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main-d’œuvre peu qualifiée
ENCADRÉ 1.1
L’internet à haut débit crée également des emplois pour la main-d’œuvre peu qualifiée
Avec l’arrivée de l’internet à haut débit en Afrique subsaharienne, la probabilité qu’une personne trouve un emploi a augmenté de 6,9 % d’après les Enquêtes démographiques et de santé (EDS, étude portant sur un échantillon de huit pays), de 13,2 % selon l’Afrobaromètre (étude portant sur un échantillon de neuf pays) et de 3,1 % en Afrique du Sud, par rapport aux zones non raccordées aux câbles sous-marinsa. Il est important de noter que l’augmentation de l’emploi dans ces pays n’est pas due à une délocalisation de postes dans des zones non connectées. On peut attribuer à l’internet à haut débit une création nette d’emplois d’assez grande ampleur (Hjort et Poulsen, 2019b).
Ces résultats globaux peuvent être analysés par catégorie – l’emploi qualifié, l’emploi non qualifié – pour en mesurer l’impact social. En Afrique du Sud et dans les pays de l’étude EDS, la probabilité qu’une personne ait un emploi qualifié augmente respectivement de 1,4 et 4,4 % avec l’internet à haut débit, comme on peut le voir dans la partie supérieure du graphique E1.1.1. La probabilité qu’elle ait un emploi non qualifié
Graphique E1.1.1 Impact de l’internet à haut débit sur l’emploi suivant les niveaux de
qualification et d’éducation
Catégorie Qualifié vs non qualifié
Niveau de qualification
Niveau d'éducation
Huit pays subsahariens (Enquêtes démographiques et de santé)
Niveau de qualification de l'emploi
Qualifié Non qualifié Hautement qualifié Modérément qualifié Peu qualifiés Supérieur Secondaire Primaire Aucune éducation
Source : Hjort et Poulsen, 2019.
Afrique du Sud (Enquête sur la population active)
0 2 4 0 2 4 6 Évolution de la probabilité d'être employé (en %)
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ne diminue pas (la différence est statistiquement négligeable), autrement dit la maind’œuvre non qualifiée ne subit pas d’effet négatif en moyenne. Ces résultats signifient que l’internet à haut débit avantage les plus compétents en Afrique subsaharienne ; il a un effet positif sur les emplois plus qualifiés comme cela a été montré dans les pays à revenu élevé. Il est important de noter que lorsque la catégorie de l’emploi qualifié est subdivisée en trois sous-catégories, l’augmentation la plus forte de l’emploi qualifié concerne la sous-catégorie « modérément qualifiéc », comme le montre la partie médiane du graphique.
Aspect essentiel : si l’on examine l’impact de l’internet à haut débit non plus en fonction de la catégorie d’emploi mais du niveau d’éducation de la main-d’œuvre, on s’aperçoit que l’augmentation du taux d’emploi est d’une ampleur comparable pour les niveaux d’éducation primaire, secondaire et supérieur dans tous les échantillons étudiésd. Dans les pays de l’étude de l’Afrobaromètre (non présentée ici), l’internet à haut débit augmente également le taux d’emploi pour ceux qui n’ont pas été au bout du primaire. L’augmentation des revenus a également une conséquence indirecte notable : une analyse des données sur les lumières nocturnes dans les images satellite révèle que l’internet à haut débit augmente le revenu moyen dans les zones qui ont bénéficié d’une croissance de l’emploi.
Ces résultats – l’effet positif sur l’emploi et les revenus, y compris pour la main d’œuvre à plus faibles niveaux d’éducation – sont importants parce qu’ils reposent sur des liens de cause à effet. Pour identifier ces liens de causalité, on a comparé des personnes et des entreprises situées dans des endroits d’Afrique subsaharienne qui sont raccordés au réseau terrestre d’Internet à d’autres qui ne le sont pas durant l’arrivée progressive, depuis l’Europe, à la fin des années 2000 et au début des années 2010, de dix câbles sous-marins qui ont grandement augmenté la vitesse et la capacité du réseau terrestre.
