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Béchir Ben Yahmed

Béchir Ben Yahmed

Alorsquel’Afriquemanque cruellement de vaccins contreleCovid-19,le plaidoyerpour une production locale prend de l’ampleur. Si certains pays ont déjà desperspectivesconcrètes avec de grands laboratoires pharmaceutiquesàla pointesur le sujet –essentiellement Johnson &Johnson, Spoutnik V et Sinovac–,les calendriersetles volumesdeproduction, lesmodalitésd’approvisionnement et de distribution restent encoretrèsflous, alors que de nombreuses négociations sont en courssur le sujet, aussibien entreAfricainsqu’avec lesgroupes occidentaux,russes,chinois et les institutions internationales.

Àlafunestefaveur de la pandémie,les décideurs africains ont pris la mesuredunécessairedéveloppement de leur industrie pharmaceutique.Les espoirsont étéalimentés par la conférencevirtuelle de haut niveau organiséele12avril par le Centreafricain de contrôle et de prévention desmaladiesdel’Union africaine (Africa CDC).Son directeur,le Camerounais John Nkengasong, ambitionne de voir d’ici àvingt ans le continentproduire plus de la moitié desvaccins qu’il consomme, contre1 %aujourd’hui.Danslemême temps, le marché africain desvaccins va croître de manièresignificative, passant de 1,3milliarddedollars par an actuellement àunmontant compris entre2,3 et 5,4milliards de dollarspour 2030,selon le cabinet de stratégie américain McKinsey.

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Quant au vaccin anticoronavirus, le continent areçuàcejourmoins de 2% desdosesadministréesdans le monde. L’Afrique aurait besoin de 1,5milliarddedoses pour vacciner 60 %desapopulation, seuil minimal pour atteindrel’immunitécollective, selon lesestimations. Le programme Covaxdevrait àtermefournir 20 % desbesoins du continent. Plus de 2milliards dedoses produites en dehorsont éténégociées pour le continent,mais il n’en areçuque quelquesmillions.Provisionnées principalement auprès de Pfizer et d’AstraZeneca (via leursdifférentes plateformes, dont le Serum Institute of India), ellestardent àêtredistribuées.Lasuspension des exportations indiennesn’arrangerien. L’Union africaine aégalementdéveloppéson initiative, Avatt (Équipe spéciale d’acquisition de vaccins de l’UA,enfrançais), et adéjàannoncé avoir négocié 670millions de doses, grâceausoutiend’Afreximbank et à celui de la Banque mondiale.

Le CDCenvisagelacréationde cinq ou six pôlesdecompétences régionaux, autour de pays ayant les capacités de produiredes vaccins. Pourl’instant,cesont despaysdu Maghreb,l’Égypte et l’Afrique du Sudqui tiennent la corde,tandis qu’enAfrique de l’OuestleNigeria et le Sénégal se distinguent, et que le Ghanaessaie d’entrer dans la course, tout comme le Rwanda en Afrique de l’Est.

Tractations bilatérales

Mais, jusqu’à présent, lestractations bilatéralespourproduireces vaccins dament le pion àtoute coordination multilatérale.Logique,quand des pays ont pris de l’avance en investissant dans le secteur depuisdes années et tentent avant tout de subvenir àleursbesoins. Certains produisent déjà d’autres typesde vaccins humains ou vétérinaires.Il existe par ailleursenviron 80 usines de produitsstérilesinjectablessur le continent, d’après William Ampofo, président de l’Initiative pour la fabrication de vaccins en Afrique (Avmi). Autant de structures adaptablesrelativement rapidement, selon lesspécialistesinterrogés. Mais rien ne se fera sans transfertdetechnologies.

«Tout dépend de queltypede vaccin on parle, l’ARN messager(Moderna, Pfizer-BioNtechet CureVac) demande desinfrastructuresetdes compétencesdont le continent ne dispose pascomplètement », analyseNathalie Coutinet, chercheuseenéconomie de la santé àl’universitéSorbonne-Paris-Nord. Aucun despotentiels hubsrégionaux n’estencore en mesure de produireces vaccins de bout en bout. Au mieux,certains peuvent traiter sa forme concentrée et la répartir dans desflacons de manièreaseptique (fill and finish) dans l’espoir,à terme,dedévelopper leursbiotech-

L’Égypte se targue d’avoir passé des accords de production avec le chinois Sinovac et le russe Spoutnik V.

nologiespour se préparerà d’autres pandémies. Mais un voile d’opacité entoureles négociationsavecles grands laboratoires. «Tout cela se fait sans transparence,cequi n’est pas acceptable dans un moment si critique », regretteNathalie Ernoult, directrice du plaidoyerpour l’accèsaux médicamentsessentiels de Médecins sans frontières.

Contactés, tous lesprincipaux laboratoires sont restés très vagues dans leursréponses.Merck dit ne pas être en mesurederépondreà nosquestions «à l’heure actuelle ». Signe que desnégociations ont lieu ou quelastratégie africaine de production n’estpas àl’ordre du jour ? Pfizer se contentedecommuniquer sur sa volontéd’ajouter davantagede producteurssous contrat àsachaîne de production.

En Afrique du Nord,l’Égypte se targue d’avoir passé desaccords de production avec le chinois Sinovac et le russe Spoutnik V. L’Algérie a aussi annoncé la productiondu Spoutnik V. Selon un pharmacien proche du dossier, le groupeSaidal, qui n’apas souhaitérépondreànos questions, aurait transformé une

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