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N° 35 • Hiver 2011

Bonne et Heureuse Année 2012

Rencontre CHARLÉLIE COUTURE MAÎTRE ENCHANTEUR

Entretiens HÉLÈNE CONWAY LOUIS DEVERNOIS JEAN-YVES LECONTE EUGÈNE FRÉDÉRIC MÜLLER CHRISTIANE KAMMERMANN

Escapade

PRÉSIDENTE DES AMIS DE L'ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE

ALBI > PLEINS FEUX SUR LA CITÉ ÉPISCOPALE

Radioscopie LES FRENCHIES CROQUENT LA GROSSE POMME


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C’est toujours un plaisir

À pareils moments de l ’année

De vous souhaiter avec un sourire Une bonne et heureuse année

Le rideau va se lever sans rougir Sur 365 merveilleuses journées

Qu’il nous faudra, sans coup férir, Remplir de beaucoup d ’amour et D’amitiés.

L’ÉQUIPE DE FRANCE MAGAZINE

Communiqué En prévision des prochaines échéances électorales concernant les Français de l'étranger qui se dérouleront les 3 & 17 juin 2012, et au vu du code électoral qui régit ces consultations auxquelles vous êtes toutes et tous cordialement conviés. Et afin qu'aucune ambigüité ne puisse subsister, le 29 Mai dernier, le Conseil d'Administration de France Magazine a décidé : 1 - D'entériner la démission avec effet immédiat de Monsieur Serge Cyril VINET du poste d'éditeur et directeur de la publication ainsi que la charge de rédacteur en chef. 2 - À l'unanimité , il a été nommé comme éditeur et directeur de la publication, Monsieur Victor NAHUM, qui continue par ailleurs a assumer le poste de directeur de la communication de France Magazine. 3 - À l'unanimité, la charge de rédacteur en chef est assumée dès le 30 mai 2011 par Madame Véronique BIDINGER. 4 - Le conseil d'administration fait observer dans sa sagesse, que ces deux personnes nouvellement désignées sont au bénéfice d'une carte professionnelle internationale de Presse. Fait à Genève le 29 Mai 2011 Monsieur Jean-Jacques POUTRIEUX Vice-Président

Madame Marie-Thérèse CLAUSEN Secrétaire Général

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Éditorial a crise de la dette est désormais aussi évidente pour tous que familière à l’homme de la rue, qui observe, non sans une pointe d’angoisse, le ballet grec mené par Nicolas et Angela. Fondamentalement, la première, la vraie, voire la seule inquiétude du citoyen moyen demeure la pérennité de son emploi ou de sa retraite. L’heure n’est plus aux rodomontades, y compris en Suisse où les effets de la force du franc pourraient vite s’avérer délétères pour l’économie d’exportation. Pourtant, confusément, monsieur ou madame Tout-le-monde se disent que comme la grippe aviaire, la vache folle, Fukushima ou la bactérie des germes de blé, cette nouvelle menace s’estompera bien vite. En attendant, à gauche, on fustige volontiers les régimes de droite, ou le grand capital mondial, et l’on concocte tranquillement de nouvelles idées de taxation des « riches », entendez les classes moyennes qui n’ont généralement rien à voir ni avec les dépenses publiques inconsidérées, ni avec les imprudences des banquiers, ni avec les erreurs des politiciens. Des classes moyennes qui n’ont souvent qu’un tort, celui de ne pas être assez pauvres pour se

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Sommaire

Expatria Cum Patria • Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

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Un sou est un sou

lover dans un filet social appâtant des foules en-dehors du pays comme en-dedans. Et de ne pas non plus appartenir à la catégorie des employés de l’État ou des collectivités publiques, risquant dès lors de perdre un emploi fragilisé par la persécution fiscale méthodique des petits patrons et des professions libérales. L’échéance présidentielle ne devrait pas estomper, dans nos esprits, le simple bon sens qu’on assortit parfois de l’adjectif « gaulois », comme pour indiquer qu’il y a longtemps que nous l’avons perdu. Si les États sont endettés, c’est - à quelques exceptions près - parce qu’ils dépensent trop ou sont mal organisés pour gérer et valoriser l’argent pris aux individus et aux entreprises. La « justice fiscale » passe non seulement par la légitime contribution de tous, mais aussi par une gestion moins dispendieuse du trésor public. A l’heure actuelle, dans notre intérêt et dans celui de nos enfants, il faudrait aussi bien savoir renoncer à la nouvelle salle des fêtes de M. le maire qu’à sauver les mêmes banques d’affaires tous les six mois ou à accueillir et financer, comme disait Michel Rocard, THIERRY OPPIKOFER « toute la misère du monde ».

Éditeur, Directeur de la Publication Victore Nahum Rédacteur en chef Véronique Bidinger Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur de la Communication Victor Nahum Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Edito : Thierry Oppikofer Politique Internationale : Antoine Frasseto Carte blanche : Jacques-Michel Tondre La Voix des Français de l’Étranger, J’aimerais vous dire, Entretiens : Serge Cyril Vinet Radioscopie : Joanna David-Mangin Conjoncture : Marie-Ange Andrieux Genève : Christian Vellas Humanitaire : Isabel Rutschmann, Hana Kubececk Santé & Bien-être : Marc Thiémard Médecine : Christiane Kammermann Point de vue : Michel Guillou Réflexion : Jean-Christophe Ruffin Interview : Pierre Oliviero Plastination : Véronique Bidinger Le roi des fines lames, Extravagants, Escapades en Aveyron : Françoyse Krier Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Échos de Sierre à Crans-Montana et du Frontonnais : Alain Barrière Le billet de Dany : Dany Vinet Les carnets de voyage d’un globe-trotteur : Pierre Croux Jean-Jacques Rousseau : Rémy Hildebrand Chronique littéraire : Dominique Ortiz Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux

Le Soudan, un foyer de crise en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 05 Prise de fonction devant l’AFE de M. Édouard Courtial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 Dérapages médiatiques contrôlés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10 Ce qui nous manque ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 14 « Mieux vaut une vérité qui fait mal qu’un mensonge qui réjouit » . . . . . . . . . . . P. 16 Vœux de fin d’année à tous les indignés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 18 Du boccage vendéen au Chemin des Dames . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20 Les Frenchies croquent la Grosse Pomme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22 Le “Capital clients” Actif stratégique de la valeur durable de l’entreprise . . . . . P. 26 Louis Duvernois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 30 Hélène Conway . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 32 Chistiane Kammermann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 35 Jean-Louis Leconte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 38 Pour mieux “voir” Genève. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 40 Vieillir en s’épanouissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 42 Vieillir, chance ou déchéance ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 46 100% Bio : une petite cure pour une grande forme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 48 Les AVC : comment les prévenir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 52 Divorce et résidence à l’étranger. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 54 Une mobilisation humaniste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 56 Le Doute, faiblesse ou force de la culture française ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 58 Eugen Frédéric Müller. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 62 CharlÉlie Couture Maître enchanteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 66 Dissection des corps humains à vocation scientifique, histoire courte . . . . . . . . P. 72 Couteaux Laguiole, quand le savoir-faire touche au sublime . . . . . . . . . . . . . . . . P. 76 Millau à fleur de peaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 80 L’Aveyron Notes de cœurs, harmonie et émotion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 84 Albi Pleins feux sur la Cité épiscopale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 88 Crans-Montana, au pays du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 96 Quand le Fronton naît en pays Tolosan ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 98 Le vinaigre balsamique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 104 Quand le Globe-Trotteur nous est conté… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 108 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 114 Regard sur l’icône religieuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 120 “La Malédiction d’Edgar” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 124 Le Canada, l’autre France de la Gastronomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 126 FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie PCL Presses Centrales SA Conception graphique Raphis Tirage : 82.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

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Le Soudan

Un foyer de crise en Afrique Enjeu d’âpres rivalités entre les puissances coloniales à la fin du XIXe siècle, théâtre d’affrontements et de conflits incessants à l’ère des indépendances, le Soudan reste aujourd’hui un foyer de trouble et d’instabilité à l’Est du continent africain. iche d’un passé multimillénaire où l’histoire se croise avec la légende, appelé jadis « le Pays de l’Or » pour ses richesses fabuleuses, le Soudan apparaît comme une terre de rencontres entre les civilisations, les cultures et les religions. Par sa position géographique, il est un carrefour entre le Proche-Orient, l’Afrique des Grands Lacs, les régions du Sahel et du Sahara. Siège de multiples royaumes qui se sont succédés au fil des siècles, cet immense territoire, placé longtemps dans l’ombre de l’empire des pharaons, converti au Christianisme puis à l’Islam, n’a pas cessé d’être soumis à des ambitions contraires et à des dominations rivales qui ont façonné son destin. C’est au début du XIXe siècle que le Soudan fait irruption dans l’histoire moderne. L’Égypte, province de l’Empire Ottoman, mais province indocile, fière de son passé prestigieux et qui veut s’émanciper de la férule d’Istanbul, se lance dans une politique d’expansion territoriale.

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Trop risquées vers le Proche-Orient, Palestine et Syrie, c’est vers le Sud qu’elle va pousser ses conquêtes. Emmenée par son vice-roi, Mehemet Ali, l’armée égyptienne reprend pied dans l’antique Nubie et remonte le cours du Nil, le fleuve nourricier, vers une contrée qu’elle a longtemps tenue pour son arrière-pays. En 1823, c’est la fondation de Khartoum. Un demi-siècle plus tard, le Darfour tombe à son tour sous le pouvoir du Caire. Mais cette mainmise va bientôt se heurter à un sursaut nationaliste et religieux sous les traits d’un chef charismatique et inspiré qui se présente comme un « envoyé » du Prophète, le Mahdi. Celui-ci prend la tête d’une révolte contre l’occupant égyptien qu’il affronte et défait d’abord dans le désert avant de remonter vers le Nord, ralliant en chemin les tribus qui vont grossir l’insurrection et conduire victorieusement son chef jusqu’à Khartoum. Appelés à l’aide par le khédive, les Anglais refusent d’intervenir ; ils se contentent d’envoyer l’un de leurs généraux, celui qui deviendra dans l’imagerie coloniale Gordon Pacha, pour aider les Égyptiens à se replier en bon ordre des régions qu’ils ont perdues et organiser la défense de Khartoum. Encerclé dans la ville par l’ennemi, Gordon est tué et le Mahdi est désormais le maî-

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Mais cet engagement n’est pas tenu, et le Sud prend les armes. Le soulèvement débute en 1956, il oppose au Nord musulman des populations chrétiennes et animistes qui n’entendent pas se soumettre sans partage à l’autorité du gouvernement central. L’insurrection va durer seize ans. Elle prend fin en 1972 par un accord conclu à Addis-Abeba, qui concède aux régions rebelles la capacité de gérer leurs propres affaires. Mais la paix revenue ne sera qu’une trève. En 1983, le nouveau maître de Khartoum décide de renforcer l’emprise de l’Islam sur l’ensemble du pays : le droit musulman, qui ne s’appliquait jusque-là que dans la sphère personnelle, est introduit dans les affaires pénales. Les populations du Sud se soulèvent à nouveau, forment une armée de libération qui a pour chef un combattant résolu, John Garang. C’est une guerre, un conflit meurtrier dont on évalue les victimes à près de deux millions, à quatre millions le nombre de personnes déplacées, une manière de désigner les cohortes de réfugiés fuyant vers les pays limitrophes, entassés misérablement dans des camps de fortune. Dans ces zones livrées aux combats, l’économie est désorganisée, les productions vivrières s’effondrent, et aux périls des armes, s’ajoute la famine. Il faudra attendre 2002, la lassitude des belligérants et les pressions internationales, pour parvenir à un cessez-le-feu. Un accord de paix est signé en 2005 au Kenya, la guerre civile aura duré 22 ans. Aux termes de l’accord, le Soudan du Sud voit confirmée et confortée son autonomie. Mais surtout, il est prévu que son statut final sera fixé, au bout de six ans, par un référendum d’auto-détermination. John Garang entre au gouvernement central en qualité de vice-président, une charge éphémère puisque l’homme qui a conduit l’insurrection périt six mois plus tard dans un accident d’hélicoptère. L’accord de paix n’en sera pas moins respecté et en janvier 2011, avec un taux de participation de 80%, les populations du Sud Soudan ont voté dans une quasi unanimité (à près de 99%) en faveur de l’indépendance. Les événements se sont depuis précipités : le 14 juillet, la République du Sud Soudan est entrée à l’Organisation des Nations-Unies dont elle est devenue le 193e membre ; fin juillet elle prenait le 54e fauteuil de l’Union africaine. Ainsi, la communauté internationale a cautionné une partition qui, pour la première fois depuis les indépendances, a remis en cause les frontières héritées de la colonisation. Ce qui a échoué au Nigéria et dans l’ancien Congo belge, ce qui menaçait le Sénégal et la Côte d’Ivoire, et qui est sous-jacent dans plus d’un pays africain aux frontières artificielles et aux luttes tribales plus ou moins larvées a donc réussi dans le Haut-Nil par la force des armes et la persévérance des combattants. Estce pour le Soudan la fin de l’Histoire ? Une telle prédic-

tre du Soudan. Triomphe sans lendemain, car ce preux combattant va mourir à son tour, et son camp s’effondrer sous les coups des Britanniques venus enfin au secours des Egyptiens et partis à leurs côtés à la reconquête du Soudan. On est en 1896. Deux ans plus tard, Lord Kitchener, une autre figure de l’épopée anglosoudanaise, arrive devant Fachoda, un poste militaire perdu aux confins du désert où trois mois plus tôt, le Capitaine Marchand a hissé le drapeau tricolore. L’Anglais a une consigne impérieuse de son gouvernement : déloger le Français qui a eu le toupet, sur ordre de ses supérieurs, de s’installer dans cette position stratégique, au croisement des lignes qui du Nord au Sud relient Le Caire au Cap et d’Ouest en Est, l’Atlantique à la Mer Rouge et à l’Océan Indien. Dans son fortin, le capitaine tient tête, on est au bord de la guerre. Mais à Paris, le pouvoir recule devant l’intransigeance britannique, Marchand capitule et le poste est démantelé. Fa-

choda devient un nouvel épisode de la rivalité séculaire entre la France et l’Angleterre qui se joue désormais dans le partage de l’Afrique ; un de ces moments qui ont façonné, dans la mémoire nationale, l’image de la perfide Albion. Sous couvert d’un condominium avec l’Egypte, le Soudan est désormais sous la domination anglaise. Celle-ci va s’exercer pendant un demi-siècle. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le vent de la décolonisation s’est levé partout et il souffle sur l’Afrique. En 1953, le Soudan anglo-égyptien se voit reconnaître le droit à l’auto-détermination, et trois ans plus tard, il accède à l’indépendance. C’est alors que le pays retrouve ses vieux démons, ceux des luttes intestines entre tribus, croyances, traditions, un terrain d’affrontements où va se répandre bientôt l’odeur du pétrole. Pour tenir compte de cette diversité et donner des gages aux particularismes régionaux, le nouveau pouvoir installé à Khartoum s’est engagé à créer un État fédéral, où les provinces du Sud jouiront d’une large autonomie. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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tion paraît bien hasardeuse, et en tout cas prématurée. Certes, le président Omar al Bashir, qui commande à Khartoum, a pris acte de la volonté de ses anciens sujets méridionaux et a souscrit à une sécession qui ampute son pays de huit millions d’habitants et de six cent mille km2, soit un quart de son territoire, lui faisant perdre le rang du pays le plus étendu d’Afrique au profit de l’Algérie et de la République démocratique du Congo. Mais la nouvelle configuration géopolitique reste chargée de questions irrésolues et de menaces. La question la plus épineuse est celle du partage des ressources pétrolières, une richesse récente qui a bouleversé l’économie du pays. C’est un sujet crucial, il est au cœur du conflit frontalier qui reste ouvert, au lendemain de son indépendance, entre la République du Sud Soudan et ses anciens maîtres. Les 4/5es du pétrole soudanais (un demi-million de barils/jour) proviennent de puits situés à la frontière des deux États, dans une région dont la souveraineté est aujourd’hui contestée, alors que ce pétrole est acheminé vers le Nord où il est raffiné et exporté essentiellement vers la Chine premier client et soutien inconditionnel du régime de Khartoum. En attendant un hypothétique oléoduc qui déboucherait au Kenya, le Sud Soudan est donc lié à son grand voisin. Si l’accord de paix de 2005 prévoyait un partage par moitié du pétrole pendant la période intérimaire de six ans, les pourparlers qui devaient suivre sont dans l’impasse : Khartoum exige de conserver ce mode de répartition, tandis qu’à Juba, la capitale du nouvel État, on rejette un tel schéma, et on se borne à offrir de payer une redevance pour le transport du brut vers la Mer Rouge. Dans ce litige, Omar al Bashir joue gros : s’il perd le pétrole, il met son économie en péril, il perd la manne qui lui a permis jusqu’ici de tenir ses troupes, de survivre à l’hostilité des milieux conservateurs et nationalistes qui lui reprochent d’avoir bradé le Sud. Pour tenter d’apaiser le conflit frontalier, les Nations-Unies et l’Union africaine ont joué les médiateurs : sous leur égide, un accord a été signé en juin 2011 par les deux parties. Celui-ci prévoit la démilitarisation de la région d’Abyie, qui est au cœur de la contestation en raison de ses richesses pétrolières et minières, tandis que 4 000 casques bleus étaient dépêchés sur place pour former une force intérimaire de sécurité. Mais quatre mois plus tard, l’accord n’était toujours pas appliqué, aucun des protagonistes n’avait retiré ses troupes, empêchant de facto la mission de l’ONU de remplir son mandat. Engagé dans le règlement difficile, incertain et proba-

blement coûteux de la partition territoriale, le président soudanais porte au flanc une autre plaie, non moins douloureuse, et qui l’a porté sur les bancs de la justice internationale, c’est le conflit du Darfour. Les sources du conflit, ici encore, sont de nature ethnique et tribale : c’est l’opposition entre les tribus locales (dont l’une, celle des Fours, a donné son nom à la région, qui forme le versant occidental du Soudan) et les populations arabes. Cette guerre civile rampante, après deux brèves flambées (en 1987-89, puis en 1996-98), s’est violemment rallumée en 2003 et l’attention qu’elle suscite a largement débordé les frontières du Soudan. La violence de la répression, les débordements auxquels se sont livrées les milices armées et soutenues par Khartoum ont fait de ce conflit, avec ses 300 000 victimes et ses 3 millions de réfugiés, un sujet de grave préoccupation, mais aussi de discorde au sein de la communauté des nations. En dépit de l’opposition de la Chine, inspirée à la fois par ses intérêts (le Darfour détient de notables gisements d’hydrocarbures) et par ses principes

ANTOINE FRASSETO ANCIEN AMBASSADEUR DE FRANCE ET CONSUL GÉNÉRAL DE FRANCE À GENÈVE

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antoine.frasseto@sfr.fr

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de non-ingérence, la Cour pénale de La Haye s’est saisie du dossier et a émis en 2009 contre Omar al Bashir un mandat d’arrêt international. L’exécution de ce mandat reste problématique, mais la sentence pèse de toute évidence sur l’avenir politique du président soudanais. Celui-ci sera-t-il porté au compromis, ou tenté, au contraire, par la fuite en avant, en durcissant son attitude face au Soudan du Sud et en donnant chez lui des gages aux milieux les plus radicaux dans l’application de la loi islamique ? Tel est le dilemme auquel est confronté aujourd’hui le Soudan.


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Prise de fonction devant l’AFE de Monsieur Édouard

Courtial

Édouard COURTIAL, nommé Secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger le 28 septembre 2011, est venu présenter le dispositif mis en place à l’occasion des élections législatives de 2012, et plus particulièrement l’élection de 11 députés des Français de l’étranger. Mettre en œuvre ce nouveau droit essentiel pour la représentation politique des Français de l’étranger tout en continuant à offrir la même gamme de services consulaires, organiser quatre tours de scrutins en moins de deux mois avec, pour l’élection des députés, quatre possibilités de voter, relèvera de la prouesse et constituera pour nous tous, pour le Département et le réseau diplomatique et consulaire tout entier, un véritable défi. » Pour Édouard COURTIAL, dans la préparation des échéances de 2012, l’enjeu majeur réside dans l’organisation matérielle, mais surtout dans la meilleure participation électorale possible (42,13% en 2007). Quatre points précis devront retenir notre vigilance. 1. Tous les Français établis hors de France en âge de voter en 2012 doivent être portés sur les listes électorales consulaires. 300 à 400 000 compatriotes n’ont pas encore formellement demandé leur inscription. L’expatriation n’est pas un obstacle à l’exercice de droits civiques. Tous les moyens doivent être mis en place pour le rappeler. Des moyens supplémentaires en vacations de personnels et en crédits ont été attribués, et de nouvelles applications informatiques ont été développées pour faciliter ce travail de mise à jour. Pour appuyer ces moyens supplémentaires, Édouard COURTIAL a présenté devant les membres de l’AFE la campagne d’information audiovisuelle (TV5, France 24, RFI et sur des sites Internet de grands journaux, comme

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Le Monde, Libération ou Le Figaro) qui sera mise en place durant tout le mois d’octobre et du 15 novembre au 15 décembre. 2. Rappeler que la loi prévoit que l’on vote au même endroit pour l’élection du Président de la République et l’élection des députés, soit pour les deux élections en France, soit pour les deux élections à l’étranger. 3. Pour favoriser la participation, il est essentiel de créer des bureaux de vote en grand nombre pour « rapprocher l’urne de l’électeur », En 2007, 580 bureaux de vote FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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passée de 50 millions d’euros à plus de 120 millions d’euros. En matière de sécurité, Jean-Charles PRÊTET a souligné l’importance de profiter des moyens mis en place afin d’actualiser les listes électorales pour mieux connaître la situation de nos compatriotes et ainsi mieux les informer en cas de crise. Conscient des enjeux que représentent ces questions, Édouard COURTIAL a rappelé que cette année encore, le Centre de Crise du Quai d’Orsay a eu de multiples occasions de démontrer son efficacité et sa réactivité. Par ailleurs, le professionnalisme de la Cellule de Crise sur le terrain lui permet une meilleure expertise des moyens mis àdisposition des postes. Édouard COURTIAL nous a également informé que sur la demande de l’AFE, la commission temporaire de la sécurité à l’AFE sera prorogée. En matière de protection sociale, Jean-Charles PRÊTET a alerté le Ministre sur la dégradation alarmante des crédits alloués au titre de l’aide sociale. Sur ce point, Édouard COURTIAL a annoncé que le MAEE s’est battu pour que le niveau des crédits consacrés à cette mission soit maintenu en 2012. Enfin, Jean-Charles PRÊTET a formulé les inquiétudes liées à l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2011 de la loi du 24 décembre 2009 dont les dispositions de l’article 72 excluent de l’assurance vieillesse les Français qui ont effectué toute leur carrière professionnelle à l’étranger sans avoir cotisé en France plus de 5 ans au régime obligatoire d’assurance maladie. Dossier à suivre.. .

avaient été ouverts au total. En 2012, ils seront aux alentours de 800 (747 actuellement ouverts). 4. Si on rapporte le nombre de personnes pouvant voter à l’étranger au nombre d’électeurs dans les départements, l’électorat hors de France se situerait en 7e position après le Nord, les Bouches-du-Rhône, Paris, le Pas-de-Calais, le Rhône et la Gironde. Il faut donc s’attendre à une activité intense, ici ou là, pendant les deux campagnes électorales. Dans cette perspective, il faudra être irréprochables et être d’une extrême prudence afin de ne pas fragiliser par avance les résultats du vote soit par une négligence, soit par une maladresse, susceptibles de provoquer un contentieux. Par ailleurs, Édouard COURTIAL a souhaité une meilleure articulation entre les conseillers de l’AFE, les sénateurs et les futurs députés chargés des Français de l’étranger pour disposer d’une vision claire des préoccupations et des attentes de nos compatriotes de l’étranger. Il s’est, par ailleurs, dit ouvert à ce qu’une réflexion soit entreprise quant à la réforme des conditions statutaire et du rôle de l’Assemblée des Français de l’étranger. Jean-Charles PRÊTET est intervenu, au nom du Groupe Majorité Présidentielle, pour rappeler (en plus de l’importance de veiller au bon déroulement des élections législatives dans les centres de vote) les inquiétudes des élus et des familles quant au plafonnement de la prise en charge de la scolarité. En réponse sur ce point, Édouard COURTIAL a proposé qu’une réflexion rapide soit engagée destinée à corriger les plus importantes disparités dans le taux de prise en charge des frais de scolarité, dues à des facteurs locaux. Plus généralement, Édouard COURTIAL a rappelé que l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) disposait d’un budget de 420 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 120 millions d’euros consacrés aux aides à la scolarité (bourses et prise en charge). 31 000 élèves en bénéficient aujourd’hui. À l’échelle du quinquennat, l’aide à la scolarité dans son ensemble sera

Jean-Charles Prêtet dans le Fouta.

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Dérapages médiatiques

incontrôlés Ainsi va la vie

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Les uns s’indignent - c’est même devenu une appellation contrôlée -, les autres s’enthousiasment ; c’est parfaitement humain. Le rôle des journalistes, c’est de prendre du recul par rapport à ces mouvements d’humeur. On constate, à l’inverse, qu’ils ne font que les amplifier, sans les passer au crible de leur réflexion, de leur expérience, de leur culture, à supposer qu’ils en aient.

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Un homme est mort. Il s’appelait Steve Jobs. Il avait participé, avec Apple et Macintosh, à l’une des plus belles réussites industrielles de la fin du vingtième siècle. Atteint d’un cancer, il est parti avec une grande dignité. Paix à son âme! Méritait-il pour autant ce débordement de culte de la personnalité auquel on a assisté dans l’ensemble de la presse écrite et audio-visuelle ? Une femme est morte. Elle s’appelait Marie Dedieu. Militante engagée du mouvement féministe, tétraplégique depuis un accident de voiture survenu alors qu’elle n’avait même pas trente ans, souffrant en outre d’un cancer et d’une insuffisance cardiaque, elle est décédée entre les mains de ses ravisseurs, une bande de barbares venus de Somalie, qui n’ont droit qu’à notre mépris. Paix à son âme ! Méritait-elle pour autant ce déferlement d’hommages auquel on a assisté de la part de la presse écrite et audio-visuelle ?


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Un enfant est né. C’est une petite fille dont la mère s’appelle Carla et le père Nicolas. Qu’elle soit la bienvenue dans le monde des vivants! Pour autant, les journalistes de la presse écrite et audio-visuelle étaient-ils justifiés de traiter cette naissance comme si elle avait eu lieu il y a deux mille et quelques années à Bethléem ? À les entendre, on n’attend plus que l’arrivée des rois mages ! Voilà où nous mène la sacro-sainte liberté de la presse, quand l’information se résume aux faits et gestes d’individus placés sous les feux de l’actualité, ceux que l’on appelle les “people”.

violence, comme cela peut arriver à n’importe qui dans n’importe quel secteur d’activité, et toute la profession s’arrête de travailler. Combien de morts, faute de transport pour se rendre à l’hôpital ? On ne vous le dira jamais. Sachez simplement que le droit de retrait relève, pour les fonctionnaires, d’un décret du 28 mai 1982, période bénie du socialisme à la française. Mais cela n’a rien à voir avec le droit de grève car, dans l’exercice du droit de retrait, il ne saurait y avoir de retenue sur salaire. On refuse d’aller travailler mais on est payé quand même.

Propagande

Economie et Finance

On a aussi eu droit, avec les primaires socialistes, à huit heures de propagande à la radio et à la télévision, sans la moindre contre-partie pour la droite, « le plus grand hold up médiatique du siècle », selon le publicitaire Jacques Séguéla, qui sait de quoi il parle. Ceux-là même qui condamnaient le verrouillage par Nicolas Sarkozy de l’audio-visuel public au profit de la droite en sont pour leurs frais. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, de la part de Jean-Luc Hees et de Rémy Pflimlin, respectivement nommés président du groupe Radio France et président du groupe France Télévision par le chef de l’État, il n’y aura pas eu de renvoi d’ascenseur. Et on n’aura pas échappé, à l’occasion de ces primaires, au fameux “syndrome Poulidor”. Rappelez-vous, c’était ce coureur cycliste, par ailleurs talentueux, qui arrivait toujours deuxième. Eh bien, les Français le préféraient toujours au vainqueur ! Même phénomène avec Arnaud Montebourg, éliminé des primaires socialistes mais traité comme un triomphateur. On a d’ailleurs vu la journaliste Audrey Pulvar, au demeurant salariée de l’audio-visuel public, s’afficher sans vergogne à ses côtés devant les caméras de la télévision, battant publiquement des mains au succès de son compagnon. Qui s’en est ému ? Sûrement pas la direction de Radio France, qui n’a pas davantage réagi à la sortie de Paula Jacques, animatrice de l’émission Cosmopolitaine. En rendant l’antenne le dimanche 9 octobre à 15 heures, la romancière n’avait pu s’empêcher de préciser : « Je vous laisse pour aller voter. » On a bien compris que si elle allait voter, cela allait être pour l’un des six candidats à la primaire socialiste. C’était bien son droit, à titre privé. Mais elle n’avait pas à nous infliger le fait qu’elle s’apprêtait à signer puisque tel est leur jargon - « un engagement de reconnaissance dans les valeurs de la gauche ». Désormais, on ne se cache plus, on s’affiche. Ca promet ! Bientôt, on pourra se demander à quoi sert un isoloir.

Et la dette, me direz-vous ? N’est-ce pas un vrai sujet d’actualité ? Certes, à condition de ne pas confondre économie et finance. En réalité, il n’y a rien de plus simple que l’économie. Cela consiste à ne pas dépenser plus que ce que l’on gagne. Faut-il avoir fait de longues études pour comprendre ce principe fondamental ?

En revanche, il faut avoir fait de longues études pour être capable d’expliquer, après coup, ce que l’on a été incapable de prévoir. Cela n’a rien à voir avec la capacité d’injecter de l’argent dans le circuit économique avec l’espoir de produire une rente et de s’enrichir sur le dos de ceux qui s’appauvrissent. On m’opposera des théories qui ont valu à certains un prétendu prix Nobel d’économie. C’est oublier qu’Alfred Nobel avait défini cinq disciplines susceptibles d’êtres récompensées : paix ou diplomatie, littérature, chimie, physiologie ou médecine, et physique. Il ne lui est jamais venu à l’esprit d’instaurer un prix Nobel d’économie. Ce n’est qu’en 1968 qu’a été institué le « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel », décerné par l’Académie royale des sciences de Suède ; rien à voir, en réalité, avec un « prix Nobel ». Aucune des théories élaborées par les lauréats de ce prix

Droit de retrait C’est presque à la même date que le service public ferroviaire a été paralysé pendant quarante-huit heures par une grève qui n’en avait pas le nom, à la suite de l’agression d’un contrôleur par un déséquilibré. Cela s’appelle le “droit de retrait”. Quelqu’un fait l’objet d’un acte de 11

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n’a jamais résolu le moindre problème économique. L’une d’elles veut que, pour réduire l’inflation, l’on augmente le loyer de l’argent. J’ai le souvenir des années 1970 au Canada où il était clair que la hausse des taux d’intérêt était aussitôt intégrée dans la hausse des prix, nourrissant ainsi l’inflation. Dès lors, comment s’étonner que les agences de notation cataloguent les pays et les banques avec les mêmes critères que ceux que l’on attribue - un certain nombre de A - aux producteurs d’andouillettes !

ment une notion grammaticale, qui consiste à distinguer le masculin du féminin. Un garçon, un homme, c’est le masculin, une fille, une femme, c’est le féminin. Quoi de plus naturel ? Certes, il arrive qu’un homme se prenne pour une femme, un garçon pour une fille, une femme pour un homme, une fille pour un garçon. Ayons à leur égard tolérance et compassion. Il restera toujours que, comme chez l’animal, c’est l’individu de sexe féminin qui portera l’enfant et qui en accouchera. Malgré tout, on va enseigner à nos enfants qu’ils naissent asexués, quoiqu’ils aient entre les jambes, et que c’est la société qui, les habillant d’une robe ou d’une culotte, ou leur donnant pour jouer une poupée ou un camion, déterminera leur genre ! Certes, l’environnement joue un rôle fondamental dans l’émergence de la personnalité, mais il vaut certainement mieux préparer la petite fille à son rôle de mère que de lui faire croire que, si elle veut un enfant sans assumer ses responsabilités de génitrice, elle pourra toujours compter sur son compagnon pour accoucher du bébé.

DSK Nous avons tous entendu dire que, dans la situation de crise que connaît notre économie, nous allions avoir besoin de la “parole” de Dominique Strauss-Kahn. Sur le plan financier, s’agissant en particulier de ses finances personnelles, DSK a indiscutablement fait ses preuves. Sur le plan économique, c’est une autre histoire. Ministre de l’Économie et des Finances de 1997 à 1999, il n’a

L’exemple de la Suède

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Sexe et genre Par un heureux hasard, c’est au moment de l’affaire DSK, situation exemplaire de confrontation entre la parole de l’homme et la parole de la femme, que surgit la polémique sur la question du genre dans les programmes scolaires. Pourquoi cette polémique ? Le genre est tout simple-

Conclusion Une petite fille est née. Elle s’appelle Giulia. Si son papa n’y met pas bon ordre dans le temps qu’il lui reste à passer au palais de l’Elysée, quand elle sera grande, elle en saura davantage sur les empires africains Songhaï et Monomotapa que sur Clovis, Charles Martel, Saint-Louis, Louis XIV et Napoléon, car c’est à cela que se résume la réforme de l’enseignement de l’histoire, décidée en 2008 par Xavier Darcos. Sans compter qu’avec un prénom manifestement féminin, elle risque d’avoir du mal à trouver sa place dans un monde où le genre aura JEAN-MICHEL TONDRE remplacé le sexe. michel.tondre@laposte.net

pas, que je sache, effacé le souvenir d’Antoine Pinay. Je ne sais plus sur quelle radio j’ai entendu cette blague qui met en présence deux économistes. Le premier interroge son collègue : « Est-ce que vous y comprenez quelque chose ? » L’autre : « Voulez-vous que je vous explique ? » Le premier : « Expliquer, moi aussi, je le peux. Je suis économiste, comme vous. Ce que je vous demande, c’est si vous y comprenez quelque chose ! » Et d’explications, on n’en manque pas, dans les journaux, à la radio ou à la télévision. Mais ça vaut surtout la peine à la télévision, nouvel Eldorado des bonimenteurs de foire qui, à l’appui de leurs explications, agitent leurs petites mains comme des moulins à vent, au point qu’on se demande s’il n’y a pas là une source d’énergie durable à exploiter !

Il n’y aurait pas de quoi s’offusquer outre mesure de cette polémique sur la question du genre, qui se résoudra d’elle même au sein des familles normalement constituées, si l’on n’en voyait pas déjà les dérives à l’étranger. À Stockholm, l’école maternelle “Egalia”, la bien-nommée, a entrepris de lutter contre les “clichés” qui différencient filles et garçons. Du choix des livres à la décoration, en passant par les jouets, tout y est fait pour ne pas créer de différence notoire entre les deux sexes. Masculin et féminin sont bannis du vocabulaire. Les enfants entre eux n’ont plus le droit de s’appeler “copain” ou “copine”, ce sont des “amis”. L’histoire ne dit pas comment on les habille - tous en pantalon ou tous en jupe - ni comment ils doivent appeler leurs parents. On risquerait sans doute de violer leur droit de choisir leur appartenance à un genre s’ils devaient faire la distinction entre un papa et une maman.

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Ce qui nous

manque ! L’objectif double du Général de Gaulle et de Jacques Rueff, était, pour le premier, « de remettre la République en place » ; pour le second, « de corriger les déséquilibres budgétaires et des comptes extérieurs, consolider la monnaie et préparer la France à l’ouverture commerciale en restaurant la compétitivité. » (La France fut en déficit de 1931 à 1958 et, aujourd’hui, depuis 1974). Jacques Rueff, “Théoricien consommé, praticien éprouvé”, alliant la cohérence à l’ardeur en même temps que l’audace et l’ambition, va connaître un succès inespéré. Retour aux excédents du Budget et de la balance courante, du commerce extérieur, réduction de la dette publique, augmentation des réserves monétaires, etc. Quand il y a crise, il est généralement utile de réfléchir sur les raisons qui l’ont amenée et comment rebondir avec des solutions nouvelles. Puisque nous sommes “Sous Surveillance”, autant dire dans le viseur, il va falloir avoir le courage d’aborder la rédaction d’un nouveau traité européen. En commençant par les fondations et non par le toît, comme ce fut le cas jusqu’à présent. De préférer le stéthoscope au bistouri, en d’autres termes, de se prémunir plutôt que guérir, d’écouter avec beaucoup d’attention les peuples avant d’agir. Pour éviter “La Punition” des agences de notation, ne pas recommencer la double erreur du paquet fiscal, injuste sur le plan social, catastrophique au plan économique. Pour conclure : « NE PAS DÉPENSER L’ARGENT QU’ON N’A PAS ! » Affaire à suivre... SERGE CYRIL VINET

’ai décidé de remettre nos affaires en ordre réellement et profondément. Notre pays va se trouver à l’épreuve, mais le rétablissement visé est tel qu’il peut nous payer de tout. Sans cet effort et ces sacrifices, nous resterions un pays à la traîne, oscillant perpétuellement entre le drame et la médiocrité. » Quel Homme d’État peut et devrait nous dire cela, aujourd’hui ? Il est 20 heures, c’est dimanche soir 28 décembre 1958. Le Général de Gaulle s’adresse aux Français et leur présente le plan Rueff. « La France préconise que le système soit changé (...) étant donné la secousse universelle qu’une crise survenant dans ce domaine entraînerait probablement, nous avons en effet toutes raisons de souhaiter que soient pris, à temps, les moyens de l’éviter. Nous tenons donc pour nécessaire que les échanges internationaux s’établissent, comme c’était le cas avant les grands malheurs du monde, sur une base monétaire indiscutable et qui ne porte la marque d’aucun pays particulier. Quelle base ? En vérité, on ne voit pas qu’à cet égard il puisse avoir de critère, d’étalon, autre que l’Or. Eh oui, l’Or qui ne change pas de nature, qui se met, indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la valeur inaltérable et fiduciaire par excellence. » En fait, Jacques Rueff, sans doute, le plus grand économiste français du XXe siècle, était un anti-Keynésien résolu, pour qui la « pharmacopée keynésienne est en train de détruire sous nos yeux ce qui subsiste de la civilisation de l’Occident. » Nous y sommes ! Il est tentant d’engager une refonte du système monétaire international et, pourquoi pas le retour à l’étalon Or. C’est le seul moyen et probablement le meilleur, d’éviter les manipulations politiques de la monnaie.

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vérité qu’un mensonge «Mieux vaut une

qui fait mal qui réjouit»

uand Georges PAPANDREOU prend les rênes du pouvoir en Grèce dès octobre 2009, il découvre l’ampleur de l’endettement de son pays. Honnêteté oblige de souligner que ce constat désastreux est l’œuvre des gouvernements conservateurs qui se sont succédé pendant quelques décennies. Mai 2010, l’Union Européenne décide son premier plan de sauvetage. Résultat : le déficit public passe 15,4 % en 2009 à moins de 9,4 % en 2010, il est vrai, assez éloignés des 3 % préconisés. Pendant ce temps, la dette publique atteint les 130 % du PIB en 2009 pour culminer en 2011 à 140 %. Juin 2011, Athènes espère des rentrées de 28 milliards d’€uros d’ici à 2015, entre les hausses d’impôts et les réductions des dépenses sociales, sans oublier les coupes sombres dans les effectifs de la fonction publique. Pour l’instant, elle récolte surtout des manifestations qui s’amplifient, tel le sirtaki, lent au début, effréné à la fin.

Sous les yeux d’une classe politique médusée et complètement dépassée, toutes tendances confondues. Le spectre du référendum agité, Lucas PAPADEMOS, le nouveau premier ministre grec, aura la double tâche de ratifier les accords du 27 octobre à Bruxelles et de les appliquer s’il veut rester arrimé à l’€uro et à l’Europe et honorer ses fins de mois grâce aux subsides de Bruxelles. Hormis du passage rapide de la Démocratie (démokratikos - peuple - démos en grec) à la tragédie (trazédi en grec ancien), le G20 de Cannes a lancé quelques initiatives dont nous verrons bien si elles seront suivies d’effets... (Rappelons-nous l’an dernier sur les bonus, les nouvelles règles de la sphère financière...) > Un plan d’action pour renforcer la croissance, puisque les grandes puissances disent vouloir assainir leurs finances publiques et adopter des réformes structurelles, favorisant l’emploi en rejetant le protectionnisme commercial. Sacré Challenge !

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Le G20 de Cannes a accueilli Madame Cristina KIRCHNER, présidente de la République Argentine, tout nouvellement réélue. Or, celle-ci, se trouve brutalement confrontée, comme il y a 20 ans et 10 années en arrière, au “Phénomène” des devises ; arme et refuge des petits et grands épargnants argentins. Il y a bien longtemps que le dollar américain, aux yeux de l’argentin moyen, est une valeur refuge qu’il utilise afin de se mettre à l’abri de l’inflation et de la perte de la valeur du peso. Pourtant, aucune incertitude ne pesait quant à l’issue des Présidentielles. Malgré tout, la Banque Centrale a dû faire face, une semaine avant et une semaine après les élections, à une demande accrue de dollars américains pour plus de 100 millions de $ us par jour.

> Augmentation des ressources du FMI pour l’automne 2012. > Promesses des pays émergents aux balances commerciales excédentaires de faire évoluer leur croissance tirée par la demande interne et, comme objectif premier, de soutenir la reprise mondiale et la stabilité financière. > Quant à la taxe sur les transactions financières de 0,05 %, je crains fort que si la France et l’Allemagne n’interviennent pas de concert, il ne faudra pas trop compter sur les USA et le Royaume-Uni pour enfourcher le sujet (refus de principe, arguant qu’indubitablement, ce taux se verrait constamment augmenté au cours des années suivantes...) > Puis survient la mise en lumière de la fragilité financière de l’Italie. La dette atteint les 1 900 milliards d’€uros, la plus forte d’Europe (120 % du PIB). Les taux atteignent 6,2 % ; c’est lorsque l’on a côtoyé les 7 % avec la Grèce que les marchés se sont émus. Soit, mais il faut souligner que la dette publique italienne avoisine les 120 % du PIB depuis bientôt 20 ans et qu’elle n’a guère évolué pendant tout ce temps. Pour être précis, ce n’est pas le cas de la France qui a vu ces dernières années sa dette progresser de manière exponentielle et, pour être complet, celle des States, 5 fois supérieure à celle de l’Italie.

Décisions immédiates du gouvernement 1 - Obligation aux non résidents de liquider localement leurs devises destinées à acquérir des propriétés ou des entreprises en Argentine. Aucun paiement de l’étranger n’étant accepté. 2 - Les sociétés pétrolières et minières devront dorénavant liquider localement 100 % les devises émanant des exportations. 3 - Pour les petits épargnants, ceux-ci devront, sur présentation d’une pièce d’identité, justifier la raison et le montant d’achat de devises. Ceci par internet et d’attendre la réponse des Autorités pouvant durer une semaine. Il est vrai qu’après les déclarations du Vice-Président de la Banque Centrale, Monsieur Miguel PESCE : « Celui qui achète du $ us, fait une mauvaise affaire. » (sic). Les particuliers ont retiré, entre le 1er et le 3 novembre, plus de 300 millions de $ us des comptes courants (2 % du total des dépôts détenus par les banques argentines), craignant un nouveau “Coralito”.

