FLORENCE PUGH De Midsommar à Marvel, une question d’émotions
BANDE DESSINÉE
Le septième et le neuvième art sont-ils irréconciliables ?
Rencontre avec Pamela Anderson
THE OUTRUN LE MÉLANGE DES GENRES AIMER PERDRE
SURIMPRESSIONS surimpressions.be
RÉDACTEUR EN CHEF
Adrien Corbeel
DIRECTEUR DE PUBLICATION
Kévin Giraud
CRÉATION GRAPHIQUE ET MAQUETTE
Bérengère Bordet - superpose.be
RÉGIE PUBLICITAIRE
Kévin Giraud
RESPONSABLE COMMUNICATION
Julien Del Percio
RÉDACTION
Raissa Alingabo-Yowali M’bilo, Julien Del Percio, Simon Lionnet, Elli Mastorou, Quentin Moyon, Katia Peignois, Thibault Scohier, Camille Wernaers
INVITÉ·ES
Laïss Barkouk, Ruben Nollet
IMPRIMÉ PAR Moderna
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VERS DE NOUVELLES FRONTIÈRES
Les sorties cinéma semblent suivre un cycle. Après la déferlante épuisante des Oscars, riche en gros films et en polémiques surjouées, nous voici face à une accalmie relative, propice à l’exploration de terrains inconnus. Pas de fresques de 2h30 ni de biopics grandiloquents dans ce Surimpressions, mais un ensemble de projets plus modestes, qui méritent néanmoins toute votre attention.
Portrait semble être le maître-mot de ce nouveau numéro. Portrait d’une jeune femme en quête d’elle-même, au large des côtes écossaises, dans le touchant The Outrun emmené par Saoirse Ronan. Portrait d’une précarité punk et débrouillarde dans Aimer perdre, la nouvelle pépite belge des frères Guit. Portrait d’une Chine fracturée, ballotée entre expansion et destruction, dans les sidérants Caught By the Tides et Black Dog. Portrait d’un féminisme militant dans Oxana, et d’un autre, plus maladroit mais tout aussi sincère, dans l’amusant Le Mélange des genres.
Portrait, bien évidemment, d’une artiste déchue, aspirant à sa grandeur passée, dans The Last Showgirl, en couverture de ce numéro, qui voit Pamela Anderson se livrer dans un rôle semiautobiographique sous la caméra attentive de Gia Coppola.
Afin d’embrasser au mieux ces sorties aussi intimistes que nombreuses, nous avons opté pour une section “En Salles” un peu différente, composée avant tout de critiques plus courtes mais rédigées avec la même rigueur. Car notre rôle en tant que revue de cinéma, c’est avant tout susciter la découverte, la curiosité, accompagner au mieux ces films passionnants à côté desquels on passe trop facilement.
On espère donc que vous lirez ces pages avec le même plaisir que notre équipe a eu à les écrire et que vous y trouverez des propositions stimulantes et inattendues. Et si vous aimez nos plumes passionnées et notre travail d’exploration, n’oubliez pas que vous pouvez nous soutenir tout en allant au cinéma : pour ce numéro, Surimpressions offre des places de Black Dog et du Mélange des genres pour tout abonnement annuel souscrit avant le 20 avril. Une belle manière de poursuivre cette aventure cinéphile avec vous, en nous offrant au passage plus de quiétude.
ÉDITÉ PAR
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Julien Del Percio
Rédacteur
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ÉDITO
Vers de nouvelles frontières EN SALLES
Rencontre avec Pamela Anderson
The Last Showgirl de Gia Coppola
Aimer Perdre de Lenny & Harpo Guit
Last Breath de Alex Parkinson 13 The Outrun de Nora Fingscheidt 14 Caught By the Tides de Jia Zhangke 15 Dog Man de Peter Hastings 17 Le Mélange des genres de Michel Leclerc 18 Black Dog de Guan Hu 19 Tardes de soledad de Albert Serra
20 My Sunshine de Hiroshi Okuyama 21 Oxana de Charlène Favier
DOSSIER
22 Adapter les BD franco-belges : une (presque) bonne idée ? 26 Les émotions nécessaires de Florence Pugh
RENCONTRE 30 Hélène Cattet et Bruno Forzani, le duo derrière Reflet dans un diamant mort 35 Bérénice Béjo pour Mexico 86
AGENDA
L’agenda des festivals en Belgique
FLASHBACKS 41 La contestation au cinéma : les années 70 aux USA 43 Mishima de Paul Schrader 44 La famille Tenenbaum de Wes Anderson
L’équipe en bref
PAMELA ANDERSON
Rencontre avec pour The Last Showgirl
- PROPOS RECUEILLIS PAR RUBEN NOLLET -
Après Demi Moore et The Substance, une autre icône du passé a vu sa carrière reprendre de manière inattendue : Pamela Anderson, qui a trouvé avec The Last Showgirl un nouveau départ. Dans ce drame sans fioriture, en salles à partir du 16 avril, elle incarne une femme qui a dansé toute sa vie dans un spectacle de type “Moulin Rouge” à Las Vegas. Aujourd’hui âgée de 57 ans, elle apprend que la production s’arrête, l’obligeant à faire face à la réalité. Un rôle fait sur mesure pour elle, a déclaré Anderson au Festival du film de Zurich, où nous l’avons rencontrée.
Il y a quelques années, vous êtes retournée dans votre ville natale de Ladysmith au Canada, traçant un trait sur votre carrière. Comment vous êtes-vous retrouvée dans The Last Showgirl ?
Grâce à Gia [Coppola, NDLR] la réalisatrice du film. Sa cousine Kate Gersten avait écrit une pièce basée sur des conversations avec les danseurs du spectacle Jubilee ! à Las Vegas, qui s’est terminé en 2016. Avec Gia, qui a toujours voulu faire un film à Las Vegas, elles en ont finalement fait un scénario. Elles ont pensé que j’étais parfaite pour le rôle principal et ont envoyé ce scénario à mon agent. Mais il ne l’a pas aimé et ne m’a rien dit. J’étais déjà reparti au Canada à cette époque, et de toute façon, je n’avais plus de contact avec cette agence. Par chance, mon fils Brandon, qui est producteur, est tombé par hasard sur le scénario. “ Qu’estce que c’est ? ” leur a-t-il demandé. On lui a répondu “Oh, c’est pour ta mère. Mais elle ne s’y intéressera jamais. C’est très mal payé et personne ne voudra voir ce film. ” Quand je l’ai finalement lu, j’ai tout de suite su que je devais le faire.
Qu’est-ce qui vous a attiré exactement dans le personnage de Shelley ?
J’ai eu un déclic. C’était pour moi une question de vie ou de mort. J’ai entendu la voix de Shelley dans ma tête pendant que je lisais le scénario. Je savais que je pourrais y mettre toute mon expérience de vie. En fait, c’était presque thérapeutique de l’incarner. J’ai immédiatement appelé Gia pour lui dire que personne d’autre ne pouvait jouer ce rôle. Bien sûr, d’autres actrices auraient pu le faire, mais c’est ce que j’ai ressenti. J’étais assise avec un chapeau de paille sur la tête, dans cette petite ville sur l’île de Vancouver, et je me suis
dit : “Sortez-moi d’ici ! Allons-y !” Je voyais cela comme ma seule chance de jouer à nouveau dans un film. J’en avais besoin.
Comment vous êtes-vous préparée pour le rôle ?
J’ai parlé à beaucoup de gens. J’ai passé des heures à discuter avec des showgirls de cette époque. Je les ai invités à manger chez moi et j’ai écouté leurs histoires. Pour le reste, je me suis préparé du mieux que j’ai pu. J’ai abordé The Last Showgirl comme une pièce de théâtre, parce que je savais que nous n’avions que 18 jours de tournage. Nous n’avions pas un seul jour de congé. Lorsque nous ne jouions pas pendant une journée, nous répétions les chorégraphies, en portant des costumes et des coiffes. Ils sont massifs et pèsent entre 25 et 35 kilos. Quand une showgirl danse, elle ne l’a sur la tête que quelques minutes. Nous devions les porter toute la journée. Nous étions constamment appuyées contre un mur pour rester debout. Nous n’avions pas non plus de mentonnière, car cela paraissait plus joli. Et il fallait pouvoir descendre les escaliers en talons hauts sans regarder.
Qu’avez-vous appris de ces anciennes showgirls ?
Qu’elles prennent leur métier très au sérieux. C’est une forme d’art qui mérite le respect. Il faut être capable de marcher d’une certaine manière, de s’habiller d’une certaine manière. Il a fallu faire appel à des spécialistes, car c’est toute une chorégraphie d’enfiler ces costumes. Vous n’avez que quelques instants pour changer de chanson. Qu’est-ce que tu
enlèves en premier ? Et ensuite ? J’ai trouvé extrêmement fascinant de combiner ce côté physique du film avec les longs monologues et dialogues, les miroirs, la loge.
Shelley et les autres showgirls doivent faire face à toutes sortes de préjugés. Est-ce que vous vous reconnaissez là-dedans ?
Vous savez, lorsque j’étais dans Alerte à Malibu, j’allais régulièrement chez Samuel French, une librairie à côté d’un théâtre à Los Angeles. Là, j’ai lu des pièces de Tennessee Williams et Sam Shepard. Le théâtre m’a toujours attiré, au même titre que les comédies musicales et les films. Je suis folle de plein de cinéastes, de Fellini et Godard à Herzog et Cassavetes. J’ai regardé ce genre de films toute ma vie. Seulement, personne ne connaissait ce côté de moi. Personne ne s’y attendait non plus. J’ai intégré cette expérience dans le personnage de Shelley.
