Tous n'ont pas fait les mêmes voyages

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Tous n’ont pas fait les mêmes voyages

Marine Lanier, Alex Viougeas et Marlène Scharr du collectif La Bonne Adresse, 12 hommes en détention et 7 proches de détenus

Avant-propos par Jean-Baptiste de Panafieu écrivain, biologiste

Lorsqu’Ils ont disparu, Ils ont tout laissé derrière eux.

Puis le temps a fait son œuvre, le temps et ses agents, le vent qui a dispersé les écrits, la pluie qui en a brouillé le sens, les insectes qui ont rongé les fibres de leurs manteaux et les plumes de leurs parures, les racines qui ont percé les murs de leurs bâtisses et en ont enserré les sculptures. Chacun a prélevé sa part de ce qui lui avait été offert et n’a épargné que ce qu’il ne pouvait atteindre. Ce qui reste est un fragment infime de tout ce qu’Ils avaient créé, comme une ville qu’on n’observerait qu’à travers une loupe ou un paysage qu’on découvrirait les yeux fermés, ne les ouvrant brièvement qu’un pas sur mille.

Et plus encore que parcellaires, ces vestiges sont mystérieux, posant plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Pourquoi sont-Ils partis, et comment ?

Ont-Ils abandonné ce qui ne les intéressait plus ou au contraire ce qu’Ils souhaitaient que d’autres trouvent un jour ? Les quelques objets qui ont échappé à la destruction sont-ils leurs brouillons ou leurs chef-d’œuvres ? Leurs auteurs voulaient-ils brouiller les pistes pour que nul ne puisse ni les connaître, ni les retrouver, ou au contraire laisser derrière eux un message, comme une invitation à les suivre ?

Nous ne savons pas s’Ils voyaient le lion comme un dangereux ennemi ou comme un paisible compagnon, si pour eux la fougère était symbole d’éternité ou simple ingrédient culinaire, s’Ils portaient leurs masques lors des cérémonies funèbres ou pour enchanter les enfants…

Nous nous trouvons face à un puzzle dont nous ne connaissons ni la taille, ni l’image, et dont ne subsistent que quelques pièces. Malgré notre ignorance, nous ne pouvons échapper à la tentation d’interpréter ce qui a été trouvé et réuni ici, faisant l’hypothèse que tous ces vestiges ont une signification. Nous préférons toujours chercher à comprendre ce que nous voyons, quitte à combler les manques par une audacieuse construction où se mêlent la rigueur de l’investigation et les plaisirs de l’imaginaire.

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Nous traçons les déserts, les longues marches dans le sable, la chaleur étouffante, la fièvre infinie qu’on emporte avec soi, les tempêtes jaunes qui habitent le corps.

Au dehors, le soleil brûle nos paupières, nos cils, nos pupilles.

Nous rêvons de marcher au cœur d’une forêt, sentir la mousse sous nos pieds, la pluie descendre sur nos habits. D’autres habitants sont entrés dans l’enceinte.

Notre clan n’a pas de chef. Nous le sommes tour à tour. Sur nos épaules, peaux de bêtes, masques d’animaux, yeux de chouette.

Nous avons exploré des points opposés du globe.

Aujourd’hui, nous parlons une langue secrète. C’est dans l’ombre des ombres qu’a lieu notre métamorphose. Nos carapaces se fendent. Nous devenons ni tout à fait homme, ni tout à fait arbre, ni tout à fait tigre.

Nous gardons de ce passé un mélange de géographie, de terres inexplorées, de franges noires, vertes, de navires qui accostent la nuit sur des terres inconnues. Dans notre quête nous voyons une lumière étrange, voilée, à l’aube d’une autre cachette.

Nous rêvons couchés sur d’immenses atlas. Nos mains glissent sur les aplats verts, bleus, jaunes, nous remontons les fleuves, nos doigts défrichent les jungles, le repli des cartes, ce que les habitants ont cherché dans leur fuite. Les lignes des tropiques se confondent, nous apprenons des noms de villes par cœur, nous récitons les déserts, les fleuves, les montagnes, les volcans, les grottes, les failles, les plaques tectoniques, les plantes, les climats, les végétations. Le monde s’articule dans nos têtes. Il grandit — éclate de soleils et de cendres. Nous le sentons vivre à l’intérieur de nos ventres.

