Abidjan Soir N°328

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Côte d'Ivoire – Olympique de Marseille

Sublime mariage !

PLAINTE ASSALÉ CONTRE KOMÉ. CLASSÉ SANS SUITE, CLASSÉ SANS HONTE ?

La justice ivoirienne vient de parler. Et, une fois de plus, ce qu’elle dit en dit long. Par un communiqué rendu public ce 29 avril 2025, le parquet du tribunal de première instance de Bingerville annonce avoir classé sans suite la plainte de l’honorable Assalé Tiémoko Antoine contre Komé Bakary pour des faits de faux et usage de faux. Motif : l’affaire, bien que fondée, ne serait pas opportune à poursuivre.

Ce mot "inopportunité" résume à lui seul l’inconfort démocratique dans lequel nous baignons. Comment expliquer que plusieurs plaintes concordantes, dont certaines émanant de simples citoyens, aient conduit à une instruction judiciaire ouverte contre Kome Bakary, pendant que celle portée par un député-maire, visiblement mieux informé et plus documenté, soit discrètement classée ? Par manque de temps ? De preuve ? Ou… de courage institutionnel ?

Ce n’est pas le classement qui dérange. C’est ce qu’il révèle : une justice qui semble calibrer ses poursuites à la mesure du trouble qu’elles pourraient causer. Une justice sélective. Parfois expéditive pour certains, précautionneuse pour d’autres Une justice qui, lorsqu’elle doit notifier une décision à un élu connu, visible, actif, finit par se heurter à son "indisponibilité"

Une maladresse, au mieux Une ficelle trop grosse, au pire

Or, ce dossier n’est pas anodin Il touche à des faits graves : falsification de documents publics, usurpation d’identité, atteinte à la souveraineté foncière

Un cocktail explosif dans un pays où la question de la terre, de l’appartenance et de la justice est encore un terrain miné

Ne pas traiter ces faits à égalité, c’est nourrir le soupçon que l’impunité se distribue selon des critères officieux. C’est aussi renforcer l’idée que certaines vérités judiciaires dépendent moins de la loi que de leur impact politique. Et dans le même temps, pendant que les plaintes des élus sont classées faute de « bon moment », un instituteur, Ghislain Duggary Assy, est emprisonné pour avoir osé revendiquer des droits syndicaux. Deux ans ferme. Deux poids, deux justices. Une fracture profonde, alimentée par des signaux contradictoires qui érodent chaque jour un peu plus la confiance du citoyen envers l’État.

La justice n’est pas seulement un outil de sanction. Elle est aussi un instrument de cohésion nationale Elle dit ce qui est acceptable ou pas Ce qui unit ou divise Ce qui protège ou expose En choisissant le silence ou l’inertie dans des affaires qui touchent à la vérité collective, elle risque de perdre son autorité, et avec elle, la paix qu’elle est censée garantir

Alors non, ce classement n’est pas un simple acte administratif Il est un révélateur D’un malaise D’un déséquilibre D’une justice à deux vitesses qui pourrait, à force de s’écarter de sa mission, devenir ce qu’elle n’a jamais le droit d’être : une arme

Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions

LIBERTÉ DE PAROLE : BRÉDOUMY FACE À L’APPAREIL D’ÉTAT

Le ton est monté. La convocation est tombée. Ce mercredi, à 11h, Brédoumy Soumaïla Kouassi, porteparole du PDCI-RDA, est attendu au service des enquêtes générales de la Préfecture de police d’Abidjan. Officiellement, aucun motif n’est communiqué. Officieusement, tout le monde a une idée de ce qui se joue.

Car Brédoumy n’a pas seulement parlé ces derniers jours. Il a nommé, accusé, condamné. Au nom de son parti, il a dénoncé ce qu’il considère comme une opération politique visant à barrer la route électorale à Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, récemment radié de la liste électorale au motif d’un contentieux sur sa nationalité.

« Braquage judiciaire », « forfaiture », « dictature qui ne dit pas son nom »… Les mots sont durs, assumés, scandés. Et aujourd’hui, c’est leur auteur qui se retrouve sous convocation officielle.

Un signal politique plus qu’une simple procédure ?

Le contexte est lourd. Depuis l’annonce de la radiation de Thiam, l’opposition se tend, la société civile s’agite, les réseaux chauffent. Le pouvoir, lui, resserre les vis. Au sortir du Conseil des ministres du 23 avril, le porteparole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a prévenu : « Le désordre ne sera pas toléré Ce n’est pas une menace, c’est un conseil »

En convoquant l’un des visages les plus visibles du discours contestataire actuel, le message envoyé est clair : contester bruyamment pourrait coûter plus que quelques tweets Parler devient risqué Revendiquer, un acte à encadrer

Le paradoxe est là : en cherchant à freiner une voix, on amplifie son écho. Car au sein du PDCI, la convocation de Brédoumy est perçue non pas comme une procédure neutre, mais comme un bras de fer institutionnel déguisé.

