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n Juin 1914, un siècle après

Retour sur une condamnation à mort collective Le 28 juin sera le centième anniversaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand. La mort de l’héritier du trône d’autriche-hongrie déclencha une crise diplomatique qui, le 1er août 1914, déboucha sur le début de la Première Guerre mondiale.

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e 28 juin 1914, en visite dans les rues de Sarajevo, alors partie de l’empire, l’héritier du trône d’AutricheHongrie était assassiné. Dans la torpeur de l’été, la crise diplomatique qui s’ensuivit ne paraissait pas de prime abord devoir mener à la guerre. C’est pourtant ce qui se produisit par le jeu des alliances: l’Autriche-Hongrie demanda des excuses à la Serbie, accusée d’avoir armé le bras de l’assassin. Forte de l’alliance russe, la fière Nation ne voulut pas les fournir. L’Allemagne se solidarisa avec sa fidèle alliée, l’Autriche-Hongrie, tandis que la France se souvenait de son amitié avec les Russes et que le Royaume-Uni était lié par une «Entente cordiale» avec Paris. Les responsabilités de uns et des autres sont très difficiles à établir, car il ne faut pas confondre l’Allemagne de 1914, alors une démocratie, avec celle de 1939, et l’impression qui domine avec le recul est celle d’une désinvolture généralisée et d’ego démesurés. La volonté d’éviter la guerre à tout prix n’existait pas, et pour cause: tout le monde ou presque pensait qu’un conflit ne pourrait être que bref . Un des rares gé-

néraux allemands à en douter était le baron Colmar von der Goltz, qui se basait sur l’expérience de 1870-1871. A l’époque, l’armée impériale française avait été rapidement battue, mais des armées de volontaires s’étaient créées, notamment l’«armée de la Loire», et les Allemands avaient dû renoncer à occuper toute la France et modérer leurs prétentions pour ne pas s’enliser dans une guerre sans fin.

La fleur au fusil En août 1914, l’enthousiasme patriotique allait de nouveau être à son comble, tellement même qu’en France par exemple, les policiers envoyés pour arrêter les éléments jugés séditieux sur la base de listes (qui existent toujours dans tous les pays) renonçaient généralement à se saisir des personnes visées, qui s’étaient le plus souvent déjà spontanément portées volontaires pour partir au front. Les arrêter tout de même aurait cassé l’enthousiasme patriotique pour ce qui allait surtout s’avérer une vaste condamnation à mort. Car, un siècle après, il faut garder certains chiffres à l’esprit:

• La suisse, à l’époque, savait se doter d’une aviation capable de la défendre… Un Blériot de l’armée helvétique.

les pertes allaient partout être effroyables, même chez les belligérants considérés comme «secondaires». Les Italiens, entrés en guerre aux côtés des Alliés en mai 1915, allaient avoir 651 000 tués jusqu’en novembre 1918. Les Bulgares, aux côtés des Allemands et des Turcs, d’octobre 1915 à septembre 1918, allaient perdre 88 000 hommes et les Roumains, d’août 1916 à novembre 1918, environ 250 000. Les Turcs, engagés sur au moins quatre fronts dès novembre 1914, perdaient 800 000 hommes. Les Américains, eux, qui ne devaient participer effectivement au conflit que d’août à novembre 1918, avec une seule opération d’envergure, la réduction du saillant de Saint-Mihiel, eurent «seulement» 116 000 tués. Cette participation relativement modeste à la défaite allemande ne devait pas les empêcher de dicter les conditions de la paix après avoir revendiqué pour eux les fruits d’une victoire gagnée, il faut le rappeler, au premier chef par les Français, qui perdirent 1,4 million de soldats, une tuerie sans nom pour un pays d’alors 40 millions d’habitants. La même disproportion allait

TOUT L’IMMOBILIER • NO 724 • 26 MaI 2014

s’observer pendant la Seconde Guerre mondiale, où les Américains sont crédités d’avoir libéré l’Europe avec des pertes relativement modestes, 292 000 tués au combat de décembre 1941 à mai 1945, qui font oublier les quelque 12 millions de soldats soviétiques morts dans la lutte contre la barbarie nazie… qui n’aurait sans doute jamais existé sans la stupidité des sanctions décidées à Versailles après 14-18. François Hollande a récemment rappelé le sacrifice soviétique en invitant les Russes à la commémoration du 70e anniversaire du Débarquement. Cela n’a pas empêché Bernard-Henri Lévy de demander l’annulation de l’invitation. En tout cas, l’anniversaire de 1914 devrait servir d’utile rappel des horreurs d’une guerre qui, avec un peu de bonne volonté, aurait été parfaitement évitable. Peut-être devrait-on d’ailleurs se féliciter également, comme le suggérait notre confrère Robert Habel dans «L’Illustré» de Lausanne, de ce que la Suisse ait eu la sagesse de ne pas se mêler de la folie de ses voisins. n Mohammad Farrokh


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