Vous n’avez pas peur de vous montrer telle que vous êtes, aussi bien dans le film qu’en dehors. Par exemple, vous ne vous maquillez plus. Je pense que les femmes ont toujours l’air intéressantes telles qu’elles sont, quel que soit leur âge. Montrer son visage nu est aussi un geste intime et doux. C’est vulnérable. Je veux que les gens me voient tel que je suis. Les réseaux
sociaux ont une très mauvaise influence, avec tous ces filtres. De nombreux jeunes, en particulier des jeunes filles, voient des photos sur Instagram, se regardent dans le miroir et se sentent déçues même lorsqu’elles sont très bien. J’ai donc décidé de m’utiliser moi-même comme une expérience. Et Shelley est le personnage idéal pour faire avancer cela, pour éliminer toutes ces couches de maquillage. Ce n’était pas facile de demander ça aussi aux autres actrices. Il n’y a que Jamie Lee Curtis qui s’y est immédiatement montrée favorable. Les autres ne voulaient pas se démaquiller. Elles préféraient utiliser une sorte de maquillage qui donnait l’impression qu’elles ne portaient pas de maquillage, si vous voyez ce que je veux dire. Mais Gia a déclaré : “Pam ne porte aucun maquillage. Pas de contour, pas de brillant à lèvres, rien.” Qu’est-ce qui ne va pas avec un visage nu ?
“JE VOYAIS CELA COMME
MA SEULE CHANCE DE JOUER
À NOUVEAU DANS UN FILM.
J’EN AVAIS BESOIN.”
THE LAST SHOWGIRL
L’art du come back
- PAR LAÏSS BARKOUK -
Après Palo Alto (2013) et Mainstream (2020), Gia Coppola (nièce de Sofia, petite-fille de Francis Ford) poursuit sa mise en lumière des paradoxes de la société moderne américaine. Dans The Last Showgirl, sa caméra se fait à la fois le miroir grossissant d’un monde d’avant désabusé et le miroir compatissant pour la star en déclin qui l’incarne. Gros plans, contre-jours et rythme saccadé : la réalisatrice filme les jeux de mouvements et de lumière jusqu’à nous en faire oublier le fil rouge de son film. Dans les loges du spectacle ou en coulisses : les strass, les plumes et les paillettes font partie du huis clos et rendent le Las Vegas de The Last Showgirl invitant.
du film : une danse lancinante sur un podium dans l’indifférence totale de ses clients, sur la voix de Bonnie Tyler. Dave Bautista, qu’on a surtout vu jusqu’ici dans de grosses productions hollywoodiennes, se révèle touchant dans ce rôle à contrepied de régisseur au grand cœur. Bien plus convaincant que le personnage de la jeune Hannah, fille désavouée de Shelley, endossé par l’actrice Billie Lourd.
AU-DELÀ DU STRASS ET DES PAILLETTES
Comme souvent au cinéma, la ville suprême du pêché est ici l’antre de losers magnifiques. Parmi eux, Annette (Jamie Lee Curtis), ex-danseuse du show reconvertie en serveuse de casino. Sexagénaire sexy et extravertie, elle forme avec le personnage de Pamela Anderson, Shelley, un duo qui casse les codes de la représentation des corps féminins vieillissants. Jamie Lee Curtis nous offre par ailleurs l’une des belles scènes
Malgré quelques faiblesses scénaristiques, The Last Showgirl dresse plusieurs portraits et les fait dialoguer avec harmonie. Parmi eux : celui d’une icône féministe et activiste à qui Gia Coppola rend ses lettres de noblesse (Pamela Anderson), celui d’une icône fictive, devenue trop vite has been à son goût (Shelley) et celui d’une société américaine coincée entre ces deux figures. The Last Showgirl n’est pas un film révolutionnaire, mais esthétise la nostalgie avec tendresse et panache.
Réalisé par Gia Coppola (États-Unis, 89 minutes) avec Pamela Anderson, Jamie Lee Curtis, Dave Bautista.
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AIMER PERDRE
Miser gros
- PAR RAISSA ALINGABO-YOWALI M’BILO -
Si on a vu Fils de plouc, le premier film des frères Lenny et Harpo Guit, on sait que leur cinéma s’inscrit hors de toute catégorie. Avec un certain penchant pour le mauvais goût et l’humour potache, les Guit semblent prendre un malin plaisir à déplaire et titiller. Ils s’intéressent à ceux et celles qui, au cœur même d’une urbanité connue, paraissent pourtant constamment au bord du monde.
Cette marginalité est ici incarnée par la sémillante Maria CavalierBazan qui campe Armande Pigeon, une femme indépendante et insaisissable. Roublarde et un brin escroc, Armande personnifie la survie coûte que coûte : elle s’endette, enjolive, et de facéties en petits larcins, elle mise tout, y compris ses amitiés fragiles. Elle paraît toujours courir après l’existence elle-même. Sorte de Fifi Brindacier en sweat de sport, elle propose un autre visage de la féminité par rapport à ce que le cinéma offre habituellement. Dans un univers presque entièrement masculin, avec ses poils aux jambes et son allure parfois grossière, Armande séduit mais ne donne jamais son coeur à personne, elle choisit toujours sa liberté, le fric, le risque.
GROTESQUE ET TOUCHANT
Aimer perdre peut refroidir de prime abord, ce cinéma-là n’a aucune vocation à séduire, au contraire. Ici la précarité n’est ni esthétique ni romantique : les oublié·es ne s’efforcent pas d’être attrayants pour pouvoir exister. Ce film a priori grotesque renferme pourtant quelque chose de touchant : dans cette crasse filmée avec une certaine jouissance, la dureté de la vie devient clownesque, les personnages parviennent parfois à en conjurer la violence prégnante avec humour et à tromper la solitude et l’ennui en s’aimant comme ils peuvent. On joue, on parie, on perd dans des cercles d’habitués en tentant de gagner une vie perdue d’avance mais on est ensemble, d’une manière ou d’une autre. Pendant presque une heure et demie, Aimer perdre nous embarque dans les recoins interlopes de Bruxelles et nous plonge dans un univers fantasque, où la misère a du panache et défend farouchement un certain art de vivre.
Réalisé par Lenny et Harpo Guit (Belgique/France, 86 minutes) avec Maria Cavalier-Bazan, Melvil Poupaud, Catherine Ringer.
Au fond de la Mer du Nord tout comme dans l’espace, personne ne vous entendra crier.
Avec Last Breath, adaptation éponyme de son propre documentaire sorti en 2019, le réalisateur Alex Parkinson nous plonge dans un thriller au réalisme saisissant, nourri par une réalité qui dépasse ici une fois de plus la fiction. Un récit inspiré par celui de Chris Lemons, plongeur en haute mer séparé de ses coéquipiers par un accident et piégé à une centaine de mètres sous la surface, avec quelques minutes d’oxygène le rattachant à la vie.
nos yeux, absorbés par les manœuvres de leur personnage étonnant. Réutilisant (parfois plan pour plan) les images de son précédent film, Alex Parkinson nous emporte aux côtés de ces êtres attachants, jusqu’à ce que l’accident fasse tout basculer. Dès cet instant, la tension de l’urgence s’impose, tout comme la terrifiante solitude de ces profondeurs glacées, noires et insondables.
UN RÉCIT BIEN RÉEL AUX
AIRS DE SCIENCE-FICTION
Dès les premiers instants, la force du film se retrouve dans sa simplicité presque documentaire, essentielles pour nous emmener dans l’univers méconnu de ces plongeurs aguerris au quotidien atypique, qui tient presque de la science-fiction. Et alors que nous pénétrons dans ce monde étrange de chambres hyperbares et de plongées en saturation , on en oublierait presque les acteurs, pourtant connus (Woody Harrelson, Simu Liu), qui évoluent sous
Captivant et violemment immersif malgré un traitement musical légèrement agaçant, Last Breath réussit à nous tenir en haleine dans ses soubresauts, jusqu’à un dénouement presque surréaliste. Un film tendu, sans fioritures excessives, comme on apprécierait en voir davantage sur grand écran.
Réalisé par Alex Parkinson (Royaume-Uni/États-Unis, 93 minutes) avec Finn Cole, Woody Harrelson, Simu Liu.
SORTIE : LE 2 AVRIL
THE OUTRUN Île-solement
- PAR QUENTIN MOYON -
The Outrun est un souffle. Celui des bourrasques qui balayent son décor, littéralement “The Outrun” (l’Écart), cette lande de terres côtières à perte de vue, isolée et aride, qui abonde dans l’archipel des Orcades en Écosse. Celui de l’espoir, qui habite cette adaptation du roman d’Amy Liptrot sur grand écran. Celui de la rédemption à venir de son héroïne en perte de repères, The Outrun renvoyant à l’idée de dépassement, d’ouverture des horizons.
Un au-delà nécessaire pour cette jeune femme, Rona, incarnée par l’actrice américano-irlandaise Saoirse Ronan, qui se débat avec son alcoolisme, la bipolarité de son père, les croyances de sa mère, et sa grande solitude. S’appropriant le récit jusqu’à changer le nom du personnage principal pour le faire correspondre à son propre patronyme - à une lettre près - Saoirse Ronan est d’ailleurs l’âme du film. Initiatrice du projet, la subtile comédienne occupe la fonction de productrice, allant jusqu’à caster la réalisatrice Nora Fingscheidt. Un choix artistique et humain, puisque l’actrice a été séduite par l’audace de
la cinéaste allemande qui comptait construire le film au gré du vent.
UNE ŒUVRE INSTABLE, DANS LE BON SENS DU TERME
De cet alliage Ronan/Fingscheidt émerge une œuvre instable, dans le bon sens du terme. Une œuvre qui, là encore comme le vent, nous bringuebale dans le temps et dans l’espace, naviguant des boîtes de nuit étouffantes de l’est de Londres aux prairies dénudées et hostiles des Orcades. Notre seul repère temporel réside dans la coloration des cheveux de Rona, oscillant du rose, à l’orange, au bleu, de manière désordonnée. Une structure en déséquilibre qui illustre parfaitement l’état d’esprit de son héroïne, addicte et en quête de réponses.
Sombre, lumineux et rythmé par une bandeson électro d’une grande beauté, le film est un drame puissant, aussi intime qu’universel.