Conclusion À chaque fois qu’un ministre argentin déclare la solidité des dépôts bancaires en Argentine et simultanément déconseille l’achat de devise américaine, vous pouvez être assuré d’une forte dévaluation du peso et la mainmise par l’État sur les dépôts en devises. Constat : À qui profite le Crime ? Barak s’en est-il ému auprès de Nicolas ? Cristina a-t-elle eu l’occasion d’en toucher deux mots à Barak, ou tout simplement, a-t-elle pu s’exprimer ? Vous voyez, il n’y a pas que l’Europe qui est fièvreuse. Le monde est bien malade. J’aurais connu ce monde. SERGE CYRIL VINET

Une remarque et une observation • La remarque : quid du continent africain pendant ce G20 ? • L’Observation : le silence prudent, pour ne pas dire maîtrisé, de la Chine, tel un tigre aux aguets. > Enfin, nouvelles conventions fiscales, visant à renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, sous l’égide de l’OCDE, en prenant bien soin de passer sous silence, là comme ailleurs, l’arbre qui cache la forêt. Jugez plutôt. 17

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Vœux de fin d’année à tous les

indignés

S’il est vrai que notre vieille planète recèle en son sein près d’un milliard d’êtres humains vivant en dessous du seuil de pauvreté. Que notre terre possède bien suffisamment de richesses pour ses 7 milliards d’individus et que l’injustice d’une répartition de celles-ci en est la cause principale. Qu’il y aura toujours des gens qui naîtront plus argentés que d’autres et qu’il faudra faire face toute sa vie à des inégalités. Un fois ces déclamations proclamées, que fait-on ? Eh bien, on essaie d’inculquer à tous nos jeunes ces DIX COMMANDEMENTS* et de leur demander d’en discuter avec leurs professeurs, avec leurs parents et leurs proches :

1 LA VIE EST INJUSTE, IL FAUT VOUS Y HABITUER. 2 LE MONDE SE MOQUE DE VOTRE AMOUR-PROPRE. LE MONDE S’ATTEND À CE QUE VOUS ACCOMPLISSIEZ QUELQUE CHOSE AVANT QUE VOUS NE VOUS FÉLICITIEZ VOUS-MÊME. 3 VOUS NE GAGNEREZ PAS 60 000 € PAR AN EN SORTANT DE L’ÉCOLE. VOUS NE SEREZ PAS VICE-PRÉSIDENT EN COMMENÇANT AVEC UN PORTABLE ET UNE VOITURE DE FONCTION FOURNIS, AVANT D’AVOIR MÈRITÉ, GAGNÉ CES PRIVILÈGES. 4 SI VOUS CROYEZ QUE VOTRE PROFESSEUR EST DUR AVEC VOUS,

ATTENDEZ D’AVOIR UN PATRON.

5 TRAVAILLER DANS UNE FRITERIE N’EST PAS S’ABAISSER. VOS GRANDS-PARENTS EMPLOYAIENT UN MOT DIFFÉRENT : UNE OPPORTUNITÉ ! 6 SI VOUS GAFFEZ, CE N’EST PAS LA FAUTE DE VOS PARENTS. ARRÊTEZ DE CHIALER ET APPRENEZ VOS ERREURS.

7

AVANT QUE VOUS NE NAISSIEZ, VOS PARENTS N’ETAIENT PAS

AUSSI ENNUYEUX QU’ILS NE LE SONT AUJOURD’HUI. ILS SONT DEVENUS COMME çA, EN RÈGLANT VOS FACTURES, EN NETTOYANT VOS VÊTEMENTS ET EN VOUS ENTENDANT RÉPÉTER SANS CESSE COMBIEN VOUS ETES BONS ET COOLS ET COMBIEN EUX NE LE SONT PAS... AINSI, AVANT DE SAUVER LES FORÊTS TROPICALES DES PARASITE S DE LA GÉNÉRATION DE VOS PARENTS, COMMENCEZ DONC PAR FAIRE LE MÉNAGE DANS VOTRE PROPRE CHAMBRE ET DANS VOTRE PROPRE VIE.

8 VOTRE ÉCOLE S’EST PEUT-ÊTRE DÉBARRASSÉE DU SYSTÈME “GAGNANT-PERDANT”. MAIS PAS LA VIE ! DANS CERTAINES ÉCOLES, ON A ABOLI LES NOTES DE PASSAGE ET ON VOUS DONNE AUTANT DE CHANCE QU’IL VOUS EN FAUT POUR OBTENIR LA BONNE REPONSE. À LA PREMIE RE BÊTISE, VOUS ÊTES VIRE !

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9 LA VIE N’EST PAS DIVISÉE EN SEMESTRES. L’ÉTÉ N’EST PAS UNE PÉRIODE DE CONGÉ. TRÈS PEU D’EMPLOYEURS SONT DISPOSÉS À VOUS AIDER. À VOUS DE VOUS ASSUMER. C’EST VOTRE RESPONSABILITÉ. 10 LA TÉLÉVISION N’EST PAS LA VRAIE VIE. DANS LA VRAIE VIE, LES GENS QUITTENT LE CAFÉ ET VONT TRAVAILL ER. DANS LA VRAIE VIE, LES GENS NE FONT PAS LA FÊTE NON STOP. S’ILS LA FAISAIENT, ILS SERAIENT LIMOGÉS ET CRÈVERAIENT EN QUELQUES MOIS. DANS LA VRAIE VIE, LES GENS BOSSENT, SONT PAYÉS ET PAIENT POUR CE QU’ILS ONT. RIEN N’EST GRATIS ! LA VRAIE VIE, C’EST 80 % DE MERDE ET 20 % DE PLAISIR... DANS LE MEILLEUR DES CAS ! FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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À tous les alarmistes, défaitistes et assistés de tous poils, ces dix commandements s’adressent à eux par la voix d’un être qui s’est exprimé devant les élèves d’une école secondaire, eux qui n’avaient jamais entendu ce genre d’élucubrations à l’école, eux qui ont pris conscience de la réalité en écoutant leur professeur d’un jour ; eux qui ont compris que ce n’est pas seulement la rigueur qui est en cause , mais surtout la croissance qu’il nous faut aller chercher... Si loin soit-elle. *Bill Gates

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J’aimerais vous dire…

Du boccage vendéen au Chemin des Dames... h, quelle année, mes aïeux ! nombre de fois avezvous entendu cette exclamation. Anus horribilis ! C’en était une, ah ça, oui ! Sans mauvais jeux de mots, c’est à Paris, le 17 mars 1914, qu’Henriette CAILLAUX ouvre le feu sur Gaston CALMETTE, et assassine le directeur du Figaro. Son époux, le ministre des Finances, Joseph CAILLAUX, démissionne. Le 25 mars, Frédéric MISTRAL, nous tire sa révérence. Le 28 juin, Gabriel PRINCIP assassine à Sarajevo l’Archiduc François Ferdinand, héritier du trône de l’Autriche et de la Hongrie, ainsi que sa femme Sophie. Cette tragédie va décider le début de la Première Guerre mondiale. Le 31 juillet, le tribun socialiste, favorable à la paix, Jean JAURES, est abattu à 55 ans. Le 1er août, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie. Le 2 août, elle envahit la Belgique et le Luxembourg. Le 3, c’est à la France qu’elle déclare la guerre et le lendemain au Royaume-Uni, pendant que le président des ÉtatsUnis, Woodrow WILSON proclame le 19 août la neutralité de son pays dans ce conflit. Le 5 septembre enregistre la mort de Charles PEGUY à 41 ans, et celle d’Alain FOURNIER, le 22, à seulement 28 ans. Jean BOUIN est fauché à 26 ans le 28 du même mois. Le 6 septembre a commencé la première bataille de la Marne. Bien d’autres vont suivre et enclencher le début de la folie meurtrière des hommes pendant 1560 jours... Jusqu’alors, Mouilleron-en-Pareds, petite bourgade vendéenne, n’avait guère retenu l’attention des géographes, encore moins celle des historiens ; si ce n’est qu’un peu

plus tard, ces derniers découvrirent le lieu de naissance d’un certain Georges CLEMENCEAU en 1841. Médecin de son état, Maire de Montmartre sous la Commune, le fondateur du quotidien l’Aurore, celui-là même où Zola titra le légendaire « J’accuse ! », devint chef du gouvernement & ministre de l’intérieur le 25 octobre 1906 à 65 ans. Mais ce 3 août 1914, ce sont deux jeunes recrues, nées en 1889 à Mouilleron-en-Pareds, qui répondent présents comme des milliers d’hommes et rejoignent le front. Tous les deux sont affectés dans un régiment de cavalerie. L’un en tant que jeune officier tout frais émoulu, l’autre comme simple cavalier*. Au gré des combats et des blessures, au gré des allers et retours entre l’infirmerie et les champs de batailles, ces deux jeunes soldats, toujours sur le front, vont voir leurs itinéraires se différencier quelque peu, notamment le jeune officier. Nous retrouvons l’homme de troupe à l’offensive le 16 avril 1917 aux côtés du Général NIVELLE. Avec l’appui de la Ve Armée “MAZEL” et de la VIe Armée “MANGIN”, l’enfer des 22 kilomètres du chemin des dames commence. A l’assaut du plateau de Californie, près d’un million d’hommes sont massés sur le front entre Soissons et Reims. En face, la VIIe Armée allemande, de Chavignon à Cerny en Laonnois, de l’Abbaye de Vauclair à Corbeny, positionne ses solides défenses. L’offensive apparaît comme un désastre. En dix jours, plus de 30 000 de nos jeunes soldats perdent la vie et plus de 100 000 sont blessés, mutilés. Les pertes allemandes sont estimées entre 60 et 80 000.

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Puis, comme seule la vie sait nous réserver ce genre de drame, il survient, brutal. Bien que l’on sache que le métier de “Militaire” soit particulièrement exposé, nous les parents, nous ne serons jamais immunisés face à la perte d’un enfant. Le 30 mai 1951, à la tête de sa compagnie, Bernard tombe héroïquement sur le piton de Ninh Binh qui défend la route d’Hanoï. 80 blessures sont relevées sur le corps de Bernard de LATTRE de TASSIGNY, déchiqueté par un obus. Le corps du fils unique du Maréchal Jean de LATTRE de TASSIGNY est ramené dans le camp français par le caporal Floriot HAGUET et le brigadier-chef BLANC. Les obsèques sont célèbrées en la cathédrale Saint-Joseph de Hanoï. À la demande de son père, le corps est rapatrié pour être inhumé dans son village natal de Mouilleron-en-Pareds. Bernard était le 59e officier de sa promotion disparu en Indochine et le 18e fils de Général. Ravagé par le chagrin, le Roi Jean rejoint son fils dans le caveau familial le 18 janvier 1952. Après des funérailles nationales aux Invalides, tout le village de Mouilleron-en-Pareds accompagna “Monsieur Jean” - c’est comme cela qu’on l’appelait ici - vers sa dernière demeure. À jamais, cette journée restera gravée en ma mémoire. Avec mes grands-parents et mes parents, je suivais comme tout le monde le corbillard attelé de 4 chevaux. La tête baissée, les yeux rougis par le chagrin, pas un gémissement, pas un grincement de dent, mais une subtile altération du visage des anciens. La Grande Guerre jetait son ombre, l’expression soudaine, grave et lointaine de leurs regards : leurs visages assombris bien plus par le chagrin que par l’ambiance. Ils savaient, Eux ! Ils avaient vécu la Grande Guerre, et leur revenait le souvenir poignant d’une génération de jeunes hommes partis la fleur au fusil mais qui ne sont jamais revenus. Dans les périodes incertaines que nous vivons, je souhaiterais que le souvenir de tous ces sacrifices, ces larmes de sang versées par toutes celles et tous ceux qui, au péril de leur vie, ont porté haut les couleurs de notre Nation. Le 18 janvier 2012, nous commémorerons le 60e anniversaire de la mort du Maréchal Jean de LATTRE de TASSIGNY. Pensez-y très fort ce jour-là. C’est aussi rendre un vibrant hommage à tous les anonymes qui sont portés disparus. N’est pas De LATTRE de TASSIGNY qui veut ! SERGE-CYRIL VINET *Émile Vinet (1889-1981)

La descente de la butte des Beaux Marais est le théâtre d’une véritable boucherie. D’aucuns avancent le chiffre terrifiant de 100 soldats mitraillés à la minute. Le poumon droit transpercé par une baïonnette ennemie, notre jeune conscrit, foudroyé, s’écroula. Combien de temps s’est écoulé ? il n’en saura jamais rien ! Recouvert de boue, de la terre plein la bouche, c’est la douleur et le froid qui le réveillèrent. Reprenant tout doucement connaissance, il s’extirpa, tant bien que mal, de l’amas de terre qui l’avait quasiment recouvert par le déluge d’obus et de mitrailles. Pour tenter de mieux respirer, il essuya sa bouche avec un semblant de chiffon qu’il découvrit dans l’une de ses poches. Sa poitrine le brûlait atrocement. Chaque respiration devenait un supplice. Au prix d’un effort surhumain, il se dégagea de ce monticule de terre en vacillant, tant le sol semblait se dérober sous ses pieds mal assurés. De ses brodequins, il racla la boue qui semblait recouvrir quelque chose de mouvant. Il découvrit avec stupeur le corps d’un soldat allemand. Probablement celui qui l’avait blessé. Une quinte lui déchira la poitrine, le goût du sang mélangé à celui de la terre lui emplit la bouche. La douleur plus vive encore lui fit perdre connaissance à nouveau. Son réveil à l’infirmerie lui fit prendre conscience qu’il revenait de loin. Entourés de jeunes hommes comme lui, certains amputés hurlaient de douleur. Leurs regards figés, les lèvres exsangues, tous étaient assaillis par des visions et des sons qu’ils ne pouvaient ni exprimer, ni effacer de leurs mémoires. Définitivement, ils avaient laissé une part d’eux-mêmes pour la France. En novembre 1917, Georges CLEMENCEAU, surnommé “Le Tigre”, est rappelé au pouvoir à 76 ans. Il rend la confiance au pays et devient le Père de la victoire. Notre simple soldat et le jeune officier, tous deux blessés mais vivants, reprirent goût à la vie. L’homme de troupe, métayer de son état, entreprit d’agrandir sa petite famille et de reconstruire sa ferme dans sa Vendée natale. Le jeune et vaillant Capitaine continua dans le métier des armes. Soucieux de transmettre son amour de la France, un fils unique lui fut donné en 1928. Reconnut brillant stratège, c’est en Général d’Armée qu’il conduisit le débarquement de Provence en 1944. Insatiable, son fils unique Bernard, âgé seulement de 16 ans, bénéficiant d’une autorisation spéciale du Général de GAULLE, lui-même, est blessé au combat de Sickert en Allemagne le 21 février 1945. 21

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Boutiques branchés ou restaurant huppés, les enseignes françaises fleurissent à New York. Les touristes hexagonaux étaient nombreux à arpenter les rues de la Grosse Pomme cet été. Mais ils n’étaient pas les seuls. Nombreux sont les expatriés qui ont franchi l’Atlantique. Jeunes, mariés, diplômés, ils ont choisi Manhattan. Et les zincs ont trouvé leur place Midtown.

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elon une étude du Consulat général de France à New York sur la population française résidente, dont les résultats ont été publiés en mars 2011*, 40% des Français qui ont répondu au sondage possèdent une double nationalité et 32% d’entre eux sont Franco-Américains. Une forte proportion de répondants sont mariés, Ainsi, 66% des répondants sont mariés, contre 48% pour l’ensemble des Français en 2007 (chiffres de l’Insee). 17% sont célibataires et 7% déclarent vivre en couple. 5% sont divorcés et 2% séparés. 2% sont veuf ou veuve (contre 8% pour l’ensemble des Français) et 1% sont pacsés.

Des citadins… Les ¾ des répondants résident dans l’État de New York. 16% résident dans le New Jersey et 6% dans le Connecticut. 21 personnes ont répondu résider aux Bermudes, soit moins de 1%. La question sur le code postal a obtenu 96% de ré-


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moins un diplôme de niveau Bac +2, contre 23% pour l’ensemble des Français. Seulement 1% ne sont titulaires d’aucun diplôme, alors que cette situation concerne 20% des Français dans leur ensemble (chiffres de l’Insee). La proportion d’actifs est très élevée parmi les répondants, puisque 80% d’entre eux disent exercer une activité professionnelle, contre 63% des Français au niveau national. Parmi les répondants exerçant une activité professionnelle, la majorité sont salariés d’une entreprise (56%) ; viennent ensuite les entrepreneurs indépendants (16%), puis les salariés d’une administration (8%), les scientifiques (6%), les stagiaires (1%) et les membres d’une ONG (un peu moins de 1%). Un nombre élevé de personnes a répondu « Autres » (12%), ce qui s’explique par la part importante de deux catégories de travailleurs qui ne se sont pas reconnus dans les choix proposés : les fonctionnaires d’organisations internationales d’une part (notamment de l’ONU), et les enseignants et professeurs d’université d’autre part. Ces deux catégories représentent 70% des réponses « Autres » ; viennent ensuite 10% ayant répondu artiste ou écrivain, le reste étant constitué par des personnes ayant répondu avocat, VIE, freelance, traducteur indépendant, médecin, etc. Si l’on reprend les catégories de l’Insee, on voit qu’une grosse majorité de répondants disent appartenir à la catégorie « Cadres et professions intellectuelles supérieures », à 70% contre environ 12% au niveau national. Les chefs d’entreprise sont aussi plus nombreux qu’au niveau national. En termes de secteurs d’activités, les activités financière sont de loin les plus représentées, puisqu’elles rassemblent 20% des actifs. Au second rang se trouvent les professions de l’éducation et de l’enseignement, qui concernent 11% des répondants. Parmi les personnes sans activité professionnelle, la majorité sont au foyer (30%). Viennent ensuite les retraités (27%), les étudiants (15%) et les chercheurs d’emploi (13%).

ponses, et donne donc des informations très précises sur la répartition spatiale des répondants. 61,5% des répondants indiquent un code postal à l’intérieur de New York City. Le traitement des codes postaux permet de faire apparaître la répartition par borough : 45% des Français de la circonscription résident à Manhattan, 10% à Brooklyn, 5% dans le Queens, 1% dans le Bronx et 0,5% à Staten Island. Le reste est réparti essentiellement dans les Etats de New York et du New Jersey. Si l’on s’intéresse non plus aux codes postaux mais aux villes les plus citées, on voit qu’en dehors de New York City, les deux villes rassemblant le plus de Français sont Princeton (NJ) et Mamaroneck (NY). Viennent ensuite Larchmont (NY), Jersey City (NJ), Hoboken (NJ) et New Rochelle (NY). 29% des Français habitent dans des villes autres que les 15 villes les plus citées.

… très diplômés 52% des répondants sont diplômés de niveau master et 13% de niveau doctorat. Au total, près de 90% ont au

Une arrivée récente Un cinquième des répondants est arrivé il y a moins de trois ans aux Etats-Unis (21%). 53% des répondants sont entrés aux Etats-Unis depuis 2000, dont 32% depuis 2006. 20% y sont entrés entre 1990 et 2000, et 25% y sont entrés avant 1990. On voit ainsi se dessiner différents types d’expatriation, de l’expatriation récente et de courte durée à une réelle immigration sur le long terme, avec un ancrage fort dans le pays d’accueil. A la question « Combien de temps encore pensez-vous rester aux Etats-Unis ? », 30% des interrogés ont répondu qu’ils comptaient y rester définitivement. Quand l’expatriation est envisagée de manière temporaire, c’est l’horizon de 2 à 5 ans qui est le plus souvent cité (16% des répondants). On note que plus d’un tiers des répondants répond qu’il n’a aucune idée de la durée de son 23

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note pour 23% des répondants, et de même pour celle Augmentation des revenus pour 24% d’entre eux. Les raisons citées par des expatriés sont bien sûr à différencier de celles d’individus qui sont des citoyens américains : français par au moins un de leurs parents, ils ont vécu la majeure partie, voire toute leur vie aux États-Unis. Ainsi, 6% des répondants sont aux ÉtatsUnis tout simplement parce qu’ils y sont nés. Il faut également citer le cas de figure où la personne vit aux Etats-Unis parce que ses parents s’y sont installés alors qu’elle était encore jeune, enfant ou adolescent. Sont également mentionnés plusieurs fois l’éducation des enfants, ou le fait de suivre un enfant parti étudier ou travailler aux Etats-Unis. Certaines personnes, notamment parmi les plus âgées, évoquent également des

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expatriation. Les répondants avaient la possibilité de citer plusieurs raisons en les hiérarchisant. Tous niveaux de hiérarchisation confondus, c’est la raison Progression de carrière qui est la plus souvent citée, résultat qui cadre avec l’image qu’ont les États-Unis à l’étranger d’un pays très dynamique et porteur d’opportunités. Si l’on s’intéresse uniquement à la raison n°1 citée par les répondants, c’est le fait de suivre son conjoint qui est prépondérant dans l’expatriation. Il peut s’agir aussi bien de suivre un conjoint français expatrié par exemple pour des raisons professionnelles, que de rejoindre un conjoint américain. Après la progression de carrière et le fait de suivre un conjoint, c’est la raison Nécessité professionnelle qui revient le plus souvent. Ce sont donc d’abord des motifs d’ordre affectif et professionnel qui poussent les répondants à s’expatrier. La poursuite d’études est également citée par beaucoup de répondants, ce qui peut s’expliquer par la qualité et la réputation du système d’enseignement américain et est à mettre en perspective avec le phénomène grandissant d’expatriation d’universitaires français aux États-Unis. La découverte d’une autre culture, l’envie de quitter la France, la préférence pour le milieu professionnel américain sont des raisons citées par beaucoup de répondants mais figurent moins souvent en raison n°1 ; elles semblent donc moins décisives mais aident néanmoins à consolider le choix de l’expatriation. L’apprentissage de la langue et l’augmentation des revenus sont des raisons moins souvent citées, et encore moins comme des raisons n°1. Ce résultat semble différer de celui de l’enquête menée par la Maison des Français de JOANNA l’Étranger en 2008, qui montrait que la motivation DAVID-MANGIN Apprentissage de la langue obtenait la plus haute FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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raisons politiques à leur expatriation, au moment de la seconde guerre mondiale ou à des persécutions antisémites. D’autres individus disent être partis pour prendre un nouveau départ : parce qu’ils ne voyaient pas d’opportunités pour eux en France, ou suite à des drames personnels, ou encore pour des raisons spirituelles. Ils sont quelques-uns à dire qu’ils se sont expatriés parce qu’ils avaient besoin d’un traitement médical spécifique pour eux ou pour un de leurs proches. Enfin, ils sont également plusieurs à être restés après avoir gagné une green card à la loterie.


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Conjoncture

“Capitalclients”

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Dans une économie de l’immatériel qui se développe, les sources de croissance et de compétitivité se déplacent du capital technique et financier vers le capital immatériel, selon les analyses d’institutions académiques ou internationales.

Actifstratégiquedelavaleurdurable del’entreprise n France, « la gestion des actifs immatériels est l’un des facteurs de création de croissance les plus prometteurs de notre économie ». Le capital immatériel représente d’ailleurs 80% de la valeur des entreprises du S&P 500 et dépasse largement la moitié de celle des sociétés européennes dans des proportions variables selon les secteurs.

connaissance ont consacré l’évolution d’une compétitivité de l’entreprise orientée “produit-service” se centrant aussi sur les “clients”. La qualité de l’offre produits/services ne suffisant plus, la différenciation concurrentielle s’enracine dans la qualité de la relation clients : les capacités à conquérir, fidéliser, servir déterminent la pérennité et le développement de la “share of customer”. Développer un lien durable à forte valeur ajoutée avec les clients suppose gagner et conserver leur confiance, sur la base d’une connaissance réelle de leurs enjeux et attentes profondes. Cette “customer intimacy” permet de structurer une offre fidélisante car personnalisée et différenciée, facilitée par l’intelligence informationnelle des techniques améliorées de “data mining” comme l’explosion des réseaux sociaux où capter les besoins de communautés de consommateurs finement ciselées. Certaines études démontrent une corrélation entre la fidélité des clients (surtout en B2B) et les écarts de rentabilité entre concurrents ou les résultats de l’entreprise. D’autres experts soulignent le coût élevé des défections clients. Après le cycle de vie du produit, se sont développées des expertises sur le cycle de vie client (Life Time Value : recrutement, croissance, valorisation, déclin) et sa valeur (Customer Life time Value), soit le rapport entre les investissements clients (coûts d’acquisition, fidélisation, marketing, promotion, gestion de la distribution, services clients, etc.) et les revenus futurs attendus d’eux selon leur ancienneté et espérance de vie. Cette rentabilité du portefeuille clients s’affine avec une analyse des risques (applicable au “capital clients” comme à tout actif) et une vision consolidée des activités (ex : clients rentables pour un département mais non un autre ou clients peu rentables mais fidèles prescripteurs).

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Mais de quelle valeur s’agit-il et quel serait le rôle du “capital clients” ?

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Le capital immatériel est essentiellement composé d’actifs de long terme parmi lesquels le “capital clients” constitue un pilier stratégique. Investir dans les actifs immatériels et notamment dans le capital clients, c’est : • Contribuer à construire les fondamentaux d’un business model vers : une croissance durable, équilibrant objectifs long et court termes à l’écoute des exigences de l’économie réelle dont les clients ; une compétitivité qualitative, au-delà d’une concurrence par les coûts, inclusive des intérêts des parties prenantes, vers un développement durable générateur de richesse, • Structurer une combinaison dynamique des actifs matériels et immatériels au service d’une stratégie de croissance, le “capital clients” créant de la valeur en interdépendance avec les autres actifs de l’entreprise.

Intégrer l’entreprise chez le client Une dynamique de confiance par la qualité de la relation client Les analyses sur la Chaîne de Valeur (approfondies par la création de valeur partagée) ou l’économie de la FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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selon calcul de la valeur client individuelle, consolidée ou sectorielle).

Un objectif majeur du CRM serait alors une stratégie clients différenciée en fonction de leur contribution aux revenus, actionnant une dynamique de pilotage relationnel vers une valeur durable.

Une valorisation du “capital clients” à la fois interne et externe La mesure et la valorisation du « capital clients » peuvent être déployées au travers : • de tableaux de bord d’indicateurs extra financiers, analysant les constituants de cet actif, dont la pertinence repose sur leur capacité à fournir une vision combinée de la performance, des risques et du potentiel de développement attachés à ce capital. Pour un focus PME, où le « capital clients » est un facteur clé de pérennité, on se reportera au tableau de bord de l’immatériel de la PME du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables, • de ratings du “capital clients” global ou de certaines de ses composantes (ex : estimation de la fidélité des clients actuelle et future, utile pour apprécier la probabilité de réalisation du business plan), • de valorisations financières, fondées sur des méthodologies usuelles de capitalisation de flux futurs, pour

Un éco système de la valeur clients en synergie avec l’innovation et les marques L’innovation, souvent perçue comme liée aux technologies et à la R&D, se révèle transversale sur la chaîne de valeur de l’entreprise (production, organisation, marketing, vente) et de nature non technologique (innovation d’usage, de processus, d’offre…). Sa complexité multidimensionnelle transcende le clivage classique produits/services vers un enrichissement de l’offre les combinant en co création avec les clients. Car une part croissante de l’innovation devra être captée à l’extérieur de l’entreprise, comme c’est déjà le cas dans le secteur des services. Le pouvoir de compétitivité de l’entreprise n’est plus dans l’avoir mais dans ce partage créateur de valeur, en résonnance avec des besoins consommateurs passés de l’« avoir plus » au « vivre mieux et autrement », des “hard values” aux “soft values” (préoccupations environnementales et éthiques). Dans cette évolution des postures, les clients, au-delà des marques, achètent la personnalité corporate de l’entreprise, sa réputation, son image, en bref, ses valeurs. Ce marketing des valeurs est évidemment subtil, même avec une stratégie de présence dans les réseaux sociaux, où le “buzz positif” n’est pas exempt d’aléas ! Finalement, les valeurs de l’entreprise font la valeur clients. La transparence contribue à la confiance mais les clients ne seront pas dupes : ils doivent comprendre concrètement comment ces valeurs se traduisent au travers de l’offre.

PRÈS LE CYCLE DE VIE DU PRODUIT, SE SONT DÉVELOPPÉES DES EXPERTISES SUR LE CYCLE DE VIE CLIENT (LIFE TIME VALUE : RECRUTEMENT, CROISSANCE, VALORISATION, DÉCLIN) ET SA VALEUR (CUSTOMER LIFE TIME VALUE), SOIT LE RAPPORT ENTRE LES INVESTISSEMENTS CLIENTS (COÛTS D’ACQUISITION, FIDÉLISATION, MARKETING, PROMOTION, GESTION DE LA DISTRIBUTION, SERVICES CLIENTS, ETC.) ET LES REVENUS FUTURS ATTENDUS D’EUX SELON LEUR ANCIENNETÉ ET ESPÉRANCE DE VIE.

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Intégrer le client dans l’entreprise Une reconnaissance efficiente dans la gouvernance institutionnelle et opérationnelle La reconnaissance du “capital clients” comme actif stratégique pourrait voire devrait se traduire dans la gouvernance : • institutionnelle : figurer dans les débats du Conseil d’Administration touchant aux fondamentaux de la valeur et les travaux de ses comités (ex : Comité d’audit et cartographie des risques clients, Comité des rémunérations et stratégie de rémunération liée à la valorisation du “capital clients”), • opérationnelle : apparaître dans l’organisation de l’entreprise (centrage client autant produit), la stratégie d’investissement et de financement, enrichir le contrôle de gestion et des risques (ex : le compte de résultat par client/groupe de clients déjà pratiqué dans le B2B mais moins usuel dans le B2C du fait des données à traiter). Les atouts de cette approche seraient d’améliorer l’efficience des actions marketing, la connaissance des sources de création de valeur dans l’entreprise. Pour sa mise en place existent méthodologies d’experts et solutions technologiques (variables

déterminer la valeur du portefeuille clients, l’estimation du niveau des revenus et risques étant dépendants des facteurs précédents (ex : degré de fidélisation). Ces approches contribuent à suivre le niveau de confiance des clients, optimiser la rentabilisation de l’investissement clients dans les opérations courantes (identification des zones de risques et d’améliorations) ou stratégiques d’acquisitions (poids des clients dans l’argumentaire de la valeur), d’alliances stratégiques ou de fusions (appréciation de la parité, identification et mise en place des synergies relatives aux clients). Au-delà de la mesure interne pour piloter la gestion du “capital clients”, la valorisation externe de l’entreprise par les marchés devrait refléter la reconnaissance de cet actif stratégique. Après les analystes anglo-saxons, pionniers avec le “customer equity” affinant les valorisations purement financières, l’analyse extra financière se développe et des initiatives institutionnelles ouvrent vers une meilleure prise en compte de la communication externe extra financière de l’entreprise. Toutefois, la diffi27

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Conjoncture culté d’une correspondance reconnue entre les facteurs extra financiers, les value drivers financiers et la valeur de l’entreprise comme l’absence de référentiel extra financier représentent des freins à cette évolution.

de Valeur : voir notamment Porter (1985), Kaplan et Norton (1996) - Shared Value Creation : Porter (2010). Voir notamment les dossiers de la Tribune Sciences Po de l’immatériel, dirigée par l’auteur, disponibles sur easybourse.com (2007-2011) comportant des bibliographies détaillées Voir les témoignages ou business cases sur le site de l’AFRC (Association Française de la Relation Client) ou du UK Institute of Customer Service. Par exemple, développement des techniques de “cross selling” (incitation à acheter des produits susceptibles de correspondre au profil du client) ou “up selling” (incitation à acheter des produits complémentaires ou d’une gamme supérieure) Voir notamment: F Reichheld-The loyalty effect Voir de l’auteur : « Innovation dans les services : quels enjeux d’une croissance annoncée ? » - France Magazine n°28. Disponible sur le site du Conseil Supérieur de l’OEC : csoec@cs.experts-comptables.org « Ten principles for communication of intellectual capital » - EFFAS (fédération européenne des analystes financiers) / SFAF – Travaux de la Commission de l’immatériel. Voir « Im-

L’activation des leviers culture d’entreprise et capital humain Une culture d’entreprise et une stratégie de capital humain intégrant la valorisation du “capital clients” parmi les objectifs majeurs de l’organisation sont des leviers de réussite indispensables : • un engagement de tous à servir le client, pas uniquement les activités en contact avec le marché : “A cultural shift : everyone in the business has a customer” (multinationale de produits domestiques), • un enrichissement des compétences et savoir-être individuels par leur alignement avec la stratégie, une dynamique d’intelligence collective (communautés collaboratives, communication interne structurée), des rémunérations intégrant la performance clients : « None of our customer facing staff have sales targets or sales bonuses: their rewards and bonuses are based purely on their customer satisfaction scores » (établissement bancaire).

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Pour conclure : Capital clients et croissance durable de l’économie Au niveau macroéconomique, l’indice ACSI ressort corrélé à des facteurs liés à la croissance économique américaine (performance financière et boursière des entreprises, consommation des ménages). Une valorisation du “capital clients” peut s’appliquer par analogie dans les secteurs de la sphère publique ou de l’économie sociale et solidaire, sous réserve d’en adapter les objectifs et les méthodologies. « Ne pas prévoir, c’est gémir ». Prévoir, c’est donc devenir. Une stratégie de compétitivité par le haut catalysée par le “capital clients” et les actifs immatériels est une opportunité de contribuer au futur d’une croissance équilibrée porteuse de durabilité et de sens. Notamment OCDE ou Banque Mondiale. Pour des approfondissements, voir du même auteur : « Mettre enfin l’immatériel au service de la croissance » - Revue Sociétal n°66 Décret du Premier Ministre portant création de l’APIE (Agence pour le Patrimoine Immatériel de l’État) - Avril 2007 Source : Etude Ocean Tomo Intellectual Capital Equity Cartographie du capital immatériel : le capital humain, le capital relationnel externe (capital clients, parties prenantes, réseaux…), le capital structurel interne (innovation et R&D, marques, organisation et processus, gouvernance…). Pour plus de détail, voir les travaux de la Tribune Sciences Po de l’immatériel, dirigée par l’auteur – Disponibles sur easybourse.com Voir du même auteur : « Économie de l’immatériel : quels enjeux de compétitivité et de croissance durable ? » - Revue Analyse Financière - Mars 2011 Voir du même auteur : « Du développement durable à la valeur durable : mode d’emploi par l’immatériel »- France Magazine – Été 2011 – n° 33 Chaîne

ES APPROCHES CONTRIBUENT À SUIVRE LE NIVEAU DE CONFIANCE DES CLIENTS, OPTIMISER LA RENTABILISATION DE L’INVESTISSEMENT CLIENTS DANS LES OPÉRATIONS COURANTES (IDENTIFICATION DES ZONES DE RISQUES ET D’AMÉLIORATIONS) OU STRATÉGIQUES D’ACQUISITIONS (POIDS DES CLIENTS DANS L’ARGUMENTAIRE DE LA VALEUR), D’ALLIANCES STRATÉGIQUES OU DE FUSIONS (APPRÉCIATION DE LA PARITÉ, IDENTIFICATION ET MISE EN PLACE DES SYNERGIES RELATIVES AUX CLIENTS).

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matériel et communication extra financière : quels enjeux de gouvernance et de compétitivité ? » - Tribune Sciences Po de l’immatériel, dirigée par l’auteur – Dossier Juillet 2011 Source : UK Institute of Customer Service – Témoignages de dirigeants de sociétés engagées dans cette démarche L’ACSI (American Customer Satisfaction Index) couvre 10 secteurs économiques, 47 industries, plus de 225 entreprises et 200 agences locales ou fédérales de services publics des EtatsUnis Voir les deux dossiers de la Tribune Sciences Po de l’immatériel sur les enjeux d’une stratégie de l’immatériel dans MARIE-ANGE la sphère publique et les AssoANDRIEUX DIRECTEUR DES ciations & Fondations, dispoPARTENARIATS nibles sur easybourse.com DELOITTE, Proverbe chinois. CO PRÉSIDENT DE LA COMMISSION AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DE GPS INNOVATION LA REVUE ECHANGES ET IMMATÉRIEL WWW.REVUE-ECHANGES.ORG FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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maandrieux@deloitte.fr

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Entretien avec…

Louis

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Duvernois > Louis Duvernois, vous avez été élu Sénateur des Français établis hors de France en 2001. Réélu le 25 septembre dernier pour un nouveau mandat de 6 années, pouvez-vous nous confier les priorités que vous souhaitez voir appliquer au cours de cette nouvelle mandature ? Mes priorités sont toujours les mêmes, à savoir l’accompagnement de nos compatriotes établis hors de France : éducation de leurs enfants et aide à la scolarité, fiscalité et, sujet récurrent, sécurité dans les pays à risques ainsi que toutes les questions liées à la protection sociale et à l’état-civil et notamment, la bi-nationalité. Je souhaite également continuer à travailler dans le domaine de l’action extérieure de l’État, travail que j’avais initié dès 2004 par une proposition de loi adoptée par le Sénat relative à l’offre culturelle de la France à l’étranger. Celle-ci a été en grande partie à l’origine de la loi sur l’action extérieure de l’État dont j’ai été rapporteur pour avis au nom de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication, créant 3 établissements publics : Institut français, CampusFrance et FrancExpertise Internationale. La mondialisation est en passe de transformer non seulement l’espace économique, mais également l’espace culturel. La question essentielle pour la France, disposant d’atouts multiples, n’est désormais plus tant celle de ses domaines d’intervention que celle de la méthode et du niveau de ses interventions. Le développement économique est aujourd’hui indissociable de l’action éducative et culturelle extérieure, qui ne peut se concevoir que dans le cadre d’une politique d’ensemble.

> L’Association ADIFLOR qui fut créée en 1985 par le regretté Xavier Deniau, ancien Ministre, frère de l’académicien Jean François Deniau, luimême ancien Ministre ; cette association que vous présidez actuellement met chaque année un pays à l’honneur. Après le Niger en 2008, Haïti en 2009, Madagascar en 2010, c’est au tour du Caméroun en 2011. Qu’est-ce qu’ADIFLOR ? Pourquoi le Caméroun aujourd’hui ? ADIFLOR a en effet été fondée en 1985 par Xavier Deniau, député, ancien ministre, promoteur de la langue française et chantre de la francophonie. J’en suis le 3e président, fonction que j’occupe depuis 2003. Association pour la Diffusion Internationale Francophone de Livres, Ouvrages et Revues, ADIFLOR, selon les termes mêmes de son logo, « sème le plaisir de lire en Français » sur tous les continents. Notre entrepôt à Châlons-enChampagne gère quelque 300 000 livres scolaires et de littérature que nous remettent les éditeurs après retrait commercial des librairies. Nous redistribuons ainsi annuellement près de 250 000 livres dans le réseau éducatif et culturel français et francophone à l’étranger. Avec le concours de transporteurs privés et de la Marine nationale avec lesquels nous avons établi des partenariats durables, ADIFLOR contribue ainsi à développer la francophonie universelle, principal vecteur de promotion d’une langue française partagée par plus de 60 pays au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie dirigée par M. Abdou Diouf, ancien président de la République du Sénégal. Pourquoi le Cameroun a-t-il été mis à l’honneur par FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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vient ainsi le « port naturel de l’Ethiopie ». La route entre Djibouti et Addis-Abeba, longue d’environ 750 km, est empruntée chaque jour, dans les deux sens, par plus de 1000 camions lourdement chargés, ce qui rend le trafic routier saturé et dangereux. L’intérêt d’un allègement par voie ferrée est évident. L’Union européenne a financé des études de remise en condition du chemin de fer reliant les deux villes, laissé à l’abandon, dont la reconstruction exige des investissements importants. Des investisseurs sud-africains s’y étaient un temps intéressés sans donner suite.

ADIFLOR en 2011 ? Tout simplement parce que le réseau éducatif et culturel dans ce pays, membre de l’OIF, est demandeur de livres français. La progression de la langue française se jouera au cours des prochaines décennies en Afrique, le Cameroun y participe déjà largement. L’ambassade de France à Yaoundé et ADIFLOR sont partenaires dans la réalisation de projets éducatifs et culturels. > Lorsque je vous avais interviewé en mai 2004 sur votre mission dans la Corne de l’Afrique, il était fortement question de l’attachement de la France au chemin de fer Djibouto-Ethipien. Qu’en est-il aujourd’hui dans cette région particulièrement sensible ? Le groupe interparlementaire d’amitié France-DjiboutiPays de la Corne de l’Afrique, que je préside au Sénat, s’est de nouveau rendu à Djibouti et en Ethiopie en juillet dernier. La délégation française a constaté un fort po-

> Avant 2001, vous étiez élu Conseiller au Conseil Supérieur des Français de l’Etranger, représentant nos compatriotes installés au Canada. Avez-vous gardé quelques connexions avec ce grand pays ? En politique, quand on s’engage pour défendre l’intérêt général, on ne doit jamais oublier d’où l’on vient et surtout, celles et ceux qui vous ont toujours fait confiance en faisant de vous un élu de la représentation nationale. Je n’oublie donc pas mes compatriotes du Canada et plus particulièrement ceux de la 2e circonscription électorale consulaire (Montréal, Québec et Moncton) où j’ai résidé pendant 42 ans. Élu sans interruption depuis 1985 au CSFE devenu AFE, mes collègues m’ont fait l’honneur de m’élire au Sénat en 2001, puis en 2011, pour continuer à servir les communautés expatriées sur les 5 continents et notamment au Canada où je me rends régulièrement et où est établie une importante communauté de plus de 100 000 Françaises et Français. > Vous avez été choisi tout récemment par le Sénat, comme Administrateur de l’Institut Français présidé par Xavier DARCOS. En quoi consiste votre fonction et de quelle nature est votre mission ? Je représente le Sénat au Conseil d’administration du nouvel Institut français créé par la loi sur l’action extérieure de l’État du 27 juillet 2010. L’Institut français appelé à compléter le magnifique et performant réseau mondial des Alliances françaises - plus de 1000 - concourt à la politique culturelle extérieure de la France en s’appuyant sur le réseau culturel français à l’étranger. Placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères et européennes, il exerce ses missions en fonction des orientations définies conjointement par sa tutelle et le ministre de la Culture et de la Communication, une grande première dans le dispositif de coopération et d’action culturelle à l’étranger. Autre nouveauté significative, le ministre de l’Éducation nationale est associé à la définition de la politique de promotion du français à l’étranger. L’Institut français contribue ainsi à la mise en œuvre d’une véritable diplomatie culturelle en réponse aux défis soulevés par la mondialisation. PROPOS RECUILLIS PAR SERGE-CYRIL VINET

tentiel de développement malgré l’instabilité de la région. Néanmoins, dans ce contexte, Djibouti, avec l’appui des forces militaires françaises et alliées, apparaît comme un « îlot de stabilité dans une région en ébullition ». Sur le plan économique, les autorités gouvernementales djiboutiennes déplorent que leur pays ne figure point sur la liste des 14 pays prioritaires, établie par la France en termes de coopération et d’aide au développement. Outre les effets désastreux de cette liste, rappelons que, sur la période 2006-2010, l’Agence Française de Développement (AFD) a engagé près de 70 millions d’euros à Djibouti en faveur de la santé, de l’éducation, de l’environnement et du développement urbain. Le chemin de fer Djibouto-Ethiopien, construit par la France au début du siècle dernier, représente par ailleurs un projet économique d’importance. Depuis la perte du débouché maritime via l’Erythrée, le trafic portuaire de la région passe désormais par Djibouti qui de31

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Hélène Conway, née le 13 septembre 1960 à Bône (Algérie), est une enseignante et femme politique française, membre du Parti socialiste, élue sénatrice des Français de l’étranger le 25 septembre 2011 sur la liste « La France est notre pays, le monde est notre avenir » présentée par le PS et EELV qu’elle menait. Avec Jean-Yves Leconte, elle est au sénat depuis le 25 septembre 2011 pour un mandat de six ans.

d’opérateurs. Un groupe de 150 personnes est ainsi endetté à hauteur de 90 milliards sur les 150 milliards qui représentent la dette irlandaise. Les banques ont largement encouragé cette bulle immobilière en prêtant l’argent qui rentrait non dans des liquidités mais restait bloqué dans un seul secteur. Elles sont aussi coupables d’avoir investi non plus sur ce qui pouvait rapporter dans le long terme mais sur des gains spéculatifs. Pendant une décennie cela a marché quand l’immobilier prenait de la valeur. Aujourd’hui le crédit est bloqué à cause de la crise de confiance et les banques, malgré leur recapitalisation par l’Etat, préfèrent garder leur capital pour se protéger des crédits toxiques. Les remèdes existent mais ils ont besoin d’une volonté politique forte pour les porter. Pour que l’économie avance il faut certes créer des mécanismes incitatifs sur le plan fiscal . Il faut cependant savoir les contrôler. Jusqu’à 290 000 personnes - sur une population de 2 millions d’actifs - travaillaient dans le secteur immobilier jusqu’en 2009. On réalise alors facilement que son effondrement ait touché de plein fouet tous les secteurs de l’économie. Il faut aussi savoir éviter la surchauffe du marché. Concentrer tous les revenus sur un seul domaine fragilise l’Etat et crée une dépendance qui est malsaine. Toutes les mesures prises récemment par le gouvernement irlandais vont dans le sens de la diversification des investissements notamment dans les énergies renouvelables, l’agriculture, la recherche.

