No 31 France Magazine

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N° 31 • Hiver 2010

> Voyage au Chili DE L’ATLANTIQUE AU PACIFIQUE OU DU CHEVAL BLANC AU CHEVAL DES ANDES

Reportage HENRY DUNANT EN AVANCE SUR SON TEMPS

Humanitaire PAUVRETÉ, PANDÉMIES : LES THÉRAPIES

Genève MIEUX “VOIR” LA CITÉ DE CALVIN

Théâtre CAROUGE SAISON 2010-2011

Mémoire YAHAD-IN-UNUM CONTRE L’OUBLI


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Sommaire

Éditorial

N° 31 • Hiver 2010 Poème de Noël selon la tradition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 05 Au Sahara Occidental, un conflit en suspens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 06 Littérature et politique en France et en Suisse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 La pauvreté, les pandémies, les thérapies disponibles. . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10 Henry Dunant En avance sur son temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16 Bruni Jacobs Une aide discrète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 24 Du journalisme en général et de la presse anglo-saxonne en particulier . P. 26 Yad-In-Unim Contre l’oubli. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 28 « Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer ». . . . . . P. 32 Réseaux d’Entreprise Sociaux vers un nouveau management ? . . . . . . . . . P. 34 Lycée Français Maurice Druon de Genève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 37 La réforme des retraites en marche 62 et 65 le ticket gagnant . . . . . . . . . . P. 38 Mariage et régime matrimonial des deux côtés de la frontière . . . . . . . . . . P. 42 Vivement mardi ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 46 Evelyne Péquignot, chanteuse bâloise et francophone . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 48 Rencontre avec Paola Ghillani. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 52 Grand Prix littéraire Jean d’Ormesson 2010. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 59 Théâtre de Carouge Saison 2010-2011. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 60 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . P. 66 La planète comme terrain de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 70 Jean-Pierre Marielle “Le grand n’importe quoi” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 72 Dernières pensées d’un poète. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 74 De l’Atlantique au Pacifique ou du Cheval Blanc au cheval des Andes. . . . . P. 76 Vice et Volupté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 82 À l’oreille des chevaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 86 Bordeaux un trésor de pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 90 Koh Samui Une destination de choix pour les Français . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 96 Le Vietnam Un Eden en Asie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 100 Musique pour tous. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 104 Quand le lit d’eau devient Lido pour le bonheur de tous ! . . . . . . . . . . . . . . P. 108 Écho des Fêtes des vendanges et de la vigne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 111 Champagne ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 112

Expatria Cum Patria Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

Éditeur, Directeur de la Publication, Rédacteur en chef Serge Cyril Vinet Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur de la Communication Victor Nahum Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Edito : Thierry Oppikofer Poème : Nicole Diener-Carton Politique internationale : Antoine Frasseto Littérature : Jacques Neirynck Humanitaire : Pierre Noël Reportage : Michael Walther, Eveline Hasler Engagement : Annette Godinez Carte Blanche : Jacques-Michel Tondre Mémoire : Antoine Garreau J’aimerais vous dire, Aventure au Chili : Serge Cyril Vinet Conjoncture : Marie-Ange Andrieux France Monde Mobilité : Françoise Delagrave Les Français face au droit suisse : Patrick Blaser, Cassandre Dodard Santé prévention : Jean-Jacques Descamps À l’écoute…, Rencontre avec… : Didier Assandri Genève : Christian Vellas Théâtre : Jean Liermier Radioscopie : Joanna David-Mangin Chronique littéraire : Dominique Ortiz Portrait : Samira Aguerguan Exposition : Corinne Charles Le billet de Dany : Dany Vinet Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Tourisme : Amanda Mélis Nature, Musique : Coralie Masle-Callu Écho de Paris “Bonheur”, Vendanges et vignes : Alain Barrière Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie P.C.L. Lausanne Tirage : 80.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

n a beaucoup glosé, ces dernières semaines, sur les difficultés rencontrées par le gouvernement français à maîtriser une révolte plus ou moins spontanée de diverses catégories de la population contre la réforme des retraites. A cette occasion, les moralistes Thierry Oppikofer de tout acabit sont ressortis du bois pour expliquer combien l’entêtement du président, l’“autisme” de tel ministre, l’arrogance de tel autre constituaient des provocations menant inévitablement certains jeunes à sécher les cours et d’autres à casser des vitrines. Le jeu des décomptes fantaisistes - un million de manifestants selon les syndicats, dix mille selon la police - et des déclarations lénifiantes (« On ne manque pas d’essence en France ») ou pessimistes (« Dans trois jours, le pays sera paralysé ») a pris des proportions ahurissantes au début des vacances de la Toussaint. Soit dit en passant, ce fut aussi l’occasion de constater que les présentateurs de journaux télévisés et radiophoniques ne savaient plus exactement ce qu’était la Toussaint, et pensaient naïvement qu’elle coïncidait avec la premier jour des congés scolaires… (sans doute une “fête mobile” !). Il n’empêche qu’à y bien regarder, la France reste à peu de chose près le pays d’Europe où l’on travaille le moins longtemps, où l’on prend le plus de congés et où l’on effectue le moins d’heures de travail. La concurrence internationale a certes toujours servi d’épouvantail à certains chefs d’entreprise pour écarter les revendications syndicales ; on ne saurait cependant remettre en question l’existence de cette compétition de plus en plus impitoyable. On supposait que l’illusion de « faire payer les riches » et le plan chimérique d’établir une égalité génératrice de bonheur et d’équité sociale avait déjà fait suffisamment de dégâts depuis la Révolution ; certains ne s’en lassent pourtant pas. A l’heure où la générosité de l’Etat, en termes d’assistance, de subventions, de prestations diverses et même d’immigration, paraît avoir dépassé le point de rupture, force est de constater qu’un pays comme la France ne peut continuer à fermer les yeux et à reculer devant les inévitables réformes chaque fois que quelques calicots apparaissent. D’autant que la démocratie passe, a priori, par des institutions et non par le pavé de la rue ou les éructations des nervis de la CGT. En ce sens, et même si quelques critiques peuvent être adressées au projet gouvernemental, il était bien que, pour une fois, un langage de fermeté soit entendu. Et c’est un automobiliste ayant erré de station-service fermée en station-service rationnée qui vous le dit. N

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Etl’autruche revitlejour…



Poème

Poèmede selonlaTradition Passent les anges de Noël plus vite que nos très pauvres heures, sans un regard pour le néant néon de nos vitrines, le bitume chromé des routes, ni pour le sapin de colle et de plastique tassé dans l'ombre des télés aveugles, ou les escalators grimpant aux quais des faux départs où se désintègrent des lambeaux d'affiches et des graffitis noirs. Passent les anges de Noël, derrière leurs cils givrés et l'oblique de leurs paupières ils ont les yeux bleus et la pupille si vaste que la terre entière pourrait s'y mirer avec ses océans et ses albatros, ses forêts et ses biches, ses hautes neiges et leurs chamois craintifs, ses chemins courant au bout de leurs ornières, ses villages empierrés, leurs clochers qui penchent à midi et résonnent à minuit. Passent les anges de Noël, la terre est morte, les rois mages du désert comptent, pèsent et divisent leurs pétro-dollars, les moutons blancs et leurs bergers sont momifiés aux bords des puits taris du Sahel, les derniers chameaux tournent tristement dans la sciure d'un vieux cirque, les bœufs gisent étiquetés dans les bacs à glace des super marchés, une fusée grise alunit sur l'étoile, la Vierge a pris la pilule et Joseph pointe aux guichets des Assedic.

Passent les anges de Noël, ils n'ouvriraient les yeux que pour un seul juste, ils ne s'arrêteraient que sur le seuil d'une vraie demeure, avec un homme, les bras croisés, debout sur une marche, l'épaule appuyée contre le chanfrein de sa porte de bois, et tout le ciel immense qui baigne son visage, inonde la pièce dorée, derrière lui, soulève la paille, et la braise, et le coffre ciré, et l'horloge enrouleuse de siècles, avec l'âne qui dort pour tous les humbles du monde, et la femme gardienne, la femme vitrail, la femme berceau qui allaite les songes d'un enfant grave. Passent les anges de Noël, tandis que s'immobilisent les grands vols des oiseaux du Nord, et l'assaut des marées sur les récifs, là bas, plus loin que la nuit boréale et le crépuscule des temps, ils n'ont plus de havre, de halte ni d'abri, ils n'ont plus la crèche des longues trêves, le souffle tiède du repos dans la ferveur de l'aube, ni la douce patience des heures coulant en cire chaude entre nos doigts chandelles et nos mains de cierges comme entre les sept branches des sept chandeliers dont s'ornaient les autels aux églises des jours gothiques. Passent les anges de Noël, ils ne reviendront plus pour n'avoir trouvé de place que sur les calendriers sans couleurs du code postal, les semainiers pour managers vitellisés, les almanachs des liseuses de bonne aventure, les agendas vernis qu'effeuillent des opératrices de lave vaisselles et des marionnettes porteuses de crocodile empaillé, les éphémérides pour décervelés, les annuaires chiffrés des technocrates en longs treillis de Dior, les carnets de commandes des vendeuses de pubs, de drugs, de store et de paillettes, les factures électroniques que mâchent des croqueuses de langoustes congelées. Passent les anges de Noël avec leurs ailes d'amour toutes repliées, et nous reste le silence. NICOLE DIENER-CARTON

