Raissa Alingabo-Yowali M’bilo, Julien Del Percio, Simon Lionnet, Elli Mastorou, Quentin Moyon, Katia Peignois, Thibault Scohier, Camille Wernaers
INVITÉ·ES
Zahra Benasri, Ruben Nollet
IMPRIMÉ PAR Moderna
CONTACT info@surimpressions.be
BRISER LES PLAFONDS DE VERRE
Maura Delpero pour Vermiglio, Carine Tardieu pour L’attachement, ou encore Agathe Riedinger et son Diamant brut. Ce numéro de Surimpressions fait plutôt la part belle aux réalisatrices ! Mais ce n’est pas le moment de se jeter des fleurs. Derrière cette représentation certes bienvenue (et irrégulière) se cache la réalité de professions toujours majoritairement masculines, où les plafonds de verre sont encore nombreux.
La preuve en chiffres : en 2024, seulement 16% des 250 films les plus populaires aux États-Unis étaient réalisés par des femmes, tandis que la sélection cannoise – qui a néanmoins vu la réalisatrice indienne Payal Kapadia récolter le Grand Prix avec All We Imagine as Light (et que nous interviewons en page 34) – ne comptait que 4 réalisatrices sur 22 films en compétition. 2025 ne commence pas bien mieux, avec une seule réalisatrice (Coralie Fargeat) dans la course aux Oscars, et une absence complète de réalisatrice dans la course au César de la meilleure réalisation, alors qu’elles étaient trois à être nommées l’année dernière.
Comment comprendre, et surtout comment déconstruire cette disparité récurrente, tant dans les postes décisionnaires que dans les rôles créatifs les plus mis en avant ? Martha Lauzen, responsable de l’étude Celluloid Ceiling (plafond celluloïde) qui recense ces écarts à Hollywood depuis près de 30 ans, pointe un début de réponse : la représentation des femmes est bien meilleure dans les projets portés par des réalisatrices. Décloisonner ses horizons, s’ouvrir aux collaboratrices et sortir de son boys club, c’est peut-être cela qu’il manque à nos industries créatives. Et, de l’autre côté du miroir, à une critique cinématographique majoritairement masculine également.
Vous l’aurez peut-être constaté dans ces pages : depuis plus de deux ans, nous tentons de mettre en avant des plumes et des voix représentatives de notre société. Mais nous avons indéniablement encore du chemin à faire. Je donne donc la parole à Elli, à Raïssa, à Camille, à Katia et à Zahra, pour vous transmettre elles aussi leur amour du cinéma sous toutes ses formes.
Kévin Giraud
Directeur de publication de Surimpressions.
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le plafond de verre
Vermiglio de Maura Delpero
Un parfait inconnu de James Mangold
Queer de Luca Guadagnino
L’attachement de Carine Tardieu
Patsers de Adil El Arbi & Bilall Fallah
Mercato de Tristan Séguéla
Les Reines du drame d’Alexis Langlois
Dans la cuisine des Nguyen de Stéphane Ly-Cuong 20 Je suis toujours là de Walter Salles
Ernest Cole : Lost and Found de Raoul Peck
Mémoires d’un escargot d’Adam Elliot DOSSIER
Derrière le(s) visage(s) de Robert Pattinson
Quatre film palestiniens à découvrir absolument
Agathe Riedinger, réalisatrice de Diamant
Payal Kapadia, réalisatrice de All We Imagine as Light
Magritte du Cinéma
Un monde sans Lynch n’existe pas
nouveau départ d’Elaine May
Rencontre avec
SORTIE : LE 19 MARS
MAURA DELPERO
réalisatrice de Vermiglio
- PROPOS RECUEILLIS PAR RUBEN NOLLET -
À Vermiglio, village pauvre des Alpes italiennes, le temps semble s’être arrêté. Nous sommes en 1944, et la guerre paraît loin. Mais tout change avec l’arrivée d’un déserteur qui trouve refuge dans leur communauté. Grand Prix du Jury au Festival de Venise, Vermiglio, dont la sortie est prévue pour le 19 mars, est une belle chronique familiale, aussi intime que vaste. Et teintée d’autobiographie, comme nous l’explique la réalisatrice Maura Delpero.
Comment avez-vous découvert le village où se déroule votre film ?
Mes grands-parents et mon père sont nés à Vermiglio. J’y ai d’ailleurs passé une grande partie de mon enfance. Après la mort de mon père, j’y suis retourné pour gérer mon deuil, et j’ai réalisé que je connaissais ce
village et ses habitants, mais pas à quoi il devait ressembler dans le passé, avant ma naissance. J’ai ressenti le besoin d’entrer en dialogue avec ce passé. Je pense que c’était ma manière de surmonter cette douleur, et j’ai découvert un monde que je ne soupçonnais pas.
N’aviez-vous pas peur de décrire ce passé de manière trop romantique, puisqu’il s’agit de votre famille ?
Je me suis posé la question. Mais je sais que je ne suis pas naturellement nostalgique. Je n’idéalise pas le passé, je ne pense pas que les gens étaient mieux lotis lorsqu’ils gelaient ou n’avaient pas la chance d’aller à l’université. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles je suis heureuse de vivre de nos jours. Bien sûr, la vie à l’époque avait aussi ses beaux côtés. J’ai essayé de peindre un portrait nuancé et réaliste des choses. Même chose pour la nature : j’ai essayé de décrire la beauté de ce monde, mais aussi son âpreté.
Le village où se passe le récit semble complètement isolé…
C’est une des raisons pour lesquelles je voulais vraiment faire ce film. Je suis une grande fan de huis clos. Je pense que c’est un genre très cinématographique, un cadre parfait pour l’étude de cas. Une petite communauté, une famille. En même temps, Vermiglio est un film choral avec de nombreuses histoires et personnages différents. Le défi, c’est qu’il faut trouver un équilibre. Je voulais que la guerre se fasse sentir dans tous les aspects de la vie, même s’il n’y a pas de violence, même si elle est extérieure. Aucune bombe ne tombe, mais une grande partie de ce qui se passe est une conséquence indirecte de cette guerre.
Vous accordez également une forte attention aux activités quotidiennes, de la traite des vaches et les soins aux enfants, jusqu’à la coupe du bois et la préparation des repas. Avezvous fait beaucoup de recherches pour les représenter ?
Je connais cette culture. Quand mes tantes me parlent, c’est dans ce dialecte. Une grande partie de ce que vous voyez dans le film sont des souvenirs et des expériences personnelles. Mais j’ai aussi fait beaucoup de recherches. J’ai lu des livres, regardé des photos, réalisé des interviews, emménagé dans la maison de mes grands-parents. Je suis rigoureuse lorsque je fais un film. Je ne veux pas aborder des choses que je ne connais pas vraiment. Je fais vraiment un gros travail d’immersion. J’ai essayé de traire une vache moi-même. Quand je suis là avec ces gens, je veux faire partie de ce monde, pas les regarder de l’extérieur.
Vous avez fait appel à des acteur·ices non-professionnel·les. Comment les avezvous choisi·es ?
Je suis allé dans les cafés locaux, dans les granges, et j’ai pris des photos des gens, des visages, de personnes qui ne seraient jamais venues à un casting. J’ai bu du vin avec eux, et je leur ai parlé. Le problème c’est que je suis tombée enceinte pendant cette période, et je n’avais plus le droit de boire de l’alcool. Ce qui a rendu la socialisation avec ces gens plus difficile (rires). Heureusement, ils me connaissaient déjà à ce stade. Au début, ils étaient réticents à jouer dans un film, mais ils sont finalement venus. Je pense qu’ils sont si beaux parce qu’ils sont réels. Non pas qu’ils soient figés dans le temps, mais ils représentent une culture très spécifique.
SORTIE : LE 19 FÉVRIER
UN PARFAIT INCONNU
L’insaisissable Bob Dylan
- PAR ADRIEN CORBEEL -
Sur le papier, l’idée d’un biopic relativement classique sur une personnalité aussi élusive que Bob Dylan a quelque chose d’un peu absurde. Rares sont les artistes qui se sont autant employés à fuir les définitions qu’on a pu leur donner. On l’a connu entre autres musicien folk, chanteur de gospel, figure du rock, acteur, poète, activiste et fabulateur dans les multiples vies qui furent la sienne. Vouloir se saisir de Dylan sous forme d’un film biographique, condenser sa personne et sa personnalité en quelques heures, relève au mieux d’un défi presque impossible, au pire d’un projet voué à l’échec.
Tentant malgré tout l’expérience, le cinéaste James Mangold (Walk the Line) nous propose donc Un parfait inconnu (dont on préfèrera le titre original, A Complete Unknown), à la fois construction et déconstruction du mythe Dylan. Plutôt que de raconter toute la vie de l’artiste, le film se concentre sur les premières années de sa carrière, de 1961, lorsque tout juste sorti
de l’adolescence, il s’immisce dans le monde de la musique folk, jusqu’en 1965, où traçant sa propre route il abandonne le mouvement dont il est devenu la figure de proue. Cette focalisation permet d’une part d’éviter certains écueils propres au biopic et d’autre part d’articuler l’essence même de son propos : cette insaisissabilité de l’artiste et de l’homme Bob Dylan, pour ses fans comme pour ses proches.
Pour donner chair et corps à son personnage, le film a requis les talents de Timothée Chalamet, choix étonnamment judicieux. Sa performance est incarnée, l’acteur de Dune empruntant la gestuelle et le phrasé de son modèle, mais en se l’appropriant assez librement, de sorte à ne pas tomber dans l’imitation. Le Dylan qu’il joue est tour à tour sentimental, indifférent, piquant et surtout irritable, face aux attentes d’un monde qui a fait de lui une célébrité. Être dans l’œil du public est une situation qui n’est sans doute pas étrangère à Chalamet, et l’acteur franco-américain sème le trouble dans son
portrait où se superposent sa propre image publique et celle de son personnage.
