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Le grand saut
Le passage du monde amateur à la galaxie professionnelle relève souvent de l’inconnu, du risque et du doute, mais aussi de l’enthousiasme et de l’ambition. Les deux meilleurs amateurs suisses ont donc décidé de «se lancer», confortés dans cette décision par leurs diverses expériences et un palmarès flatteur. Interview jumelée!
le cut passé à Crans-Montana. Cela m’a donné une grande confiance, car je me suis rendu compte que je n’avais pas de complexes à avoir par rapport aux gars du Tour. En 2003, j’y songeais, mais je ne pensais pas avoir le niveau. Aujourd’hui je me sens plus mature, mieux préparé pour les grands événements.
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Martin Rominger: C’est le fruit d’une longue réflexion. J’y ai pensé pendant mes études, mais je ne voulais pas le faire avant d’avoir mon diplôme universitaire. Cela arrive au bon moment. Je me donne une chance et ainsi, même si ça ne marche pas, je n’aurai jamais le regret de ne pas avoir essayé. Après mes bons résultats chez les amateurs, j’en ai parlé avec notre coach, Graham Kaye, et il m’a confirmé que j’avais le niveau. Et si je pense aux amateurs européens que j’ai côtoyés lors de la Palmer Cup en 2004 et qui ont passé pro, je vois qu’ils ont tous réussi! Cela me donne confiance. Mais la grande question est: est-ce que j’ai le niveau?
Golf Suisse: Est-ce que vous vous sentez aidés ou plutôt isolés dans votre démarche?
Starski et Hutch! Voilà comment on devrait appeler Sulzer et Rominger. Un brun et un blond, duo inséparable, amis sincères et qui, en plus, se parlent en anglais! Ne reste plus qu’à leur trouver un «Huggy les bons tuyaux»…
Ils ne descendent pas d’une Ford rouge et blanche le flingue à la main, mais d’un cart de golf, avec le putter. Et le théâtre de leurs premières aventures professionnelles n’est pas la Californie, mais la Costa del Sol, lors du récent Pro-Am de l’ASGI. Quelques jours après avoir malheureusement loupé le coche lors de la deuxième étape de la Qualifying School qui se déroulait également en Espagne, les deux golfeurs ont rejoint le groupe de l’ASGI pour une semaine de tournois «décontractés», idéale pour lancer leur carrière. Ils ont d’ailleurs chacun gagné un tournoi en individuel!
Golf Suisse: Premier tournoi et premier chèque pour vous deux. Qu’estce qui a changé depuis que vous êtes pro?
Nicolas Sulzer: Pas grand chose en fait. J’ai travaillé avec l’ASGI pendant plusieurs mois et je peux dire que le regard des gens n’a pas changé. C’était très sympathique de gagner dans ce contexte, même si je n’ai pas pensé un seul moment à l’argent.
Martin Rominger: J’ai toujours aimé les sports d’équipe alors ce type de tournois me convient très bien. Je n’étais pas venu pour l’argent d’ailleurs et je n’y ai pas pensé. Le changement chez les pros, je le sentirai surtout cette année.
Golf Suisse: Quand avez-vous décidé de passer professionnel?
Nicolas Sulzer: C’est en 2004 que le déclic est venu, après les Championnats du Monde à Puerto Rico et
Nicolas Sulzer: On va entrer dans le cadre de Swiss Golf et c’est un bon soutien. André Bossert veut souder l’équipe, lui donner une dynamique nationale, ce que je trouve très stimulant. L’idée étant de faire chez les pros ce qu’on a fait chez les amateurs. Personnellement, je vais aussi avoir le soutien de l’ASGI et c’est important pour moi, sans compter que Graham va aussi nous aider. Je travaille avec lui depuis 12 ans, puisque l’on a commencé ensemble dans l’équipe nationale et je compte sur lui pour éviter de nombreux pièges.
Martin Rominger: Je dois dire que j’ai senti de l’intérêt pour moi depuis que j’ai annoncé mon passage chez les pros. C’est rassurant . Cela vaut aussi bien pour les partenaires techniques que pour mon club, qui va créer un groupe de supporters. Avec Swiss Golf, je me sens aussi soutenu. Golf Suisse: Comment allez-vous vous organiser?