> France Magazine : Comment analysez-vous la crise qui a frappé de plein fouet l’Irlande et, selon vous, quels remèdes faut-il proposer pour éviter que ce phénomène ne se reproduise pas ? Hélène Conway : La crise irlandaise est essentiellement une crise due au surendettement privé des Irlandais, notamment quant aux dépenses liées à la surévaluation des biens immobiliers. Pendant le boom économique les dépenses publiques ont aussi grandi trop vite pour ce petit pays, ce qui a ajouté une dette publique à la dette privée. Tout allait pour le mieux quand les rentrées d’argent étaient importantes grâce aux taxes sur les transactions. L’Irlande n’a pas de taxes foncières ni de taxes d’habitation. Avec l’effondrement du marché immobilier il n’y a plus de revenus et la crise ne permet pas d’introduire de nouveaux impôts. Cette dette est cependant concentrée entre les mains d’un nombre limité FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

Lors de la préparation d’une présentation dans les bureaux permanents du parlement européen à Dublin.

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En France, 75 000 femmes sont violées chaque année, 200 femmes sont violées par jour, 1 femme est violée toutes les 7 minutes. Il ne s’agit pas seulement d’une somme de crimes isolés, à classer dans les faits divers, mais une marque que notre société reste profondément inégalitaire dans les relations femmes-hommes. La crise a forcé le nouveau gouvernement à légiférer afin d’arrêter les abus des banquiers et des promoteurs à la recherche de profits faciles sans qualité mais sans arrêter l’esprit d’entreprise du pays. On voit qu’au Canada les banques sujettes à des contrôles strictes n’ont pas couté un dollar à l’État. On pourrait commencer en Europe par éviter les conflits d’intérêts entre les banques d’épargne et les banques commerciales. Elles n’ont pas le même rôle et elles devraient s’en tenir à leur fonction sans chercher à toutes tirer profit de la spéculation. Enfin, le système démocratique dans lequel nous vivons permet aux peuples, je pense aux Islandais et aux Irlandais, de prendre les décisions que les politiques qu’ils ont amenés au pouvoir sont incapables de prendre. Les Irlandais se sont débarrassés du parti responsable de la crise et ont mis fin à la perméabilité trop évidente entre le monde politique et financier. Les exemples sont nombreux qui prouvent le sentiment d’immunité de la part de ceux qui prenaient des risques démesurés parce qu’ils se sentaient protégés par leurs amis politiques. Plus ils grandissaient en puissance plus les risques étaient grands. Aujourd’hui le contribuable répare leurs erreurs. Le mélange pouvoir, politique et argent est un cocktail dangereux. > FM : Tête de liste de l’ADFE (Gauche) vous siégez pour la première fois dans la Haute Assemblée. Vos premières impressions ? HC : JJe suis agréablement surprise par l’organisation du sénat où chacun semble connaitre parfaitement le rôle qui lui incombe et l’exerce de façon très professionnelle. Pour moi c’est un lieu de réflexion et de débats qui sont favorisés par l’environnement dans lequel nous travaillons. Je trouve d’autant plus symbolique de devenir sénatrice dans une assemblée où la gauche est enfin majoritaire. Je suis particulièrement heureuse que la liste que je conduisais ait participé à ce grand mouvement national. Être élue c’est vouloir changer les choses. Il n’y a que dans la majorité que l’on puisse le faire pleinement. C’est à cela que j’entends m’employer pour les années à venir.

Dans la cour de la rue de Solférino.

> FM : Si l’on en juge par les événements récents, 75 000 Femmes par année sont victimes de viols en France. 1 200 condamnations sont seulement prononcées. Quelles solutions juridiques 33

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préconisez-vous afin que cette tâche honteuse s’amenuise pour ne pas dire disparaisse de notre pays ? Qu’est-ce qui pourrait encourager les victimes à déposer plainte plus souvent ? HC : En France, 75 000 femmes sont violées chaque année, 200 femmes sont violées par jour, 1 femme est violée toutes les 7 minutes. Il ne s’agit pas seulement d’une somme de crimes isolés, à classer dans les faits divers, mais une marque que notre société reste profondément inégalitaire dans les relations femmes-hommes. Au delà des histoires individuelles, le viol est avant tout un fait de société, un crime où l’on réussit souvent à faire croire que c’est la victime qui est coupable, et non l’agresseur. Sous l’effet de la peur, de la pression de l’entourage, de la volonté d’oublier, une majorité de victimes ne portent pas plainte. Nous devons dénoncer la stigmatisation des victimes de viol qui doivent trop souvent affronter dénégations, accusations et rejet. Elles doivent être entendues sur ce qu’elles ont subi. Les agresseurs doivent être jugés et condamnés. Je crois fermement au rôle de l’éducation et il est urgent de débloquer des moyens financiers et humains pour des politiques d’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge. C’est un moyen fondamental pour faire reculer les préjugés sexistes qui perdurent dans la société française. L’expérience suédoise d’éducation à l’égalité des sexes peut nous servir de référence. Nous devons aussi encourager les actions visant à faire évoluer les mentalités (cf. idées reçues sur les victimes de viol, la honte doit changer de camp). Nous serions aussi bien inspirés de prendre exemple sur l’Espagne, où le gouvernement a fait preuve d’une véritable volonté politique pour lutter contre les violences faites aux femmes par la mise en place notamment d’un dispositif de protection policière pour assurer l’éloignement de l’agresseur. Enfin, pour clore le volet « Prévention » la formation des services de police doit être encouragée pour garantir des structures où la parole des victimes est prise au sérieux afin d’inciter et d’encourager celles-ci à porter plainte. Le dispositif législatif actuel permet aux victimes de crimes ou de délits d’engager une procédure pénale contre l’auteur de ces faits, par un dépôt de plainte. Elles

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sont aussi victimes d’un préjudice dont l’agresseur est responsable, et qui peut être indemnisé dans une procédure civile. L’article 2270-1 du code civil prévoit que la victime peut agir en responsabilité civile (c’est-à-dire réclamer des dommages et intérêts à l’auteur des faits) pendant 10 ans à partir de la manifestation du dommage (lié au viol ou à l’agression sexuelle subi) ou de son aggravation. La loi Guigou a porté ce délai à 20 ans lorsque le dommage est causé par des tortures, des actes de barbarie, des violences ou des agressions sexuelles commises à l’encontre d’un mineur. Des peines plus lourdes peuvent être dissuasives, mais il me semble qu’une action forte au niveau de la prévention pourrait durablement porter ses fruits. > FM : Ancienne auditrice de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, vous envisagez de devenir membre de la Commission des Affaires Etrangères et de la Défense et des Forces Armées. Comment espérez-vous vous faire entendre et sur quels sujets particuliers aimeriezvous vous exprimer en premier lieu ? HC : En matière de politique étrangère, tous les sujets semblent importants dans un monde qui semble de plus en plus instable et imprévisible. Il nous faut réagir vite sur certains dossiers mais sans précipitation afin d’éviter de commettre de graves erreurs. Notre diplomatie s’appuie, entre autre, sur la qualité de nos rapports avec les pays. Je crois en l’importance de la diplomatie d’influence qui passe par une présence française de qualité. La capacité d’influence des enjeux culturels est devenue centrale au niveau mondial. Ces enjeux répondent à trois obligations. La première est d’ordre éthique puisqu’il s’agit de contribuer au devenir du monde en participant à la construction du savoir et des idées, au débat sur les grands choix de l’avenir. La deuxième est d’ordre stratégique. La signature de contrats commerciaux est souvent influencée par l’attachement culturel et intellectuel que l’on a avec le pays. La troisième est d’ordre écologique. On ne peut plus faire confiance au marché pour assurer la diversité culturelle et linguistique car il existe sur le fond un conflit entre efficience et diversité. Notre politique doit répondre aux priorités suivantes : prendre part au débat mondial des idées, contribuer à la stabilité et à la paix, participer à la construction européenne, développer la francophonie et renforcer pour ce faire notre présence dans le paysage audiovisuel mondial. Nous devons réaffirmer la vocation du réseau et la double mission d’enseignement français à vocation universelle et de diplomatie d’influence. Notre réseau consulaire, culturel et d’enseignement ont longtemps rempli cette fonction et il faut regretter que les coupes budgétaires successives et le désengagement progressif de l’Etat aient lentement érodé ce bel outil. Je m’attacherai à la défense de nos réseaux. La France a certainement un rôle important à jouer sur la question du suivi de l’émergence démocratique en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Les questions re-

latives à l’évolution du couple franco-allemande dans un contexte de crise européenne où seul l’approfondissement de l’intégration européenne permettra de la surmonter ainsi que la question de l’évolution des rapports franco-américains resteront certainement d’actualité. Enfin, en ce qui concerne la problématique dissuasion versus défense anti missile (DAMB) un excellent rapport parlementaire (Sénat) est paru cet été sur le sujet. Il conclut que dans ce domaine, la réflexion française a été très longue à se mettre en place car nous avons opposé la dissuasion à la DAMB. Aujourd’hui, au sein de l’OTAN, nous semblons pris au piège. En effet, nous sommes forcés d’accepter un système de contrôle et de commandement et, en même temps, nous devons acquérir l’équipement comme les missiles intercepteurs, par exemple. Soit nous les achetons, soit nous les fabriquons. Dans les deux cas, cela va coûter cher et risque fort de siphonner les crédits d’équipement au profit de la défense anti missile. Il y a donc urgence à se prononcer sur une vraie

Sous l’Arc de Triomphe.

À Bamako avec des apprentis en bâtiment.

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stratégie qui consisterait par exemple à opter pour une solution nationale en coopération avec un autre pays européen. Cela pourrait être un moyen de renforcer le couple franco-allemand. À l’issue des élections de 2012, et avec le retrait de nos troupes d’Afghanistan, la France voudra-t-elle garder une place importante dans le domaine de la défense compte tenu de l’état de nos finances publiques ? Sur ce point encore soit nous décidons d’abdiquer toute velléité de jouer un rôle et nous nous transformons en Suisse, sans les coffres-forts, soit, pour peser, il nous faut trouver un moyen qui passera forcément par des accords bilatéraux (franco-britanniques par exemple), Otan, PSDC... C’est à mon avis là le plus gros défi : quelles doivent être nos ambitions pour la France compte tenu de notre dette, notre place relative par rapport aux émergents et nos problèmes de société ? 34


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Christiane Kammermann a été élue Sénateur en septembre 2004. Les Français établis hors de France viennent de lui renouveler leur confiance pour 6 années supplémentaires.

nous faut poursuivre nos efforts. Je suis personnellement fière de l’action conduite par le Président Nicolas Sarkozy y compris envers les Français établis hors de France. La France est fidèle à sa vocation. Il est quelques priorités que je souhaiterais mettre en exergue ; • revaloriser l’enseignement professionnel, ce qu’a très bien commencé notre Ministre de l’éducation nationale Luc Chatel. • Assurer la sécurité des Français de l’étranger dans le monde. Sujet des plus importants aujourd’hui et prioritaire pour les Français établis hors de France. Que toutes les mesures prises (déjà excellentes) soient revues, affinées, augmentées et financées • Une justice plus responsable, en particulier pour les Françaises victimes à l’étranger de maltraitances et d’injustices. • Accompagner nos aînés en créant des maisons appropriées à leur état, où régnerait le confort, la présence, la serviabilité, le réconfort, l’écoute de chacun, la gaité, l’espoir et des soins donnés avec amour. Cela manque cruellement malheureusement. • Sauvegarder notre système de retraite. • Faciliter le logement des étudiants français de l’étranger lorsqu’ils reviennent en France. • Mettre fin à la discrimination qui touche les bi-nationaux qui effectuent leurs études à l’étranger et qui voulant faire une spécialisation en France reçoivent systématiquement une fin de non recevoir. > FM : Vous êtes Présidente de la Commission des Finances et de Contrôle de la Caisse des Français de l’Étranger et Administrateur au sein du Conseil d’Administration. Pourriez-vous nous éclairer sur vos activités et réalisations au sein de cette institution vitale pour les expatriés ? CK : Depuis de nombreuses années, je travaille pour la CFE. Je fus d’abord administrateur à la Commission des Affaires sanitaires et sociales, et à présent, j’occupe le poste de Président de la Commission des Finances et de Contrôle. Voici en quelques mots en quoi consiste ma mission. Il faut savoir que La Caisse des Français de l’Étranger est dotée d’un Conseil d’administration composé de vingt et un membres. Celui-ci désigne en son sein plusieurs commissions, et notamment la Commission financière et de contrôle dotée d’une présidence particulière. Cette Commission constitue une force centrale de propositions auprès du Conseil d’administration pour le développement et la pérennité du régime des expatriés. Ainsi ses principales missions recouvrent : • le contrôle des opérations financières et comptables : sur sa proposition, le Conseil d’administration arrête les comptes ; • le suivi des grands équilibres des gestions techniques sur la base de l’analyse approfondie des données statistiques et du contrôle interne ; • la surveillance de l’évolution des paramètres bilanciels, des provisions techniques, des réserves et, plus

> France Magazine : Vous allez de nouveau représenter nos compatriotes au Sénat. Quelles sont les priorités que vous souhaiteriez mettre en exergue au cours de cette prochaine mandature ? Christiane Kammermann : Représenter nos compatriotes résidant à l’étranger au Sénat est un grand honneur et aussi une grande responsabilité. Il s’agit également d’un engagement envers les élus, nos conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. La France subit actuellement une crise très dure, mais il 35

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daction d’un rapport à deux parlementaires, Mmes Collot et Joissains. Remis en novembre 2010, il confirme la nécessité temporaire du moratoire pour limiter la mesure aux classes de lycée et il préconise en outre de plafonner les montants accordés au niveau des tarifs 2007/2008. L’article 141 de la LFI 2011 (issu d’un amendement sénatorial) prévoit le plafonnement de cette PEC par décret, ce qui a été fait le 9 mai 2011.

largement, de la solvabilité du régime ; • l’examen des propositions d’aménagements techniques et des mesures relatives au financement. > FM : Membre titulaire de la Commission Nationale des Bourses, vous avez défendu les propositions des Conseillers AFE, membres des Commissions locales des Bourse. Dans le cadre financier qui nous est imposé par les restrictions budgétaires, pensez-vous pouvoir à l’avenir défendre nos positions avec toujours le même succès ? CK : Il est évident que je vais continuer à défendre notre position car on ne peut s’arrêter au milieu du chemin. Les informations que je vais vous livrez sont un peu techniques, mais nécessaires à la bonne compréhension de mon travail à la Commission Nationale des Bourses. Avec 118 M€ en 2011 (soit une augmentation de plus du double de la dotation sur le programme 151 entre 2007 et 2011), l’aide à la scolarité constitue un effort considérable en faveur de nos compatriotes : ce sont aujourd’hui 31.000 élèves français, soit près de 28% des élèves français du réseau qui bénéficient d’une aide à la scolarité. Aux bourses scolaires sous conditions de ressources créées il y a plus d’un demi-siècle (et dont le montant a augmenté de 50% entre 2007 et 2011), s’ajoute depuis 2007 la mesure de prise en charge (PEC) pour les élèves de seconde, première, et terminale. Le décret du 9 mai 2011 a déterminé les plafonds de cette prise en charge sur la base des tarifs 2007/2008 (pour un coût de 33,7 M€ en 2011), ce qui crée un différentiel entre les frais réels et ceux pris en charge. Les familles qui se trouveraient alors en difficulté peuvent demander une bourse. Le décret prévoit un éventuel réajustement annuel dont les modalités seront étudiées avec le ministère du Budget. La commission nationale des bourses se tiendra comme à son habitude à l’AEFE au mois de décembre pour poursuivre la mise en œuvre de la politique décidée par le Gouvernement. À titre de rappel : Le Président de la République s’était engagé avant son élection « à introduire la gratuité » au bénéfice des élèves français scolarisés dans le réseau des établissements français à l’étranger. Après son élection, lors de différents déplacements à l’étranger, le Président a évoqué l’extension de cette mesure jusqu’à la maternelle. Cette prise en charge s’adresse à tous les élèves français sans condition de ressources. Sa mise en œuvre a été progressive : classes de terminale en 2007/2008, de première en 2008/2009 et de seconde en 2009/2010, son coût passant de 1,9 M€ en 2007, à 8,8 M€ en 2008, 19,9 M€ en 2009 et 31,3 M€ en 2010. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, dès l’automne 2008, le Parlement s’est interrogé sur la soutenabilité budgétaire de ce dispositif. Le principe d’un moratoire après la seconde a alors été inscrit dans la LFI 2009 assorti de la nécessité d’une évaluation du dispositif. Ainsi, le Président de la République a confié la ré-

> FM : L’insécurité au Moyen-Orient, vous connaissez ! Tous nos compatriotes résidant au Liban le savent bien. Vous les avez représentés avec panache, en temps de guerre comme en temps de paix. Avez-vous gardé des attaches avec ce pays ? CK : Concernant l’insécurité au Moyen Orient, chaque pays est spécifique. Pour l’instant, en Lybie la situation est précaire et aléatoire. La plus grande confédération tribale, les « ourfalas » soutient encore l’ancien régime. En Egypte, l’armée a repris en main la situation sur le terrain, qui ne représente

Assurer la sécurité des Français de l’étranger dans le monde, sujet des plus importants aujourd’hui et prioritaire pour les Français établis hors de France. Que toutes les mesures prises (déjà excellentes) soient revues, affinées, augmentées et financées. plus de risque majeur. En Syrie, malgré tout ce qu’on lit et entend, les deux villes qu’il faut absolument éviter sont Homs et Hama. En revanche, actuellement dans les autres villes du pays tout est redevenu normal, sauf le vendredi à l’heure de la prière. À Beyrouth, actuellement, hors région, la ville est sous le contrôle du Hezbollah. Il est évident que j’ai gardé de nombreuses attaches avec le Liban, car j’y ai vécu et ai subi la guerre comme les Libanais. J’y ai beaucoup d’amis très sincères, beaucoup de personnes que j’ai connues durant mes mandats de délégué au CSFE et de Président de l’UFE, qui très reconnaissantes, après de nombreuses interventions restent fidèles et me conservent des liens très amicaux. J’ai encore dans ce pays beaucoup de relations politiques très utiles, étant vice-présidente du groupe d’amitié France-Liban. > FM : En tant que Vice-Présidente de la Délégation aux Droits des Femmes, vous portez une attention particulière aux cas de violences faites aux Femmes. En pratique, comment leur venez-vous en aide ? CK : Les cas de violence envers les femmes, ne faiblisFRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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sent pas, comme l’a notamment prouvé une enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France. C’est pourquoi ce sujet, qui traverse la plupart des thèmes abordés par la délégation, que ce soient les mariages forcés, la dissimulation du visage dans l’espace public, la prostitution... est une préoccupation majeure de notre délégation depuis sa mise en place en 1999. Si la délégation aux droits des femmes n’a pas vocation à examiner les cas individuels de femmes victimes de violences, elle mène en revanche une action essentielle consistant à : • améliorer la législation visant à prévenir les violences et protéger les femmes qui en sont victimes ; • contrôler l’application de ces lois et attirer l’attention du Gouvernement sur les carences des dispositifs existants ; • soutenir l’action des associations qui agissent sur le terrain. Je vous dirai un mot sur chacune de ces actions ; 1. La délégation aux droits des femmes contribue à améliorer la législation visant à prévenir les violences et protéger les femmes qui en sont victimes Saisie des projets et propositions de loi concernant les droits des femmes, la délégation propose, après un examen précis et documenté, des modifications des dispositifs existants ou mis en place.

Les violences faites aux femmes est un sujet qui traverse la plupart des thèmes abordés par la délégation, que ce soient les mariages forcés, la dissimulation du visage dans l’espace public, la prostitution... est une préoccupation majeure de notre délégation depuis sa mise en place en 1999. C’est ainsi que, l’année dernière, saisie de deux propositions de loi visant à améliorer la prévention des violences faites aux femmes, renforcer la protection des victimes et adapter la loi pénale à la spécificité des violences au sein des couples, la délégation a formulé dix recommandations tendant notamment à mieux prendre en considération les enfants témoins de violences, faciliter l’accès à l’emploi des victimes de violences conjugales et améliorer la prévention. 2. La délégation contrôle l’application de ces lois et attire l’attention du Gouvernement sur les carences des dispositifs existants Chaque année, notre délégation suit avec attention l’évolution des crédits consacrés, par le projet de loi de finances, à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, inscrits au programme 137 de la mission inter37

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ministérielle « solidarité, insertion et égalité des chances ». En 2010, la présidente a alerté la commission des finances du Sénat sur les conséquences de la baisse de 5,9 % à périmètre constant des crédits d’intervention en faveur des droits des femmes. Anticipant l’amendement envisagé par la commission des finances du Sénat, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui a permis d’augmenter de 2,5 millions d’euros les crédits consacrés à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous maintenons une vigilance constante au sein de notre délégation. 3. La délégation soutient l’action des associations qui agissent sur le terrain Enfin, en relation avec les acteurs de terrain, la délégation maintient un dialogue permanent et constructif avec les associations qui prennent en charge les victimes et mettent en œuvre le dispositif d’aide et d’accueil des femmes victimes de violences. Contribuant à rendre leur action visible et à en augmenter l’efficacité, la délégation organise des colloques et des manifestations qui permettent aux différents acteurs de dialoguer. Ainsi, le 8 mars 2010, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, un colloque consacré aux « mariages forcés et aux crimes dits d’honneur » a permis à des chercheurs, à des responsables associatifs, aux représentants du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères engagées dans la lutte en faveur du droit des femmes, de confronter leurs points de vue sur la réalité de ces pratiques et d’engager, avec les membres de la délégation, un dialogue sur les moyens de la contrer et d’apporter un soutien à ceux et à celles qui en sont les victimes (rapport d’information n° 408, 2009-2010 de Mme Michèle André sur Les mariages forcés et les crimes dits d’honneur). Ce développement est un peu long, mais nécessaire quand on sait à quel point ce sujet des violences faites aux femmes est crucial et si l’on garde en mémoire qu’en France tous les 2 jours et demi, une femme meurt, victime de cette violence exacerbée.


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Entretien avec… bicaméral dont chaque chambre dispose d’une légitimité indépendante.

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Jean-Yves

> FM : Depuis 1994, vous représentez nos compatriotes en Pologne, Albanie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Hongrie, Macédoine, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie & Yougoslavie. Pour beaucoup de ces nations, elles oeuvrent récemment ou prochainement au sein de l’Union Européenne. Percevez-vous dans ces pays un progrès social et une progression du pouvoir d’achat ? J-Y.L. : La circonscription sur laquelle j’ai été élu en 1994 couvrait à cette période l’Europe centrale et orientale ainsi que l’ex-Union Soviétique. Un redécoupage en 2000 l’a en partie découpée en deux, séparant d’un côté la Russie avec les républiques du Caucase et d’Asie centrale et, de l’autre, l’Autriche, l’ancienne Yougoslavie, l’Albanie les anciens états du Pacte de Varsovie ainsi que les États baltes. Certains pays ont vécu des drames affreux, en Bosnie, au Kosovo, en Moldavie, en Géorgie ou en Russie - je parle ici de la Tchétchénie -. Ces drames ont aussi atteint nos compatriotes vivant dans ces pays. D’autres pays ont réussi à se transformer de manière impressionnante, parvenant au cours de ces 20 dernières années à réaliser des rattrapages importants en termes de conditions et de niveau de vie. Ainsi, les pays qui sont entrés dans l’Union Européenne en 2004 et 2007, l’Albanie et certains des états issus de la Yougoslavie ont été le terrain de ces progressions. Malheureusement, la crise financière qui frappe le monde occidental depuis 2008 a rattrapé ces pays. Par exemple, la Hongrie et la Roumanie, qui croyaient à la magie du marché pour progresser et rattraper le niveau de vie occidental, n’ont pas su gérer les retombées de leur croissance ni conduit les réformes structurelles indispensables. Ces pays et leur population en paient aujourd’hui, malheureusement, le prix. La Pologne, elle aussi, a probablement vécu ses meilleures années entre 2004 et 2011. La crise aujourd’hui n’épargne personne. Ce que nous avons vécu ces dernières années, celles où, d’une génération à l’autre, le niveau de vie, les aspirations progressaient, est probablement terminé sans des réformes systémiques, s’appuyant sur une stricte régulation des marchés, auxquels ces pays ne se sont pas préparés.

Leconte

> France Magazine : Jean-Yves Leconte, vous allez sur vos 45 automnes. Vous êtes élu depuis 17 ans à l’Assemblée des Français de l’Étranger. Né à Paris, vous venez de rejoindre votre collègue Hélène CONWAY à la Haute Assemblée, où vous siègerez aux côtés de Richard YUNG et Claudine LEPAGE sur les bancs de la gauche parlementaire au Sénat. Votre sentiment ? Vos premières impressions ? Vos souhaits ? Jean-Yves Leconte : Mon sentiment est d’abord celui de la satisfaction d’être parvenu à l’objectif que je m’étais fixé. Mais il a rapidement fait place à celui de la responsabilité d’arriver au Sénat et d’y exercer un mandat dans une période de profonde crise économique et sociale en Europe. Situation aggravée en France par une crise politique et morale issue d’un mélange des genres entre pouvoir exécutif et judiciaire, mélange pratiqué par la majorité actuelle pour se protéger. La semaine qui a précédé le vote du 25 septembre était de ce point de vue particulièrement accablante. Être élu au Sénat en participant à la création d’une nouvelle majorité politique renforce l’enjeu des élections de 2012. Cela nous oblige à réformer cette institution pour que son rôle soit mieux compris par la population et son fonctionnement plus transparent. La volonté d’alternance qui monte aujourd’hui dans le pays constitue pour notre nouvelle majorité sénatoriale une lourde responsabilité. Faire que la chambre haute du parlement s’exprime de manière totalement autonome du pouvoir exécutif de l’Assemblée nationale souligne l’intérêt d’un parlement

> FM : Sachant que ce qui va suivre, vous tient particulièrement à cœur ; je tiens à vous rassurer, vous n’êtes pas le seul, à gauche comme à droite, d’ailleurs. Est-il déraisonnable dans un avenir relativement proche, d’envisager une Assemblée des Français de l’Étranger avec voix délibérative ? Un véritable Statut du Conseiller, analogue à celui des Conseillers Territoriaux ? Avec l’élection de son propre Président et de son propre budget ? Et, en finalité, Son rattachement à Matignon ? FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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poser la question de l’impôt européen. Que ce soit pour le fonctionnement des politiques européennes que pour répondre aux besoins de financement et de soutien de certains états de la zone Euro, je crois que chaque citoyen européen, chaque entreprise européenne doit être égal face aux risques pris et aux efforts demandés. Le financement de l’Union, comme le remboursement des éventuelles euro-obligations devrait se faire de manière égale par l’ensemble des citoyens et entreprises de l’Union. Il ne peut se faire par l’intermédiaire des Etats membres, établissant ainsi des discriminations entre les Européens, suivant les politiques fiscales suivies par les Etat-membres. Le refus actuel du Conseil Européen d’aller dans cette direction explique tous les blocages rencontrés pour trouver des solutions à la crise. Cela impose donc de travailler à un impôt européen qui financerait les politiques menées et les risques pris en commun. Cet impôt, comme la capacité à prendre ou non un risque, devant être discuté au niveau du Parlement européen, qui ne peut rester spectateur des décisions du Conseil européen. C’est ainsi que se décide une politique fiscale dans un espace démocratique et l’Europe ne saurait y faire exception.

J-Y.L. : Jean-Pierre Bel, le nouveau président du Sénat a annoncé lors de son discours d’investiture la convocation d’États généraux des élus locaux pour préparer une réforme des territoires comprise par le plus grand nombre et préparée en concertation avec l’ensemble des acteurs. Je lui ai rapidement envoyé un courrier où je souligne « dans le mouvement de décentralisation et de réorganisation des territoires que la gauche devra lancer après la victoire de 2012 et que les États généraux que tu as proposés doivent préparer, il convient de ne pas oublier nos compatriotes de l’étranger. Le contexte, les enjeux sont différents mais dans les deux cas il s’agit du même principe qui consiste à permettre aux élus de proximité d’exercer des responsabilités opérationnelles ». Cette transmission de compétence non régalienne à une Assemblée des Français de l’étranger rénovée, avec un découpage plus représentatif de la population française à l’étranger et une élection se déroulant en même temps que des élections locales en France est une priorité. Je souhaite y travailler en « accrochant » cette réforme à la nouvelle étape de la décentralisation que la gauche devra très rapidement mener dès l’été 2012. Les domaines de compétence doivent être l’action consulaire, l’action sociale, l’aide à l’emploi et l’accès à la scolarité française ou en français. Une autre de mes priorités est de parvenir à mieux conjuguer expatriation et citoyenneté européenne. Eston encore tout à fait un expatrié dans l’Union européenne ? Pourquoi ? Que faut-il faire pour que cela

> FM : Vous siégez à la Commission des Lois. J’aime le droit disait Lacordaire, parce qu’il est au service de l’Homme. « Quand il y a un fort et un faible, c’est le droit qui libère et la liberté qui opprime.» Quels sujets aimeriez-vous aborder ?

évolue ? Comment mieux répondre aux besoins convergents des européens vivant hors de l’Union européenne en termes de sécurité, de besoin de proximité avec des services consulaires ? Voilà des questions qu’il convient de se poser.

J-Y.L. : Les raisons qui ont motivé mon souhait d’aller à la Commission des Lois sont les questions liées à l’exercice de la Nationalité, les questions d’immigration, les questions européennes ainsi que celle de la réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger. En tant que Français vivant à l’étranger nous sommes souvent porteurs d’un pluriculturalisme mal appréhendé en France alors que nous vivons notre nationalité dans notre cœur, dans notre manière d’être plutôt que par la terre, que la question de l’immigration est une question “miroir” de celle de notre condition de Français à étranger. Je crois que je peux apporter à cette commission un point de vue un peu différent de ce que l’on entend généralement en France. Un point de vue utile aux Français de l’étranger, mais aussi à notre pays, qui doit se transformer et mieux prendre conscience de ses atouts. PROPOS RECUILLIS PAR SERGE CYRIL VINET

> FM : Centralien, vous étiez à la tête de votre entreprise. A votre avis, quelles mesures fiscales, l’Europe doit-elle prendre pour tenter d’apporter une uniformité dans ce Continent ? J-Y.L. : Le risque que nous avons pris en faisant l’Union monétaire sans avoir eu le courage d’assumer ce que cela signifiait en termes de finalité fédérale de la construction européenne, pourrait bien être un risque mortel. J’espère que nous parviendrons à échapper au pire. Cela conduit aujourd’hui logiquement certains à se 39

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Genève Poursuivons notre découverte de la Genève insolite et secrète grâce au Guide que vient de publier Christian Vellas aux Éditions Jonglez. Nous avons déjà présenté cet ouvrage dans les No 30, 31, 32, 33 et 34 de France Magazine. Voici encore deux sujets étonnants choisis dans la centaine que compte ce Guide : cette fois, allons faire un tour dans la campagne, qui recèle également maintes surprises. Vous croyiez connaître Genève et son canton ? Laissez-vous surprendre !

Pourmieux “voir”

Genève

(SUITE)

LE CHÂTEAU DE DARDAGNY ET LE CAPITAINE FRACASSE : QUEL EST LE VRAI DÉCOR DÉCRIT PAR THÉOPHILE GAUTIER ? u début de son Capitaine Fracasse, Théophile Gautier décrit longuement le château de la Misère, propriété délabrée de son héros le baron de Sigognac. A-t-il pris pour modèle le château de Dardagny ? C’est la thèse la plus communément admise. Or, si le manoir de Dardagny a effectivement inspiré Théophile Gautier, ce serait plutôt pour peindre un second château apparaissant bien plus loin dans le roman. Ce château est celui de Bruyères, appartenant dans le livre à un opulent marquis. Une lecture attentive du texte fait en effet pencher pour cette interprétation. Théophile Gautier décrit ainsi le château de Bruyères : « Quatre colonnes couplées d’ordre rustique, aux assises alternativement rondes et carrées, supportaient une corniche blasonnée aux armes du marquis et formant la plate-forme d’un grand balcon à balustrade de pierre, sur lequel s’ouvrait la maîtresse fenêtre du salon… Les cadres de fenêtres étaient taillés dans une belle pierre blanche et des linteaux de même matière accusaient la division des étages… » Ces éléments sont quasiment ceux de la façade du château de Dardagny (voir photo). Et même si Théophile Gautier a brodé ensuite – il parle de trois étages alors qu’il n’y en a que deux et ajoute des détails qu’on ne retrouve pas – la comparaison entre les deux manoirs décrits dans Le Capitaine Fracasse fait pencher nettement la balance : le château de Dardagny n’est pas le misérable château de la Misère, mais bien celui du fastueux château de Bruyères… Pour les sceptiques, soulignons encore que le château de la Misère a dans le roman douze fenêtres seulement

en façade contre trente-deux à Dardagny, et deux tours rondes alors que celles du château genevois sont carrées. Certes, l’exactitude n’était sans doute pas le premier souci de Théophile Gautier, et il a probablement mélangé les descriptions de plusieurs châteaux pour mettre en scène les exploits du Capitaine Fracasse… Théophile Gautier fit de nombreux et longs séjours à Genève, chez sa maîtresse Carlotta Grisi, une danseuse italienne mariée à Jules Perrot. Il épousera sa sœur, Ernestine, pour ne pas être séparé de Carlotta. La villa de Carlotta Grisi, dans le quartier de Saint-Jean, n’existe plus. Sa tombe est au cimetière de Châtelaine.

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Le château de Dardagny n’est pas celui de la Misère dans le capitaine Fracasse. En médaillon : Théophile Gautier.

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LES DERNIÈRES CAPITES GENEVOISES utrefois, les capites étaient construites au centre des grands vignobles genevois quand les villages étaient trop éloignés. Elles servaient de point de ralliement aux viticulteurs pour se restaurer où s’abriter des intempéries. Une table, quatre chaises, une paillasse, composaient l’essentiel de l’ameublement. On y entreposait aussi le matériel et les outils. Certaines étaient de véritables petites maisons à un étage, dominant un océan de vignes. Ces témoins d’un temps où seul le travail manuel permettait l’entretien du vignoble sont parfois remarquables. Au point que certaines capites ont été classées. Ainsi celle du chemin de Verbant, sur la commune de Bardonnex (La Croix-de-Rozon), exceptionnelle par son toit à quatre pans, avec deux poinçons, et ses encadrements de fenêtres en molasse. Elle porte la date de 1773. Mais la plus belle, également édifiée au 18e siècle, s’élève dans les vignes de Bourdigny. C’est une maison de poupée, avec son balcon et ses volets peints au vert sulfate. Le passant ne l’approche pas, respectueux du vignoble, et se contente de l’admirer et de la photographier de loin.

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La capite de Bardonnex date de 1773.

La capite, qu’est-ce ?

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Ces abris de vignerons étaient communs à la plupart des régions viticoles. On les nomme « capite » dans l’arc lémanique, mais « guérite » en Valais, « cabotte » en Bourgogne, « cabole » dans le Beaujolais, « ciabotte » en Ligurie… On trouve de nombreuses « capitelles » dans la région nîmoise, construites en pierre sèche, où elles servaient aussi de cabane dans les petites parcelles de vigne conquises sur la garrigue aux 18e et 19e siècles.

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Une merveilleuse maison de poupée, aux volets vert sulfat.

CHRISTIAN VELLAS


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Vieilliren

s’épanouissant

Garder un regard positif sur la vie et apprendre à accepter certains changements : voilà la recette idéale pour vieillir de la meilleure des façons, du moins si l’on en croit le verdict unanime de huit hommes et femmes de plus de 66 ans qui ont analysé pour nous une brochure sur le sujet.


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Fritz Boss (73 ans) et sa compagne Lisa Fankhauser (67 ans), Hugo Pfeuti (69 ans), Astrid Notz (70 ans), Doris Hauri (66 ans), Jakob Notz (70 ans) et Marc Dinichert (68 ans). Martin Freitag (67 ans) est absent sur la photo. 43

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Humanitaire ls sont ce que l’on appelle des retraités épanouis. Pleins de vie et d’entrain, ils ne se sentent pas du tout bons pour la casse. “Ils”, ce sont huit membres du Club 66+, à Lyss, qui ont accepté de se plonger dans la brochure “Das AIterwerden gestalten” (édition actualisée et récemment publiée - en allemand uniquement - de la brochure “Vieillir en restant autonome”), puis, au cours d’un débat dirigé, de nous donner leur avis sur cette dernière et sur le vieillissement en général. « Plus on prend de l’âge, plus il est important d’entretenir un vaste réseau d’amis, parce que ce cercle va se réduire d’année en année », soutient Doris Hauri. Le Club 66+ est né d’une envie, celle d’organiser régulièrement des activités en commun. Les conditions d’admission sont dans le nom: le club est ouvert à tous les habitants à partir de leur 66e anniversaire. On peut alors s’inscrire à des visites guidées auxquelles on n’aurait pas accès seul ou participer à des excursions qu’on aurait sans doute renvoyées aux calendes grecques sans la dynamique de groupe. « On y rencontre des gens qui ont la même vision des choses, avec qui on peut discuter des joies et des peines du

quotidien. Ça fait du bien », souligne Fritz Boss. De plus, renchérit Astrid Notz, le club permet d’approfondir des relations encore superficielles et donc d’élargir son cercle d’amis.

I

Des retraités hyperactifs « Mais même sans le club , on ne s’ennuierait pas. Notre emploi du temps est toujours plein », précise Lisa Fankhauser. Tous les participants, son compagnon en tête, approuvent : le cliché qui veut que les retraités soient plus stressés que la population active semble finalement bien fondé. « Le problème, c’est que depuis la retraite , je dis souvent oui sans réfléchir. Parce que je pars du principe que désormais, j’ai du temps pour tout », explique Marc Dinichert. Tout le monde s’accorde à dire que le quotidien doit impérativement rester un tant soit peu structuré : « II faut se fixer des règles. Sinon, on risque de reporter les choses indéfiniment, voire de les laisser s’enliser. Mais de temps en temps, il n’est pas désagréable non plus de ne rien planifier du tout et de se consacrer uniquement à ses propres

«Notre agenda est toujours bien rempli.»

Hugo Pfeuti soigne sa forme grâce au tennis.

Lisa Fankhauser enfourche son vélo pour rester en forme et Fritz Boss aime explorer la Suisse à pied.

Doris Hauri apprécie la compagnie de son chien.

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Astrid et Jakob Notz sont proches de leurs petits-enfants.

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loisirs, par exemple en effectuant de longues promenades avec le chien », reconnaît Doris Hauri.

Un ouvrage de référence Mais que pensent nos retraités de la brochure qui est censée les aider, eux qui semblent très bien se débrouiller tout seuls ? Tous ont pris le temps de passer au crible ce guide, né d’une coopération entre Pro Senectute et la Croix-Rouge suisse (CRS). Et si leur jugement ne peut prétendre être représentatif de toute une génération, il y a fort à parier que beaucoup s’y retrouveront pleinement. Martin Freitag trouve la brochure très professionnelle et fort intéressante, et a notamment apprécié les nombreux conseils pour la préparation de la retraite... même s’ils sont arrivés un peu trop tard pour lui. Malgré tout, il dit avoir bien géré cette transition, comme d’ailleurs l’ensemble des participants. Voici, par exemple, comment Jakob Notz décrit le quotidien avec sa femme depuis son départ à la retraite : « Nous nous laissons beaucoup de liberté, nous discutons immédiatement de nos éventuels problèmes et nous avons chacun nos propres activités. » Mais la brochure regroupe aussi des conseils liés à l’âge avancé et aborde les thématiques de la maladie et de la mort. « Elle me servira sans doute d’ouvrage de référence chaque fois que tel ou tel problème apparaîtra », indique ainsi Marc Dinichert. Tous jugent très pratique la liste d’adresses d’organisations et de prestataires à contacter pour toute question liée au vieillissement. Et ce même si « j’ai le sentiment que je n’aurai pas besoin de ce genre de service avant longtemps », comme le souligne Hugo Pfeuti. Comme tout le monde ici, Hugo est malgré tout conscient qu’il devra peut-être un jour faire appel à des prestations CRS telles que le système d’alarme, le service des transports ou le service de visite. « II est bon de savoir qu’il existe ce genre de possibilités. Si, pour une raison quelconque, je devais un jour ne plus être mobile ou me retrouver seule, je n’hésiterais pas à recourir au service des transports ou à l’Alarme CRS », affirme Astrid Notz.

«Je ris parfois de moimême. Souvent, cela m’aide.»