Un trouble d’autant plus grand qu’il chante luimême les chansons du film, avec un timbre dans lequel on décèle à la fois l’acteur et son modèle. Les meilleures scènes sont celles qui le voient pousser la voix dans un cadre intimiste : l’atmosphère se transforme, le temps semble s’arrêter. À défaut de l’expliquer, Un parfait inconnu parvient à cristalliser le phénomène Dylan, la fascination exercée dès la première écoute. Le film abuse parfois de ce pouvoir, alignant trop souvent les titres les plus connus de ce dernier, mais il y a une indéniable puissance à ces séquences musicales.
touchant à cet homme qui prend sous son aile Dylan, avant d’être pris de court par sa popularité, et surtout le désir tout puissant de liberté de son protégé.
UN BIOPIC SOUS FORME
DE CHRONIQUE
Dans l’ascension de Dylan, et dans sa fuite en avant, tout le monde passe au second plan, en particulier les femmes de sa vie. Elle Fanning a le rôle ingrat de la petite amie, qui se retrouve à deux reprises à assister à un concert de Dylan, le cœur brisé et les larmes aux yeux. Monica Barbaro est captivante et charismatique dans le rôle de la chanteuse Joan Baez, mais l’écriture du personnage dessert à la fois l’actrice et la vraie Baez. Le personnage le mieux écrit est sans doute celui d’Edward Norton, qui joue le musicien Pete Seeger avec une sincérité mielleuse. Il y a quelque chose de particulièrement
Malgré son épais budget (qui lui permet une belle reconstitution du New York des années 60), il y a une certaine humilité à Un parfait inconnu, en contre-pied d’un film comme I’m Not There (2007). Là où le cinéaste Todd Haynes débordait d’ambition pour mettre en scène la vie de Bob Dylan, et se mettre à son diapason1, le réalisateur James Mangold et son co-scénariste Jay Cocks préfèrent assumer les limites de leur projet. Renonçant à définir Dylan, ils nous invitent à l’observer à la fois comme un géant et comme un homme parmi d’autres, et signe une chronique appréciable, à défaut d’être révolutionnaire.
Réalisé par James Mangold (États-Unis, 140 minutes) avec Timothée Chalamet, Edward Norton, Elle Fanning, Monica Barbaro.
Découvrez le film dans les salles proches de chez vous grâce à
Walt Disney Company
1. Dans I’m not there, 6 acteur·ices (dont Cate Blanchett et Christian Bale) jouent des personnages inspirés de différentes facettes de la personnalité de Bob Dylan, pour créer un portrait kaléidoscopique de celui-ci.
SORTIE : LE 26 FÉVRIER
QUEER
Bons baisers de Mexico
- PAR JULIEN DEL PERCIO -
Pour parler de Queer , le nouveau film de Luca Guadagnino ( Call me by your name, Challengers), il faut d’abord évoquer le roman dont il est adapté, et l’histoire tourmentée de son auteur, William S. Burroughs. D’abord détective dans le New York des années 40, où il collabore régulièrement avec la pègre, Burroughs développe rapidement une addiction à l’héroïne et à la morphine. Mais c’est en 1951 qu’il commet l’irréraparable : désirant imiter la célèbre performance de Guillaume Tell, qui fendit d’une flèche une pomme juchée sur la tête de son fils, Burroughs abat sa femme d’une balle dans le front. Après un bref séjour en prison, l’écrivain vit une longue période d’errance en Amérique latine, entre expériences autodestructrices avec la drogue et exploration de son homosexualité. C’est dans ce tumulte halluciné et torride que prennent forme la plupart de ses futurs romans, tous à connotation autobiographique : Le Festin Nu, Junkie et évidemment Queer
Dans le film de Guadagnino comme dans le roman éponyme, Burroughs s’incarne dans son alter ego Lee, quarantenaire désabusé écumant les bars à la recherche de beaux jeunes hommes. De son homicide et de son passé new-yorkais, il n’est fait aucune mention explicite. Pourtant, ces traumatismes semblent flotter constamment au-dessus du personnage, dont chaque action cristallise une forme de fuite, une tentative d’échapper à la culpabilité et à la solitude. Dans ce rôle complexe, Daniel Craig se dévoile dans tous les sens du terme, notamment à travers de longues scènes de sexe filmées frontalement. Très convaincant pour concrétiser le malaise interne qui secoue son personnage, l’ancien James Bond impressionne et trouve enfin un rôle à la juste mesure de son talent.
De l’autre côté de la caméra, Luca Guadagnino s’empare avec un appétit manifeste de la mythologie de Burroughs. Pour mieux capter l’irréalité de son univers, le cinéaste a choisi
de tourner son film entièrement en studio, à la Cinecittà de Rome. Le cinéaste façonne ainsi une Mexico fantasmatique, un espace hors du temps, où la vie s’écoule dans le stupre et la déprédation, sous un soleil brûlant d’indifférence. Les éclairages sublimes du chef opérateur Sayombhu Mukdeeprom sculptent les corps avec sensualité tandis que le doux score de Trent Reznor et Atticus Ross, à l’opposé de la house techno de Challengers, distille un climat planant et onirique. Dans sa première partie, Queer rappelle ainsi le Querelle de Rainer Werner Fassbinder : on y retrouve la même oscillation entre le cauchemar et le rêve, la chair et le carton-pâte, la mort et le désir.
UNE PLONGÉE ÉROTIQUE ET HALLUCINATOIRE
De désir, il est d’ailleurs follement question dans le cinéma de Guadagnino. C’est ce désir qui guidait Elio vers Oliver dans Call me by your name, ce désir qui poussait à la dévoration dans Bones and all, et encore et toujours ce désir qui nouait le complexe trio de Challengers. Cette fois-ci, ce désir, c’est celui de Lee pour Eugene Allerton, séduisant jeune homme dont l’orientation sexuelle reste toutefois à déterminer. Pour Lee, l’accès à l’intériorité d’Allerton, à ses désirs les plus profonds, va faire l’objet d’une quête obsessionnelle et transcendantale, qui va amener Queer à quitter Mexico pour rejoindre la torpeur de la jungle tropicale.
C’est là que le film s’égare : très doué lorsqu’il s’agit de filmer l’érotisme entre deux hommes, Guadagnino est plus mal à l’aise lorsqu’il s’agit de faire corps avec la dimension hallucinatoire et métaphysique du roman de Burroughs. En résulte une débauche d’effets parfois superflus : musiques anachroniques, ralentis sur-stylisés, body horror, déformations de l’image, apparitions cauchemardesques. Ce formalisme un peu gratuit finit par noyer le cœur émotionnel du récit, dont les personnages apparaissent assez désincarnés, ballotés d’une saynète étrange à une autre selon les velléités du cinéaste. Comme si Guadagnino, aussi fasciné soit-il, n’avait pu manquer de se perdre dans le labyrinthe opaque et obscur qu’est l’œuvre de Burroughs.
Réalisé par Luca Guadagnino (États-Unis/ Italie, 135 minutes), avec Daniel Craig, Drew Starkey, Jason Schwartzman, Lesley Manville.
Découvrez le film dans les salles proches de chez vous grâce à
L’ATTACHEMENT
…du genre humain
- PAR RAISSA ALINGABO-YOWALI M’BILO -
Tiré du roman L’intimité d’Alice Ferney, L’attachement nous fait rencontrer Sandra (Valeria Bruni-Tedeschi), une libraire célibataire, amoureuse de son indépendance. Son équilibre va être chamboulé le jour où sa voisine, Cécile, doit se rendre d’urgence à l’hôpital pour y accoucher, et lui confie son fils : Elliot. Cécile décède en donnant naissance à une petite Lucille. Alex, son compagnon, doit à présent s’occuper de bébé et d’Elliot qu’il a jusqu’ici, élevé comme son propre fils. Des liens forts naissent entre cette famille récemment endeuillée et leur étonnante voisine.
SORTIE : LE 19 FÉVRIER
dessine un parcours de guérison et les contours possibles des familles qu’on se choisit.
DEVENIR MIÈVRE
La simplicité du film de la réalisatrice Carine Tardieu est justement ce qui lui permet une certaine profondeur : en suivant ce microcosme qui s’invente de nouveaux repères, on plonge dans la complexité des liens, la fragilité des êtres et les métamorphoses douces. J’aimais déjà énormément la délicatesse de la cinéaste dans Du vent dans mes mollets, et j’ai retrouvé ici toute la tendresse et la subtilité qu’elle déploie dans ses films. Elle a la capacité de proposer de magnifiques tableaux des vies ordinaires et leurs fractures. Doux sans devenir mièvre, L’attachement
Les interprètes participent énormément à l’atmosphère générale de ce dernier long-métrage. Ils et elles incarnent chaque personnage avec une sensibilité juste et sans caricature. Pio Marmaï illumine la fébrilité de son personnage, ses failles et ses nuances ; quant à Raphaël Quenard, il apparaît moins exubérant que dans plusieurs de ses rôles mais tout aussi attachant. C’était surtout une réelle satisfaction de re-découvrir Valeria Bruni-Tedeschi dont le personnage se fait une place dans cette constellation familiale hors-norme. Après avoir joué les mères toxiques, comme dans La ligne, elle parvient, à mes yeux, à parfaitement épouser un rôle aux antipodes. L’actrice m’a surprise dans sa capacité à fendre une carapace induite par sa beauté froide, pour habiter un personnage à la fois généreux et aimant, qui s’ouvre peu à peu, tout en restant fidèle à ses choix et ses désirs.