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Politique internationale

AuSaharaOccidental

unconflitensuspens oué depuis des temps immé- L’ASSASSINAT D’UN HUMANITAIRE FRANÇAIS, ET TOUT RÉCEMMENT LA moriaux à une maigre activité PRISE D’OTAGES OPÉRÉE SUR LA BASE D’ARLIT AU NIGER ONT JETÉ UNE pastorale, parcouru par des LUMIÈRE BRUTALE SUR LA SITUATION QUI RÈGNE AUJOURD’HUI DANS nomades qui faisaient transhumer L’AIRE SAHARIENNE, CET ESPACE INFINI, QUASIMENT INHABITÉ, OÙ LES leurs troupeaux et cheminer leurs FRONTIÈRES DES ETATS SE PERDENT DANS LES SABLES ET LEUR caravanes, le Sahara est devenu POUVOIR S’ÉVAPORE DANS L’ÉCRASANTE ARIDITÉ DU DÉSERT. dans le dernier demi-siècle l’objet d’un intérêt nouveau suscité par la découverte de matières premières qui renferme l’un de ces – minerais, hydrocarbures, uraconflits larvés et interminanium. Il apparaît aujourd’hui bles couvant sous la cendre comme une zone de tensions et de de l’actualité, conflits trop peu troubles. Ceux-ci sont alimentés intenses pour retenir l’attenpar la dissidence de populations tion de la communauté internomades rétives à l’autorité de nationale et celle des médias, pouvoirs distants et faibles : c’est mais suffisamment actifs la rébellion touareg aux confins de pour perturber les relations l’Algérie, du Niger et du Mali. politiques à l’échelon régional Et depuis peu, cette vaste région et potentiellement dangereux aux frontières incertaines et inconà l’heure où s’étend la metrôlables, est devenue le terrain nace de la guerre “asyméd’action de groupes armés enrôlés trique” engagée par le par l’islamisme radical. Issus du fanatisme religieux contre terrorisme algérien défait au l’Occident. terme d’une guerre féroce, ces éléments reSoumis dans un lointain passé à l’influence du Maroc, le Sahara Occyclés sous la bannière d’Al Qaïda ont trouvé cidental est tombé sous la domination espagnole à la fin du XIXe sièau Sahara un sanctuaire. Au gré des rançons cle, à la veille de la Conférence de Berlin, à l’heure du grand partage qui concluent ses prises d’otages et qui se de l’Afrique entre les puissances européennes. Sous le nom fabuchiffrent par millions d’euros, au fil des alleux de Rio de Oro, le territoire sera administré par Madrid pendant liances qu’elle noue avec des dissidences loplus d’un demi-siècle. Poussée dès le début des années 60 à décocales ou des bandes de trafiquants, Al Qaïda loniser le territoire, l’Espagne va s’y maintenir jusqu’en 1976, tirant au Maghreb Islamique est en passe d’établir parti des rivalités entre les pays riverains. Tandis que l’Algérie et le son empire sur un territoire immense qui Maroc se livrent à un conflit ouvert sur le tracé de leurs frontières (c’est la “guerre des sables” qui va mettre aux prises les deux pays), court du Tchad à l’Océan, où la faiblesse et le Maroc et la jeune Mauritanie s’affrontent sur la dévolution du Sala division des pays riverains lui assurent hara espagnol. Rendu en 1975, un avis consultatif de la Cour interjusqu’ici l’impunité. Faiblesse de pouvoirs nationale de justice ne fera qu’envenimer le conflit : tout en lointains, peu armés, incapables d’intervenir reconnaissant les liens historiques qui unissent les populations du efficacement contre un ennemi insaisissaterritoire tant au Maroc qu’à la Mauritanie, elle s’en remet au choix ble : c’est le cas du Mali, du Niger et de la des populations à travers un référendum d’autodétermination. Pour Mauritanie. Division des deux seules puiscouper court à la controverse et signer clairement ses droits, le sances qui seraient en mesure, en coordonMaroc réagira aussitôt en procédant à “la Marche verte”, qui va exalnant leur action, de réduire l’adversaire : il ter le sentiment national du peuple marocain uni derrière son sous’agit de l’Algérie et du Maroc, puissances riverain. vales à la recherche d’un leadership régioEn quittant son ancien protectorat, l’Espagne va y laisser une situanal et qu’oppose depuis des décennies un tion ambigüe, qui porte en elle les germes de conflits futurs. L’acdifférend toujours dans l’impasse, celui qui cord conclu à Madrid en 1975 avec les gouvernements de Rabat et de porte sur le statut du Sahara Occidental. Nouakchott consacrent en effet le partage du territoire, dont les deux Attardons-nous un moment sur ce dossier,

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tiers vont au Maroc et un tiers (la partie méridionale), à la Mauritanie. L’accord tient à l’écart tant les autorités d’Alger que les populations concernées, c’est-à-dire les Sahraouis, qui ne sont pas consultés. Ceux-ci ne tarderont pas à réagir : à peine l’Espagne at-elle baissé pavillon que le Front Polisario qui anime la résistance sahraouie va lever l’étendard de la révolte contre les nouveaux envahisseurs. Au début de 1976 est créée la République arabe sahraouie démocratique, la RASD, tandis que s’engage la lutte armée contre les forces marocaines et mauritaniennes, avec le soutien agissant de l’Algérie, prompte à régler ses comptes avec l’adversaire marocain. Tandis qu’Alger livre bataille à son adversaire sur le sol sahraoui,

il va secourir et organiser l’accueil des milliers de réfugiés qui fuient l’ancienne colonie espagnole et peuplent encore aujourd’hui les camps installés dans la région de Tindouf. Sur ce champ de conflit, l’un des protagonistes va bientôt disparaître. A la suite de bouleversements politiques à Nouakchott, la Mauritanie conclut, dès 1979, un traité de paix avec le Polisario à qui elle cède la partie du Sahara qu’elle occupait depuis le départ de l’Espagne. Le Maroc va aussitôt réagir par l’annexion pure et simple des territoires dont s’est retirée la Mauritanie. Il s’engage dans une guerre d’usure contre le Polisario qui durera douze ans et conduira à une partition de fait du Sahara Occidental dont un cinquième environ (la partie du territoire qui longe du nord au sud la frontière mauritanienne) va tomber sous le contrôle du Front Polisario. Pour se protéger contre les incursions de l’ennemi, l’armée chéri-

fienne va ériger sur plus de 2 000 kilomètres une ligne de défense, un mur de sable haut de trois mètres, renforcé par des champs de mines et jalonné de fortifications. Les hostilités prendront fin en 1991 par un cessez-le-feu grâce à la médiation des Nations-Unies. Un référendum devra régler le statut final du Sahara Occidental que l’ONU a rangé jusque là parmi les territoires non autonomes. Mais après bientôt vingt ans, ce référendum n’a toujours pas pu intervenir faute d’un accord entre les parties – le Maroc et un Front Polisario soutenu par l’Algérie – sur ses termes et sur ses modalités (notamment sur la composition du corps électoral). Le problème que pose l’avenir de ce territoire demeure intact puisqu’il oppose deux visions antagonistes : d’un côté la volonté du Maroc de garder le contrôle d’un territoire où il se prévaut de droits historiques auxquels la monarchie chérifienne ne peut renoncer sans risquer une crise nationale ; de l’autre la revendication identitaire portée par la République Sahraouie qui entend défendre les droits des populations à décider librement de leur sort. S’il a cessé d’entretenir un conflit ouvert et s’ il n’est plus, depuis le fin de la guerre froide, l’un des points où s’affrontaient, par puissances locales interposées, l’Occident et le camp soviétique, le dossier de l’ancien Rio de Oro demeure une source de tensions et de crise potentielle à l’échelon régional. Ses effets se font sentir au sein de l’Union africaine, dont le Maroc a claqué la porte lorsque l’Union a admis la RASD parmi ses membres. Mais surtout, il constitue un enjeu capital de la rivalité entre le Maroc et l’Algérie et il fait obstacle à l’édification politique d’une Union du Maghreb arabe. Par la reconnaissance qu’elle a accordée à la RASD, par l’appui financier et diplomatique qu’elle apporte au Front Polisario, l’Algérie a cherché clairement à s’opposer aux ambitions du Maroc dont elle a longtemps dénoncé les desseins expansionnistes, ceux-ci recouvrant des appétits économiques : les riches gisements du Rio de Oro donneraient au Maroc les deuxièmes réserves mondiales de phosphate derrière la Chine, sans préjuger les résultats de l’exploration pétrolière off shore. Malgré une ouverture politique du Maroc, qui a accepté d’entrer en négociation directes avec le Front Polisario, l’avenir du territoire demeure aujourd’hui dans l’impasse. Conduites aux Etats-Unis sous le patronage américain, les discussions ont tourné court. Tandis que Rabat propose d’accorder au territoire un statut d’autonomie, le Front Polisario continue d’appeler au droit des populations à décider de leur avenir par la voie du référendum. Pomme de discorde entre les deux grandes puissances du Maghreb, le destin du Sahara Occidental reste donc en suspens. Les dangers de cette situation s’aggravent avec l’entrée en scène du terrorisme islamique. Celui-ci tire parti de la division entre Alger et Rabat qui compromet la nécessaire coopération entre les pays riverains du Sahara pour combattre ce nouvel adversaire. Et celui-ci risque de trouver des appuis à l’ouest du Sahara, sur des terres mal Antoine Frasseto contrôlées et à la faveur du climat de conflit et de revendication qui s’y perpétue à l’encontre ANCIEN AMBASSADEUR DE FRANCE ET CONSUL du Maroc, fidèle allié de l’Occident. N GÉNÉRAL DE FRANCE À GENÈVE

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antoine.frasseto@sfr.fr

Politique internationale


Littérature

Littératureetpolitique

enFranceetenSuisse es écrivains romands ne font pas de politique. Ce ne fut pas le cas jadis. Si l’on remonte à Jean-Jacques Rousseau, Benjamin Constant de Rebecque, Germaine de Staël, pour ne pas citer l’illustre émigré Voltaire, la Suisse romande a joué un rôle décisif dans le déclenchement de la Révolution française et l’émergence de l’Empire. Mais cela provenait du décalage politique entre la France, monarchie archaïque de droit divin, et les républiques helvétiques, qui servirent de modèle prophétique à la jonction des XVIIIe et XIXe siècles. Depuis lors, on peut encore citer au siècle passé Gonzague de Reynold et Denis de Rougemont, aux deux extrémités de l’échiquier politique en 1940, respectivement à droite et à gauche, obligés de prendre position, car les temps étaient troublés et la démocratie en débat. Et puis c’est tout. La politique est tenue à distance dans la république des lettres helvétiques. Charles Ferdinand Ramuz, Jacques Chessex, Maurice Chappaz, Yvette Z’graggen, Nicolas Bouvier, Philippe Jaccottet, Georges Haldas, Daniel de Roulet, Anne Cuneo, Anne-Lise Grobéty, Etienne Barilier ne sont pas intervenus et n’interviennent pas dans la politique de façon significative. Beaucoup d’écrivains apparaissent comme indifférent à la cité, ce que personne ne songe à leur reprocher en Suisse romande. Il n’y a au parlement fédéral que deux Romands qui avouent une vocation d’écrivain : Oskar Freysinger et Jacques Neirynck. Mais ce sont des auteurs excentrés par rapport au milieu écrivassier, peu portés sur le chipotage littéraire. Ils sont dépréciés comme écrivains par suite de leur engagement politique et dévalués comme politiciens par la puérilité présumée de toute activité culturelle. Dans le contexte actuel, on ne peut pas être les deux à la fois, on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Au contraire, en France, Victor Hugo et Emile Zola, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Albert Camus et François Mauriac, Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann n’ont pas cessé de battre l’estrade et d’influencer, sinon les événements, du moins l’opinion

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jacques.neirynck@epfl.ch

La controverse récente sur un texte de Charles de Gaulle, proposé au baccalauréat, illustre cette ambiguïté : fut-il un écrivain devenu président par une conjonction d’événements aléatoires ou bien un homme d’Etat utilisant sa plume comme outil décisif ?

