

le vrai chantier, c’est le travail

Dans une société où le raccourci est célébré et l’effort relégué, il devient urgent de redonner au travail sa place : celle d’un pilier de dignité, de justice et de construction nationale. Ce 1er mai, plus qu’une fête, faisons-en un sursaut.




CÔTE D’IVOIRE : NOUS RÉCONCILIER AVEC
LE TRAVAIL
Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions
En Côte d’Ivoire, la devise nationale est claire : Union – Discipline – Travail. Trois piliers fondateurs, gravés sur les frontons de nos institutions, appris dès l’école primaire, répétés à chaque cérémonie solennelle. Mais que reste-t-il, en vérité, de ce triptyque lorsqu’on observe, sans filtre, la place qu’occupe aujourd’hui le travail dans notre société ?
Autrefois érigé en valeur cardinale, le travail a perdu de sa noblesse Il ne fait plus rêver Il n’élève plus Il ne protège plus Dans l’imaginaire collectif ivoirien, le fruit de l’effort a été supplanté par la fascination du raccourci, la quête du gain facile, l’apologie de la débrouillardise frelatée
Et dans cette inversion des repères, les tricheurs sont applaudis, les fraudeurs protégés, les corrompus décorés L’honnête citoyen, lui, s’épuise dans l’ombre, souvent dans l’indifférence ou la moquerie Une société où plus personne ne vous demande ce que vous faites, mais seulement ce que vous avez.
Le travail n’est pas qu’un gagne-pain. C’est un principe fondateur.
Dans toutes les grandes nations, le travail est un acte de construction collective. Il crée du lien social, forge l’identité, donne sens à la citoyenneté. Il est aussi, et surtout, la colonne vertébrale de toute économie saine.
Or, qu’avons-nous fait du travail en Côte d’Ivoire ? Nous avons vidé le mérite de son contenu. Nous avons substitué l'effort à l’opportunisme.
Nous avons accepté que les jours fériés soient systématiquement « pontés » plutôt que saisis comme des respirations fécondes
Le travail ne peut être relégué à un accessoire Il est au cœur de la dignité humaine Il structure l’homme, stabilise la famille, bâtit la nation Là où le travail est détruit, la société se délite
Il nous faut une Côte d’Ivoire du travail Une Côte d’Ivoire où l’on respecte l’artisan comme le cadre, le paysan comme l’ingénieur. Une nation où le diplôme ne vaut pas par le parchemin mais par l’utilité sociale qu’on en fait. Une société où les jeunes ne rêvent pas d’être influenceurs pour fuir la difficulté, mais inventeurs, agriculteurs, bâtisseurs pour embrasser l’effort. Le combat est culturel. Il est moral. Il est politique. Il est générationnel.
Aujourd’hui, en célébrant le travail, nous devons aussi le défendre. Le réhabiliter. Le rendre désirable. Car une nation sans culte du travail est une nation vulnérable, instable, vouée à être dirigée par des ruses plutôt que par des rêves.
FADAL DEY : LA CHANSON QUI FÂCHE (À) OUAGA

En début de semaine, le reggaeman ivoirien Fadal Dey a sorti un nouvel album de 26 titres Ta Lumière, un record, selon l'artiste. Mais c'est surtout son premier single et son clip, sortis lundi 28 avril qui font beaucoup parler de lui sur les réseaux. dans « Tu parles trop », Fadal Dey s'en prend au président de la transition au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, suscitant la polémique sur les réseaux sociaux, entre les pro et les anti-junte.
Après Almamy KJ, qui sortait il y a un an le titre « Tais-toi » pour dénoncer le régime répressif de Ouagadougou, son homologue ivoirien Fadal Dey sort ces jours-ci « Tu parles trop ». Également à l'intention, à peine voilée, du capitaine Ibrahim Traore.
« J'y dis "tu marches comme [Thomas] Sankara, tu parles comme Sankara, tu portes ton chapeau comme Sankara, mais tu n’es pas Sankara", explique-t-il dans une interview à RFI. Sankara nous l'avait dit qu’il y aurait des faux Sankara après lui.
Aujourd'hui, les tensions sont de sorte qu'il faut les baisser. La Côte d'Ivoire et le Burkina n'avaient pas connu une telle tension que sous Monsieur Traoré, il est temps qu'on l'interpelle si on estime que c'est lui
Directeur de Publication : Israël Guébo
Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié
Direction Artistique : Félix Ancien
Le titre fait beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux où pro et anti Ibrahim Traore s'invectivent. Mais pour Fadal Dey, la cause de cette crise, qui perdure depuis les trois ans de junte militaire à la tête du Burkina Faso, est liée à des slogans dénaturés et à une posture politique de façade
« Mais quelle est la vision des pouvoirs militaires ? On a tendance à tout rejeter sur les autres, sur l'Occident. Et c'est vrai, l'Occident a ses torts, peut-être, poursuit le musicien. Mais le panafricanisme est l'amour de l'Africain pour l'Afrique
Le panafricanisme ne demande pas de détester et de rejeter son frère, ou de mettre certaines de nos valeurs à terre. C'est ce que veut dire cette chanson » RFI
Le titre est de la rédaction
est
par l’Institut
1ER MAI. POUR ADCI, LA DIGNITÉ DU TRAVAILLEUR RESTE UN COMBAT NATIONAL