Quels sont les mécanismes qui font que l’internet à haut débit a un effet bénéfique sur l’emploi, y compris pour les moins qualifiés ? Hjort et Poulsen (2019) indiquent qu’une partie de la croissance de l’emploi peut être expliquée par un bilan net positif dans la création d’entreprises (le nombre d’entreprises a augmenté d’environ 23 % en Afrique du Sud avec l’arrivée de l’internet à haut débit) : se conjuguent une forte augmentation des créations d’entreprise et une baisse des fermetures d’une ampleur comparable.
Une autre explication semble être l’augmentation de la productivité dans l’industrie (en Éthiopie). Hjort et Poulsen (2019) indiquent également que les entreprises du Ghana, du Kenya, de Mauritanie, du Nigéria, du Sénégal et de Tanzanie exportent davantage, communiquent davantage avec leurs clients et forment davantage les employés, selon les Enquêtes auprès des entreprises (Enterprise Survey)
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de la Banque mondialee. Ils suggèrent que les gains de productivité de la maind’œuvre moins qualifiée pourraient provenir de formations ciblées sur le lieu de travail financées par les employeurs.
a. L’échantillon EDS comprend le Bénin, la République démocratique du Congo, le Ghana, le Kenya, la Namibie, le Nigéria, la Tanzanie et le Togo. L’échantillon de l’Afrobaromètre comprend le Bénin, le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Mozambique, le Nigéria, le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. L’Enquête trimestrielle sur la population active d’Afrique du Sud (South Africa Quarterly Labor Force Survey) est effectuée tous les trois mois sur un échantillon national représentatif de la population active. À elles trois, les études couvrent douze pays subsahariens, qui représentent une population d’environ 500 millions d’habitants. b. Pour s’assurer de la robustesse de leur analyse, Hjort et Poulsen (2019) ont également mené une analyse de sensibilité sur la définition de la « connectivité » en faisant varier le périmètre autour du réseau central et en mesurant l’impact d’autres infrastructures ainsi que les effets de la destruction d’emplois provenant de l’éloignement du lieu de travail. Tous ces éléments n’ont eu aucune incidence discernable sur les résultats. Les auteurs notent par ailleurs que la croissance du marché de l’emploi ne semble pas être due à une « formalisation d’emplois informels existants », ils n’ont pas trouvé non plus de signes de croissance de l’emploi dans des zones connectées avant l’arrivée des câbles sous-marins. c. L’échantillon EDS ne fournit pas de données sur la catégorie des « peu qualifiés ». d. Dans ces échantillons, l’impact n’est pas significatif pour les personnes qui ne sont pas allées au bout du primaire et la différence d’avantage sur le marché de l’emploi entre le niveau d’éducation primaire et le niveau d’éducation secondaire n’est pas significatif statistiquement. e. Dans une étude antérieure sur le même sujet des Enquêtes auprès des entreprises de la Banque mondiale, Dutz et al. (2012) ont montré, à partir d’un échantillon de 26 000 entreprises industrielles réparties sur quinze pays africains, que celles qui utilisent Internet innovent plus en produits et processus de fabrication et créent plus d’emplois.
de l’internet (et probablement des technologies numériques qui nécessitent un internet à haut débit) sur les individus et les entreprises. Les données recueillies ont confirmé une supposition avancée précédemment, à savoir que l’adoption de technologies numériques comme Internet peut produire de meilleurs résultats en matière d’inclusion sociale en Afrique subsaharienne que dans les pays à revenu élevé. Dans les pays subsahariens où l’internet à haut débit a progressé, la demande en personnel qualifié s’est sensiblement accrue sans que la demande en main-d’œuvre peu qualifiée diminue, et la croissance de l’emploi a été d’une ampleur similaire pour tous les niveaux d’éducation (Hjort et Poulsen, 2019). Un travail empirique antérieur de Dutz, Almeida et Packard (2018) montre que la main-d’œuvre peu qualifiée bénéficie également de la croissance de l’emploi provoquée par l’adoption d’Internet et de technologies numériques nécessitant des compétences. Comme expliqué dans l’encadré 1.2, la croissance de la demande et l’augmentation corollaire de la production, qui résultent de l’adoption du numérique, représentent un important mécanisme qui est probablement à la base des progrès de l’inclusion sociale dans les pays subsahariens.
Les prochains chapitres montreront comment, en Afrique subsaharienne, les technologies numériques peuvent renforcer le capital humain, améliorer les