Journal RC

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A propos de la classe de Vassiliev, vue le samedi 25. Lieux perdus ou plutôt lieux de Moscou. On arrive sous la pluie. Elle explose dans le taxi qui cherche la route. Dans la salle on s’assoit en U autour d’un plancher, piano et 3 chaises. Le savoir-faire absolu. Le jeu de théâtre sans doute, comme l’acquis du peintre, de l’artisanat. Le jeu, c’est ça. C’est comme ça que l’on doit croire au jeu. Le corps est absolument maîtrisé, la voix tape et coule au rythme de la langue. Nous rêvons d’acteurs capables de ce travail sur soi, en France. Tout doit ravir. Pas d’artifice extérieur. Pas d’appui formel. Le piano, les places des chaises, un accessoire. Tout dans les variations de jeu du corps, de la voix. Plus tard dans un restaurant, un des acteurs nous parlera du trajet de la langue au cœur, nous expliquant par-là que la croyance (place du cœur) naît des mots. Ils ont compris la bible en la lisant sans cesse pendant les répétitions de Joseph et ses frères de Thomas Mann. Alors pourquoi ma jubilation est arrêtée. Bien sûr, le ridicule des coupes de cheveux (cheveux longs et barbe pour certains) recopiant le maître est ma petite raison. Plus profondément cette croyance parfaite, sans faille, m’étouffe. Je ne comprends pas, mais ces fractures du hasard me semblent être bouchées. Pourtant Sergueï, l’acteur, nous parlera des improvisations possibles. Alors ! L’esprit français de critique me pousse à chercher ce qui m’empêche, la méthode sous-tendant ce travail se voit comme les rives droites d’un fleuve. Cette obligation de sens est le cadre mental (et pourtant réel : répertoire des signes à faire) du laboratoire. Même si Sergueï nous racontera toutes les versions possibles des scènes, j’ai la sensation qu’on ne sortira pas de cette pensée courante. Les rives molles sont l’idéal éphémère du cours d’eau. L’absence de méthode et pourtant la formation ? A voir, à faire. …/… Nous avons vu Le Roi Lear. Décidément le théâtre nous réserve des surprises. Des surprises classiques. Tout le monde croit au théâtre, à l’émotion qui en découle. Les acteurs jouent réalistes. Les mouvements accompagnent leur état ou les variations de leur caractère. La mise en scène joue de l’intelligent rapport de scène : le décor est fait de poutrelles sculptées qui peuvent

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