Nous marchons sur l’écorce terrestre. Nous nous déplaçons à des milliers de kilomètres. Nous ramenons des rêves lointains, parfumés, envoûtants, faits de lianes voraces, d’animaux sacrés — nous voilà ivres de nos expéditions.

Nous plongeons au-dessous du magma, une lave rouge et brune se déverse, nous réapparaissons au-delà des océans, dans les failles sous-marines. Ce voyage est infini, il dure depuis des millénaires, nous connaissons la puissance de toute chose, de la plus petite, à la plus gigantesque. Le monde se crée à partir de nous. Nous sommes son centre, sa périphérie. Nos visages n’ont pas de visage. Nous devenons arbres, chants de ralliement, rivières, plumes d’oiseaux, reptiles, nuages — le vent qui traverse les forêts, ce qui vit sous terre privé de lumière. Nous sommes le cosmos tout entier. Nous avons trouvé en nous, une puissance de joie, de tragique, d’émerveillement. Il nous suffit de descendre pour trouver les plus belles clairières, les jungles les plus luxuriantes, la flamme la plus multicolore — densité folle de l’espèce humaine réunie en un point terrestre.

La force concentrée, intacte, à l’intérieur du diamant noir. L’univers nous cueille à l’intérieur de sa main. Tout est plus vaste. Notre île est devenue le monde.

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Journal d’un clan

Notre projet mixe les disciplines de la photographie et du graphisme. Il s’articule autour des thématiques du clan, du sauvage, du masque et du langage secret.

C’est une expérience collective qui a eu, tout au long de son déroulement, vocation à déborder de son cadre. L’œuvre véritable est la constitution du clan qui a pris forme grâce aux expériences du groupe, au travail réalisé en commun.

Au fil des mois, ce groupe hétérogène et mouvant s’est créé une identité. Les photographies, les masques, les cartes, le projet éditorial ne sont qu’un reflet, un moyen de rendre palpable tout ce qui a animé l’envie d’être un clan, tout ce qui a traversé cette rencontre.

démarche collective de création et d’expérimentation ? Chacun apporte ses réflexions autour des différentes thématiques. Nous définissons sous forme d’inventaire les besoins et les modalités d’un langage. Nous leur proposons d’écrire une histoire visuelle qui nous rassemblerait le temps d’une année.

CHRONIQUE D’ÉTÉ : LE LANGAGE OUBLIÉ

Les Gorgan

La forêt

La deuxième matinée, nous présentons la recherche de Mathieu Pernot. Il a travaillé sur les prisons avec sa série Les Hurleurs, et sur le clan, la famille, les liens, avec sa série Les Gorgan, réalisée autour d’une famille de gitans. Deux d’entre eux reconnaissent un détenu qu’il ont connu à la prison du Pontet. Tout cela relève du hasard, de la magie — à partir de ce moment, les langues se délient, ils partagent leurs expériences, se livrent. Un rapport de complicité s’instaure entre eux et nous. Nous serons un clan, nous fabriquerons des masques, nous inventerons une langue secrète.

Nous projetons une sélection de projets contemporains qui explorent les problématiques proches de celles que nous allons aborder. Faire la présentation de ces projets permet de rendre palpables des enjeux qui peuvent paraître abstraits avant leur phase de réalisation.

Avant notre première arrivée à la prison, nous rassemblons des matières hétéroclites, des objets, dans l’idée d’inventer un nouveau monde. Nous coupons des végétaux dans la forêt ardéchoise, nous récoltons des mousses, nous ramassons des feuilles de châtaigner, de longues herbes, des épines de pin, des fougères, des écorces. Au Jardin aux oiseaux d’Upie, on nous fait don de plumes d’espèces d’oiseaux rares, à la Vieille Usine nous achetons des peaux, des tissus. Nous rassemblons des coquillages, des cartons, des perles, de la peinture, des ciseaux, des pochoirs. Nous entrons dans la prison avec un grand chariot rempli de toutes ces matières. Un microcosme de la forêt au milieu de grands murs de béton.