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plus autant de choses qu’aujourd’hui. Pour bien vivre sa vieillesse, il s’agit au contraire de “penser positif”, estime Astrid Notz : « Chaque journée est une nouvelle source de bonheur, même si de temps à autre, le destin se montre cruel. » Fritz Boss y va lui aussi de son conseil : « II faut arriver à accepter que tout ne sera désormais plus aussi immédiat ni, surtout, aussi simple qu’avant. » Pour cela, il importe selon lui d’effectuer un travail sur soi et de positiver les changements. Doris Hauri considère son chien comme un atout précieux : « On fait la connaissance d’autres personnes, on fréquente de nouveaux endroits et on vit bien plus de choses. » Marc Dinichert glisse en souriant que pour sa part, ce qui l’aide au quotidien, c’est de parler avec luimême. Et d’ajouter : « Je ris aussi parfois de moi-même, souvent cela m’aide. À quoi bon s’énerver pour un rien ? » Des paroles de sages bien loin d’être des vieillards. ISABEL RUTSCHMANN PHOTOS : CASPAR MARTIG

Commentaire

Quelques conseils pour bien vieillir Mais pour l’heure, aucun des participants n’a envie de penser au jour où, peut-être, sa santé ne lui permettra Photographe à ses heures, Marc Dinichert voit la nature avec d’autres yeux.

amais nous n’avons eu autant de personnes âgées en bonne santé. À l’abri des soucis matériels, épargnés par les problèmes de santé, les retraités, ou du moins la majorité des actuels 65-75 ans, peuvent envisager leur vieillesse avec optimisme. La vie a offert aux représentants de la fameuse génération du baby-boom plus de possibilités qu’à leurs parents. Aujourd’hui, cela se répercute positivement sur l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. De plus en plus de retraités demeurent actifs et contribuent grandement au bien-être de la société en fournissant un travail bénévole. C’est le cas, par exemple, lorsque des grands-parents - et plus souvent des grands-mères - acceptent de s’occuper de leurs petits-enfants. En Suisse, on estime la valeur de ce travail à 2 milliards de CHF par an. Le volontariat des personnes âgées remplit une double fonction : d’une part, il répond à un besoin grandissant de la société, d’autre part, il aide chacune de ces personnes à donner un sens à sa nouvelle vie sans travail. Tout irait donc pour le mieux si le troisième âge n’avait un autre visage : celui d’hommes et de femmes qui vivent au seuil de la pauvreté ou dans la solitude la plus totale, celui de retraités abîmés par une vie de labeur. Ces personnes, qui n’arrivent plus à satisfaire aux exigences que la société, de plus en plus, impose au troisième âge, sont bien souvent les PAR HILDEGARD oubliées du nouveau discours sur HUNGERBÜHLER l’épanouissement à la retraite. Œuvre ETHNOLOGUE ET d’entraide au service des plus démunis, la GÉRONTOLOGUE AU CRS se doit de prêter une attention toute DÉPARTEMENT SANTÉ ET INTÉGRATION DE LA CRS particulière à ce groupe cible.

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La brochure (en allemand) peut être commandée au prix de 50 CHF auprès de l’éditeur: 043 222 51 50 ou verlag-careum.ch Votre avis : Faites-nous part de vos réflexions sur ce sujet par e-mail à humanite@redcross.ch ou par courrier postal à la rédaction.

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Humanitaire Vieillir n’est pas chose aisée à une époque où tout est axé sur la jeunesse. Cependant, cette nouvelle période de la vie présente également de nombreux aspects positifs. L’éclairage de deux experts, Judith Giovannelli-Blocher et François Höpflinger.

Vieillir Chanceoudéchéance?

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> Mme Giovannelli-Blocher : On vit de plus en plus vieux. Est-ce une chance ou un fardeau ? Judith Giovannelli-Blocher (GB) : Les deux. Une chance, car on aborde une tranche de vie où tout est à inventer, où on peut se réorienter et découvrir de nouvelles possibilités. Mais il s’agit égaIement d’un sacré défi - je ne parlerai pas de fardeau - car il faut composer avec les limites liées à l’âge, qui influent sur tous les domaines de l’existence.

> En quoi progresse-t-on avec l’âge ? GB : Il n’est pas possible de généraliser. La vie devient à la fois plus difficile et plus facile. Plus facile, parce je n’ai plus d’obligations et que j’ai moins de craintes. Même si j’ai peur, par exemple, de tomber. Mais j’ai moins peur de la vie, moins peur d’échouer. Rester actif tout en sachant lâcher prise, telle est la grande force de la vieillesse. FH : Je ne peux qu’abonder dans ce sens. Pour les invalides ou les chômeurs de longue durée, la retraite est même vécue comme une libération, car ils n’ont plus besoin de justifier le fait de ne « pas travailler ».

> Comment voyez-vous les choses, M. Höpflinger ? François Höpflinger (FH) : De plus en plus de gens vivent vieux. C’est pourquoi on a des situations totalement différentes. Aujourd’hui, les personnes de 65 à 79 ans ont tendance à être en meilleure forme psychique, plus heureuses et moins solitaires qu’autrefois. Mais la vie peut aussi être difficile à supporter quand il faut faire face aux infirmités et au dénuement, ce qui concerne avant tout le quatrième âge (80 ans et plus). Ainsi, selon les individus, la vieillesse pourra être vécue comme une chance ou comme un fardeau.

> Les gens ont-ils peur de vieillir ? GB : Avec l’âge, les gens ont surtout peur de la sénilité et de la dépendance. Beaucoup n’en parlent pas. Mais je crois que cela fait simplement partie de la vie. Dépendre des autres n’est pas synonyme de perte de dignité, mais touche à l’essence de l’existence. Compenser la vieillesse par la tendresse, telle est ma devise. Dans bien d’autres cultures, le contact avec les personnes séniles FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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que celles-ci soient d’ordre financier, social ou physique. GB : De considérer sa propre vie comme un chemin sur lequel on grandit et mûrit. Plus on avance en faisant preuve d’ouverture, de courage et de curiosité, plus on peut s’accepter avec humilité et sérénité. Seuls ceux qui posent des jalons à temps réussiront à gravir cet Everest qu’est le grand âge. Mon conseil : devenir léger, se délester de tout ce qui pèse, lâcher prise, se satisfaire de moins de choses, parvenir à une certaine maîtrise de soi et à l’autonomie. Rester fidèle à soi-même dans un environnement fluctuant. Et être capable d’aimer, mais aussi de se mettre en colère. Apprendre à réfléchir, surtout sur soi-même. Prendre de l’âge implique de devenir entrepreneur et d’être son propre manager. INTERVIEW : HANA KUBECECK PHOTOS : ROLAND BLATTNER

est plus émotionnel et suscite des sentiments positifs, au contraire de chez nous. FH : Le déclin et la sénilité sont encore souvent dissimulés. Malgré tout, on voit un nombre croissant de personnes oser afficher leurs handicaps. Par exemple, beaucoup d’aînés se déplacent aujourd’hui en s’aidant d’un déambulateur. La plupart des personnes âgées ont peur d’être atteintes de démence et de souffrir au moment de la mort, sans pour autant craindre forcément la mort en elle-même. GB : Oui, beaucoup ont peur de la démence et des personnes démentes. Pourtant, ces dernières peuvent nous apprendre bien des choses. Si on les acceptait comme elles sont, nos craintes s’évaporeraient. > Est-il plus facile de vieillir pour les hommes que pour les femmes ? FH : Tant que les hommes vivent en couple, la vie est plus facile pour eux. C’est le cas pour une bonne moitié des hommes de plus de 90 ans. Mais tout se complique lorsque la compagne disparaît. Pour un homme, la partenaire est souvent aussi la confidente, alors qu’une femme se tournera vers une amie ou une connaissance. > Avec les années, devient-on plus bienveillant ou plus rigide ? FH : À un âge avancé, on a besoin d’un environnement protégé et on devient plus réfractaire au changement. Par exemple, si les aînés voient défiler trop de gardes différentes, ils peuvent se montrer récalcitrants. La routine est très importante, surtout au quatrième âge. Durant l’enfance, l’individu doit aussi faire face à de nombreuses modifications physiques et psychiques, mais ses capacités augmentent en parallèle. Alors que durant la vieillesse, il doit assumer tous ces changements tout en sentant ses forces s’amenuiser.

Judith Giovannelli-Blocher, née en 1932, a longtemps œuvré comme assistante sociale, conseillère en organisation et superviseuse. Ce n’est qu’à l’âge de la retraite que sa vocation d’écrivaine s’est révélée. Elle écrit sur des sujets simples et des personnes ordinaires. Deux livres ont rencontré un écho particulièrement fort auprès du public : « Das Glück der späten Jahre. Mein Plädoyer für das Alter » (2004) et « Woran wir waschen. Erfahrungen eines Lebens » (2007). Elle vit avec son mari à Bienne.

> Les aînés devraient-ils être pris en charge par leurs proches ? GB : C’est un mythe de croire que l’idéal pour une personne âgée et dépendante est d’être gardée par ses proches, notamment par ses propres enfants. Cette situation peut être source de nombreux conflits. FH : Je suis du même avis. Les proches doivent aider, mais pas prendre en charge les aînés. Cela risquerait d’être pesant autant pour la personne âgée que pour le proche soignant : imaginez par exemple un fils devant faire la toilette de sa mère. Les soins doivent être confiés à des professionnels (services d’aide et de soins à domicile, Croix-Rouge). > Que conseilleriez-vous à nos lecteurs pour se préparer à ceffe nouvelle étape de la vie ? FH : De ne pas hésiter à prendre des initiatives. De se montrer “polyvalent”, cultiver des intérêts variés et soigner son réseau social. De rester actif, d’aller vers les autres et de trouver son propre rythme. Mais attention : il ne s’agit pas de tomber dans l’hyperactivité. En outre, il est important d’apprendre à composer avec ses limites,

françois Höpflinger, né en 1948, a étudié la sociologie à Zurich et à Londres. Depuis 1991, il se consacre à la recherche dans le domaine de la gérontologie et des relations intergénérationnelles. Titulaire de la chaire de sociologie à l’Université de Zurich, il est également auteur de plusieurs livres. Il habite avec sa femme à Horgen, a deux enfants adultes et quatre petits-enfants.

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Santé & Bien-être

100%BIO: Unepetitecurepourune grandeforme toxication sournoise qui s’installe peu à peu et mine vos réserves d’énergie. Comment se défendre ? La meilleure solution pour éliminer efficacement les toxines est le drainage. Il doit être entrepris dès les premiers signes d’engorgement ou préventivement à chaque saison de transition. Eliminer nécessite une action soutenue et constante pendant au moins 1 mois. Les 3 piliers du drainage : 1. L’alimentation. Cesser de surcharger l’organisme en allégeant l’alimentation. 2. Boire suffisamment d’eau (seulement de l’eau) 3. Nettoyer et régénérer l’organisme, en particulier le foie et les reins, avec un draineur Les laboratoires Thiémard ont développé Juniperus+, un puissant draineur entièrement BIO à base de bourgeon de genévrier et d’autres bourgeons. Le bourgeon de genévrier possède des propriétés drainantes et régénératrices remarquables. Il nettoie l’organisme, apporte une bonne harmonie digestive, permet d’obtenir une belle peau, tonique, un teint net et possède la particularité de régénérer les cellules du foie et restaurer leur efficacité. Le flacon Thiémard Juniperus+ est un produit 100% BIO. Tout le mélange est préparé à base de produits bio,

DRAINEUR BIO a détoxication ou drainage est une priorité très actuelle. Notre mode de vie, nos habitudes alimentaires et l’absorption toujours croissante de substances chimiques provoquent une accumulation de toxines dans notre organisme. Elles sont la cause d’une avalanche de symptômes allant de la fatigue et du stress jusqu’aux manifestations les plus graves de dégénérescence des organes. Le foie est le premier organe touché lorsque le système est engorgé provoquant ballonnements, nausées, gaz, maux de tête, constipation ou problèmes de peau. N’oubliez pas que le plus grand ennemi de votre corps n’est pas la maladie, c’est l’in-

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NOUVEAU TRAITEMENT CONTRE LE RHUME CHRONIQUE

y compris les excipients. Bon goût. Concentré : 5 gouttes 3 fois par jour. Prise facile : directement en bouche. Une cure est conseillée dès l’âge de 25 ans à chaque saison de transition. Prendre durant au moins un mois, au moins une fois par année. Un flacon contient deux cures d’un mois. Pour mieux tolérer une chimiothérapie, prendre 30 gouttes dans un litre d’eau à boire dans la journée. En détoxiquant, Thiémard Juniperus+ permet de retrouver la forme. Une cure de Juniperus+ pour un grand nettoyage et vous redonnez tonus et vitalité à votre vie.

e nombreuses personnes souffrent de rhume durant toute l’année ou durant de longues périodes. Chez elles, il n’y a pas d’infection due à une bactérie ou un virus ou alors celle-ci est guérie. Pourtant le nez reste bouché et/ou produit un écoulement transparent et/ou des éternuements car les muqueuses nasales ne réagissent pas normalement. Bref, le rhume persiste sans raison. Il s’agit d’une hyperréaction. Cette hyperréaction peut être aggravée par le stress, les conditions climatiques, les atmosphères polluées ou enfumées, etc. L’usage sur la durée de médicaments vasoconstricteurs locaux, comme les sprays contre le rhume, peut provoquer ce type de rhume. En outre, 80 % des patients asthmatiques présentent au préalable un rhume. Heureusement, une prise en charge adéquate peut permettre d’éviter l’aggravation de la maladie et son évolution. En réponse à cette situation désagréable, les laboratoires Thiémard ont développé Thiémard Ribes. Ce spray 100% BIO stoppe le rhume chronique. Disponible en pharmacie : Pharmacode 4818312. Utilisation pratique : 4 pulvérisations en bouche matin et soir. Enfants 6-12 ans : 2 pulvérisations.

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La plante Le genévrier est un arbuste touffu répandu dans les régions montagneuses et les clairières de l’hémisphère Nord. Ses feuilles très étroites se terminent en pointe effilée. Ses cônes fructifères charnus sont d’abord verts puis noir bleuâtre et à maturité recouverts de cire. Le genévrier peut vivre plus de 1000 ans. Si les baies de genévrier sont bien connues, l’extrait de bourgeons présente des propriétés intéressantes : c’est un puissant draineur.

La plante Le cassissier est un arbuste buissonnant aux feuilles légèrement carminées qui exhalent l’odeur caractéristique du fruit. La cassissier a besoin du froid hivernal pour prospérer.

LE RHUME DES FOINS ors de rhume des foins, les grains de pollen sont considérés par l’organisme comme des particules dangereuses. Ils déclenchent inutilement des réactions comme les éternuements, les yeux qui grattent, le nez qui se bouche et parfois l’asthme. Les grains de pollen individuels sont difficilement visibles à l’œil nu, leur taille varie en fonction de l’espèce de 10 à 100 millièmes de millimètres. Ils renferment des liaisons protéiques qui sont identifiées comme des substances étrangères par le corps et qui, à ce titre, sont combattues par lui. Le rhume des foins est une hyperréaction du système immunitaire du corps humain au contact de ces allergènes.

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Différence avec un rhume de refroidissement Il est important de faire la différence entre les deux, surtout au début du printemps où l’arrivée des pollens coïncide avec les derniers refroidissements. Contrairement au rhume de refroidissement, le rhume des foins produit un écoulement transparent, souvent accompagné par des démangeaisons dans les yeux, mais également dans le nez et la gorge. Comme dans le rhume de refroidissement, le nez peut être bouché, mais les éternuements sont beaucoup plus fréquents. Le rhume des foins peut être accompagné d’une toux sèche ou d’asthme dans un cas sur cinq.

émission notable de pollen n’intervient un jour pluvieux. Vous obtenez les prévisions polliniques précises pour votre région sur le site http://pollen.bulletin.ch

NOUVEAU TRAITEMENT BIO SANS EFFETS SECONDAIRES e rhume des foins est traité par des antihistaminiques et la cortisone, qui causent des effets secondaires souvent gênants. Voici une alternative BIO qui a fait ses preuves : Ribes Thiémard, fabriqué à base de bourgeons de cassissier. En raison de son action qui prend le même chemin que la cortisone, le bourgeon de cassissier soulage les symptômes provoqués par le pollen. Il lutte contre les manifestations allergiques tels que rhume des foins et conjonctivite allergique. Ses propriétés anti-allergiques ont un effet comparable à la cortisone, mais c’est un produit naturel et sans effets secondaires. Il apporte le bien-être au niveau du nez, des yeux et de la respiration. Bien dosé, il peut agir plus fort que 2 comprimés d’antihistaminique.

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Période du rhume des foins Le rhume des foins est une allergie à des pollens très variés et pas seulement à ceux des foins. En Suisse, six variétés de pollens sont responsables de la majorité des allergies de ce type : ceux de noisetier, d’aulne, de bouleau, de frêne, d’armoise et de graminées. Ils sont produits à des périodes particulières du printemps ou de l’été. On est rarement allergique à tous les pollens et chaque personne est allergique à une combinaison différente de pollens. C’est pourquoi certains ont des symptômes avant le printemps et d’autres à la fin de l’été. De plus, les pollens sont libérés en montagne avec un mois de retard en général. Le taux de pollen est influencé par les conditions météorologiques : il sera élevé par temps sec et ensoleillé et bas lors de pluie. Cependant, toutes les plantes ne sont pas identiques. Après une heure d’averse, un bouleau diffuse à nouveau du pollen dans l’air. Par contre, pour les graminées, aucune

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Thiémard Ribes : Non seulement les bourgeons de cassissier, mais également les excipients sont BIO. Ne fatigue pas. 100% BIO. Goût agréable. Utilisation pratique : 4 pulvérisations en bouche matin et midi. Enfants 6-12 ans : 2 pulvérisations. La plante : Le cassissier est un arbuste buissonnant aux feuilles légèrement carminées qui exhalent l’odeur caractéristique du fruit. Le cassissier a besoin du froid hivernal pour prospérer.

Conseil En prévision du rhume des foins, je vous recommande de prévoir une cure pendant les 30 jours avant la période aiguë. En prévision : 2 pulvérisations le matin.

oilà mon expérience. Chaque année, dès la sortie des pollens de frêne et bouleau en mars, j’avais le nez qui piquait et qui coulait. Je prenais le Zyrtec, car les génériques n’agissaient pas. Mais je devais prendre 2 à 3 comprimés de Zyrtec par jour alors qui faudrait n’en prendre qu’1. C’était hyper désagréable, parce que ça me causait trop de somnolence. On m’a dit qu’ils faisaient tous ça, ces médicaments. C’est là que j’ai fait la désensibilisation chez un allergologue. Ça a été cher car j’ai une haute franchise. J’ai fait toute la désensibilisation, mais ça n’a pas servi. Il m’avait aussi donné un spray à la cortisone. Mais bon, la cortisone, c’est peut-être la substance avec le plus d’effets secondaires. Alors j’ai eu de la chance. Une amie m’a parlé de Thiémard Ribes, un spray. Je l’ai acheté à ma pharmacie et c’est génial. Je prends mes 4 coups de spray le matin et fini, plus de problèmes. En plus, il ne fatigue pas et il est naturel BIO, ce spray. Imaginez, seulement 4 coups de spray de plante et je ne souffre pas ! J’ai des amis qui avaient aussi le rhume des foins, mais aux noisetiers ou sans savoir à quel pollen. Je leur ai prêté mon spray, ils ont trouvé ça super. En tous cas, si vous avez le même problème, car oui, c’est un problème avant de trouver une bonne solution, je vous le conseille. » Serena B.

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Thiémard Rosa Canina Si le bourgeon de cassissier ne suffit pas à calmer l’inflammation, le bourgeon d’églantier est un complément efficace. Il est particulièrement indiqué lorsque l’allergie au pollen descend dans les poumons. Lorsqu’il y a une tendance à l’asthme allergique. Dosage : 4 pulvérisations avant le repas du soir directement dans la bouche, durant la même période que Thiémard Ribes. contact@swissnp.ch

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Témoignage

DR. MARC THIÉMARD SPÉCIALISTE EN THÉRAPIES NATURELLES

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Médecine

AVC

Les commentlesprévenir?

Réunion de travail à l’intention des parlementaires animée par le Pr Isabelle Durand Zaleski, chef de service à l’hôpital Henri Mondor, et du Pr Bernard Lévy, responsable du centre de recherche cardiovasculaire à Lariboisière.

cette artère au point de l’obstruer (athérosclérose), auquel cas on parle de thrombose cérébrale (40 à 50 % des cas) ; • soit parce qu’un caillot de sang, formé ailleurs dans l’organisme, vient obstruer la même artère, et il s’agit alors d’une embolie cérébrale (30 % des cas) ; • Le troisième type d’AVC est l’hémorragie cérébrale (20 % des cas) ; c’est la plus dangereuse en termes de mortalité et de séquelles. Le plus souvent, elle provient d’un anévrisme (section dilatée d’une artère) qui prive le cerveau d’oxygène et provoque une compression sur les tissus environnants. Les tumeurs, les crises d’hypertension et divers troubles de la coagulation peuvent, eux aussi, entraîner des hémorragies cérébrales.

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Chers amis, chers collègues Ayant appris beaucoup lors de cette réunion de travail, j’ai pensé utile de vous en faire un petit compte-rendu. Un accident vasculaire cérébral survient lorsque le flux sanguin rencontre un obstacle (caillot sanguin ou vaisseau sanguin rompu) qui bloque son passage vers les différentes parties du cerveau, ce qui prive ces dernières de leur apport vital en oxygène, causant leur disfonctionnement puis leur mort en quelques minutes. Les effets dévastateurs d’un accident vasculaire cérébral sont souvent permanents car les cellules cérébrales mortes ne sont pas remplacées.

L’accident ischémique transitoire (AIT) : le mini-AVC Lorsque l’obstruction de l’artère cérébrale se résorbe d’elle-même et ne provoque pas de séquelle, on parle de mini-AVC ou AIT, accident ischémique transitoire. Ses symptômes sont les mêmes que l’AVC, mais ils durent de quelques secondes à quelques minutes avant le retour à la normale. L’AIT peut donc passer inaperçu et être confondu avec un simple malaise. Il signale pourtant un risque important d’AVC plus grave et doit amener à consulter en urgence. Quels sont les symptômes ? L’AVC produit plusieurs des symptômes suivants : • étourdissements, vertiges et pertes d’équilibre,

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Les différents types d’AVC On distingue trois types d’accidents vasculaires cérébraux. Les accidents ischémiques ou infarctus cérébraux viennent du blocage de l’artère cérébrale avec des causes différentes et provoquant deux types d’AVC : • soit parce qu’une plaque riche en lipides se forme sur FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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• engourdissement ou paralysie d’un membre, du visage, d’une partie entière du corps, • difficulté à parler et à comprendre ce que l’on entend, • trouble de la vision, le plus souvent d’un œil, parfois des deux, • violent mal de tête, nausée, vomissement, • perte de conscience. L’accident vasculaire cérébral (AVC) touche 400 000 personnes en France ; il y représente la troisième cause de mortalité chez l’homme et la deuxième chez la femme, la première cause de handicap acquis de l’adulte. La tendance naturelle est à l’augmentation en raison du vieillissement de la population ; le risque de mortalité par AVC est majoré pour des populations ou des personnes défavorisées matériellement ou socialement ; C’est donc un problème de santé important. Le sujet est méconnu et mésestimé, alors qu’il est une part importante du domaine “cardio-vasculaire” qui fait déjà par ailleurs l’objet d’actions de santé publique cependant dispersées et insuffisamment coordonnées. Son poids financier est considérable : les dépenses sanitaires et médico-sociales annuelles étant estimées à 8,4 milliards d’euros.

Les facteurs de risque Le premier facteur de risque est l’âge : l’AVC a un taux d’incidence multiplié par deux tous les dix ans après 55 ans. Environ 25 % des AVC surviennent chez les moins de 65 ans et plus de 50 % chez les personnes de 75 ans et plus. Les personnes présentant un trouble cardiaque (anomalie de la valve cardiaque, insuffisance ou arythmie), ayant déjà fait un infarctus du myocarde ou des mini-AVC, ont un risque supérieur à la moyenne. Il en va de même pour les personnes souffrant de troubles de la circulation sanguine, de migraines, de polyglobulie (nombre élevé de globules rouges) et d’apnée du sommeil. D’autres facteurs de risque sont communs avec toutes les maladies cardiovasculaires : hypertension artérielle, hypercholestérolémie, fibrillation auriculaire, diabète, tabac, alcool, mauvaise alimentation, sédentarité. Il est important de souligner que le dépistage et le traitement de ces facteurs de risques, diviseraient par deux le nombre d’AVC. J’insisterai tout particulièrement sur la fibrillation auriculaire qui est un facteur de risque malheureusement encore méconnu. Elle est responsable de 30 000 AVC sur les 130 000 nouveaux cas en France. Il s’agit du trouble du rythme cardiaque le plus fréquent (une personne de plus de 50 ans sur 5) qui s’accroit avec l’âge. Il concerne 18% des sujets âgés de plus de 85 ans. Ce dysfonctionnement multiplie par 5 le risque de survenue de l’AVC. Un pouls irrégulier doit donner l’alerte. Les symptômes peuvent être : Un essoufflement à l’effort, des palpitations, des douleurs thoraciques, des malaises et syncopes. Attention, beaucoup de personnes ne présentent aucun symptôme.

L’AVC est la 3e cause de mortalité chez l’homme et la 2e chez la femme.

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Les AVC dus à une fibrillation auriculaire sont plus sévères, plus invalidants et souvent les plus mortels. L’AVC est donc largement accessible à la prévention, et celle-ci est encore peu développée en France. Il survient brutalement, nécessitant des soins en urgence ; ses séquelles sont d’autant plus limitées que les patients sont pris en charge très rapidement par des structures permettant le diagnostic et les soins précoces. De nombreuses spécialités médicales et professions paramédicales ou sociales, interviennent pour sa prise en charge, mais elles sont insuffisamment coordonnées. Seulement 20 % de l’ensemble des patients victimes d’AVC sont actuellement hospitalisés en unités neurovasculaires (UNV). De plus, ce pourcentage varie entre 8 et 33 % selon les régions, dénotant une importante inégalité régionale. Il existe donc un problème important d’accès de la majorité des patients à ces soins de qualité, qui s’ajoute aux inégalités sociales en santé.

Les traitements L’AVC provoque des dommages parfois irréversibles au cerveau, car les cellules nerveuses ne se renouvellent pas (ou très peu) et leur mort par privation d’oxygène entraîne des pertes fonctionnelles. L’objectif du traitement est d’abord de dissoudre le plus rapidement possible le caillot. Pour les AVC ischémiques, un anticoagulant est prescrit. En cas d’hémorragie, une intervention chirurgicale permet de retirer le sang accumulé et, le cas échéant, de traiter l’anévrisme de l’artère. Par la suite, des interventions, consistant à retirer la zone malade de l’artère ou à la dilater, permettent de soigner l’artère pour limiter le risque de récidive. Les séquelles cognitives ou comportementales consécutives à un AVC font l’objet d’une rééducation. La plasticité cérébrale permet parfois aux zones non atteintes du cerveau de suppléer aux fonctions perdues des régions nécrosées. Seuls 1 % des patients bénéficient actuellement d’une thrombolyse (technique médicale destinée à dissoudre en urgence un caillot qui bouche une artère). Ce traitement est trop rare en France, principalement par dépassement des délais en raison d’une mauvaise information des patients et d’une mauvaise organisation de la filière. Or, l’AVC n’est plus une fatalité. Cette information doit être portée vers les patients et les professionnels de santé. Des actions de prévention de l’AVC doivent être développées, au sein du risque cardio-vasculaire. L’organisation du système de soins et l’accompagnement médico-social des patients victimes d’AVC doivent être impulsés ; les initiatives régionales en ce domaine sont à encourager. Enfin, la recherche sur l’AVC, qui n’est pas à l’heure actuelle à la hauteur du poids social de cette pathologie, doit être développée. CHRISTIANE KAMMERMANN


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Info utiles

Brèves

Divorceet résidenceàl’étranger

ÉLECTIONS 2012 En 2012, vous serez appelé à participer aux élections du Président de la République et, pour la première fois, de onze députés représentant les Français établis hors de France. Ce qui change en 2012 : Si vous choisissez de voter à l’étranger, vous voterez désormais dans votre circonscription électorale consulaire, non seulement pour les présidentielles mais aussi pour élire votre député des Français établis hors de France. www.votezaletranger.gouv.fr Vérifiez que vous êtes inscrits sur la liste électorale de votre consulat (date limite : 31 décembre 2011). Pour consulter les coordonnées des consulats français à l’étranger, rendez-vous dans la rubrique annuaire du site de la MFE (www.mfe.org).

ous êtes marié avec un conjoint de nationalité différente de la vôtre ou vous résidez dans un pays dont vous n’avez pas la nationalité et vous souhaitez divorcer : entre le droit national, le droit communautaire, les conventions bilatérales ou internationales, il n’est pas aisé de s’y retrouver. Il est erroné de penser qu’étant français, le juge saisi du divorce appliquera nécessairement le droit français. À l’inverse, le tribunal français pourra tout à fait prononcer un divorce en application du droit marocain, chinois ou australien. Dans un contexte international, se pose tant la question de la juridiction compétente que celle de la loi applicable au divorce.

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• Quel tribunal peut-on saisir ? La compétence du tribunal dans l’Union européenne Depuis le 1er mars 2005, s’applique le Règlement Bruxelles II bis relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Ce règlement règle les conflits de juridiction en matière matrimoniale, et, notamment, détermine les règles de compétence en matière de divorce. Ce règlement s’applique dès lors qu’un ressortissant communautaire ou un ressortissant non communautaire a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre.

RAPATRIER DES FONDS DE L’ÉTRANGER Lorsqu’un Français est domicilié à l’étranger, il peut être amené à transférer des fonds situés en France dans son pays de domidliation. De même, il peut rapatrier des fonds en France. Ces opérations peuvent être très encadrées sur un plan légal suivant le pays où est domiciliée la personne. En France, le transfert ou le rapatriement des fonds reste relativement souple. Toutefois, il convient de connaître certaines règles. Depuis le 1er janvier 1990, le contrôle des changes a été supprimé. Ainsi, il est possible de transférer librement des capitaux à l’étranger et d’y détenir des avoirs. Toutefois, afin de limiter l’évasion fiscale, le législateur a institué deux obligations de déclaration relatives : - l’une, aux transferts de fonds vers l’étrangerou en provenance de l’étranger ; - l’autre, à la détention de comptes à l’étranger. www.notaires.fr Où se renseigner ? Douanes françaises : www.douane.gouv.fr

• Quelle sera la loi applicable au divorce ? Les effets du divorce relèvent également de la loi du divorce, notamment la dissolution du régime matrimonial et la date à laquelle elle se produit. Il en est de même des prestations et des dommages et intérêts. En revanche, les obligations alimentaires sont régies par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973. Même en saisissant les tribunaux français, le demandeur n’est pas assuré de se voir appliquer la loi française. En dehors des règles posées par des conventions bilatérales comme la convention franco-marocaine, franco-polonaise ou encore franco-yougoslave, la loi applicable au divorce est déterminée par l’article 309 du code civil selon lequel : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française : - lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française - lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français - lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ». Vous avez d’autres interrogations… > Quels seront les effets en France d’un jugement prononcé à l’étranger ? > Comment procéder à l’exécution de la décision sur les biens en France ? Retrouvez toutes les informations nécessaires sur : www.notaires.fr

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TV5 MONDE LANCE SON KIT PÉDAGOGIQUE Un kit pédagogique a été conçu par TV5 Monde, Radio France internationale (RFI), le Centre de liaison de l’Enseignement et des Médias d’information (CLEMI)et le ministère des Affaires étrangères et européennes pour guider les professeurs de français langue étrangère dans l’utilisation en classe de documents audiovisuels. Ce dernier s’organise comme une « boîte à outils » avec pour objectif de rendre les enseignants autonomes dans le choix et dans l’exploitation pédagogique de documents audiovisuels authentiques. www.tv5.org

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Les pages seront numérotées et les feuilles agrafées (ni trombone, ni reliure). Pour en respecter l’anonymat, le texte ne portera ni nom, ni signature.

Frais d’inscription Candidats français : 15 euros, à joindre au dossier d’inscription, sous la forme d’un chèque libellé à l’ordre du Prix du Jeune Ecrivain. Autres candidats : gratuit.

Dossier d’inscription Les manuscrits devront être accompagnés : • de la photocopie d’une pièce d’identité (faisant obligatoirement figurer la mention de la date de naissance) ; • de quelques renseignements inscrits sur papier libre : statut (lycéen, étudiant, salarié, etc.), numéro de téléphone (fixe ou portable), adresse postale et adresse électronique. Candidats français uniquement : joindre trois enveloppes libellées à l’adresse du candidat (soit un « prêt à poster » cartonné de 500 grammes au format 248 x 328 mm, disponible à La Poste, et deux enveloppes au format 110 x 220 mm timbrées au tarif lettre en vigueur).

Envois Dates limites d’envoi : Candidats français : 1er avril 2012 Autres candidats : 1er mars 2012

Le Prix du Jeune Écrivain de Langue Française est un prix annuel destiné à récompenser des œuvres d’imagination inédites, en prose (nouvelles, contes, récits), écrites en langue française par de jeunes auteurs âgés de 15 à 27 ans. Conditions d’inscription Les candidats devront être nés entre le 1er janvier 1985 et le 31 décembre 1996. Les anciens lauréats, à l’exception des premiers prix, peuvent être à nouveau candidats s’ils en remplissent les conditions d’âge. Chaque candidat peut adresser au maximum deux textes. Les textes proposés n’auront antérieurement fait l’objet d’aucune publication assortie d’un contratd’édition. Ils n’auront pas non plus été primés antérieurement par un autre jury.

Modalités d’expédition Pour les dossiers en provenance de France, de Belgique ou de Suisse, seul l’envoi postal est autorisé. Il sera adressé à : Prix du Jeune Écrivain - BP40055 31 602 Muret CEDEX Pour les dossiers en provenance d’autres pays, la transmission électronique est autorisée. Dans ce cas, la pièce d’identité devra être scannée. Le dossier sera adressé à : ae-pjef@orange.net. Il ne devra en aucun cas être doublé par un envoi postal.

Autres dispositions Les dossiers incomplets ou adressés par télécopie ne seront pas retenus. Les textes non conformes au règlement seront refusés. Un accusé de réception sera adressé au candidat avec un numéro d’enregistrement. Les tapuscrits ne seront pas retournés. Chaque participant garantit l’originalité du texte dont il est l’auteur. Tout emprunt à des textes déjà publiés, y compris dans des journaux ou des magazines, ou diffusés sur internet, devra être expressément signalé. Les décisions du jury sont sans appel.

Présentation des textes Chaque texte sera envoyé en double exemplaire. Il comportera 5 pages au minimum, 20 au maximum, imprimées sur le recto seulement. Un titre est indispensable. Il sera composé en Times New Roman, corps 12, interligne double (soit 1500 caractères environ par page, espaces non compris).

Chaque candidat recevra une fiche de lecture par texte envoyé, ainsi qu’un exemplaire du recueil des textes primés de l’année antérieure. 55

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Point de vue

Unemondialisation EXTRAIT DE “LA GAZETTE” DE MAI-JUIN 2011

humaniste

Dans tous les secteurs de la vie économique et sociale et chaque jour un peu plus, les élites françaises abandonnent leur langue au profit du seul anglais.

modée et dépassée mais aussi soupçonnée d’être d’extrême-droite car nationaliste. À en croire les tenants de cette pensée unique actuellement majoritaires et activistes, la Francophonie, tout comme la langue française, n’aurait aucun rôle à jouer dans l’actuelle mondialisation. Il faudrait en prendre acte et passer sans état d’âme à autre chose. On peut comprendre, sans approuver, que la toute-puissance des Etats-Unis, seule hyper puissance pendant ces trente dernières années, ait pu hier aveugler au point de faire croire que l’avenir verrait l’avènement d’une langue internationale unique, d’une monnaie unique et de valeurs uniques : celles de l’universalisme américain. Mais on ne peut accepter, par contre, que les élites françaises persistent dans l’erreur car le monde est en train de changer. Il leur faut prendre le bon train. Les “ringards” ne sont pas du côté que l’on croit. La Francophonie dont il est question ici n’est ni la francophonie linguistique, la première, celle de la fin du 19ème siècle, ni la seconde, la francophonie senghorienne qui s’est construite difficilement et lentement après les indépendances, mais la francophonie mondialisée, la

insi, de plus en plus d’entreprises françaises obligent leurs salariés à travailler en anglais et, dans l’enseignement supérieur, une pression de plus en plus forte se fait sentir pour que l’anglais devienne la langue d’enseignement. Ce courant est maintenant visible, au quotidien, pour chacun des Français. Par un matraquage systématique, en particulier médiatique, on oriente les familles, non vers l’ouverture par le multilinguisme, mais vers le copié/collé anglo-saxon par l’anglais langue unique. Au niveau géopolitique, la frilosité, voire l’hostilité française envers la Francophonie est une réalité maintenant connue de nos partenaires. Cette attitude désastreuse pour la place de la France dans le monde transcende les clivages politiques habituels gauche/droite. Elle est devenue la règle à tel point que toute personne ayant un avis contraire est considérée non seulement comme dé-

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troisième francophonie qui est apparue comme pôle d’influence dans la mondialisation au début du 21ème siècle et plus précisément au Sommet de la Francophonie de Beyrouth en 2002. Cette Francophonie, dont la majorité des pays membres n’ont jamais été colonisés est, par excellence, de par la langue partagée, un des espaces du troisième dialogue, le dialogue des cultures qu’appelle la mondialisation culturelle comme antidote aux chocs des civilisations et des religions. Ces ensembles, les unions géoculturelles, sont, aux côtés des unions régionales telles l’Europe, de nouveaux pôles d’influence et d’équilibre dans la mondialisation. Ils participent pleinement au nouveau monde multipolaire en cours de constitution. Le succès du combat mené par la Francophonie pour l’adoption en 2005 à l’UNESCO, de la Convention internationale pour la diversité culturelle témoigne de son poids spécifique et de sa puissance d’influence. Cette adoption a été obtenue avec panache, par 148 voix pour, et seulement deux contre, ceci malgré l’opposition farouche et déterminée des Etats-Unis. Indiscutablement, depuis un demi-siècle, la Francophonie a fait le chemin des valeurs. Elle met aujourd’hui en avant la liberté, la solidarité, la diversité et le dialogue, valeurs issues du métissage de celles de la Révolution française et de la Civilisation de l’Universel, chère à Senghor. C’est pourquoi elle est attractive, comme le montre l’accroissement continu, de sommet en sommet francophone, du nombre de ses membres. Outre la liberté individuelle et le dialogue, la Francophonie prône la solidarité et la diversité. Ce faisant, elle rencontre les besoins qu’engendrent les effets pervers de la mondialisation qui agrandit le fossé entre riches et pauvres et uniformise à tout va. Elle s’affirme, au fil du temps, en laboratoire de l’autre mondialisation : la mondialisation humaniste. Elle est devenue une puissance d’influence au service de la promotion des biens communs de l’humanité. Quant à la langue, il faut dénoncer l’action aveugle de ceux qui veulent imposer à marche forcée partout et dans tous les domaines politique, économique, social, une langue unique : l’anglais. Ceci pour plusieurs raisons. Il faut d’abord prendre en compte le principe de précaution. Il semble donc raisonnable de demander aux élites françaises qui disposent d’une langue internationale parlée dans tous les continents d’attendre avant de la saborder en décrétant l’ anglais langue unique, de voir quel sera l’avenir linguistique du monde et le choix qui sera fait dans ce siècle entre le multilinguisme et l’unilinguisme anglais. De plus, d’évidence, le multilinguisme s’installe du local à l’international et de plus en plus comme une valeur universelle. Cette évolution découle du choix au niveau mondial de la diversité culturelle qui a pour corollaire incontournable la diversité linguistique et du besoin, pour assurer la paix et éviter le repli identitaire d’une ouverture culturelle évitant tout risque d’assimilation. Pluriel au niveau national dans la plupart des pays fran-

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cophones, le paysage linguistique l’est aussi au niveau international, du fait notamment du dynamisme de langues comme l’espagnol ou l’arabe, mais aussi de l’émergence internationale des langues des nouveaux géants économiques comme, par exemple, la Chine ou le Brésil. Les Etats-Unis ne sont déjà plus l’unique hyper puissance et ce changement, lourd de conséquences, s’inscrit dans la durée. Cette évolution vers la diversité linguistique généralisée porte un coup décisif au rêve de l’anglais langue unique. Rappelons que, déjà dans le domaine économique et alors que les Etats-Unis étaient la seule hyper puissance, le dollar n’a pas réussi à être la seule monnaie du monde. En définitive, la Francophonie et la langue française ont une place et un rôle à jouer dans la mondialisation. La première comme union géoculturelle et puissance d’influence du fait du dialogue interculturel qu’elle permet et des valeurs de son universalisme. La seconde comme langue centrale dans l’élaboration du multilinguisme mondial. La mondialisation est donc une chance pour la Francophonie et la langue française. Reste à saisir cette chance et à élaborer pour se faire une stratégie d’action. Faut-il, enfin, rappeler aux élites françaises que, pour être puissante et respectée en Europe, la France doit retrouver et s’appuyer sur ses fondamenMICHEL GUILLOU taux, c’est-à-dire, en particulier Directeur de l’Institut sur ses valeurs, sa langue, la pour l’étude de la Francophonie ? Ce retour aux francophonie et de la mondialisation. fondamentaux, l’Allemagne le fait et avec le succès que l’on Université Jean Moulin Lyon 3 sait. 57

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Réflexion Lors de la séance publique annuelle des cinq académies, le mardi 26 octobre 2010 à l’Institut de France, les académiciens ont été invités à s’exprimer sur le doute. Jean-Christophe Rufin a posé la question : « Le doute, faiblesse ou force de la culture française ? »

LeDoute faiblesseouforcede

laculturefrançaise?

torieuse et entreprenante, celle du Concorde, de la dissuasion nucléaire, du pont de Tancarville et du paquebot France. Elle a su prolonger ce prestige bien au-delà des trente glorieuses, quand mai 1968 secouait le pays, quand la crise pétrolière venait déjà l’affaiblir, quand l’effondrement de l’URSS bouleversait les équilibres mondiaux. Sans cette génération du courage, le doute aurait pu s’installer beaucoup plus tôt. Elle l’a rejeté dans l’ombre. Mais aujourd’hui, l’éclat des armes qui cuirassaient les vainqueurs n’aveugle plus nos yeux et rien ne nous protège. Nous contemplons le monde nouveau avec des yeux décillés et nous sommes naturellement saisis par le doute quant à la place qu’y occupe désormais la France. Ce que nous voyons, c’est la crise profonde que traverse aujourd’hui notre pays et sa culture. Pour être exact, il faudrait d’ailleurs dire “les crises”. Car elles sont, à mes yeux, de trois ordres. Crise de la France en elle-même. Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux et enfin, crise de l’occident lui-même, auquel nous appartenons, face au reste du monde.

Crise de la France en elle-même n 2005, l’Institut de France rendait hommage à Pierre Messmer qui quittait ses fonctions de chancelier. À son intention, la séance d’ouverture, cette année-là, prenait pour thème le courage. Cinq ans plus tard, à ce même pupitre, nous sommes commis devant vous à discourir... sur le doute. Quel changement d’époque ! Et quelle meilleure preuve que les sujets abordés pendant cette séance à la fois confraternelle et solennelle, ne sont pas de simples exercices de style. Rapprocher ces deux moments, c’est faire apparaître une évidence cachée : en peu d’années, nous sommes en train de passer de la génération du courage à la génération du doute.

