







DES ROUTES, DES PONTS… ET TOUJOURS PAS DE JUSTICE
Par Israël GUÉBO. Directeur des Rédactions
317 numéros. Deux années de production, de 2020 à 2022. Et des milliers d’abonnés qui recevaient chaque soir, sur leur téléphone, un journal : Abidjan Soir. Après une pause, nous sommes de retour. Rien n’a changé. La même envie de vous donner la bonne et la vraie information. Le même format : gratuit, numérique, en PDF. Le même contenu : une sélection rigoureuse des meilleurs articles de la journée (oui oui... on veille pour vous), des reportages inédits, des papiers d’opinion assumés.
Notre ligne éditoriale ? Elle est restée la même : les faits. L’actu. L’info.
L’essence même du journalisme. Sans tache ni ride Avec pour seul repère la recherche de la vérité, l’affirmation de la véracité.
Nous revoici donc sur les rails, pour scruter et croquer l’actualité. Et en Côte d’Ivoire, elle est trouble.
Une justice aux ordres, une corruption banalisée, les plus faibles qui subissent le courroux d’un clan, dépossédés de leurs terres, de leurs droits, de leur dignité.
Le pays va mal. Sauf pour ceux que le pouvoir a rendus aveugles et sourds. Ils n’entendent plus rien Aucun écho de la souffrance du peuple ne leur parvient.
Et le dénoncer, aujourd’hui, c’est, s’exposer aux menaces, à la prison, parfois à la mort.
Malheureusement, ceux qui nous dirigent n’ont tiré aucune leçon d’hier Régner avec brutalité et injustice n’a jamais produit que des rancunes et des rancœurs durables. Ils le savent. Ils devraient s’en souvenir.
Malheureusement la majorité silencieuse se terre. Peur Fatigue Traumatisme Résignation
Au mieux, on lui sert des effets d’annonce, des décisions de façade, pour l’endormir doucement. Tenez, à titre d’exemple : le 1er avril 2025, le
gouvernement a annoncé en grande pompe une baisse du prix du carburant
Le super est passé de 875 F à 855 F (–20 F) Le gasoil, de 715 F à 700 F (–15 F)
Mais si on remet cette baisse en perspective, c’est presque indécent : depuis 2022, on a eu +180 F pour le super, +40 F pour le gasoil. Et sur le terrain ? Rien n’a bougé
Les coûts du transport en commun restent inchangés. Les usagers n’ont vu aucune différence.
Le pays ne va pas bien. On (nous) parle de croissance On vante les infrastructures On aligne les chiffres Mais dans la vie des Ivoiriens, le ressenti ne suit pas. Le quotidien, lui, reste dur, instable, incertain
L’école peine, la santé coûte cher, la justice inquiète, la corruption se banalise, et les prix ne cessent de grimper Alors oui, des ponts ont été construits, des routes bitumées, des buildings érigés.
Mais les vrais chantiers restent devant nous : restaurer la justice, combattre la corruption, soulager le coût de la vie, et bâtir une société équitable
C’est là que se jouera l’avenir. Pas dans les colonnes d’un rapport, mais dans les vies qu’on transforme.
2 000 F D’AMENDE POUR LES PIÉTONS : UNE VIEILLE LOI DÉSORMAIS APPLIQUÉE

C’est devant un parterre de transporteurs, de conducteurs de minicars (gbaka) et de taxis communaux (wôrô-wôrô) que le Directeur Général de l’Office de Sécurité Routière (OSER), M. Kouakou Étienne, a annoncé l’application effective d’une amende forfaitaire de 2 000 F CFA à l’encontre des piétons en infraction au Code de la route. L’annonce a été faite le mercredi 9 avril 2025, lors d’une rencontre tenue à la Maison des jeunes et du savoir de Yopougon, dans l’enceinte de l’allocodrome de Niangon.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre les accidents de la circulation 2021-2025, portée par le ministère des Transports.
M. Kouakou a souligné un aspect souvent relégué au second plan : l’incivisme des piétons, responsable d’une part non négligeable des accidents. Traversées hors passage clouté, nonrespect des feux de signalisation, marche sur la chaussée… autant de comportements à risque que cette sanction vise à dissuader À noter que les cyclistes sont également concernés
Directeur de Publication : Israël Guébo
Secrétaire de rédaction : Jémima Késsié
Direction Artistique : Félix Ancien
Ce que beaucoup ignorent, c’est que cette disposition n’est pas nouvelle Elle est prévue depuis le décret n°2016-863 du 3 novembre 2016, qui encadre les infractions de première classe (article 258), avec des amendes allant de 1 000 à 10 000 F CFA.