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Jacques Neirynck CONSEILLER NATIONAL PROFESSEUR HONORAIRE À L’ECOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE

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éclairée des bobos de droite et de gauche. Il y a encore plus significatif : les présidents de la République, Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand se seraient sentis inférieurs à leur destins s’ils n’avaient pas simultanément publié. Encore de nos jours, la politique est un sujet littéraire de choix en France. On doit se demander si certains hommes d’Etat français ne sont pas d’abord des romanciers ou des tragédiens, qui ont envie de se mettre en scène plutôt que d’agir en gestionnaires. La controverse récente sur un texte de Charles de Gaulle, proposé au baccalauréat, illustre cette ambiguïté : fut-il un écrivain devenu président par une conjonction d’événements aléatoires ou bien un homme d’Etat utilisant sa plume comme outil décisif ? Pourquoi cette différence entre France et Suisse ? Parce que la politique suisse ne se prête pas à une mise en scène poétique, tragique ou comique. Le plus célèbre des imitateurs romands Yann Lambiel avoue que ses imitations cocasses des conseillers fédéraux Pascal Couchepin ou Moritz Leuenberger sont des créations de personnages fictifs, qui ne sont pas identiques aux originaux. Le pouvoir helvétique est à ce point diffus qu’il est impossible d’épingler une personnalité, qui en abuserait puisque personne ne l’exerce à lui seul. Les institutions sont tellement archaïques et compliquées que personne ne les comprend vraiment et qu’il est inutile de railler à leur sujet. Et au fond des choses, la Suisse est un pays qui ne connaît pas son bonheur : chômage faible, budget en équilibre, hygiène et prospérité, ordre et consensus. Comment construire une intrigue captivante sur une réalité qui est répétition inlassable d’une routine satisfaisante ? Comment parler lorsqu’il n’y a rien à redire ? Comment crier lorsque l’on a la bouche pleine ? Cela explique aussi l’incommensurable ennui des romans ou des films suisses. Un artiste décrit la réalité au plus fin de sa perception. Et il n’y a à découvrir en Suisse romande que l’anorexie politique de citoyens, insatisfaits d’être tellement satisfaits. Pour le meilleur et pour le pire, les citoyens français - et, du reste, tous les francophonesjouissent d’une représentation théâtrale permanente entre Elysée, Matignon, palais Bourbon et Luxembourg. La politique est aussi une passion, plutôt que l’exercice de la raison pure. N



Humanitaire

Lapauvreté,lespandémies, lesthérapiesdisponibles…

AU-DELÀ DE SA MISSION DE PARLEMENTAIRE REPRÉSENTANT LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE, LE SÉNATEUR MICHEL GUERRY EST À L’ORIGINE D’UNE RÉFLEXION TOTALEMENT ORIGINALE SUR LES SYSTÈMES DE SANTÉ DANS LE MONDE ET PARTICULIÈREMENT CEUX QUI CONCERNENT LES VICTIMES SANS GRANDES RESSOURCES DES GRANDES PANDÉMIES : SIDA, TUBERCULOSE, PALUDISME. VOULANT CONNAÎTRE PLUS PRÉCISÉMENT LES RAISONS DE CET ENGAGEMENT PERSONNEL, FRANCE MAGAZINE A RENCONTRÉ LE SÉNATEUR AFIN DE L’INTERROGER SUR SES MOTIVATIONS. > France Magazine : Monsieur le sénateur, qu’est-ce qui a pu vous conduire à vous impliquer dans une telle démarche ? Michel Guerry : Lorsque, comme moi et mes onze collègues du Sénat ayant en charge de représenter et de défendre les intérêts des deux millions de Français établis à l’étranger, on parcourt le monde à la rencontre des communautés de nos compatriotes dispersés aux quatre coins de la planète. Ce sont, ces Français, fréquemment des enseignants, des détachés administratifs, des entrepreneurs, des religieux, des professionnels de la santé, publics ou privés (parwww.expatria-cum-patria.ch

fois eux mêmes Conseillers à l’Assemblée Nationale des Français de l’Etranger), qui sont nos interlocuteurs naturels dans la plupart des régions que nous visitons. Nous sommes donc en permanence, directement ou indirectement à travers eux, leur expérience, confrontés aux réalités des pays qui les accueillent. La plupart d’entre eux vivent au milieu des populations locales et connaissent parfaitement leurs difficultés. Tous ceux que j’ai rencontrés dans les pays qui ont encore du mal à se structurer administrativement, économiquement, qui, sans grandes ressources, font face aux grandes pandémies, m’ont fait part de leurs inquiétudes liées aux problèmes de santé : manque de moyens certes, mais souvent aussi inadaptation des réponses sanitaires aux situations. Il en est de même de ce que nous entendons bien souvent au sein des Groupes d’Amitié du Sénat que nous avons avec Le sénateur Michel Guerry. presque la totalité des nations

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Humanitaire

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Je crois que l’Etat ne peut avoir seul le monopole de l’intérêt général. Les fondations, les associations doivent être ces lieux de rencontres où des personnes de profils très différents concourent à la recherche du bien public, à la défense ou à la promotion des causes nobles, justes, légitimes…

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du monde. Bien sûr, le sida est un fléau pour lequel aucune thérapie n’arrive à bout, mais, comme nous l'a dit un jour le ministre de la santé d'un pays africain : « Si l’affection VIH reste une préoccupation importante pour nous, le paludisme représente, il faut le savoir, la première cause de mortalité. Il reste un problème majeur de santé publique. Il est responsable d'environ 35 à 40 % des décès dans les formations sanitaires soit 54% chez les enfants de moins de cinq ans et 14 % chez les femmes enceintes. » Et pourtant, nous savons lutter efficacement contre le paludisme. Quels sont ces comportements qui freinent cette efficacité ?

Le Dr. Bernard Zipfel, Conseiller à l'Assemblée nationale des Français de l'Etranger pour le Tchad, le Gabon et le Cameroun en conversation avec des responsables du ministère camerounais de la Santé.

> FM : Certes, le constat est là, mais le monde développé n’a-t-il pas mis en place des organismes internationaux pour aider ces populations démunies ? MG : Faisant partie des élus qui participent à la mise en œuvre de programmes de lutte contre la pauvreté et contre la maladie,

JEAN-PIERRE RAFFARIN Luc Montagnier répondant lors des ENTRETIENS, à une question d’un sociologue. comptant parmi les 800 parlementaires du monde entier qui travaillent avec les grandes institutions internationales comme la Banque mondiale etc., j'ai été frappé de la sous information des politiques que nous sommes sur les communautés de malades en pays pauvre. Il est un fait que du côté des pays riches, on ne comprend pas que les solutions imaginées, le plus souvent par l’occident (ou des formes de pensée occidentale, ce qui revient au même), ne soient pas plus performantes

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pour atteindre les patients sans ressources. J'ai effectivement été aussi surpris que dans les grands colloques sur ces sujets, comme ceux de Bangkok (6 000 participants), de Toronto (12 000), de Mexico (22 000), il n’était pratiquement question que de recherches moléculaires, de diagnostics, des performance des thérapies allopathiques, du statut des thérapeutes, de la distribution des médicament mais que très rarement, pour ne pas dire jamais, on parlait du malade ou simplement de ces populations dont plus de

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Humanitaire >>

Le sénateur en conversation à Pékin avec le Dr Margaret Chan et le vice-ministre chinois de la Santé, Wang Guoqiang.

deux milliards d’individus vivent avec moins de deux dollars par jour dont un milliard et demi avec moins d’1 $ ! Comment étaient-elles soignées, comment le seraient elles dans les décennies à venir ? C'est pourquoi j’ai cherché une autre manière d’agir que de nous contenter de distribuer des fonds comme pour avoir bonne conscience on donne l’aumône au sortir de la messe, sans se soucier de son usage ! Après les États-Unis, vous le savez, la France est déjà le deuxième contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida. Il est laissé aux administrations le soin de la distribution. En tant que parlementaire français, je souhaitais l’implication du Sénat. Le parrainage du président Gérard Larcher - renouvelant celui de son prédécesseur- fut un encouragement sans égal pour lancer cette initiative. > FM : Et en quoi consistait cette démarche ? MG : Il s'agissait de créer une occasion, un lieu symbolique pour que ces “acteurs de santé” de pays pauvres puissent enfin se rencontrer, échanger leurs expériences, www.expatria-cum-patria.ch

faire part de leurs besoins, expliquer comment ils s'inséraient dans le système général de santé de leur pays. Tous ceux qui sont impliqués dans cette dynamique, ces stratégies de la Santé publique et pas seulement les thérapeutes. L'objectif d'une telle rencontre serait qu'un nombre restreint de participants judicieusement choisis se rassemble, non pas pour écouter des exposés magistraux, entendre les grandes organisations parler d'ellesmêmes, animer des travaux à caractère strictement scientifique, mais pour que des

Un camp de réfugiés au Rwanda1 visité par le sénateur.

individus concernés au quotidien débattent entre eux : politiques, médecins, tradipraticiens, ethnologues, journalistes, juristes et surtout représentants d'associations de malades afin que s'exprime et que l'on comprenne davantage « l'itinéraire du patient sans À droite : grandes ressources victime des grandes panVictime du démies et confronté aux thérapies à sa dispopaludisme au sition, scientifique ou traditionnelle ». Togo. Sur cette idée nouvelle, très vite, j'ai pu m'appuyer sur deux amis qui apportèrent la caution scientifique dont une telle rencontre avait besoin, le président en exercice de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le professeur Jean-François Girard, ancien directeur de la santé en France et le professeur Luc Montagnier qui, cette année-là, recevait le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur le virus du sida. Très vite, ce comité d'honneur devait s'élargir en Chine au ministre de la santé, le Pr. Chenzu, son vice ministre Wang Guoqiang, à des sommités indiennes (Sankaran Valiathan, V.M. Katoch), des personnalités japonaises, canadiennes, africaines, péruviennes, guatémaltèques… On ne saurait les citer toutes… En France, après Jean-Pierre Raffarin, ce ne fut pas moins que le président Jacques Chirac qui, à titre personnel et au titre de sa Fondation tint à nous soutenir, « conscient de l'originalité et de la nécessité d'une telle rencontre pour informer et instruire davantage les 1 www.traditionsdavenir.net

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Humanitaire milieux politiques des réalités de la pauvreté ». On ne saurait non plus passer sous silence l'enthousiasme avec lequel la première dame du Cameroun, Mme Chantal Biya, présidente de Synergies Africaines, devait accorder son Haut patronage et son aide matérielle, montrant ainsi combien son pays se voulait toujours présent dans ce combat universel contre la souffrance et la maladie. Ainsi furent mis en place, du 16 au 20 novembre 2009, à Yaoundé au Cameroun, les premiers ENTRETIENS qui ont rassemblé une centaine de participants choisis de vingt et une nationalités différentes. Rencontre patronnée par ONUSIDA, parrainée par l’UNESCO, soutenue financièrement par des crédits autant publics qu’institutionnels, aides privées accordées à titre personnel ou professionnel en provenance de laboratoires pharmaceutiques, de fondations comme celle de Pierre Fabre, la fondation Bio-Mérieux, Esperanza Medicine Foundation du Professeur Matter à Lausanne… Encore une fois, je ne saurais toutes les mentionner… > FM : Et l’Organisation Mondiale de la Santé ? MG : Je me suis rendu à plusieurs reprises à Genève. A Pékin, au cours d’un colloque international sur la médecine traditionnelle où apparemment j’étais le seul parlementaire présent au milieu de plusieurs centaines de fonctionnaires invités, j’ai pu informer directement la Directrice générale de l’OMS, le Dr Margaret Chan. Bien que Mme Margaret Chan ait parrainé cette manifestation sur les médecines traditionnelles, il semblerait que ce genre d’initiative mêlant la variété des origines professionnelles des participants ne soit pas de la mission de son organisation. Publication L’OMS référence scientifique incontournable, d’une parait plus consacrée aux médications, à la association de veille sanitaire comme elle l’a fait en 2009 malades. pour la grippe A H1N1, avec le succès que l’on sait… Et si nous avons eu plusieurs demandes, à titre individuel, d’agents de l’Organisation, la présence de l’OMS n’a pu se concrétiser. Beaucoup de participants et moi-même l’avons regretté. > FM : Pourquoi avoir choisi le Cameroun comme lieu d'une première rencontre ? MG : Certes, il aurait été beaucoup plus facile de choisir une capitale occidentale équipée en conséquence, mais il était indispensable, même si je souhaite que cet événement se reproduise dans d'autres pays, que cette première édition des ENTRETIENS ne soit pas organisée en Occident, dans un pays riche. Cela lui aurait fait perdre une grande partie de son sens. L’Afrique qui regroupe – encore - beaucoup de handicaps sanitaires, m’a semblé, de ce point de vue, plus pertinente. Les ENTRETIENS ayant, dans leurs intentions, un caractère universel, nous avons tenu, avec le Ministre Mama Fouda, à ce qu’une session proprement camerounaise permettent auparavant de cerner les réalités locales.