Réalisé par Carine Tardieu (France, 106 minutes) avec Valeria Bruni Tedeschi, Pio Marmaï, Raphaël Quenard, Vimala Pons.
DOUX SANS
PATSERS
SORTIE : LE 19 FÉVRIER
Esthétiquement pop, thématiquement pauvre
- PAR KÉVIN GIRAUD -
Gimmicks décalés inspirés de l’univers du jeu vidéo, montages trépidants et cadrages envolés, voilà ce à quoi s’étaient essayés le duo Adil El Arbi et Bilall Fallah dans le premier Patser, un carton en Flandre (plus de 360.000 entrées) qui n’a que peu traversé la frontière linguistique.
Entre-temps, le duo belge aux commandes de l’étonnant Black (2015) s’est envolé outre-Atlantique pour piloter les deux derniers opus de la saga Bad Boys, tout en insufflant leur univers à la pétillante série Miss Marvel et au tristement annulé Batgirl. Et le tout, avec le luxe d’un aller-retour belge en 2022 pour signer Rebel. Pour Adil et Bilall, revenir à leurs Patsers, ce quatuor de jeunes anversois trempant bon gré mal gré dans le trafic de cocaïne qui gangrène la ville portuaire, c’est donc revenir à ce qui a fait leur succès en Flandre : un cinéma très pop, bourré d’influences visuelles et de références. Un cinéma qu’on savoure façon popcorn alors même qu’il nous plonge dans les bas-fonds poisseux de la Belgique criminelle, remplis de personnalités flamboyantes à la morale douteuse.
UNE SUITE DÉCEVANTE REMPLIE DE BONNES IDÉES
C’est en tout cas ce que l’on était en droit d’espérer, au regard d’un premier volet bien ficelé. Mais force est de constater que cette fois, la sauce n’a pas pris. Et c’est fort dommage, car les moments de flamboyance ne manquent pas, de même que les belles idées de mise en scène, ou les montages ultra-cadencés décryptant les plans rocambolesques d’Adamo (Matteo Simoni) qu’on croirait sortis d’un Ocean’s Eleven sous ecstasy. Là où Patsers pêche, c’est dans son propos, qu’il nous semble encore difficile aujourd’hui de réellement cerner. Alors que son prédécesseur assumait la dynamique d’un récit de gangsters à la manière des Affranchis, glorifiant ses protagonistes pour finalement mieux questionner ce que rapporte réellement le crime, cette nouvelle mouture rebat les cartes sans réelles motivations. Pour un résultat, par opposition à son style vibrant, thématiquement très terne.
Réalisé par Adil El Arbi et Bilall Fallah (Belgique,122 minutes) avec Matteo Simoni, Nora Gharib, Saïd Boumazoughe, Junes Lazaar.
MERCATO
L’impitoyable monde du ballon rond
- PAR ADRIEN CORBEEL -
Pas besoin d’être fan de football pour apprécier Mercato À vrai dire, peut-être vaut-il mieux ne pas trop porter le sport dans son coeur, car ce que nous montre le thriller de Tristan Séguéla pourrait (presque) vous dégoûter du ballon rond. Plongée peu reluisante dans les coulisses du football, le film nous entraîne dans les pas agités d’un agent sportif bien mal en point. Au plus bas de sa carrière, endetté jusqu’au cou, Dris est sommé par une poignée de criminels de ramener, à peu de choses près, le jackpot. Ce qui, compte tenu de son “écurie” de joueurs, semble mal barré. Le téléphone sans cesse en main et les principes moraux de côté, il se lance dans une course contre la montre pour vendre ses footballeurs au plus haut prix.
de sympathie, d’inquiétude mais aussi de dégoût qu’on suit ses aventures dans le monde du sport, le récit l’amenant à prendre des décisions de plus en plus amorales. Le film est d’ailleurs fort schématique à cet égard, opposant ses manœuvres véreuses à la bienveillance et à la sagacité de son fils quasi-angélique (Milo Machado-Graner, révélation d’Anatomie d’une Chute).
UN THRILLER EFFICACE
C’est Jamel Debbouze qui endosse le rôle, un choix qui ressemble de prime abord à un coup de pub sans grand intérêt, mais se révèle plutôt avisé. La nervosité, le panache et la tchatche du comédien font bel effet dans ce thriller dynamique, qui joue sur notre perception de l’acteur. C’est avec un mélange
On décèle ici et là dans la réalisation relativement conventionnelle de Tristan Séguéla quelques pas de côté, fort appréciables, mais le projet manque parfois d’audace. Visiblement fort inspiré par le Uncut Gems des frères Safdie, Mercato n’en atteint donc pas les sommets délirants, préférant remplir avec soin son cahier de charges. Pas de quoi bouder son plaisir donc, ni crier à un renouveau du thriller français.
Réalisé par Tristan Séguéla (France, 122 minutes) avec Jamel Debbouze, Milo Machado-Graner, Monia Chokri, Hakim Jemili.
SORTIE : LE 19 FÉVRIER
Mika
Cotellon
LES REINES DU DRAME
Amour, gloire et fister
- PAR KÉVIN GIRAUD -
Et si, en ces froids mois d’hiver, le cinéma pouvait nous réchauffer jusqu’au cœur le temps d’un film? C’est en tout cas de cette énergie, solaire et hautement communicative, qu’est infusé Les Reines du drame, cet objet de cinéma hors-normes signé Alexis Langlois.
Pénétrant semble l’adjectif qui colle le mieux à cette odyssée, sans mauvais jeu de mots. Entre passé, présent et futur, Steevyshady (Bilal Hassani), Youtubeur tantôt terrifiant, tantôt attendrissant, nous raconte l’histoire d’amour torride et tumultueuse de son idole Mimi Madamour (Louiza Aura), star de la pop au coeur des années 2000, et de Billie Kohler (Gio Ventura), icône punk à la carrière en dents de scie. Se jouant des codes télévisuels du tournant du siècle, Alexis Langlois et son équipe recréent des idoles plus vraies que nature, dont les tubes fantastiques, “Pas touche”, “Go musclées” ou l’incroyable “Fistée jusqu’au coeur” – signés de l’auteur-compositeur Pierre Desprats, avec des talents comme Ambriel, Yelle, Rebeka Warrior et Gio Ventura iel-même – vous empoignent pour ne plus ja-
SORTIE : LE 19 FÉVRIER
mais vous quitter. Et ce, à coups de ritournelles grivoises et de punchlines d’anthologie, assénées à coups de boutoir sur le patriarcat.
HYMNE TRASH À L’AMOUR ET À L’UNICITÉ
Une résurrection d’étoiles fulgurantes exhumées de décennies passées, façon Lorie ou Britney Spears, pour mieux les soumettre à un système d’une violence inouïe et bien réelle, que le cinéaste n’a de cesse de tourner délicieusement en bourrique dans une critique aussi acide que délectable. Les Reines du drame est fouillis, est explosion, est arc-en-ciel. Avec la fougue et la force d’un cinéma qu’on aime voir et revoir, porté par une génération de talents qui donnent au septième art français des couleurs vives, progressistes et chatoyantes. Une ode à l’unicité, à l’amour, au trash, à la musique et à l’exubérance au-delà des cloisonnements d’identité et de genre, au-delà de toutes limites. Et en tout cas, en ce qui me concerne, il m’a fisté jusqu’au cœur.
Réalisé par Alexis Langlois (France, 115 minutes) avec Louiza Aura, Gio Ventura, Bilal Hassani, Nana Benamer.
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DANS LA CUISINE DES NGUYEN
Délice musical
- PAR ZAHRA BENASRI -
Il y a des films qu’on regarde comme un bon plat maison préparé par sa mère : avec plaisir et réconfort. Dans la cuisine des Nguyen, premier film de Stéphane Ly-Cuong, est de ceux-là.
Yvonne Nguyen rêve de jouer dans des comédies musicales. Elle enchaîne les auditions, souvent fermées aux femmes d’origine asiatique et joue dans une troupe de théâtre précaire, où gagner six euros est presque un événement. Peu soutenue, Yvonne retourne vivre chez sa mère, qui tient le restaurant La Baie d’Halong et croit peu en ses ambitions. Une vraie opportunité se présente : un grand spectacle où son profil est recherché. Mais les clichés racistes s’enchaînent. Le metteur en scène accumule les stéréotypes racistes : geisha, bubble tea, Tian’anmen… Un patchwork stéréotypé qui réduit l’Asie à un ensemble indistinct. Yvonne encaisse, tout en s’accrochant à son rêve, tandis que sa mère la pousse à reprendre le restaurant. Et tout cela en chansons.
SORTIE : LE 5 MARS
issue de la diaspora vietnamienne à la poursuite de ses rêves. Et c’est assez inédit dans le cinéma français. Les compositions musicales originales sont entêtantes, bien rythmées et s’infiltrent dans la tête pour ne plus en sortir, apportant au film une énergie communicative.
UNE COMÉDIE MUSICALE
RAFRAÎCHISSANTE
L’approche est rafraîchissante, bien que parfois trop sage. Ne se voulant pas un pamphlet politique sur le racisme anti-asiatique, le film est quelque fois timide dans sa manière d’aborder l’oppression que subit le personnage principal, faisant le choix d’un ton léger et tendre. C’est la relation mère-fille, portée par une transmission familiale touchante, qui donne toute sa résonance émotionnelle au long-métrage. On pense à cette scène onirique où la mère Ma, le temps d’un slow avec son mari défunt, replonge dans ses souvenirs de jeunesse. Un instant suspendu, où la mise en scène capte avec justesse tout ce qui se joue entre ce qui se dit et ce qui reste en silence.
