Abidjan Soir N°321

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AFFI-CEI: LARUPTURE!

En réclamant la démission de Coulibaly-Kuibiert et de toute la CEI, Pascal Affi N’Guessan ouvre un nouveau front politique À six mois de la présidentielle, le président du FPI dénonce une institution « discréditée » et relance le débat sur la crédibilité du processus électoral

DÉSINFORMATION, DISCOURS DE HAINE ET RESPONSABILITÉ

Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions

En 2025, alors que la Côte d'Ivoire se prépare pour une échéance électorale cruciale, le paysage numérique se transforme en un véritable champ de bataille. Si la connectivité progresse – plus de 30 millions d’habitants, 54,6 millions d’abonnements à la téléphonie mobile et plus de 29 millions d’internautes –, la diffusion rapide d’informations fausses et de discours de haine menace la cohésion sociale. La prévention de ces dérives est aujourd’hui un impératif de démocratie.

L'espace public numérique, via WhatsApp, Facebook, TikTok ou d'autres plateformes, est devenu l’arène où s’affrontent idées, manipulations et émotions exacerbées. Les rumeurs remplacent souvent la vérité et le doute s’installe

Ce phénomène n’est pas l’apanage de citoyens mal informés: il est alimenté par des partis politiques cherchant à mobiliser leur clan par des récits biaisés, par des médias partisans qui privilégient l’audience au détriment de la vérification, et même par des officiels qui, dans le cadre de stratégies électorales, déforment la réalité

Face à cette situation, chaque mot, chaque post, chaque silence complice se transforme en une arme potentielle Il est urgent d’instaurer des mécanismes permettant de contrôler la parole – non pour la restreindre, mais pour en garantir la responsabilité. C’est la seule voie pour prévenir que l’information ne se mue en vecteur de haine.

Par ailleurs, des initiatives telles que « En ligne, tous responsables » (lancées par le gouvernement, ndlr) montrent que des efforts sont faits pour sensibiliser et former les acteurs du numérique aux bonnes pratiques. Cependant, ces actions restent insuffisantes face à l'ampleur des dérives constatées.

La solution réside dans une action structurée à plusieurs niveaux : Intégrer l’éducation aux médias et à l’information dans les programmes scolaires et universitaires, pour doter les jeunes d’un esprit critique dès le plus jeune âge, Mettre en place un cadre régulateur souple mais ferme, responsable de sanctionner les producteurs de contenus mensongers sans compromettre la liberté d’expression, Instaurer un observatoire indépendant chargé de surveiller et d’évaluer la parole publique, et enfin Promouvoir une culture du débat fondée sur la vérité plutôt que sur l’intérêt partisan.

En 2025, la paix en Côte d'Ivoire ne se gagnera pas uniquement par le vote Elle dépendra de la qualité de l’information et de la responsabilité collective de ceux qui la véhiculent La désinformation et les discours de haine sont des risques que nous pouvons contrôler, à condition de bâtir un modèle éducatif et réglementaire solide Seule une implication ferme de chaque acteur du débat public – citoyens, médias, responsables politiques – pourra transformer le bruit ambiant en un dialogue constructif Il est temps de choisir la voie de la vérité pour que, demain, la Côte d'Ivoire rayonne dans une démocratie apaisée et éclairée.

GRÈVE DES ENSEIGNANTS : DIALOGUE EN COURS, MAIS DUGARY TOUJOURS EN PRISON

Un atelier de réflexion entre gouvernement et syndicats s’est ouvert ce jeudi 17 avril 2025 à GrandBassam pour tenter de résoudre la crise dans le secteur de l’éducation. En toile de fond, le sort du syndicaliste Ghislain Assy Dugary, incarcéré depuis le début de la grève, continue de diviser.

Les enseignants de Côte d’Ivoire, en colère depuis plusieurs mois, ont suspendu leur mot d’ordre de grève le 11 avril dernier, mais la tension reste palpable.

Au cœur des revendications : le versement d’une prime d’incitation, estimée à plus de 400 milliards de FCFA par an, pour améliorer des conditions de vie jugées précaires.