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> FM : Quels étaient cependant les objectifs pratiques d'un tel débat ? MG : Ils étaient, je le répète, strictement politiques. La synthèse -qui en a été faite- a été diffusée auprès de parlementaires et de gouvernements impliqués dans les politiques de santé de leur pays. En aucun cas les ENTRETIENS ne furent annoncés comme un symposium à caractère scientifique, où l'on aurait jugé de telle ou telle pratique, validé une méthode contre une autre, confronté des résultats thérapeutiques. Le premier constat manifeste fut d'abord la nécessité de prendre en compte davantage la réalité des pratiques sociales, des mentalités établies, de l’environnement des communautés. Pour cela, il fut souhaité d’intégrer plus systématiquement, dans les stratégies de santé, les travaux d’ethnologie et de mieux considérer l'ethnomédecine. Cela signifie de considérer le patient de ces pays dans sa culture, ses convictions, ses différences face aux a priori qui le concernent. Bref, battre en brèche les clichés institutionnels autant que médiatiques de la pensée rationnelle. Longuement il fut ainsi question du poids de la tradition en matière de prévention, de diagnostic, de recours aux soins complémentaires. Furent évoqués aussi le poids considérable des tabous, des rejets, des machismes et celui des ignorances. Les multiples formes de tromperie en matière de traitement, de médicament ne furent pas sous-estimées : charlatans, contrefaçons, faux médicaments... Autant de parasites de la pauvreté ! Occasion évidente de rappeler aussi les règles concernant la validation des médicaments, d'aborder les problèmes de l'Ethique en matière de thérapie quelle qu'elle soit ! Occasion encore de rappeler les résolutions de l'UNESCO concernant la protection des savoirs traditionnels. Point essentiel de la manifestation : les échanges sur la place des médecines moderne et traditionnelle dans les politiques de santé; la nécessité de faire face aux abus mais aussi le souhait d’établir davantage de passerelles, de possibilités de rencontre, de coordination et de complémentarité entre

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Le Professeur Luc Montagnier et Fogue Foguito, un responsable de plusieurs associations de malades, lors des ENTRETIENS de Yaoundé.

de malades en matière de protection des individus et surtout de solidarité. Le constat fut aussi, qu'au-delà du regroupement volontaire de ces associations, leurs activités pouvaient s'étendre à de véritables animations économiques des collectivités: exemples de mise en culture rentable des plantes médicinales, en Inde, au Tamil Nadu par la GANDEEPAM FOUNDATION, à Madagascar (IMRA), en République démocratique du Congo avec l'aide canadienne du BDA2… Enfin, question sociale s'il en est, les ENTRETIENS furent aussi l’occasion d'entendre les prises en compte, les différentes approches, camerounaise, chinoise, l'indienne, péruviennes, en matière de couverture sociale dans les systèmes nationaux de santé ; les possibilités d’en mesurer l'économie mais aussi de juger des difficultés de mise en place de ces systèmes. C’est un sujet majeur sur lequel doivent se pencher d’autres ENTRETIENS comme ceux qui ont lieu en ce moment, du 13 au 16 octobre à Lima au Pérou. > FM : Car déjà, d’autres manifestations de ce type, sont annoncées ? MG : C’est notre plus grande satisfaction, pour les membres de l’association que j’ai mise en place à cet effet : Traditions d’Avenir que de s’apercevoir que cette idée de réunir ces “acteurs de santé” en pays démunis fait son chemin. Il est même envisagé, si des moyens le permettent, de créer ainsi un événement régulier consacré à prolonger ces échanges en marge des institutions auxquelles ils n’ont pas accès. C’est dans cet esprit - de Yaoundé - que se réunissent déjà les participants latino-américains des ENTRETIENS de Lima. Nous sommes également en pourparlers en ce moment avec les autorités de l’Inde et de la Chine. A savoir, que la Fondation “Prospective et Innovation” présidée par Jean-Pierre Raffarin ainsi que le Professeur Montagnier se sont investis eux-mêmes dans cette dynamique.

Le docteur, l'infirmier, la patiente et le guérisseur.

les différentes thérapies. Exercice extrêmement difficile à mettre en pratique à une vaste échelle ! Mais comme a pu le souligner avec force le Pr Luc Montagnier, présent durant ces trois jours : « Il n'y a pas à opposer les différentes médecines, il n’y en a qu'une, celle qui guérit ! ». > FM : Effectivement, il s’agit là de problèmes qui vont bien au-delà du simple traitement médical MG : Oui, ces débats autant sociaux, sanitaires, que politiques ont abordés avec insistance l’existence et le rôle des associations www.expatria-cum-patria.ch

> FM : Alors tout va pour le mieux pour continuer ? MG : Ne croyez pas que ce soit aussi simple. D’abord il y a les problèmes d’intendance. Il n’est pas de règle qu’en dehors de sa mission stricte de parlementaire, un élu ait des crédits opérationnels. Et ce genre d’exercice réclame des moyens. Par ailleurs un tel sujet ne rencontre pas que des partisans. En deux années de mise en place, il a fallu affronter pas mal de certitudes (désobligeantes). Dès que j’évoquais le malade pauvre face aux thérapies scientifiques ou traditionnelles, bon nombre de mes interlocuteurs occidentaux n’entendait exclusivement que le terme traditionnel. Et de me mettre en garde contre les… charlatans, les sorciers, la poudre de perlimpinpin et autres malheurs de l’irrationalité, sans écouter le reste… Outre que nous avions tout de suite pris nos précautions dans une cooptation rigoureuse des participants, je renvoie ces critiques aux

2 Fondation Biotechnologie pour le Développement durable en Afrique

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Humanitaire propos d’André Mama Fouda, ministre de la santé du Cameroun, qui, répondant à un journaliste déclarait : « Plus de 60 % de la population de ce pays a recours à la thérapie locale, par nécessité, comme aussi comme un comportement ancestral, comment ne pas en tenir compte ? Comment aussi ne pas souhaiter que le regard extérieur sur ces pratiques dont certaines ont fait leurs preuves, méritent l’attention. J’espère que les ENTRETIENS aideront à lever le Tabou du monde extérieur sur ces réalités.» D’autres, habitués des marchés institutionnels, se sont aussi demandé si ce genre de démarche n’allait pas empiéter sur des crédits réservés. Car, en effet, parmi les vœux émanant de cette première rencontre sont ressortis des besoins accrus dans le domaine de l’éducation sanitaire ; particulièrement dans la lutte contre la mauvaise hygiène, vœux également que des crédits soient affectés à une véritable mobilisation de professionnels de la communication (autres qu’occidentaux ?) sur les aspects de la Prévention pour sortir de l’amateurisme actuel. Souhait également que des budgets soient réservés à la mise en œuvre d’enseignements combinés, comme cela se pratique en Chine, en Inde, en Corée … Lutter davantage contre la malnutrition ! Trouver des passerelles entre les différentes médecines !

particulièrement important ? MG : Qu’il faut en priorité que les mentalités changent, particulièrement la pensée occidentale considérant les malades d’une autre civilisation qui n’ont pas les comportements de la notre, qui sont d’une autre rationalité. Qu’il faut davantage tenter de rapprocher les cultures et s’enrichir de leurs différences. Certes, dans un avenir proche, il reste impossible que la totalité la population mondiale puisse être soignée par des méthodes thérapeutiques dites scientifiques, autant pour des raisons culturelles que financières, malgré tous les efforts des uns et des autres. Il reste donc à envisager que d’autres médecines soient de nature à apporter des réponses... et même certaines à mieux

> FM : Connaissant le monde tel qu’il se spécialise aujourd’hui, cela n’est il pas un peu utopique ? MG : C’est vrai dans un sens, mais il est vrai aussi que le monde bouge. Rien qu’en France, en trois ans, j’ai vu les mentalités évoluer. Le docteur, l'infirmier, la patiente et le guérisseur. Savez-vous, par exemple que depuis plusieurs années un médecin béninois consulte dans son village, en présence de son infirmier et du guérisseur, tradipraticien qui a, lui aussi, la confiance de sa communauté. Que ce praticien - le docteur Moussa Mamanbello, puisqu’il s’agit de lui - suite aux résultats obEn haut : Les ENTRETIENS de Yaoundé de novembre 2009. tenus même en France, est invité Ci-dessus : Le Dr Wang Jian, : « Vous devez apprendre, en occident, à plusieurs fois par an par des médepenser différemment !... ». cins hospitaliers de plusieurs hôpiÀ droite : Communauté du Vanuatu (Pacifique). taux à Paris. Ceci afin d’apporter un soutien thérapeutique à des patients immigrés, et se faisant accompagner, s’il considérer. le fallait, par des guérisseurs africains ? Mais dernière remarque : nous avons été N’est-ce pas une démonstration étonnante dans un pays aussi ranous mêmes surpris par l’intérêt suscité et tionnel que le nôtre, de l’ouverture des mentalités quand les enjeux par le nombre et la qualité des personnes sont aussi importants que la vie des hommes ? que nous continuons de rencontrer, désiC’est cela et d’autres faits inattendus qui sont ressortis utilement reuse de rejoindre cette action et de contrides ENTRETIENS. buer à développer cette initiative. C’est pour moi, croyez le bien, un véritable > FM : Et s’il vous fallait tirer des premières conclusions de ces encouragement à poursuivre… N rencontres, que diriez-vous, qui vous soit apparu PIERRE NOËL

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Reportage

HenryDunant

Enavancesursontemps PLACE NEUVE À GENÈVE : LE FLOT DE LA VIE DÉFILE DEVANT LE BUSTE D’HENRY DUNANT. CENT ANS SE SONT ÉCOULÉS DEPUIS LA MORT DU FONDATEUR DE LA CROIX-ROUGE. AU XXIe SIÈCLE, SES IDÉES RESTENT POURTANT D’UNE SINGULIÈRE MODERNITÉ, ET NOMBRE DE SES PROPHÉTIES SE SONT VÉRIFIÉES.

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Reportage

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A l'actif d'Henry Dunant • Dans “Un souvenir de Solférino“, Dunant dénonce la brutalité d'un siècle - le sien ! ponctué de plus de 300 guerres. • Le Genevois a fondé la première organisation humanitaire du monde : la CroixRouge, maillage planétaire de plus de 300 000 collaborateurs et 97 millions de bénévoles présents dans 187 pays. • La création de la Croix-Rouge fait de Genève et, ainsi, de la Suisse une terre d'accueil pour les principales organisations internationales. En ce sens, Dunant est à l'origine de la tradition humanitaire de la Suisse.

Comme ici au Tchad, Dunant est vénéré aux quatre coins du globe, surtout dans les pays ravagés.