Ly-Cuong utilise l’angle de la comédie musicale pour mettre en lumière un récit d’une personne
Réalisé par Stéphane Ly-Cuong (France, 90 minutes) avec Clotilde Chevalier, Leanna Chea, Anh Tran-Nghia.
Que symbolisaient les Paiva, cette famille de la haute bourgeoisie qu’a fréquentée le réalisateur Walter Salles (Sur la route, Carnets de voyage) dans sa prime jeunesse ? Aux yeux du cinéaste, leur foyer empli de vie et d’insouciance cristallisait un idéal, une promesse de liberté et d’inclusivité, à rebours de la dictature militaire qui sévissait avec rage dans le Brésil des années 70.
UN FILM NOSTALGIQUE ET POLITIQUE
Avec une caméra 35 mm qui évoque invariablement le passé, Salles s’attache à restituer la vibrante existence de cette famille guidée par un amour mutuel sans borne et de hautes aspirations d’indépendance . Il y a d’abord le père, Ruben, sénateur à l’aura solaire, puis sa femme Eunice, mère au foyer digne et tendre, ainsi que leurs cinq enfants, dont Veroca, apprentie cinéaste dont les images en Super 8 jalonnent le montage comme autant d’instantanés de liberté.
Autour d’eux, la dictature gronde. Un hélicoptère survole la mer azurée, des convois militaires patrouillent le long de la plage et il suffit d’un contrôle sur l’autoroute pour qu’éclate
SORTIE : LE 26 FÉVRIER
la brutalité de la police. Mais le pire est à venir. Le régime oppressif finira par entrer dans le foyer, pour emporter le père, plongeant littéralement la somptueuse villa dans l’obscurité. Lors de ce basculement, la caméra, auparavant si volatile, s’arrête, le rythme se distend, comme si le temps lui-même s’interrompait, pétrifié dans l’attente du pire. Le film devient alors le témoignage glaçant de l’intrusion de la dictature au sein de la sphère intime.
Par la suite, Je suis toujours là s’attarde sur l’éprouvante lutte d’Eunice pour retrouver son mari. Si la reconstitution minutieuse des faits entrave parfois l’émotion, le film compose néanmoins un beau portrait de femme, soutenu par l’interprétation pudique et déterminée de Fernanda Torres. Sous la caméra de Salles, le regard désenchanté de l’actrice symbolise bientôt la quête nostalgique de tout un pays : la recherche d’une insouciance à jamais perdue.
Réalisé par Walter Salles ( Brésil/France, 137 minutes) avec Fernanda Torres, Selton Mello et Valentina Herszage.
ERNEST COLE : LOST AND FOUND
La lutte des images
- PAR THIBAULT SCOHIER -
Ernest Cole : Lost and Found n’est pas un documentaire sur la photographie. Il retrace certes la vie d’Ernest Cole, grand photographe sud-africain, mais s’il mobilise ses œuvres et les présente au public, c’est d’abord pour parler de ses combats. Ernest Cole fut l’un des premiers à documenter l’apartheid avant de s’exiler aux États-Unis et en Europe, tombant dans un oubli relatif. Avant sa mort prématurée en 1990, il a traversé des phases de pauvreté extrême et une bonne partie de ses photographies sont considérées comme perdues. Le cinéaste Raoul Peck ne questionne pas l’art de Cole, il veut montrer que sa vie et sa production sont indissociables de l’action et de l’histoire politique de son époque. Il poursuit en cela sa série de portraits sur des figures engagées du XXe siècle : Lumumba, mort d’un prophète en 1990, I Am Not Your Negro sur James Baldwin en 2016 et Le Jeune Karl Marx en 2017.
UN FILM AUTHENTIQUEMENT
JUSTE ET POLITIQUE
SORTIE : LE 12 MARS
Et son approche de Cole a toutes les qualités de ces longs-métrages précédents : une puissance de choc sur les discriminations raciales et les crimes du régime blanc sud-africain et la
capacité de cerner parfaitement la personne de Cole et son parcours. Cependant, la recette fonctionne ici un peu moins bien. Les photographies, souvent superbes, parfois glaçantes, s’enchaînent trop vite. Si l’une ou l’autre ont droit à une analyse plus précise, c’est pour illustrer un état social et non pour souligner l’incroyable talent de Cole pour saisir l’humanité des personnes photographiées, qu’elles soient victimes, bourreaux ou de complètes inconnues croisées dans une rue de New York.
On se demande aussi pourquoi le film est construit autour de la découverte de plusieurs milliers de négatifs du photographe, en 2017. Ce qui est présenté au début comme l’entame d’une enquête ne mène nulle part. Comme si Raoul Peck avait surtout profité d’une mode, celle des documentaires suivant la redécouverte d’artistes oublié·es, pour vendre un authentique film politique sur les inégalités, le racisme ou encore l’homophobie.
Réalisé par Raoul Peck (États-Unis/France, 106 minutes) avec LaKeith Stanfield.
MÉMOIRES D’UN ESCARGOT
Quand l’animation sent le vrai et la vie
- PAR KÉVIN GIRAUD -
Quelle
année pour le cinéma d’animation !
Après l’extraordinaire voyage de Flow (couronné du Golden Globe et nommé à l’Oscar du meilleur film d’animation), et la nouvelle aventure de Wallace & Gromit (déjà encensé par la critique), voici le retour d’Adam Elliot, génie de la stop-motion et créateur de mondes étranges et bouleversants.
Comme avec Mary et Max (2008), le réalisateur australien livre le récit de deux vies parallèles. Mais cette fois, cette histoire est celle de jumeaux, Grace et Gilbert, séparés par les aléas de l’existence. Alors que Grace (Sarah Snook) sombre dans la détresse, elle fait la rencontre d’une étrange et excentrique vieille femme nommée Pinky (Jacki Weaver), dont la verve et la soif de vivre sont contagieuses.
RIRES ET LARMES SE
SUPERPOSENT SOUVENT
SORTIE : LE 12 MARS
À la malchance et la guigne de ses personnages, qu’il prend un malin plaisir à soumettre aux destins les plus misérables, Elliot oppose la résilience et l’énergie de l’espoir. De sorte que Mémoires d’un escargot se vit comme une montagne russe émotionnelle, où rires
et larmes s’alternent et se superposent souvent. Un voyage qui vous prend aux tripes et vous retourne l’âme, dans un univers fait d’une stop-motion sale, crasseuse et néanmoins touchante, si finement mise en scène qu’elle sent le vrai et la vie. Le réalisateur nous confiait d’ailleurs en interview que, suite au dérapage d’un membre de l’équipe quelque peu maladroit, un réel morceau de doigt humain s’est retrouvé dans le film. De quoi ajouter un peu de sel, s’il le fallait encore, à ce film que l’on sent porté par des artisans passionnés. Et quand on sait la difficulté – comme pour Flow d’ailleurs – que représente la production d’un tel film dans un monde où marques, franchises et suites dictent la création animée mondiale, on ne peut que vous recommander ce puissant long-métrage qui touche à l’essence même de notre humanité.
Réalisé par Adam Elliot (Australie, 94 minutes) avec Sarah Snook, Kodi Smit-McPhee, Jacki Weaver.
L’acteur britannique à l’affiche du film de science-fiction Mickey 17 de Bong Joon-ho a construit en 20 ans une carrière singulière. En attendant la sortie de ce nouveau longmétrage, annoncée pour le 5 mars, retour sur son parcours imprévisible et passionnant.
Qui se cache derrière le visage de Robert Pattinson ? Propulsé sur le devant de la scène, d’abord avec le quatrième volet d’Harry Potter, et ensuite et surtout avec la saga Twilight, l’acteur britannique a sans doute un des faciès les plus connus de la planète. Mais les feux des projecteurs n’ont pas le pouvoir d’éclairer la vraie nature des gens. Celui que de nombreuses personnes considéraient comme un acteur de piètre talent a fait taire ses critiques à grands coups de choix audacieux. L’année 2013 fut charnière : on le vit à l’affiche du cinquième et dernier Twilight, mais aussi dans le Cosmopolis de David Cronenberg, où son personnage de millionnaire circulant en limousine est notamment soumis… à un examen de la prostate. Deux salles, deux ambiances.
Pattinson n’est évidemment pas le premier acteur à troquer ses MTV Movie Awards pour des prix en festival (c’est aussi le cas de sa comparse à l’écran, Kristen Stewart), mais son revirement reste singulier. Plutôt que se tourner vers les rôles sérieux dans des films à Oscars pour redorer son image, c’est en grande partie par son étrangeté et son humour mordant qu’il s’est creusé une place dans le cinéma d’auteur. Collaborant avec des cinéastes prestigieux (Werner Herzog, Claire Denis) mais aussi émergents (Robert Eggers, Brady Corbet), il s’est imposé comme un acteur au nez plutôt fin.
Mais ce qui distingue Pattinson par-dessus tout est le rapport distant qu’il entretient aux personnages qu’il incarne. Là où certain·es acteur·ices s’échinent à se dévoiler, à chercher l’authenticité dans leur performance, Pattinson semble vouloir au contraire se cacher derrière ses rôles. “Les personnages incarnés par Robert n’ont jamais sa voix réelle, il change de voix à chaque film ou presque”, notait Matt Reeves, réalisateur de The Batman1. Plus que sa versatilité, c’est son désir d’échapper à lui-même qui définit son parcours artistique. Dans plusieurs interviews, on peut l’entendre déclarer ne pas vouloir jouer des personnes qui lui ressemblent, préférant créer une séparation claire entre la scène et la vie réelle. De son propre aveu, il éprouve des difficultés avec la sincérité — un défaut chez d’autres dont il a fait sa force centrale. C’est en tout cas ce que David Cronenberg a mis en exergue en lui confiant le rôle principal de Cosmopolis. Sa performance est simultanément inquiétante et drôle, l’acteur faisant de son visage stoïque une façade troublante, en accord parfait avec le discours capitaliste et outrancier de son personnage.
