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ou… plaisir de traîner

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Goliath & Goliath

Goliath & Goliath

Pour les golfeurs, les bagages sont incontournables. Il y a le sac avec quelques clubs dedans. Passe encore s’il ne s’agissait que des 14 clubs autorisés, qui pèsent chacun 300 à 400 grammes selon le type et le modèle. Mais il s’y ajoute une balle à 1,62 onces (ce qui équivaut à 45,93 grammes), une balle de réserve, une bouteille d’eau ou de thé (1 kilo et demi), un parapluie de 600 grammes, un coupe-vent, une housse imperméable pour le sac, une casquette, une casquette de rechange, des bananes (compter 300 grammes), 200 tees à 1 gramme chacun, un relève pitch à 28 de grammes, et tout un petit matériel valant bien deux kilos supplémentaires. Cela fait trop, beaucoup trop, selon Adam Riese. Il ne s’agit là, pourtant, que de l’équipement moyen du golfeur suisse lors d’un tournoi. La vingtaine d’autres balles à 1,62 onces qu’il emporte en plus, à tout hasard, ne sont pas comprises là dedans…

La vie, décidément, n’est pas simple. Au début de chaque saison, le golfeur est amené à prendre une décision fondamentale: que va-t-il prendre avec lui pour maîtriser au mieux un 18 trous? Comme il s’agit en outre de conserver sa forme physique jusqu’au bout du parcours et que celuici, dans un tournoi, dure la plupart du temps quatre heures au moins (donc trop), nombreux sont les joueurs qui renoncent à porter leur matériel. Les fabricants ont pourtant déjà fait un énorme progrès en proposant des sacs de série équipés de bretelles qui permettent de les prendre sur le dos. Avec ce nouveau système, aujourd’hui installé pratiquement sur tous les «stand bags» (donc ceux qui disposent d’un pied rétractable), le poids se répartit de manière égale sur les deux épaules. C’est beaucoup plus ergonomique qu’avec les sangles classiques. Il n’y a plus guère que les caddies du PGA Tour qui portent encore le sac sur une seule épaule; mais cela fait partie des coquetteries du métier. Les chariots simples (qu’on appelle aussi trolleys) sont les plus largement répandus. Pas besoin de les décrire plus avant, tous les golfeurs les connaissent et beaucoup les utilisent. On a vu apparaître récemment des modèles à trois roues qui ont le grand avantage de pouvoir être poussés devant soi. Mais de manière générale et en fonction de l’objectif formulé ci-dessus (rester «fit» jusqu’au 18e trou), on se doit d’apporter quelques bémols à cette pratique. Les chariots étant mus par une seule main, on ne peut exclure une fatigue unilatérale, spécialement sur les parcours accidentés. Il y a en Suisse, même loin des hautes Alpes, quelques trous mal famés, comme le numéro 6 de Blumisberg, le 12 de Erlen, le 5 de Rheinblick ou le célèbre Kilimandjaro de Neuchâtel – pour ne pas parler de Küssnacht ou de Hittnau. Ce sont autant de tests d’aptitude cardio-vasculaire pour les joueurs; surtout pour ceux qui traînent un chariot derrière eux. On peut s’y disloquer les os et s’y endolorir les muscles de multiples manières, avant d’en arriver à la solution radicale: reprendre son sac sur le dos, plier le chariot et le porter à la main!

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Crampes et sueur

On observe souvent, en des endroits où les greens sont surélevés ou au contraire en contrebas, des joueurs qui abandonnent leur chariot en route et poursuivent en ne prenant que le putter et le driver pour le départ suivant. On économise ainsi de l’énergie, mais cela n’est possible que si la configuration du terrain le permet. Parmi les trous cités ci-dessus, il n’y a guère que celui de Neuchâtel qui se prête à cette manière de faire. Les autres ne permettent pas de telles allées et venues allégées: bonjour les crampes et la sueur. Celui qui est encore en mesure d’effectuer un swing contrôlé après une ascension de ce genre a de la chance. Le plus dur se trouve peut-être à Wallenried: après avoir putté sur le green du 6, il faut escalader une rampe très escarpée avant le départ du trou numéro 7, l’un des plus difficiles de ce parcours. C’est un long par 4, délimité à droite du fairway par une série de piquets blancs! Pour ce départ-là, il conviendrait pourtant d’être particulièrement frais…

Ce sont là de vraies difficultés. Un swing de golf n’est, dans la langue des athlètes, pas affaire d’endurance; c’est au contraire un exercice de force explosif, comparable à un saut en hauteur ou un lancer de poids. Pour le réussir, il faut avoir pu reprendre convenablement son souffle. La réponse élégante à toute cette problématique, c’est le chariot électrique. Ces dernières années, ils se sont multipliés et répandus par milliers sur les golfs helvétiques. Les raisons de cette popularité en croissance exponentielle sont multiples.