Si l'œuvre de Dunant est impressionnante, les apports de sa pensée visionnaire au XXe siècle ne le sont pas moins : • les quatre Conventions de Genève ont été rédigées sous sa dictée en partie posthume. On lui doit notamment le Principe de neutralité, applicable aux blessés et au personnel de secours sur terre et sur mer, ainsi que celui de la protection des prison-

Dunant côtoie le Gotha de l’époque.

Dunant à 35 ans, au temps de la Croix-Rouge.

n parcours jalonné de contradictions. A la parution d'“Un souvenir de Solférino“ en 1862 et à la création de la Croix-Rouge, ce fils de bonne famille à l'allure somptueuse est adulé dans toute l'Europe. Le jeune entrepreneur est alors au mitan de la trentaine. Quatre ans plus tard commence son errance à travers le vieux continent, au cours de laquelle il manque mourir de faim. Dunant passe les dernières décennies de sa vie reclus à Heiden. Est-ce l'homme dont l'héritage est revendiqué par toute l'humanité ?

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Familier des grands de son temps Assurément. Dunant côtoie le Gotha de l'époque. Sa biographie se mêle à celles du futur roi d'Italie Victor-Emmanuel II et de l'empereur Napoléon III, dont il veut obtenir l'autorisation d'exploiter une chute d'eau pour ses moulins. Le général GuillaumeHenri Dufour, premier président de la CroixRouge, est aussi l'un des pères de la Suisse moderne. Dunant partageait avec Abraham Lincoln la haine de l'esclavage. Il a été proche de Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers, et de Clara Barton, fondatrice de la Croix-Rouge américaine, et lié à la pacifiste autrichienne Bertha von Suttner ainsi qu'à Alfred Nobel.

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Reportage >>

niers et des civils; • Dunant appelait de ses vœux une recherche médicale planétaire - incarnée depuis par l'Organisation mondiale de la Santé ; • il revendiquait la protection des travailleurs et l'abolition de l'asservissement socio-économique, aujourd'hui pierre angulaire des droits sociaux ; • convaincu que le partage de la connaissance contribuerait à pacifier le monde, il a créé l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation, préfiguration de l'UNESCO et de... Wikipédia ; • en 1870, il cofonde une Société chargée de promouvoir l'instauration d'un tribunal d'arbitrage international. La Cour internawww.expatria-cum-patria.ch

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Dunant est surtout célébré là où la réalité de la guerre est présente dans les esprits.

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tionale de justice de La Haye est l'aboutissement de cette démarche ; • il a fondé la Société internationale de Palestine en vue de la restitution de terres aux Juifs européens. Or, le conflit au Proche-Orient est toujours l'un des plus aigus de la planète. • Dunant défendait la parité salariale entre femmes et hommes, au motif que l'élément féminin en politique et en économie était le gage d'un monde plus pacifique. Une piste de réflexion à explorer par ces temps de crise économique et écologique... • il avait prévu un XXe siècle sanglant. Une thèse accréditée par deux Guerres Mondiales et plusieurs génocides.


Reportage

Mur commémoratif de Solférino, où s’égrènent les plaques de 186 Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

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Un esprit qui a anticipé les enjeux majeurs des deux siècles passés est-ce bien tout ?

Il y a cent ans déià, une pensée planétaire Un esprit qui a anticipé les enjeux majeurs des deux siècles passés - est-ce bien tout ? Dunant a aussi son mot à dire sur le XXle siècle, car toutes ses initiatives procèdent d'une foi en l'internationalisme. Les plus clairvoyants de nos politiciens actuels, qui ne conçoivent pas de solution à nos problèmes sociaux et écologiques sans un dépassement des frontières étatiques, s'inscrivent dans sa lignée. La notoriété d'Henry Dunant n'a cependant pas été à la mesure de l'envergure de sa pensée. Après avoir reçu le prix Nobel de la paix, le fondateur de la Croix-Rouge a, en Suisse, vite sombré dans l'oubli. Dans le cimetière zurichois de Silhfeld, sa tombe est

longtemps restée à l'abandon. Il en va bien autrement à l'étranger. Au Cambodge comme en Biélorussie, des statues plus grandes que nature ont été érigées à son effigie. Dunant est également très populaire dans de nombreux pays africains depuis l'indépendance. Enfin, l'attrait touristique de la Suisse auprès des Japonais n'est pas dû seulementà la Jungfrau et au Cervin : au même titre que Zermatt ou Lucerne, Heiden est une halte obligée pour nombre de cars de voyageurs. Dunant est surtout célébré là où la réalité de la guerre est présente dans les esprits - donc pas en Suisse. Le fait que Dunant soit souvent cité en tête des palmarès des personnages les plus influents de Suissen'est pas étonnant. Le montage qui le représente en icône à la Andy Warhol restitue bien l'intemporalité d'un personnage dont l'idéal traverse les siècles sans perdre de son éclat. Forte du référentiel des sept Principes fondamentaux, du crédo de l'internationalisme et de l'architecture de la Croix-Rouge, l'humanité est bien armée pour affronter les défis à venir. Il reste à faire vivre cet héritage. N

Michael Walther JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN DE FLAWIL SG, A COLLABORÉ AVEC L’ASSOCIATION DUNANT 2010 HEIDEN

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On retrouve, partout dans le monde, des statues de Dunant. Ici, inauguration en 1953, aux Pays-Bas.


Reportage

Henry Dunant 1828-1910 HENRY DUNANT NAÎT EN 1828 À GENÈVE DANS UNE FAMILLE DE LA BOURGEOISIE CALVINISTE. PREMIÈRES INITIATIVES : IL PARTICIPE À LA CRÉATION, EN 1852, DE L’UNION CHRÉTIENNE DES JEUNES GENS ET, EN 1855, DE L’ALLIANCE UNIVERSELLE DES UNIONS CHRÉTIENNES (YMCA).

Undestinlumineuxettragique

l s'engage tôt dans des projets de valorisation de terres agricoles en Algérie, conquise par la France. Les difficultés financières de ses entreprises le poussent, en juin 1859, à solliciter l'appui de Napoléon III, alors en campagne en Italie du Nord contre les Autrichiens. Mais il rencontre, le 24 juin 1859, sur le champ de bataille de Solférino la souffrance, le sang et la mort. La mêlée a

I À propos

Le bâtisseur de la Croix-Rouge Une personnalité plus ordinaire que celle d'Henry Dunant, l'expression de la Genève protestante et libérale du XIXe siècle. Une formation solide de juriste, qui lui permettra de rédiger les textes fondateurs de la Croix-Rouge et du Droit international humanitaire. Un esprit méthodique, une volonté opiniâtre, mais aussi une quête outrée d'honneurs. Son apport décisif, ce sera la mise en œuvre et l'enrichissement des idées de Dunant. En Gustave ce sens, Moynier doit être considéré comme Moynier le bâtisseur de la Croix-Rouge. Toutefois, sa 1826-1910. conception étroite de la Croix-Rouge, vouée à l'aide volontaire en cas de guerres, le retient de promouvoir le développement de l'institution dans le domaine civil. Dunant et Moynier, le visionnaire et le bâtisseur, le prophète et le juriste, la fulgurance du fou d'humanité et le labeur continu de l'homme de cabinet.

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été furieuse : 40 000 morts et blessés. Les services de santé sont dépassés. Le sang ruisselle sur les dalles de l'église de Castiglione, jonchées de soldats à l'agonie. Oubliés, les soucis algériens. Le destin de Dunant bascule : il porte secours aux blessés. Sans discrimination, au cri de « Tutti Fratelli ». De retour à Genève, il écrit “Un Souvenir de Solférino”, qui ébranle les consciences. Gustave Moynier, président de la Société genevoise d'utilité publique, propose que l'on étudie et diffuse les idées du “Bon Samaritain”. Le 17 février 1863, la commission chargée de cette tâche tient sa première séance. C'est la naissance de la Croix-Rouge ! Les intuitions majeures de Dunant prennent corps : la neutralisation des victimes, du personnel et du matériel sanitaire; la création de Sociétés de secours dans chaque pays ; le développement du droit humanitaire. Une Conférence internationale adopte en octobre 1863, à Genève la charte fondatrice de la Croix-Rouge. Et, le 22 août 1864, est signée la première Convention de Genève “pour l'amélioration du sort des Militaires blessés dans les armées en campagne”. L'idéal de la Croix-Rouge va conquérir le monde. A la mesure des souffrances des personnes et des groupes les plus vulnérables. Mais, empêtré dans ses affaires algériennes, condamné par la justice genevoise, Dunant doit abandonner, en 1867, tout rôle dans la Croix-Rouge. Pendant 20 ans, il va parcourir l'Europe, ruiné, nourrissant chimères et ressentiments. Sans jamais trouver la paix de l'âme ni le pardon de ses compatriotes. En 1887, il cherche refuge à Heiden, en Appenzell. L'attribution, en 1901, du Prix Nobel de la Paix apparaît comme une réhabilitation tardive. Le 30 octobre 1910, à 82 ans, Henry Dunant s'éteint à l'hospice de Heiden. Ses cendres reposent au cimetière de Sihlfeld, à Zurich. Loin de la Genève natale ! PHILIPPE BENDER


Reportage

Interview

« Ilétaitartisteetvisionnaire » APRÈS TROIS ANS DE RECHERCHES COURONNÉS PAR UN ROMAN BIOGRAPHIQUE, “DES ZEITREISENDE” (LE VOYAGEUR, UNIQUEMENT EN ALLEMAND), L’ÉCRIVAIN SUISSE EVELINE HASLER SE DIT IMPRESSIONNÉE PAR LA PENSÉE D’HENRY DUNANT ET PAR LA CROIX-ROUGE.

> Quand avez-vous décidé d'écrire un livre sur Henry Dunant ? C'était en 1991, lors de l'exposition “La Suisse visionnaire” d'Harald Szeemann. J'ai été fascinée par la capacité qu'avait Szeemann d'explorer la profondeur psychologique du personnage. On ne peut comprendre les événements historiques et leur interconnexion sans connaître l'arrièreplan psychologique.

> Que pensez-vous des écrits de Dunant ? Son écriture était limpide et captivante. Prétendre, comme il l'a fait, que la moralité d'un peuple se mesure au rang occupé par la femme dans la société, dénotait un esprit très en avance sur son temps. Dans mon livre, les citations de Dunant apparaissent en italiques, et sont donc immédiatement reconnaissables.

> Le plus frappant à vos yeux ? Un aspect, très important à notre époque, m'impressionne réellement : la Croix-Rouge est présente partout dans le monde, jusque dans le village le plus reculé en Inde ou ailleurs, avec son emblème et ses collaborateurs chargés de poursuivre sa mission. Quel manager moderne ne rêverait-il pas de voir son logo et ses idées essaimer à l'échelle internationale ? C'est tout simplement phénoménal ! Plus étonnant encore : depuis sa fondation en 1863, la Croix-Rouge n'a rien perdu de son importance. Au contraire : cette organisation universelle est indispensable dans le monde d'aujourd'hui, c'est un fait indéniable.