Le 1er mai, dans une déclaration sans détour, le mouvement politique AUJOURD’HUI ET DEMAIN, LA CÔTE D’IVOIRE (ADCI) dresse un état des lieux du monde du travail en Côte d’Ivoire. Saluant les efforts du gouvernement tout en dénonçant les angles morts, ADCI réaffirme son ambition : construire une société où chaque citoyen vit dignement du fruit de son travail.
« Le SMIG reste encore bas eu égard au coût de la vie et de l’inflation galopante » Le ton est donné Dans sa déclaration rendue publique ce 1er mai 2025, le Mouvement ADCI se veut à la fois lucide et engagé. Si le mouvement « note avec satisfaction la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) », il déplore cependant que cette augmentation reste insuffisante pour garantir une vie décente aux travailleurs ivoiriens.
ADCI ne se limite pas à une lecture comptable de la situation Le mouvement dénonce également la précarité rampante dans plusieurs secteurs : « Le secteur de l'informel continue d'occuper une place prépondérante dans le monde du travail, plongeant de nombreux travailleurs dans une vulnérabilité extrême »
Un constat renforcé par le sort réservé à certains métiers oubliés de la législation : « Les employés de maison, les agents des agences de sécurité privée… sont encore en dehors du cadre légal ivoirien »
Le mouvement n’élude pas la question brûlante de la liberté syndicale.
« ADCI regrette que la liberté syndicale a drastiquement reculé pour devenir une vue de l’esprit. »
Un recadrage sévère qui s’accompagne d’un appel fort : « Nous avons une pensée chaleureuse pour le syndicaliste Assy Ghislain Duggary qui croupit depuis un mois en prison pour avoir revendiqué une amélioration de ses conditions de vie. »
Mais au-delà des dénonciations, ADCI trace une perspective : celle d’un pays plus juste et plus digne « Seul le mérite dans le travail fera la différence entre les citoyens, » affirme la déclaration. Le mouvement propose une autre voie : « Créer les meilleures conditions de travail pour tous, tout en veillant à ce que chacun vive de son travail dans la dignité »
Dans une Côte d’Ivoire où le travailleur est trop souvent relégué au second plan, ADCI brandit le drapeau de la justice, du mérite et de la confiance. Une vision politique assumée, pour que le 1er mai ne soit pas qu’un symbole mais un engagement
Philomène Tourey

FÊTE DU TRAVAIL : LA FESACI-CG PLAIDE POUR UN SYNDICALISME
UTILE, HUMAIN ET RESPECTÉ
En ce 1er mai, la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire – Confédération Générale (FESACI-CG) a livré un message fort : saluer les acquis du dialogue social, mais rappeler que les attentes restent vives. Entre plaidoyer pour la réintégration de grévistes et appel à des réformes concrètes, le syndicat invite les autorités à faire du social un vrai levier de développement.
À l’occasion de la Fête du Travail, la FESACI-CG n’a pas boudé les avancées obtenues ces derniers mois. Dans une déclaration prononcée avec gravité mais espoir, le secrétaire général Yacouba Traoré a salué un climat social en progression, notamment « grâce à un dialogue renforcé » qui a permis la mise en place de l’assurance maladie dans certaines entreprises, au terme de « plus de trois mois de négociations ». Selon lui, ce tournant a changé le regard de nombreux employeurs : « Aujourd’hui, certaines directions générales admettent que le syndicat est un partenaire stratégique, et que le bien-être des travailleurs améliore la productivité. »
Des acquis, donc Mais la FESACI-CG ne s’en satisfait pas Elle insiste : l’équité sociale est encore à parfaire Le syndicat demande l’extension de la couverture santé au privé, une prime incitative pour les enseignants, et surtout, une grâce présidentielle pour les jeunes grévistes suspendus ou sanctionnés « Il faut pardonner Offrir une seconde chance Ces jeunes peuvent encore contribuer à la nation », a plaidé Yacouba Traoré, appelant directement le président Ouattara à la clémence
Le message est clair : « La paix sociale est le socle du développement. Renforçons-la, protégeons-la. » Le syndicat a également réclamé la réintégration des salaires suspendus et un appui pour un siège syndical digne. « Aujourd’hui, notre local est presque inaccessible. Mais malgré tout, nous avons continué notre mission », a lancé M. Traoré.
Du côté du patronat, la main tendue est réciproque. Le représentant du président de la CGECI a salué le rôle des syndicats et reconnu les avancées partagées, notamment la revalorisation du SMIG et l’actualisation du Code du travail. Il a toutefois exhorté le gouvernement à accélérer la publication des décrets d’application nécessaires à la concrétisation des réformes
La Fête du Travail 2025 aura donc réaffirmé une conviction : le dialogue social n’est pas un luxe, mais un outil stratégique de cohésion Pour que le progrès social cesse d’être un slogan, et devienne enfin une réalité vécue
Philomène Tourey