C’est avec Good Time qu’il s’impose définitivement comme un acteur à part entière. Il incarne Connie, le braqueur raté du film des frères Safdie, avec une frénésie certaine : ses yeux sont sans cesse en mouvement, ses gestes portés par l’énergie du désespoir. Mais
The King de David Michôd (2019).
son personnage, prêt à tout (ou presque) pour se sortir de la mouise, a cette capacité à convaincre, séduire, charmer. Les traits ciselés du personnage, autour desquels se sont bâtis les premières années de la carrière de Pattinson, sont un outil parmi d’autres dans les combines et autres supercheries de son personnage. Ne vous laissez pas duper, semble nous crier l’acteur.
Si Pattinson crève autant l’écran malgré son absence apparente de sincérité et la distance qu’il entretient avec ses rôles, c’est parce que ses personnages sont eux-mêmes très souvent dans une performance : fourbe, mystérieux, introvertis, manipulateurs, etc. Même lorsqu’il incarne un personnage plus affable, comme c’est le cas dans Tenet, c’est avec le sourire sibyllin d’un homme qui en sait plus qu’il ne veut bien le dire.
Cette tendance à se cacher n’est pas toujours heureuse. Affublé de lunettes et d’une barbe postiche dans The Lost City of Z de James Gray, l’acteur disparaît tellement derrière son déguisement qu’on finit par l’oublier… et son personnage aussi. Impossible en revanche d’effacer de notre mémoire sa performance dans The King ou Le Diable, tout le temps. Derrière ses accents (français et pas toujours convaincant dans le premier, sudiste et aigu dans le second), il livre des prestations hypnotiques, excessives et drôles.
À cet égard, ses prestations dans les Twilight sont somme toute fascinantes. Moqué par certain·es pour son manque d’expressivité et ses regards trop intenses, adulé par
d’autres, Pattinson est devenu une idole pour son interprétation d’un personnage qu’il ne porte guère dans son cœur, mais qu’il a appréhendé comme tous ses autres rôles. “Plus je lisais le scénario, plus je détestais ce type. C’est ainsi que je l’ai joué : comme un maniaco-dépressif qui se déteste. Sans compter qu’il est vierge à l’âge de 108 ans, il a clairement des problèmes de ce côté-là”, déclarait-il à The Guardian2. Edward Cullen, le beau et ténébreux vampire, fait de son mieux pour paraître vaguement humain. Son visage est comme un rempart aux pulsions et désirs qui l’habitent, peinant à les réfréner. Au risque peut-être d’avoir l’air un brin constipé.
Après s’être affranchi de la franchise vampirique avec une série de films d’auteur, le choix de tourner dans un film de super-héros paraît évidemment fort commercial. Mais jouer dans The Batman constitue aussi la continuation logique de son parcours. Quoi de plus approprié pour Pattinson que d’incarner un homme scindé en deux, qui passe le plus clair du film caché sous un costume ? Il joue un Bruce Wayne qui paraît confiant et sûr de lui lorsqu’il est derrière son masque, et profondément mal à l’aise lorsqu’il ne l’est pas. Il ressemble à un adolescent mal fagoté qui aurait passé trop d’années isolé. Sa seule sortie publique à visage découvert le voit quasi tétanisé à proximité des criminels de Gotham qu’il pourchasse pourtant sans relâche. On pourrait presque y déceler un dévoilement de Pattinson, lui qui a souvent exprimé son inconfort avec sa propre célébrité. Ou peut-être n’est-ce qu’une façade de plus.
The Batman de Matt Reeves (2022).
QUATRE FILMS PALESTINIENS à voir absolument
- PAR ELLI MASTOROU -
En 2024, deux documentaires palestiniens sont sortis sur les écrans belges : Bye Bye Tibériade de Lina Soualem, et l’œuvre collective No Other Land, actuellement en lice pour les Oscars. Déraciné, mal distribué, dépendant souvent de financements internationaux, et parfois réduit dans l’imaginaire collectif à des récits brutaux, le cinéma palestinien n’est pas toujours facile d’accès. Qu’à cela ne tienne : voici 4 films, 3 fictions et 1 documentaire, accessibles légalement sur des plateformes de streaming en Belgique, qui racontent la Palestine par le cinéma, avec amour, humour, tendresse, force ou joie.
FARHA
de Darin Sallam (2021, DISPONIBLE SUR NETFLIX)
La “ Nakba ” (catastrophe en arabe) est le nom donné par les Palestiniens à l’exode de 1948, où environ 750 000 personnes de la population arabe de Palestine ont fui ou furent expulsées de leurs villages – des terres qui passeront sous contrôle israélien suite à la création de l’Etat d’Israël, votée par les Nations Unies en 1947, et la guerre israélo-arabe qui a suivi. C’est dans ce contexte que Farha, héroïne du film de Darin Sallam, voit se rêves de grandes etudes s’effondrer. Dans le chaos de la fuite, son père l’enferme dans un garde-manger et part se battre en promettant de revenir la chercher. À partir de
ce récit tiré d’une histoire vraie, le film déploie un huisclos dans lequel la jeune fille est témoin impuissant d’événements insoutenables... Si la mise en scène est classique, elle sert une intrigue qui nous tient en haleine, grâce aussi à la performance de Karam Taher qui incarne Farha et dont c’est le premier rôle au
cinéma. Fait alarmant : alors qu’il proposait une trentaine de films palestiniens en 2021, Netflix semble en avoir supprimé plus de la moitié fin 2024 : très peu de résultats s’affichent quand on cherche désormais ‘Palestine’ sur le géant du streaming. À l’heure où l’on écrit ces lignes, Farha est encore là. E.M.
IT MUST BE HEAVEN
d’Elia Suleiman (2019, DISPONIBLE SUR SOONER)
Depuis son premier opus Chronique d’une disparition (1996), Elia Suleiman (se) raconte (dans) la réalité palestinienne avec le style qui a fait sa réputation : peu de dialogues, des
plans larges, un cadre fixe, un humour absurde, et le cinéaste face à la caméra. Dans It Must Be Heaven, Suleiman nous emmène de Nazareth à Paris puis New York, à la recherche d’un paradis sur Terre qu’il ne trouve pas. Témoin muet des moments absurdes de la vie quotidienne, il se plaît à en exagérer les traits, de la “guerre des
chaises1” au jardin du Luxembourg aux Américains qui circulent armés jusqu’aux dents. Quelque part entre Buster Keaton, Jacques Tati et Wes Anderson, le cinéma de Suleiman, rigolo en apparence, raconte aussi des deuils en filigrane. Des colons violents aux policiers omniprésents, et à travers ses déplacements, le film questionne la notion d’identité et d’appartenance. “ Votre film n’est pas assez palestinien ” déplore un producteur français (joué par Vincent Maraval2 himself) à un Suleiman désabusé. Porté par un humour qui a la politesse du désespoir, It Must Be Heaven est dédié à son pays et à ses parents, et se conclut à Nazareth, bouclant la boucle joyeusement sur une foule de jeunes dansant. E.M.
La tradition palestinienne veut que, lors d’un mariage, les invitations soient remises en mains propres. À l’occasion du mariage de sa fille Amal
MA’LOUL FÊTE SA DESTRUCTION
de Michel Khleifi (1985, DISPONIBLE SUR AVILA)
Ma’loul était un petit village palestinien situé à six kilomètres à l’Ouest de Nazareth. Comme tant d’autres, il a été envahi puis détruit par l’armée israélienne durant la première guerre israélo-arabe de 1948. De Ma’loul, il ne reste presque rien : les silhouettes voûtées de deux églises à moitié détruites, les ruines de quelques habitations autrefois chéries. Encerclé de barbelés, le site est désormais occupé par une base militaire israélienne, qui n’autorise l’accès au territoire qu’une fois par an, lors du jour de l’indépendance. C’est à l’une de ces occasions que Michel Khleifi a posé sa caméra sur l’ancienne terre de Ma’loul, et interrogé les ancien·nes habitant·es.
à Nazareth, Abu Shadi et son fils Shadi, revenu exprès d’Italie, se retrouvent pour accomplir leur “devoir” (wajib) en honorant la tradition. Entre les embrassades, cafés, gâteaux et félicitations, ce road-trip pèrefils à travers la ville fait monter les tensions – et l’hilarité pour le spectateur, car l’humour est
À son micro, les palestien·nes expriment leur chagrin, mais surtout leur sentiment d’injustice, face à cette vie qu’on leur a volée : “Nos enfants ne savent pas semer le blé. Si nous étions encore à Ma’loul, ils le sauraient”. Plus tard, un père
glissé avec subtilité dans les dialogues vifs, qui en disent long. “- Quand est-ce que tu te trouves une copine ? – J’en ai une, papa, tu le sais” “C’est comment l’Amérique, Shadi ? – Je vis à Rome…” Le montage est précis, la réalisatrice a le sens du timing et aucune scène ne tire en longueur. Au fur et à mesure, secrets enfouis et blessures du passé vont remonter à la surface jusqu’à une scène de confrontation explosive et magistrale, où se dévoile le nœud de leur opposition, qu’on pourrait résumer en une question : comment vivre sous l’occupation ? Partir ou rester, résister ou se résigner ? Troisième opus d’Annemarie Jacir (Le Sel de la mer), Wajib est porté par deux immenses acteurs palestiniens : Mohammaed Bakri et Saleh Bakri, père et fils à l’écran… et pour de vrai. E.M.
de famille s’inquiète que le village soit définitivement oublié par les nouvelles générations. De quoi rendre d’autant plus précieuses les images de Khleifi, qui contribuent, à leur échelle, au devoir collectif de mémoire. J.D.P.