Le parti a déjà annoncé la couleur : un appel à la mobilisation nationale dès le 2 mai si la radiation de son président n’est pas annulée La séquence qui s’ouvre ressemble donc moins à une procédure isolée qu’à une nouvelle escalade dans le conflit ouvert entre opposition politique et pouvoir judiciaire

À travers ce nouvel épisode, c’est la question du débat démocratique qui revient, lancinante Dans quelle mesure un opposant peut-il parler sans être inquiété ? Jusqu’où une parole politique peut-elle aller sans entrer en conflit avec l’État ? Et surtout : quand contester devient-il un délit ?

La convocation de Brédoumy Soumaïla, qu’elle débouche ou non sur des poursuites, ouvre une séquence politique sensible. Car ce n’est pas un homme qu’on interpelle. C’est une parole. Et peut-être, avec elle, le droit d’en avoir encore une.

Directeur de Publication : Israël Guébo

Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié

Direction Artistique : Félix Ancien

Rédacteurs : Sultane Cissé, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
Abidjan soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)

INÉLIGIBILITÉ DE TIDJANE THIAM : LE PDCI SAISIT À SON TOUR LA JUSTICE

Le parti de Tidjane Thiam, radié de la liste électorale le 22 avril, dénonce un vice de procédure et réclame « un autre procès avec un autre juge ».

Alors que Tidjane Thiam, le président de la première formation d’opposition en Côte d’Ivoire, est désormais inéligible, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a annoncé, lundi 28 avril, avoir saisi la justice pour contester sa radiation de la liste électorale.

« J’ai ici un premier recours que nous avons exercé ce matin » auprès du président du tribunal du Plateau, à Abidjan, a affirmé l’avocat Me Luc Adje Kacou lors d’une conférence de presse au siège du PDCI. Il a précisé vouloir « un autre procès avec un autre juge ».

Si aucun recours n’est normalement possible sur le fond, le PDCI dénonce un vice de procédure Pour son conseil, « le juge a omis de communiquer au ministère public » sa décision de radiation de Tidjane Thiam. « Or la communication au ministère public est obligatoire. »

Pour l’ancien parti de Félix Houphouët-Boigny, le maintien sur la liste électorale de son candidat est « non négociable ». « Il n’y a pas de plan B », a assuré le porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy, à la presse.

« M. Thiam n’a jamais été apatride »

En pleine résurgence du débat sur le concept d’« ivoirité » dans le pays, c’est l’obtention de la nationalité française par Thiam, en 1987, alors qu’il était majeur, qui est au cœur du litige

En mars, le candidat du PDCI a renoncé à cette nationalité française, puisqu’il est impossible de

prétendre devenir président en ayant une double nationalité.

Mais la justice invoque l’article 48 du code de la nationalité, datant des années 1960, qui indique que l’acquisition d’une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne. L’article ne s’applique pas à ceux qui sont nés français, mais à ceux qui ont demandé la nationalité plus tard

Pour les magistrats ivoiriens, Thiam a donc perdu sa nationalité ivoirienne entre 1987 et mars 2025, et ne remplissait pas les conditions pour s’inscrire sur les listes électorales en 2022. Mais ses avocats affirment, eux, qu’il est né ivoirien par sa mère et français par son père, et n’est ainsi pas concerné par l’article 48.

Un argument que la justice a rejeté, car « insuffisant en preuves », a déclaré lundi Augustin Kouamé, directeur des Affaires civiles et pénales au ministère de la Justice, lors d’une conférence de presse au tribunal du Plateau. Il a également indiqué que Tidjane Thiam était redevenu ivoirien depuis qu’il avait renoncé à sa nationalité française, en mars « Par cette libération de son allégeance à un pays étranger, M. Thiam, qui était ivoirien par naissance, par le sang, retrouve automatiquement sa nationalité ivoirienne », a-t-il dit.

« M Thiam n’a jamais été apatride », a encore assuré Augustin Kouamé

LA CÔTE D’IVOIRE ET L’OM RENOUVELLENT LEUR PARTENARIAT

SUBLIME CÔTE D’IVOIRE

La Côte d’Ivoire et l’Olympique de Marseille vont renouveler, pour trois ans, leur partenariat « Sublime Côte d'Ivoire » qui va courir jusqu’à la saison 2029-2030. Au programme pour les prochaines années, la création d’un centre de formation, l’ouverture d’une boutique officielle et des matchs de gala dans la capitale ivoirienne.

Ce dimanche face à Brest, les joueurs de l’Olympique de Marseille arboraient un maillot spécial. Au-dessus des numéros de joueurs étaient inscrits des villes de la Côte d’Ivoire ; Agnibilekrou pour le buteur Amine Gouiri, Assinie pour le défenseur Geofrrey Kondogbia ou encore Abidjan pour le gardien Geronimo Rulli.

