Abidjan Soir N°320

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ILS VEULENT LE SILENCE, DONNONS-LEUR LA PAROLE

La Côte d’Ivoire traverse une séquence politique marquée par un durcissement inquiétant de la parole publique. Des figures de l’opposition emprisonnées ou poursuivies. Des enseignants sanctionnés pour avoir manifesté. Des syndicalistes réduits au silence. Des citoyens interpellés pour un post ou une pancarte.

La peur ne se dit pas. Elle s’insinue. Elle se devine dans les silences, les réticences, les regards qui se détournent dès qu’un sujet devient sensible.

Ces dernières semaines, les exemples se multiplient. Le syndicaliste Dugary Assy a été condamné à deux ans de prison pour avoir réclamé « la prime des enseignants ». Le député Assalé Tiémoko, pour ses prises de position publiques, a fait l’objet de menaces de mort, visant également sa famille.

Le secrétaire général du PPA-CI (Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire, fondé par Laurent Gbagbo en 2022, ndlr), Damana Pickass, est de nouveau convoqué par la justice dans une affaire à forte connotation politique.

Le message envoyé est clair : contester peut coûter cher.

Dans ce climat, le repli est devenu une stratégie de survie. Peu osent encore s’afficher publiquement avec leurs opinions politiques Rares sont ceux qui dénoncent, même face à l’évidence On préfère l’anonymat au risque, la prudence à la vérité

Mais dans cette atmosphère verrouillée, une dynamique nouvelle se dessine Une "locomotive" émerge, faite de jeunes, de femmes, d’acteurs de la société civile, de voix indépendantes Ils ne sont pas toujours organisés Ils ne disposent pas de grands moyens

Mais ils parlent. Ils questionnent, ils dénoncent, ils éveillent.

Et là où la presse traditionnelle est contrainte, parfois auto-censurée, les réseaux sociaux deviennent leur outil d’expression. Pas toujours parfait, mais vital.

On pense à ces jeunes vidéastes qui documentent la cherté de la vie, à ces militantes qui alertent sur les violences, à ces lanceurs d’alerte locaux qui filment l’abandon de leur quartier.

Ces voix ne doivent pas être vues comme des exceptions.

Elles sont le début d’un réveil, fragile mais réel. Elles doivent être entendues, relayées, protégées.

Comme le disait Frantz Fanon : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir » Et Thomas Sankara de renchérir : « Je n’ai pas peur de la mort, j’ai peur de l’immobilisme »

Car ce que la peur attend, c’est qu’on se taise Et ce que la liberté exige, c’est qu’on parle

À ceux qui peuvent encore parler, écrire, témoigner : faites-le Non pour vous exposer, mais pour éclairer

Non pour braver, mais pour inspirer Car la peur ne dure que tant qu’on la laisse grandir Et dans l’histoire des peuples, elle finit toujours par reculer

ENA : LA CULTURE TRADITIONNELLE AU CŒUR DE L’EXCELLENCE

La 59e promotion de l’École Nationale d’Administration (ENA) a célébré sa fin de formation dans une ambiance festive et empreinte de symboles. Depuis le lundi 14 avril jusqu’au mercredi 16 avril 2025, plusieurs activités ont été organisées autour de la principale thématique : « Un fonctionnaire épanoui, compétent et performant : gage d’un service public de qualité. »

Parmi les temps forts de ces journées, la valorisation de la culture traditionnelle. Ce mardi 15 avril, sous la houlette de Madame Mariko Fatoumata et de ses camarades, une journée entière a été consacrée au riche patrimoine culturel et artistique de la Côte d’Ivoire À travers une représentation vivante et colorée des différents districts du pays, les élèvesfonctionnaires ont tenu à mettre en lumière les valeurs identitaires qui fondent l’unité nationale Placée sous le parrainage de Madame Françoise Remarck, ministre de la Culture et de la Francophonie, cette journée a été l’occasion pour la ministre de saluer l’initiative : « Nous devons puiser dans nos cultures pour y trouver les voies du vivre-ensemble et de l’union des peuples de Côte d’Ivoire », a-t-elle affirmé.

Directeur de Publication : Israël Guébo

Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié

Direction Artistique : Félix Ancien

Rédacteurs :

De la culture Dan à celle des Wê, en passant par les traditions Akan et Krou, toutes les régions ont été honorées. Cette immersion culturelle marque une première dans l’histoire des journées promotionnelles de l’ENA

Il faut également souligner l’implication active des promotions 60 et 61, qui ont apporté leur contribution au bon déroulement des activités, en prélude à la prochaine passation de témoin.