Réalisé par Nora Fingscheidt (Royaume-Uni/Allemagne, 118 minutes) avec Saoirse Ronan, Saskia Reeves, Paapa Essiedu.
Si chaque film du réalisateur chinois Jia Zhangke est une expérience, Caught By the Tides constitue la formule chimiquement pure de son cinéma. Construit avec des images tournées à plusieurs dizaines d’années d’écart, souvent pour d’autres projets et à l’aide de caméras dissemblables, le long-métrage tire de son côté labyrinthique et de son patchwork visuel une beauté intemporelle. L’histoire est aussi simple qu’indicible : un couple s’aime, se perd, se retrouve. En arrière-fond, les années qui défilent et la Chine qui change.
UN OBJET
FILMIQUE INVENTIF
On retrouve certaines des grandes balises du cinéma de Zhangke, en particulier la préfecture d’Yichang, que le cinéaste a filmé sous tous les angles avant l’émergence du barrage des Trois-Gorges, dont la construction a englouti des milliers d’hectares et occasionné le déplacement de près deux millions de personnes. Seul fil rouge : la femme jouée par Zhao Tao (qui est également l’épouse du réalisateur) qu’on voit traverser les époques en vieillissant et dont les errances sont déchirantes.
Caught By the Tides ne constitue sans doute pas la meilleure porte d’entrée pour l’univers de Zhangke – on privilégiera A Touch of Sin (2013) ou Ash is Purest White (2018) – mais son inventivité formelle le rend captivant. À côté de quelques gimmicks classiques, comme les surimpressions ou un panotage continu de la caméra, on trouve des expérimentations plus perturbantes comme les recadrages très rapides de la dernière partie où la Chine apparaît en pleine épidémie de Covid-19. C’est aussi un film musical, couvrant une multitude de genres, du chant traditionnel a capella au punk-rock chinois. Mosaïque en lente métamorphose, le long-métrage désarçonne pour la meilleure raison : offrir à son public l’impression d’avoir vécu plusieurs décennies en moins de deux heures.
Réalisé par Jia Zhangke (Chine, 111 minutes) avec Zhao Tao, Li Zhubin.
SORTIE : LE 9 AVRIL
DOG MAN
Un rythme de wouf
- PAR KÉVIN GIRAUD -
En animation pour enfants, on a coutume de dire outre-Atlantique que rythme trépidant et action dynamique sont clés pour maintenir l’attention des (plus) petit·es. En résulte soit des films conventionnels où les péripéties s’enchaînent dans des structures plutôt classiques sans grande imagination, ou à l’inverse des productions à fort potentiel contemplatif comme Le Robot Sauvage néanmoins polluées par des (nécessaires?) soubresauts scénaristiques. Mais que se passet-il lorsque Hollywood lâche la bride, ou dans ce cas-ci, la laisse ?
qui sème la terreur dans la ville à coup d’inventions ridiculement destructrices.
50% CHIEN, 50% HUMAIN, 100% DÉJANTÉ
Dog Man, c’est exactement ça. Une pilule de bonheur multicolore et déjantée, qui déboule tel l’enfant spirituel et turbulent de productions comme Les Mitchell contre les machines ou La grande aventure Lego. Après quelques minutes d’action loufoque et un funeste accident, le décor est posé : Dog Man, croisement contre-nature et néanmoins hilarant né du corps d’un policier et de la tête de son chien, devra composer avec sa nouvelle identité pour vaincre son ennemi juré, un maléfique matou
Débordant de personnages attachants, mais aussi de poissons morts-vivants, de montages électrisants et d’affrontements titanesques où s’entrechoquent les gratte-ciel, Dog Man pourrait presque filer la migraine. Mais le film charme par son esthétique chatoyante, son côté carton-pâte numérique et ses gags omniprésents, sans pour autant se départir d’un mignon et sympathique message d’empathie et d’ouverture à l’autre. Un film étonnant qui semble s’être faufilé entre les mailles du filtre léché des grosses productions américaines pour proposer un divertissement survitaminé et diablement réussi, bourré de références et d’humour canin sans pour autant tomber sur un os.
Réalisé par Peter Hastings (États-Unis, 89 minutes) avec Pete Davidson, Lil Rel Howery, Stephen Root.
SORTIE : LE 9 AVRIL
LE MÉLANGE DES GENRES
Maladresse et politique
- PAR ADRIEN CORBEEL -
Le pitch du film Le Mélange des genres laisse d’abord craindre le pire : une flic infiltrée chez des militantes féministes, un homme accusé d’un viol dont il est complètement innocent… Difficile d’imaginer autre chose qu’une comédie réac au possible, flirtant avec des idées bien nauséabondes. Mais le film de Michel Leclerc n’a de cesse d’étonner, traitant ses (nombreux) sujets avec autant d’idéalisme que de gaieté, de poésie que de maladresses.
Si le film rit effectivement du féminisme, c’est (presque) toujours avec affection et admiration. Dans la guerre des genres, la position de cette comédie française ne fait pas beaucoup de doute : “Je préfère perdre avec elles que gagner avec vous” déclare le personnage de Benjamin Lavernhe aux masculinistes venus l’embrigader. Homme au foyer doux comme un agneau, en perpétuel travail de déconstruction, il incarne en grande partie les valeurs dont Le Mélange des Genres se fait l’avocat. En le soumettant à la “cancel culture” et à une accusation mensongère, le film s’attache surtout à décrédibiliser certains
SORTIE : LE 16 AVRIL
mythes qui entourent ces problématiques. Et en accompagnant le personnage de policière de Léa Drucker dans ses pérégrinations en milieu militant, la comédie entend surtout célébrer la sororité.
UNE ÉTONNANTE COMÉDIE PRO-FÉMINISTE
Avec maladresse ? Sans aucun doute. Joyeusement bordélique, le film prend un plaisir manifeste à multiplier les quiproquos et les mensonges énormes, quitte à retirer toute plausibilité à son intrigue. Dans cet amusant chaos, le politique se mêle au poétique (ou à la musique, comme en témoignent les interventions de Vincent Delerm), le vaudeville à la comédie de mœurs. Volontiers brouillon et introspectif, le film s’éparpille, tente des choses, ce qui le rend tantôt charmant, tantôt agaçant. Un long-métrage à l’image de son personnage masculin, plein de bonnes intentions, qu’on préférera qualifier de pro-féministe plutôt que de féministe.
Réalisé par Michel Leclerc (France, 103 minutes) avec Léa Drucker, Benjamin Lavernhe, Melha Bedia, Vincent Elbaz.
Une vaste étendue sans rivage. Une terre écaillée, sèche, anthracite. Un climat dont on devine la lourdeur et l’aridité. Au milieu de ce territoire hostile, inféodé aux lois humaines, on aperçoit pourtant un autocar, progressant laborieusement à travers la poussière…Jusqu’à ce que sa trajectoire soit violemment coupée par l’irruption d’une horde de chiens. Une entrée en matière fracassante, qui fascine d’emblée.
Située à la lisière du désert de Gobi, l’action de Black Dog se concentre sur Lang (Eddie Peng, magnétique), de retour dans sa ville natale après une longue peine de prison. Il y découvre un centre urbain sinistré, en proie à une infestation de chiens errants, causée par les abandons successifs des habitants qui ont déserté les lieux.
UN VOYAGE SIDÉRANT ET CINÉMATOGRAPHIQUE
dévoué aux animaux - censé offrir un portrait multiple de la Chine rurale contemporaine. Sur ce point, le film pourrait paraître un brin convenu, dans la mesure où il revisite un filon thématique déjà largement exploré par d’autres cinéastes chinois, tels que Wang Bing ou Jia Zhangke. Mais là où ceux-ci optent pour une approche contemplative, voire documentaire, le réalisateur Guan Hu propose un objet référencé et plus accessible, qui pioche avec une grande inventivité dans l’imaginaire du cinéma de genre.
Prenant place en 2008, à l’aube des Jeux olympiques de Pékin, le film entend explorer le revers du triomphe national et questionner les limites d’une expansion socio-économique à deux vitesses. Autour de Lang va bientôt graviter un nuancier de personnages - un malfrat avide de vendetta, une jeune comédienne désabusée, un vieillard
Le personnage principal, violent et mutique, s’apparente à une revisite malicieuse du cow-boy solitaire si cher au western, tandis que les paysages lunaires, les épaves industrielles et les immenses structures métalliques nourrissent une sidérante imagerie post-apocalyptique. Le film outrepasse ainsi la chronique sociale pour offrir quelque chose de presque mythologique, qui rend un hommage puissant et cinématographique aux laisséspour-compte de la Chine.
Réalisé par Guan Hu (Chine, 110 minutes), avec Eddie Peng, Tong Lya, Jia Zhangke.
Trois ans après Pacifiction , Albert Serra abandonne temporairement la fiction et s’essaye pour la première fois au documentaire. Un style auquel le réalisateur ne semblait pourtant pas prédestiné comme le révèlent ses récentes déclarations en interview, où il affirme que le documentaire est souvent peu captivant, étant le résultat de fainéants incapables de diriger des acteurs. Le voir choisir le sujet de la corrida a néanmoins un certain sens : art pour certains, aberration pour beaucoup, elle est un spectacle à la mise en scène codifiée mais vecteur de situations aussi spectaculaires qu’imprévisibles.
la solitude des acteurs, mais aussi des victimes de cette funeste performance.
UN DOCUMENTAIRE
BEAU ET INSOUTENABLE
Derrière cette structure répétitive et hypnotique, Albert Serra se montre néanmoins d’une grande générosité dans les détails de cet univers qu’on ne peut ou ne veut pas voir. Il capture un environnement terriblement masculin - l’absence totale de femmes y est frappante - où la violence extrême des affrontements cohabite avec le ridicule. Il y a cette fascination de l’entourage du matador pour ses testicules, ses sessions d’habillage grotesques, ses grimaces guerrières et la présence exacerbée de la religion.