> Votre livre a été publié il y a seize ans déjà… C'est vrai, mais j'ose prétendre qu'il se situe encore à la pointe de la recherche. Pendant mes travaux, on a retrouvé à Paris une liasse de lettres, adressées entre autres à Sarah Bourcart. Cette jeune femme, fille d'un ami de Dunant, avait pour mission de favoriser l'essor de la Croix-Verte, une alliance de femmes censée promouvoir les idées égalitaires du philanthrope. L'exigence d'un salaire égal pour des prestations égales était révolutionnaire en 1890. > De quoi faut-il tenir compte lorsqu'on écrit sur une personne qui vécut il y a un siècle ? La façon de penser a fortement changé et il est difficile de porter aujourd'hui un regard sur les événements d'alors. A l'époque, la guerre était une question d'honneur. Dunant a savamment construit “Un souvenir de Solférino” en décrivant d'abord avec force détails la rencontre des corps d'armée, les armures et les uniformes étincelant sous le soleil d'Italie. Un texte destiné de toute évidence à ceux qui tiraient les ficelles. Puis, soudain, il y a une rupture dans le récit : la guerre est démasquée comme une entreprise inhumaine. > “Un souvenir de Sollérino” est donc à juste titre considéré comme un écrit exemplaire ? Henry Dunant était un artiste. Jeune homme, il aurait voulu devenir écrivain. Mais des résultats insuffisants dans la branche principale, sa langue maternelle en l'occur-

Henry Dunant lors de son 80e anniversaire. Même âgé, il s’intéressait à l’actualité.

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Reportage >> rence, lui ont valu d'être expulsé du collège. A l'instar d'Einstein par exemple, bien des personnalités célèbres n'ont pas brillé à l'école.

> Vos recherches vous ont-elles rapprochée de Dunant ? Une personne animée de bonnes intentions, qui réalise de grandes choses mais court à l'échec par manque de sens pratique, victime de la petitesse de ses contemporains, suscite forcément l'empathie. Il s'est aussi heurté à l'étroitesse d'esprit des dévots. A cette époque de calvinisme pur et dur, le succès est l'apanage des élus de Dieu. Ceux qui ont essuyé un gros revers - à l'image de la banqueroute subie par notre héros - sont marqués du signe de Caïn. De peur que la Croix-Rouge ne pâtisse d'une présence aussi encombrante, on biffe le nom de Dunant dans le registre des membres. La même chose arrive à la YMCA. > En quoi Dunant vous a-t-il étonnée ou impressionnée? Sa persévérance, sa ténacité, le fait qu'en dépit de tous ses malheurs, il a imposé son idée d'une institution humanitaire. Il a tenté d'adapter l'idéal Croix-Rouge aux exigences nouvelles. Personne avant lui n'a réfléchi si intensément aux mécanismes de la guerre et de la paix. Il a compris que pour prévenir les conflits armés, il faut instaurer une justice sociale, le fossé séparant riches et pauvres étant source de danger. En 1870, dans une France ravagée par la guerre, il a ouvert des bureaux de placement. Selon lui encore, la communauté internationale se devait de témoigner du respect aux réalisations culturelles de chaque peuple. En cela, il était un précurseur de l'ONU et de l'UNESCO. Ces idées, il les a poursuivies même après sa débâcle personnelle. Il n'a jamais cherché à occulter les faits, ne s'est jamais résigné jusqu'à sa mort à l'âge de 82 ans. Extrêmement lucide dans la vieillesse, il menait une vie monacale tout en étant parfaitement au courant de l'actualité. Il était comme porté par sa mission. > On connaît peu de choses de sa vie privée... Dès le début, il était habité par sa vocation. S'il s'était marié, il n'aurait sans doute pas pu s'investir à ce point. Il a toujours connu beaucoup d'amitiés masculines, mais n'était certainement pas homosexuel. Vraisemblawww.expatria-cum-patria.ch

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C’est phénoménal ! La Croix-Rouge est une organisation universelle indispensable dans le monde d’aujourd'hui.

Eveline Hasler APRÈS DES ÉTUDES DE PSYCHOLOGIE ET D’HISTOIRE. EVELINE HASLER SE CONSACRE À L’ÉCRITURE. INSPIRÉS DE FAITS HISTORIQUES, SES ROMANS BIOGRAPHIQUES S’INTÉRESSENT À LA PSYCHOLOGIE DES PERSONNAGES. LARGEMENT TRADUITE, ELLE A REMPORTÉ PLUSIEURS DISTINCTIONS.

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blement, il n'a tout simplement pas eu la possibilité de s'engager dans une relation suivie. Cela dit, il a beaucoup aimé Léonie Kastner, une Parisienne aisée. > Quel regard Dunant aurait-il porté sur le XXIe siècle ? Il aurait été heureux que la France et l'Allemagne, anciens ennemis héréditaires, entretiennent aujourd'hui des relations pacifiées. Mais triste de constater le rôle toujours plus prépondérant de l'argent et la trahison de nombre de valeurs par vénalité. > Quelle figure politique aurait été, à ses yeux, porteuse d'espoir ? Difficile à dire. Peut-être le président Obama, qui contribue à battre en brèche les préjugés qui collent encore aux personnes de couleur. Il aurait apprécié son combat pour plus de justice sociale, sa réforme du système de santé que les plus démunis attendaient depuis si longtemps. > Moynier et Dunant étaient-ils vraiment des ennemis jurés ? Visionnaires et pragmatiques peinent toujours à accorder leurs violons. Et pourtant, leurs qualités conjuguées seraient un atout pour n'importe quelle organisation. Si Gustave Moynier a porté la Croix-Rouge au quotidien, Henry Dunant en est, à mon avis, le véritable fondateur. En 1863, la Croix-Rouge reposait sur dix principes. Dunant a vite compris qu'on ne pouvait en rester là. Avec le temps, de nouveaux problèmes apparaîtraient, qu'il s'agirait de résoudre. Il a, dès le début, attaché de l'importance à la neutralité, alors que Moynier, plus timoré, n'y croyait pas. Cette idée l'agaçait même passablement. Les deux hommes étaient comme chien et chat. Cependant, certains passages de son journal laissent penser que Dunant, à la fin de sa vie, aurait pardonné à Moynier. Nos plus grandes victoires sont finalement celles que nous remportons sur nous-mêmes. > En quoi notre époque aurait-elle plu à Dunant ? Dunant aimait le progrès et privilégiait une vision globale. Cela dit, il n'aurait pas été d'accord avec les dérives de la mondialisation. Il aurait apprécié l'Internet, les communications rapides. N'a-t-il pas dépensé ses derniers sous pour des télégrammes ? N


Reportage

En bref Timbre spécial La Poste Suisse émet un timbre spécial à l'occasion du centenaire de la mort d'Henry Dunant et de Gustave Moynier, les deux fondateurs de la Croix-Rouge, décédés en 1910 à quelques semaines d'intervalle. Ce timbre commémoratif a été conçu par le graphiste et illustrateur Martin Eberhard, de Zurzach AG. D'une valeur de 1,90 CHF, il sera disponible et valide pour l'affranchissement à compter du 3 septembre 2010. Les philatélistes impatients peuvent d'ores et déjà réserver ces timbres spéciaux dans le PhilaShop de la Poste : poste.ch/philashop

Et si vous faisiez l'acquisition d'une croix rouge ?

Le Prix Croix-Rouge décerné à deux femmes Le Prix Croix-Rouge a été décerné cette année à deux femmes à l'engagement exemplaire. Nadine Burdet (à gauche), médecin domiciliée à Lausanne, a fondé et dirigé en Haïti un foyer pour enfants en domesticité, tandis que Margrit Schenkel (à droite), infirmière, œuvre au Soudan à la prise en charge sanitaire de la population locale et à la mise sur pied d'infrastructures médicales. Lesdeux lauréates se partagent la somme de 30 000 CHF. Le prix récompense ainsi deux femmes qui, dans des contextes extrêmement difficiles, ont accompli des actions humanitaires de qualité dans l'esprit de la CroixRouge. Le Prix Croix-Rouge distingue des prestations humanitaires particulièrement louables. Institué et financé par un donateur, il est décerné tous les deux ans.

En hommage à Henry Dunant, des personnalités de renom suisses et étrangères ont pris leur pinceau pour représenter “leur” croix rouge. Souhaiteriez-vous faire l'acquisition de l'original d'un conseiller fédéral, du chef-d'oeuvre d'un grand sportif comme Carl Lewis, ou encore d'un authentique Walter Roderer ? Si tel est le cas, participez à la vente aux enchères en ligne qui sera organisée au profit de la Croix-Rouge suisse du 17 août au 12 septembre prochain sur ricardo.ch. http://info.ricardo.ch/ swissredcross

Des gâteaux porteurs d'espoir Ancienne maîtresse d'école enfantine, l'animatrice télé Nicole Berchtold est l'ambassadrice idéale des parrainages pour les enfants en détresse de la Croix-Rouge suisse (CRS). Les parrains versent chaque mois un montant défini (30 CHF ou davantage) pour la cause qui leur tient à coeur. Nicole Berchtold a choisi sans hésiter de venir en aide aux enfants : « Ils ont tout particulièrement besoin de soutien. Je trouve remarquable de s'engager sur une base régulière et j'ai eu envie de participer à ma manière. J'adhère au concept des parrainages de la CRS. » Elle a confectionné des gâteaux avec les élèves de l'école enfantine de Gerlafingen au profit des «enfants en détresse». Les élèves étaient très fiers d'avoir fait une bonne action.

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Engagement

BruniJacobs,fidèledonatricedevieilor

Uneaidediscrète POUR LE PLAISIR DE DONNER : BRUNI JACOBS REMET RÉGULIÈREMENT DES BIJOUX À LA CROIX-ROUGE SUISSE (CRS) POUR SON ACTION “VIEIL OR POUR REDONNER LA VUE”, VENANT AINSI EN AIDE À DES AVEUGLES EN AFRIQUE ET EN ASIE.

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Engagement Ile s'approche pas à pas, sans un bruit, avant de s'arrêter pour humer l'air. Elle renifle une odeur inconnue. « N'aie pas peur », murmure Bruni Jacobs. La chatte dresse l'oreille en entendant la voix familière de sa maîtresse. Venus est complètement aveugle. Bruni Jacobs veille sur elle avec bienveillance - comme elle le fait avec toute personne qui a besoin d'aide. Ce n'est pas un hasard si Madame Jacobs se montre aussi empathique avec sa chatte aveugle : touchée par le sort des personnes frappées de cécité, elle s'engage en leur faveur. Voici de nombreuses années que Bruni Jacobs donne des bijoux à la CRS dans le cadre de l'action “Vieil or pour redonner la vue”. Ces pièces de valeur sont ensuite revendues, les recettes de la vente servant à financer les opérations et les traitements d'enfants et d'adultes aveugles en Afrique et en Asie. Souffrant majoritairement de la cataracte, ils recouvrent la vue après une intervention. « Cette perspective me réjouit », dit Madame Jacobs. Son regard chaleureux traduit la profondeur de son engagement en faveur des malades. Femme à l'esprit critique, elle ajoute : « Je participe volontiers à des actions sensées, transparentes et efficaces, comme Vieil or pour redonner la vue. »

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Expériences marquantes en Afrique et en Europe de l'Est Interprète chevronnée, femme de diplomate et grande voyageuse, Bruni Jacobs a longtemps vécu en Afrique et en Europe de l'Est où, témoin de la violence, de la faim et de la répression, elle n'a eu de cesse de lutter autant que possible contre la détresse et la misère. Une aide fournie en toute modestie, sans bruit ni tintamarre, qu'elle perpétue au-delà de sa retraite. Elle participe à toutes les expositions-ventes organisées régulièrement par la CRS - non pour acheter des bijoux mais pour en faire don. Elle glisse alors turtivement aux responsables une enveloppe contenant quelques pièces de monnaie ou un bijou, sans mention du donateur. Bruni Jacobs n'aime pas être au centre de l'attention. Il lui est arrivé de donner des bijoux chargés de souvenirs. « Que vaut l'or s'il n'est pas porté ? », demande-t-elle de manière rhétorique, expliquant qu'elle n'a aucune peine à se défaire de ces objets. On la croit aisément, tant derrière son visage beau et paisible, on devine un grand vécu.