Le jeudi 17 avril, syndicats et gouvernement se retrouvent à Grand-Bassam dans le cadre d’un séminaire de travail de trois jours Ce rendez-vous fait suite à la rencontre du 9 avril entre les leaders syndicaux et plusieurs membres du gouvernement, dont la ministre de la Fonction publique, Anne Désirée Ouloto. L’objectif est double : Examiner en profondeur la revendication centrale liée à la prime Élaborer un chronogramme d’action clair et contraignant, sur lequel s’accorder

Une grève lourde de tensions

La grève, déclenchée les 3 et 4 avril 2025, puis reconduite, fait suite à un préavis resté sans réponse depuis mars. Elle avait déjà été précédée, en octobre 2024, d’un mouvement similaire de trois jours

Selon les syndicats, le taux de suivi du mouvement en avril aurait atteint plus de 90 %, quand le gouvernement parle d’un taux inférieur à 20 %.

Directeur de Publication : Israël Guébo

Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié

Direction Artistique : Félix Ancien

Mais au-delà des chiffres, c’est la gestion répressive du conflit qui fait polémique

Le syndicaliste Ghislain Assy Dugary a été arrêté dans la nuit du 2 au 3 avril par des hommes encagoulés. Incarcéré depuis au pôle pénitentiaire d’Abidjan, il est devenu le symbole d’un dialogue social sous pression

Le 10 avril, lors d’une assemblée générale tenue au lycée technique d’Abidjan, les enseignants ont suspendu leur grève, mais exigé la libération inconditionnelle de tous les enseignants interpellés, ainsi que la levée des sanctions administratives liées aux mouvements d’octobre 2024

Entre négociation et méfiance

Malgré l'ouverture du séminaire, la confiance reste fragile. Les enseignants ont accepté de revenir en classe pour permettre au dialogue d’avancer, mais soulignent leur attachement au respect de la liberté syndicale, un droit garanti par la Constitution, mais selon eux constamment menacé.

L’arrestation de Dugary reste un point de crispation, que le gouvernement ne peut ignorer s’il veut parvenir à un accord durable

La restitution des conclusions de l’atelier est prévue pour le mardi 22 avril 2025, en présence de la ministre d’État.

Les syndicats, eux, restent en alerte, prêts à reprendre la mobilisation si les engagements ne sont pas tenus. Etienne Koffi

Rédacteurs : Sultane Cissé, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
Abidjan soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)

AFFI N’GUESSAN EXIGE LA DÉMISSION DE COULIBALY-

KUIBIERT ET DE L’ENSEMBLE DE LA CEI

À un peu plus de six mois de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025, le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, hausse le ton. Lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 17 avril à Abidjan, l’ancien Premier ministre a exigé la démission du président de la Commission électorale indépendante (CEI), Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, ainsi que celle de l’ensemble de son équipe.

Selon Affi, « cette CEI ne nous inspire plus confiance » Il l’accuse d’avoir « échoué dans sa mission d’impartialité », et affirme que l’institution est aujourd’hui « un facteur d’instabilité et de discrédit du processus électoral ».

Pour le président du FPI, seul un renouvellement profond de l’organe électoral permettrait d’instaurer un climat de confiance à l’approche du scrutin.

Dans sa déclaration, Affi N’Guessan a aussi dénoncé la rencontre organisée par la CEI avec les guides religieux, qu’il qualifie de « tentative d’instrumentalisation de la foi pour masquer les dérives de la commission ». Il s’étonne qu’à défaut de répondre aux partis politiques, le président de la CEI préfère désormais chercher la caution morale des leaders religieux, au lieu d’un dialogue institutionnel transparent.

Le FPI alerte également sur de graves irrégularités présumées : la présence de près de six millions de personnes "indûment inscrites" sur la liste électorale, selon les estimations avancées. Affi évoque un fichier électoral « vicié », dont l’audit reste partiel et contesté.

Le FPI alerte également sur de graves irrégularités présumées : la présence de près de six millions de personnes "indûment inscrites" sur la liste électorale, selon les estimations avancées. Affi évoque un fichier électoral « vicié », dont l’audit reste partiel et contesté.