Trigon
AGATHE RIEDINGER
Rencontre avec la cinéaste qui regarde la télé-réalité dans les yeux
- PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DEL PERCIO -
Avec Diamant Brut, Agathe Riedinger suit la trajectoire complexe d’une jeune femme aspirant à devenir une nouvelle icône de la télé-réalité. Pour Surimpressions, la cinéaste française s’est confiée sur son film, et la manière dont elle a capté cette jeunesse confrontée à l’hypersexualité.
Malgré son immense popularité à la télévision, le cinéma s’empare rarement de la télé-réalité. Qu’est-ce qui vous intéressait dans le sujet ?
La télé-réalité est un sujet qui m’obsède depuis très longtemps, pour toute la violence que cela génère et toute l’ambivalence dans le fait que ce soit également un moyen de faire sa place dans la société, de “réussir” selon les codes du capitalisme, en utilisant cette hyperféminité comme une arme. Il y a quelque chose de très paradoxal là-dedans.
Pensez-vous qu’il y a un certain mépris de la part du cinéma par rapport à ce type d’émission ?
Totalement. Déjà je l’ai vu en tant que spectatrice, je sentais qu’on me regardait bizarrement lorsque j’avouais que j’en regardais, d’autant plus que je travaille dans un milieu artistique où ce n’est pas normal. Et même au sein de mon travail d’écriture, c’est un projet que je porte depuis bientôt huit ans et tout au long de la fabrication du court-métrage et du film, j’ai senti qu’on considérait que c’était étrange de vouloir anoblir par le cinéma quelque chose de “débile”. Il y avait un regard tout à fait méprisant là-dessus, car ça n’a rien de “débile” : c’est surtout dangereux.
Comment filmer frontalement une femme qui affirme une féminité si performative sans pour autant tomber dans une représentation voyeuriste ? Quelle était la juste distance ?
En ayant d’abord conscience de comment sont représentées les femmes de manière générale, comment sont représentées les femmes quand on veut montrer quelqu’un de sexy et de sur-féminin. En ayant conscience de tout ce qu’il ne faut pas montrer. Et puis, il ne faut pas surligner, d’autant plus que c’est un personnage qui est déjà hyperbolique, si en plus après je viens surligner, en la filmant de trop près, ou en ayant un plan trop long… En fait, tout ce qui est injustifié doit être écarté. À l’écriture, j’ai aussi fait en sorte de m’attarder plus sur les gestes que sur leur résultat. Par exemple, laisser traîner une étiquette d’un jeans qui n’est pas rentrée, c’est pour montrer que Liane a oublié de faire ça. Montrer qu’elle a ses extensions mal mises, c’est montrer un geste plus qu’un résultat. En racontant le geste, on raconte pourquoi elle veut être comme ça, et tout de suite on met de la distance avec une représentation hypersexualisante. Je faisais aussi attention à la position
du corps dans l’image : on savait qu’une position lascive de manière injustifiée allait tout de suite être voyeuriste.
Liane entretient un rapport ambigu à la sexualité : elle affiche une féminité très outrancière, et en même temps, on devine sa virginité et elle apparaît dans le film désintéressée des relations sexuelles avec des hommes. Comment expliquez-vous ce contraste ?
Je voulais montrer qu’hypersexualité et sexualité sont deux choses différentes qui n’ont absolument rien à voir. Au niveau macro, ce personnage s’est tellement enfermé dans son image qu’elle est déconnectée de son corps, de ses émotions, qu’elle n’a pas confiance en elle, ni en l’autre. Il y a une cassure entre l’autre et elle-même. C’est un personnage qui veut plaire mais qui n’est pas dans la séduction à proprement parler.
L’une des raisons qui poussent Liane à poursuivre son rêve, c’est sa volonté d’être aimée par le plus grand nombre. Un amour qu’elle n’a pas reçu de sa mère… Pensez-vous que les ambitions de célébrité sont souvent liées à un déficit d’amour dans la sphère familiale ? C’est quelque chose qui est très documenté. Déjà je suis une grande consommatrice de télé-réalité. Les candidats, j’ai l’impression d’avoir grandi avec eux parce que je les suis de saison en saison, dans différentes émissions. Il y a un accès à leur intimité qui est très grand. Aussi, j’ai eu des échanges avec certains d’entre eux pour me documenter de manière plus directe. Ensuite, il y a des constats : beaucoup de candidats de télé-réalité ont une fracture familiale, une fracture d’amour. Il y a beaucoup d’abandons autour de ces personnes : de l’abandon familial, social, affectif, de dignité… Et c’est ce qui fait que ce sont de “bons candidats” : parce qu’ils sont prêts à tout. C’est pour ça qu’on les choisit.
Rencontre avec réalisatrice de All We Imagine as Light
PAYAL KAPADIA
- PROPOS RECUEILLIS PAR ELLI MASTOROU -
Dans All We Imagine as Light, la réalisatrice Payal Kapadia nous plonge dans la fourmilière de Mumbai, pour y raconter trois récits de femmes, avec leur travail, leurs amours, et leurs tracas. Le résultat, reparti du Festival de Cannes avec le Grand Prix, est un film sublime de délicatesse, tout en douceur et mélodies jazz, où les détails de la vie quotidienne racontent toute la complexité des relations humaines. À découvrir dans les salles à partir du 26 février.
All We Imagine as Light est sur le fil entre tradition et modernité : d’un côté on est à Mumbai, une ville moderne, avec ses gratte-ciels. Mais les femmes du film sont aux prises avec des concepts du passé, comme le système de castes… Tout à fait. L’Inde est un pays plein de contradictions – particulièrement dans une ville comme Mumbai, où il y a une forme de globalisation, mais où la vie quotidienne et les
relations sont encore régies par des idées très régressives et démodées. La différence de religion entre le couple dans le film causerait de gros problèmes pour leurs deux familles. Je pense que c’est comme ça dans beaucoup de pays d’Asie, c’est une chose à laquelle nous sommes confronté-es au quotidien. La notion de liberté revêt un sens différent selon où on est dans le monde.
Pourquoi avoir choisi trois héroïnes ?
C’est un film sur l’amitié entre femmes. J’ai le sentiment, particulièrement dans mon pays, que le patriarcat se met en travers des amitiés féminines. On nous monte les unes contre les autres sans aucune raison (rires) ! Au fur et à mesure du film, j’avais envie que ces femmes arrivent à mieux s’accepter, et à s’entendre.
Dans le film, Anu (Divya Prabha) est célibataire, Prabha (Kani Kusruti) est mariée, et Parvathy (Chhaya Kadam) est veuve. À travers leurs récits, vous racontez les différentes étapes de la vie d’une femme…
films en réponse à ce que j’observe autour de moi. En tant qu’artistes, on raconte notre façon de voir le monde – et d’y répondre.
C’est exactement ça. Au début on voit aussi une très vieille dame qui raconte que le fantôme de son mari vient lui rendre visite. Même après sa mort, il vient l’embêter (rires). Et à la toute fin du film, on voit une jeune femme qui danse : elle incarne la jeunesse, le futur. Je voulais créer un spectre imaginaire de la vie, d’une génération à la suivante.
C’est important pour vous de raconter ces “petites” histoires du quotidien ?
Je suis comme ça, je réagis à ce qui m’entoure, c’est ma façon de faire du cinéma. Dans mon film précédent (le documentaire Toute une nuit sans savoir, sorti en 2021, NDLR), je racontais ma vie d’étudiante à l’école de cinéma, les grèves qui secouaient le pays... Je ne me dis pas “je vais faire un film sur tel sujet” : je fais des
Quand on dit cinéma indien, beaucoup pensent à Bollywood… Or votre film n’a rien à voir. On connaît mal la diversité du cinéma indien en Europe. Oui, Bollywood est le plus connu dans le monde occidental. Mais en Inde, chaque État est comme un pays à part entière, avec sa propre langue, et sa propre industrie cinématographique : il y a le cinéma malayalam, tamoul, bengali, télougou... Chaque État produit ses propres films, dans sa propre langue, et ils rencontrent leur public. Ces films ont aussi un langage cinématographique régional bien à eux, donc quand on s’y connaît, on peut reconnaître certains traits propres à telle ou telle industrie. Donc oui, le cinéma indien est très diversifié ! On a aussi de très bons réalisateurs de documentaires, comme Shaunak Sen, dont le film All That Breathes a été nommé aux Oscars en 2023 (disponible en Belgique sur HBO Max, NDLR).
Dans une scène du film, un personnage dit “Quand est dans l’obscurité, on essaye d’imaginer la lumière”. C’est de là que vient le titre du film, avec la lumière comme métaphore pour l’espoir ?
Oui, exactement. Parfois quand on se retrouve coincé dans une situation, et on n’arrive pas toujours à imaginer que d’autres possibles existent. Ce titre est une métaphore pour beaucoup de choses que je voulais évoquer. Je l’ai glissé dans les dialogues afin de pouvoir m’en servir comme titre (rire).
La 17e édition du festival Millenium, et sa sélection de films documentaires engagés en provenance de 25 pays différents, débarque à Bruxelles du 28 mars au 6 avril. Face à l’actualité difficile de ces derniers mois, l’événement souhaite pousser à la réflexion par le biais du cinéma et proposer des pistes de changement. Le fil rouge de cette édition pose d’ailleurs cette question, on ne peut plus pressante : “Comment traverser tout ça ?”