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C'est une joie plus grande de redonner la vue à quelqu'un avec un bijou que de simplement le faire fondre.

À propos

« Si l’on peut aider, on doit le faire » : Bruni Jacobs avec sa chatte aveugle. Elle sait ce qui compte vraiment dans la vie. Elle est d'autant plus énervée par le nombre élevé de personnes qui profitent du cours élevé de l'or pour vendre leur vieil or à des marchands. « C'est une joie tellement plus grande de redonner la vue à quelqu'un avec un bijou que de simplement le faire fondre. » Venus, la chatte aveugle, redresse brièvement la tête vers Bruni Jacobs, comme pour acquiescer aux propos de sa maîtresse, avant de se recoucher sur le flanc. N ANNETTE GODINEZ. PHOTOS : CASPAR MARTIG

Vieil or pour redonner la vue Aimeriez-vous permettre à des personnes de retrouver la vue en donnant des objets de valeur dont vous n'avez plus l'usage? la recette de leur vente revient exclusivement à des aveugles ou à des malvoyants qui, sans cela, ne pourraient se faire opérer. N'hésitez pas à nous envoyer dans une boîte bien scellée bijoux, montres, pièces de monnaie ou couverts, à l'adresse cidessous. Merci pour votre soutien ! Croix-Rouge suisse Redonner la vue Rainmattstrasse 10 3001 Berne

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Carte blanche

Du journalisme en général et de la presseanglo-saxonne en particulier PARCE QUE JE SUIS ISSU DE CETTE CORPORATION, PARCE QUE JE DOIS À CETTE CETTE PROFESSION, EMBRASSÉE IL Y A QUARANTE-TROIS ANS, DE M'AVOIR OFFERT UNE CARRIÈRE, POUR NE PAS DIRE UNE VIE PASSIONNANTE, PARCE QUE JE PENSE QUE CELA RESTE UN DES PLUS BEAU MÉTIERS DU MONDE À CONDITION DE LE PRATIQUER AVEC HONNÊTETÉ, AVEC HUMILITÉ, ET AVEC NEUTRALITÉ, JE N'AI CESSÉ DE DÉNONCER ICI-MÊME UNE PRATIQUE DU JOURNALISME EN FRANCE, DANS LAQUELLE JE NE ME RECONNAIS PAS ET QUI, POUR TOUT DIRE, ME FAIT HONTE. QUI AIME BIEN CHÂTIE BIEN, M'EN SUIS-JE UNE FOIS JUSTIFIÉ.

e là à prendre pour référence la presse anglo-saxonne, comme il est de bon ton de le faire dans les salons, dans les rédactions, et dans les écoles de journalisme où l'on s'applique à enseigner une langue qui s'écrit l'anglais de tous les jours mais avec des mots français, voilà un pas que je ne franchis pas. Le modèle anglo-saxon, c'est la “presse de caniveau”, florissante en Angleterre et qui n'a, soyons-en fiers, aucun équivalent en France. A part dans la bouche de quelques pseudo comiques qui ont enfin été, à juste titre, mis à la porte de France Inter (mais ils y reviennent par la fenêtre parce qu'il y a toujours quelque part un vieux copain trots-

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kyste pour leur tendre les bras), jamais on n'a connu en France un tel niveau d'insulte, un tel degré de racisme, un tel mépris pour le respect de la vie privée, que dans ces tabloïds qui font la fortune des propriétaires de journaux outre-Manche. Sans compter que, nulle part au monde, dans les pays démocratiques, il n'y a autant qu'à Londres de copinage, pour ne pas dire de complicité, entre les journalistes et le monde politique. Chaque ministre a son cercle dont les membres sont tenus à une forme de solida-

rité à son égard. Quiconque prend le risque de rompre cette solidarité s'expose à l'exclusion, c'est-à-dire qu'il ne reçoit plus d'information. Mais ne nous faisons pas d'illusion. Il n'en va guère différemment à Washington. Quand un journaliste reçoit une information confidentielle, ce n'est jamais gratuit : sa “source” a toujours un intérêt à ce que soit diffusée l'indiscrétion dont elle est à l'origine. Qui peut croire que Bob Woodward et Carl Bernstein, icônes du “journalisme d'investigation” pour avoir révélé, dans le Wash-

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Carte blanche

michel.tondre@laposte.net

ington Post, le “scandale du Watergate”, n'ont pas été autant manipulés par leurs sources que les autres ne l'ont été par le clan Nixon ? Newsweek, l'un des magazines américains les plus respectés, préféré en tout cas par la gauche à son concurrent Time Magazine, s'est illustré à cet égard dans son numéro daté du 4 octobre. Il s'agit évidemment de l'édition européenne car le sujet traité ne saurait intéresser un public américain, totalement indifférent à ce qui se passe hors des frontières des Etats-Unis et totalement ignorant de toute autre culture que la sienne. L'article qui fait la “une” - qui ne l'a vu en vitrine ou n'en a entendu parler dans une campagne radiophonique dirigée contre le président de la République ? - est intitulé “Europe's new extreme”, ce qu'on pourrait traduire par “le nouvel extrémisme européen”. Et l'on comprend vite que ce qui est dénoncé, c'est l'extrême droite, illustrée en couverture par un portrait de Nicolas Sarkozy ! Après tout, à travers le prisme de

Jacques-Michel Tondre

l'extrême gauche, dans Charlie Hebdo, dans le Canard Enchaîné ou dans Marianne, voire dans Libération, c'est une thèse qui pourrait se défendre, à condition d'être argumentée. Mais que lit-on dans Newsweek ? Trois pages sur la Suède après les élections législatives de la fin septembre, et une quatrième page sur la France, l'Allemagne, la Belgique et l'Espagne, où le cas Sarkozy, par ailleurs qualifié de “centriste”, est expédié en 20 lignes (sur un tiers de page), essentiellement consacrées aux critiques adressées à la France par la luxembourgeoise

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Viviane Reding, commissaire européen chargée de la Justice et de la Citoyenneté, à propos du traitement des “Roms”. C'est une imposture ! Dès lors, faut-il s'étonner, quand on se donne tel modèle, que les journaux ne se vendent plus en France et que Le Parisien, l'un des titres les plus rentables de la presse française, soit aujourd'hui à vendre, avec Serge Dassault, déjà propriétaire du Figaro, en embuscade ? Qui a le temps, d'ailleurs, de lire les interminables dossiers du Monde ou de Libération sur leurs sujets de prédilection, en général totalement décalés par rapport aux préoccupations du moment ? L'essentiel de l'information est désormais disponible dans les “gratuits”, distribués dans le métro. Pour autant, plus la presse se meurt, plus il sort de magazines de propagande. Quel grand magasin, quelle banque, quelle compagnie d'assurance, quelle mutuelle, quelle collectivité locale n'a pas sa publication ? Rien qu'à Paris, on trouve dans sa boîte aux lettres le magazine Ile-de-France, le magazine Paris, le magazine de son arrondissement. Le responsable politique de la publication s'assure ainsi de la bienveillance de quelque journaliste ou dessinateur humoristique honnêtement rémunéré. Mais qui paye ? Le contribuable. Et dans “contribuable”, il y a “tribuable”... Si l'on ne veut pas payer pour le magazine de Casino, de Carrefour ou de Champion, qui sont de la publicité assumée, on peut toujours aller ailleurs; mais pas de réduction d'impôt si on ne veut pas recevoir chez soi l'éditorial illuminant de son président de région, de son président de conseil général, de son maire, de son maire d'arrondissement... A Paris, cette année, on en prend encore pour 10 % d'augmentation des impôts locaux! Ça promet si, d'une manière ou d'une autre, l'Elysée devait s'aligner en 2012 sur la mairie de Paris. N


Mémoire

L'ASSOCIATION YAHAD-INUNUM, DÉVOLUE À “LA SHOAH PAR BALLES" OU “SHOAH À L'EST”, ORGANISE UN OU PLUSIEURS VOYAGES EN UKRAINE ET EN BIÉLORUSSIE POUR ENREGISTRER LES DERNIERS TÉMOINS DES MASSACRES PERPÉTRÉS PAR LES NAZIS ENTRE 1941 ET 1944. ssocié à l’université Paris IV - Sorbonne, notre Centre réunit en effet les fruits des recherches de notre association, créée en 2004 par le Cardinal de Paris feu Monseigneur Jean-Marie Lustiger. Depuis cinq ans, nos équipes localisent les lieux d’exécutions, rassemblent les preuves des fusillades massives en filmant les entretiens réalisés avec les témoins oculaires des exécutions massives des Juifs et des Tziganes entre 1941 et 1944 par les unités mobiles de tuerie, ainsi que des éléments balistiques retrouvés à proximité des fosses.

A

Le but de notre travail est triple • Redonner une dignité à des milliers de Juifs et de Tziganes assassinés et jetés dans des fosses communes. • Lutter contre le négationnisme. • Informer sur ce chapitre mal éclairé encore de l'histoire européenne. Notre exceptionnel fonds d'archives consiste en 1350 entretiens filmés et traduits, réalisés par nos équipes sur 400 sites de fosses communes en Ukraine et en Biélorussie des témoins des fusillades des milliers de Juifs et de Tziganes perpétrées par les nazis. Or le temps presse: les témoins sont très âgés et leur disparition nous empêchera à jamais de localiser les fosses encore inconnues. Le travail se poursuit en Ukraine, en Biélorussie et en Russie. Entre 10 et 15 voyages sont effectués chaque année, d’une durée de 15 à 20 jours. L’équipe est constituée d’enquêteurs, d’un photographe, d’un spécialiste en balistique, de traducteurs, de chauffeurs et de techniciens relatifs aux enregistrements des témoins. Chaque mission est préparée par l’étude précise pour la région investiguée des archives judiciaires allemandes de Ludwigsburg et des archives soviétiques de la www.expatria-cum-patria.ch

