Zut ! 15 Strasbourg

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Christian Biecher est un créateur polymorphe se considérant surtout architecte et urbaniste, malgré des collaborations qui l’ont propulsé au rang de designer renommé. Son architecture est à son image, charismatique et élégante. On compte parmi ses réalisations la récente réhabilitation de l’ancienne Bourse de Budapest ou encore le siège social du créateur Issey Miyake à Tokyo. Il affectionne l’éclectisme et passe d’un projet à l’autre avec dextérité et humanisme. Il a notamment réalisé plusieurs immeubles à Hong Kong et les grands magasins Harvey Nichols de Dublin, Jakarta ou Bristol. On lui doit aussi les boutiques parisiennes Pierre Hermé et Fauchon, et plus récemment des équipements publics et logements sociaux. Pourtant, c’est le hasard qui ramènera sur ses terres, ce natif de Sélestat qui a grandi à Strasbourg. Maurizio Borletti, actuel président du Printemps, est venu toquer à la porte de l’architecte, avec qui il avait déjà collaboré des années plus tôt pour l’orfèvre Christofle. L’ambition du projet emballe Biecher, l’idée de travailler enfin dans son Alsace natale aussi. C’est lui qui repensera la façade du Printemps, dont le projet, qui inclut une nouvelle surface commerciale de 7500 m2, est porté par sa directrice Laurence Peiffer. Ce Bonheur des dames* d’un nouveau genre fera entrer l’audace européenne au cœur de Strasbourg. Paysage de cité Au delà de la façade du bâtiment, Christian Biecher a tenu à intégrer dans sa construction les espaces intérieurs du grand magasin, comme l’implantation des escalators. Pour autant, sa vision de l’architecture reste indissociable du milieu urbain où elle se trouve : « La ville est faite d’espaces publics et d’événements urbains, comme des points d’acuponcture. L’ancien immeuble était en total décalage avec le glamour de l’enseigne. Il a fallu trouver un traitement unitaire qui entre en résonance avec les commerces environnants, les transports et ces deux objets forts de la place de l’Homme de fer. » Lorsqu’il évoque ces objets, l’architecte fait référence à l’anneau central de la place et à la tour Valentin-Sorg, qui s’élève sur 48 mètres depuis les années 50 : « Je n’aime pas cet anneau imposant qui a véritablement tué cette place, et pourtant il est devenu un point de repère évident pour les Strasbourgeois. Il a fallu faire avec ! » * Au Bonheur des Dames d’Émile Zola (1883), roman sur l’univers des grands magasins.

L’habit brut Cette créature-ovni qui s’érigera bientôt est le résultat d’un « sac de nœuds techniques » ironise l’architecte. Pourtant, quand on l’interroge sur les contraintes de l’opération en cours, l’humilité prend le dessus. « Lorsqu’on innove, cela entraîne toujours des complications qui sont d’autant plus importantes que l’intervention est inédite. Elles ont été à hauteur de nos ambitions ! » Cette enveloppe structurale se compose de nervures, qui constituent l’ossature technique de la façade, avec la maille plissée comme leitmotiv graphique : « Il fallait que ce soit comme un habit. Je ne voulais pas tricoter une façade classique. L’idée de la maille plissée est venue très vite, avec sa forme rythmique qui me fait penser aux colombages alsaciens ». Les oriels ou bow-windows viennent compléter majestueusement l’édifice avec son avancée en encorbellement. Une sorte de balcon propulsé dans le vide qui laisse pénétrer la lumière de l’intérieur. Cette transparence recherchée donne vie à un panorama urbain presque cinématographique.

“ Il a fallu trouver une unité avec les commerces environnants, les transports et les éléments forts de la place de l'Homme de fer ”

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