Full Metal Sculptures

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Préface Les sculpteurs sont souvent les laissés-pour-compte des musées. La sculpture qui s’épanche relève de l’encombrant : pas assez de place, des escaliers malcommodes, des planchers défaillants, un ascenseur sous-dimensionné, des collaborateurs pas assez costauds… Sans compter la fragilité et les difficultés à remonter une pièce que seuls les artistes connaissent. Notons la malédiction du sculpteur qui aura souvent la seconde place dans les catalogues après le peintre, voire la troisième après le dessinateur. Ainsi l’initiative de Sophie Serra, attachée de conservation du musée Denys-Puech, de mettre en valeur les sculptures de la collection et en particulier celles en métal est salutaire, courageuse et pédagogique. Le projet trouve sa cohérence et sa pérennité dans l’histoire de ce musée aux confluences de l’art d’un statuaire début de siècle et d’expériences répétées en art contemporain. C’est la double nature de ce musée dont il serait injuste d’oublier sa vocation première. Full Metal Sculptures rappelle la présence réelle de la troisième dimension dans les musées. Le métal est divin, il est mystère, affaire des forgerons, des maréchaux-ferrants, des serruriers, des orfèvres, des alchimistes, des sorciers… Il suffit de se souvenir du roman de Camara Laye, L’Enfant Noir : il existe un lien, un trait d’union logique, entre le métal en fusion et la destinée de l’homme. Le père de Laye était forgeron et sorcier. Cette exposition rappelle l’empire de l’acier, du fer plat, des IPN, des fers à béton, des tuyaux de zinc… Il ne s’agit pas ici d’improviser un cours d’histoire de l’art, mais d’apprécier

Richard Fauguet Sans titre (2007), détail Collection du Fonds Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon

ce que les artistes d’aujourd’hui font de ce matériau, celui là même qui était chéri des modernes : Alexandre Calder fil-de-fériste de son Petit Cirque, Christ squelettique de Germaine Richier, vieux fers d’outils récupérés et assemblés par Roger Bissière sur le parquet de Boissiérettes, pour faire des statues… Ici on soude, on assemble, on coule, on découpe, on compresse, on éclate, on récupère, on tord. Les artistes choisis à Rodez témoignent de cette variété. Viseux qui fut un compagnon de Jean Prouvé assemble les reliefs chromés de l’aéronautique et du nautique, pistons, bulbes, bras, soupapes le tout dressé en totem sexuel. Pagès écharpe la tôle et dénoyaute les obus pour mieux étreindre l’espace, en couleurs. Carmen Perrin tricote le fer à béton en vastes ailes posées au sol. Skoda réinvente le temps du pendule de Foucault avec de grosses boules argentées. L’objet fini vu par Sanhes est une malle d’acier menaçante et pourtant enchaînée. Mascles célèbre la noce de l’os et de l’acier, étrange sommier incliné vers le visiteur. Les boîtes de Loubières en tôle émaillée arrachée aux arts ménagers restituent de primitives élévations. Quant à Fauguet, il joue sur les codes des films et des bandes dessinées, avec un cheminement alambiqué de tuyaux de chauffage. Les sculpteurs du musée Denys-Puech associent pesanteur et élan, vides et pleins. On ne parle plus vraiment maintenant de sculpteurs et de sculptures, des mots qui fleurent la terminologie des beaux-arts, mais la leçon de Brancusi est bien là.


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