Le secret L’écriture secrète est une pensée cachée derrière un masque.

La rencontre Nombreux sont les systèmes de signes inventés par les civilisations pour transmettre ou fixer des messages : systèmes gestuels (danse, mime), sonores, visuels ou graphiques. L’écriture n’est donc qu’un système de signes parmi d’autres. Dessin parlant ou parole dessinée, toute écriture est fondée sur un code qui permet à un groupe de communiquer sur la base de conventions communes.

La compréhension d’une écriture n’est jamais immédiate, mais toujours différée.

Nous découvrons le gymnase, une salle polyvalente qui sert à la fois de lieu de sport, de culte, de cinéma. Les murs sont recouverts de fresques, avec des îles, des palmiers, des bateaux, des orques, des dauphins, des coraux. C’est une salle haute de plafond, avec un éclairage au néon et des petits soupiraux qui laissent passer très peu de lumière naturelle. Au sol, il y a des tapis bleus de gym, un peu plus loin un tapis de prière aux motifs jaunes et aux volutes brunes, des bancs et quelques tables.

Toute écriture est un secret, une graphie indéchiffrable, elle ne livre son sens qu’à celui qui entreprend l’apprentissage du « code ». Seul l’initié possède les clefs lui permettant de passer du visible au lisible.

Nous nous présentons chacun à notre tour. Le groupe des détenus est disparate, constitué de détenus de la maison d’arrêt et du centre de détention. Ce groupe est constitué d’un noyau solide, et de personnes qui vont et qui viennent au fur et à mesure des séances.

Nous écrivons chacun nos phrases totémiques, celles qui nous individualisent au sein du groupe. Le clan se dote d’un système de langage graphique secret (cryptogramme, écriture) réalisé par ses membres au moyen d’une grille modulable composée de formes géométriques.

Notre projet relève de l’intuition, il est relié à nos préoccupations communes, les sociétés dites primitives, la figure du clan ; de la nature et du sauvage, et la spécificité du lieu de résidence : la prison. Nous ne pouvons prédire ni si l’interaction aura lieu avec les hommes détenus et ni s’ils seront réceptifs à notre proposition. Tout le monde s’observe, se jauge avec bienveillance, par des regards, des sourires, des questions. Nous savons que cette première rencontre sera déterminante. En fonction de ce que nous allons dire, dégager, de l’intention que nous transmettrons, les détenus auront envie de vivre cette expérience ou non.

Le masque Dans le même temps, chacun des membres du groupe confectionne son masque, à partir des matières naturelles que nous avons apportées. Nous découpons, nous touchons, nous assemblons les matériaux. Certains détenus n’ont pas vu un arbre, un animal, une fougère, la mer, depuis dix ans. Nos masques portent secrètement un message, une pensée, une idée, notre personnalité, nos émotions.

Nous présentons notre idée. Celle de former un clan. Nous souhaitons qu’il soit composé de manière hétérogène — de toutes les personnes ayant émis la volonté d’en faire partie, qu’il s’agisse des artistes intervenants, des professionnels de l’encadrement pénitentiaire, du personnel du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), ou des personnes détenues — dans un second temps, des familles de détenus, du personnel et des bénévoles de la maison des familles.

Nous souhaitons que l’on ne soit plus en mesure de se demander : « Qui est qui ? ».

Un masque, de sa confection à son port, est un outil pouvant sonder des profondeurs infinies de notre être. C’est une sorcellerie immuable, une machine à oublier le civilisé, un révélateur du sauvage qui sommeille en nous. Objet universel et intemporel, le masque invite l’humain depuis son origine à accéder à la métamorphose de son être, à la révélation de son inconscient, à rendre visible l’impalpable. Doté d’un pouvoir surnaturel, il permet d’échapper temporairement à la vie quotidienne en donnant libre cours aux instincts les plus refoulés. « Il montre et expose beaucoup plus qu’il ne dissimule. Le masque cache autant qu’il révèle, nie autant qu’il affirme », selon la formulation de Claude Lévi-Strauss.