Espérons que cette mesure, désormais actée, contribue à changer les habitudes pour une route plus sûre, autant pour les piétons que pour les automobilistes.
Jean-François Bainguié
Rédacteurs : Sultane Cissé, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile,
Abidjan soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)

GBAKA, TAXI, WÔRÔ-WÔRÔ : LA BAISSE DU CARBURANT NE LES TOUCHE PAS
Depuis le 1er avril 2025, le gouvernement a annoncé une baisse des prix du carburant : le litre de super passe de 875 F à 855 F (–20 F) et le gasoil de 715 F à 700 F (–15 F). Une décision saluée par les transporteurs… mais à peine perceptible pour les usagers.
Yopougon. La plus grande commune du pays.14 avril 2025 Sur le terrain, rien n'a bougé Le trajet
Lavage Yopougon – Koumassi reste à 900 FCFA (contre 700 F auparavant).
Koweït – Sable ? Toujours 200 F, au lieu des 100 FCFA d’avant. Et Adjamé – Dabou ? 1 000 F, inchangé.
Bref, la pompe baisse, mais pas les prix dans les gbakas, ces mini-bus de transport en commun de 18 à 32 places.
Une “belle surprise” au goût amer
Pour de nombreux automobilistes, cette baisse gouvernementale est davantage symbolique que structurelle. Et pour cause : depuis trois ans, les hausses ont été brutales. Rappel des épisodes précédents :
Février 2022 : super à 695 F (+60 F)
Juin 2022 : 735 F (+40 F)
Octobre 2022 : 775 F / gasoil à 655 F
Février 2023 : super à 815 F
Octobre 2024 : 875 F / gasoil à 715 F
Bilan : +180 F pour le super en 3 ans, +40 F pour le gasoil
Et pendant ce temps-là, aucune baisse des tarifs de transport n’a été enregistrée à Abidjan. Pour Juliette Aka, caissière dans une banque, « la baisse de 20 F est purement cosmétique. Elle ne change absolument rien dans notre quotidien. »
Vers un avenir plus léger à la pompe ?
Un espoir se profile toutefois à l’horizon. Grâce aux découvertes des gisements Baleine et Calao, la Côte d’Ivoire dispose désormais de réserves estimées à plus de 2,5 milliards de barils de brut Si l’exploitation est bien structurée et les capacités de raffinage améliorées, ces ressources pourraient faire baisser durablement les prix, avec un vrai impact pour les populations. Mais entre promesse énergétique et réalités du terrain, le fossé reste encore large
Jean-François Bainguié

L’OUEST DE LA CÔTE D’IVOIRE FERAT-IL BASCULER LA PRÉSIDENTIELLE
Par Jeune Afrique
À quelques mois du scrutin d’octobre, cet important vivier électoral, longtemps considéré comme le fief de Laurent Gbagbo, attise les convoitises des partis politiques. Reportage.
Ce matin de mars, entre Soubré et Méagui dans la région de la Nawa, un épais brouillard enveloppe les forêts et les plantations d’hévéas, de palmiers à huile et surtout, de cacaoyers qui s’étendent à perte de vue. Ici, dans la première zone de cacaoculture de Côte d’Ivoire, des agriculteurs, machette à la main et pulvérisateur sur le dos, se rendent aux champs Sur cet axe qui mène à San Pedro, premier port d’exportation de fèves au monde, des camions se croisent fréquemment. Mais la route, en très mauvais état, provoque de nombreux accidents comme celui qui se produit sous nos yeux quand un poids-lourd finit sa course dans le ravin, et sa précieuse cargaison, des balles de coton, sur la chaussée.
À peine une cinquantaine de kilomètres séparent le chef-lieu de la région, Soubré, à Méagui, mais il faut compter près de deux heures pour faire le trajet. C’est là tout le paradoxe de cette partie du pays cruciale pour l’économie ivoirienne, mais qui semble avoir été oubliée des projets d’infrastructures routières. La déception de ses habitants devrait peser dans les urnes lors de présidentielle d’octobre prochain, alors que la baisse de la production de cacao précarise les producteurs.