Les festivités s’achèveront ce mercredi 16 avril par une journée sportive, à laquelle prendront part d’autres grandes écoles telles que l’ENS et l’INFAS, dans un esprit de cohésion et de fraternité inter-écoles.

soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)

Sultane Cissé, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
Abidjan

ÉLECTIONS 2025 : LA CEI MISE AUSSI SUR LES PRIÈRES

Face à la défiance grandissante et au retrait de certains partis politiques, la Commission électorale indépendante (CEI) tente un repositionnement moral. Son président, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, a rencontré ce mercredi 16 avril 2025 les principales autorités religieuses du pays. Une main tendue à ceux qui, dans l’imaginaire collectif, incarnent encore la sagesse, la retenue et la vérité.

À six mois de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025, la CEI cherche à désamorcer la tension. La défiance est palpable. Deux partis majeurs se sont retirés de ses travaux. Les critiques fusent sur la révision de la liste électorale. Et la question de l’impartialité de l’institution hante les débats

Dans ce contexte, le président de la CEI a choisi une démarche symbolique et politique : rencontrer les guides religieux. « Ciment et ferment de la vie sociale », a-t-il dit, saluant leur influence apaisante et leur rôle dans la cohésion nationale. À défaut de convaincre les partis, Coulibaly-Kuibiert parie sur l’autorité morale des églises et des mosquées.

Il a réitéré la volonté de la CEI de garantir un processus transparent, rappelant les consultations passées avec les institutions, les partis, et désormais les cultes. Il a aussi tenu à clarifier sa position sur l’audit de la liste électorale : la CEI n’est pas opposée à l’opération, mais exige un cadre clair À l’appui, une métaphore : « On ne peut pas exiger un chapeau à l’entrée d’un bal, puis changer les règles une fois à l’intérieur. »

Reconnaissant les failles du système, notamment la présence de personnes décédées sur la liste, il a défendu les démarches entreprises avec l’état civil pour y remédier. Il a aussi dénoncé les accusations sans fondement et les tentatives de manipulation politique, rappelant que les commissaires, bien que désignés par des partis, prêtent serment et sont tenus à la neutralité

La réponse des religieux a été claire. Le cheikh Diakité, du COSIM, a appelé à la responsabilité : « La Côte d’Ivoire, ce n’est pas que pour les politiciens. Ils sont les délégués du peuple, pas ses propriétaires La ligne rouge pour tous les Ivoiriens, c’est la violence. »

Philomène Tourey

Une tentative de recentrage moral

En s’adressant aux leaders religieux, la CEI ne cherche pas seulement à apaiser. Elle cherche à reconstruire une légitimité ébranlée. Mais cela suffira-t-il à rétablir la confiance ? Les forces morales du pays peuvent relayer un appel au calme. Elles ne peuvent pas, à elles seules, garantir un scrutin juste. La crédibilité d’un processus électoral repose aussi sur des actes. Et sur une volonté politique réelle de sortir du soupçon PT

INTERDICTION DES GBAKAS À ADJAMÉ ; ÇA ROULE TOUJOURS !

Le 6 mars 2025 devait marquer l’entrée en vigueur de l’interdiction d’accès des minibus communément appelés Gbaka à la commune d’Adjamé, une décision prise par le District d’Abidjan. Cette mesure, censée désengorger la circulation et renforcer la sécurité routière, suscite depuis lors une vive controverse tant chez les transporteurs que chez les usagers. Un mois plus tard, qu’en est-il concrètement de cette interdiction ?

Adjamé-220 Logements Il est 11 heures Le concert de klaxons résonne dans le quartier. De part et d’autre de la voie, les Gbakas sont alignés, embarquant une foule de passagers sans aucune contrainte apparente. Les lignes Yopougon, Abobo, Plateau, Bassam et bien d’autres sont actives. En clair, l’interdiction semble ignorée.

Pour Sanogo Daouda, conducteur, la mesure viserait surtout un certain type de minibus de transport en commun « Les Gbakas orangeblanc-vert circulent librement », dénoncent-il avant d’évoquer des pourparlers en cours entre Syndicats (de transporteurs) et autorités pour trouver un compromis.

Plus loin, Bamba, un autre transporteur, estime que cette décision est déconnectée des réalités sociales.

« La mise en place de gares adaptées ou de zones de stationnement auraient dû être instaurées en amont Mais ce n’est pas le cas », fait-il remarquer

« Je suis d’accord pour l’application de cette interdiction mais je la juge disproportionnée et inadaptée au contexte actuel », indique M.K., une passagère

« Cette mesure semble plus symbolique qu’efficace. Son application reste floue, son impact discutable. En réalité, Adjamé demeure un nœud stratégique de la mobilité à Abidjan, et les Gbakas y jouent un rôle central Interdire leur accès sans plan de substitution cohérent revient à priver des milliers de citoyens de leur principal moyen de déplacement », prévient un riverain d’Adjamé.

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