S’ensuit une discussion autour des médiums choisis et de leurs enjeux : le masque, le langage graphique, la photographie. Puis, nous faisons un tour d’horizon des sources et des références. Comment s’inscrire et s’unir dans une

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CHRONIQUE D’HIVER : LA CARTE ET LE TERRITOIRE

Le personnage masqué n’est pas simplement un être dont l’identité nous est inconnue. En assouvissant ce désir de transformation, il cherche à accéder à un nouvel être. Riche de symboles, le masque est un outil pour l’homme en quête d’identité et de cohésion sociale, il instaure la communication de façon plus libre et plus familière.

Au cours de l’ultime étape de production collective, nous proposons un dernier axe de réflexion autour du territoire, des rites et des coutumes. Dans la continuité du travail réalisé dans la maison des familles, nous souhaitons laisser de manière très imagée des indices permettant à une personne extérieure au clan de rêver nos territoires. Nous élaborons des « tableaux graphiques » créés à l’aide du collage, du dessin, du fragment, de l’échantillon, de la trace, en empruntant les codes et les ressources anthropologiques.

Nous trouvons une destination commune aux voyages qui partent de points opposés du globe. Les personnalités se dessinent dans le groupe. Certains aiment les discussions, d’autres passent à l’action. Nous laissons le groupe vivre de manière naturelle. Nous faisons confiance à ce qui va se dérouler.

En amont, nous constituons une base iconographique en lien avec le texte Tous n’ont pas fait les mêmes voyages et les phrases écrites par les hommes détenus — constituée d’archives issues des fonds de médiathèques (gravures de minéraux, herbiers, gravures d’animaux, planches naturalistes d’outils, planches scientifiques en lien avec la thématique du sauvage et du monde naturel, cartes géographiques). Nous apportons un soin particulier à l’interaction qui se noue entre un jeu d’échelle macroscopique et microscopique du monde naturel. De l’infiniment petit à l’infiniment grand.

La photographie Nous organisons un atelier de photographie dans la pièce. Nous procédons à des essais de lumière au cours de la fabrication des masques, ce qui donne lieu à des photographies étranges, énigmatiques, des masques animaux, végétaux, pelages, cartons, fourrures, peaux. Leurs tenues estivales, tee-shirts de marques, claquettes, shorts, troublent la perception géographique et temporelle des images. Le temps devient l’espace. Nous préparons les mises en scène, nous répétons les gestes, nous laissons aussi une grande part à l’improvisation et à l’expression de chaque individualité. Certains posent à deux, puis en groupe.

Chacun passe devant et derrière l’appareil. C’est en regardant les images ensemble que nous évoquons le noir et blanc, le négatif, pour donner un aspect intemporel aux images, dans la lignée des photographies de Curtis. Dans un autre coin de la pièce, certains photographient des objets comme les vestiges d’une civilisation disparue.

Nous profitons de ce temps d’échange précieux pour sensibiliser l’ensemble des participants sur les enjeux, la cohérence du projet dans sa globalité, afin de définir ensemble les formes que prendront les différentes restitutions du projet.

Dans l’idée d’une future forme sonore, nous enregistrons un des détenus déclamant le texte Tous n’ont pas fait les mêmes voyages, écrit en résonance avec les paroles que nous ont livrées les détenus, pour évoquer de manière métaphorique le clan, leurs conditions de vie en détention, et cet espace de transformation et de métamorphose, leurs rêves et les histoires qu’ils inventent, à travers le prisme du masque et du langage secret.

Nous réalisons des photographies tout au long du processus de la fabrication des masques. Ce qui, dans le projet éditorial, nous permet d’entrelacer différentes temporalités, des masques sans langage, bruts et d’autres plus complexes, où le code secret se fond dans les éléments. L’appareil photo est un autre moyen de s’appréhender les uns et les autres — de nous mettre en lien.