Expliquer cette pratique, Serra s’en fiche. Ce qui intéresse le réalisateur catalan c’est de la filmer dans sa forme la plus inédite: sans fards ni panneaux explicatifs mais à l’aide d’une narration cyclique où s’enchaînent en boucle les trajets en van du matador star Andrés Roca Rey et de sa cuadrilla (son équipe active dans l’arène), les combats et les lentes mises à mort des taureaux. Le tout sans filmer un seul instant le public pour exposer, comme son titre l’indique1,
Ambigu dans son supposé refus de trancher, d’une étrange beauté mais constamment insoutenable, Tardes de soledad laisse un goût amer et complexe en bouche. Celui d’avoir indéniablement assisté à une proposition inédite, mais qui croule sous le poids des regards de détresse solitaire que nous lancent parfois les taureaux à travers l’objectif de la caméra.
La grâce et la tendresse ne sont pas des termes qu’on associe nécessairement et spontanément aux récits d’entraînements sportifs. Or, My Sunshine de Hiroshi Okuyama aborde l’apprentissage par le spectre de la douceur et d’une esthétique onirique en jeu de focales et suréclairage qui réchauffe le cœur. Chez Hiroshi Okuyama, jeune cinéaste de 29 ans qui endosse la quadruple casquette de scénariste, réalisateur, directeur de la photographie et monteur, le passage de l’enfance vers l’adolescence se calque sur le cycle des saisons.
complicité entre ces trois personnes dont les solitudes s’apprivoisent pour un temps — notamment au cours d’une belle scène de danse sur un lac gelé —, avant que les discriminations qui rongent les mentalités ne les rattrapent. À cet égard, le surcadrage récurrent, via des portes et tous types de vitres, traduit parfaitement le cloisonnement et l’incompréhension que la société érige entre les individus.
UN COMING OF AGE AU
DIAPASON DES SAISONS
Sur l’île japonaise d’Hokkaido, l’apparition des premiers flocons de neige change immédiatement le décor et l’ordre des choses. Pour les garçons, le hockey sur glace remplace le baseball. Suite à une blessure à la poitrine, le timide Takuya (Keitatsu Koshiyama) se passionne pour Sakura (Kiara Nakanishi), une adolescente qui répète des enchaînements de patinage artistique. Touché par la maladresse de Takuya, Arakawa (Sōsuke Ikematsu), le coach et ancien champion de patinage, décide d’entraîner Takuya et Sakura en duo. Se noue alors une
De la même manière qu’il adoucit le film de sport, Hiroshi Okuyama traite l’homophobie comme une injustice presque polie. La victime, résignée, subit le rejet et s’éclipse à l’instar de l’hiver au profit du printemps. Si cette représentation déroute autant qu’elle interroge, elle a le mérite de faire ressortir la cruauté tapie derrière les conventions, et elle incarne la face contraire, car non emphatique, du bouleversant Monster de Hirokazu Kore-eda1
Réalisé par Hiroshi Okuyama (France, 103 minutes) avec Sōsuke Ikematsu, Keitatsu Koshiyama et Kiara Nakanishi.
1. Hiroshi Okuyama a d’ailleurs collaboré avec Hirokazu Kore-eda sur la série Makanai : Dans la cuisine des maiko.
OXANA
Portrait de la jeune fille en creux
- PAR JULIEN DEL PERCIO -
Il y a cinq ans, la réalisatrice Charlène Favier avait électrisé le cinéma français avec Slalom, premier long-métrage troublant et vénéneux qui racontait comment une jeune sportive de haut niveau parvenait à s’extirper de l’emprise malsaine de son coach. Aujourd’hui, elle revient avec un nouveau projet, lui aussi porté par des valeurs féministes : Oxana, portrait inspiré de la vie d’Oxana Chatchko, militante et peintre ukrainienne à l’origine du mouvement Femen.
SORTIE : LE 7 MAI
nous plongeant dans l’intimité des dilemmes de celle qui a tout sacrifié pour ses idéaux.
UN BIOPIC INSPIRANT
L’occasion d’une narration au long cours (près de quinze ans) morcelée autour de différents lieux géographiques - Ukraine, Biélorussie, France, Russie - le tout majoritairement dialogué en ukrainien. La cinéaste conserve cependant son horizon esthétique : la chair et le regard, déjà essentiels dans Slalom, reprennent ici une place de choix dans la mise en scène, qui s’attache à donner un corps, une matière tangible, à la lutte politique. Moins fascinée par l’icône féministe que par la jeune femme qui se cache derrière, Charlène Favier scrute les gestes et les tressaillements de son actrice principale (Albina Korzh, magnétique dans son premier rôle),
MAIS TROP SAGE
Des interrogations hélas un peu sous-traitées par le scénario, souvent trop didactique et superficiel lorsqu’il s’agit d’explorer ces enjeux politiques. Le récit esquisse pourtant des pistes stimulantes, notamment lorsqu’il évoque l’épuisement des luttes et la marchandisation du militantisme. À ce titre, le parcours parallèle d’Inna Chevtchenko, glissant d’activiste révoltée à icône un peu fashion, aurait sans doute mérité plus de finesse et de nuance.
Comme beaucoup de biopics, Oxana est un film sincère et bien ouvragé, mais un peu trop sage pour véritablement faire honneur aux combats dont il se fait l’émissaire.
Réalisé par Charlène Favier (France, 103 minutes), avec Albina Korzh, Maryna Koshkina, Lada Korovai
- PAR QUENTIN MOYONLargo Winch, Gaston Lagaffe, Boule et Bill, Lucky Luke, Iznogoud, Benoît Brisefer, Le Petit Spirou, Les Aventures de Spirou et Fantasio, Michel Vaillant, Adèle Blanc-Sec, et maintenant Natacha. Elles sont nombreuses les envies de donner vie sur grand écran, au travers de performances d’acteurs (souvent connus), à nos héros de vignettes. Mais est-ce toujours une bonne idée ?
DES BULLES AUX PELLICULES…
La sentence semble sans appel : la presse et le grand public (qu’il s’agisse des avis des spectateurs sur Allociné ou Sens Critique, mais aussi du box-office) ne sont pas toujours convaincus par les films adaptés de BD franco-belges. Pourtant, producteurs de cinéma comme éditeurs de bandes dessinées s’acharnent à vouloir donner un rendu cinématographique à ces créations de papier. Il faut dire que d’un point de vue marketing, la tentation est grande de diversifier son univers, de pratiquer une “extension de marque” dans un autre domaine d’activités pour, le plus souvent, toucher une audience qui ne serait pas adepte de bandes dessinées. Pour les éditeurs, la cession des droits au cinéma, déjà financièrement intéressante, peut aussi éclore sur une augmentation des ventes d’albums, comme pour le film Lucky Luke de James Huth (2009).
qui inscrira ces pitreries dans un fil narratif de plus d’une heure tout en proposant des personnages profonds, à même de nous faire ressentir de l’empathie. Du moins sur le papier, puisque le Gaston Lagaffe de Pierre-François Martin-Laval (2018) s’empêtre dans une succession de situations aussi fades les unes que les autres.
Pour les studios, l’attrait de la BD réside dans la facilité de traiter un matériau préexistant, qui a fait ses preuves et qui dispose déjà d’une communauté acquise. Mais aussi de signer de juteux deals commerciaux avec des marques, dans le cadre de la sortie d’un film, comme ce fut le cas avec les adaptations des Schtroumpfs. L’idée ne semble donc pas nécessairement de faire un bon film, mais plutôt de diversifier un portefeuille d’activités déjà large. Du moins pour les producteurs.
… IL N’Y A QU’UN (FAUX) PAS ?
Certains cinéastes se sont sans doute embarqué·es dans l’aventure de l’adaptation avec de réelles ambitions. Mais l’exercice est souvent plus rude qu’il n’y paraît, et malgré les traits communs que peuvent partager la bande dessinée et le cinéma (médium d’images, d’action, de dialogues…), le passage de l’un à l’autre n’est pas chose aisée.
D’abord parce que les supports ne sont proches qu’en apparence. Passer d’un format de vignettes protéiformes, à un format à l’italienne (l’écran de cinéma étant plus large que haut) n’est pas évident. Cela implique aussi de respecter une narration tout en l’adaptant au médium film qui diffère, notamment en termes de rythme. Ainsi, les aventures d’un personnage comme Gaston Lagaffe que l’on découvre en format gag, soit un sketch contenu en une seule page (environ 6 à 9 cases), devront être adaptées pour coller au rythme d’un long-métrage
Plus que les simples contraintes formelles, adapter une bande dessinée semble encore plus difficile qu’un roman, car la BD impose déjà des représentations, des codes propres à son univers visuel auxquels une communauté de fans sera très attentive. Ainsi, choisir telle ou telle grande star pour incarner ses héros, ne fonctionnera peut-être pas si cette dernière est trop éloignée du personnage représenté dans la version dessinée. À l’image d’un Jean Dujardin en Lucky Luke, ou d’un Vincent Cassel en Blueberry, qui n’ont clairement pas fait l’unanimité.
Pourtant quelques exceptions existent et concernent les deux plus grandes icônes de la production franco-belge : Astérix et Tintin. Dans le cas d’Astérix qui a eu de multiples adaptations, dont certaines (Aux Jeux olympiques en 2008 et Au service de sa majesté en 2012) ont été assez mal reçues par la presse et par le grand public malgré un succès au box-office, il y a eu le précédent Alain Chabat qui, avec Mission : Cléopâtre (2002), s’est pleinement approprié la franchise. Pour Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne (2011) de Steven Spielberg, la simple mention du nom de son réalisateur a sans doute suffi à amener les foules en salle. Mais contrairement aussi aux précédentes mentions, cette dernière adaptation diffère par son rendu graphique : réalisé en numérique 3D, le film se fait plus proche de la ligne claire chère à Hergé et s’éloigne d’autant des défauts de représentativité dont recèle la prise de vue réelle. Et si le secret du succès, c’était l’animation ?
Natacha (presque) hôtesse de l’air de Noémie Saglio (2025).
L’EXCEPTION ANIMATION !