Pour y répondre, des documentaires repartis en différentes thématiques, par exemple le thème “Deus ex Machina” qui explore le monde virtuel dans lequel nous vivons. On y trouve le film The Social Trap: 5 Women Vs. The Big 5 de la réalisatrice Elisa Jadot qui suit le parcours de plusieurs femmes qui ont attaqué en justice les cinq entreprises numériques les plus influentes à cause de leur utilisation des algorithmes. Autre thématique forte de cette édition : “La guerre, les médias et la paix”; qui permettra la venue de la réalisatrice ukrainienne Lesia Diak pour présenter son documentaire Dad’s Lullaby qui s’intéresse aux vétérans de guerre et à leurs traumatismes.
Le festival propose également de nombreux moments de rencontre avec des personnalités du cinéma, notamment une discussion avec la réalisatrice belge Jen Debauche autour de son film L’Ancre,
lors de laquelle elle parlera des nouvelles voies du cinéma documentaire, en particulier de son travail avec l’actrice Charlotte Rampling, qui incarne tous les personnages du film. Le festival offre également leur propre espace aux jeunes talents belges et projette des films issus de 8 écoles de cinéma du 24 au 26 mars, au Centre Culturel Bruegel. De quoi se plonger dans les perspectives du cinéma belge émergent.
Last but not least, l’invité d’honneur de cette édition est le réalisateur activiste Ken Loach, qui a donné une voix aux sans-voix dans son travail. Le Britannique viendra donner une masterclass sur son œuvre et sa vision du cinéma. Voilà qui promet déjà des moments mémorables !
En découvrant l’affiche de l’artiste Raman Djafari pour la 44e édition d’Anima, on se dit que ces moments de somnolence sont propices aux plongées oniriques, à la découverte d’œuvres qui nous animent. Celles que nous proposent l’ASBL Folioscope dans cette nouvelle édition du Festival international du film d’animation de Bruxelles, organisée du 28 février au 9 mars, sont de ce bois là.
Naviguant entre Flagey, le Marni et CINEMATEK (ainsi qu’à travers la Belgique pour des décentralisations), Anima nous convie cette année à la rencontre d’un cinéma d’animation fiévreux et ambitieux. À destination de tous les publics, l’événement proposera des compétitions Kids, dont le nouveau long-métrage du brillant réalisateur Vincent Paronnaud, Angelo dans la forêt mystérieuse, apprentissage de la vie forestière, mais aussi deux films de l’auteur de BD, musicien et réalisateur français André Kadi : Dounia, le Grand Pays Blanc et Holà Frida. Les adultes et adolescent·es y trouveront également leur compte, au travers des sélections officielles de courts et de longs-métrages. Entre Anzu, chat-fantôme de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita, Black Butterflies de David Baute qui évoque l’impact du changement climatique dans différentes régions du monde ou encore Le Parfum d’Irak de Léonard Cohen, le festival nous propose de célébrer, dans sa totalité, le cinéma d’animation.
Y compris dans des programmes spéciaux, tels que le Focus Rêves, ou La Nuit Animée, invitations à la découverte. Une découverte qui nous emmènera aux confins des paysages montagneux de l’Autriche, au travers d’un somptueux hommage à une tradition cinématographique qui a fait de l’animation son terrain d’expérimentation. Arborant un visage social et politique, les équipes de Folioscope mettront de nouveau à l’honneur les communautés LGBTQIA+ au cœur d’un programme Queer Stories.
Enfin, c’est vers les grands maîtres de l’animation que se tourne cette 44e édition. De Picha, cinéaste irrévérencieux, aux Masters of Animation, une collection de films consacrée aux créateurs de génie qui ont au moins une fois franchi les portes du festival… un événement qui se fait passeur pour les petits et les grands !
44E ÉDITION DU FESTIVAL ANIMA RENDEZ-VOUS DU 28 FÉVRIER AU 9 MARS.
Infosettickets:https://animafestival.be/fr
Anzu, chât fantôme de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita
SOIF D’IDÉAL : FOULE SENTIMENTALE…
- PAR QUENTIN MOYON -
…on a Soif d’idéal. Le festival du film d’éducation revient pour une 9e édition à Bruxelles. Une nouvelle occasion pour cette équipe de passionné·es “d’agir dans l’éducation pour transformer la société.”
Un vaste programme qui se manifeste cette année au Théâtre Mercelis du 18 au 22 mars 2025, par un catalogue de films et de débats pour interroger le monde dans lequel on vit au travers de grandes thématiques comme l’environnement, le travail, l’égalité des genres, l’inclusion et le handicap…
Et puisque l’on dit souvent que l’important c’est la santé, Soif d’idéal inaugure son festival (gratuit, rappelons-le) par la projection en avant-première du documentaire de Dorothée Bouillon, Travail soigné. Le portrait humain d’une maison médicale de quartier à Liège. Pour le reste de la programmation, on pourra découvrir le travail du cinéaste Gilles Perret (Au Boulot !, Debout les femmes !, Reprise
en main) connu notamment pour sa collaboration avec François Ruffin. On pourra aussi découvrir l’intégralité de Ceux qui rougissent, série primée qui lève le rideau sur les relations humaines dans une classe d’étudiant.es en option théâtre. Enfin, quoi de plus humain qu’une exposition de portrait ? L’ASBL 27 et le photographe Arnaud Ghys nous invite à découvrir l’exposition 27 portraits qui, comme son nom l’indique, donne la parole à 27 individus différents pour évoquer le vivre ensemble.
Pour faire écho à ces propositions artistiques et créer du lien, Surimpressions se joindra à la danse, avec la présentation de la lumineuse comédie À l’abordage de Guillaume Brac. Par ailleurs, la revue organisera également un atelier Jeune critique au sein de l’École Plurielle Maritime. En bref, un festival qualitatif et gratuit pour enfin nous aider à réaliser que “les idées se partagent et ne se vendent pas” !
9E ÉDITION DU FESTIVAL SOIF D’IDÉAL
RENDEZ-VOUS DU 18 AU 22 MARS 2025 Infosettickets:https://www.cemea.be/ SOIF-D-IDEAL-Festival-du-Film-d-Education
À l’abordage de Guillaume Brac
PIXATH
Ath - du 24 février au 9 mars
Comme chaque année, le PIXath débarque au Cinéma l’Écran, à Ath, pour proposer deux semaines centrées autour du monde riche et varié de l’animation. Cette édition débutera avec une leçon de cinéma gratuite donnée par un réalisateur du CEC Caméra, qui offrira un bel aperçu des ficelles de son métier et de son univers cinématographique. Par la suite, le festival proposera une flopée de projections exceptionnelles (Mémoires d’un escargot, Les secrets de mon père, Hola Frida) ainsi que plusieurs stages d’initiation destinés aux enfants, aux adolescents et aux adultes. Bref, un programme dense pour ce rendez-vous wallon immanquable pour tout fan d’animation.
Infos:mcath.be/cinema/PIXath
LOVE INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
Mons - du 7 au 15 mars
Cela fait plus de quarante ans que le Love International Film Festival enchante la ville de Mons avec sa programmation dédiée à l’amour et aux romances. Toujours centralisé au Cinéma Plaza, avec quelques projections à l’Imagix, l’événement accueillera cette fois-ci les acteurs Tchéky Karyo (L’Ours, Le Roi Danse) et Arieh Worthalter (Le Procès Goldman), pour leur remettre un Coeur de Cristal d’honneur. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la programmation n’a pas encore été révélée, mais devrait évidemment comporter son lot de surprises et de pépites. Infos:liff-mons.be
PIFF
Perwez - du 17 au 23 mars
Auparavant nommé Vivre Debout, le festival de Perwez s’est offert l’année dernière une nouvelle jeunesse en se rebaptisant PIFF, soit Perwez International Film Festival. L’événement ne renie évidemment pas son héritage et poursuit son exploration d’un cinéma social qui stimule les consciences et captive les esprits. Cette année, les deux thématiques-clés seront “les corps”, humains ou non, modifiés ou sociaux, et les “sols”, ces territoires sans cesse altérés par l’agriculture, l’urbanisation et la pollution. Seront ainsi diffusés lors du festival des films aussi variés que Le Règne Animal, BlacKkKlansman, Après la pluie ou encore Un p’tit truc en plus. Une belle occasion de s’ouvrir à d’autres réalités sociales et culturelles via le 7ème art.
Infos:piff.be
Paillettes et cinéma
LES MAGRITTE SE RÉINVENTENT À FLAGEY
- PAR KÉVIN GIRAUD -
Le saviez-vous ? Chaque année depuis 14 ans, les Magritte du cinéma récompensent les talents belges francophones, célébrant comme il se doit la richesse du septième art de notre plat pays, en duo avec les Ensors au nord.
Mais comment se réinventer et capter l’attention du public sans tomber dans l’entre-soi, quand on a les moyens d’une demi-Belgique en plein resserrement budgétaire ? C’est le défi que s’est posée l’Académie André Delvaux, organisatrice et désormais également productrice de la cérémonie, qui sera retransmise en direct sur Auvio. Un événement repensé et redynamisé pour coller à son nouveau cadre, le prestigieux studio 4 de Flagey, qui accueillera cette 14e édition.
