Life Talk du 01 mai. Il a dressé un bilan contrasté de la situation sociale des agents de la fonction publique, tout en appelant à la poursuite d’un dialogue sincère avec le gouvernement pour une résolution durable des tensions récentes.
À l’occasion de la fête du Travail, Zadi Gnagna, président de la Confédération syndicale plateforme nationale des travailleurs de Côte d’Ivoire (CSNP), s’est exprimé dans le cadre de l’émission Life Talk du 01 mai. Il a dressé un bilan contrasté de la situation sociale des agents de la fonction publique, tout en appelant à la poursuite d’un dialogue sincère avec le gouvernement pour une résolution durable des tensions récentes.
Dès l’entame de son intervention, Zadi Gnagna a salué les efforts législatifs entrepris ces dernières années, notamment la mise en œuvre du nouveau
Statut général de la fonction publique, son décret d’application, ainsi que l’instauration d’un cadre de concertation sectoriel. « Tous ces engagements ont été respectés jusqu’à ce jour, du moins sur le plan financier Et cela mérite d’être souligné », a-t-il déclaré, félicitant au passage le gouvernement pour sa diversité et son ouverture
Toutefois, le contexte actuel demeure, selon lui, « particulier et délicat » Il a évoqué les perturbations du dialogue social, notamment ans le secteur de l’éducation nationale, marquées par deux mouvements de grève, en octobre 2024 puis en avril 2025
Ces mobilisations ont entraîné des sanctions jugées disproportionnées, incluant des suspensions de salaire et même des emprisonnements, dont celui du camarade Dugarry Assi, actuellement incarcéré au pôle pénitentiaire d’Abidjan.
Malgré ces tensions, Zadi Gnagna s’est voulu porteur d’espoir, en mettant en avant la tenue de l’atelier du 17 au 19 avril dernier entre le gouvernement et les groupements syndicaux.
Cet atelier a permis l’élaboration d’un programme de travail consensuel, adopté par les syndicats et le gouvernement. Ce programme, qui court jusqu’en septembre 2025, accorde une priorité à la revalorisation salariale, notamment de la prime dite « d’incitation » réclamée aussi bien par les enseignants que par l’ensemble des fonctionnaires.
Abordant la question des sanctions, le président de la CSNP a plaidé pour une mesure d’apaisement. « En 2015, dans un contexte similaire, le Président de la République avait ordonné la levée de toutes les sanctions. Nous espérons un geste similaire cette année », a-t-il insisté. Il a également dénoncé le caractère excessif de certaines mesures, en particulier la suspension de dix jours de salaire pour seulement six jours de grève. « Cela ne peut que raviver les tensions », a-t-il averti
Concernant les agents non sanctionnés, actuellement appelés à justifier leur présence, Zadi Gnagna a demandé un traitement équitable et global pour l’ensemble des travailleurs Il a appelé le Président de la République à rembourser les ponctions opérées et à libérer les syndicalistes détenus, condition essentielle, selon lui, pour une reprise apaisée du dialogue social « Si ces deux actions sont réalisées, nous pourrons reprendre sereinement le dialogue social », a-t-il affirmé
Pour conclure, Zadi Gnagna s’est dit confiant quant à l’issue des négociations en cours, tout en appelant les travailleurs à rester mobilisés, mais ouverts au dialogue, dans l’intérêt supérieur du monde du travail. Bainguié Jean-François
Dans une déclaration solennelle, le Barreau de Côte d’Ivoire appelle les autorités et la société ivoirienne à replacer le droit au cœur du processus électoral. Alors que l’élection présidentielle d’octobre 2025 approche, les avocats alertent : sans justice indépendante et respect des libertés fondamentales, il n’y aura pas de paix durable.
Le droit est le fondement incontournable d'une paix véritable et pérenne. » En une phrase, le Barreau de Côte d’Ivoire plante le décor d’une déclaration sans ambiguïté À l’approche d’une nouvelle séquence électorale, les avocats du pays prennent la parole pour alerter sur les signes de fragilité de l’État de droit.
Faisant mémoire des blessures démocratiques passées boycott actif de 1995, crise post-électorale de 2010, violences de 2020 le Barreau appelle à tirer les leçons de l’histoire. « Depuis 1990, les élections présidentielles ont été marquées par la violence avant, pendant ou après les scrutins », rappelle la déclaration Les avocats pointent également la méfiance persistante autour de l’établissement de la liste électorale et de la crédibilité des organes électoraux.
Mais au-delà du processus électoral, c’est l’ensemble des libertés fondamentales qui semblent menacées.
« Le Barreau de Côte d’Ivoire constate des arrestations nocturnes en violation du Code des procédures pénales » et alerte sur les atteintes à la liberté syndicale, pourtant inscrite dans la Constitution.