Ce flocage met ainsi à l'honneur le partenariat entre l’OM et la Côte d'Ivoire Lancé en 2023, le programme « Sublime Côte d’Ivoire » a pour objectif de promouvoir la Côte d'Ivoire à l'international et de favoriser le développement touristique du pays.

L’engagement entre les deux partenaires va être ainsi renouvelé en fin de saison jusqu’en 2030 avec de gros projets comme celui de la création d’un centre de formation à Abidjan. L'idée est de former de jeunes joueurs qui pourraient rejoindre plus tard le club français Les meilleurs joueurs défendront les couleurs de l’OM, tout en représentant la sélection ivoirienne.

« Ce centre sera une copropriété entre l’Olympique de Marseille et l’État de Côte d’Ivoire, informe le ministre ivoirien du Tourisme et des Loisirs, Siandou Fofana

L’OM à Abidjan ?

Le club du sud de la France qui a vu passer 15 joueurs ivoiriens dans ses rangs va également ouvrir une boutique officielle à Abidjan « Ce sera la plus importante sur le continent africain, et des produits dérivés vont venir pour accroître les recettes et améliorer les finances du club. Et en plus de signer avec nous, nous contribuons en tant que sponsor pour que le club avance », se réjouit Siandou Fofana

Enfin, il sera prévu également des matchs de gala à Abidjan avec des anciennes gloires, mais le partenariat n’exclut pas de faire venir l’équipe première pour des stages, des matchs amicaux de préparation ou à but caritatif

RFI

LE TAMBOUR DE LA MÉMOIRE : LA FRANCE S’APPRÊTE (ENFIN) À RESTITUER LE DJIDJI AYOKWÉ À LA CÔTE D’IVOIRE

Ce 28 avril, après de nombreuses tergiversations, les sénateurs français se prononcent sur une proposition de loi devant permettre le retour en Côte d’Ivoire d’un objet sacré saisi en 1916. Abidjan met la pression diplomatique, mais il restera l’étape du vote à l’Assemblée nationale. placé dans une caisse cadenassée Du point de vue des procédures, un projet de loi-cadre est susurré dès 2023, puis reporté sine die

Il y a parfois loin entre une promesse présidentielle et la réalité d’une restitution d’objet sacré dérobé lors de la période coloniale En 2021, lors d’un sommet Afrique-France qui inaugurait, à Montpellier, un format d’un genre nouveau, le président français annonçait publiquement la restitution, à la Côte d’Ivoire, du « tambour parleur » Le djidji ayokwé – son nom originel qui signifie, en langue atchan, « bois sculpté en forme de panthère » – figurait alors en tête d’une liste de 149 biens revendiqués par Abidjan

Puis vinrent des soubresauts politiques, mais pas du côté sud de la Méditerranée, cette fois. Après sa réélection de 2022, Emmanuel Macron verra sa majorité parlementaire fondre, avant de disparaître en 2024. Entre-temps, il aura remplacé Rima Abdul Malak par Rachida Dati à la tête du ministère de la Culture. Cette dernière, par ailleurs toujours en poste, est une figure marquante d’une mouvance politique droitière peu portée sur la repentance, à l’égard de la période coloniale, et inquiète à l’idée d’ouvrir un peu trop grand la boîte de Pandore des restitutions d’objets confisqués.

Un transfert vers la Côte d’Ivoire d’ici à un an ?

Saisi par les autorités coloniales, en 1916, le tambour cylindrique de 3,5 mètres de long se trouve actuellement dans les collections publiques du musée du quai-Branly-Jacques Chirac Après l’annonce de Montpellier, une restauration du tambour avait été lancée, une « cérémonie de désacralisation » avait été organisée et l’objet avait été

Volonté de faire un geste envers une Côte d’Ivoire francophile, dans une Afrique de l’Ouest politiquement mouvante ? Ce lundi 28 avril, l’exil du tambour parleur fait l’objet d’une proposition de loi spécifique à l’ordre du jour du Sénat français Après des avis unanimement favorables, en travaux de commission début avril, le texte qui prévoit un « transfert à la République de Côte d’Ivoire sous un délai maximal d’un an » devra encore être soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale.

Le tambour a la réputation de résonner sur plusieurs dizaines de kilomètres. Il permettait ainsi de rameuter traditionnellement les populations, dès la survenance d’un danger. D’un point de vue plus mystique, le djidji ayokwé serait doté d’un esprit capable de protéger le peuple des Ébriés, autour de la lagune d’Abidjan.

Depuis la stratégie énoncée, dès le début du premier mandat d’Emmanuel Macron, de restituer progressivement à l’Afrique plusieurs œuvres à fortes portées artistiques et symboliques, des lois spécifiques – parfois au cas par cas – doivent être élaborées pour que les objets quittent les collections publiques françaises. En passant, parfois, par des « conventions de dépôt » qui permettent un prêt des objets, avant un transfert de propriété Toutes choses qui ralentissent le processus Jeune Afrique

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