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Notre confrère, Pierre Nora, a bien analysé la transformation radicale de notre pays au cours de ces dernières décennies : « D’une nation étatique, écrit-il, guerrière, majoritairement paysanne, chrétienne, impérialiste et messianique, nous sommes passés à une France atteinte dans toutes ces dimensions et qui cherche souvent dans la douleur ». L’affaiblissement extrêmement rapide de ce qu’il appelle l’identité nationale républicaine s’accompagne d’un affranchissement général de toutes les minorités : sociales, sexuelles, religieuses, régionales... Or, pendant ces mêmes années, la composition de la population a elle-même beaucoup évolué, enrichissant notre pays d’autant de groupes capables de se revendiquer comme minorités. La croissance économique a attiré vers la France de nombreux ressortissants de son ancien empire qui véhiculent le souvenir tenace et souvent douloureux de la période coloniale. D’autres migrants, avec la mondialisation des échanges, proviennent d’aires géographiques et culturelles encore plus éloignées : Chine, Sri Lanka, Amérique Latine. Ils n’ont guère d’histoire commune avec la France et transportent avec eux leurs cicatrices, leurs ambitions, en un mot, leur mémoire. Cette diversité nouvelle, ces fractures mémorielles constituent autant de défis culturels à relever pour la France contemporaine. Dans le domaine linguistique, par exemple, l’Académie française, gardienne de la langue et, par conséquent, chargée tout à la fois de la préserver et de la faire évoluer, en est bien consciente. Chaque groupe aujourd’hui cultive ses codes linguistiques, la question des langues régionales ressurgit, l’expression littéraire elle-même fait éclater les repères classiques, sous l’influence d’auteurs, venus d’aires francophones diverses, voire d’autres univers linguistiques. Le domaine de l’histoire voit également surgir de nou-

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La génération du courage Peu à peu, elle s’efface et prend sa place dans l’histoire. J’ai mentionné Pierre Messmer, je devrais aussi évoquer Jean Bernard, Georges Charpak, Hubert Curien ou Maurice Druon, grands résistants, hommes de combat et d’honneur. Heureusement, notre compagnie peut encore compter sur la présence de plusieurs témoins de cette génération du courage, en particulier François Jacob ou Mme Simone Veil. Et d’autres parmi nous, avec des parcours différents, ont traversé les mêmes épreuves et incarnent aussi l’engagement et le courage. Reste que le temps fait son œuvre et les éloigne trop souvent de nous. Cette génération du courage a dominé les décennies glorieuses de l’après-guerre au cours desquelles la France a changé de visage. Elle a accompagné l’immense transformation des techniques, des mœurs et des rapports sociaux aussi bien qu’internationaux qui ont caractérisé ces années de prospérité et de progrès. Par son aura, son énergie, son brio, cette génération du courage a conservé aux institutions académiques une place de premier plan, vitrine culturelle d’une France vicFRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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du monde anglo-saxon est aussi évidente. Ceci vaut pour la culture de masse, en particulier le cinéma, adossé à de considérables puissances financières. Mais cela concerne aussi le domaine intellectuel. Nombreux sont désormais les pays, à commencer par les ÉtatsUnis, qui disposent d’économistes, de philosophes, de sociologues et, bien sûr, d’écrivains, dont l’audience est mondiale. La France produit toujours de brillants intellectuels et quelques-uns peuvent se prévaloir d’une audience internationale. Cependant, leurs décrets ne font plus trembler la planète et l’écho de leurs querelles ne retentit plus aux quatre coins du monde habité. Ils se sont, par ailleurs, pour la plupart, ralliés aux conceptions libérales et démocratiques, ce qui leur ôte ce parfum de révolte et d’utopie qui était un de leurs plus puissants attraits. Par ailleurs, la France engendre toujours quantité de spécialistes exceptionnels, à la renommée internationale. Nos académies s’honorent d’en compter plusieurs

velles difficultés. Dans un pays qui a, depuis longtemps pour référence, une histoire extrêmement homogène et nominative, l’interruption des mémoires minoritaires certains diront communautaires - tend « à frapper toute histoire de la nation des signatures du nationalisme ». Comment, dès lors, concevoir l’histoire, la philosophie et même la littérature française ? Paul Thibault a écrit, il y a quelques années, un livre intitulé « Que doit-on enseigner ? ». Ce titre résume presque à lui seul les multiples questionnements de la génération du doute.

Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux Pour en mesurer la profondeur, il faut rappeler d’où nous partons. La France a exercé, pendant plusieurs siècles, un magistère culturel quasi universel. De Voltaire à Camus, de Victor Hugo à Mauriac, les grandes figures culturelles françaises étaient également de grandes figures occidentales et même mondiales. Ce n’est pas que d’autres pays, l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande, n’aient pas eu de grands penseurs. Mais aucun d’eux n’a pu rivaliser avec la France dans la catégorie dont nous sommes sans doute les créateurs, en tout cas, les maîtres : celle des « intellectuels ». Nous sommes les irremplaçables producteurs de ces esprits brillants, incarnation du bon goût, fût-ce pour prêcher la révolution, plus familiers de la conversation que de la dissertation, préférant la clarté à la vérité, maniant l’humour plus aux dépens des autres que d’eux-mêmes, mais surtout sachant admirablement incarner l’esprit de leur temps. Ce qui nous apparaît en général comme l’âge

et nous déplorons la disparition récente d’un des plus emblématiques d’entre eux, Claude Lévi-Strauss. Reste que ces individualités sont, elles aussi, attirées par le centre américain, où elles sont souvent amenées à séjourner, à enseigner, voire à émigrer.

Crise de l’Occident face au reste du monde C’est la moins facile à percevoir mais la plus inquiétante, peut-être. À l’époque où notre Académie a été fondée, l’univers se réduisait au pourtour de la Méditerranée. Le Mayflower avait emmené les pères fondateurs en Amérique depuis à peine quinze ans. L’élargissement progressif du monde n’allait en rien remettre en cause la prééminence européenne. Au contraire, la colonisation constituait une sorte de dilatation de notre continent et en particulier de la France, à l’échelle du globe entier. Aujourd’hui, le mouvement s’inverse. L’Europe a payé cher les guerres qui se sont déroulées sur son sol. Elle s’est retirée de ses colonies. Ce que l’on a appelé le “Tiers-monde”, à compter de la conférence de Bandoeng en 1955, a connu un essor considérable. Essor démographique d’abord, qui réduit très fortement le poids relatif de l’Europe. Essor économique, qui concerne aujourd’hui non plus seulement quelques petits dra-

d’or de notre histoire culturelle, c’est cette époque où, comme l’écrit Marc Fumaroli : « l’Europe parlait français », c’est-à-dire où le règne de la France sur les esprits européens allait de pair avec l’usage généralisé de sa langue parmi les élites. Cette double prééminence a été progressivement remise en cause et de façon accélérée pendant la deuxième moitié du xxe siècle. Point n’est besoin de revenir sur la considérable poussée de la langue anglaise, en particulier dans les régistres scientifiques, diplomatiques, économiques. Mais dans le domaine culturel, je veux dire dans le domaine des œuvres, la montée en puissance 59

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gons asiatiques, mais d’immenses ensembles comme le Brésil, l’Inde ou la Chine. Essor culturel surtout, qui n’est pas réductible au précédent. Un continent comme l’Afrique, dont la situation économique est contrastée à certains endroits prometteuse mais dans beaucoup d’autres catastrophique, n’en a pas moins produit une culture extrêmement féconde dans tous les domaines: musical, pictural, et littéraire. Devant ce paysage nouveau, on peut comprendre que l’on soit saisi par le doute. Doute quant à la place de notre pays, de notre culture, de notre langue dans un monde aussi radicalement bouleversé.

balisé. Un doute qui doit nous faire poser des questions pour l’action. Est-ce ce doute qui inspire les interrogations qui traversent aujourd’hui nos institutions et, en particulier, l’Académie française qui me délègue devant vous ? Tout nouveau venu dans cette Compagnie a tendance à mettre l’accent sur les nécessaires évolutions et nos aînés ont la grande sagesse de nous rappeler les vertus de la tradition. Dans une France en quête de repères, la continuité historique de l’Académie est une grande force. Nous ne devons pas oublier que cette institution a été créée au moment où la France traversait une période de guerre civile autrement plus critique que la nôtre et qu’elle a peut-être contribué à jeter les bases de la renaissance politique et culturelle qui a suivi les temps sanglants de la Fronde. Dans une époque où tant de choses sont éphémères, la tradition que nous représentons matérialise la permanence de la nation à travers la continuité des siècles. Elle est certainement l’une de nos fonctions essentielles. Pour autant, l’Académie a su évoluer. Ainsi, au tournant des années soixante, a eu lieu l’élection du premier étranger de naissance, en la personne de mon prédécesseur, Henri Troyat. Il fut rapidement suivi de beaucoup d’autres, qui représentent presque tous les continents comme Léopold Sédar Senghor, Julien Green, Hector Bianciotti ou François Cheng. Comment prolonger cette ouverture et faire en sorte qu’elle nous permette de refléter la diversité de la France d’aujourd’hui ? Bien d’autres évolutions peuvent être envisagées qui posent autant de questions délicates et nous donnent l’occasion d’exprimer nos doutes et nos interrogations. Quelle place, par exemple, devons-nous réserver à la littérature par rapport à d’autres formes de création en rapport avec l’écrit ? En particulier, comment mieux représenter le domaine audiovisuel et, notamment, bien sûr, le cinéma ? Comment nous adapter au champ nouveau que constitue le monde virtuel, la planète internet ? Comment défendre la francophonie sans marginaliser la culture française dans les grands circuits de production culturels dominés par le monde anglosaxon ? Le doute est à l’origine de toutes ces interrogations. Ce doute-là, constructif, n’est pas une faiblesse mais, au contraire, une force.

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Le doute : faiblesse ou force de la culture française ? A priori, le doute est une faiblesse. Tel est, du moins, le sens commun. Celui qui « ne doute de rien » semble avoir un avantage sur l’indécis. Et, en effet, notre doute serait une grande faiblesse s’il nous conduisait au pessimisme et au renoncement. En cheminant dans les couloirs de cette maison, en passant devant les bustes de pierre ou de bronze de nos illustres prédécesseurs, nous sommes accoutumés à ce sentiment d’humilité qui nous fait nous sentir bien petits. À titre individuel, c’est plutôt un signe de bonne santé. Mais si nous l’appliquons à toute la nation et à toute époque, si nous pensons que la France d’aujourd’hui ne vaut pas celle d’hier ; si nous sommes gagnés par l’idée que la France, quand elle n’est plus tout, n’est plus rien, alors, oui, le doute est une grande faiblesse. Ce serait ignorer et trahir l’extraordinaire créativité française actuelle, dans tous les domaines, littéraires, théâtral, cinématographique, architectural. Ce serait méconnaître la capacité d’attraction que continue d’exercer notre langue dans le monde. Lorsqu’on évalue la francophonie au nombre de locuteurs de français, on passe à côté de ce qui en fait la spécificité et la force : la dispersion planétaire de ceux qui parlent notre langue. La francophonie n’est pas la caractéristique linguistique d’un bloc de peuples regroupés sur une même aire géographique : c’est un trait d’union entre des régions différentes du globe. Dans une période où le monde redevient multipolaire, l’hégémonie de l’anglais n’est plus une fatalité. Dans de nombreux pays, le français est même vu comme une alternative culturelle et politique. C’est notamment le cas dans les grands pays émergents, puissances d’aujourd’hui mais surtout de demain que sont le Brésil et la Chine. Comme nous le rappelait notre secretaire perpétuelle, Mme Carrère d’Encausse, à la suite de son voyage à Shanghai, le pavillon français de l’Exposition Universelle est le deuxième le plus visité après celui de la Chine. Il est donc une autre forme du doute, plus créatif, et même plus combatif. Un doute qui nous fera chercher les moyens de relever les défis de ce temps et de donner à la France sa place, toute sa place dans un monde glo-

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Interview > Pierre Oliviero : avant de parler de l’OME parlons de vous qui êtes son fondateur. L’économie, l’humanitaire et l’écologie naviguent à vue. Qu’en pensez-vous ? Eugen Frédéric Müller : Partout, beaucoup de bonnes volontés se manifestent, mais on sait “que trop de cuisiniers gâtent la sauce”.

EugenFrédéric

> Quelle était votre motivation pour entrer au CICR au cours d’une belle carrière ? Mon désir de joindre le CICR coïncidait avec la fin des études de mes deux fils (Xavier est professeur en chirurgie cardio-vasculaire, Bertrand ingénieur). Libéré de mes obligations paternelles, j’avais envie de m’investir dans une cause humanitaire. > Et pourquoi alors avez-vous quitté le CICR ? Ma fonction ne répondait pas à mon attente. En revanche, j’admets volontiers que l’expérience acquise au sein de cette organisation m’a guidé sur la bonne voie.

Müller

> Quelle est, à votre avis, la qualité principale d’un responsable dans le secteur humanitaire ? Oser ! Se mettre à la place des bénéficiaires et être conscient que la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit.

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Fils d’ingénieur, Eugen Frédéric Müller est né en 1933. Originaire de Lucerne il possède la double nationalité franco-suisse. Au terme de ses études à Zürich, Eugen Frédéric Müller débute sa carrière comme réviseur dans une société fiduciaire genevoise. Il exerce ensuite sa profession dans d’autres branches d’activité en Angleterre, en France et aux États-Unis. De retour en Suisse, il s’établit à Genève et occupe des postes de direction, notamment chez American Express (directeur régional) ; Association Suisse des Banquiers (directeur marketing Mastercard) ; DHL SA (directeur marketing-vente pour l’Europe du sud (France, Espagne, Grèce, Italie, Portugal, Suisse, Liechtenstein). À 49 ans, il quitte le monde des affaires pour une nouvelle expérience au Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Puis en 1988, il fonde l’OME - Organisation mondiale pour l’éducation et la formation professionnelle. Eugen Müller est politiquement, religieusement et idéologiquement indépendant.

> Que peut apporter à la France votre double nationalité ? Disons d’emblée que je suis devenu Français par mariage. En cette qualité, je remplis consciencieusement mes obligations civiques et respecte inconditionnellement les lois et les us et coutumes français. Je peux aussi apporter à la France mon savoir en matière d’éducation et de formation professionnelle. > Quelles personnalités françaises souhaiteriezvous rencontrer ? Michel Drucker, Jacques Attali, Jean d’Ormesson. > Pourquoi avez-vous choisi comme cheval de bataille l’éducation et la formation professionnelle des jeunes ? Déjà, dans l’Antiquité, l’éducation était la base pour assurer l’autonomie d’un peuple. Peut-être aussi parce qu’un de mes ancêtres, qui, du temps de l’Helvétique (nom attribué à la Suisse pendant son occupation par Napoléon 1er), a été le seul instituteur à créer une école publique dans le délai de 15 jours qu’impartissait le décret y relatif. Ne disposant pas de locaux, il installa sa classe dans l’une des fermes familiales. > Quel personnage inspire votre mission ? Il y en a plusieurs. Mais la palme revient à Mohandas Gandhi, surnommé le Mahatma, et à son mentor Shrîmad Râjchandra. Gandhi a su libérer un subcontinent avec comme armes un symbole “le rouet” et le charisme.

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> Il y a de plus en plus de gens qui attribuent les guerres aux religions ? C’est absurde. C’est la fausse interprétation des écritures saintes, de toutes les écritures saintes, qui servent à des pseudo-croyants pour déclarer les guerres.

cipitent en ordre dispersé sur les lieux de catastrophes ? • Les coopérants occidentaux sont-ils utiles dans un pays étranger où, pour être efficace, il faut parler la langue locale, résister au climat, connaître les mentalité, culture, religions, us et coutumes ? • Est-il judicieux d’intervenir dans une région où les habitants, en apparence au dessus de tout soupçon, se proposent comme intermédiaires pour acheminer les dons - de préférence de l’argent - vers les sinistrés ? • Est-il équitable de lancer une opération dans une région X, sachant que la région Y à côté a exactement les mêmes problèmes ? • Est-il raisonnable de construire une école qui favorise un nombre restreint d’enfants sans tenir compte de la masse d’enfants qui restent non scolarisés? • Est-il juste de parrainer un enfant parmi des milliers d’autres vivant la même situation, par un soutien qui à nos yeux paraît modeste, mais qui permet à sa famille de changer de quartier et de vivre confortablement ? • Le financement à long terme a-t-il un sens ?

> Êtes- vous croyant ? Si l’on me juge en fonction de mes présences aux offices, non ; si l’on me juge sur mon engagement en faveur des enfants, oui. > Quelles sont vos rapports avec l’argent ? Ne dit-on pas que l’argent est un bon serviteur et un mauvais maître ! > Votre parcours professionnel étonne par sa diversité. Est-ce conciliable avec l’action humanitaire ? L’appréciation revient au lecteur de cette interview. > Les œuvres humanitaires poussent comme des champignons. Leurs fondateurs de tous âges sont des hommes et des femmes de tous horizons. Force est cependant de constater que malgré ce renfort considérable l’on ne réussit pas à endiguer la faim, ni l’exode des forces vives des pays pauvres vers les pays donateurs, ni la démographie galopante, ni l’esclavage et la prostitution des enfants, ni les guerres… En parlant des actions humanitaires, toujours plus de médias emploient des termes comme : égocentrisme, tourisme humanitaire, politisation, commerce de charité, scandales( Tsunami), donateurs dupés, moitié des dons récoltés non utilisés, etc. En l’occurrence, on peut faire un parallèle avec le chaos économique qui frappe de plus en plus de pays, même ceux que l’on croyait jadis invulnérables. La seule différence qui me semble être à relever, est que le monde économique est régi par des professionnels alors que le secteur humanitaire l’est plutôt par des amateurs.

Attribuer les guerres aux religions est absurde. C’est la fausse interprétation des écritures saintes, de toutes les écritures saintes, qui servent à des pseudo-croyants pour déclarer les guerres. Les réflexions sur ces questions permettaient d’élaborer les structures de l’OME, susceptibles d’être adaptées au fur et à mesure des changements dans le domaine, tout en maintenant le fil directeur du système. Ces structures se résument ainsi : • mission ; • promouvoir par la formation des jeunes, le développement durable dans le respect de l’environnement. Offrir à ces jeunes un bien impérissable qui leur permettra de devenir des citoyens et parents responsables, autonomes, capables de contribuer au progrès de leur pays ; • scolariser un maximum d’enfants avec un minimum de frais ; • créer des emplois sur le terrain ; • gérer l’OME avec une équipe restreinte de personnel qualifié. Priorités à traiter : • selon l’ONU, 50 000 enfants meurent chaque jour dans le plus complet dénuement - soit l’équivalent d’un tsunami tous les 5 jours ; • des centaines de millions d’enfants sont non-scolarisés. Leurs familles vivent en-dessous du seuil de la pauvreté ; • l’exode des jeunes forces vives affaiblit les pays pauvres et crée des tensions au sein des populations des

> Si j’ai bien compris, votre défi consiste à refaire le monde ? En l’état, renverser la vapeur est impossible. La mission de l’OME consiste seulement à démontrer, preuves à l’appui, qu’il est possible de réussir des actions humanitaires, même les plus ardues. > Expliquez-nous comment ! Commençons donc par le commencement. Après avoir constaté que le secteur humanitaire est empirique, qu’il ne disposait ni de centres de formation professionnelle, ni de certificats de capacité, ni de règles, ni d’éthique communs, il fallait dès lors tout innover et répondre aux questions suivantes : • Comment être performant avec des frais de fonctionnement modestes ? • Faut-il s’allier à une armada d’organisations qui se pré63

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> Pensez-vous possible une collaboration avec la DDC ? Certainement. Parler futur avec des idées préconçues n’est pas cohérent.

pays donateurs. Logistique : Considérant que l’Occident n’a ni les moyens financiers, ni les ressources humaines pour résoudre ces problèmes, l’OME s’est dotée de la logistique suivante : • le rôle de l’OME se limite au contrôle de la bonne exécution des programmes qu’elle finance, et à s’en porter garante envers les donateurs ; • l’OME est gérée comme une entreprise privée ayant pour devise : analyser - simplifier - exécuter ; • l’aide de l’OME doit bénéficier tant aux bénéficiaires qu’aux donateurs et leurs descendants ; • les partenaires sur le terrain, tous autochtones établissent et devisent eux-mêmes leurs programmes, les exécutent sans aide extérieure et reçoivent leur dû au fur et à mesure du travail accompli. Leurs devis ne sont pas renégociables. • les financements de l’OME portent exclusivement sur le lancement de programmes non-discriminatoires comprenant le développement durable, la paix, le respect de l’environnement, la promotion du marché du travail local et l’égalité des sexes ; • les frais d’administration se situent entre 4,5 et 5% ; les comptes sont contrôlés par une société de révision qui remplit pleinement les exigences légales de qualification et d’indépendance ; • les membres sont tenus à la stricte observation des statuts et du règlement interne ; • proposer des solutions est la règle (la critique est aisée, l’art est difficile).

> Et la France, a-t-elle déjà manifesté son intérêt pour l’OME ? L’OME a toujours entretenu des contacts de confiance avec la France. Depuis 2009, ces contacts sont devenus plus fréquents avec l’Élysée et le Quai d’Orsay, notamment pour l’Union pour la Méditerranée. > Vos programmes portent principalement sur le Proche-Orient où vous gérez le programme intitulé “Proche-Orient - la Paix par l’éducation” alors que plus personne ne croit à une paix dans cette région où, en plus, les Chrétiens seraient persécutés ! L’OME se fonde sur les faits et sur ses propres sources d’information. La tempête de révolte et de violence qui déstabilise les pays arabes n’influence aucunement le bon fonctionnement de ses programmes dans cette région. Ces programmes sont placés sous la houlette du Père palestinien Khalil Jaar et son équipe, représentant de l’OME pour le Proche-Orient depuis 1991, né à Bethlehem, Docteur ès histoire, directeur d’écoles (env. 1700 élèves dont la majorité est musulmane). Le programme de paix consiste en des rencontres entre jeunes Israéliens et Palestiniens. Il fonctionne depuis l’an 2000 à l’entière satisfaction des protagonistes israéliens, palestiniens et jordaniens et comprend une équipe mixte de football composée de 50% d’Israéliens et 50% de Palestiniens et Jordaniens. Chaque rencontre se termine dans la liesse générale.

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La tempête de révolte et de violence qui déstabilise les pays arabes n’influence aucunement le bon fonctionnement des programmes de l’OME dans cette région.

> Etes-vous sûr que vos partenaires exécutent leur travail correctement et que la maintenance des installations - citernes de l’époque romaine restaurées - soit assurée ? Étant donné que l’OME ne rémunère que le travail accompli, elle n’a pas eu de mauvaises surprises depuis bientôt 24 ans. Il me paraît improbable que nos partenaires qui ont travaillé dur et en grande partie bénévolement pour avoir de l’eau, tuent la poule aux œufs d’or.

> Quelle a été la réaction de vos confrères lorsque vous avez rendu publics vos plans ? Il n’y a pas eu de réactions particulières du côté des organisations privées et des états membres de l’ONU. En revanche, une agence onusienne nous a enjoint avec emphase de changer de nom, sujet à confusion, estimait-elle. L’OME n’ayant pas obtempéré, est privée de tout soutien de la part de ladite agence. En outre, la DDC (Direction du développement et de la coopération suisse) jugeant notre initiative utopique et condamnée d’avance notre système n’étant pas conforme à ses critères, nous a refusé tout soutien, et ce, depuis 1988.

> Qui sont vos donateurs ? Nos donateurs sont des gouvernements (en Suisse), cantonaux et municipaux, des politiciens, des banques, des entreprises, des avocats et notaires, des philanthropes et, bien sûr, les membres. Également ceux qui nous manifestent leur intérêt par l’achat de nos cartes de vœux. > Vos recettes sont-elles suffisantes pour financer vos programmes ? Les dons que nous recevons ne suffisent pas à financer nos programmes, loin s’en faut. Partant, j’ai déjà engagé un tiers de mon capital de retraite pour démarrer des projets urgents. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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> Beaucoup de personnes de votre condition sont plutôt bien rémunérées et jouissent de toutes sortes d’avantages. En renflouant la caisse de l’OME, ne risquez-vous pas de perdre votre argent ? Et pourquoi ne faites-vous pas appel à des organisations spécialisées pour collecter vos fonds ? Il faut savoir que les spécialistes auxquels vous faites allusion sont des hommes d’affaires qui travaillent pour vivre, voire bien vivre. L’exemple suivant choisi au hasard explique pourquoi l’intervention de ces intermédiaires ne sied pas à l’éthique de l’OME. Il y a quelques années, une carte routière fabriquée et diffusée par l’une de ces sociétés spécialisées était vendue 5 francs. L’œuvre qui les a mandatés a touché 50 centimes, soit l’équivalent de 10% du prix de vente. L’OME n’a pas été créée pour développer le commerce.

l’absence de centres de formation, de diplômes, de règles et d’éthique communs. Une idée à ce sujet vous a-t-elle déjà effleuré ? Bien sûr. Mais dans ce cas, les idées novatrices ne suffisent pas. L’appui gouvernemental, le financement et la garantie d’indépendance appropriés seraient nécessaires pour réaliser un tel projet. > Quelle recette magique souhaiteriez-vous transmettre aux politiciens ? Simplifier et penser à l’avenir de ses propres enfants avant de prendre des décisions ! > Et quel conseil donneriez-vous aux bienfaiteurs humanitaires ? Maîtrisez vos impulsions émotionnelles !

> La plupart des partenaires de l’OME sont des Jésuites, Salésiens ou enseignants catholiques. Ne craignez-vous pas que l’on vous soupçonne de sectarisme ? Ces soupçons seraient infondés. L’OME, qui est apolitique, non-confessionnelle, indépendante et neutre, choisit ses partenaires pour leur efficacité et leur non discrimination. Sur le terrain, le Père Jaar en est l’exemple. Les écoles qu’il dirige enseignent la Bible et le Coran, ce qui n’empêche pas les élèves et leurs parents de vivre en bonne harmonie. Et pour parler de l’hémisphère nord, les élèves Juifs, Musulmans et Protestants scolarisés à l’Institut Florimont de Genève ne se sentent aucunement dépaysés dans ce milieu catholique.

L’OME, qui est apolitique, nonconfessionnelle, indépendante et neutre, choisit ses partenaires pour leur efficacité et leur non discrimination. Juifs, Musulmans et Protestants ne se sentent aucunement dépaysés. > Et quel est votre mot de la fin ? Félicitations, cher Monsieur Pierre Oliviero, de m’avoir posé les bonnes questions. Le fait de vous intéresser à l’éducation et la formation professionnelle des enfants vous honore et prouve votre esprit pionnier et l’intérêt que vous manifestez pour une grande cause.

> Que pensez-vous des religieux en général ? Ils défendent la morale, ce qui est plus que jamais nécessaire dans un monde où l’argent fait loi. Pour étayer ma thèse, je citerai les dignitaires religieux de Genève qui tous ont signé notre Pacte pour la Paix (voir internet) recommandant le soutien au Père Jaar. En outre, j’ai “mon Evêque”, “mon Imam” et “mon Rabbin” qui font preuve d’une ouverture d’esprit exemplaire.

p.oliviero@hotmail.ch

PS : Pour obtenir de plus amples renseignements sur l’OME, vous pouvez consulter le site internet www.omeducation.ch

> Vous avez 78 ans. Avez-vous déjà pensé à votre succession ? Mon successeur a été nommé par l’Assemblée il y a 15 ans. Que tous ceux qui, après mon départ, craignent le déluge soient rassurés. D’une part, parce que les cimetières sont pleins de gens indispensables et d’autre part, parce que mon successeur sera un bon président préparé pour reprendre le flambeau. PIERRE OLIVIERO CONSEILLER ÉLU À L'A.F.E. SUISSE & LIECHTENSTEIN VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION

> À vous entendre, on a l’impression que vous avez une confiance inébranlable en ce que vous faites, que tout vous semble facile et que vos idées novatrices foisonnent. Vous a-t-on déjà plagié ? Ceux qui cherchent à imiter l’OME montrent leur incapacité de créer.

EUROPÉENNE

> Vous dites qu’il règne au sein de la corporation 65

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LIGNE APRÈS LIGNE, CHARLÉLIE S’ÉCRIT AU M 64

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CharlÉlie

MAÎTRE ENCHANTEUR Comme Merlin, ou comme Nicolas Flamel, l’alchimiste, cet homme possède le don de métamorphoser la matière. En œuvre d’art, notes, mots, couleurs, rouages, rideau de douche, raisin. Son secret : la Passion, la Curiosité, le Mouvement perpétuel. De la Lorraine à New York, Charlélie trace sa route « Follows the Line ». ouriant, affable, aimable, attentif aux autres dans le lobby futuriste et coloré de l’Intercontinental, nouvel hôtel de luxe, avenue Marceau à Paris, se prêtant sans impatience, avec intérêt même aux photos. Pourtant, CharlElie, chapeau noir, barbe de druide, blouson de motard, jongle avec le temps. En France quelques jours seulement. Pour assembler dans le Bordelais, un Graves, son Graves, dédicacer son dernier livre d’art, lancer la montre dessinée pour Saint-Honoré, organiser la distribution de son prochain CD, caler les dates de sa tournée. Un véritable maelstrom. Installé à New York depuis quelques années, pour aborder une autre phase de sa vie personnelle et artistique, CharlElie, aime, lorsqu’il pose ses bagages à Paris, redécouvrir les plaisirs gourmets, apprécier ces raffinements, ces nuances, ces petits riens qui transforment le moindre des repas en moment de grâce. À la table du M 64, restaurant gastronomique de l’Intercontinental, ses yeux pétillent de désir devant le menu concocté par le jeune chef Romain Marzet. Prêt à succomber à la tentation d’un millefeuille d’anthologie... Conversation entre Epicure et Socrate.

S

PAR ANNE-MARIE CATTELAIN-LE DÛ. PHOTOS : ALAIN SMILO, ASSISTÉ DE JOHANNA AYAULT. MERCI À VALÉRIE MILTGEN DU BUREAU PASCALE VENOT POUR SON PEPS ET SON EFFICACITÉ.

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> En cette rentrée, votre actualité foisonne et vous conduit en France où on vous voit peu dorénavant. Un plaisir de séjourner à Paris ?

Je suis parti aux Etats-Unis pour recommencer ma vie, c’est vrai. Cela ne signifie pas que j’efface celle qui a précédé.

Cela fait presque une année que je ne suis pas revenu. Passés la panique de la grippe H1N1 et le scandale du Mondial de football, je voudrais penser que je ne garde que le meilleur. En fait, j’ai la tête dans le guidon. Je pédale sur un vélo chargé de projets et de créations.

> Ce « chez nous » signifie-t-il que toute votre famille vous a suivi dans cette aventure ? Oui, le challenge résidait aussi dans cette expérience de nouvelle vie à partager ensemble, en famille. Ma femme, Annie, m’a accompagné, heureusement, dans ce nouveau défi d’existence, et mes deux filles ont vécu à New York des moments importants de leur vie d’adolescentes. Toutes les trois m’épaulent, sont indispen-

> Quand vous parlez de New York, vous dites « chez nous ». Est-ce à dire que vous avez rompu avec votre terre d’origine, la Lorraine ?

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CharlÉlie, sous toutes les coutures • Horloger, pour Saint-Honoré « The Line » Le 22 septembre, la maison Saint-Honoré révélait au Murano Urban Resort, à Paris « The Line », la montre imaginée par CharlElie, pour les 125 ans de la marque. Créés à 125 exemplaires seulement, signés par l’artiste. La ligne, The Line, est laquée blanc, contrastant avec le cadran noir mat et la boîte carrée en acier traité PVD. Une pièce rare. Déjà un collector. • Auteur-Multiste Photos, collages, acryliques, gouaches, pastels, peintures sur divers supports, notamment des rideaux de douche, l’univers poétique, multiforme de CharlÉlie inspiré par New York s’expose dans ce beau livre juste paru. Les textes, notamment de Philippe Cyroulnik, critique d’art contemporain, ajoutent à la profondeur de l’ouvrage. Une splendeur, une émotion. « Follow the Line », CharlÉlie. Verlhac Editions. 39 €.

• Chanteur retrouvé Un album. Pour tous ses fans et les autres, parution début décembre de « Fort Rêveur » enregistré à New York. En vente uniquement sur le site Venteprivée.com. « Pour le proposer à un prix plus que raisonnable, aux environs de 8,50 € et innover en matière de distribution », précise CharlÉlie. • CharlÉlie, vigneron. Accompagné par Pierre Négrevergne, chef de La Terrasse Mirabeau dans le VIe, CharlElie vient de créer, de l’étiquette à l’assemblage, un vin d’exception tiré à 1956 bouteilles numérotées. 1956, comme son année de naissance. « Coucher de Soleil » est un Graves 2009, réalisé dans les chais du Château Tour Bicheau de la famille Daubas. En vente en février 2011. Une tournée en France en 2011. Dates à consulter sur son site. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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Questionnaire œnologique au nouveau « Wine Maker », CharlÉlie Plutôt rouge ou plutôt blanc ? Aujourd’hui : « mon » Graves, donc rouge. Je vous avoue que j’ai découvert très tardivement le goût du vin, je succombais davantage à différents alcools, allant du Cognac à la Mirabelle, notamment pendant les tournées, en guise de partage avec mes musiciens, mais aussi pour me désinhiber avant de monter sur scène. Fini ! J’apprécie dorénavant le vin en esthète, en épicurien. Avec modération, délectation. Vin de soif ou vin de garde ? Blanc de soif, Rouge de garde. Vin entre copains ou vin pour accompagner un dîner gastronomique ? Lors d’un bon repas rabelaisien entre copains et copines. Vin français ou vin du nouveau monde ? Ah... question délicate. J’aime goûter les spécialités locales. Donc, en France, je bois français, il y a une telle diversité qu’on n’est pas prêt de s’en lasser... Aventurier dans le choix ou à l’écoute du sommelier, du caviste ? Je m’inspire des plats, donc plutôt autonome dans mes choix. Disons qu’au restaurant, le « prix de l’élégance » comme on appelle ça, intervient aussi... Achat au coup par coup ou cave constituée et équilibrée ? À une certaine époque, j’ai acheté beaucoup plus de vins que je n’en boirai, mais ils sont restés en France. Parfois, je pense que je devrais en revendre pour me reconstituer une cave.

> Une nostalgie de la France, parfois ? Les valeurs américaines ne sont pas les mêmes que les valeurs françaises, mais j’ai du plaisir à retrouver celles qui ont forgé une bonne part de ma culture. Je ne renie rien. > Vous vous définissez comme artiste « multiste » ? Qu’est-ce que vous « mettez » derrière ce mot ? Je suis artiste dans le sens qu’on donnait à ce terme à la Renaissance. À travers le « multisme », je défends l’idée que les expériences enrichissent la conscience, que l’Art n’est pas seulement une question de « savoirfaire », mais qu’il est d’abord un état d’âme. > Sur une planète virtuelle qui s’appellerait Arts, CharlElie pourrait vivre en autarcie, écrivant ses textes qu’il illustrerait avec ses dessins, ses photos, mettrait en musique avec ses notes, installant son studio dans un lieu qu’il aurait dessiné, conçu, décoré, organisant un vernissage, dans sa galerie autour de son vin, d’où vous viennent toutes ces envies ? Je conçois plutôt l’Art comme une pratique permettant d’atteindre un équilibre entre les pulsions intérieures qui me désorientent et le monde réel qui me bouleverse. Un artiste est souvent une personne possédant une sensibilité exacerbée. Ses créations lui permettent normalement de la juguler. Et à la différence d’un artisan, qui sait exactement ce qu’il va créer lorsqu’il entreprend une réalisation, l’artiste l’ignore. Il ne sait pas où son imagination va le mener. > Vous sortez quasi en même temps un livre de design « Follow the line » et pour la marque Saint-Honoré, une montre « The Line ». Comment passe-t-on de l’un à l’autre ?

sables à mon équilibre. Sans Annie, je n’aurais pas pu ouvrir ma galerie d’art, mener à bien tous mes projets. Elle me soulage des tracas administratifs et endosse largement sa part de responsabilité.

Ce sont les passerelles, le passage entre ces divers mondes justement qui m’ont conduit à admettre, il y a trente ans, que différentes parties de mon encéphale se reposaient quand d’autres s’activaient. Concrètement, après avoir passé une journée en studio sur la musique, il m’est facile d’écrire plusieurs heures d’affilée ou de travailler sur des œuvres visuelles sans ressentir la fatigue. Je n’ai pas besoin de palier de décompression pour passer d’une activité à une autre. Mais j’insiste sur le fait que je n’entreprends qu’une seule chose à la fois, que je ne mélange pas les genres. En ce mois de septembre, il se trouve que le hasard du calendrier veut qu’un certain nombre de ces projets aboutissent au même moment. C’est pourquoi je séjourne en France. >

> Dans cette mégalopole qu’est New York, vous vous sentez chez vous ? Je suis parti aussi pour me reconstruire et j’ai, à New York, des amis solides qui m’ont accompagné dans cette envie de réinventer l’histoire de ma vie en démarrant de zéro. Là-bas, en arrivant, je n’étais rien, je ne débarquais pas avec une étiquette. Le terrain était vierge. J’ai pris le risque de recommencer avec l’obligation de réussir. Je n’avais pas les moyens d’échouer, ni mentalement, ni financièrement. Mais j’avais l’immense liberté d’entreprendre, de m’exprimer. C’est une des grandes différences entre la France et les EtatsUnis. Là-bas, le champ des possibles est plus vaste.

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> Une montre à votre image ?

M 64, sous la houlette de Roman Marzet

Tout ce que je signe suit en effet une certaine logique...

ans le joli restaurant, côté verrière ou côté salle, côté terrasse même en été, le personnel, féminin en majorité, officie avec autant de grâce que d’efficacité. Dans les cuisines, ouvertes sur la salle, venu du Four Seasons George V avec son second japonais, Toshi, Romain Marzet, 36 ans, trousse des mets, beaux et bons. Pour que ses clients sortent de table nourris, heureux, légers. « J’aime surprendre par des alliances originales, remplacer le salé par le sucré, créer à partir de produits

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> Libre penseuse ? C’est amusant de l’exprimer ainsi. > Tourbillonnante ? J’ose croire qu’il s’agit d’une métaphore, car je ne me vois pas comme un cyclone. > Êtes-vous un passionné de montres, un collectionneur ? Une belle montre rassure. La montre est un des accessoires, symbole de l’élégance masculine. Je n’ai pas la constance érudite d’un collectionneur, mais j’en possède un certain nombre, en effet. Une Baume & Mercier échangée contre un de mes tableaux, une Rada Roland Garros numérotée qui évoque pour moi le tennis, un sport que j’aime beaucoup, la Tag Heuer de mon père, une Sector achetée à Hong Kong en 1983, mais aussi une montre mécanique de sous-marinier russe avec 24 heures inscrites au cadran.

simples que je respecte. Je travaille les légumes des maraîchers d’Ile-de-France, les poissons et coquillages de nos côtes. Je me fournis auprès de cultivateurs, de commerçants, que je connais personnellement et mets en valeur leur savoir-faire. Ainsi, actuellement, j’utilise beaucoup la Cazette, noisette française, broyée, torréfiée, bénéficiant d’une appellation contrôlée, un régal ! J’en parsème mon tiramisu de crabe, la glisse dans la crème onctueuse de mon millefeuille. Pour saluer l’automne savoureusement. »

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> Le temps, justement, ami ou ennemi ? Le temps est un fluide. La vie est une rivière. Je m’efforce d’en tenir compte. Surtout maintenant, alors que j’aborde la seconde partie de ma vie. Je suis sur l’autre versant de la montagne, celui qui descend. Un jour, de l’été 2002, à 46 ans, je me suis efforcé d’admettre que j’avais atteint ce point de non-retour. Le blues, un vrai blues. Et puis, j’ai décidé de célébrer ce moment important comme on fête un anniversaire. Le compte à rebours avait vraiment commencé, le temps ne serait plus jamais le même... Quelque part, ça m’a libéré.

> Comment conçoit-on le design d’une montre ? Qu’est-ce qui vous a guidé ?

> Le temps est-il une interrogation qui nourrit vos écrits, vos œuvres, vous interpelle ?

Il faut penser à ce que signifie le temps, un temps qu’on emporte, qu’on porte, qui ponctue notre existence. J’aimais l’idée de la ligne de vie. Pour le design, je me suis donc inspiré de ces lignes tracées sur l’asphalte de Manhattan, déformées par la chaleur. Elles sont à la fois symbole de contraintes et de Devoir, et ondulantes comme l’esprit qui doit s’adapter...

J’ai écrit une chanson intitulée « Le temps l’argent, le vent », mais ça n’est pas une obsession. Encore que… Je n’aime pas dormir, je crains toujours de ne pas me réveiller. Environ cinq heures de sommeil me suffisent depuis des années. > Vous venez également d’assembler un Graves, autant dire un vin d’exception.

> Quelles sont les caractéristiques de The Line, « votre » montre ?

Yes. Je l’ai assemblé au Château Tour Bicheau le 20 septembre dernier. Un moment très euphorisant. Peu à peu, en jonglant entre les différents éléments, en les dosant, je me suis pris au jeu. Je me suis senti comme un chef d’orchestre, responsable de la mélodie. Nous avons fait neuf essais, gardé le septième, le meilleur.

C’est une montre mécanique, automatique très évoluée, qui possède trois jours d’autonomie. Noire, sobre, carrée. Élégante et mixte.

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> Une aventure très nouvelle pour vous, du vignoble au chais ? En quelque sorte, le « chais de chez... moi » > Quel a été votre moteur pour arpenter les vignes ? Votre amour du vin ? Votre curiosité ? Des rencontres ? Un peu tout ça. Le vin est aussi un Art. Goûter un vin en tentant de le comprendre, c’est comme regarder un tableau en s’efforçant d’en pénétrer le mystère. Quand mon ami et chef, Pierre Négrevergne, m’a proposé de concevoir ma propre cuvée depuis la bouteille jusqu’à son contenu, j’ai trouvé que c’était un challenge très poétique, très ludique. Car le vin est aussi lié au plaisir du mot. Le vin délie les langues. Ma cuvée s’appelle « Coucher de soleil », c’est un vin du soir. A savourer plus précisément quand la lumière blanche devient rouge... Dans l’entre-temps vespéral, n’est-ce pas là un moment idéal pour goûter un bon verre de vin... rouge !

MENU SIGNÉ ROMAIN MARZET POUR CHARLELIE > Tiramisu de crabe, pomme et mangue Puligny-Monrachet 2007, Domaine Étienne Sauzet > Lotte rôtie aux légumes tendres et épices douces Pouilly Fuissé, Bio 2008, Denis Jeandreau

> Dans un beau texte sur votre site, vous vous inquiétez de devenir de la Terre, des méfaits que nous lui infligeons. Vous avez la fibre écologique ? Ou humaniste et vous vous inquiétez pour les générations à venir ?

> Millefeuilles à la Cazette Menu à midi à partir de 35 euros, le soir à partir de 44 euros. Belle carte des vins, avec un grand choix au verre.

L’écologie fait partie des arches de ma pensée. Les artistes sont comme des radars allumés qui scrutent l’invisible. La création est peut-être l’écran sur lequel apparaissent des choses inaccessibles à d’autres, et qui se trouvent révélées.

> Une envie d’échanger avec des acheteurs potentiels, d’autres artistes ? De jouer les voyeurs aussi en « récoltant » en direct les commentaires ?

> Oser ouvrir une galerie à New York qui, comme certaines cuisines de grands chefs, donne à voir sur votre atelier ?

Sept ans de gestation ça suffisait, il fallait que je sorte de mon cocon. Je trouve aussi très stimulant de rencontrer de nouvelles personnes, de s’ouvrir à d’autres milieux, d’autres sensibilités. Ces personnes, en majorité américaines, qui ne me connaissent pas, découvrent mon travail, me changent des visiteurs qui prenaient rendez-vous en ayant déjà une certaine idée de celui qu’ils venaient visiter. Et puis j’ai la chance de connaître un certain succès qui me permet de rester vivre dans cette ville. Il suffit de vendre 60 œuvres d’art environ, par an, pour survivre matériellement alors qu’il faudrait vendre, dans la même période 60 000 CD...