Nicolas Sulzer: Dans un premier temps, tout seul, avec l’aide de mon père qui est aujourd’hui à la retraite, ainsi qu’avec mon frère. Cette structure familiale pourra évoluer en fonction du circuit auquel j’accèderai dans l’avenir.
Martin Rominger: C’est une personne privée qui s’est spontanément proposée pour assurer l’administratif de ma carrière. C’est un excellent début.
Golf Suisse: Est-ce que vous recherchez des sponsors?
Nicolas Sulzer: Je n’ai pas vraiment commencé. J’attendais la fin de la Qualifying School. Je vais m’y consacrer pendant l’hiver. (Interview réalisée en novembre dernier NDLR)
Martin Rominger: Tout va se mettre en place pendant l’hiver.
Golf Suisse: Déçus par vos performances lors de cette deuxième étape de la Qualifying School?
Nicolas Sulzer: Oui, un peu quand même. J’ai fait une grosse erreur stratégique, car je pensais au dernier trou qu’il me fallait un par pour passer le cut et j’ai attaqué, alors qu’un double bogey me qualifiait! J’ai fait un quadruple en mettant deux balles dans l’eau… Le problème est qu’il n’y avait aucun moyen à ce moment-là de le savoir, puisqu’il n’y a évidemment pas de leaderboards sur le parcours. Le côté positif, c’est que j’avais les moyens d’arriver au dernier stade de la Qualifying School et que j’ai joué –5 sur les derniers trous dans un vent puissant. Je sais donc que je suis capable de bien jouer lorsqu’il le faut. Et j’ai aujourd’hui la conviction que c’est faisable!
Martin Rominger: J’ai bien joué en Italie pour la première étape, en me classant 5ème de mon groupe, mais j’ai manqué de tonus en Espagne. J’étais un peu malade et mon putting n’était pas performant. C’était tout simplement une mauvaise semaine et j’ai manqué le cut après trois tours. C’est déjà oublié. J’ai quand même eu le temps de réaliser que les meilleurs amateurs valent les meilleurs pros et que la différence est minime. C’est simplement l’expérience qui prévaut. (Depuis, les deux pros suisses ont réussi à se qualifier pour l’ALPS Tour 2006 lors de la Qualifying School spécifique disputée au Maroc NDLR)
Golf Suisse: L’ALPS Tour en 2006, alors?
Nicolas Sulzer: Parfaitement. Je vais jouer un maximum de tournois. Et même si la pression est moins forte que sur le Challenge Tour ou le Tour européen, il va falloir se préparer sérieusement
Golf Suisse: Vous avez déjà une idée de votre programme?
Nicolas Sulzer: Les tournois de l’ALPS Tour régulièrement et des invitations sur le Challenge Tour. Je suis excité à l’idée de beaucoup jouer. J’imagine que je vais disputer environ 30 tournois. D’ailleurs, je joue tous les jours depuis 3 mois et je sens que mon jeu est bien en place, mon petit jeu notamment. Mon swing est régulier, je suis vite dans le rythme. Par ailleurs, ma motivation n’a pas baissé, malgré l’intensité de l’entraînement.
Ni après l’échec de la Q-School.
Golf Suisse: Est-ce que les voyages vous plaisent ou vous rebutent?
Nicolas Sulzer: Pour faire ce métier, il faut absolument aimer cela. Du reste, c’est une chance, un vrai privilège que de voyager.
Martin Rominger: J’aime les changements, notamment les différences dans la nourriture. Voyager n’a jamais été un problème pour moi, au contraire.
Golf Suisse: Est-ce que vous allez partager ces déplacements?
Nicolas Sulzer: Dans la mesure du possible, oui. On est amis, on apprécie d’être ensemble. Mais le problème est qu’on vit assez loin l’un de l’autre. Martin Rominger: Sur un plan mental, c’est super d’avoir un ami avec qui dialoguer, partager autre chose que le golf, décrocher. On va certainement se retrouver sur les tournois lorsque l’on ne voyagera pas directement ensemble.