Malgré cette défiance ouverte, le FPI confirme sa participation au scrutin, affirmant « ne pas vouloir laisser le terrain vide ». « Nous irons aux élections, quelle que soit l’adversité. Mais nous continuerons à dénoncer ce qui doit l’être », a prévenu le président du parti

Cette sortie du FPI intervient dans un contexte où les deux principales formations d’opposition, le PPA-CI et le PDCI-RDA, ont suspendu leur participation aux travaux de la CEI. Une crise de confiance s’installe, mettant à mal la crédibilité de l’institution électorale.

La CEI, accusée de partialité, se retrouve donc de plus en plus isolée. À ce stade, aucune réponse officielle n’a été faite à la demande de démission formulée par Affi N’Guessan Mais le débat sur la réforme de l’organe électoral semble relancé, à quelques mois d’un scrutin aux enjeux décisifs.

Philomène Tourey avec Abidjan.net

LE PDCI VOTE POUR TIDJANE THIAM

En Côte d’Ivoire, environ 6 000 cadres locaux et nationaux du parti d’opposition étaient appelés aux urnes lors d’une primaire où le seul candidat, Tidjane Thiam, était absent.

« Le président Thiam a donné beaucoup d’espoir aux militants qui attendent le retour du parti aux affaires », se réjouit Aby Raoul Modeste Akrobou, maire de Marcory et haut représentant de Tidjane Thiam dans le district d’Abidjan

Ce mercredi 16 avril, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) choisit son candidat à la présidentielle d’octobre Sur les bulletins, un seul nom : celui du patron du « vieux parti » Il est en effet le seul à avoir déposé sa candidature.

Première étape, le foyer des jeunes de Marcory, où il doit voter. Dans une salle transformée en bureau de vote, quelques électeurs passent au compte-goutte Un huissier est installé à l’écart et observe le déroulement des opérations. Ici, c’est Romain Porquet, ancien directeur du protocole d’Henri Konan Bédié, qui préside le bureau.

Au total, sur l’ensemble du territoire, 6 000 électeurs doivent s’exprimer. Ce sont des membres du bureau politique, du comité des sages, des délégués, des secrétaires généraux de section, des responsables des jeunes et des femmes, etc

Pour le président du comité électoral, Georges Philippe Ezaley, « tous les bureaux de vote ont pu ouvrir et aucun incident n’est à déplorer ».

« Ne pas être candidat c’est un choix »

Vers 11 heures, à la permanence du PDCI au Plateau, l’affluence est très calme. Dans le seul bureau de vote de la commune, Noël Akossi Bendjo, coordonnateur général du parti, est venu glisser son bulletin dans l’urne Interrogé sur la candidature unique de Thiam et l’absence de JeanLouis Billon, qui avait pourtant exprimé à plusieurs reprises sa volonté de briguer l’investiture du parti, il répond : « La convention était ouverte On est dans un pays démocratique

Ne pas être candidat, c’est un choix Nous souhaitons simplement qu’il reconnaîtra la victoire de celui qui aura été retenu à la fin de la journée et que le PDCI ira en rang serré à l’élection d’octobre »

Pour les proches de Billon, l’organisation d’une convention aussi précipitée ne permettait pas d’en assurer la transparence. Le député de Dabakala a d’ailleurs lancé son mouvement politique, l’Alternative démocratique nouvelle Côte d’Ivoire (ADNCI)

Au siège du parti à Cocody, quatre bureaux de vote ont été installés. À l’entrée, des commerçants exposent des gadgets à l’effigie de Thiam. L’arrivée de son frère, Aziz Thiam, est très remarquée Ce dernier a joué un rôle important dans l’élection de son cadet et fait partie de sa garde rapprochée au sein du PDCI.

Il est 15 heures. Les bureaux ferment pour le décompte et la compilation des votes Les résultats devraient être annoncés dans la soirée au siège du parti, lequel organisera ensuite une cérémonie d’investiture de son candidat à Yamoussoukro.