- Technologie. La construction de tels engins a été rendue possible grâce aux matériaux modernes, à des composants de plus en plus légers et – surtout – aux progrès dans le domaine des batteries.

- Fabrication en série. La demande croissante a permis la production de grandes séries, ce qui a eu des répercussions favorables sur le prix. Celui-ci a à son tour stimulé la demande.

- Mécanismes de pliage. Un chariot moderne et hightech peut être ainsi ramené à un objet peu encombrant, qui prend facilement place dans le coffre d’une voiture, dans un casier ou un dépôt. Le déploiement s’effectue en quelques secondes et le chargement de la batterie ne nécessite pas d’installation importante ni de force herculéenne.

- Vieillissement. Comme l’ensemble de la population, la communauté golfique vieillit, et pas seulement en Suisse. Mais cette évidence signifie aussi qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de golfeurs âgés qu’il y a dix ans. Et ces joueurs-là apprécient le confort électrique.

- Topographie. Beaucoup des nouveaux parcours de notre pays ont été construits dans des régions vallonnées. Si c’est à saluer du point de vue de l’agriculture, qui s’accommode mieux des terrains plats, cela rend aussi les parcours plus difficiles et plus fatigants. Et cela a aussi un effet sur la demande de chariots électriques.

- Location. En maints endroits, l’on trouve maintenant des chariots électriques à louer. Ce service des pro shops, qu’il faut naturellement saluer, a convaincu nombre de golfeurs que c’est bien là la solution à leur baisse de régime sur les neuf derniers trous ou à leur mal de dos.

Des pros parmi les clients

Volker Krajewski, président de la Swiss PGA, head pro à Schinznach Bad et collaborateur régulier de Golf Suisse, n’est de loin pas le seul pro à utiliser un chariot électrique dans ses tournois. Même parmi les purs et durs, ils sont de plus en plus nombreux à s’apercevoir qu’un 18 trous laisse des traces sur le plan physique. Les caddies sont certes obligatoires sur le circuit; mais pour les tournois de la Swiss PGA, un pro ne peut pratiquement pas s’en offrir un. Golf Suisse a choisi pour ses illustrations photographiques le troisième trou du parcours de championnat de Moosseedorf. Là aussi il faut gravir une rampe respecta-

En plein test: dans le team de Golf Suisse, il n’y a que le pro Volker Krajewski qui soit vraiment heureux avec son nouveau chariot JuCad… ble avant de pouvoir frapper le deuxième coup de ce difficile par 5. Ce n’est donc pas un hasard si les amateurs halètent et gémissent cependant que le pro Krajewski franchit l’obstacle les doigts dans le nez, pour ne pas dire triomphalement.

«Je joue certainement mieux lorsque je ne porte pas mon sac ou que je ne tire pas un chariot. Le moteur électrique fait le boulot; ça me permet de rester frais et de ne pas être essoufflé pour frapper le coup suivant.» Le pro de Schinznach sait de quoi il parle. Dans son propre club, les trous ne sont pas spécialement accidentés, mais du green au prochain départ il faut par deux fois franchir une pente plutôt raide.

Les pros du circuit, qui alignent les tournois semaine après semaine et doivent malgré cela se maintenir aussi en forme que possible, souhaiteraient naturellement pouvoir recourir eux aussi à ces engins. Mais l’utilisation de chariot n’est pas permise, tant sur le Tour européen que sur celui de l'US PGA. Elle l’est en revanche sur le Champions Tour ainsi que sur le circuit senior européen. Ces règles sont fixées par les divers Tours eux-mêmes. Elles peuvent donc être modifiées en tout temps.

Chez les amateurs, c’est un peu plus compliqué. Les règles elles-mêmes ne disent rien à ce sujet. Dans les siennes propres, l’ASG a posé l’obligation de la marche lors des tournois organisés sous son égide. A l’article 6 des règles générales valables pour tous les championnats et coupes, on peut lire ceci: «lors des championnats officiels de l’ASG, il n’est pas permis aux joueurs d’utiliser des voiturettes. Ils doivent aller à pied.» Si tel n’était pas le cas, les «motorisés» auraient en effet un avantage, parce qu’ainsi on se fatigue moins. Pour leurs tournois propres, les clubs sont autonomes. La plupart d’entre eux ont adopté une règle semblable à celle de l’ASG; tout au plus admettent-ils des exceptions pour des raisons médicales sur présentation d’un certificat.

Mais cela pourrait bientôt changer, selon Volker Krajewski. «La location de voiturettes est pour les clubs un business annexe. Difficile d’y échapper. Si la demande des membres et des joueurs au greenfee augmente, on verra sans doute la flotte augmenter sensiblement sur de nombreux golfs.»