Golf Suisse: Sur un plan technique, quels sont votre programme et votre marge de progression?
Nicolas Sulzer: Je dois travailler le contrôle de la distance, notamment les coups à 75%. Ainsi que les coups autour du green, que j’ai un peu négligé car je touche beaucoup de greens en régulation. J’ai de la marge! Il va aussi falloir que je me prépare physiquement, car jouer 30 tournois par saison, c’est exigeant sur le plan de l’endurance. Une musculation spécifique est programmée, afin d’être plus solide, sans perdre des sensations.
Martin Rominger: J’aimerais être plus régulier autour des greens. Je vais soigner les détails. En outre, je manque de régularité avec les fers, il faut que je resserre la cible! Je visualise bien le coup à jouer, mais je ne parviens pas toujours à le produire. Physiquement, je dois me reprendre en mains, car je n’ai pas été très assidu dernièrement. Mais grâce à mon passage à l’Université pendant 4 ans, je sais exactement ce que je dois faire!
Golf Suisse: Merci messieurs et trois fois… pour votre saison!
■ Jacques Houriet
Nicolas Sulzer
Né le: 8 avril 1977
Domicilié à Genève
Etat civil: célibataire
Débute le golf: avec les copains à 13 ans
Membre: du Golf Club de Genève
Handicap: + 2.5
Formation: BA en Business international à l’Université de Jacksonville, diplômé de la San Diego Golf Academy
Palmarès: Champion Suisse Amateur (1996, 2005), Champion International de Suisse (2002), 4ème place au Championnat du Monde 2004 (5ème en individuel), 3ème place au Championnat d’Europe 2005.
Martin Rominger
Né le: 3 mai 1979
Domicilié aux Grisons
Etat civil: célibataire, mais…
Débute le golf: à 13 ans avec son père
Membre: du Golf Club de Samedan
Handicap: +3.7
Formation: BA en Business administratif de l’Université de Caroline du Sud
Palmarès: Vainqueur de l’Ordre du Mérite en 2000, 2004 et 2005, 4ème place au Championnat du Monde 2004, 3ème place au Championnat d’Europe 2005.
Changement de programme!
Réalisée en novembre, cette interview nécessitait quelques modifications en janvier. Pourquoi? Simplement parce que dans l’intervalle, Martin Rominger était allé se qualifier en Malaisie pour le prometteur Tour asiatique!
«J’ai entendu parler de ce circuit avec beaucoup d’éloges, sur la qualité des compétitions, le niveau des dotations et la mixité avec certaines épreuves du PGA European Tour», explique Martin Rominger depuis son hôtel à Kuala Lumpur. «Donc je suis parti en janvier en Malaisie, où 600 joueurs essayaient de se qualifier. Grâce aux résultats du Championnat du Monde, j’ai été exempté de la première étape et je me suis retrouvé avec 200 joueurs pour la seconde. J’ai terminé 14ème avec des scores de 73, 66, 68 et 74 (-7). Ce qui était suffisant puisqu’il y avait 40 cartes disponibles. Je suis donc membre du Tour asiatique pour la saison 2006!» Comme certaines épreuves font également partie du Tour européen, les places sont chères et Martin devra parfois attendre de voir si une place se libère pour entrer dans les tournois les mieux dotés. Mais il est néanmoins assuré de jouer une quinzaine d’épreuves. Son premier tournoi au Pakistan s’est soldé par un cut manqué pour un seul coup. «Mon jeu est en place et je me sens à l’aise dans cette partie du monde. J’aime la chaleur humide, qui ressemble à celle de la Caroline du Sud. Cela dit, je sais que cette première saison va être difficile, car je dois tenter de terminer dans les 60 premiers de l’Ordre du Mérite pour entrer dans tous les tournois en 2007. Le niveau est très élevé, mais c’est aussi une grande motivation.» Le circuit asiatique fait une pause entre juin et août, ce qui donnera au Grison la possibilité de rentrer en Suisse pour se ressourcer et disputer quelques compétitions de l’Alps Tour ou du Challenge Tour. Pour Martin Rominger, le soleil se lève à l’est!