Face à ces dérives, l’appel est clair : « La justice ne doit pas être un théâtre d’ombres où se jouent des luttes de pouvoir Elle doit demeurer le rempart des libertés. » Le Barreau exige que la déontologie judiciaire soit respectée, que la séparation des pouvoirs soit effective et que le débat public soit encadré pour prévenir les discours de haine
Alors que la Côte d’Ivoire s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire démocratique, les avocats rappellent que sans droit, il n’y a pas de paix. Et que sans justice indépendante, il n’y aura pas d’élections crédibles La balle est dans le camp des institutions. Philomène Tourey
Le mercredi 30 avril, Guillaume Soro s’est adressé à la Commission d’orientation et de coordination de son mouvement politique, Générations et Peuples Solidaires (GPS), depuis son lieu d’exil. L’ancien Premier ministre de Côte d’Ivoire a exprimé ses préoccupations quant à la situation socio-politique du pays à six mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025.
Dans son intervention, il a dénoncé ce qu’il considère comme une stratégie d’exclusion de plusieurs figures de l’opposition. « Je n’accepterai jamais cette exclusion Pas tant que je vivrai », a-til déclaré, faisant référence à son nom retiré de la liste électorale. Il a également cité les cas de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Tidjane Thiam, également écartés pour des raisons judiciaires
Guillaume Soro a interpellé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qu’il accuse de passivité face à la situation. « Je m’adresse à la CEDEAO, si prompte à condamner les régimes militaires mais étrangement silencieuse face aux coups d’État civils », a-t-il affirmé.
Il a ajouté : « Où est la CEDEAO quand un président viole la Constitution, manipule la justice, exclut ses opposants et se prépare à briguer un
Directeur de Publication : Israël Guébo
Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié
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quatrième mandat de fait ? »
L’ancien président de l’Assemblée nationale a également évoqué les risques de tensions. « Faut-il attendre une flambée de violence pour agir ? Faut-il du sang pour que les chancelleries se réveillent ? », a-t-il interrogé
Guillaume Soro appelle la CEDEAO à assumer « une responsabilité historique » dans la préservation de la démocratie dans la sousrégion et demande une réaction avant l’échéance électorale
Cette déclaration s’inscrit dans la continuité de ses prises de parole régulières depuis l’étranger, alors que le climat politique en Côte d’Ivoire reste marqué par des contestations autour du processus électoral
Tapé
Dans Sombre lagune (Fayard), Antoine Glaser mêle roman policier et satire politique. Entre trafics et corruption à Abidjan, certains personnages de fiction s’inspirent de figures réelles. L’auteur s’explique dans une interview chez nos confrères de RFI.
Sombre lagune raconte le combat d'un petit barbouze français contre la mafia d'Abidjan. On croise des trafiquants libanais, un flingueur marocain. Et ce qui frappe, c'est que la guerre du cacao a laissé la place à celle de la cocaïne ?
Absolument, on a l'impression maintenant que la cocaïne est absolument intégrée dans le cacao, qui reste la première production de la Côte d'Ivoire Mais on voit comment des narcotrafiquants ont pu planquer la cocaïne dans le cacao, il fallait y penser.
En 2021, deux tonnes de cocaïne ont été saisies dans les ports d'Abidjan et de San Pedro. Et on vient de juger, je crois, le chef de la cellule antidrogue du port d'Abidjan ?
Oui, parce que ce n'est pas particulier à la Côte d'Ivoire, on voit comment la police, les douaniers, des gens qui n'ont pas forcément des salaires extrêmement élevés, se laissent corrompre avec une grande facilité. Et quand c'est dans le port du Havre, on en parle vraiment comme quelque chose de quotidien Et bien à Abidjan, c'est la même chose, simplement à Abidjan, il n'y a pas tous les jours des arrestations.
Et c'est ce fait divers de 2021 qui vous a donné l'idée de ce livre ?
Ce qui m'a donné l'idée de ce livre, c'est vrai qu'il y a eu en Côte d'Ivoire un certain nombre de personnes qui ont disparu et l'idée du livre a vraiment germé à partir de ces disparitions.
Alors, il y a un enquêteur qui a disparu il y a 21 ans, dont tout le monde se souvient, c'est notre confrère Guy André Kieffer qui travaillait pour vous, Antoine Glaser, quand vous étiez le directeur de la Lettre du continent. Alors à l'époque, il a été kidnappé sur le parking d'un supermarché et depuis, on n'a jamais retrouvé son corps. Est-ce que vous avez pensé à lui en écrivant ce livre ?