CHRONIQUE DE PRINTEMPS : LE LIVRE RETROUVÉ Les masques, photographies, cartes, collages, le système d’écriture se fondent, se camouflent, dans un même mouvement. L’œil du néophyte y voit pourtant déjà un signe d’appartenance. Ce n’est qu’avec l’obtention des clés que ces signes peuvent être réellement déchiffrés, décryptés telle une carte topographique avec sa légende. Il s’agit d’une lecture d’initié. Elle révèle des idées ou des messages simples. Elle apporte aussi à notre œuvre collective une profondeur qui témoigne de la réelle constitution du clan.

CHRONIQUE D’AUTOMNE : LA MAISON DES FAMILLES Au sein de la maison des familles du centre de détention, nous envisageons un travail collectif, en lien avec les proches des détenus. Fort de notre expérience et de notre travail à l’intérieur, nous proposons aux personnes présentes dans les temps des parloirs (avant, pendant et après) d’imaginer ensemble des territoires imaginaires à notre clan.

Cette expérience vécue sur une année au sein du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier questionne notre humanité — notre besoin fondamental d’appartenance, et dans le même temps, notre besoin de nous extraire du groupe, du clan, pour nous rencontrer nous-même, dans notre singularité — accomplir un voyage personnel, au milieu d’une odyssée collective.

En amont, nous faisons un travail de collecte auprès de nos familles. Nous apportons une grande variété de végétaux, minéraux, tissus, plantes, cactus, mousses, fougères, feuilles mortes, lianes, palmiers, troncs, pierres, sable, rochers de couleur, roseaux, animaux empaillés. Durant quatre jours nous réalisons des décors, des échantillons de flore, d’écosystèmes, des forêts, une jungle, une savane, un désert, à l’aide d’une échelle, d’escabeaux, de pots, de bâches, de tissus, de morceaux de bois, sur lesquels nous posons les éléments naturels.

Les regards, au départ interrogateurs, s’approchent de cette jungle, ce jardin miniature, se projettent à l’intérieur comme si des univers étranges, déconnectés, pouvaient être un support à la projection d’un rêve, d’un désir d’ailleurs.

Grâce aux affiches portraits réalisées lors de la première étape, nous abordons les familles, certaines refusent de participer au projet, mais nous écoutent, d’autres racontent leur histoire, d’autres encore participent à la création des décors et aux photographies. Les enfants imaginent des mises en scène avec leurs dinosaures, les paysages se transforment en topographie millénaire. Tour à tour, nous les photographions en plans larges ou serrés, nous invitons les familles à participer au processus photographique.

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Glossaire page 8 Les rêves ont la peau dure page 13 Écouter les yeux fermés page 15 Le soleil est à moi page 19 Soyez vous même les autres sont déjà pris page 20 Des étoiles plein les yeux page 23 Vivre un jour comme un lion page 26 En route pour l’avenir page 29 L’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage page 34 Blanc comme un loup page 39 Dire la bonne aventure page 43 Vivre en homme libre page 46 Mourir en homme libre page 52 L’illumination est ténèbre page 55 Vivre ses rêves sans se retourner page 58 Vivre au jour le jour

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Postface Stimultania propose en 2018 la mise en place d’une nouvelle intervention artistique en milieu carcéral engageant des artistes aux disciplines différentes et des hommes incarcérés. Pôle dédié à la photographie, Stimultania s’intéresse aux collaborations et aux croisements entre les pratiques. Les artistes invités n’interviennent pas en tant que médiateurs mais pour construire une œuvre collective avec les participants. Le mot d’ordre pour tous : expérimenter, sortir de sa zone de confort et de ses a priori.

En lien avec l’équipe du Service de Probation et d’Insertion Pénitentiaire (SPIP) du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, Stimultania installe un projet inédit qui implique des hommes incarcérés mais également des proches de détenus. Ces derniers patientent au sein du bâtiment d’accueil des familles, avant et après les parloirs. Les objectifs : ouvrir à ceux que l’on entend et voit peu ; créer des connexions nouvelles. L’association Totem, en charge de l’accueil, est associée au projet. La Fondation de France vient consolider le soutien de la DRAC et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes sur la durée.