De La Ballade des Dalton (1978) à Petit Vampire (2020) de Joann Sfar, sans oublier Corto Maltese (2002), Astérix : Le Domaine des Dieux (2014) de Alexandre Astier ou encore Un homme est mort (2017) de Olivier Cossu, les film animés adaptés de BD ont souvent été mieux reçus par le public et la presse.
Avec l’animation, à première vue, plus de problème de fidélité à l’univers. On reprend trait pour trait nos héros à bulles, en leur donnant en plus le don du mouvement.
Mais cette industrie à deux gros problèmes pour les producteurs. Le premier est technique puisque la production d’un film d’animation prend, de fait, beaucoup plus de temps qu’un film en prise de vues réelles (ce qui laisse d’ailleurs d’autant plus de temps pour écrire une histoire qui se tient). Le deuxième est d’ordre plus commercial, puisque beaucoup de producteurs n’investissent pas dans ce secteur qu’ils considèrent comme réservé à un public très jeune. Ce qui est évidemment un mauvais calcul, France Info expliquant en 2018 qu’au contraire, les adultes étaient “depuis plusieurs années, de plus en plus conquis par les films d’animation ”. Ce qui semble corroborer le carton plein des animés japonais.
La recette d’une bonne adaptation de BD semble ainsi résulter en quelques éléments compilables : un film animé, des auteurs inspirés et une narration entraînante. Alain Chabat ne s’y est d’ailleurs pas trompé, lui qui a réalisé pour Netflix une nouvelle adaptation des aventures du guerrier gaulois (Astérix et Obélix : Le Combat des chefs, dont la sortie est prévue pour le 30 avril)... en série et en animation cette fois !
Gaston Lagaffe de Pierre-François Martin-Laval (2018).
Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs de Alain Chabat et Fabrice Joubert (2025).
À l’affiche du dernier Marvel (Thunderbolts*, en salles le 30 avril), l’actrice britannique s’est imposée en une dizaine d’années comme une des plus brillantes interprètes de sa génération. Mais qu’est-ce qui nous parle tant dans son jeu ?
Florence Pugh est une excellente actrice. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est une opinion partagée de manière presque unanime par les critiques, les professionnel·les du cinéma et le grand public. Dans le marasme des nouvelles stars qui s’ajoutent chaque année, Pugh est l’une des rares actrices qui semble mettre tout le monde d’accord. Quel que soit le film, ses qualités apparaissent comme une évidence.
Ses débuts à l’écran en 2014, dans l’étrange et mal fagoté The Falling, en témoignent. Tout juste âgée de 17 ans, elle est immédiatement captivante dans ce mystérieux film qui prend place dans une école pour filles dans les années 90. La disparition de son personnage assez tôt dans le récit, et donc de Pugh, crée un vide dont le film ne se remet jamais tout à fait. En creux de ce rôle secondaire se dessine déjà un motif majeur de sa filmographie : cette défiance, cette résistance aux normes qui habite la plupart de ses personnages.
UNE ACTRICE AU JEU
CATHARTIQUE
C’est sans doute encore plus vrai de son interprétation dans Midsommar. Dans le film d’épouvante d’Ari Aster, elle incarne Dani, une jeune femme qui après une horrible tragédie se retrouve embarquée dans un inquiétant voyage en Suède, en compagnie d’un petit ami qui ne veut plus d’elle depuis longtemps. Face à l’attitude distante et peu compatissante de ce dernier, elle se cache très littéralement pour souffrir. Mais son besoin d’exprimer sa douleur est irrépressible, et Pugh l’incarne comme tel : la tristesse et la colère de Dani s’emparent sans cesse des traits de son visage (donnant parfois lieu à cette moue, pour laquelle Pugh est réputée), comme si l’actrice, dans sa performance, ne pouvait pas s’empêcher de réprimer les souffrances du personnage qui sommeille en elle. Ses émotions viscérales convoquent les nôtres, ses hurlements notre effroi. Et son sourire ?
Le nôtre aussi peut-être.
Elle le décrit parfaitement dans une interview pour Harper’s Bazaar : “Dans tous mes films, on retrouve cette figure d’une femme, coincée dans une situation, forcée dans une manière de vivre. Et puis quelque chose craque, se fend”. C’est le cas notamment dans Don’t Worry Darling d’Olivia Wilde, où son héroïne se libère d’un univers ostensiblement artificiel dont elle est prisonnière.
La capacité de Pugh à poursuivre cette ligne de conduite, dans des films dits “d’auteurs” comme dans des blockbusters, est saisissante. Même avec Black Widow, dans lequel elle joue la sœur de la super-héroïne de Scarlett Johansson, l’actrice britannique trouve un écrin pour ses talents. Elle remplit dans un premier temps le contrat Marvel avec son charisme habituel, donnant un peu de saveur aux répliques humoristiques de son personnage. Mais ce n’est véritablement que lorsque la
Thunderbolts* de Jake Schreier (2025).
façade de celui-ci s’écroule que le talent de Pugh éclate, donnant une véracité à la peine de son héroïne. On en oublierait presque l’accent russe pas très convaincant qu’elle emprunte ici. Dans l’univers très masculin d’ Oppenheimer, elle hérite d’un de ces personnages féminins instables auxquels Christopher Nolan semble particulièrement attaché. Un rôle quelque peu ingrat, mais sa présence hante le film, malmenant les autres personnages.
Si dans la plupart de ses rôles, Florence Pugh parvient par la déferlante de ses émotions à convoquer les nôtres, il lui est de temps à autre arrivé de brouiller les pistes. Sa performance dans Lady Macbeth de William Oldroyd (2016), drame âpre et perçant, qui l’a révélé aux cinéphiles, compte parmi ses plus troublantes. Dans un premier temps, on ne peut s’empêcher d’être du côté de cette jeune femme vendue en mariage à une famille qui la méprise. Il est d’autant plus facile de la prendre en compassion qu’elle semble incapable de répondre aux attentes qui pèse sur sa personne. On pense à ce ricanement qu’elle laisse échapper devant son mari ivre, ce regard de défiance qu’elle jette à son misérable beau-père, ce mouvement d’impatience face au prêtre local - des actes que Pugh excelle à jouer, laissant son visage trahir sans cesse ses sentiments.
son personnage sont plus retorses. Derrière ces actes de rébellion bien légitimes se tient une âme terriblement sombre, prête à perpétuer les abus qui lui ont été infligés. Dès lors que sa survie et surtout ses désirs entrent en jeu, son statut social et la blancheur de sa peau deviennent des boucliers derrière lesquels elle se réfugie, quitte à agir de manière absolument monstrueuse avec celles et ceux qui n’en sont pas armés. Le récit et la performance de Pugh n’amènent pas à une libération cathartique d’émotions comme dans Midsommar ou Don’t Worry Darling : ce qui se révèle au cours du récit, c’est une personnalité égoïste et calculatrice au visage d’un stoïcisme inquiétant.
On pourrait dire d’elle qu’elle est comme un livre qui ne peut s’empêcher d’être ouvert, mais la performance de Pugh et l’écriture de
C’est un rôle qui se tient à l’extrême limite de la filmographie de l’actrice : si elle semble tout à fait à l’aise avec les personnages antipathiques, elle semble davantage chérir ceux qui lui permettent d’emporter envers et contre tout l’adhésion du public. Greta Gerwig semble l’avoir bien compris, en lui confiant le rôle d’Amy dans Les Filles du Docteur March (2019). Moins aimée que ses sœurs (c’est elle, rappelons-le, qui brûle le premier manuscrit de Jo, la protagoniste), elle est parfaitement consciente de sa place dans le monde et dans sa famille, ce qui entraîne chez elle un vif ressentiment. Mais là où d’autres adaptations du célèbre roman rendaient Amy agaçante, l’interprétation de Pugh la rend étonnamment attachante : sa jalousie a quelque chose de désarmant, et son pragmatisme apparaît comme un acte de clairvoyance. Bonnes ou mauvaises, ses émotions, et leur expression, résonnent en nous.
Les Filles du docteur March de Greta Gerwig (2019).
Huit ans après Laissez bronzer les cadavres, les cinéastes Hélène Cattet et Bruno Forzani reviennent dans les salles obscures avec Reflet dans un diamant mort. Au travers de l’histoire de John D, septuagénaire qui se replonge dans sa grandiose jeunesse d’espion dans les années 60, le duo bruxellois convoque une multitude de références, de James Bond à la BD italienne. Rencontre autour de cette expérience de cinéma intense, à découvrir à partir du 30 avril.
Reflet dans un diamant mort est fort inspiré des Eurospy des années 60. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ces films ?
Hélène Cattet : C’était des sous-James Bond… Bruno Forzani :… mais plus fun !
Hélène Cattet : Plus fun, mais surtout beaucoup plus “cheap” ! C’étaient des séries B italiennes, espagnoles ou françaises qui montraient une image du monde un peu idyllique, édulcorée, pop, une illusion. Ces faux James Bond étaient souvent tournés sur la Riviera, parce que ça donnait un petit côté clinquant, de la “production value” pour pas grand-chose. La Côte d’Azur, c’est le lieu de l’illusion, du luxe, de la richesse, de l’abondance. C’était important de tourner là-bas, car Reflet dans un diamant mort parle beaucoup de l’illusion d’un monde.
Parmi les plus célèbres films de ce genre, il y a Danger : Diabolik ! de Mario Bava, dont le protagoniste est assez vicieux. John D, votre personnage principal, sort du même moule : il a beau être le héros, il est très loin d’être héroïque. Il est très cruel, presque sadique.
Forzani : Danger : Diabolik !, c’est adapté de la BD Diabolik. Dans la BD italienne, le “fumetti neri”, les héros sont souvent des méchants. Ça nous a permis de prendre un contre-pied à tous ces films de héros qu’on voit tous aujourd’hui, avec le bien, le mal. Dans Reflet dans un diamant mort, il n’y a pas vraiment une différence entre le héros et l’antagoniste.