Au programme d’une soirée animée par Charline Vanhoenacker, nouvelle maîtresse de cérémonie, un florilège de la production cinématographique belge francophone et de ses talents.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les films La nuit se traîne de Michiel Blanchart, Amal de Jawad Rhalib, Quitter la nuit de Delphine Girard et Il peut dans la maison de Paloma Sermon-Daï se partagent une grande part des nominations. Mais de
La nuit se traîne de Michiel Blanchart
Quitter la nuit de Delphine Girard
nombreuses pépites sont à découvrir dans les 22 catégories que comptent les Magritte, avec par exemple Julie Keeps Quiet, nommé en tant que meilleur film flamand
Ennuyeux, les Magritte ? Rien n’est moins sûr, compte tenu de la verve de sa nouvelle “MC”. Rendez-vous le 22 février pour le découvrir, et ensuite dans les salles pour aller à la rencontre des films nommés, dans la désormais traditionnelle Tournée des Magritte organisée par les centres culturels de la Fédération. Parce que le cinéma belge mérite sa place sur les écrans et mérite qu’on le salue, à grand renfort de paillettes.
lesmagritteducinema.com
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Amal de Jawad Rhalib
Il peut dans la maison de Paloma Sermon-Daï
Julie Keeps Quiet de Leonardo Van Dijl
UN MONDE SANS DAVID LYNCH N’EXISTE PAS
- PAR KATIA PEIGNOIS -
Le 15 janvier dernier, David Lynch nous a quittés. Cinéaste, peintre, musicien et photographe, David Lynch n’était pas seulement un artiste complet qui a révolutionné le paysage audiovisuel en s’affranchissant des contraintes du médium. Pour beaucoup, il incarnait également le cœur battant d’un univers peuplé de souvenirs, parfois hallucinés, et de sensations qui hantent jusqu’au vertige.
Ode à la créativité et à la singularité sans limites, la démarche de David Lynch appelle à rejoindre et à explorer ses récits oniriques, romantiques et teintés d’absurde en se laissant guider par nos intuitions. Cette invitation, c’est celle d’un poète qui nous convie à glisser dans son monde en acceptant d’éprouver les déflagrations de l’expérience de la condition humaine. Puisque David Lynch a passé sa carrière à nous encourager à ressentir ses films plutôt qu’à leur imposer une analyse unidimensionnelle, je ne pouvais pas lui rendre hommage sans l’aborder par le spectre du rapport intime et de l’émotion. Aux adieux inconcevables, je préfère un voyage personnel — forcément sélectif — et illustré à travers une poignée d’œuvres de celui qui a changé ma vie.
TWIN PEAKS ET LE FEU SACRÉ
Les rêves et les souvenirs ont en commun de se prêter au décodage et à la réinterprétation. D’aussi loin que je me rappelle, ma fascination pour la série Twin Peaks est née avec Audrey Horne (Sherilyn Fenn) et sa scène de danse envoûtante au Double R Diner (1) sur la composition d’Angelo Badalamenti. Le mystère, l’espace entre deux mondes et l’ADN unique de Twin Peaks se manifestent parfaitement dans les mouvements de l’adolescente et dans le rythme de la musique. Audrey Horne m’a ainsi entraînée vers les personnages féminins de Lynch — et l’empathie qu’il leur témoigne face aux atrocités patriarcales qu’elles endurent — et ses actrices inoubliables. Audrey, par effet miroir, me conduisait inéluctablement vers le feu sacré lynchien : Laura Palmer (Sheryl Lee).
Dans Twin Peaks : Fire Walk With Me (1992), Laura Palmer, multiple et évanescente, est une force active qui déstabilise la ville en l’exposant à sa passivité et en la renvoyant à sa nature incestueuse. J’ai saisi la puissance du cinéma de David Lynch lorsque j’ai découvert la scène de la rencontre entre Laura Palmer et la Log Lady (Catherine E. Coulson) devant le Bang Bang Bar (2) ; ce moment de bienveillance pure avant le déferlement d’une horreur insoutenable. Laura, au nom de tous·tes les autres, personnifie l’innocence sacrifiée dont nul ne peut ressortir indemne. À cet égard, le bouleversement de Bobby Briggs (Dana Ashbrook) dans Twin Peaks : The Return (2017) quand il revoit vingtcinq ans plus tard le portrait iconique de Laura ravive les larmes (3) d’une tragédie qui n’a pas pu être empêchée. Et, le cri final de Laura Palmer, dans la saison 3 (4), reste toujours pour moi la plus déchirante des réactions aux traumas et à l’impossibilité de réparer les sévices du passé.
STRANGE WORLDS
La dualité et la contradiction se déclinent sous toutes leurs formes dans l’œuvre de David Lynch. Le sublime et la grâce répondent à l’indicible et à l’effroi. Dans Blue Velvet (1986), si les scènes de viols, de voyeurisme et la descente de Jeffrey Beaumont (Kyle MacLachlan) au creux du mal frappent tant, c’est bien parce qu’elles cohabitent avec une candeur sentimentale. Dès que je repense au dialogue entre Jeffrey Beaumont et Sandy Williams (Laura Dern) qui raconte son rêve où les rouges-gorges, en symboles de l’amour absolu, servent de remède à la perversité (5 et 6), j’entends la voix de Lynch qui se dresse contre les ténèbres.
6.
En sondant ma mémoire lynchienne, l’intensité de certains sons et de certaines images me revient de concert avec une sensation angoissante. Plus jeune, j’étais pétrifiée par la manière dont le réalisateur filme les lieux, particulièrement les couloirs et les encadrements de portes, comme des labyrinthes de la psyché humaine. Dans Lost Highway (1997), la maison est le réceptacle en clair-obscur de la jalousie et de la possessivité masculines. La silhouette inquiétante de Fred Madison (Bill Pullman) qui s’engouffre dans la noirceur (7) pour espionner sa femme Renee (Patricia Arquette) me terrorise encore.
“I’M IN LOVE WITH YOU”
Le romantisme spectral de Mulholland Drive me lie viscéralement à David Lynch. Chaque plan, chaque geste, chaque réplique, chaque son et chaque note musicale me ramène à des bribes de moi-même, faisant ressurgir le passé. Les mains serrées de Betty (Naomi Watts) et Rita (Laura Harring) après l’amour ( 8 ) et celles entrelacées de Diane Selwyn (Watts) et Camilla Rhodes (Harring) alors que cette dernière entraîne Diane sur les hauteurs de l’Enfer hollywoodien (9) avant de lui briser le cœur (10) débordent largement du cadre de la référence cinéphilique. À mes yeux, ce sont des éclats synesthésiques foudroyants et indélébiles.
Quand David Lynch s’en est allé, nous laissant seul·es face à un réel qui manque de sens, je me suis demandé à quoi allait bien pouvoir ressembler un monde sans David Lynch. Retraverser sa filmographie m’a amenée à un constat rassurant : tant que ses images et ses sons vivront avec et en nous, un monde sans David Lynch n’existera pas.
Retrouvez en ligne notre article consacré à Mulholland Drive et son voyage dans les méandres de l’inconscient.
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UN NOUVEAU DÉPART
- PAR ADRIEN CORBEEL -
Échec commercial à sa sortie en 1971, devenu semi-culte depuis, le premier long-métrage de l’actrice et réalisatrice Elaine May nous offre une savante rencontre entre la comédie noire dans ce qu’elle peut avoir de plus cynique, et le slapstick dans toute son absurdité. Le croisement entre les deux registres humoristiques se joue dans son couple improbable : d’un côté, Henry, playboy suffisant ayant dilapidé sa fortune et refusant d’abandonner son train de vie luxueux, de l’autre, Henrietta,
riche héritière passionnée de botanique, d’une maladresse et d’une naïveté prodigieuse, qu’il a décidé d’épouser…et d’assassiner. Tout l’inverse d’un coup de foudre, mais la curieuse alchimie entre Walter Matthau, délicieusement hautain, et Elaine May, attachante et potache, fait des merveilles, entre tentatives de meurtre et gags burlesques. Le sujet, sacrément macabre, pourrait faire grincer les dents, mais l’hilarité n’a de cesse de l’emporter. Une sacré dose d’arsenic qui se boit comme du petit lait.
Un film recommandé par Sean Baker (réalisateur de la Palme d’Or Anora), disponible sur LaCinetek
Plateforme incontournable pour (re)découvrir les classiques du cinéma, LaCinetek est alimentée par les choix de réalisateur·ices de toutes origines, constituant ainsi un catalogue éclectique riche et régulièrement mis à jour.
Dès ce 20 février, c’est le cinéaste américain
Sean Baker qui vous propose ses coups de cœur, les films qui l’ont construit en tant que réalisateur.
Tournant ses premiers films dans les années 2000 en marge d’Hollywood, Baker se distingue en 2015 avec Tangerine, l’un des premiers longs métrages tournés intégralement sur iPhone 5.
Un film de Noël chaotique mettant en avant la communauté afro-américaine transgenre. En 2024, Baker remporte la Palme d’Or à Cannes avec Anora. Le film fait désormais partie des favoris dans la course aux Oscars.
Parmi ses coups de cœur, on retrouve du cinéma européen comme Les nuits de Cabiria de Fellini, Le genou de Claire de Rohmer, mais aussi des films indépendants américains avec Husbands de John Cassavetes ou Zombie de George A. Romero.
Des films disponibles à la carte, ou via un abonnement à LaCinetek. Plus d’informations sur lacinetek.com/be
En partenariat avec O’Brother, nous vous offrons 25 x 2 places pour le film de Maura, Delpero, Vermiglio qui fait la couverture de ce numéro.
Grand prix du jury au dernier festival de Venise, ce drame franco-belgo-italien nous emmène dans petit village de montagne du Trentin, au nord de l’Italie, pendant l’hiver 1944. Au travers de séquences contemplatives et magnifiquement mises en images, on découvre la vie d’une jeune femme, dont l’existence est bouleversée par l’arrivée d’un soldat.
Pour participer, rendez-vous sur surimpressions. be/concours, entrez vos coordonnées et tentez votre chance. Le tirage au sort aura lieu le 14 mars - ne traînez donc pas trop.
D’autres concours sont par ailleurs proposés sur nos réseaux et notre site web, soyez attentifs !
25X2 PLACES FILM VERMIGLIO
Envie de réserver cet espace pour le prochain numéro ? Contactez-nous dès maintenant à l’adresse partenariats@surimpressions.be