C’est assez récent en effet, mais c’est à peu près ça. J’aime ce contact en direct avec celui qui passe, voire l’acheteur. Ça marche bien. > Étrange comme démarche pour un artiste plutôt secret qui préserve bien sa sphère personnelle ? J’avais le sentiment que je commençais à tourner en rond au 19e étage, isolé dans mon grand studio au top floor d’un building qui surplombait les toits du Garment district...

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Plastination

L’EXPOSITION BODYWORLDS EST À BÂLE JUSQU’EN JANVIER 2012

Dissectiondescorpshumains àvocationscientifique

histoirecourte Les étudiants en médecine débutent toujours leur cursus par une année consacrée à l’anatomie, ce qui nous paraît évident aujourd’hui, mais le chemin a été long pour en arriver là.

Le bon docteur Von Hagens, professeur d’anatomie et ses maîtres

l a fallu attendre la Renaissance italienne qui a sorti l’homme de son ignorance quant à la connaissance de son propre corps référée jusqu’au XVe siècle aux Anciens Égyptiens et à leur pratique courante de l’embaumement. Quant aux travaux de Galien (médecin grec de l’Antiquité), basés sur la structure comparative du singe par rapport à l’homme, ils n’ont fait qu’alimenter la source d’inexactitudes multiples. L’interdiction formelle de disséquer pendant mille ans - édictée aussi bien dans les pays chrétiens que dans ceux d’obédience coranique - fut évidemment le frein essentiel à tout progrès de l’anatomie. Au début du XVe siècle, la construction des théâtres anatomiques (sortes de kiosques circulaires déboulonnés chaque année après utilisation et souvent installés à l’intérieur d’édifices religieux) en Italie, donna une impulsion déterminante au développement des connaissances anatomiques et permit d’améliorer les

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opérations des hernies, de la pierre - extraction de ladite pierre du crâne jugée responsable de la folie - de ou de la cataracte, jetant ainsi les bases de l’anatomie moderne. Par la suite, la plupart de ces théâtres anatomiques furent érigés dans un hôpital (plus facile pour l’approvisionnement en cadavres) ou dans une université comme celle de Montpellier qui fut la première à disposer d’une telle installation en France. En 1556, l’Université de Bâle en est déjà à son second théâtre anatomique comme le rappelle le Bâlois Félix Platter, anatomiste suisse de renom, racontant dans son journal une séance de dissection portant sur deux sujets en même temps, une femme et une jeune fille. À la même période, les Espagnols bâtissent le premier amphithéâtre destiné à durer ; c’en est fini des constructions éphémères.

Leonard de Vinci et Andreas Vesale sont les mentors du plastinateur professeur d’anatomie d’Heidelberg. Comprendre le fonctionnement de notre corps de l’intérieur n’est pas un concept nouveau, la période de la Renaissance en est le reflet, notamment grâce aux travaux de Leonard de Vinci, homme d’esprit universel et anatomiste averti, dont Gunther Von Hagens s’efforce de suivre les traces. Cependant, sa référence essentielle est celle d’Andreas Vesale, médecin flamand de la Renaissance considéré comme le “père de l’anatomie moderne” et tombé très tôt dans la passion de la dissection (Anatomie en grec signifie science du découpage) grâce, ou à cause, du voisinage familial avec le Gibet de Montfaucon aux portes de Paris. Il est en effet celui qui a rendu “vivante” la science de l’anatomie en disséquant pour les étudiants en médecine, de réels cadavres humains et non comme auparavant des cadavres d’animaux, FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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reux : finie l’ignorance, l’exposition vous indique, entre chacun des corps artistiquement plastinés, ici, les statistiques cardiaques comparées du sportif et du rond de cuir, là, le trafic des cellules sanguines et des autoroutes (95 000 km au total, plus de 2 fois le tour de la terre !) qu’elles empruntent pour irriguer sans faillir la totalité de notre corps. Si vous n’êtes pas vraiment convaincus du caractère indispensable d’une structure si complexe, alors observez bien, au hasard de votre visite, les organes vitaux exposés que sont le cœur, les poumons ou les artères, une sorte d’avant-après saisissant, je veux parler de l’avant-après maladie, vraiment instructif !

Le corps plastiné : une création originale datée de 1977 Grâce à la plastination qui remplace l’eau des cellules par un matériau plastique, le Docteur Von Hagens parvient à conserver et exposer des cadavres. Les préparations anatomiques sont fermes et sans odeur, et peuvent garder des positions inédites. Autrement dit, la plastination est une technique de conservation anatomique qui consiste à éterniser les spécimens en extrayant l’eau et les graisses des tissus qui seront remplacées par des résines (polymères). L’architecture est ainsi préservée jusqu’à l’échelon cellulaire. Définition donnée lors d’un congrès d’anatomie tenu par le Professeur Jean-Michel Prades à SaintEtienne, pionnier en France et grand défenseur de la pratique de la plastination depuis 1995. J’aime assez ces précisions glanées sur http://thecorpsedrivers.coolbb.net/t1038-dr-gunther-von-hagens-korperwelten : « le succès de Gunther von Hagens et de ses écorchés morts est tel qu’il affirme avoir déjà reçu 121 cadavres et 4 000 promesses de dons. C’est le pari de ce Pascal du XXIe siècle ».

seule pratique autorisée alors par l’Eglise. Il faut garder à l’esprit en déambulant dans les salles de l’exposition Körperwelten dans le quartier des foires à Bâle, l’objectif du Dr Von Hagens. Il le dit lui-même et le martèle : lors des expositions, l’idée est de permettre au profane de comprendre son propre corps physique et de l’inciter à l’estimer davantage en lui présentant concrètement ce que la négligence ou l’excès provoquent sur notre fragile carcasse, voyez ces articulations en friche ou ces poumons noircis ou encore ces foies cirrhotiques.

Notre corps dans tous ses états au grand jour grâce à un procédé révolutionnaire : la plastination Quelle belle idée de vouloir parfaire les compétences anatomiques des carabins de la promotion XXIe siècle ! Encore faut-il s’en donner les moyens. Mettre en mouvement les planches anatomiques et ranimer les exposés magistraux des enseignants des facultés de médecine, voilà le challenge relevé par le Dr Gunther Von Hagens, découvreur du procédé de plastination dont le résultat est l’arrêt de la décomposition des corps et leur conservation définitive. Depuis le 26 aout, l’inventeur de la plastination et son administratrice, le Dr Angelina Whalley, présentent à Bâle leur exposition Körperwelten, une affaire de cœur, présentant plus de 200 spécimens humains. Pour chacune de ses expositions, le Dr Von Hagens, (sosie de Joseph Beuys en plus sympathique, peut-être une affaire de chapeau), choisit un thème central, cette fois-ci, le cœur ; quoi de plus rassembleur que l’objet de presque toutes nos preoccupations, celui qui renferme nos passions, nos peines, nos joies ; mais aussi, plus prosaïquement, la pompe laborieuse sans laquelle nous ne saurions simplement exister, un petit soldat fidèle qui ne connaît ni RTT, ni 35 heures. Ceux d’entre nous qui n’ont pas encore bien capté comment fonctionne la précieuse pépite logée dans nos corps vont être heu-

Cadavres exquis : du materiau d’observation à l’œuvre esthetique Hors du contexte universitaire, le Dr Von Hagens ne cherche pas à montrer de l’anatomie pure. Pour lui, il s’agit plus d’un divertissement anatomique, voire d’un “art anatomique”. Les corps (sains ou malades) sont ex-

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L’exposition Körperwelten, infos

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Eine Herzenssache Messe Basel - Halle 5 - CH – 4005 Basel Mail : basel@bodyworlds.com Billetterie : http://www.ticketcorner.ch/ Audioguides en français, allemand, anglais Du dimanche au jeudi de 9 h à 19 h 30 (dernière entrée 18 h 00). Les vendredi et samedi de 9 h à 21 h (dernière entrée 19 h 30). Accès : tram 1 ou 2, arrêt Messeplatz http://www.koerperwelten.com/de/basel/home.html L’équipe de Körperwelten Bâle propose dorénavant des visites guidées en français. La première entre dans le programme de l’Union Française et Francophone de Bâle. Elle a lieu le jeudi 24 novembre. Prochaine exposition à Rome, face au Vatican.

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Plastination > posés de manière scientifique, abstraite ou esthétique, et le Dr Von Hagens espère ainsi faire comprendre au public combien notre corps est une belle et fragile création. Mais bon, encore fallait-il savoir mettre en avant l’aspect artistique de la chose scientifique ; c’est là qu’intervient Angelina Whalley, épouse du sieur Plastinator ou comment lier l’art et la science ? Depuis 1995, le Dr Angelina Whalley occupe la place de directrice artistique sur les expositions de Von Hagens. Son but : présenter au public les corps et les organes plastinés en organisant des mises en scène attractives rendant les sujets familiers et non angoissants, laissant la part belle au plaisir d’apprendre et de comprendre la fragilité de notre corps sain ou malade. Mission accomplie, à mon sens en tout cas. La danse, le tir à l’arc, les échecs, le ski, le cyclisme, n’ont jamais été décrits d’aussi belle manière ; et les tranchages longitudinaux de têtes ou de corps entiers sont assez esthetiques, ni Arman, arrangeur de statues grecques et autres simples contrebasses - vues à Tinguely l’an passé, souvenez-vous - ni Damien Hearst - célèbre découpeur de vaches trônant autrefois au Palazzo Grazzi - ne nous diront le contraire. Je vous conseille un arrêt devant l’Autre partie de cartes, façon Hollywood, une scène de Casino Royale ou Daniel Craig évolue au milieu d’une exposition Bodyworlds, j’ai trouvé cela assez comique (observez les pieds). Pour les détails de la technique de plastination, rendezvous sur la page de l’expo zurichoise en français : http://www.koerperwelten.de/fr/zuerich/ plastination.html - Plastination mode d’emploi

ont donné leur corps à la science en connaissance de cause. En 1980, le Dr Von Hagens crée à Heidelberg la firme BIODUR™ pour la distribution de polymères et appareils conçus à cet effet, puis il a fondé en 1993 l’Institut de Plastination (dirigé aujourd’hui par sa femme). Il est depuis 1996 Professeur étranger à l’Université de médecine de Dalian, en Chine, et Directeur du Centre de Plastination de l’Institut d’anatomie de l’Académie de médecine d’Etat du Kirghizistan à Bishkek. Bishkek est son centre de “recherche & développement” et Dalian le “centre de production”. Il a créé dans ces deux villes des “Plastination Cities” où des centaines de plastinateurs préparent les corps. Le gros du travail est fait par son équipe, le Dr Von Hagens - qui habite à Bishkek- ne “met la main à la pâte” que pour les finesses esthétiques. Quelques chiffres : d’après un sondage concernant plusieurs expositions de 1996 à 2008 auprès de 500 visiteurs dans chaque ville, dont Bâle où l’expo fut déjà présentée en 1999, mais aussi Hosaka, Singapour, etc. À la question « comment avez-vous trouvé l’exposition ? », près de 90% des interrogés ont répondu très bien ou bien. À l’été 2011, l’Institut de Plastination d’Heidelberg du Dr Von Hagens a enregistré, dans le cadre d’un programme de don des corps, 12 898 offres dont le maximum viennent d’Allemagne, hommes et femmes se valent en chiffres ; la moyenne d’âge des donneurs est de 61 ans. À noter : Le dr Von Hagens sera plastiné, c’est écrit et reporté à l’occasion d’un entretien dans le Bild allemand de janvier 2011, dont voici l’extrait : « Mon épouse va plastiner mon corps. Nous nous y préparons depuis longtemps. Mon plastinat sera placé à l’entrée de mon exposition. Il prendra la pose du salut. Je veux dire bienvenue à mes visiteurs, même si je suis mort », déclare-t-il au journal le plus lu d’Allemagne. Ce que j’en pense : La Tribune de Genève rappelant les ennuis de Von Hagens accusé, dès 1997, d’atteinte à l’integrité des cadavres ! Les bras m’en tombent ! C’est quoi un cadavre intègre ? Du moment que je n’y reconnais pas un membre de ma famille, et je vous défie de reconnaître qui que ce soit, je n’ai personnellement pas de griefs contre le bon docteur ; en outre, je crois en l’âme ayant quitté l’habit charnel à l’ultime instant, ce en quoi je rejoins une grande partie du peuple croyant, pas de souci non plus de ce côté, donc . Le travail de Von Hagens est scientifique et didactique avant tout, il est un bon moyen de faire avancer la connaissance des étudiants en médecine en anatomie et de nous sensibiliser par exemple aux ravages des addictions type tabac, alcool sur notre corps, tout en valorisant l’aspect esthétique et la sophistication de la mécanique parfaite de l’être huVÉRONIQUE BIDINGER main.

Le Docteur Gunther Von Hagens.

On aime ou on n’aime pas ! La première question à polémique, c’est : « d’où viennent les corps ? » Les “créatures” du Dr Von Hagens, comme il les nomme, sont toutes des volontaires qui

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• À ce jour, 12 000 personnes ont fait don de leur corps à l’Institut de Plastination du Dr Von Hagens. • La plastination d’un corps entier : 15 h 00 de travail • Plus de 33 millions de visiteurs pour les expositions Körperwelten • Une girafe de près de 6 m : c’est le plus grand plastinat existant • La firme BIODUR du Dr Von Hagens fournit en matériel de plastination plus de 400 écoles et universités de médecine dans le monde. • Depuis 2008, les corps plastinés peuvent être colorés • Les systèmes lymphatiques et veineux sont encore à l’étude • Le Dr Von Hagens met au point actuellement le premier cursus d’anatomie aux USA utilisant des plastinats au lieu de corps disséqués. • Le Dr Whalley, épouse de Von Hagens a introduit la philosophie pour structurer les expositions en créant un lien entre les plastinats et les réflexions sur la vie. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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Comme un hommage sans précédent à l’humanité


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Le roi des fines lames Le Laguiole revisité : architectes, designers et créateurs de mode ont conçu des modèles contemporains à l’élégance discrète. Habillé de rouge et noir par Sonia Rykiel (ci-contre), couverts de table raffinés, une vaste gamme à découvrir…

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Photos Forge de Laguiole

CouteauLaguiole Quandle

savoir-faire toucheau sublime FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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u commencement était un couteau à lame étroite et effilée fabriqué à Laguiole. Ce couteau multiusages, nommé capuchadou, était porté par les paysans de l’Aubrac dans leur poche ou leur manche et leur servait à tailler des branchages, fabriquer des paniers, se défendre contre les loups, ou percer la panse des vaches afin de leur éviter un gonflement par ingestion d’herbes trop grasses.

A

Noblesse des matériaux Les premiers couteliers - MM Mouli, Glaize et Calmels se sont installés à Laguiole au début du 19e siècle. D’Espagne où ils étaient partis à la recherche de travail, des gens de l’Aveyron, ramènent le navaja, couteau espagnol avec un système de fermeture. Enorme innovation ! En 1829, les couteliers forgerons de Laguiole produisent ces premiers couteaux ingénieux, munis d’une butée permettant d’arrêter la lame dans sa course avant de venir en contact avec le ressort. Vers 1908, les premières abeilles apparaissent sur la tête du ressort des couteaux de Laguiole. Les années 18901910 voient l’éclosion de nouveaux décors sur les couteaux. Cette période Art nouveau est l’âge d’or de la coutellerie laguiolaise qui innove : manches en ivoire sculpté, têtes de personnages tels que Napoléon, Jeanne d’Arc… En 1900, récompense suprême pour les couteaux Pagès et Calmels qui reçoivent une Médaille d’Or à L’Exposition Universelle de Paris. Mais la Première Guerre mondiale sonnera le déclin de la coutellerie de Laguiole avec la disparition de l’effectif ouvrier. Seules deux coutelleries survivront et maintiendront la renommée du couteau Laguiole.

Retour en Aubrac, son lieu d’origine…

Autrefois, la coutume voulait que l’on offre aux jeunes mariés un couteau de Laguiole sur lequel un trèfle à quatre feuilles remplaçait l’abeille… Si les gardiens de troupeaux portaient toujours sur eux ce couteau traditionnel, ce grand classique qui a fait son entrée dans les arts de la table est toujours fabriqué en Aubrac, entre savoir-faire et modernité… 77

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Partis à la recherche d’emploi comme garçons de café ou livreurs de charbon – les fameux bougnats - les jeunes Aveyronnais emporteront avec eux les fameux couteaux à fermeture à cran forcé, les faisant ainsi connaître et apprécier. A tel point que la ville de Thiers récupèrera l’idée et se mettra à en fabriquer. En 1987, trois personnalités de l’Aveyron regrettant que le couteau de Laguiole soit fabriqué ailleurs que sur leur territoire, décident de monter une entreprise à Laguiole. L’aventure de la société Forge de Laguiole débute avec 4 personnes et du matériel acheté à Thiers. Le succès suit et… perdure puisque le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » lui fut décerné par le Ministre français

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Le roi des fines lames >

chargé des entreprises ainsi que le “Janus de l’Industrie 2008”, décerné par l’institut Français du Design. L’architecture de verre et d’aluminium du bâtiment ne passe pas inaperçue, avec sa lame de couteau de 18 m émergeant du toit ! Symbole de l’activité et du dynamisme de l’entreprise, ce design traduit parfaitement la philosophie de l’entreprise : allier création et tradition…

dans le monde. Son couteau au manche en aluminium est exposé dans la collection permanente du musée MoMa à New York et le bâtiment Forge de Laguiole porte sa griffe… Notre produit est connu au Japon et aux USA et on a commencé à exporter dans le monde entier. Si on compare une entreprise à un train, le design est la locomotive qui entraîne vers l’avant les wagons… S’il n’y avait pas de design, peut-être la tradition n’avancerait pas… » Effervescence dans la forge où les lames sont chauffées à 1000 °C avant de subir plusieurs opérations, pour obtenir un tranchant irréprochable.

Tout à la main, à l’ancienne…

Dessine-moi un couteau…

Laurent Jouany connaît chaque rouage, chaque artisan, et bien sûr, toute l’histoire du célèbre couteau Laguiole et de l’entreprise qui le fabrique : « C’est par l’entremise de la famille Costes, originaire de l’Aveyron et propriétaire de cafés parisiens, que Philippe Starck entendit parler de Laguiole. Le célèbre designer a contribué au renouveau du couteau et à son rayonnement

D’autres designers ont souhaité que l’on sorte un couteau à leur nom. Ainsi furent conçus des modèles contemporains, épurés voire insolites comme celui d’Ora-Ito ; futuriste revu par Courrèges ; manches aux couleurs fluo dessinés par Jean-Michel Wilmotte ; cou-

Photos Forge de Laguiole

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Couteaux à usages spécifiques et interprétation moderne de matériaux traditionnels : poivrier en corne et cuir noir de vache d’Aubrac (en haut), couteau à beurre « Lou Bure » créé par Stéphane Rambaud.

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teaux de table d’Olivier Gagnère présentés dans le restaurant du célèbre chef Pierre Gagnaire ; couteaux à pain, à découper de Christian Ghion ; habillé de rouge et de noir par Sonia Rykiel, première femme à donner une touche féminine au Laguiole ; couteau à beurre signé Andrée Putman : perles turquoises choisies par Eddy Mitchell… En voisin admiratif, Michel Bras a définitivement adopté les couverts Laguiole et Anne-Sophie Pic, appréciant ses formes élégantes et ergonomiques, les a placés sur les belles et bonnes tables de son restaurant au Beau-Rivage Palace de Lausanne. La main de l’homme et son savoirfaire réunis dans un écrin de verre et d’aluminium signé Philippe Starck.

L’abeille, cadeau impérial ? Préparation des pièces métalliques, forge, sciage, montage, assemblage, polissage, ciselage, affûtage… Chaque couteau demande plusieurs heures, voire plusieurs jours de travail, et font l’objet de nombreuses étapes successives. Chaque modèle est monté, ajusté et façonné à la main, méticuleusement, par des sculpteurs-artistes qui mettent leur art au service de la coutellerie… Avec des matières provenant en priorité de l’Aveyron ou du territoire français. « En 1829, Calmels n’a pas pensé à déposer un brevet. Absence de brevet signifie : pas de contrefaçon et pas d’appellation AOC ! Pas de problème de concurrence avec Thiers où sont fabriqués tous les couteaux régionaux : couteaux corses, etc. Thierry Moysset, directeur de Forge de Laguiole, se bat pour une appellation 100% Made in France. Car il suffit qu’un produit comporte seulement 25% de fabrication française pour qu’il ait droit au label Made in France… En aucun cas, l’abeille n’est signe d’authenticité. En réalité, nul ne sait comment elle est venue se poser sur le célébrissime couteau ! Plusieurs versions furent émises dont celle de Napoléon qui aurait permis à ses valeureux grognards aveyronnais de faire figurer son emblème personnel sur leurs

couteaux. Forge de Laguiole revendique 100 % d’authenticité autour de cet objet d’art réalisé avec des matières provenant en priorité de l’Aveyron ou du territoire français, reconnaissable à son logo exclusif. »

Maîtres couteliers et artistes

francoyse.krier@bluewin.ch

Virgilio Muñoz Caballero, Meilleur Ouvrier de France en 1986 intègre Forge de Laguiole en 1994. Fort de la médaille d’or 1987 du meilleur apprenti, Stéphane Rambaud le rejoint en 2005. Un peu magiciens, intensément créateurs, tous deux imaginent des couteaux d’exception, sur mesure, au gré de leurs inspirations, à la demande de clients ou en série limitée. Car des collectionneurs du monde entier s’intéressent aux Laguiole. Le grand classique change de style : aux premiers manches des couteaux en corne des vaches de l’Aubrac ont succédé des manches en os, ivoire de mammouth, fémur de girafe, essences de bois précieux ou exotiques… Le choix est vaste ! Sculpté à la main, à l’ancienne, chaque couteau est unique et peut être gravé au nom de son propriétaire. C’est tout l’art FRANÇOYSE KRIER du bel objet… www.forge-de-laguiole.com

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Extravagants !

Aux portes de la Méditerranée et au pied du célèbre Viaduc, Millau s’est vu attribuer trois « fleurs » au concours des villes et villages fleuris. Dans le vieux bourg, des plaques portent les anciens noms de rues écrites en rouergat. Au xe siècle, Millau est le centre du gant d’agneau. Au xxe siècle, près de 12 000 personnes sur les 18 000 habitants, vivent de l’industrie des cuirs et peaux. Depuis 2000, la « capitale de la ganterie » est également labellisée Ville et Métiers d’art.

Millau àfleurdepeaux... Les gants les plus prestigieux du monde

e nos années d’école, nous gardons en mémoire la renommée des mouchoirs de Chollet, de la dentelle du Puy, des gants de Millau… Au Boulevard des Gantières, le bien nommé, la manufacture Causse en impose : bâtiment de bois, de cuivre et de verre, façade majestueuse, le tout revisité par JeanMichel Wilmotte. À l’extérieur, vestige des années d’antan, la chaudière de l’ancienne ganterie… Symbole d’un métier devenu rare, la maison Causse est la dernière « usine » à fabriquer des gants à Millau. Ici, s’effectue un véritable travail artisanal fait de savoirs spécifiques et de tours de main. Fondée en 1892 par Paul Causse, cette manufacture est la digne héritière des grands noms qui ont fait l’histoire du gant de Millau. En 1995, Olivier Causse, appartenant à la quatrième génération de gantiers, rejoint l’entreprise familiale où il occupe le poste de directeur de production.

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En 1999, Nadine Carel et Manuel Rubio, plasticienne et designer graphique, s’installent à Millau, décidés à redonner un coup de jeune à cet art de la ganterie. Leur première collection sera le début d’un succès qui ne se démentira pas. En 2001, le prix de l’Association Nationale pour le Développement des Arts de la Mode, récompensant le travail de la jeune création internationale, leur fut attribué. De grandes marques feront appel à leur talent pour la création de leurs modèles de gants : les maisons Chanel, Louis Vuitton, Hermès, Céline... En 2003, ils s’associent avec Jean-Louis Costes* et relancent la marque « Causse Gantier ». Actuellement, la manufacture Causse emploie 30 artisans qui réalisent 25’000 paires de gants chaque année dans ses ateliers.

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Causse gantier 2011

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Entre mitaines brodées de pierres et de cabochons par Lesage et gants parés de plumes par Lemarié…

Perles, plumes et broderies Dès l’entrée, le visiteur est séduit. Galerie de verre qui laisse passer la lumière, presse à balancier, tonneau à teinture pour les peaux, alignement de machines à coudre qui témoignent de l’épopée de la mégisserie et ganterie à Millau. Sur de longues tables, sont présentées les nouvelles collections. Aux murs, exposition de gants rares, dédicaces de personnalités et de stars internationales pour lesquelles des modèles ont été spécialement créés : Sharon Stone, Kylie Minogue, Madonna, Christina Aguilera, sans oublier Karl Lagerfeld… Les visiteurs peuvent admirer, exposés sous verre, de longs gants noirs garnis de plumes, des mitaines 81

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blanches aux broderies de pierres de cristal et de perles signées Lesage. Les créations pour la maison Chanel, cloutées, matelassés, ornées de chaines et de rivets, figurent en bonne place.

Fabrication dans les règles de l’art « Installés au bord des rivières, les mégissiers connaissent depuis des siècles les secrets d’une matière façonnée pour que le gant fasse peau sur la main. Laver la peau, la tanner, la teindre, sont des opérations qui requièrent une maitrise totale de cette technique, un savoir-faire transmis de génération en génération. Les tanneurs de Millau nous permettent d’obtenir la matière première. Sur ces peaux réputées pour leur qualité,

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Extravagants ! Malle à gants gainée de cuir réalisée pour Causse par le malletier Pinel & Pinel.

Causse ga

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Gants bijoux "customisés" par Delfina Delettrez pour Fendi.

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gant avec des emporte pièces. Pour la couturière, fuseaux et machines à coudre anciennes, ce qui permet d’obtenir des coutures très minces à l’intérieur du gant et éviter ainsi toute gêne à la personne qui les portera. Toutes les pièces constituant un gant sont numérotées et marquées de leur taille avant d’être fendues : la main, les doigts, les pouces et les fourchettes (entre-doigts).

commence alors la longue et minutieuse confection d’un gant qui nécessite quatre-vingt opérations, entre le dépeçage et la finition. Pour obtenir un confort maximum, les peaux doivent être extrêmement fines avec beaucoup d’élasticité. Il faut compter au minimum 2 heures de travail pour fabriquer une simple paire de gants cousue à la machine et 4 heures pour une paire de gants cousue à la main, davantage pour certains modèles avec broderies et ornements. » explique Manuel Rubio.

K. Lagerfeld, fidèle ambassadeur de la marque.

Luxe, qualité, savoir-faire

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Maître gantier, petites mains, couturières Un gant haut de gamme exige beaucoup de minutie et le travail de préparation est important. Les décorations sont effectuées avant l’assemblage du gant : broderies, perforations à la main ou à la machine, confection de nœuds, pampilles, fourrures… On pose ensuite les doublures - soie, cachemire - à la main. Une fois terminés, les gants vont être for-

Après le choix et examen de la peau, en fonction du modèle à réaliser, celle-ci sera étirée, fendue et découpée. Chacun devant leur table, les artisans travaillent de la même façon qu’il y a plusieurs siècles, avec des outils modestes mais précieux. Règle en buis, couteau sans tranchant, pour le coupeur qui découpe la forme du FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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Mise en décor, vitrines en fête

mées et repassés sur des « mains chaudes » en fer, dont il existe un exemplaire par taille. Dans la ganterie, les tailles s’expriment depuis toujours en pouce et demipouce. La mesure du gant qui va du 6 au 11 par demitaille se prend sur le tour de la main en fermant le poing, sans prendre le pouce. « Aujourd’hui, les gants sont les bijoux de la main », conclut Manuel Rubio à la veille d’un voyage en Chine pour une exposition de ses produits. « Le domaine du luxe est en forte progression. Le haut de gamme, le travail du cuir, la capacité de nous renouveler sans cesse nous permet de maintenir ce savoir faire rare et prestigieux. » Causse Gantier a obtenu en 2006 le label « Entreprise du patrimoine vivant » décerné par l’État français aux entreprises détentrices d’un savoir-faire rare et ancestral. Ses collections sont présentes à Londres, New York, Moscou, Tokyo, et à Paris dans l’élégante boutique Causse, située sous les arcades de la rue de Castiglione.

Les industries de la mégisserie et de la ganterie, en activité à Millau depuis le Moyen Age, rythment depuis des siècles la vie économique de la cité millavoise. Installé dans un Hôtel datant du XVIIIe siècle, le musée de Millau labellisé « Musée de France », expose toutes les étapes de la chaîne de transformation des peaux brutes en peaux fines et souples. Les multiples aspects fonctionnels ou symboliques du gant sont rassemblés dans des vitrines. Plusieurs salles du musée présentent, outre des outils de mégisserie, des centaines de modèles de gants d’hier et d’aujourd’hui, réalisés à Millau pour les plus grands couturiers. www.causse-gantier.fr FRANÇOYSE KRIER *Aveyronnais originaire de Laguiole, « monté » à Paris avec son frère Gilbert. Ils y ont ouvert une quarantaine de lieux incontournables : grands cafés, hôtel…

La chaudière ancienne devant la manufacture Causse. Manuel Rubio gère la création des collections et la direction artistique de l’entreprise.

Choix des peaux et savoir-faire. Les gants sont formés et repassés sur d’impressionnantes « mains chaudes ».

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Randonnée en Aveyron epuis le 29 juin dernier, les Causses et les Cévennes sont inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Cette terre d’histoire possède de nombreux et prestigieux témoignages du passé. Région attachante, constituée d’une mosaïque de paysages contrastés : terre rouge foncé du Rougier de Camarès, douceur des nuances bleu-vert des Causses, gris-brun des toits de lauzes de l’Aubrac.

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Situé au centre d’un triangle formé par Toulouse, Clermont-Ferrand et Montpellier, partagé entre l’Aquitaine, le Languedoc et l’Auvergne, l’Aveyron est un des plus grands départements de France - le 5e avec 8 735 km2 - et le 3e par sa population en région Midi-Pyrénées.

L’Aveyron

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Notesdecœurs,harmonieetémotions

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Chemin de St-Jacques de Compostelle

Cités templières et hospitalières au Larzac Géant d’acier et de béton, le Viaduc de Millau, s’inscrit admirablement dans un paysage grandiose.

Parmi les étapes aveyronnaises, Conques, joyau de l’art roman, est célèbre grâce à son église abbatiale SainteFoy. Depuis ce site convergent deux itinéraires du pèlerinage vers Compostelle, dont celui de Rodez. Les pèlerins venant du nord traversent Espalion, bourg nommé « premier sourire du Midi » où les façades de maisons pittoresques, anciennes tanneries, se reflètent dans le Lot.

Les Templiers s’installèrent sur le Larzac au XIIe siècle, à la faveur des dons de terres faits à leur ordre et dont les revenus servaient à l’entretien des chevaliers en Terre Sainte. Afin de sécuriser les habitants, leurs biens et leurs animaux, ils édifièrent la Commanderie Sainte-Eulalie-de-Cernon, La Couvertoirade et le Viala-du-Pas-deJaux, hérités par les Hospitaliers, à la suppression de l’Ordre du Temple, en 1312. Ces charmants villages classés et protégés recèlent des trésors : châteaux, églises, remparts, dédales de rues bordées d’échoppes, Hôtels particuliers...

Villages incontournables, vIaduc spectaculaire Avec 10 villages classés "plus beaux villages de France", l’Aveyron arrive au premier rang des départements français ! Parmi ceux-ci, Belcastel, Estaing, Najac, Peyre s’étirent au fil de l’eau ou au pied de falaises. Ouvert à la circulation en 2004, le Viaduc de Millau aux allures de voilier, s’inscrit parfaitement dans un paysage grandiose. Construit pour fluidifier le trafic entre Paris et la Méditerranée, ce viaduc le plus haut du monde 340 mètres de haut - enjambe la vallée du Tarn. A découvrir en canoë, en parapente ou depuis l’Espace gourmand en savourant un « capucin » (cornet fait de pâte et garni à choix de viande, de légumes…) élaboré par le célèbre chef aveyronnais Michel Bras. On l’admire également, de jour ou de nuit, depuis le Château de Cresseils, hôtel de charme aux portes de Millau.

Gastronomie aveyronnaise Sur le plateau du Larzac, 50.000 brebis constituent le troupeau laitier servant à la fabrication d’un fromage magique : le Roquefort aux moisissures nobles, délices des gourmets. De ça, de là, des jasses, bergeries en pierre, des lavognes - oasis du causse - trous pavés dont l’argile retient l’eau des pluies... Roquefort, classée site du goût depuis 1994, est le site agroalimentaire le plus visité de France. Qui pourrait se douter en entrant dans le bourg que, sous la longue rue principale, 100.000 fromages entament leur affinage à l’abri de la lumière, dans un labyrinthe d’environ 2 km de long et 300 m de large, composé de 30 caves naturelles adossées contre la falaise du Combalou ? Le fromage de Laguiole bénéficie de l’appellation AOC. Fabriqué traditionnellement à partir de lait de vache cru et entier, par la coopérative Jeune Montagne (Laguiole) qui produit aussi l’aligot. Ce délicieux plat emblématique de la gastronomie aubracienne est composé de purée agrémentée de tome et de crème fraiche qui donnent un mélange onctueux et filant !

Unique chef étoilé Quel que soit le temps, suspendu entre ciel et terre, l’endroit séduit. Sur les hauteurs de Laguiole, s’avance tel 85

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Randonnée en Aveyron

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La Couvertoirade, ville templière et hospitalière.

Une “cazelle” (cabane de pierres sèches).

Château de Cresseils, hôtel de charme aux portes de Millau.

Ioan et ses 562 brebis.

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un vaisseau de granit, le Restaurant 3*** au Guide Michelin - Hôtel**** Relais & Châteaux, créé par l’architecte et designer Eric Raffy et dirigé par Michel Bras. Né en Aveyron, Michel Bras fut initié très tôt à la cuisine du terroir. En 1992, il ouvre Le Suquet, imagine une cuisine personnelle et inspirée, à base de saveurs, de textures, de couleurs aux herbes rares cueillies sur le plateau de l’Aubrac. Gargouillou de jeunes légumes, tomates & pourpier verts, selle d’agneau Allaiton, purée de pois de la Planèze, crème glacée à la fleur de sureau et autres spécialités s’invitent dans les assiettes de ce restaurant raffiné. Unique 3*** mené par les « 3 Bras » - Michel, son frère André et son fils Sébastien - cet établissement de renom situé « là où la lumière révèle la vie » fait partie des meilleurs restaurants du monde !

www.bras.fr

Le Suquet, à Laguiole. Michel et Sébastien Bras, chefs étoilés, invitent dans leurs assiettes un “gargouillou” de jeunes légumes.

Pays profondément authentique La cité historique de Rodez, préfecture de l’Aveyron, bénéficie de l’image d’une belle ville à la campagne. C’est un plaisir de flâner dans le vieux Rodez : l’œil s’arrête sur les mille détails de la Cathédrale Notre Dame aux dentelles de pierre, et des maisons des XVe et XVIe siècle. Pierre Soulages, peintre français vivant le plus célèbre au monde, aura son musée à Rodez, ville dont il est originaire. Le bâtiment ouvrira ses portes à proximité de la cathédrale, au printemps 2013. À Onet-le-Château, l’Hostellerie de Fontanges, imposante demeure historique, est l’endroit idéal pour se détendre : golf du Grand Rodez, piscine, tennis, équitation… À Millau, le patrimoine a été particulièrement bien préservé. Dans la vielle ville aux rues étroites, ne pas hésiter à pousser des portes pour découvrir des cours intérieures ou de splendides escaliers. L’Aveyron, c’est aussi le pays de la faune, de la flore. À proximité de Millau, se visite Micropolis, cité des insectes. Des passionnés viennent du monde entrer pour découvrir différentes sortes d’orchidées. Fleur protégée, la cardabelle est un symbole des Causses du Larzac et le nom de l’auberge sympathique qui accueille le voyageur autour d’un bon feu de cheminée l’hiver et sur une agréable terrasse en été, à Sainte-Eulaliede Cernon. Et partout, cette petite pointe d’accent qui se promène et pas seulement sur les marchés typiques des producteurs de pays : Entraygues-surTruyère, Marcillac, Millau, Villefranche-de-Rouergue… www.tourisme-midi-pyrenees.com FRANÇOYSE KRIER www.tourisme-aveyron.com www.roquefort.com

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Les pains de fromage dans les caves de Société, les plus anciennes et les plus vastes de Roquefort.

OTROQ-D.MARTIN - Cave d’affinage Société

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Albi www.expatria-cum-patria.ch

PleinsfeuxsurlaCitéépiscopaleàl’occasion delaréouverturedumuséeToulouse-Lautrec Troisième ville de la région Midi-Pyrénées, Albi située dans le Haut Languedoc, entre Toulouse et Rodez, incarne la prospérité d’un « pays de cocagne ». Implantée au cœur des grandes plaines fertiles du Tarn, de la Garonne et du Laurageais, la capitale tarnaise est passée maître dans l’art d’équilibrer ses activités agricoles, commerciales et industrielles avec ses actions culturelles et sportives.

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lassée en juillet 2010, au Patrimoine Mondial de l’Humanité, la Cité épiscopale possède en son Palais de la Berbie, la plus importante collection publique au monde consacrée au peintre Toulouse-Lautrec. Fermé pour d’importantes rénovations, le musée rouvrira ses portes au printemps 2012.

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Une cathédrale-forteresse Du plus loin que l’on arrive à Albi, on est saisi par l’imposante basilique Sainte-Cécile de style gothique méridional, qui domine la ville de ses puissantes et hautes murailles de brique rouge. Tel un château-fort, elle est la 88


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prenant donjon, mâchicoulis et chemin de ronde. La tour Sainte Catherine qui surplombe les rives du Tarn, repose quant à elle, sur des murs de... 7 mètres d’épaisseur. De quoi décourager les assaillants de l’époque !

Et les défenses se relâchèrent Au fil du temps, les évêques qui se sont succédé dans cette austère demeure, ont essayé d’en adoucir la rigueur en y aménageant des jardins « à la Française » et d’agréables promenades. Du reste en 1922, ce palais fut transformé en musée pour abriter la plus importance collection au monde Maisons anciennes d’œuvres de Toulouse-Lautrec. du quartier des Par ailleurs, au début du XVe sièCombes. cle, les défenses de la cathédraleforteresse commencèrent elles aussi à se fissurer, lorsqu’une porte de pierre fut percée dans le mur d’enceinte qui l’entourait. Un siècle plus tard le gothique flamboyant déposa contre ses puissants murs de brique, un élégant baldaquin de pierre blanche préfigurant les richesses décoratives qui embellissent l’intérieur de l’édifice. Comme un avant-goût du paradis. Dès l’entrée, vous serez frappé par l’abondance des couleurs qui habillent les murs et par l’éclat de la voûte azurée ornementée au début de la Renaissance par des artistes italiens. Contrastant avec cette débauche de couleurs, la délicate dentelle de pierre blanche du jubé de style gothique flamboyant, se déroule autour du Grand Chœur qu’elle enserre comme un joyau. Vous ne quitterez pas cet élégant vaisseau, sans avoir frissonné devant l’immense fresque polychrome du Jugement dernier peinte par des artistes franco-flamands dans le but d’épouvanter les pécheurs.

Le Vieil-Albi Vue sur la Cité épiscopale et les berges du Tarn.

plus grande cathédrale construite en brique cuite au monde. Bâtie sur l’une des hauteurs du bourg entre 1281 et 1535, elle affirme avec force la puissance de la foi chrétienne face à l’hérésie cathare. Du haut de ses 78 mètres, le clocher-donjon confirme cette volonté. Ici point de verrières immenses comme dans les grandes cathédrales du Nord, mais de hautes ouvertures, étroites comme des meurtrières, qui en renforcent l’aspect défensif. C’est dans cet esprit que les évêques inquisiteurs firent bâtir le Palais de la Berbie adossé à la basilique. Cette résidence épiscopale fut également construite en brique, comme une véritable forteresse militaire com89

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En sortant de la cathédrale, laissez-vous surprendre par l’architecture composite de la collégiale Saint-Salvi, la plus ancienne de la ville, et son cloître, avant de vous perdre dans le lacis des ruelles pavées du Vieil-Albi. Étroites et tortueuses, elles sont l’héritage du MoyenÂge et de la Renaissance qui s’y livrent un combat singulier. Enseignes et lanternes de fer forgé, façades de brique à colombages, encorbellements, portes romanes, fenêtres à meneaux, cours intérieures Renaissance composent un véritable décor de théâtre. Construit au XVIe siècle, l’élégant Hôtel Reynès, de brique et de pierre, symbolise l’aisance de son propriétaire enrichi par le pastel. Vous ne manquerez pas la Maison du Vieil-Albi, l’Hôtel de Gorsse fidèle au Moyen-Âge, la Pharmacie des Pénitents balançant entre Moyen-Âge et Renaissance,

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l’Hôtel de Rivières aux fenêtres à meneaux, ni la maison Enjalbert avec son colombage monté sur encorbellement. Rue de Toulouse-Lautrec, vous vous attarderez devant l’Hôtel du Bosc où naquit le peintre. En descendant vers le Tarn qui coule au pied du Palais de la Berbie, admirez les anciens moulins restaurés et le Pont-Vieux construit vers 1040, l’un des plus anciens ponts de France encore en service. En longeant les berges aménagées pour la promenade vous apprécierez la vue imprenable sur la Cité épiscopale, joyau de brique cuite unique au monde pour l’homogénéité de son architecture, inscrite depuis juillet 2010, au Patrimoine Mondial de l’Humanité (UNESCO). Prenez le temps de regarder passer, glissant sur les eaux paisibles du Tarn, une ancienne gabarre à fond plat qui, après avoir transporté du fret durant des siècles, embarque aujourd’hui des cargaisons de visiteurs en mal de croisière.

grouillantes et commerciales. De nombreuses places fermées à la circulation sont devenues des lieux de promenade, de jeux et de rencontre. La « Ville Rouge » avec ses airs de Toscane, est un formidable compromis entre la ville et la campagne à laquelle elle a emprunté les fleurs pour ses jardins et les arbres pour ses parcs. Ne manquez pas le samedi matin, le marché pittoresque qui déploie autour de la cathédrale, ses étales colorées et odorantes de fruits et de légumes cueillis le matin même dans sa proche campagne. Laissez vous séduire par l’accent chantant et la verve de ses marchands. Au Marché Couvert de type « pavillon Baltard » nouvellement restauré, vous trouverez tous les produits de tradition locale comme les confits et le foie gras, le miel et les vins de Gaillac. Il vous sera même possible de les déguster sur place, au restaurant aménagé en son centre. Puis laissez vous tenter par les « puces de Castelviel » ou tout simplement par un bon verre de vin blanc que vous siroterez sur une terrasse au soleil du midi. Mais si vous préférez le chapitre culturel, alors Albi, qui

Albi la contemporaine Mais Albi n’est pas une ville musée. Il suffit de sortir du périmètre sauvegardé pour découvrir une ville de taille moyenne, jeune et dynamique aux rues piétonnes

1. La collégiale Saint-Salvi. 2. Une enseigne en fer forgé. 3. La porte gothique de la cathédrale. 4. Les orgues de la cathédrale. 5. Vue générale des voûtes de la cathedrale Sainte-Cécile. 6. Vue générale du chœur.

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2 vous a émerveillé avec les trésors de sa Cité épiscopale, vous surprendra par ses remarquables musées.