Les performances des acteur·ices ne rentrent pas vraiment dans les codes contemporains. On sent tout de suite que leurs personnages appartiennent à une autre époque. Est-ce que vous avez conseillé à vos interprètes de regarder certains films ?
Forzani : Certains nous ont demandé des suggestions, et on leur a proposé Danger : Diabolik ! et O.K. Connery, qui est un Eurospy avec le frère de Sean Connery, Neil. Mais à chaque fois, on leur disait qu’il ne fallait pas regarder ces films pour avoir du recul. Aujourd’hui, ces films sont plutôt tournés en dérision, et nous on ne voulait pas ça. On leur a dit “Vous jouez les espions, les agents secrets, mais au premier degré”.
Comment avez-vous choisi Fabio Testi pour jouer le rôle principal ?
Cattet : En 2010, on a vu Road to Nowhere de Monte Hellman. Ça faisait longtemps qu’on n’avait plus vu Fabio Testi dans un film. Il nous a fait penser à Sean Connery. Et en même temps, comme il était habillé tout en blanc, il nous faisait penser à Dirk Bogarde dans Mort à Venise. On s’est dit que ce serait rigolo de mélanger cet univers à celui d’un James Bond.
Forzani : On a écrit le rôle en pensant à lui.
Cattet : C’était le point de départ de Reflet dans un diamant mort.
Cinéart
C’est Yannick Renier qui joue la version jeune du personnage, un rôle un peu à contre-emploi pour lui…
Forzani : On cherchait quelqu’un qui ressemblait physiquement à Fabio Testi, que ce soit crédible. On a fait des essais au niveau du jeu, et c’était vraiment parfait. Mais il sortait d’un tournage où il avait joué quelqu’un en fin de vie. Il était très maigre. Il a dit “Faites-moi confiance, en 4 mois, je peux prendre 10 kilos de muscle, et je vais transformer mon corps pour devenir le héros”. Et effectivement, quelques mois plus tard… C’était le rôle le plus difficile à caster, parce que c’est vraiment un personnage qui est lié aux acteurs anglo-saxons, et imaginer un acteur francophone, c’était vraiment difficile…
Les espions, ça convoque un imaginaire assez fort dans l’esprit du public.
Cattet : Tout le monde connaît l’univers des
James Bond, des super-héros, ce qui nous a permis de les remanier, de les utiliser, de les emmener sur d’autres routes, vers ailleurs, avec des codes que tout le monde maîtrise bien. Après il y a une grosse part d’intuition. C’est sûr qu’on aime bien détourner les choses.
Vous sollicitez dans votre bande-son et dans vos références énormément de films des années 60 et 70. Est-ce que ce cadre est aussi une limite que vous vous fixez ?
Cattet : Il y a une temporalité dans le film à laquelle on se tient. Mais il y a des sources d’inspirations qui viennent d’aujourd’hui, de spectacles qu’on a vus.
Forzani : Il y a tellement de références qui ne sont pas que cinématographiques dans le film. Il y a des choses qui nous ont été inspirées par la photo, par l’art contemporain, par le monde dans lequel on vit, l’actualité.
Vos films déroutent souvent par leur montage, qui n’est pas linéaire, et celui-ci n’y fait pas exception. Comment appréhendez-vous cette étape de la production du film ?
Forzani : Nous travaillons depuis 20 ans avec le même monteur, Bernard Beets, ce qui fait que nous avons développé une manière de travailler très efficace.
Cattet : Tout est prévu. On n’improvise rien, ni au montage, ni au tournage. Le scénario est pensé visuellement et auditivement.
Forzani : On n’aborde pas une séquence en disant “on va tourner dix plans, et puis on va voir”. Chaque raccord, chaque plan est prévu.
Cinéart
Cinéart
Certains duos de cinéastes se répartissent les tâches : une personne qui sera plus dans la production, l’autre dans le montage, etc. Vous fonctionnez comme ça ?
Cattet : Non, on fait tout ensemble, pour être sûrs qu’on va tous les deux dans le même sens. C’est plus laborieux, et moins efficace…
Forzani :… mais c’est nécessaire. Si tu commences à faire quelque chose seul, tu as ta logique. Si l’autre personne n’a pas participé au processus créatif, ça ne matche pas, ça ne va pas du tout.
Reflet d’un diamant mort a été projeté au festival de Berlin, mais aussi au Offscreen Film Festival. Comment a-t-il été accueilli ?
Cattet : À Berlin, les gens ont énormément réagi. Il y a des gens qui ont applaudi à plusieurs reprises pendant le film. Beaucoup de rires, c’était une excellente projection. C’était la première fois qu’on montrait le film, on ne savait pas du tout comment le public allait réagir.
Forzani : Ça faisait très festival du film fantastique, alors qu’on était à Berlin !
Cattet : Au Offscreen, les gens ont aussi pas mal réagi. C’était une émotion particulière, parce que c’était la première fois qu’on le montrait à une grande partie de l’équipe.
Forzani : C’est toujours un moment particulier, on vit à Bruxelles. Il y avait beaucoup d’enthousiasme, et ça nous faisait plaisir parce qu’on a fait ce film pour donner du plaisir aux gens.
Est-ce que vous concevez vos films pour qu’ils soient revus plusieurs fois ?
Forzani : Complètement. On imagine la première vision comme une expérience cinématographique.
Cattet : Une expérience où tu vis le film dans ton corps.
Forzani : On veut créer un orgasme cinématographique avant tout. Mais on écrit le film pour qu’il soit revu, et dévoile de nouvelles thématiques.
Cattet : On adore ce genre d’expériences, où tu ressors, et tu es encore avec le film. Tu as envie de le revoir, de le revisiter. C’est le côté ludique du film qui fait que chaque spectateur va avoir sa propre expérience, et qui sera différente de son voisin.
Dans Mexico 86 du réalisateur belgo-guatémaltèque César Díaz, Bérénice Bejo devient Maria, une militante révolutionnaire guatémaltèque qui vit depuis des années exilée à Mexico, où elle poursuit son action politique alors même que son fils de 11 ans la rejoint. Une ode à la liberté et au refus du choix entre parentalité et engagement, pour un rôle puissant et inspirant. Rencontre.
Comment êtes-vous arrivée sur ce projet?
J’ai rencontré César Díaz autour d’un déjeuner un peu informel, et nous avons vite réalisé que nous avions de nombreux points communs. On n’a pas arrêté de parler de nos familles, des secrets, de la dictature, et de ces pays sud-américains dont l’histoire est si mal connue. Moi-même, je savais qu’il y avait eu une dictature au Guatemala, mais je n’avais aucune idée d’à quel point elle avait été sanglante, une des pires de l’histoire de l’Amérique latine. Je me suis beaucoup documentée avec César, au travers de documentaires, de musées sur place, et j’ai vraiment appris beaucoup de choses. En Europe, on connaît
bien Pinochet et la dictature chilienne, un peu celle de Videla en Argentine. Mais après ?
Vous avez quitté l’Argentine à l’âge de 3 ans. Est-ce que le film vous a permis de faire un lien avec votre passé ?
En tout cas, ayant une famille qui a vécu la dictature, où c’est un thème qui reste présent, cela a été un point d’ancrage pour rentrer dans ce scénario et dans ce récit, sans pour autant que ce soit mon histoire. De manière générale, quand on joue des rôles, il y a toujours des choses personnelles qui entrent dans le personnage de fiction.
Quel a été le plus grand défi de ce projet ?
Pour commencer, il y a la langue. Je parle l’argentin mais avec un accent français, or le personnage de Maria est guatémaltèque et vit au Mexique où elle est réfugiée. C’est toujours délicat d’interpréter un personnage ayant existé, tiré d’une histoire vraie, d’un pays qui n’est pas le vôtre. J’ai eu des doutes, des questionnements sur le fait de me choisir moi pour ce film, n’étant pas guatémaltèque. Ce travail a représenté un énorme challenge, j’ai beaucoup travaillé pour gommer mon accent français, afin d’avoir l’accent le plus neutre possible. Et en même temps, je comprends aussi le choix de me prendre moi en tant qu’actrice pour porter ce film, et parler de ce sujet. Nous vivons dans un monde tellement fragile, et faire partie de ce récit féministe d’une femme résistante et engagée, c’était vraiment important.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le personnage de Maria ?
Pour Maria, l’engagement est une question de vie, c’est un personnage qui préfère s’engager et mourir avec le fusil à la main plutôt que de passer sa vie à se cacher et à avoir honte de ne pas s’être battue. Et je trouve qu’aujourd’hui,
dire que les femmes peuvent aussi s’engager, que c’est difficile pour elles mais qu’elles peuvent le faire, c’est cela qui m’a plu dans le récit de César. Pouvoir insuffler cette énergie, parler de ces femmes, et de cette résistance que personne ne fait de gaieté de cœur mais dans laquelle tant les hommes que les femmes s’engagent, c’est crucial aujourd’hui. C’est un film qui n’est pas romantique, qui ne met pas la femme résistante sur une bicyclette pour passer des mots doux. En fait, c’est une femme qui se sacrifie au même titre qu’un homme, et c’est rare de voir des films où ce sont des personnages féminins qui font face à ce dilemme, et je trouve que c’est beau de le raconter.
Les relations que vous construisez à l’écran, tant avec votre compagnon qu’avec votre mère, sont très finement interprétées, avec toujours ce refus de choisir entre le statut de Maria en tant que parente, et Maria en tant que résistante…
C’est intéressant de dire qu’elle refuse de choisir, parce qu’en fait ce n’est pas un choix qu’elle fait, elle ne peut pas faire autrement. Mais en effet, à la fin elle ne choisit pas. Et d’une certaine manière, c’est aussi ce qui m’a poussé vers ce personnage. Une femme ayant le courage de voir au-delà d’elle-même.
Lorsque, avec l’équipe, nous nous sommes engagés sur ce film, on ne pensait pas que le monde irait si mal aujourd’hui, et qu’on se retrouverait peut-être un jour dans la même situation que Maria. Mais c’est aussi à travers tous ces questionnements et ces sujets que j’ai pu, en tant qu’actrice, toucher du doigt ce personnage.