Une baisse drastique de la production de cacao
Depuis trois ans, l’Entreprise coopérative des agriculteurs de Méagui (Ecam), qui regroupe près de 3 500 producteurs de cacao, tente de faire face à la situation. Réunis au siège, les responsables de projets présentent leurs avancées La diversification des productions, avec l’introduction du maraîchage ou de la culture du maïs, est abordée. « Les changements climatiques ont conduit à des sécheresses, l’année dernière nous avons connu des inondations Sans compter que 60 % des producteurs ont été touchés par le swollen shoot, une maladie virale du cacaoyer. Résultat, la production qui atteignait 8 000 tonnes par an atteint difficilement les 5 000″, explique la présidente de l’Ecam, Assata Doumbia.
« En plus de cela, nous perdons environ 10 % de la production à cause de l’état des routes, ajoute-telle. Certaines zones sont inaccessibles et nous ne pouvons pas aller chercher la production. Nous dépensons énormément d’argent pour les réparations de nos camions » Au sein de la coopérative, on reconnaît les efforts mis en place par les autorités et une « très bonne communication avec le Conseil Café Cacao (CCC) ». Mais le prix record de 1 800 F CFA le kilo de fèves fixé cette année n’empêche pas un certain scepticisme. « Cela n’a pas trop d’effets car notre production a baissé. Quand on regarde le marché international et les voisins, on ne peut qu’être jaloux. Mais on comprend qu’ici, nous avons une stabilité, nous ne sommes pas sur un marché volatile On peut donc se féliciter de ce prix, même s’il faudrait qu’il s’accompagne d’un programme de développement social et environnemental », estime Assata Doumbia.
« Les oubliés de la République »
Un planteur de cette localité, actif depuis les années 1990, ne cache pas sa déception. « En plus des routes qui ne sont pas bonnes, nous avons des problèmes d’eau et d’électricité. C’est incompréhensible, lance-t-il, résigné Ici, nous n’attendons rien de la présidentielle Je n’irai pas voter car au-delà des promesses, nous ne voyons pas de changement. »
Lors des régionales de septembre 2023, le taux de participation dans la Nawa a été de 29,40 % contre 44,61 % au plan national. Les équilibres politiques y ont été chamboulés et la défaite du candidat du parti au pouvoir, l’ancien ministre des Eaux et Forêts et président sortant de la région, Alain-Richard Donwahi, a sonné comme un désaveu. « Le candidat du RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, au pouvoir] venait à ses meetings en hélicoptère Peut-on donner plus grande preuve de l’état impraticable des routes ? De plus, il n’hésitait pas à traiter son adversaire de paysan. Ce qui est ironique quand on sait que la majorité de la population de la région vit de l’agriculture », raconte un observateur de la scène politique locale
Est-ce cette posture, perçue comme arrogante, qui a coûté au RHDP cette région clé ? Depuis son élection, le député du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Méagui, René Netro Tagbo, est très actif C’est au siège du conseil régional qu’il donne rendez-vous, entouré de ses proches collaborateurs. La veille, il avait tenu un meeting dans un village pour « rassurer quant à l’éligibilité de Tidjane Thiam » à la présidentielle René Netro Tagbo fait partie des haut représentants désignés par le président du premier parti d’opposition dans les districts. C’est lui qui, le 22 juin 2024, avait organisé le premier meeting de l’ancien financier après son élection à la tête du parti
« Après mon élection, j’ai demandé à rencontrer le chef de l’État, confie l’élu local. Le mardi 16 avril 2024, je lui ai expliqué le poids économique de notre région qui abrite notamment trois barrages hydroélectriques, ce qui nous permet d’exporter de l’électricité J’ai aussi relevé les insuffisances des infrastructures routières. Deux départements sur les quatre, à savoir Buyo et Gueyo, sont enclavés. Pire, à Gueyo, nous n’avons pas d’hôpital. Il y a seulement un petit dispensaire dans lequel on ne peut pas faire d’opérations. Chaque année, cinq femmes y meurent en voulant donner la vie. Nous avons conscience que notre région est essentielle. Mais nous pensons que nous sommes un peu les oubliés de la République »
René Netro Tagbo confie être ressorti de cet échange avec la promesse que les lignes bougeraient d’ici à la fin de 2025. D’ailleurs, des chantiers sont actuellement en cours sur l’axe Soubré-San Pedro. Les ponts sont en train d’être renforcés. Le ministère de l’Équipement et de l’Entretien routier y prévoit des travaux en 2026 En attendant, les équilibres politiques ont été fortement bousculés. En plus de la présidence de la région, le PDCI détient 7 sièges de députés sur 8. Le parti au pouvoir lui, dirige les quatre principales communes « Cela démontre que le RHDP est surtout présent dans les villes, analyse René Netro Tagbo. N’oubliez pas que le PDCI est né d’un syndicat agricole, c’est un parti de planteurs à la base. »
Opération séduction pour Tidjane Thiam
Pour Tidjane Thiam, « la route du palais présidentiel passe par l’Ouest, où la Côte d’Ivoire agricole s’est donné rendez-vous, confie l’un de ses proches. On estime qu’après Abidjan, l’une des populations électorales la plus importante se trouve dans le Bas-Sassandra, bien que la révision de la liste électorale n’a pas permis de recenser tout le monde », ajoute cette source. Le choix de cette région pour tenir son premier grand rassemblement n’est pas fortuit. C’est un message fort qui lui permet de séduire l’électorat de l’Ouest, en plus du bastion traditionnel du PDCI en pays baoulé.