Oui, en partie J'ai pensé à Guy André Kieffer, mais comme je n'ai pas enquêté réellement sur sa disparition, c'est vrai que j'ai pensé, mais j'ai fait en sorte que ça ne soit pas non plus son histoire. Guy André, il enquêtait beaucoup sur les trafics de cacao entre les pays, mais il enquêtait aussi sur la Guinée-Bissau, à l'époque du général Ansoumane Mané, donc je veux dire, c'était un
ensemble, mais bien sûr, j'ai pensé à Guy André Kieffer. En fait, cette fiction, c'est une toile de fond, c'est plusieurs histoires en une, c'est une ambiance. J'adore Abidjan aussi. C'est cette lagune qui pour moi est totalement mystérieuse Il y a 15 millions de personnes qui vivent à Abidjan et avec cette mixité de tous les pays voisins, c'est une capitale qui me fascine.
Dans ce livre, Antoine Glaser, vous avez une écriture sèche, une écriture de polar. Mais quelques fois, au détour d'une phrase, comme « le cash bloqué au Liban coule à présent dans le béton ivoirien », on retrouve le style un petit peu imagé et fleuri de la Lettre du continent, qui s'appelle aujourd'hui Africa Intelligence. Romancier d'un jour, journaliste toujours ?
Oui, bien sûr. C'était extrêmement difficile pour moi cette fiction, parce que, évidemment, je voyais Guy Andy Kieffer, j'en revoyais d'autres et c'était compliqué Évidemment, c'est une fiction qui m'a demandé beaucoup de travail parce que j’avais toujours envie d'écrire et d'enquêter sur la réalité de tout ça.
Alors, vous cachez évidemment de vrais personnages sous des pseudos et l'un des hommes clés de votre roman, c'est le toutpuissant ministre de l'Intérieur, Bamba. « Colosse et bon vivant », écrivez-vous. Je n’ai pas pu m'empêcher de penser à Ahmed Bakayoko, le défunt ministre de l'Intérieur de Côte d'Ivoire.
Oui et non, ce n'est pas Ahmed Bakayoko, mais c'est vrai que bon, Ahmed Bakayoko c'est vrai qu'il était le tout-puissant ministre de l'Intérieur, ensuite Premier ministre C'est vrai que lui, un peu comme le personnage Bamba, lui aussi, il voulait aussi peut-être accéder aux plus hautes fonctions de l'État. Mais dans la fiction, on ne sait pas comment il est mort, Bamba. Donc voilà, encore une fois, c'est vraiment une fiction Alors comme toile de fond évidemment, il faut quand même qu'il y ait des choses qui sont réelles, hein. Donc oui, c'est décalé, mais avec une toile de fond qui est la réalité du pays.
Alors, il y a un enquêteur qui a disparu il y a 21 ans, dont tout le monde se souvient, c'est notre confrère Guy André Kieffer qui travaillait pour vous, Antoine Glaser, quand vous étiez le directeur de la Lettre du continent. Alors à l'époque, il a été kidnappé sur le parking d'un supermarché et depuis, on n'a jamais retrouvé son corps. Est-ce que vous avez pensé à lui en écrivant ce livre ?
Oui, en partie J'ai pensé à Guy André Kieffer, mais comme je n'ai pas enquêté réellement sur sa disparition, c'est vrai que j'ai pensé, mais j'ai fait en sorte que ça ne soit pas non plus son histoire. Guy André, il enquêtait beaucoup sur les trafics de cacao entre les pays, mais il enquêtait aussi sur la GuinéeBissau, à l'époque du général Ansoumane Mané, donc je veux dire, c'était un ensemble, mais bien sûr, j'ai pensé à Guy André Kieffer. En fait, cette fiction, c'est une toile de fond, c'est plusieurs histoires en une, c'est une ambiance J'adore Abidjan aussi C'est cette lagune qui pour moi est totalement mystérieuse. Il y a 15 millions de personnes qui vivent à Abidjan et avec cette mixité de tous les pays voisins, c'est une capitale qui me fascine.
Dans votre livre où la lagune est bien sombre, vous écrivez : « des aigrettes blanc immaculé picorent les jambes effilochées et sanguinolentes du corps de la jeune femme », le contraste est fort !
Oui, mais justement, dans les « maquis » d’Abidjan, quand je regarde et que je me perds là, les yeux sur la lagune, je suis toujours autant révolté que fasciné de voir ces magnifiques oiseaux blancs se poser sur des détritus et de voir une lagune totalement polluée En particulier, bien évidemment, avec le port d'Abidjan, la raffinerie et cetera, et c'est vrai qu’il y a des problèmes de pollution qui sont extrêmes et donc c'est vrai que ces contrastes, c'est fascinant
RFI