Des musées et des hommes Chapitre I : Les navigateurs À la fin de l’Ancien Régime, deux Albigeois s’illustrèrent sur les mers. L’explorateur Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse et le contre-amiral Pascal de Rochegude, capitaine des vaisseaux du Roi. Ce dernier, après une carrière de marin, revint à Albi et à sa mort, légua à la ville son jardin et les terrains attenants à son hôtel particulier. Transformé en parc public, ces quatre hectares agrémentés d’un jardin « à la Française », de plans d’eau, cascades, chemins de promenade, arbres centenaires et espaces de jeux, constituent un véritable poumon vert au cœur de la ville. Ne manquez d’aller vous perdre dans son labyrinthe de buis. L’Hôtel Rochegude abrite aujourd’hui le Centre Occitan très actif dans l’organisation d’expositions, de cours et d’animations. À Lapérouse disparu tragiquement dans l’archipel des îles Salomon lors d’une expédition dans le Pacifique, Albi a élevé une statue de bronze et une stèle, et lui a

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consacré un musée. Installé dans une ancienne vermicellerie du XVIIIe siècle, le musée Lapérouse vous séduira par ses maquettes de bateaux et les objets provenant des restes de l’expédition. Chapitre II : Le socialiste et le peintre Au XIXe siècle, Albi eut également ses célébrités : le peintre Henri de Toulouse-Lautrec et le socialiste Jean Jaurès qui fut professeur de philosophie au Lycée Lapérouse de la ville. N’hésitez pas à demander à l’accueil de cet établissement, à voir la salle de classe où il enseigna. Le célèbre orateur créa

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également en 1896, la Verrerie Ouvrière d’Albi, première coopérative ouvrière rassemblant des ouvriers licenciés à la suite d’un mouvement de grève. De l’usine initiale il ne reste que la grande salle de réunion où vous pourrez admirer un immense triptyque intitulé Les étapes de Jacques Bonhomme que le peintreWilliam Lappara offrit à la verrerie. Aujourd’hui, la VOA Verrerie d’Albi est une entreprise de haute technologie exportant dans une vingtaine de pays. Après être passé par la mairie qui possède un imposant buste de Jean Jaurès, vous achèverez votre pèlerinage au cimetière de la ville qui lui a édifié un cénotaphe, ses restes reposant au Panthéon. Si Toulouse-Lautrec natif de la « Ville Rouge » n’est pas non plus enterré à Albi, il a du moins laissé une immense collection de plus d’une millier d’œuvres conser-

vées depuis 1922 au Palais de la Berbie, au cœur de la Cité épiscopale. Outre l’ensemble des très célèbres affiches que l’artiste albigeois réalisa à Montmartre, vous découvrirez dans les galeries et les salles aménagées dans le vieux palais, peintures, dessins et lithographies qui vous révèleront ses talents multiples. Il vous faudra toutefois attendre le retour des beaux jours pour pouvoir visiter ce musée actuellement fermé qui, après de très importants travaux, rouvrira ses portes en mars 2012.

7. Le PontVieux. 8. Le Palais de la Berbie. 9. La place St Salvy. 10. Le magnifique village de Cordes-surCiel

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Promenade en pays albigeois Mais laissons les charmes d’Albi, qui avec Toulouse et Carcassonne, s’était enrichie au XVe siècle grâce à la culture et au commerce du pastel, pour le « pays de Cocagne » émaillé de nombreux vestiges – pigeonniers, fermes et bastides – témoins de ce riche passé. Après un détour par l’église romane Saint-Michel de Lescure et Notre Dame-de-la Drèche où l’on vénérait la Vierge à l’Enfant, vous pourrez suive le cours du Tarn do92


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Mais qui étaient les cathares ?

miné par les ruines des forteresses inexpugnables des vicomtes de Trencavel. Chemin faisant, vous apprécierez les vestiges du château de Taunus, puis les viaducs jumeaux construits au XIXe siècle au dessus du tumultueux Viaur. Sur la route de Rodez, vous irez admirer une mise au tombeau du XVe, véritable chef-d’œuvre de la sculpture médiévale conservé en l’église de Monesties. Arrêtez vous au Château du Bosc où Toulouse-Lautrec passa une partie de son enfance, pour visiter la chambre du peintre où sont exposés ses premiers dessins. Émotion garantie.

Les bastides, ces lieux de résistance À une vingtaine de kilomètres d’Albi, une belle surprise vous attend en découvrant l’étonnant village de Cordessur-Ciel bâti sur une colline par le comte Raymond VII de Toulouse, rebelle à l’autorité royale et protecteur des cathares. L’imposante bastide embellie d’hôtels particuliers aux belles façades de style gothique, compta au XIIIe siècle jusqu’à 6 000 habitants, autant qu’à Albi ! Cette ville fortifiée surnommée la « cité aux cent ogives », miraculeusement préservée, attira de nombreux hérétiques fuyant l’invasion des chevaliers du Nord ardents défenseurs de la religion catholique. Désormais, les ruelles abruptes du village, l’un des plus

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11. Le quartier du Castelnau. 12. La montée du Pater Noster. 13. La Croix Cathare.

Devant l’ampleur de la dissidence religieuse qui avait gagné une grande partie du Languedoc au début du XIIIe siècle, le pape Innocent III prêcha la croisade contre les hérétiques cathares plus couramment appelés « Albigeois ». Cette croisade religieuse qui devint une véritable guerre de conquête était soutenue par les « barons du Nord » commandés par le redoutable Simon de Montfort. Elle dura 20 ans et permit de raffermir le pouvoir du roi de France. Le Languedoc y perdit son indépendance et dû se soumettre à l’autorité royale. Le pape en profita pour installer ses tribunaux de l’Inquisition afin d’éradiquer la religion cathare dangereuse pour le catholicisme. La répression fut implacable et d’une extrême barbarie. Les religieux furent brûlés vifs, des villages entiers anéantis, de nombreux châteaux insoumis furent assiégés puis complètement démantelés et leurs habitants massacrés jusqu’aux derniers. Cette nouvelle religion, tout en s’inspirant du christianisme primitif, s’appuyait sur les deux principes fondamentaux du Bien et du Mal. Pour ces religieux, hommes et femmes qui se consacraient à Dieu et à l’Évangile, l’esprit était l’œuvre de Dieu, donc parfait, et le corps était celle de Satan. Croyant à la réincarnation qui mène à la vie éternelle, ces religieux rejetaient les sacrements

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© : B. Piquart, Office de Tourisme de Cordes sur Ciel

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Photo K.A.

de l’église, l’hostie et la croix, et pratiquaient l’ascèse et l’abstinence afin de libérer leur âme de son enveloppe charnelle. Après la chute de Carcassonne au début de la croisade, Albi, comprenant son intérêt, fit allégeance aux seigneurs du Nord et cette soumission lui valut d’être épargnée durant ce long conflit. Cet opportunisme pratiqué au cours des siècles suivants a permis à la Cité épiscopale de traverser la guerre de Cent Ans, les guerres de Religion et la Révolution, sans trop de dommages pour parvenir jusqu’à nous dans la gloire de ses briques vermeilles. PHOTOS : OFFICE DE TOURISME D’ALBI

pittoresques de France, ne font plus reculer les armées de visiteurs qui chaque jour montent à l’assaut de la bourgade perchée à 110 mètres d’altitude. La montée du Pater Noster vous réservera quelques surprises avec ses marches aux pierres branlantes ! Si vous aimez les bastides, vous serez ravis par Castelnau de Levis, village fortifié du XIIIe siècle ronronnant au pied des ruines de son château. À ceux qui pousseront jusqu’à la riche vallée de la Vère, Castelnau de Montmiral construit au XIIe siècle sur une colline, leur révèlera les trésors de son église et ses belles maisons des XVIe et XVIIe siècles. Puis grimpez jusqu’à Puycelsi juché sur un promontoire couvert de forêt, pour admirer les chapiteaux romans et la Piéta à la cagoule du XVe de son église. Vous ne regretterez pas le détour. Au sein de ces nombreuses bastides construites pour la plupart au début du Moyen Âge sur des hauteurs, par des seigneurs vassaux de Toulouse, Foix ou Albi, se développa le mouvement ecclésiastique cathare, et devinrent d’importants lieux de résistance.

Renseignements

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Office de tourisme d’Albi : +33 (0)563 36 36 00 www.albi-tourisme.fr


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LemuséeToulouse-Lautrec

Toulouse-Lautrec et les autres... Chaque année, près de 160 000 visiteurs de tous horizons débarquent à Albi pour découvrir les trésors incomparables de son musée qui possède également une importante collection d’art moderne allant de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle. Rassemblées dès les années 30, ces œuvres évoquent les courants artistiques qu’a côtoyés le peintre représentés par Gauguin, Bonnard, Vuillard, Vallonton et Degas, ainsi que des œuvres de Matisse, Marquet et Van Dongen et de peintres plus tardifs comme Maurice Brianchon et Roland Oudot. Ajoutons à cela le premier fonds du musée constitué d’œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles dont un Guardi et deux tableaux de Georges de la Tour, et l’on comprendra l’engouement du public qui tout au long de l’année, se rue à l’assaut des galeries du Palais de la Berbie.

Une muséographie d’aujourd’hui Cette fréquentation a conduit le musée a s’engager depuis 2001, dans un ambitieux programme de restructuration et de réhabilitation qui s’achèvera en mars 2012. Ces longs travaux qui auront duré plus de 10 ans, auront permis au musée de conserver sa place parmi les premiers musées de province français, grâce à sa nouvelle

Véritable ambassadeur de la ville d’Albi, ce musée, l’un des premiers musées de province, possède la plus importante collection publique au monde consacrée à l’œuvre de Toulouse-Lautrec.

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Une collection exceptionnelle Sans descendants et n’ayant jamais eu besoin de vendre ses œuvres pour vivre, Toulouse-Lautrec laissa à sa mort une énorme collection qui retourna dans le giron familial. Dans les années 20, la mère du peintre, habilement conseillée par le cousin de l’artiste, Gabriel Tapié de Céleyran et par le marchand de tableaux Maurice Joyant, ami intime du peintre, offrit sa collection à la ville d’Albi. Ce fonds extraordinaire de plus de mille œuvres constitué de 215 peintures, de lithographies, dessins et de l’ensemble des affiches réalisées par le célèbre Albigeois, fut à l’origine du musée Toulouse-Lautrec d’Albi. Cette collection plurielle présente les talents multiples de l’artiste et révèle ses extraordinaires qualités de coloriste et son esprit novateur. Les femmes, omniprésentes dans son œuvre, se déclinent en portraits lumineux et rayonnants comme celui de L’Anglaise du Star au Havre ou mélancolique comme celui de sa mère, en sujets croqués sur le vif de la pointe de son pinceau, sur du carton (Femme qui tire son bas). Les femmes qu’il a peintes sont des prostituées (Salon de la rue de Moulins) ou des célébrités du Moulin Rouge comme La Goulue, Jane Avril et Yvette Guilbert. Outre ses œuvres de jeunesse, ses très nombreux dessins et lithographies, le musée expose l’ensemble complet des 31 affiches qui rendirent Toulouse-Lautrec célèbre dans le monde entier, et font d’ailleurs toujours courir les foules. Vous n’échapperez pas à la carrure imposante d’Aristide Bruant ni à la silhouette dégingandée de Valentin le Désossé.

Qui était Toulouse-Lautrec ?

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enri-Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, plus connu sous le nom de Henri de Toulouse-Lautrec est né à Albi en 1864, dans une famille de haute noblesse, descendant des comtes de Toulouse. Il passa pratiquement toute son enfance dans les propriétés familiales entre Albi et Narbonne. À l’adolescence, souffrant d’une maladie osseuse congénitale, ses jambes se brisèrent l’obligeant à l’immobilité durant de longs mois. Il se mit alors à dessiner et à peindre, développant un don qu’il avait manifesté très jeune. Il sera artiste peintre. À 18 ans, il monta à Paris, parfaire sa formation. Installé à Montmartre dont il deviendra l’illustre témoin, il découvrit les mouvements artistiques parisiens des années 1880 et s’engagea dans la modernité. Peintre post-impressionniste, il croqua la vie de Bohème parisienne de la fin du XIXe siècle, les cafés de la Butte, le cabarets et les théâtres dont il réalisa programmes et décors. Les prostituées et le actrices devinrent ses modèles préférés. Il dessina beaucoup, réalisa de nombreuses ébauches pour ses peintures et ses lithographies, certaines proches de la caricature. Portraitiste de génie, il immortalisa les artistes en vogue de l’époque, par une série d’affiches qui s’imposèrent par leur force et la simplicité de leur trait, annonçant l’affiche du XXe siècle. Il passa également maître dans l’art de l’estampe et de d’aquarelle. Dans cette frénésie créatrice, il brûla sa vie par les deux bouts. Alcoolique invétéré, malade de la syphilis, il s’est éteint prématurément à l’orée du XXe siècle, à l’âge de 37 ans au château maternel de Malromé. Il repose au petit cimetière de Verdelais (Gironde), sous les ciels légers de l’Entre-deux-Mers.

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En haut, à gauche : À l’intérieur du musée. Quelques œuvres de Toulouse-Lautrec. De haut en bas et de gauche à droite : “Femme qui tire son bas” (1894) ; “La modiste” (1900) ; “Moulin-Rouge La Goulue” (1891) ; “Ambassadeurs Aristide Bruant dans son cabaret” (1892) ; “Yvette Guilbert saluant le public” (1894).

Lautrec peignant le portrait de Berthe la Sourde dans le jardin du Père Forest, 1890. (c) Musée Toulouse-Lautrec, Albi, Tarn

k.abherve@geneveopera.ch

muséographie claire, élégante et didactique. L’accueil et l’accessibilité du public ont fait l’objet de soins particuliers. De nouveaux espaces ont été créés pour des accrochages temporaires. Un auditorium de près de 160 places, un grand centre de documentation et une salle consacrée aux ateliers pédagogiques ont également pris place au cœur du palais médiéval. La restructuration du musée a par ailleurs permis la mise à jour de vestiges archéologiques exceptionnels témoignant des origines du palais, qui seront présentés au public. Dès le mois de mars 2012, vous découvrirez, dans une ambiance chaleureuse et raffinée, les œuvres de Toulouse-Lautrec accrochées dans des salles médiévales en voûte d’ogive, selon un parcours didactique déterminé par une série de thèmes chers à l’artiste. Suivant un cheminement chronologique, vous commencerez par ses œuvres de jeunesse, poursuivrerez par les portraits majeurs, puis les tableaux qu’il réalisa dans les maisons closes, avant d’admirer l’ensemble de ses affiches exposé dans une vaste salle réservée à cet effet. Vous n’oublierez pas l’étage consacré aux œuvres d’artistes contemporains du maître albigeois, et au prêt exceptionnel de tableaux majeurs consenti par le musée d’Orsay à l’occasion de cette réouverture qui va illuminer les premiers jours de votre printemps.

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Renseignements

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Musée Toulouse-Lautrec Palais de la Berbie Tél. : +33 (0)5 63 49 48 70 www.musee-toulouse-lautrec.com


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Écho de Sierre à Crans Montana

AuPaysdu

Soleil

Quand vous venez dans le Valais, le soleil, emblème de la Ville de Sierre, est monnaie courante et inonde les coteaux de cette partie de la vallée du Rhône. Depuis 1877, date à laquelle la voie ferrée est arrivée, le tourisme a pris des ailes. L’Hôtel-Château Bellevue a ouvert en 1896. Vous pouvez maintenant admirer cet édifice en Hôtel mais de Ville !

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Le Chalet Seven.

De gauche à droite : Marius Robyr, Lolita Morena, Michel Crettol, Adolf Ogi, JeanMichel Cina et Pirmin Zurbriggen.

Sierre, Floralies au Château Mercier. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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cinéma en passant par la piscine et le bar, se mêlent contemporain et classique avec un raffinement extrême. Autre atout, le chalet “Seven” se trouve sur les pistes de retour, et des skis au spa, il n’y a qu’un pas ! Pour tous renseignements, vous avez un site internet : http://www.chaletseven.com Sierre, l’été, a son Blues Festival et Crans-Montana, son Golf avec l’European Master, les 4x4 avec le Jeep-HeepHeep, la musique avec les Ambassadors of Musique et les Sommets du Classique. L’hiver, c’est le Festival Cristal, les Montgolfières et Caprices Festival, mais surtout, le ski avec le Championnat suisse romand de ski de fond, Crans-Montana Snowgames, et, en février 2012, rendez-vous avec la Coupe du Monde Hommes de Ski. Pour tous informations : http://www.sierre-anniviers.ch, http://www.crans-montana.ch , http://www.cie-smc.ch et http://www.chateaumercier.ch Vous ne manquerez pas d’envoyer vos vœux avec l’enveloppe représentant le temple des produits et des vins valaisans, le Château de Villa et Saint Théodule pour la journée du timbre le 11/12/2011 à Sierre : http://www.chateaudevilla.ch ALAIN BARRIÈRE

n autre édifice se construit entre 1906 et 1908 sur les hauts de Sierre, la colline de Pradegg, c’est le Château de Jacques et Marie Mercier de Molin inspiré par le style valdotain. Celui-ci est devenu une fondation valaisanne en 1992. Concerts, séminaires et dégustations de vins sont organisés ainsi que tous les deux ans Les Floralies Sierroises où 10 000 fleurs viennent embellir et parfumer ce parc de 37 000 m2. Elles viennent de se dérouler avec l’abeille comme invitée butinante et Nyon avec ses plantations. Continuons à gravir et, pour cela, empruntons le funiculaire, inauguré en 1911, pour grimper à Crans Montana. Cette année, il fête son centenaire. Restons dans les moyens de transport sur le Haut Plateau avec la Fondation Suisse des Trains Miniatures ouvert depuis 2007. Je pense que le 7 est un porte-bonheur car cette collection retraçe l’histoire des trains depuis 1847 à l’échelle HO 1:87 et que vous avez 7 raisons de venir. Une maquette vous fait découvrir des paysages, des ponts et des gares dans le canton des Grisons dans les Alpes Suisse. Contact : http://www.trains-miniatures.ch Crans Montana est un village où le luxe et le sport se côtoient. Dans la station, vous pouvez faire beaucoup de marche de Lens à Aminona. Vers les Mayens, sur les hauteurs de Lens, il se finit, pour décembre 2011, un merveilleux chalet ou, plus exactement, une résidence de luxe à 10 mn à pied du centre, le “Seven”, eh oui, toujours le chiffre 7 ! Ici, tout sera luxe, calme et volupté avec une capacité de 30 hôtes, construit avec des matériaux de qualité, certains bois viennent d’une ferme autrichienne vieille de 200 ans, des chambres à la salle de

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Les Vignes sur les Coteaux du Soleil.

Panorama Gastronomique Cry Der Bella Lui verres.

La Fondation Trains Miniatures, Jean Pierre Rouvinez.

L’European Masters Golf.

Détente après le ski. 97

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fice de tourisme. La Maison des vins a ouvert l’année dernière à Fronton. Elle regroupe les outils incontournables qui permettent de mettre en valeur la vigne, les vignerons, le développement économique et l’œnotourisme, qui fait aussi le charme du Frontonnais. L’appellation Fronton est née en 1975, après l’obtention du label VDQS en 1944, et de l’AOC Côtes du Frontonnais, et grâce à la réunification de régions viticoles, le Villaudric et le Frontonnais ont obtenu l’AOC voilà 6 ans. Les cépages autorisés sont la Négrette à utiliser de 50 à 70% et parfois 100% dans les bouteilles, Cabernets Franc et Sauvignon, Syrah, Gamay, Cinsaut, Mérille, Malbec (Côt) et Fer Servadou comme à Marcillac. L’écartement entre les rangs est de 0,8 m à 2,5 m pour une densité de minimum de 4 000 pieds/ha.

Fronton naîten PaysTolosan! La région e Pays Tolosan, créé en juin 2009, est le pays le plus peuplé de Midi-Pyrénées. Avec 98 500 habitants et 70 communes, il se situe dans le nord de Toulouse. Les villages les plus importants sont Cadours, Verfeil, Grenade-sur-Garonne, Villemur-sur-Tarn et Fronton.

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La “Négrette”, un cépage unique et fil conducteur de Chypre à Fronton Le vignoble du Frontonnais se dessine en quittant Toulouse entre Garonne et Tarn et s’étage sur de larges terrasses et sur un sol graveleux, avec 2 400 hectares en production sur 9 communes de la Haute-Garonne et 11 communes du Tarn-et-Garonne ; ce sont 174 exploitations, 51 entreprises, 3 coopératives et 48 caves particulières. La production annuelle moyenne est de 115 000 hectolitres, dont 70 % de vins rouges et 30 % de vins rosés ; 80 % de la production est vendue en France. Les vins de Fronton se singularisent par la Négrette, un cépage unique au monde, la marque du Vins de Fronton ; Il n’aime pas l’humidité mais adore le vent d’Autan sec.

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Le vin de Fronton a sa maison et sa région Les terroirs appartenaient à l’Abbaye de la Daurade et à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (Ordre de Malte). En 1122, la ville mentionne pour la première fois la présence d’un vignoble. C’est au château Capdeville et son parc arboré de 7 hectares, implanté au cœur de la ville de Fronton, que se côtoient caveau, vinothèque, salle de dégustation, salle de réception et ofFRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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Frontonnais) et leur chef de culture, Frédéric Le Cheviller. Déguster les Cuvée Patrimoine et Concerto avec la vue sur leur nurserie, soit le superbe chai du XVIIIe siècle, creusé en sous-sol et bâti en brique toulousaine, qui procure naturellement fraîcheur et stabilité de température. Contact : 0033 5 61 82 92 70 chateau.caze@wanadoo.fr Maurice et Martine RougevinBaville, Domaine Caze.

Philippe et Diane Cauvin, Domaine La Colombière.

Ce cépage local, ramené du Moyen-Orient ou de Chypre par les moines sur le chemin des croisades, s’appelait le “Mavro”, Noir en grec, dont on tirait à l’époque le meilleur vin du monde, et à Chypre ; il fait toujours partie de l’assemblage de la Commandaria ou Nama, son nom d’il y a 3 000 ans (vin doux naturel de garde de couleur ambre). Ce n’est qu’aux XVIIIe et XIXe siècles que le vignoble frontonnais se développe avant deux crises, le phylloxera et la surproduction en 1907. Ici, on ne fabrique que du rosé et du rouge. Les rosés sont fruités et frais. Ils offrent une très belle intensité aromatique, une longueur en bouche inhabituelle et un gras voluptueux. Les rouges sont fins, élégants et complexes. Ils exhalent des arômes de cassis, de mûre, de framboise, ou encore de violette ou de pivoine. Leur longue finale s’enrichit d’épices et de réglisse.

Frédéric Ribes, Domaine Le Roc.

À Villaudric, Philippe et Diane Cauvin, deux jeunes à l’assaut du Fronton en Biodynamie au “Château La Colombière” ont eu un nouveau coup de “Foudre” Alsacien. Des vins de pressée de Gîte de Négrette en Bellouguet Rosée (Le Vin du Baron et Gris) ; la vinifide la Baronne cation passe de François de la gourmandise Driésen. de “Vinum” au caractère de la “Réserve”, n’oubliez pas de goûter la profondeur des arômes d’une pure Négrette “Coste Rouge”. Une surprise vous attend l’année prochaine ! Le blanc ne rentrant pas dans l’appellation, il est nommé “Vin de Pays du Comté Tolosan” ou “de Table”. Un cépage blanc disparu du Vignoble au 20e siècle a été réintroduit, c’est le “Bouysselet” pour faire un vin blanc de caractère. Encore une corde pour mieux exploiter, ils possèdent un gîte, celui de Bellouguet du Baron et de la Baronne François de Driésen. Contact : 0033 5 61 82 44 05 vigneron@chateaulacolombiere.com Solide comme “Le Roc et son Domaine” à Fronton, sur un sol de boulbènes blanches et de graves, JeanLuc Ribes est un artiste. Entre sa guitare et les fils d’attaches, il n’y a qu’une gamme, avec celle de Brassens, celle de la conduite de la vigne avec un enherbement total depuis 1981, date à laquelle il reprend la propriété ; depuis, il a été rejoint par Cathy et Frédéric Ribes en 1988, et Pierre Salama en 1995. Une merveille qui appelle à saucissonner après quelques années, la cuvée “Folle Noire d’Ambat” 100% Négrette. D’autres cuvées “Rosée de Saignée, Classique, Réservée” et même “Don Quichotte” qui est explosif et croquant. Comme la cuvée Réservée elle n’est ni collée, ni filtrée. Contact : 0033 5 61 82 93 90 - leroc@cegetel.net

Une partie des domaines viticoles Une des plus anciennes familles au “Château Caze” à Villaudric a été créée en 1776 par Antoine et son frère Pierre-Toussaint Caze, dont l’adresse ne s’invente pas : rue de la Négrette. Aujourd’hui, après le passage de flambeau, c’est Martine Rougevin-Baville qui dirige le domaine, aidée par son père Maurice (Grand Maître de la Commanderie des Maîtres Vignerons du 99

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Dans la Forêt Royale de Fronton, connue depuis le XIIe siècle, se trouve le “Château Bellevue La Forêt” racheté depuis 3 ans par un Irlandais, Philip Grant, francophile et amoureux des vins. Le vignoble de 112 ha d’un seul tenant (le plus grand du domaine privée du Sud-Ouest) a été créé en 1974 par Patrick Germain ; sa fille Diane Germain-Apercé a rejoint l’équipe en 1991. Depuis que Christian Ivorra, Directeur Technique s’occupe de la production, Bellevue La Forêt a reçu une pluie de distinctions dont, en 2010, au Vinalies Nationales, le Grand Prix d’Excellence pour “la Forêt Royale” rouge 2008 et le Prix d’Excellence pour “l’Allégresse” rosé 2009. Des vins rouges conçus avec une longue macération selon les tanins désirés et avec la pratique de la microoxygénation qui remplace la batonnage. “Ce Vin”, c’est son nom, est un 100% Négrette ; vous y retrouvez le fruit craquant sous la dent avec les tanins de velours sur des notes épicées poivre. Contact : 0033 5 34 27 91 91 contact@chateaubellevuelaforet.com

Château Bellevue-La-Forêt.

Château Bellevue-La-Forêt, système microoxygénation.

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Viticulture et polyculture sont les 2 mamelles de Fabien Cardetti au “Domaine de Lescure” à Labastide SaintPierre. La famille Cardetti l’exploite depuis 1920, quand le grand-père François a planté 15 ha de céréales et 3 ha de vignes. Maintenant, le vignoble est passé à 25 ha, dont 13 ha de Négrette, 4 ha de Syrah, et le reste en Gamay, Cabernet et Malbec. Dans son choix, on se doit d’être à 100% content avec “L’Avenir…” 100% Négrette ; en dehors de l’appellation un vin “De Tout Temps…”, un 100% Sauvignon à déguster pendant tout un repas, de l’apéritif aux fruits de mer, et un 100% Syrah “Pure Syrah…” (IGP Comté de Tolosan), un pur bonheur de puissance, ses fruits rouges mûrs et une bonne longueur en bouche. Une nouvelle culture originale et pleine de promesse est celle de noisettes sur laquelle Fabien a misé. Contact : 0033 5 63 30 55 45 domainedelescure@orange.fr Les Vignobles Nicolas Gélis comptent 3 domaines en couvrant la diversité du terroir frontonnais pour un total de 115 ha, le “Château Montauriol” à Villematier tient son nom de “Mont Doré” en latin. Il fut (non pour y mettre le vin) une époque où l’on prenait le temps, même de voir vieillir le vin. Le Château a patienté 7 générations dans la même famille depuis 1789, et, depuis 1985, a changé 3 fois de mains. En premier, un Suisse nommé Mayor qui a construit le chai et développé les marchés étrangers ; en 1995, Hector de Galard le reprend et après son décès, en 1998, Nicolas Gélis le rachète en complétant son patrimoine, soit Château Ferran et Cahuzac. Auréolé de médailles d’Or (comme son nom) du Concours Général Agricole de Paris, son vin de propriété “Mons Aureolus” rouge, d’un pourpre profond, après le passage en barriques de 4 vins, il dort pendant 12 mois dans des foudres de 50 hl ; un vin à garder… Une originalité dans ce monde impitoyable. Le “Flambant, Bulles rouges” est un vin frisant ou perlant à 8° qui met en valeur ses 85%

Château Montauriol.

Chais du Château Montauriol.

Château Cransac.

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de Négrette, à déguster en dessert avec des fruits rouges. Contact : 0033 5 61 35 30 58 contact@vignobles-nicolasgelis.com Si vous connaissez le “Château Cransac” à Fronton, dans un domaine de 150 ha où vous trouverez 40 ha de vignes, c’est que vous êtes venus en tour-opérator ou par des séminaires ; car si vous avez besoin de salles pour votre future réunion de 8 à 350 personnes, c’est là qu’il faut aller ; c’est Disneyland, mais en plus froid, et pourtant, les chaleurs de cet été approchaient les 40° ! Un nouveau châtelain qui vient de l’agroalimentaire, plus exactement Leclerc de Toulouse, reprend ce domaine en 2001 avec, pour objectif des vins : la qualité. Une bouteille très marketing et Résolument “N comme Négrette” à 100%. Contact : 0033 5 62 79 64 30 secretariat@chateaucransac.com

Dépêchez-vous d’aller dans le Frontonnais, surtout à Bellevue-la-Forêt, avant que le TGV et la ligne Grande Vitesse traverse peut-être le domaine et une vingtaine de propriétés de l’AOC Fronton. Sur place, profitez d’une voiture et prenez votre temps pour discuter avec les producteurs et viticulteurs locaux, ils sont si accueillants ! Terroir et gourmandise Toulouse est gourmande et décline à l’envi les plaisirs de la table. Les restaurants de Toulouse vous accueillent chaleureusement et vous ne manquerez pas de goûter au cassoulet, à la saucisse de Toulouse, au foie gras et autres mets typiques du Sud-Ouest. Pour finir un bon repas, n’oubliez pas l’Armagnac, l’élixir de d’Artagnan. Depuis 2009, une culture originale nous rapproche du Valais, celle du Crocus Sativus, dont le nom est le Safran, sur les hauteurs au pied du frontonnais. Nadia Angeli et Ariel Lowezanin se sont lancés à Pechbonnieu dans ce défi sur 1500 m2 et 10 000 bulbes. Contact : asso.safrandelacolline@gmail.com

Les “Vignobles Arbeau” à Labastide Saint-Pierre ont étés créés par Prosper et son fils, Jean Arbeau, en 1878. Actuellement, la société, dirigée par Gérard et Anne Arbeau, est devenue en plus un négoce qui traite 80 000 hl/an de rouge et rosé, et 50 000 hl/an de blanc, 1 million de cols/an et 60 000 bag-in-box/an, ainsi qu’une distillerie avec une capacité de production de 300 hl/jour d’eau de vie. J’ai remarqué ce vin, non seulement par la générosité de sa richesse en bouche et de sa future garde, mais aussi par son étiquette qui vous permet de connaître mieux celle qu’on appelle “Négrette” en rouge et en rosé à Toulouse, mais aussi ailleurs : folle noire, négralet, cap de maure, pinot noir de californie, ragoutant, morillon, pinot saint-georges, chalosse, mavro, négret, villemur, mourrelet ou petit noir. Contact : 0033 5 63 64 02 35 vignobles@arbeau.com Le “Château Plaisance” existe depuis 1870 à Vacquiers, mais c’est grâce à Louis Penavayre qui a converti toute son exploitation et, maintenant, Marc, poète, homéopathe et aromathérapeute de la vigne, qu’il est devenu viticulture bio depuis 2008, sans engrais ni désherbants, avec des produits naturels au plus proche de la nature, ainsi que le sarclage pour faire parler la terre. La production est de 1100 hl/an avec un vin rosé et des cuvées d’exception en rouge. Son “Alabets” en Occitan qui veut dire “Et Alors”, dont la contre-étiquette est une succession de jeux de mots ; je cite un passage : « Prenez et buvez, ceci est mon cent pour cent Négrette ». Contact : 0033 5 61 84 97 41 château-plaisance@wanadoo.fr N’oubliez pas la Cave Coopérative à Fronton. Vinovalie Contact : 0033 5 62 79 97 79 magasin@vins-fronton.com 101

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Villemur-sur-Tarn.

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Ne ratez pas la fête universelle purement Toulousaine qui revit depuis 1963 la derniere semaine de juin : le “Grand Fenetra”. Comment se déroule-telle ? Aujourd’hui, après un défilé du Grand Fénétra, l’indispensable et es-

sentiel passo carriero des groupes de tous les pays costumés à travers la ville avec l’arrivée cour Henri IV, un barricot de vin de Fronton, avec la Commanderie des Maîtres Vignerons du Frontonnais et le Maire, est mis en perce et surtout, le “Gâteau du Fenétra” est distribué à la foule. C’est un gâteau à base d’amande et de citron, que l’on appelle gâteau de voyage, car il se garde de nombreux jours ; tous les pâtissiers le font à Toulouse. Dans l’est du Frontonnais, un village médiéval enserré entre la rivière Tarn et le coteau, c’est Villemur-sur-Tarn. Promenez-vous sur le pont suspendu de 1930 et découvrez les Greniers du Roi, la Tour de Défense et, plus loin, ses vieux quartiers du Pech. ALAIN BARRIÈRE

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À noter

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Église de Labastide Saint-Pierre.

QUELQUES ADRESSES GUSTATIVES > Restaurant L’Amphitryon à Colomiers - 0033 5 61 15 55 55 - www.lamphitryon.com > Restaurant Le 1827 à Fronton - 0033 5 62 22 69 14 www.restaurantle1827-fronton.com > Hôtel Auberge du Flambadou à Villematier - 0033 5 61 09 40 72 bienvenue@aubergeduflambadou.com > Hôtel Restaurant L’Alcôve à Villemur sur Tarn - 0033 5 61 09 84 80 contact@restaurant-alcove.fr > Domaine de Candie, propriété viticole de la Ville de Toulouse 0033 5 61 07 38 88 - pierrette.bernhardt@mairie-toulouse.fr > Fromages de la région : Xavier Maître Affineur 6 place Victor-Hugo - Toulouse - 0033 5 34 45 59 45 > Pâtisserie La Bonbonnière - 41 rue des Tourneurs Toulouse - 0033 5 61 21 66 04

QUELQUES ADRESSES TOURISTIQUES Aujourd’hui, Toulouse, c’est 86 destinations en vols directs dont 68 à l’international vers l’Europe, l’Afrique et le Canada ! De Suisse vous avez des vols fréquents avec Air France et Easy-Jet. Aéroport de Toulouse/Blagnac www.toulouse.aeroport.fr. Vous pouvez aussi y aller en voiture ! Pour visiter et se promener en Midi-Pyrénées, un petit livre “Sur la Route des Vins de Midi-Pyrénées” aux Éditions Hachette ou au Comité Régional du Tourisme 0033 5 61 13 55 55 - www.tourisme-midi-pyrenees.com > Maison du Vin et du Tourisme de Fronton 0033 5 62 79 92 10 - www.mairie-fronton.fr > Maison des Vins de l’AOC Fronton 0033 5 61 82 46 33 - www.vin-de-fronton.com > Office de Tourisme de Villemur-sur-Tarn Cité de l’Espace. 0033 34 27 97 40 - www.ot-villemur.fr > Pays Tolosan - 0033 5 61 99 36 91 contact@paystolosan.eu > Office de Tourisme de Toulouse - www.toulouse-tourisme.com > Cité de l’Espace - www.cite-espace.com Suite à la fête du Fenétra, profitez-en pour voir la Salle des Illustres, c’est une merveille d’architecture intérieure ! > Info : Le Toulousain de l’année 2010 (journal local La Dépêche) est le Professeur Jean Ferrières, qui a démontré qu’une consommation régulière et modérée d’alcool, de vin en particulier, diminue le risque d’infarctus du myocarde. Mieux encore, le vin est un protecteur pour le cœur ! Mettez-vous au Fronton ! FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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a.barriere@romandie.com

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Le vinaigrebalsamique L’OR NOIR DE MODÈNE

La “sainte Trinité” du vinaigre balsamique, les Leonardi.

L’Émilie Romagne est une région magnifique. Elle regorge de tous ces produits nobles qui estampillent l’Italie d’un label de qualité en matière de gastronomie. C’est sur la commune de Modène, ancienne capitale de la maison d’Este, qu’on touve “l’or noir”, comme on nomme ici le vinaigre balsamique. 3 artisans vinaigriers le fabriquent encore de manière ancestrale, mais sur la première marche du podium, les Leonardi représentent l’excellence.

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n quittant Formigine, on oblique sur une petite route de campagne calme et sereine. Nous sommes dans une vallée verdoyante, au bord de la Secchia. Sur la gauche apparaît un grand portique en briques roses et une grille de fer forgé ouverte sur une allée bordée d’oliviers centenaires et de vignes. Ce sont les 7 hectares de la famille Leonardi, où poussent les deux cépages utilisés pour son balsamique, le rouge “Lambrusco” et le blanc “Trebbiano”. On se gare dans la cour du Domaine “Campi Magri” devant la grande maison flanquée de ses dépendances. À l’accueil, une dizaine de paons en liberté et le visage avenant de Francesco, dernier du nom, qui nous conte l’incroyable histoire de sa famille. En 1869, Giuseppe Leonardi hérite de son ancêtre Tomasso d’un impressionnant lot de fûts de vin de 20 ans d’âge. En les ouvrant, il constate que le précieux liquide s’est transformé en vinaigre. Visionnaire, il abandonne le vin pour se consacrer au balsamique. Plus tard, son fils Vito améliore la qualité des moûts, sélectionnant les grappes les plus mûres et les plus belles. Cette progression dans la recherche de la qualité ne cesse de croître pour aboutir à un produit d’exception. En 2010,

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Le Billet de Dany > Giovanni et son fils Francesco poursuivent avec la même passion la fabrication d’un patrimoine mondial : le Vinaigre Balsamique de Modène. En 5 générations, les Leonardi ont reçu plus d’une centaine de médailles prestigieuses pour honorer la qualité exceptionnelle de leur travail. Dans cette famille, on considère avec sagesse que le savoir-faire va de pair avec le respect du temps.

Une affaire de famille À Magrita, culture locale et tradition familiale ne sont pas de vains mots. On travaille à l’ancienne avec le papa, la maman, le fils et sa femme, le cousin Gianni - un colosse jovial qui s’occupe des chaix - et des employés qui sont dans la maison depuis plus de 20 ans. La fabrication passe par plusieurs phases d’affinage et de vieillissement. Après la cuisson du moût et sa fermentation, la méthode est traditionnelle. Chaque année, les Leonardi transvasent d’un grand à un plus petit fût le précieux liquide. Le secret de fabrication dépend, hormis l’inégalable savoir-faire de Giovanni et Francesco, du choix des raisins, de la maturation, et de ces passages annuels dans du bois de chêne rouvre, châtaigner, cerisier, frêne, mûrier, acacia et genévrier. C’est le tanin de ces bois qui va donner ce goût si particulier au produit. Dans un autre bâtiment, Clélia, la Mamma, et une ouvrière, mettent un cachet de cire sur chaque petite bouteille de 40 ml. Toujours la méthode artisanale. à côté d’elle, un petit réchaud de ménage, où la cire cuit à petits bouillons, qu’elle touille régulièrement avec une cuiller scotchée à un bout de bois. Elle dépose sur le bouchon de chaque flacon un fil doré puis appose le sceau de la maison avec le « L » de la famille Leonardi.

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Ave Giovanni ! Entrée du patriarche ! On l’imagine parfaitement dans un péplum, vêtu de la toge, et siégeant au sénat de Rome. Carrure imposante, cheveux argentés couronnant une belle tête de tribun, un cache-nez rouge négligemment jeté sur l’épaule et une voix chantante de baryton où chaque mot semble pesé. L’œil est vif et malicieux. On y voit briller la passion et la fierté du travail accompli. Début de la visite… et dégustation ! Au rez-dechaussée, se trouve une petite pièce attenante à la salle des 15 ans. Une table de bistrot, une chaise, un petit fût datant de 1702, couvert de salpêtre, usé par les années, offert par le grand-père Vito. C’est le bureau du patriarche. C’est là qu’il fait sa sieste et réfléchit à de nouvelles créations, comme cet étonnant balsamique à la truffe d’Alba où il n’est pas question d’y mêler une essence. Dans le fût, on laisse mariner une truffe pour y diffuser son parfum. À la suite du père et du fiIs, nous découvrons une succession de pièces sur deux étages avec des fûts de toutes tailles, de toutes formes. Au premier, les 20 et 30 ans. Sur chaque fût, la bonde est recouverte d’un petit FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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carré de linge pour le protéger de la poussière et l’aérer. « La concentration est telle qu’avec 1000 litres de vin, on fait 10 litres de vinaigre » commente Francesco.

Le saint des saints On accède à la salle au trésor par un étroit escalier. Dans une salle basse de plafond, en serni-pénombre, juste éclairée par une petite fenêtre, s’alignent une cinquantaine de petits fûts. Ils contiennent les vinaigres balsamiques de 100 et 150 ans. Au centre, une table, trois chaises et une bougie. Giovanni prend dans une main une longue pipette de verre, le “saggiatore”, qui fait office de testeur. Il la plonge dans un fût, aspire avec la bouche, la remplit d’un quart et la bloque avec le pouce. Puis il le verse dans un verre rond, le fait tourner, le mire devant la flamme de la bougie et le laisse couler lentement dans une petite cuillère de porcelaine. La surface du balsamique brille comme un miroir et reflète mon visage. « Laissez-le glisser sous la langue pour sentir le parfum et l’arôme ». Un cadeau du ciel ! Mais Giovanni, grand seigneur, enfonce le clou ! « Venez, vous allez goûter mon 150 ans. Le rituel reprend. C’est l’extase ! »

Le balsamique s’invite à table Au XVIème siècle, le vinaigre de Modène était vendu comme médicament par les apothicaires pour guérir la peste et la malaria. On l’utilisait comme désinfectant, ou même pour se laver les cheveux. Pendant la campagne napoléonienne, ce fut même un butin de guerre et, plus tard, vint la tradition de la dot. Le père laissait à ses filles, quand elles se mariaient, un lot de fûts. L’arrivée du balsamique dans la cuisine est plus récente. En fonction de sa maturité, on l’utilise de différentes manières, de l’entrée au dessert. Pour faire l’Aceto, on rajoute un peu de vinaigre de vin. Le blanc aux arômes miel citron, se marie parfaitement avec une huître, un poisson, ou une salade. Le condiment, fabriqué à base de moût de raisin pur, mûrit et vieillit dans la sagesse du temps. On va l’associer à des poissons gras comme le thon ou le saumon, mais aussi sur une grillade, un carpaccio, une volaille ou un risotto. Un filet de balsamique de 30 ans contraste agréablement avec la douceur d’un San Daniel et le même, déposé sur des cubes de vieux parmesan de 36 mois d’affinage est une pure merveille. Au dessert, essayez les fraises “natures” rehaussées d’un trait de bal-

samique de 20 ans vieilli dans un fût de cerisier ! Enfin, après un bon repas, délaissez pour une fois votre habituel Armagnac et fumez un bon cigare en dégustant un petit verre de vieux balsamique… DANY VINET 107

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Les Carnets de Voyage de Pierre Croux

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Globe-trotteur nous est conté...

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La Provence nous offre, de temps à autre, des Femmes et des Hommes pleins de talent. Mistral, Giono, Pagnol… et que Dieu me pardonne de ne pas les citer tous.