Avant la présidentielle, tous les partis politiques convoitent les régions de l’Ouest, susceptibles de faire basculer le scrutin En 2020, selon la Commission électorale indépendante (CEI), la population électorale du district d’Abidjan s’élevait à 2 051 399 électeurs. Les trois districts de l’Ouest (les Montagnes, Sassandra Marahoué et le BasSassandra) en totalisaient 1 604 627 Un chiffre qui pourrait augmenter à la suite de la révision de la liste électorale prévue après la prochaine présidentielle...
A lire en intégralité sur https://www jeuneafrique com
ASSALÉ TIÉMOKO CONTRE-ATTAQUE : “JE NE ME TAIRAI PAS (...) L’HISTOIRE JUGERA CHACUN DE NOUS.”

Pris pour cible par une série d’accusations et de menaces depuis plusieurs semaines, le députémaire de Tiassalé sort de son silence. Dans une interview accordée au Nouveau Réveil, il répond point par point aux attaques et affirme ne pas céder à l’intimidation. Une mise au point musclée, dans un contexte où ses prises de position dérangent.
Depuis quelques semaines, le député-maire de Tiassalé, Assalé Tiémoko, est au cœur d’une tempête médiatique et politique Entre accusations de mauvaise gestion, rumeurs de détournement, pressions pour la levée de son immunité parlementaire, et menaces de mort visant jusqu’à sa famille, l’élu répond sans détour : « Ce n’est pas moi qu’ils vont faire taire Mon silence ne se négocie pas. »
Dans une interview parue mercredi 9 avril 2025 dans le Nouveau Réveil, Assalé Tiémoko réagit aux attaques dont il dit être la cible depuis qu’il a commencé à révéler, documents à l’appui, des faits troublants liés à des expropriations foncières en Cote d’ivoire. « Je publie ce que je peux démontrer. Ce que j’écris est documenté. Je n’ai jamais accusé sans preuve. Ceux qui veulent me contredire n’ont qu’à sortir les leurs », affirme-t-il
Alors que certains réclament la levée de son immunité parlementaire, l’élu se dit serein :
Assalé Tiémoko évoque aussi les menaces qu’il reçoit quotidiennement : appels anonymes, recherches d’informations sur ses enfants dans leur école… Des pressions personnelles qui n'entament en rien sa détermination : « Je suis prêt à tout assumer. Même à ce qu’on lève mon immunité Mais je ne me tairai pas (!) »
Sur les accusations de vente illégale de terres, il rappelle que la mairie de Tiassalé agit dans la transparence et le respect des procédures : « Tous les terrains vendus, l’ont été avec l’accord des propriétaires terriens Certains conflits relèvent de contentieux familiaux, dans lesquels la mairie n’a rien à voir»
Pour Assalé Tiémoko, l’acharnement dont il est victime n’est pas un hasard Il voit dans cette campagne une tentative d’étouffer un combat plus large : celui qu’il mène depuis des années pour la transparence, la justice sociale et la responsabilisation des gestionnaires publics. Des COGES dans les écoles à la délivrance opaque des ACD (Arrêté De Concession Définitive), en passant par la gouvernance des données publiques (mobiles) (les datas), il s’est imposé comme l’une des voix les plus critiques mais structurées du paysage politique ivoirien Et il prévient : « L’histoire jugera chacun de nous dans un temps pas si lointain. »
Philomène Tourey