150 recours à la CEI

Pour le PDCI, l’investiture officielle de Thiam devrait permettre de desserrer l’étau judiciaire autour de son candidat. Le 24 avril, la justice examinera la légitimité de son élection à la tête du parti Cette procédure fait suite à la plainte de Valérie Yapo, une militante proche de Jean-Louis Billon, qui lui reproche sa double nationalité au moment de son élection.

Mais, comme lors du bureau politique du 5 avril dernier, la convention se déroule en son absence. Pas de quoi inquiéter Aby Raoul

« C’est la preuve que le PDCI est une grosse machine. Le parti peut fonctionner, avec ou sans lui, il est le seul qui organise de telles primaires. Les autres se contentent de lever la main lors d’une convention et d’applaudir », estime-t-il Pour l’élu, qui a prévu de faire le tour de quelques lieux de vote pour constater le déroulement du scrutin, c’est une journée chargée.

En plus de cette échéance, environ 150 personnes ont déposé des réclamations auprès de la Commission électorale indépendante (CEI) afin d’obtenir son retrait de la liste électorale pour défaut de nationalité.

Si Thiam a renoncé à sa nationalité française, ses détracteurs mettent en avant le fait qu’il était français au moment de son inscription sur la liste.

« Le pays n’a pas besoin de ce genre d’exclusion qui a causé beaucoup de morts par le passé, regrette Noël Akossi Bendjo Il faut que tous les enfants du pays puissent aller aux élections pour permettre à la Côte d’Ivoire de retrouver le chemin de la paix. La paix, qui est une seconde religion pour le PDCI ».

Jeune Afrique

CÔTE D'IVOIRE: LE FEMUA RÉSONNE AU SON DE LA GUINÉE, L'INVITÉ

D'HONNEUR DU FESTIVAL

Il y a de la puissance et volupté lorsque la Guinée présente ses plus beaux atouts : la danse, le conte et la musique rayonnent. Et la voix de ces acteurs, comme celle de Souleymane Bangoura, alias Soul Bang's, Prix découvertes RFI en 2016, résonne. « C'est une immense fierté et ça nous plonge encore dans la joie. Ça nous fait comprendre à nouveau que la musique est toujours un vecteur d'union ».

Ancrée dans cette soirée, la communauté des griots, avec notamment le maitre de la Kora, Ba Sissoko ému de représenter son pays, la Guinée, au Femua : « Ça me fait plaisir, vraiment, d'être là Magic System qui invite la Guinée, la Guinée qui parraine le festival. La musique mandingue, ça fait le lien entre deux peuples ».

Cette belle soirée a mis en avant les femmes. Les danseuses et la griotte, Manamba Kanté qui sait que sa musique a un rôle diplomatique et retisse les liens séculaires entre la Guinée et la Côte d’Ivoire. « Il y a eu des tensions entre ces deux pays. Donc aujourd'hui, la musique renforce vraiment ce tissu, ces liens diplomatiques entre ces deux pays Donc la musique n'a pas de frontière »

« Il faut être un passionné, il faut aimer ce que tu fais »

Au Femua, RFI a aussi croisé la route de Lil Jay, chanteur ivoirien attachant qui sera sur la grande scène du Femua vendredi.

L’homme est aussi grand que son sourire et si bienveillant que la causerie pourrait se prolonger toute la nuit. Lil Jay, Konan Angelo Wilfried, transpire l’intégrité. « On a toujours des choses à apprendre. Il faut être un passionné, il faut aimer ce que tu fais »

Dans un pays où le rap est roi, Lil Jay a été inspiré par les musiques du passé, et par les virées dans la voiture de son père. « Dans sa voiture, il mettait beaucoup JB Mpiana Moi, quand j'ai commencé à écouter de la musique, je n'écoutais pas la musique de mon époque, j'écoutais du Salif Keita, Youssou N'Dour, Tiken Jah. Je pense que ça a aussi impacté ma manière de voir la musique », reprend-il.

Natif de la populaire ville de Bingerville, Lil Jay tient au respect, à l’éducation des plus jeunes en leur rappelant qu’en travaillant dur, réaliser ses rêves devient possible. RFI

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