Transformer les parcours

Davantage de voiturettes, cela signifie aussi davantage d’investissements. Il faut non seulement acheter ces minivéhicules, mais encore les entretenir de manière adéquate. Elles doivent être surveillées, nettoyées, leurs batteries doivent être rechargées. Car nous partons de l’idée que les moteurs à essence, à deux temps, sont à écarter où que ce soit en Suisse …

Sur le golf lui-même, des aménagements sont indispensables également. La nature des sols, la configuration du terrain rendent impossible ou en tout cas problématique la conduite sur herbe par tous les temps. Sur les pentes, à proximité des départs ou des greens, il faut donc construire des chemins, des «cart paths», comme on dit.

Le nouveau 18 trous de Zuoz-Madulain est un excellent exemple d’aménagement de ce genre. Il est placé sous la même direction et relève de la même société d’exploitation que le parcours de Samedan. Mais, à la différence du plus vieux golf de Suisse, il est situé sur les hauteurs, donc dans une topographie tout sauf plate. A 1800 mètres, gravir des pentes en touriste est une chose; l’air raréfié de l’altitude fait que cela en est une autre d’y aller frapper un départ. Le seul fait de marcher en traînant son chariot suffit à provoquer une accélération sensible du pouls. A Zuoz, on a misé dès le départ sur les voiturettes dans le but d’éviter le risque de dépenses ultérieures. Des chemins de terre ont été aménagés en de nombreux endroits du parcours.

Le prix de location d’une voiturette pour un 18 trous est de l’ordre de 50, 60 francs. A Zuoz, c’est 60 francs. Pour savoir combien rapporte ce commerce supplémentaire, il suffit de consulter la comptabilité.

Ceux qui ont voyagé en Floride savent comment cela se passe là-bas avec les voiturettes. Si l’on veut faire un parcours à pied dans le «Sunshine State», il faut chercher longtemps pour trouver un endroit où cela est autorisé, et l’après-midi seulement (twilight rate). Les «carts» sont aujourd’hui largement répandus aussi dans les autres destinations touristiques. Ils ne sont généralement pas compris dans le prix du greenfee et doivent donc être payés à part. Ils rapportent des millions aux golfs qui les ont rendus obligatoires.

Mais il y a plus: la plupart des «Resorts» modernes ont été conçus d’emblée pour l’usage des voiturettes. Les architectes ont donc dû faire en sorte que les départs ne soient pas situés à proximité des greens. Et il n’est pas rare qu’il faille franchir plusieurs centaines de mètres jusqu’au prochain trou, voire traverser des routes ou des quartiers d’habitation. Dans ces conditions, la voiture est, même pour les puristes, plus agréable qu’un chariot à tirer sur des kilomètres d’asphalte.

Ceux qui recherchent tout autre chose peuvent se rabattre sur quelques offres très exclusives. Par exemple le Old Course de St Andrews. C’est un golf public, ouvert à tous toute l’année. Mais il faut réserver son départ des mois à l’avance et payer un greenfee de 120 livres (environ 270 francs). Ici les voitures sont interdites, comme sur le nouveau parcours de Doonberg, niché spectaculairement dans les falaises de la côte ouest de l’Irlande. Greg Norman a collaboré à cette réalisation. Ici, non seulement il n’y a pas de voiture, mais le parcours a été spécialement conçu pour la marche.

Le golf est sain ou non?

Qu’on le veuille ou non, un parcours de golf, c’est fatigant. Si l’on veut rentrer au club-house avec une bonne carte de score, on doit rester «fit» jusqu’au bout. Et pour être complet, il convient de mettre ici en exergue quelques aspects relatifs à la santé. Les maux de dos de toutes sortes sont certainement l’une des calamités les plus fréquentes chez les golfeurs. Ils ne seront certainement pas atténués en tirant un chariot. La tension musculaire dans les épaules et la nuque, les douleurs au coude ou même les problèmes de hanches ou de genoux n’en seront au contraire qu’aggravés. Outre le mouvement de rotation lors du swing, le fait de rester longtemps debout, d’attendre, de tourner en rond pose problème. La fatigue aidant, les risques de crampes ou de perte de coordination croissent. La conséquence n’en est pas seulement de mauvaises balles, mais aussi une plus forte probabilité de blessures (déchirures musculaires, luxations).

Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent combien il est important de tout faire pour se ménager sur le parcours. Si porter son sac ou tirer un chariot est une cause de difficultés physiques, alors la réponse adéquate, dans nos conditions suisses, c’est bien le chariot électrique. La fausse honte ou l’orgueil mal placé ne sont pas de mise ici. Dans le meilleur des cas, seul votre score souffrira, mais rappelez-vous qu’il peut aussi y aller de votre santé.

Reste la solution la plus élégante: faire comme les vrais pros ou nos ancêtres les Ecossais: avoir son propre caddy, qui non seulement porte le sac, mais encore nettoie les clubs, cherche les balles… et les trouve.

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