Nous souhaitions que l’expérimentation tourne autour de la matière végétale, naturelle, une intrusion au sein d’un environnement de béton. Nous avons contacté Marine Lanier et discuté avec elle de sauvage, de terreau. Très vite, elle déroule et parle famille, clan, origine. Des mots issus de sa propre démarche artistique. Elle souhaite un partenariat avec les designers graphistes Marlène Scharr et Alex Viougeas (collectif La Bonne Adresse). Ils se connaissent, ont déjà travaillé ensemble mais jamais dans ce type de cadre. Ensemble ils écrivent une intention artistique.

Juillet, première intervention en détention. À Stimultania, nous aimons les visages découverts, les confrontations directes, même si elles sont délicates.

Au premier abord, l’idée du masque nous pose question. La singularité du projet va résider dans l’approche des artistes : les masques et les signes cabalistiques sont là pour révéler et non cacher. Il s’agit de se laisser aller, ensemble, à une expérimentation. Un retour aux sources, celles de l’humain, du primitif, que nous partageons tous. Le travail avec des matériaux nobles et avec les mots, ajoute au projet une dimension nouvelle, insolite, complexe.

En voyant le dispositif mis en place avec les familles, on imagine l’odeur de plante et de terre mouillée envahissant l’endroit, créant un nouvel espace, lui offrant presque une nouvelle fonction, plus légère. On imagine le plaisir quand, pendant une minute, une heure, deux heures, en fonction des implications de chacun, l’œil se colle sur le viseur de l’appareil et s’échappe vers une jungle luxuriante, un désert, une forêt peuplée d’animaux. La transformation du lieu, la bienveillance des artistes contribuent à installer une nouvelle dynamique dans ce bâtiment d’entre-deux, de passage et d’attente.

La deuxième intervention en détention permet aux hommes ayant participé à la genèse du projet (ils seront cinq) d’ajouter une pierre à l’édifice. De boucler la boucle. C’est un temps où les images, les techniques et les mains se mêlent. Où les artistes s’installent à la même table, fabriquent aussi, échangent, discutent.

Marine, Alex et Marlène remercient leurs familles, Richard et Léo pour les végétaux, Laure et Violette pour la relecture, Guillaume et Laurence pour leur camion, Christelle du Jardin aux oiseaux d’Upie pour la collecte des plumes, Fabien pour les animaux empaillés, Jean-Baptiste de Panafieu pour son texte, toute l’équipe Sodexo de la maison des familles, l’association Totem, les proches de détenus participants, Matilde et Stimultania pour avoir monté ce projet, Célia pour son aide précieuse et surtout chacun des détenus pour tous ces moments partagés.

Tous n’ont pas fait les mêmes voyages, réalisé par Marine Lanier, le collectif La Bonne Adresse (Alex Viougeas, Marlène Scharr), 12 hommes en détention (zzz, Drorcel, Fehri A., Mohamed G., Mike, Sam Sam, Zako, Sam, R. M., Mickaël R., Y. C., Hrd), 7 proches de détenus (Isa, Riad, Mickael, Suzy, Chantal, Mireille, Léa) et Célia Gil attachée au pôle culture du SPIP du centre pénitentiaire de SaintQuentin-Fallavier, œuvre collective portée par Stimultania Pôle de photographie, soutenue par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, la Région AuvergneRhône-Alpes, le SPIP du Centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier dans le cadre du programme Culture/Justice et la Fondation de France dans le cadre de l’appel à projet Tissage d’initiative.

Une partie de la matière créée se retrouve là, dans ce livre, mais on la sent assez vivante pour qu’elle s’en échappe, se morcelle, soit vue ailleurs et d’une autre manière. Dans le livre, des échos surgissent. À chacun d’entrer ou non dans ce territoire aux contours flous, aux personnages presque fantomatiques, aux signes obscurs. Un territoire dont on suit les traces, comme on toucherait délicatement du doigt un vestige dont les flashes nous renverraient une image bien réelle.

Matilde Brugni, chargée des publics à Stimultania

Imprimé en avril 2019 par Deux-Ponts

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