Qu’est-ce que vous espérez transmettre avec ce film ?
Donner aux femmes des histoires qui leur permettent de rêver à des possibilités. De se dire que c’est possible de s’engager d’une manière ou d’une autre, défendre une liberté, une certaine liberté d’expression, la démocratie… On n’est pas que mère ou “femme de,” on est aussi un être humain et en tant que femme, on peut aussi se battre et s’engager. Créer des histoires qui donnent envie de ressembler à ces personnages. Aujourd’hui, quand je pense à ma fille, je sais que pour elle, il est possible de faire n’importe quel métier. Et c’est grâce à des films qui ont mis en avant des femmes footballeuses, médecins, avocates, bref pas que des récits où les femmes font la
cuisine, servent à manger, élèvent les enfants et nettoient le linge. En fait, des films comme Mexico 86 permettent d’exprimer aux femmes qu’il y a d’autres histoires possibles. Et c’est d’autant plus nécessaire dans un monde où réapparaissent des formes de gouvernement très conservateurs, et où l’on voit que les avancées pour les droits des femmes peuvent reculer très vite. Il faut encore se battre.
En parlant de films qui inspirent, avez-vous un souvenir de cinéma à nous partager ? J’ai grandi avec des parents très cinéphiles, et donc mes premiers souvenirs, ce sont les films de Frank Capra, ou ces films des années 1940 avec des personnages féminins un peu farfelus mais toujours avec beaucoup de personnalité, très charismatiques. Récemment, j’ai présenté Laura de Otto Preminger dans le cadre d’une carte blanche, et c’est une œuvre avec un personnage féminin extraordinaire. C’est un film qui parle à la fois d’amour, de fascination, de trahison, un film très riche thématiquement, et qui m’a fait rencontrer Gene Tierney, une actrice qui a par la suite fait des films plus incroyables les uns que les autres, avec des personnages féminins forts. Présenter ce film aujourd’hui, en pleine tournée pour Mexico 86, c’est cohérent.
”FAIRE
PARTIE DE CE RÉCIT
FÉMINISTE D’UNE FEMME RÉSISTANTE ET ENGAGÉE, C’ÉTAIT VRAIMENT IMPORTANT”
ACTION
Virton - du 9 au 11 avril
Et une troisième édition pour Action !, le festival organisé par le CEPPST (Centre d’Éducation Permanente et de Promotion Sociale des travailleurs). Aussi appelé festival du film engagé, l’événement a pour but de donner une voix et une visibilité à des problématiques sociales trop souvent éludées. Cette édition se déroulera sur trois jours et proposera des projections de films suivies d’un débat avec le public. Les thématiques abordées sont variées et actuelles, notamment l’I.A. à travers la comédie Effacer l’historique, l’art dans le milieu carcéral avec Sing Sing, ou encore la prise en charge des femmes victimes de violences avec le film belge Hors d’Haleine. Le festival se déroulera entièrement au ciné Patria, à Virton.
Infos:ceppst.be/action
KINOLATINO
Bruxelles - du 11 au 19 avril Troisième édition aussi pour Kinolatino, le festival dédié toute au cinéma latino-américain. Prenant une fois de plus ses quartiers au Cinéma Palace de Bruxelles, le festival s’ouvrira avec Mexico 86, drame politique belgo-mexicain porté par Bérénice Béjo (voir notre interview en page 35), avec une avant-première en présence du cinéaste César Diaz. Par la suite, la programmation fera la part belle aux projections inédites et aux avant-premières, comme le sulfureux et queer Motel Destino ou l’émouvant Querido Tropico, mais aussi aux courts-métrages avec son habituelle compétition. Le festival se clôturera par un retour dans le passé, avec le film hispano-mexicano-cubain de 1993 Fraise et Chocolat. Infos: kinolatino.be
BRUSSELS SHORT FILM FESTIVAL
Bruxelles - du 24 avril au 3 mai
Cela fait maintenant vingt-sept ans que le BSFF pose son chapiteau à Bruxelles pour dévoiler une riche collection de courts-métrages. Ce rendez-vous cinéphile incontournable organisé par l’ASBL Un soir…Un grain demeure l’un des plus importants festivals de cinéma de Belgique et pour cause : le court-métrage lauréat du Grand Prix est immédiatement shortlisté pou les Oscars. Une parfaite occasion de découvrir les premiers pas des cinéastes de demain, notamment au travers de la compétition Next Generation. Si l’ensemble de la programmation n’a pas encore été dévoilée à l’heure où sont écrites ces lignes, nul doute que cette vingt-huitième édition sera festive. L’équipe du BSFF l’a annoncé : c’est sous le signe des Libertés que se déroulera le festival.
Infos:bsff.be
• BIFFF - du 8 au 20 avril - Bruxelles
• IRISH FILM FESTIVAL - du 7 au 12 avril - Bruxelles
• BRUSSEL PORN FESTIVAL - du 1er au 4 mai - Bruxelles
Les nouvelles qui nous arrivent tous les jours de l’autre côté de l’Atlantique donnent à la réalité des allures de mauvaise comédie satirique. Et si vous avez l’impression de regarder un spectacle – terrifiant, sidérant – c’est normal, Trump promet régulièrement que ses interventions seront “de la bonne télévision”. Face à cela, que peut le cinéma ? Il suffit de se plonger dans l’histoire filmique des États-Unis pour trouver des réponses.
Les années 70, en particulier, ont connu un fleurissement de films politiques ou engagés, dans le sillon de 1968 et de la politisation massive de la jeunesse au cours des années 60. Zabriskie Point (1970) de Michelangelo Antonioni ouvre la décennie en synthétisant parfaitement son esprit. Si la critique a davantage retenu du film son côté sulfureux et sa représentation de la libération sexuelle, il s’agit aussi d’une œuvre ambiguë sur la tension insoluble entre violence de la société capitaliste et violence de sa contestation.
Débutant par l’occupation d’une université californienne et la répression policière que lui opposent les autorités, le film suit le personnage de Mark, un étudiant qui a (peutêtre) tiré sur un policier. La scène du coup de feu est montée d’une manière à rendre le public responsable de son interprétation. S’ensuit une longue fuite en avion, puis dans le désert où il rencontre Daria, jeune secrétaire dans une grosse entreprise publicitaire. Leur rencontre et leurs amours forment comme un intervalle, un moment de liberté avant que les personnages soient à nouveau confrontés au poids écrasant de la société. Antonioni signe un film poétique, planant, dont la transgression provient surtout du message politique : la société de consommation dévore ses enfants et la révolte conduit à toujours à une forme de violence désespérée.
Si ce long-métrage reprend l’esthétique soixante-huitarde – jusqu’à faire intervenir Pink Floyd dans sa bande-originale – d’autres cinéastes ont pu s’en emparer dans ses propositions plus académiques. C’est le cas de Sydney Pollack avec Nos plus belles années (1973). À travers l’histoire d’un couple, le réalisateur scrute l’évolution politique des ÉtatsUnis entre les années 30 et les années 50. Katie et Hubbell ne saurait être moins bien assortis : d’un côté une étudiante communiste et révolutionnaire, oratrice passionnée (et souvent moquée) sur son campus ; de l’autre, le fils sportif d’une famille riche, beau gosse et désinvolte. Ils se retrouvent quelques années plus tard, se marient et travaillent tous les deux à Hollywood. La seconde partie du film s’intéresse au climat de terreur qui s’abat sur le monde culturel américain pendant le maccarthysme1
Dans Nos plus belles années Pollack étudie la conscience américaine, dont ses deux
personnages incarnent les deux pôles. Katie, très engagée, reste à la pointe du mouvement anti-maccarthysme, malgré les risques très réels qu’elle encourt. À l’inverse, Hubbell hésite, tiraillé entre le succès de sa carrière de scénariste et ses idéaux. Le couple se sépare comme une partie de la société américaine : les radicaux se sentant trahis par la bourgeoisie libérale, trop passive face aux reculs des libertés engendrées par la frénésie anticommuniste. Dans la dernière séquence du film, les deux protagonistes se rencontrent par hasard ; ils ont refait leur vie, chacun de leur côté, et paraissent apaisés. Le message de Pollack, peut-être un peu trop optimiste, penche vers la réconciliation.
INFOSPECTACLE ET DYSTOPIE
Sidney Lumet se dirige vers une conclusion opposée. Il démarre sa carrière dans les pas du grand cinéma moraliste américain (Capra, Kazan, Ford…), avec le célébrissime Douze hommes en colère (1957), ode à la raison et contre la peur de l’autre. Il évolue avec des films comme Point limite (1964) ou La Colline des hommes perdus (1965) qui postulent que même quand justice l’emporte, c’est toujours au prix d’un éclatement de la violence. Avec Network (1976), il va un cran plus loin : il décrit une société du spectacle où la vérité cesse d’exister et où la révolte elle-même est digérée par l’industrie.
Le film se concentre sur l’histoire du présentateur Howard Beale. Sa chaîne de télévision vient d’être rachetée et la nouvelle direction veut le remplacer pour booster les audiences. Howard décide alors d’utiliser l’antenne pour dénoncer la situation… et l’audimat crève le plafond. Bientôt transformé en show, le journal d’Howard
1. En pleine Guerre froide, le sénateur Joseph McCarthy utilise une commission d’enquête pour faire la chasse aux “communistes” et à tous les éléments qu’il juge “anti-américains”. Sa croisade conduit à plusieurs emprisonnements et surtout à une mise à l’écart de nombreux artistes et personnages publics.
préfigure de manière terrifiante l’infospectacle aujourd’hui dominante sur les chaînes d’informations en continu. La fin, qui montre un assassinat en direct, sonne à la fois comme une libération pour le personnage et comme le début d’une nouvelle ère : celle de la disparition de toute décence.