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Les Carnets de Voyage de Pierre Croux

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À SUIVRE…

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Pierre Croux, le Globe-Croqueur Le Rayol F - 84 160 Lourmarin Tél. 04.90.68.07.83 Courriel : croux.pierre@wanadoo.fr Site : www.carnetsdevoyage.org

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

ans les Confessions, Jean-Jacques Rousseau se souvient d’un épisode de jeunesse, qu’il évoque avec ravissement. Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure (…).(1) Il y avait hors la porte de la Cour une terrasse à gauche en entrant, sur laquelle on allait souvent s’asseoir l’après-midi, mais qui n’avait point d’ombre. Pour lui en donner, M. Lambercier y fit planter un noyer. La plantation de cet arbre se fit avec solennité. Les deux pensionnaires en furent les Parrains, et tandis qu’on comblait le creux, nous tenions l’arbre chacun d’une main avec des chants de triomphe. On fit pour l’arroser une espèce de bassin tout autour du pied. Chaque jour, ardents spectateurs de cet arrosement, nous nous confirmions mon cousin et moi,

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D

« Eglise de Bossey», huile sur toile (réalisée avant 1789) de JacquesLaurent Agasse (1767 1849).

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dans l’idée très naturelle qu’il était plus beau de planter un arbre sur la terrasse qu’un drapeau sur la brèche ; et nous résolûmes de nous procurer cette gloire, sans la partager avec qui que ce fut. Pour cela, nous allâmes couper une bouture d’un jeune saule, et nous la plantâmes sur la terrasse, à huit ou dix pieds de l’auguste noyer. Nous n’oubliâmes pas de faire aussi un creux autour de notre arbre : la difficulté était d’avoir de quoi le remplir; car l’eau venait d’assez loin, et on ne nous laissait pas courir nous en aller prendre. Cependant, il en fallait absolument pour notre saule. Nous employâmes toutes sortes de ruses pour lui en fournir durant quelques jours, et cela nous réussit si bien que nous le vîmes bourgeonner et pousser de petites feuilles dont nous mesurions l’accroissement d’heure en heure ; persuadés, quoiqu’il ne fut pas à un pied 114


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de terre, qu’il ne tarderait pas à nous ombrager. Cependant notre arbre, nous occupant tous entiers, nous rendait incapables de toute application, de toute étude, que nous étions comme en délire, et que, ne sachant à qui nous en avions, on nous tenait de plus court qu’auparavant; nous vîmes l’instant fatal où l’eau nous allait manquer, et nous nous désolions dans l’attente de voir notre arbre périr de sécheresse. Enfin la nécessité, mère de l’industrie, nous suggéra une invention pour garantir l’arbre et nous d’une mort certaine : ce fut de faire par-dessous terre une rigole qui conduisit secrètement au saule une partie de l’eau dont on arrosait le noyer. Cette entreprise, exécutée avec ardeur, ne réussit pourtant pas d’abord. Nous avions si mal pris la pente que l’eau ne coulait point. La terre s’éboulait et bouchait la rigole ; l’entrée se remplissait d’ordures; tout allait de travers. Rien ne nous rebuta. Omnia vincit labor improbus. Nous creusâmes davantage la terre et notre bassin pour donner à l’eau son écoulement ; nous coupâmes des fonds de boîtes en petites planches étroites, dont les unes mises de plat à la file, et d’autres posées en angle des deux côtés sur celles-là nous firent un canal triangulaire pour notre conduit. Nous plantâmes à l’entrée de petits bouts de bois minces et à claire voie qui faisant une espèce de grillage ou de crapaudine retenaient le limon et les pierres, sans boucher le passage à l’eau. Nous recouvrîmes soigneusement notre ouvrage de terre bien foulée,

Gravure tirée du Volume n° 1, Paris Barbier 1846.

Gravure représentant la rigole qui conduisait l’eau au saule.

et le jour où tout fut fait, nous attendîmes dans des transes d’espérance et de crainte l’heure de l’arrosement. Après des siècles d’attente cette heure vint enfin : M. Lambercier vint aussi à son ordinaire assister à l’opération, durant laquelle nous nous tenions tous deux derrière lui pour cacher notre arbre, auquel très heureusement il tournait le dos. À peine achevait-on de verser le premier seau d’eau qui nous commençâmes d’en voir couler dans notre bassin. A cet aspect la prudence nous abandonna; nous nous mîmes à pousser des cris de joie qui firent retourner M. Lambercier, et ce fut dommage ; car il prenait grand plaisir à voir comment la terre du noyer était bonne et buvait avidement son eau. Frappé de la voir se partager entre deux bassins, il s’écrie à son tour, regarde, aperçoit la friponnerie se fait brusquement ap115

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porter une pioche, donne un coup, fait voler deux ou trois éclats de nos planches, et criant à pleine tête, un aqueduc, un aqueduc, il frappe de toutes parts des coups impitoyables, dont chacun portait au milieu de nos coeurs. En un moment les planches, le conduit, le bassin, le saule tout fut détruit, tout fut labouré ; sans qu’il y eut durant cette expédition terrible nul autre mot prononcé, sinon l’exclamation qu’il répétait sans cesse. Un aqueduc, s’écriait-il en brisant tout, un aqueduc, un aqueduc !(2)

Jean-Jacques Rousseau fait le récit de son séjour à Bossey en compagnie de son cousin Abraham. Il se plaît à raconter un grand nombre d’épisodes émouvants, parfois plaisants, parfois douloureux. L’on se souvient de l’histoire des arbres plantés sur la terrasse du presbytère. L’on apprend que, craignant une exposition trop vive au soleil, le pasteur Jean-Jacques Lambercier, âgé de 46 ans, décide de planter un noyer sur la terrasse. Lors de cette cérémonie familiale, Jean-Jacques et Abraham officient comme parrains. Cet arbre à grande taille forme des forêts entières(3) dans les plaines du Caucase. Les Celtes l’ont acclimaté en Angleterre et en Irlande.(4) En pleine croissance, il développe une ombre bienfaisante, qui ne laisse rien croître à ses pieds.(5) Dans la croyance populaire, le noyer est symbole de Jean-Jacques Rousseau qui se souvient de son séjour à Bossey et tout spécialement de sa vie quotidienne. Et n’oublions pas l’importance des moments consacrés à l’éducation religieuse.(*) Installons-nous un instant sur la terrasse surplombant la région genevoise, au milieu de laquelle coule le Rhône. S’y pressent le pasteur et sa sœur Gabrielle, JeanJacques et Abraham, une ou deux employées de maison. Peut-être même un chien s’étend-t-il sur cet espace agréablement disposé, mais trop exposé au soleil. Comblé, Jean-Jacques Rousseau vit un éden, parle d’un paradis. Deux ans passés au village adoucirent un peu mon âpreté romaine, et me ramenèrent à l’état d’enfant.(6) Sans aucun doute, le pasteur Lambercier lui donne une leçon d’humanité et le guide vers les mystères de la connaissance. Jean-Jacques Rousseau apprend facilement ses

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau Jean-Jacques Rousseau se rapprocherait-il de cette étape, de cette découverte décisive, peut-être de la perte du paradis? D’ailleurs, lorsqu’on habite le paradis, le sait-on? A Bossey, Jean-Jacques Rousseau vit dans le séjour de l’innocence. Il découvre alors que le monde n’est pas nécessairement juste ; ne l’accuse-t-on pas à tort ? Son image du paradis est ternie, son cœur brisé. Il se souviendra longtemps de la colère partagée avec son cousin face aux accusations à leurs yeux injustifiées. La maison devient un tribunal partial. Dès ce moment, je cessai de jouir d’un bonheur pur, et je sens aujourd’hui même que le souvenir des charmes de mon enfance s’arrête là. Nous restâmes encore à Bossey quelques mois. Nous y fûmes comme on nous représente le premier homme encore dans le paradis terrestre mais ayant cessé d’en jouir.(10) L’instant solennel arrive, le pasteur prépare le rituel de la plantation du noyer. Rien n’est oublié, les deux préadolescents tiennent le rôle de parrains. Installer un noyer sur la terrasse, quelle fête ! Après la présentation des personnes invitées à vivre en bonne harmonie dans ce lieu clos survient le geste majestueux accompli par le maître de maison. L’importance que marque JeanJacques Rousseau à l’égard de cet événement semble annoncer un épisode crucial. A la joie d’en être les parrains s’ajoute le désir de faire croître un saule. La croissance interdite absorbera l’eau réservée au noyer fraîchement installé. Lorsque la rigole qui arrose le saule est découverte, les « parrains » s’aperçoivent que leur Planche bontanique sur le noyer. L’Aqueduc. Gravure de Gerbier parue dans les grands écrivains et les grandes æuvres d’Aristide Roger (Paris, Librairie illustrée sans date).

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leçons; il mémorise aisément les récits bibliques. La preuve qu’il s’y prenait bien est que, malgré mon aversion pour la gêne, je ne me suis jamais rappelé avec dégoût mes heures d’étude, et que, si je n’appris pas de lui beaucoup de choses, ce que j’appris je l’appris sans peine, et n’en ai rien oublié.(7) Les arbres (le noyer et le saule) qui viennent au souvenir de Jean-Jacques Rousseau semblent s’identifier à l’histoire que raconte la Genèse. La Bible chante la vie quotidienne des premiers hommes, leur bonheur innocent, leur quiétude sans ombre. La vie est-elle un rêve, une illusion, une fiction ? Il est imposé à ce couple de la Genèse une seule consigne: ne pas goûter au fruit de l’arbre de la connaissance. S’agit-il d’un arbre litigieux, questionne Roger Munier ?(8) Ce jardin, instauré par Dieu, compte des arbres, des animaux, un couple, devenir de l’humanité. La Genèse parle d’un arbre de la connaissance. On pourrait y voir une conscience, un entendement, une rencontre. Willy Pasini rappelle qu’Eve cueille le fruit défendu de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal et l’offre à Adam l’incitant ainsi à désobéir. Tous deux enfreignent les instructions divines et sont chassés à jamais du paradis terrestre, mais c’est Eve qui est le plus durement condamnée.(9) FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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stratagème est mis à jour et le pasteur de s’écrier avec humour : aqueduc ! aqueduc ! Ainsi prend fin pour JeanJacques et son cousin l’état paradisiaque qui, à la fois, réunit et sépare l’adulte et l’enfant. Le noyer et le saule deviennent les emblèmes d’un code familial, d’un savoir hiérarchique, d’un besoin qu’il convient de respecter. Le noyer est préservé, le saule est jeté bas, massacré, déraciné. Respecté, le noyer vivra sa vie; le saule n’est plus qu’un rêve interrompu. Aussitôt, Bossey, son presbytère, comme un autre rend le service que l’on attend de lui rien de plus, à savoir un poste de pasteur de l’Eglise protestante de Genève. La Genèse raconte qu’après avoir goûté au fruit défendu, Adam et Eve se cachèrent. Jean-Jacques et son cousin retardent le moment où le pasteur découvre la construction de la rigole menant l’eau du noyer au saule. Les préadolescents reconnaissent leur forfait. Leur image auprès des adultes change, devient celle de la rébellion. Ils montrent les limites de la discipline du couple chargé de leur éducation. Assister à la plantation d’un arbre leur donne l’envie de copier, de prouver leur capacité à réaliser leur propre entreprise, de mettre à profit la nouvelle expérience du jardinage. On pense immédiatement au pays de Robinson Crusoé, auquel n’a cessé de rêver Jean-Jacques Rousseau dans l’atelier de son père, artisan horloger. Cette île où l’on peut encore visiter les vestiges des trois camps qu’il y construisit : l’un, près de l’embouchure de la rivière, l’autre, au nordouest, sur une plate-forme rocheuse qui offre une jolie vue sur cette partie de l’île, et le troisième, à l’intérieur des terres, dans la vallée. En explorant le sud de l’île, on parvient à la baie de Vendredi, où Crusoé aperçut, pour la première fois, l’empreinte d’un pied humain, et où des ossements – reste d’un festin anthropologique – sont encore reconnaissables, de même qu’un pieu fiché en terre par Crusoé pour retrouver son chemin. Près du premier camp, sur un autre poteau qui servait de calendrier au naufragé, on peut lire : « J’ai débarqué ici le 30 septembre 1659. »(11) En route pour Venise, où un poste de secrétaire d’ambassade l’attend, Jean-Jacques Rousseau doit observer une quarantaine. Il s’installe dans la chambre d’un lazaret sans confort, il ne s’y ennuie pas un instant… comme un nouveau Robinson je me mis à m’arranger pour mes vingt un jours comme j’aurais fait pour toute ma vie.(12) Quittant à la hâte le Val-de-Travers dans la principauté de Neuchâtel, il tient à se rendre dans l’île de Saint-Pierre, dans le canton de Berne. JeanJacques Rousseau endosse le costume de Robinson Crusoé, rêvant de bâtir une demeure imaginaire dans cette petite île.(13) À Bossey, village minuscule, île rêvée, le séjour de Jean-Jacques Rousseau est-il compromis ? L’irritation du pasteur Lambercier y mettra-t-elle fin ? Abraham et Jean-Jacques s’inquiéteront-ils de son interruption ? Resteront-ils ces élèves appliqués, soucieux de répondre aux sollicitations des adultes ? Trouveront-ils la liberté d’envisager un avenir hors du presbytère ? Peut-être ignorent-ils encore qu’ils font route vers l’émancipation, vers l’avenir.

« Adam et Eve », huile sur bois, 1526, réalisée par Lucas Cranach.

Portrait du pasteur Jean-Jacques Lambercier.

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Animateur du lieu paradisiaque, Jean-Jacques Lambercier prend place parmi les êtres qu’aime Jean-Jacques Rousseau, non pour ce qu’ils lui donnent, mais pour ce qu’ils lui apprennent. À Bossey, il s’ouvre aux promenades. Ainsi pourrait-on faire apparaître un nouveau sentiment de la nature qui ne considère pas du tout l’homme comme un aboutissement détaché de tout lien avec la nature, mais au contraire, dans une vision panthéiste, comme un élément indissoluble du Tout et de la nature.(14)

Pour un temps éloigné du paradis, Jean-Jacques Rousseau quittera Genève et son maître d’apprentissage. Jean-Jacques Lambercier lui donne le goût, le besoin des voyages. Il va se forger un destin. Jean-Jacques Lambercier, homme raisonnable, porte un visage tout humain, mais il sait aussi se tourner vers le divin.(15) Jean-Jacques Rousseau se souvient des chants innombrables que lui ont appris sa tante Suzanne et Jacqueline, appelée affectueusement Mie. Ces mélodies lui reviennent à travers le chant des oiseaux en écoutant leurs trilles, leurs roucoulements, leurs gazouillis. Ces chants deviennent comptines, ritournelles et berceuses et l’invitent à découvrir le monde, à entrer dans l’univers

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d’une nature qu’il ressent comme un écho divin, hymne de l’univers. A-t-on exploré les ressources qu’offre le langage musical pré-natal ? Il y a deux mille ans avant JésusChrist, en Chine on conseillait aux femmes enceintes le chant, explique Hilda Longchamp. Et en Egypte, les sons graves étaient déjà mentionnés pour permettre un accouchement harmonieux.(16) Cette « musicothérapeute » fait part de son expérience : la grossesse est un moment privilégié pour chanter (…) l’envie est grande chez les femmes de chanter.(17) Françoise Dolto pense qu’il est tout à fait naturel de signifier à un enfant qu’on l’aime par des caresses, et l’enfant a besoin de cela. On utilise alors le langage corporel pour

communiquer avec l’enfant. Mais chez l’être humain, ce langage corporel doit se doubler de la parole. On ne caresse pas un enfant comme on caresse un chien. La mère n’est pas une guenon qui frotte son petit. La mère doit parler à son enfant, lui dire qui il est, quelle sa relation avec elle, lui chanter des chansons. Cela donne une autre dimension aux caresses ellesmêmes.(18) Boris Cyrulnik poursuit cette idée : On joue à parler pour échanger des affects, on apprend à lire avec quelqu’un qu’on aime, on acquiert des connaissances pour partager des mondes abstraits. Le chiffre quotient intellectuel est intersubjectif, c’est une rencontre affective qui varie beaucoup selon le milieu dans lequel baigne l’enfant.(19) L’enthousiasme de sa tante, la richesse des chants font les bonheur de Jean-Jacques Rousseau. Il se nourrit de cette quiétude familiale. Bossey est un environnement généreux, gratifiant, propice à rendre la vie meilleure. Bossey restera un ancrage affectif, un mentor géographique, la conscience apaisante d’une existence en plein air. Jean-Jacques Rousseau apprend progressivement qu’il vaut toujours mieux jouer la ressource contre la carence, la solution contre l’impasse, le point fort contre le point faible, le possible contre le renoncement.(20) La crainte éprouvée sur la terrasse du presbytère ne sera bientôt plus qu’un souvenir. D’ailleurs, un jour, Jean-Jacques Rousseau s’exclamera : O homme, de quelque contrée que tu sois, quelles que soient tes opinions, écoute ; voici ton histoire telle que j’ai cru la lire, non dans les Livres de tes semblables qui sont menteurs, mais dans la NaRÉMY ture qui ne ment jamais. Tout ce HILDEBRAND (21) qui sera d’elle, sera vrai.

« Histoire de Robinson Crusoé », 2e moitié 18e siècle ; 1er quart 19e siècle, BASSET (imprimeur, éditeur).

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Notes (1) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 19 (2) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 22-24 (3) Michael Vescoli, Calendrier celtique, Construire, 1988, p. 82 (4) Michael Vescoli, Ibid., p. 82 (5) Michael Vescoli, Ibid., p. 82 (6) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 12 (7) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 13 (8) Roger Munier, Esquisse du Paradis perdu, Arfuyen, 2010, p. 12 (9) Willy Pasini, Les armes de la séduction, Odile Jacob, 2011, p. 55 (10) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 20 (11) Alberto Manguel, Gianni Guadalupi, Dictionnaire des lieux imaginaires, Actes Sud, 1998, p. 389-390

(12) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 296 (13) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 644 (14) Hermann Hesse, La Bibliothèque universelle, José Corti, 1995, p. 104 (15) Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942, p. 55 (16) Sandra Joly, Tribune de Genève, 1-2 juin 2011 (17) Sandra Joly, Ibid., 1-2 juin 2011 (18) Françoise Dolto, Les étapes majeures de l’enfance, Gallimard, 1994, p. 85 (19) Boris Cyrulnik, Les murmures des fantômes, Odile Jacob, 2003, p. 46 (20) Philippe Gabillet, Eloge de l’optimisme, Saint-Simon, 2010, p. 119 (21) Jean-Jacques Rousseau, OC III p. 133 (*) Trois semons sont parus in/Rémy Hildebrand Bossey, un souvenir enchanteur, Editions Transversales, 2007, p. 53 à 99

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Le Billet de Dany

Regardsur

l’IcôneReligieuse

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Si, dans une église orthodoxe, les fidèles se signent devant les icônes (le pouce, l’index et le majeur joints pour représenter la Trinité) et les embrassent, il ne s’agit nullement de l’idolâtrie d’une image pieuse. Pour eux, il s’agit bien d’une reconnaissance de la présence de Dieu.

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La signification des icônes

graphes au même titre que le Christ, les apôtres ou les saints, peut être représentée de multiples façons. La Vierge de la Tendresse est une Vierge très maternelle: son visage est collé à celui de l’enfant et son visage est doux, même si, parfois, son regard est triste. Dans la Vierge du Jeu, Jésus, la tête en arrière, les bras autour du cou de sa mère, semble jouer comme un enfant ordinaire. La Vierge qui montre la voie tient l’Enfant dans ses bras et sa main le désigne au spectateur. L’Enfant, lui, lève la main droite, en signe de bénédiction. La Vierge en trône, l’Enfant sur les genoux, évoque l’attitude de la Vierge lors de l’Adoration des Mages.

Chez les orthodoxes, les icônes concrétisent la foi. Elles rendent visible une présence invisible, elles sont le lien entre l’humain et le divin. Pour un chrétien orthodoxe, il est aussi important de vénérer les icônes que de lire les évangiles, par exemple. Les croyants possèdent donc souvent des icônes domestiques placées en très bonne place dans la maison et même des icônes de voyage. Voilà pourquoi elles ne sont pas peintes (ou plutôt “écrites” puisque l’on parle de “l’écriture” d’une icône comme celle d’un évangile) selon la fantaisie ou la créativité d’un peintre : elles se doivent de reproduire, de “copier” les originales qui, selon la tradition, seraient d’origine divine. C’est à l’évangéliste Luc que l’on attribue, en effet, la première icône de la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus dans ses bras. Quant au visage du Christ, il est, semble-til, “copié” du visage apparu sur le linge que sainte Véronique a utilisé pour essuyer la face de Jésus au cours du Chemin de croix, le Saint-Suaire, ou encore “copié” du corps et du visage du Christ “imprimés” dans son linceul, exposé à la Basilique Sainte Sophie à Constantinople jusqu’en 1204. Un artiste écrivant une icône se doit donc de reproduire chaque geste, chaque trait, chaque drapé, chaque vêtement qui a une signification précise. L’iconographe ne peut pas s’éloigner de l’enseignement de l’Eglise.

Le thème de l’Annonciation a été maintes fois représenté dans les icônes des grandes fêtes.

Ce sont souvent des moines qui écrivaient les icônes, apres s’y être préparés dans le jeûne et la prière. Ils ne signaient pas leur œuvre car, selon la croyance orthodoxe, ils n’étaient que l’instrument de l’EspriSaint.

Les thèmes Les thèmes des icônes sont très nombreux et tous dorigine biblique. Leur étude, ou iconographie fait apparaître des thèmes récurrents et, au cœur d’un même thème, la position du ou des personnages et les symboles qui les entourent créent un thème encore différent. La Vierge par exemple, sujet de prédilection des icono121

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Enfin, la Vierge aux trois mains est tout à fait surprenante. Il ne s’agit pas d’une étourderie de l’artiste ! Son histoire intéressante remonte au VIIIe siècle : Jean Damascène, théologien grand défenseur du culte des images, s’opposa à l’empereur iconoclaste Léon III qui lui fit couper la main. Il passa alors une nuit entière en prière et promit à Dieu que, si sa main lui était rendue, il continuerait à défendre le culte des icônes. La Vierge lui apparut et... il retrouva sa main. Le théologien fit alors sculpter une main en argent qu’il accrocha en exvoto à son icône de la Vierge. De là, fut créée puis “copiée” la version de la Vierge aux trois mains. On remarquera que l’Enfant Jésus, sur toutes les icônes de

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Le Billet de Dany moments de la vie de la Vierge et du Christ : Nativité du Christ, Baptême du Christ, Annonciation, Pâques, Ascension, Pentecôte, Dormition de la Vierge par exemple.

La technique de l’Icône

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la Vierge, présente une jambe plus longue que l’autre, une particularité physique du Christ qu’a révélée le linceul, paraît-il… Bien d’autres représentations de la Vierge sont encore remarquables. Il en est de même pour le Christ qui se présente tantôt en Emmanuel tantôt en Trône, ou encore en Sauveur, ou en Roi des Rois, entre autres symboliques. Le Christ adulte, bénissant et tenant un évangile ouvert ou fermé, portant une auréole crucifère est l’un des plus anciens types d’icônes. Ses doigts forment le IC XC, monogramme de Jésus-Christ, repris de part et d’autre de sa tête: c’est le Seigneur de l’Univers. Un autre thème souvent écrit en icône est l’Annonciation. L’Archange Gabriel vient annoncer à Marie qu’elle sera la mère de Dieu. La Vierge, la tête penchée, est à l’écoute du visiteur. Ses mains croisées sur sa poitrine expriment soumission et accord. Sur d’autres icônes, la Vierge lève la main vers l’Archange comme pour l’arrêter dans son annonce, un geste qui indique une certaine réserve. Mais toujours, la couleur vert-bleu de la tunique symbolise sa nature humaine, tandis que son manteau rouge sa royauté divine. Ce thème de l’Annonciation est évidemment repris dans les icônes des grandes fêtes, les douze fêtes qui scandent l’année des chrétiens et célèbrent les principaux

“La Vierge à Trois Mains”.

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Si certaines icônes ont pu être réalisées en mosaïque, en or, en argent, en bronze, en émail cloisonné ou en terre cuite, c’est le bois qui est le matériau de base principal. L’essence du panneau ou de la tablette de bois importe peu, pourvu que le bois soit exempt de nœuds, bien sec et qu’il ne soit pas résineux. Beaucoup d’icônes ont donc été réalisées en tilleul, car c’est un bois que les moines récoltaient facilement et qui, homogène et tendre, se révélait facile à travailler. La surface à peindre est creusée sur 3 à 4 mm. Cette “cavité” est alors enduite de plâtre et de colle, puis recouverte d’une fine toile, soigneusement recouverte, elle aussi, de douze couches d’un mélange de colle et d’albâtre, le levkas (d’un mot grec qui signifie blanc), qui est ensuite poncé pour donner une surface aussi lisse que du marbre. L’artiste copie alors scrupuleusement le dessin sur le levkas qu’il grave légèrement. La peinture est l’étape suivante. Les premières icônes étaient réalisées selon la technique de l’encaustique qui consiste à mélanger les pigments colorés avec de la cire d’abeille fondue et à l’appliquer encore chaude et liquide sur le tableau. Puis cette technique évolua vers la détrempe - “a tempera” où les pigments sont mélangés à de l’eau et à du jaune d’œuf, technique encore utilisée aujourd’hui. Les pigments utilisés sont toujours d’origine naturelle : minéraux (ocres, oxydes métalliques) ou animaux (noir d’ivoire par exemple). Ils sont déposés au pinceau en commençant par les teintes les plus sombres. Puis l’icône est protégée par une préparation à base de lin. Et si de l’or est prévu dans l’icône, c’est à cette étape qu’il est posé. L’or donne à l’ensemble du tableau une dimension transcendante et éternelle. Il n’y a pas de peinture plus codifiée que celle des icônes. On dit même qu’elles sont conçues en sept étapes, comme la Création, et que le bois dont elles sont réalisées fait référence à la Croix. Si les corps paraissent “trop” allongés, c’est qu’ils équivalent à neuf fois la taille de la tête, alors que la proportion est de sept dans l’art occidental. Quant aux bouches des personnages, elles sont fermées sur le monde intérieur et ne s’ouvriraient que pour parler de Dieu. Nous admirons ces icônes bouche bée…


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Littérature Auteur mêlant habilement la fiction et l’Histoire, Marc Dugain, écrivain français né au Sénégal en 1957, qui s’était révélé en 1998 avec le poignant récit de « La chambre des officiers », nous livre, avec « La malédiction d’Edgar », l’un de ces romans historiques auquel il convient de s’arrêter, car l’on sent bien qu’il touche à l’essentiel d’une vérité non officielle, que le fil du récit nous révèle, tout en s’éloignant des codes habituels d’une mise en scène romancée.

Lamalédictiond’Edgar par Marc Dugain (FOLIO)

ans doute, lors de la conception de ce livre, l’auteur a-t-il fait sienne les vues pénétrantes de Balzac sur la police en tant qu’institution, et cette idée maîtresse que son efficacité dans la conduite des événements est inversement proportionnelle à sa médiatisation. Sans doute, comme Stefan Zweig analysant Fouché et sa police « moderne » de la période napoléonienne, Marc Dugain a-t-il lui aussi voulu montrer combien les luttes souterraines, inconnues du grand public sont les déterminants fondamentaux de l’enchainement des événements historiques. Cette fameuse « haute police » qui mêle aux renseignements de base, nécessaires à l’ordre public autant qu’à la sécurité intérieure et extérieure,des combats d’une autre stature au service d’idéologies et de programmes politiques concurrents au sein de l’Etat et de ses institutions phares. Cette haute police, si insaisissable et si puissamment fantasmée, le roman français du XIXe siècle a tenté d’en percer les mystères pour la mettre à nu autant que pour rendre hommage à la fascination qu’elle n’a cessé d’exercer sur les maîtres incontestés du genre que furent Balzac, Hugo, Dumas et dont les figures de Conten-

son, Javert et Jackal restent emblématiques de leurs plus grands drames. Ce lien dérangeant qui lie services d’État et organisations à buts plus contestables a aussi été la source d’une école de romanciers nord-américains dont James Ellroy a signé quelques-uns des récits les plus intenses sur le Los Angeles de l’immédiat après-guerre et dont les adaptations cinématographiques du Dahlia noir et de L.A. Confidential ont popularisé l’extrême acuité. Chez Marc Dugain, à l’évidence, cet héritage, inconscient ou assumé, est présent dès les premières pages de ce récit passionnant sur la vie d’Edgar Hoover tout au long de ce demi-siècle qui marque son règne à la tête du FBI entre 1924 et 1972. Homme de pouvoir et aimant le pouvoir, Edgar Hoover l’était passionnément. Préférant l’ombre à la lumière, l’efficacité des actions occultes aux tapis rouges scintillants des gloires éphémères, savourant l’étonnant pouvoir d’une fiche de police davantage que les couvertures des magazines de presse, doté d’une aisance naturelle, et toute ambivalente, dans sa fréquentation parallèle des plus hautes autorités officielles comme dans celle, moins avouable, du crime organisé et des organisations

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et aisément abusé par l’entrelacs de dépressions intérieures et de sourires éclatants de façade, Hoover apparait comme un personnage hors du commun. Toujours au travail ; à son poste 365 jours par an ; sans vie privée réelle ; sans faiblesse apparente ; sans turpitude avérée ; informé de tout et sur tous ; n’écoutant que lui-même ; caractériel et ombrageux ; sachant lancer des rumeurs de complots pour avoir l’air d’éteindre de grands incendies ; lucide et amoureux du pouvoir, le vrai, celui qui n’est pas que de façade, peu visible mais plus durable, plus réel ; sachant rendre service et s’attacher d’utiles amitiés ; méticuleux adepte des dossiers qu’il n’est pas nécessaire de brandir - car leur seule existence dissuade les velléités adverses - Hoover se révèle dans une lumière crue dont l’éclat déchire ici nombre de voiles, jusqu’ici occultant la véritable histoire de l’Amérique. Arrivé au terme de cet excellent livre, le lecteur ne pourra pas s’empêcher de se remémorer les propos de Stefan Zweig lorsque celui-ci évoquait dans sa biographie de Magellan (*) cette constante de l’histoire de l’Humanité qui veut que le succès de certains hommes doit souvent à ce qu’ils ont une idée fixe et sont prêts à tout lui sacrifier pour voir la réussite de leurs projets ou de leurs ambitions. Ces joueurs sans foi ni loi qui,afin d’assurer leur succès, osent transgresser les règles ; parfois absolument ou à d’autres occasions dans les proportions exactes de ce qui est collectivement acceptable. De ces hommes dont l’énergie se mesure fondamentalement à l’intensité de leur passion, Edgard Hoover n’en a pas été l’incarnation la moins brillante ni la moins inquiétante. dominique.ortiz@bcv.ch

mafieuses, Edgard Hoover n’avait qu’une crainte : devoir céder « sa » place à un autre. Surtout à un successeur dont il ne doutait pas qu’il serait à mille lieues de son immense talent ; incapable de maintenir les ÉtatsUnis dans leur position naturelle de « première nation du monde » comme dans leur rôle de « rempart contre le communisme » - cet ennemi insidieux et menaçant de la nation américaine. Au service de son pays, Marc Dugain nous révèle à quel point Edgard Hoover était un homme monolithique. Habité par une passion : le service de l’État. Sacrifiant tout à son idéal comme au déroulement de sa propre carrière et de celles de ses disciples. Servant une idéologie conservatrice voire franchement réactionnaire : celle d’une Amérique impériale, dominant le monde avec superbe ; inégalitaire envers les minorités à l’intérieur de ses frontières ; farouchement anti-communiste et peu soucieuse de morale dans le choix de ses alliés lorsqu’une frange de la population lui apparaissait suspecte d’intelligence avec l’ennemi (comme ce fut le cas à ses yeux de l’industrie cinématographique de Hollywood à l’époque du Maccarthysme). Ne reculant devant aucune compromission et ne dédaignant aucune alliance lorsqu’un Président lui paraissait menaçant pour son siège (Truman) ou trop favorable aux idées de gauche (Kennedy). Cette plongée au plus profond de ces cinq décennies au cours desquelles l’Amérique aura traversé la Grande dépression, la Seconde Guerre mondiale et son avatar durable, la Guerre froide cristallisant les tensions entre deux blocs puissamment antagonistes, est un régal. Vues par le prisme du FBI et l’œil de son chef, ces quarante-huit années de l’ère Hoover éclairent l’histoire des États-Unis et de ses dirigeants comme celle de la société américaine dans son ensemble d’une lueur édifiante. Les luttes d’influence que se livrent les officines et autres services rivaux au cœur de l’État, les associations de circonstances entre le crime organisé et les institutions étatiques, les amitiés entre familles patriciennes et membres des services, les collusions entre le personnel politique de Washington, le monde de la presse et les stars du show-business sont un véritable roman où l’on croise autant de Léviathans inconnus et redoutables que de figures plus familières au grand public et beaucoup plus aveuglément étincelantes comme Marylin Monroe, Franck Sinatra, John Fitzgerald Kennedy ou son frère Bobby. Dans cette société en trompel’œil, faite de faux-semblants et de paillettes, dans cette véritable distribution de jeux de rôles qui se déclinent face à un public crédule

DOMINIQUE ORTIZ

(*) Magellan, Stefan Zweig, 1938, Les Cahiers Rouges, Grasset (Réédition 2003). Cf. France Magazine numéro 21, Eté 2008.

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Gastronomie

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Canada l’autreFrancedelagastronomie

Montreal, le Port et la tour Olympique de 1976.

Le Canada est le deuxième plus grand pays du monde, derrière la Russie, devant les États-Unis et la Chine, mais peuplé seulement de 34 millions d'habitants, la moitié de la population de la France. Il est divisé en dix Provinces et trois Territoires.

qu'ils ont “francisés”, mais qu'ils ont appris à l'oreille, en les entendant, sans savoir que c'était de l'anglais, et ils les utilisent en lieu et place de mots français. Cela ne nous facilite pas la compréhension, spécialement quand des Québécois parlent ensemble, y compris en regardant la télévision, mais en fin de compte, c'est cela qui fait le charme de la "Belle Province". Au Québec francophone, où la tradition française est bien ancrée, c'est tout de même, pour nous, un pays de contradictions : la culture y est américaine, les règles sont anglaises (bien que le Code Napoléon y ait sa place) ... et le tout est géré en français ! Ce mélange qui se vit au quotidien se ressent dans tous les domaines, y compris dans la gastronomie. Il faut comprendre la gastronomie dans ce sens : comment bien préparer les repas, sélectionner des produits plus ou moins travaillés, les apprécier et non pas comme un luxe, où la gastronomie devient une science destinée à offrir des raffinements de bonne chère réservés à une certaine élite.

e Québec est la plus vaste province canadienne, sa superficie est égale à trois fois celle de la France, mais n'est peuplée que de 8 millions d'habitants. Le français y est la langue officielle. Aux 16e et 17e siècles, les Bretons, Normands, Picards, Vendéens, Champenois et Charentais, venus avec Jacques Cartier ou Samuel de Champlain, parlaient le français que leurs descendants défendent “bec et ongle”. Quelque 80% des Québécois ont pour langue maternelle le français, 95% de la population comprend et parle le français… ce qui n'est plus le cas aujourd'hui en France ! Les Québécois mêlent au français des mots anglais

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cidé de traverser l'Atlantique, avaient les mêmes goûts, les mêmes habitudes culinaires que ceux restés au pays. Quatre cents ans, c'est long, très long, c'est l'espace de dix générations. Il s'est créé des différences avec ceux restés au pays, l'évolution n'a pas pu être la même. Sur le nouveau continent, les arrivants ont découvert d'autres produits. Peut-être sont-ils arrivés avec des graines et des plants pour la culture ? Mais le climat les a changés et même provoqué des mutations dans certains cas. Aujourd'hui, il faut entre six et huit heures pour traverser l'océan. Il y a encore cinquante ans, les échanges entre continents étaient plus compliqués que maintenant. Il est facile d'admettre que l'Europe et l'Amérique du Nord sont des continents complètement différents, même si le premier a contribué au peuplement du second. La cuisine québécoise a subi des influences spécifiques dues au climat, au mode de vie imposé par les espaces. Les premiers colons, paysans, cuisinaient des repas consistants pour mieux résister au froid, le sirop d'érable, inconnu en France, a contribué à la réalisation de nombreux mets.

J'ai de l'estime pour ceux qui font de la cuisine authentique, de la cuisine pour bien se nourrir et faire plaisir. La cuisine fait partie du patrimoine d'un pays, de sa culture, quelle qu'elle soit, elle se doit d'être reconnue et appréciée. J'ai beaucoup de respect pour la cuisine québécoise, amenée par ces gens qui ont eu le mérite de construire un pays, avec leur façon de vivre, qui ont dû lutter pour conserver leur langue, mais qui n'ont jamais cédé et ont su préserver leur identité. Les traces de leur opiniâtreté sont gravées sur les frontons des bâtiments officiels, et même sur leurs plaques de voiture avec la devise « Je me souviens » qui résume toute l'histoire du Québec « Je me souviens d'être né sous le lys, et d'avoir vécu sous la rose. » Ne pensez-vous pas que les Français de Métropole, qui se prennent pour les meilleurs, qui n'ont plus de repères et se font manger par des immigrants feraient bien de s'inspirer du courage et de la volonté de ces descendants de colons qui ont défendu et défendent toujours les valeurs de leurs ancêtres pour exister, plutôt que d'attendre d'éventuelles et hypothétiques solutions proposés par des politiques irréalistes et incompétents ? Pour la bonne chère, il ne faut surtout pas chercher à faire des comparaisons entre la cuisine française et la québécoise, même si les Français qui, à l'époque ont dé-

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Une baleine dans le St-Laurent.

Des bières à déguster !

Les Chutes de Montmorency.

Dans les Laurentides.

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Au restaurant, les cartes vous réservent des surprises. On ne trouve pas de hamburgers, mais des hambourgeois faits de bœuf, de bison, d'autruche, de caribou, de cerf, et même de poulet. Les frites vous sont servies systématiquement avec de la mayonnaise, mais pas n'importe laquelle, elle peut être à l'épinard et pesto, à la tomate, à la moutarde, à l'ail, ou tandoori. Les moules se servent en chaudronnées d'un kilo, vous pouvez les commander apprêtées de trente façons différentes, certaines inattendues pour nous… Au porto et fromage de chèvre, au cheddar et chili, diabolo, à la noix de cajun, etc. ! Vous allez certainement être étonné de recevoir, dans

une même assiette, un médaillon de bœuf en sauce, une saucisse grillée sur de la choucroute et des frites ! Rassurez-vous, bien qu'inattendu, tout est bon. Dans un bistro typique de la rue Cartier à Québec, un ami m'a fait découvrir une véritable spécialité, une tourtière de cerf, je me suis régalé. Au Québec, comme partout ailleurs, c'est avec les gens du pays que l'on fait les bonnes découvertes. Dans un restaurant du Vieux Québec, chez Louis Hébert, si nous avons été merveilleusement bien servis, il n'y avait que Ce n’est qu’un trompe-l’œil à Quebec ! >

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Sur la route de Malbaie, on rencontre des lacs comme celui-ci.

L’hôtel de Tadoussac. FRANCE MAGAZINE N°35 HIVER 2011

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Si vous osez, vous pouvez commander une spécialité un peu surprenante, la poutine. Vous recevrez une assiette de frites sur lesquelles sont parsemés des grains de cheddar frais et couverte d’une sauce chaude de type « barbecue » ou d'une sauce brune. Autre particularité, le Canada n'étant pas un grand pays producteur de vin, il est possible, dans plusieurs restaurants, d'apporter son vin… Surtout, ne commandez pas un Ricard sans bien préciser ce que c'est… Sinon, on vous sert une bière !! Ce ne sont là que des impressions et des remarques sur la cuisine québécoise. Finalement, je ne peux vous donner qu'un seul conseil, allez la déguster sur place, le pays est accueillant, les gens chaleureux, vous ne serez pas déçus. Pour conclure voici deux recettes faciles JEAN-JACQUES POUTRIEUX que vous pourrez essayer à la maison. jjpoutrieux@bluewin.ch

l'endroit qui était québécois, la cuisine, remarquable, était française. Le Québec respecte les coutumes, les habitudes et accepte les influences importées, tout y est possible. On peut facilement trouver des restaurants qui vous servent des côtes de veau de Charlevoix grillées au feu de bois, ou une brochette de langoustines comme les préparerait un restaurant étoilé en Europe. Les fastfoods sont bien présents et nombreux, Amérique du Nord oblige, ils font partie du paysage, pourquoi ne pas y manger un sandwich à la smoked meat (viande de bœuf fumée), une spécialité importé par les Juifs d'Europe de l'Est, que vous pourrez déguster chez Schwartz, un restaurant-traiteur, une véritable institution à Montréal, situé sur l'historique boulevard St-Laurent.

Deux recettes quebécoises faciles

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JAMBON À L'OS GLACÉ À L'ÉRABLE ET AU BEURRE DE POMME 15 à 20 personnes • Préparation : 25 minutes • Cuisson : 2 heures • Repos : 20 min. Ingrédients : 1 Demi-jambon à l'os fumé et entièrement cuit (4-5 kg) 125 ml de sirop d'érable 30 gr de moutarde de Dijon 60 gr de beurre de pomme 250 ml de jus de pomme naturel 250 ml d’eau Enlever la couenne sur le demi-jambon et, avec un couteau, amincir la couche de gras à 5 mm environ. Faire des entailles sur le gras en forme de losanges. Poser le jambon sur une grille dans une rôtissoire. Dans un bol, à l'aide d'un fouet, mélanger le sirop d'érable, la moutarde et la moitié du beurre de pomme. À l'aide d'un pinceau, badigeonner le jambon avec le quart de la mixture. Verser le jus de pomme et l'eau dans la rôtissoire. Cuire au four à 160° pendant 2 heures environ, jusqu'à ce que le cœur du jambon atteigne au minimum 60°, sans oublier de le badigeonner avec le reste de la mixture toutes les 30 minutes. Après cuisson, poser le jambon sur une planche à trancher. Le couvrir avec une feuille de papier d'aluminium et un torchon. Laisser reposer ainsi 20 minutes avant de trancher. Pendant ce temps, verser le jus de cuisson dans une casserole, porter à ébullition. Dégraisser, laisser réduire pour obtenir la consistance d'une sauce, incorporer le reste du beurre de pomme et servir avec le jambon tranché.

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POUDING-CHÔMEUR 8 à 10 personnes • Préparation : 10 min • Cuisson : 45 min. Ingrédients : 500 gr de Cassonade 375 ml d’eau 125 gr de beurre ramolli 180 gr de sucre 2 œufs 375 gr de farine 15 gr de poudre à lever 125 m de lait Vanille liquide Dans une casserole, mettre l'eau, ajouter la cassonade, porter à ébullition. Verser le sirop obtenu dans un plat (a gratin) allant au four. Réserver. Dans un grand bol, à l'aide d'un batteur électrique, blanchir le beurre avec le sucre, puis ajouter les œufs, quelques gouttes de vanille et battre afin d'obtenir une masse homogène. Tamiser la farine et la poudre à lever, et incorporer à la masse beurre/sucre/œufs la farine/poudre à lever en alternant avec le lait afin d'obtenir une pâte. Laisser tomber la pâte par grosse cuillérées sur le sirop réservé dans le plat. Cuire au four préchauffé à 180° 25 à 30 minutes, jusqu'à ce que le dessus du pouding soit doré et qu'un cure-dent inséré au centre, en ressorte propre.

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