À l’opposé de cette vision particulièrement sombre des médias de masse, d’autres longs-métrages ont plutôt insisté sur l’importance du journalisme d’investigation, considéré comme un quatrième pouvoir face au monde politique. C’est le cas des Hommes du président (1976) de Alan J. Pakula qui revient sur le scandale du Watergate2. Aujourd’hui, le film permet de prendre conscience du recul des standards éthiques aux États-Unis, où des affaires bien plus graves sont devenues la norme.
Mais certaines franges du cinéma indépendant américain ont été encore plus loin dans leur dénonciation des dérives du pouvoir et de l’autorité. Longtemps difficile à voir, des films comme Punishment Park (1971) de Peter Watkins ou Born in Flames (1983) de Lizzie Borden restent des pièces maîtresses de la contre-culture cinématographique et des
outils de contestation puissants. Ces films de combat ne manquent pas d’héritier, autant chez des cinéastes ayant pignon sur rue comme Adam McKay, avec des films comme Vice (2018) ou Don’t Look Up (2021), que chez des militants plus affirmés comme l’équipe derrière How to Blow Up a Pipeline (2022) ou le Sorry to Bother You (2018) de Boots Riley. La décomplexion du deuxième mandat de Trump fournira-t-il au cinéma américain l’occasion de s’opposer frontalement au techno-fascisme qui vient et de proposer d’autres imaginaires, emprunts de justice et d’égalité ? On peut l’espérer.
Selon l’excentrique et égocentrique réalisateur américain, Paul Schrader, Mishima, ”C’est le film grâce auquel on se souviendra de moi”. S’il est difficile de donner raison à cette auto-éloge (Schrader ayant notamment été le scénariste de Taxi Driver et Raging Bull), ce biopic de l’écrivain japonais Kimitake Hiraoka, alias Yukio Mishima, a malgré tout marqué la carrière du cinéaste. Structuré en quatre chapitres, le film est le parfait portrait d’un artiste tiraillé par ses différentes facettes : homosexuel mais conservateur nationaliste, artiste mais guerrier, expressionniste mais traditionaliste, populaire mais obsédé par les figures d’hommes seuls et incompris.
UN BIOPIC SURRÉALISTE
Schrader s’y fait surréaliste, grandiloquente, en accord avec le lyrisme et l’héroïsme qui habite le vécu et le travail de l’écrivain : un dialogue, une compréhension mutuelle semble exister entre le cinéaste et le romancier. Comme si Paul Schrader, figure du Nouvel Hollywood, redonnait du souffle à la parole d’un écrivain éteint. Un retour, une résurrection, justement mise en musique par un des pères de la musique répétitive, Philip Glass, qui signe une partition hypnotique de haute volée.
ET GRANDILOQUENT
Oeuvre kaléidoscopique, stylisée et onirique, Mishima tisse des liens entre, d’une part l’existence mouvementée d’un auteur renommé, qui se termine par la flamboyante tentative de putsch qu’il a orchestré et son suicide rituel par seppuku. Et d’autre part les écrits les plus célèbres de Mishima, dont Le Pavillon d’or, La Maison de Kyôto et Chevaux échappés qui prennent vie devant la caméra du cinéaste. À l’image de ses décors, la narration du long-métrage de
Via cet amalgame de fragments fictionnels, on arrive à saisir la subtilité de la destinée d’une figure passionnante, tout en assistant à la création d’un long-métrage quasi expérimental très personnel. Avec Mishima, Paul Schrader signe un grand film qui a révolutionné à jamais le biopic.
Mishima est visible sur la plateforme MUBI.
Réalisé par Paul Schrader (États-Unis/Japon, 121 minutes) avec Ken Ogata, Kenji Sawada
LA FAMILLE TENENBAUM
- PAR KATIA PEIGNOIS -
En une dizaine de longs-métrages et presque autant de moyens et courts-métrages, Wes Anderson a façonné depuis les années 90 l’un des styles les plus identifiables du septième art américain. Avec son amour du décalage, son esthétique maniaque de l’accumulation, son sens de la narration frénétique et ses dialogues pleins d’esprit, le réalisateur de The Grand Budapest Hotel a érigé l’artificialité en une voix singulière qui tend à approcher le réel et ses émotions par une succession de détails. Dès son troisième film, La Famille Tenenbaum, le geste andersonien faisait déjà des merveilles, et le revoir à l’heure de la disparition de Gene Hackman accentue encore son aura mélancolique.
rentrent alors également au bercail. Ces enfants jadis prodigieux cherchent à présent leur place dans le chaos existentiel de la vie d’adulte. Le retour de Royal, en tant que force perturbatrice, les pousse à réagir, ne serait-ce qu’en opposition à lui, et à dépasser leur statut d’anciennes figures d’exception.
LES ADIEUX DE GENE HACKMAN
Vingt-deux ans après la séparation des parents Tenenbaum, Royal (Gene Hackman), le père indigne et magouilleur, réintègre la maison familiale sur Archer Avenue en prétextant un faux cancer incurable de l’estomac parce qu’il s’est fait expulser de l’hôtel où il résidait à crédit. Margot (Gwyneth Paltrow), Chas (Ben Stiller) et Richie (Luke Wilson), la fratrie dysfonctionnelle en proie à la dépression des Tenenbaum,
Fidèle à sa passion pour l’agencement sophistiqué de formes géométriques, bien adapté au format Scope, et pour le surcadrage, Wes Anderson filme avec humour les échecs intimes pour mieux capter les gestes d’apaisement et de réconciliation. En 2001, Gene Hackman a quasiment tiré sa révérence cinématographique avec cette comédie du désespoir. À l’instar de Royal qui avait rédigé son épitaphe1 avec emphase avant sa mort, La Famille Tenenbaum essayait inconsciemment de nous préparer au deuil d’un immense acteur dont la carrière n’attend qu’à être re-visitée.
Réalisé par Wes Anderson (États-Unis , 109 minutes) avec Gene Hackman, Gwyneth Paltrow, Anjelica Huston, Owen Wilson et Bill Murray.
1. L’épitaphe de Royal Tenenbaum dit : “Mort tragiquement en tentant de porter secours à sa famille retenue à bord d’un vaisseau de guerre en train de sombrer.”
BLOCKBUSTERS EN VUE CAPITAINE !
Si l’on sort tout juste d’une période relativement calme en termes de sorties cinéma, les prochains mois s’annoncent au contraire très mouvementés. Entre le huitième (et dernier ?) opus de Mission Impossible , F1 porté par Brad Pitt, le très attendu 28 ans plus tard et encore Elio, le nouveau Pixar, les grands studios abattent leurs meilleures cartes pour mai-juin… Au risque de causer un embouteillage ? En tout cas, une chose est sûre : Surimpressions répondra présent dans les salles. J.D.P.
LE CINÉMA IRLANDAIS S’INVITE À BRUXELLES
Du 7 au 12 avril, le Scéal Eile pose une nouvelle fois ses valises dans la capitale pour nous amener le meilleur du cinéma irlandais. Une occasion de savourer des perles rares, comme le poétique Bird Song, le thriller Dead Man’s Money ou encore la coproduction belgo-américano-irlandaise Small things like these, portée par le charismatique Cillian Murphy. Plus d’infos sur bestofirishfilm.be. J.D.P.
Surimpressions ne serait rien sans les rédactrices et rédacteurs qui portent cette initiative de leurs plumes. Il y a Raissa Alingabo-Yowali M’Bilo , programmatrice pour le festival Pink Screens, critique pour La Pointe. Simon Lionnet , chargé de communication et marketing pour Cineville. Elli Mastorou , critique pour L’Avenir et Les Grenades, présidente de l’Union de la Presse Cinématographique Belge. Katia Peignois , chroniqueuse cinéma
pour La Première. Thibault Scohier, poète à ses heures. Camille Wernaers , journaliste pour Les Grenades et axelle mag. Quentin Moyon , critique cinéma pour Cinergie. Cette équipe est accompagnée par Julien Del Percio , chargé de communication, Adrien Corbeel , rédacteur en chef et Kévin Giraud, directeur de publication. La revue est enfin sublimée par l’œil et le doigté de la graphiste Bérengère Bordet
Pour participer, rendez-vous sur surimpressions.be/concours, répondez au questionnaire, entrez vos coordonnées et tentez votre chance.
1. En espagnol, Tardes de soledad signifie”Après-midis de solitudes”
25x2 places pour The Last Showgirl
En partenariat avec le distributeur September Film, Surimpressions vous propose de gagner 25x2 places, valables dans n’importe quel cinéma de Belgique, pour aller voir The Last Showigrl de Gia Coppola. Ce drame indépendant, que nous abordons via une rencontre et une critique au début de ce numéro, raconte l’histoire d’une danseuse de cabaret expérimentée qui voit sa vie bouleversée lorsque le spectacle qu’elle performe depuis plus de trente ans se voit soudainement stoppé. Une plongée intime et délicate dans le monde festif et coloré de Las Vegas, qui signe le grand retour de Pamela Anderson au cinéma.
Tirage au sort : 14 avril
Date de sortie du film : 16 avril.
Plein de places pour les avant-premières de Reflet dans un diamant mort !
Ce n’est pas pour rien que l’on a dédié quatre pages d’interview à Hélène Cattet et Bruno Forzani : leur dernier film, Reflet dans un diamant mort, est un objet rare et stimulant, un condensé de créativité et de savoir-faire cinématographique. Un long-métrage qu’il convient de découvrir en salles, d’où un concours en collaboration avec Cinéart pour assister à l’une des nombreuses avant-premières en présence des cinéastes. Surimpressions vous propose ainsi de tenter de gagner 5x2 places pour chacune des séances suivantes : le 24/04 au Quai 10 de Charleroi, le 25/04 au Palace de Bruxelles, le 29/04 au Caméo de Namur et le même jour au Cinéma Sauvenière de Liège, et enfin le 30/04 au Plaza de Mons. Pour participer, il suffira de cocher l’avant-première de votre choix dans le formulaire présent sur notre site web. Bonne chance à toutes et à tous.
Tirage au sort : 21 avril.
Date de sortie du film : 30 avril.
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