Yahad-In-Unum contre

l’oubli Commission Extraordinaire d’État de 1944 et 1945, qui se trouvent au Musée Mémorial de l'Holocauste à Washington. Nous prévoyons également la tenue dans le Centre de ressources de plusieurs expositions sur la Shoah par balles. Ces expositions sont destinées à circuler dans différents pays européens grâce à des partenariats. Elle se déroule actuellement à Bruxelles. A ce titre, nos recherches ont déjà fait l’objet de plusieurs expositions : • Au Mémorial de la Shoah, Paris (20 juin 2007 - 6 janvier 2008) • Au Museum of Jewish Heritage, New York (24 novembre 2008 23 mars 2009) • Au Forum for Levande Historia, Stockholm (27 janvier 2009 27 juillet 2009) • Au National Monument Kamp, Vught (10 septembre 2009 - 9 janvier 2010) Nous avons organisé deux symposiums internationaux avec nos partenaires de longue date: l’Université Paris IV-Sorbonne et le Musée Mémorial de l'Holocauste à Washington. Le premier s'est déroulé les 1er et 2 octobre 2007 en partenariat avec le Mémorial de la Shoah sur « La Shoah en Ukraine » Le colloque sur « L'Opération 1005 » a pris place les 15 et 16 juin 2009 au Collège des Bernardins, également partenaire de l'événement. Enfin, des séminaires de recherches sur la Shoah à l'Est à destination des étudiants de Master I et II ont lieu chaque année depuis 3 ans à l'Université Paris IV afin d’assurer le développement des recherches et de l’enseignement de cette période de l’histoire jusqu’ici peu connue. L'existence du Centre va permettre d'accueillir à Paris en un lieu internationalement reconnu des chercheurs de tous les horizons et de plusieurs disciplines. Nos partenaires sont : • La République Fédérale d’Allemagne • La Commission Européenne • L'United States Holocaust Memorial Museum de Washigton • L'Université Paris IV- Sorbonne • La Fondation pour la Mémoire de la Shoah • La Fondation Edmond J. Safra • La Fondation Victor Pinchuk Un DVD de 25 mn montrant le travail de l’équipe de Yahad-in Unum sur les lieux des assassinats est à votre disposition. N CATHERINE TAYLOR WWW.YAHADINUNUM.ORG. 06 24 41 29 29

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Mémoire > Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est Yahad in Unum ? L'association Yahad - In Unum a été créée en 2004 à l'initiative du Cardinal Jean- Marie Lustiger et autres autorités de l'orthodoxie juive au niveau International. Yahad - In Unum signifie “ensemble” en hébreu et en latin. Le principal objet de notre association est de chercher les témoins des massacres perpétrés contre les juifs et les tziganes par les nazis en Europe orientale et centrale entre 1941 et 1944 lors de leur pénétration dans ces pays pour tenter d'atteindre la Russie. Ainsi cette page de l'histoire peu connue du grand public, la shoah par balles, pourra être étudiée : les victimes furent massacrées par milliers sur place, dans leurs villages, en Ukraine, Biélorussie, Russie, Pologne, etc. Souvent, en moins d'une journée,

Patrick Desbois au côté d’Elie Wiesel.

forme de listes journalières en détaillant les lieux des massacres, puis nous analysons les documents concernant les archives de la Commission Soviétique mentionnant elles aussi les victimes. Ce travail a été fait par la Commission extraordinaire Soviétique commencé en 1943 pour évaluer les dommages de guerre faits à la population. Une fois que tout ce travail d'investigation dans les archives est fait, des équipes de recherche composées de chercheurs, traducteurs, enquêteurs, photographes et cameramen vont sur place et interrogent les témoins qui ont vu quelque chose et qui témoignent devant notre caméra racontant en détail la façon dont ces fusillades des juifs et des tziganes ont été faites par les nazis. Certains témoignages peuvent durer souvent plusieurs heures. Nous avons pour règle de faire confirmer les faits et/ou l'emplacement d'un site d'extermination par au moins trois témoins qui ne se connaissent pas. Ils sont très souvent libérés par la parole et ne l'ont jamais fait car “personne ne leur a jamais rien demandé”. « Où sont les morts juifs ? » Ils nous montrent directement les lieux des fosses. Nous avons à présent enregistré plus de 1 500 témoignages et répertorié 540 sites d'exterminations, chaque site pouvant contenir plusieurs fosses communes. L'ensemble des archives et de témoignages est disponible à la consultation dans notre Centre de Recherches à Paris. Hélas, le travail est encore abondant devant nous et dans plusieurs pays. > Quels sont vos buts ?

une fosse commune peut atteindre jusqu'à 20 000 personnes, hommes, femmes et enfants. > Quelle description donneriez-vous de votre approche, comment retrouve-ton des fosses communes dans ces pays pas toujours faciles d'accès ?

Le père Patrick Desbois décoré de la Légion d’Honneur par Nicolas Sarkozy.

Après une recherche systématique dans les archives de la Commission Soviétique et les archives de la justice allemande, qui se trouvent à Ludwigsburg, elles sont étudiées et traduites dans le Centre d'archives de l'association, une topographie de la région est établie et chaque village étudié. Dans les archives allemandes, on trouve des informations que les Allemands ont dressées sous

Ils sont au nombre de quatre : • lutter contre le négationnisme, • informer des chercheurs, des historiens, le grand public sur cette période encore mal connue de notre histoire, • aider les familles à localiser où leurs parents ont été assassinés, • donner une sépulture aux milliers d'assassinés. > Où peut-on voir ces témoignages ? Nous avons inauguré en octobre 2009 notre Centre européen de Ressources pour la Recherche et l'Enseignement de la Shoa à l'Est (CERRESE) en coopération avec l'Université de la Sorbonne et avec un comité scientifique. Ce centre est également un espace de

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Mémoire >>

> Qui vous aide dans ce travail ?

Le Père Patrick Desbois et Malcolm Hoenlein (responsable de la “Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations”).

> Quelles sont vos priorités ? Il nous faut au plus vite poursuivre nos recherches de témoins des assassinats de juifs et de tziganes en Europe de l'est et centrale perpétrés par les nazis de 1941 à 1944 sur place, en même temps qu'avaient lieu les déportations dans les camps de la mort, car ces témoins sont âgés et il ne reste pas beaucoup de temps pour pouvoir retrouver ces sites d'extermination et pour pouvoir connaître ce qui s'est passé en Ukraine, Biélorussie, Russie, Pologne, etc. Nous avons accéléré nos recherches, nous effectuons environ 15 voyages par an. La tâche est loin d'être terminée ; nous sommes lancés dans une course contre le temps. N a.garreau@hispeed.ch

réflexion interdisciplinaire sur la Shoah à l'Est. Les témoignages enregistrés en vidéo de toutes ces personnes qui ont aujourd'hui entre 70 et 80 ans, constituent une source d'information nouvelle inestimable pour les chercheurs et pour la génération à venir. Grâce à ces témoins, il est possible d'identifier les lieux des fosses communes et de recueillir les preuves supplémentaires du génocide nazi. Nous organisons aussi des séminaires pour professeurs d'histoire de lycées en Europe, ainsi que des conférences, ateliers et symposiums relatifs à la shoah en Europe de l'Est. Une copie de tous ces témoignages filmés est également disponible au Musée Mémorial de l'Holocauste à Washington qui est un de nos partenaires académiques et de recherches privilégié.

Dans le domaine académique, nous comptons sur des partenaires comme l'Université Paris IV Sorbonne, le Musée Mémorial de l'Holocauste à Washington, le Collège de Bernardins à Paris entre autres. Plusieurs historiens et chercheurs au niveau international font partie de notre comité scientifique. Puis nous avons des soutiens financiers par certains gouvernements européens, l'Allemagne et le Grand Duché du Luxembourg, il y a les soutiens institutionnels, tels ceux de la Commission Européenne, la Mairie de Paris, pour ne citer que quelques-uns, et nous avons aussi le soutien financier de quelques fondations et donateurs privés en Europe et aux Etats-Unis.

Ci-contre, de haut en bas : Le Père Patrick Desbois au côté de Simone Veil et Shimon Peres. Le Père Patrick Desbois et le Cardinal Lustiger. Antoine Garreau PRESIDENT OF HADASSAH INTERNATIONAL TOWER COMMITTEE IN SWITZERLAND www.expatria-cum-patria.ch

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Mémoire

Revue de presse FRANCE Un curé sur les traces de la “Shoah par balles. Henri Tincq dans Le Monde (mardi 4 avril 2006) La Shoah par balles, travail de mémoire du Père Desbois. Emmanuel de Roux dans Le Monde (22 juin 2007) Portrait du père Desbois : Son chemin de Shoah. Marc Semo dans Libération (25 Juin 2007) Patrick Desbois, l’archéologue de la Shoah. Pierre Assouline dans L’Histoire numéro 324 (octobre 2007) “La Shoah par balle” du père Desbois. Flore Olive dans Paris Match numéro 3049 (24 octobre 2007) Les terribles secrets de la “Shoah par balles” Cyrille Louis dans Le Figaro (27 octobre 2007) Patrick Desbois, limier de la “Shoah par balles”. Anne Dastakian dans Marianne numéro 551 (10 au 16 novembre 2007) La mémoire à cœur ouvert. Jean-Baptiste Moutet dans La Croix numéro 38002 (12 mars 2008) Un pan oublié de l’histoire. Yves Jaeglé dans Le Parisien numéro 19755 (12 mars 2008) L’Holocauste oublié, Le père Patrick Desbois en quête de mémoire. Olivier Zilbertin dans Le Monde (9 mars 2008) Ce que peut un homme seul. Roger Pol Droit dans Le Monde (vendredi 28 mars 2008) La Shoah par balles, témoigner, informer, inhumer. Bertrand Levergeois dans Humanisme (revue des Francs-Maçons du Grand-Orient de France numéro 281 (juin 2008) La Solution Finale : Question au père Patrick Desbois. François Delpla dans 2nde Guerre Mondiale numéro 14 (septembre - octobre - novembre 2008) Les traces enfouies de la Shoah par Balles. Mathilde Goannec dans Libération (8 janvier 2009) Le jour ou j’ai découvert les fosses de la Shoah. Patrick Desbois dans Paris Match (semaine du 4 au 10 juin 2009)

ETATS-UNIS A priest Methodically reveals Ukrainian Jews “fate”. Elaine Sciolino. The New-York Times, New-York (october 6th, 2007) Honoring Father Desbois. Abraham H. Foxman in Anti-defamation league, New-York (september 24, 2008) French priest speaks on search for graves of Nazi victims. Neil W.McCabe in The Boston Pilot.com (november 10, 2008) The shooting of Jews in Ukraine-Holocaust by bullets. Wiliam Broaddus in The Jewish Voice (december 3rd, 2008) Priest hears Holocaust confessions. Simon Yaffe dans le Jewish Telegraph (may 22, 2009) Priest records Ukraine’s “Holocaust of Bullets”. Elaine Sciolino in The New York Times, N-Y (october 20, 2007) Genocide’s ghosts. Vivienne Walt in Time (january 2008) Risa K. Lambert Luncheon featuring Father Patrick Desbois. Program of the United Holocaust Memorial Museum (november 3rd, 2008) How Father Desbois became a Holocaust Memory Keeper. Jordana Horn in The Wall Street Journal (january 23rd, 2009) French Priest interviewed Witnesses to slaughter of Soviet Jews. Maria Danilova and Randy Herschaft in The Washington Post (january 1st, 2009) ISRAËL Saint Patrick. Roï Cohen in Haaretz (january 6th, 2006) Father Patrick Desbois and his elder brothers. Bernard Edinger in Jerusalem Report, Jérusalem, (november 29th, 2007) ALLEMAGNE Die spur des Verbrechens. Von Christian Semler in Taz.de (20 février, 2009) 2 Pages Die erde hat sich noch tageland bewegt. Cathrin Kahlweit in Süddeutsche Zeintung numéro 43 (22 février 2009)

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J’aimerais vous dire

Jemepressederiredetout, depeurd'êtreobligéd'enpleurer BEAUMARCHAIS

oin de moi l’idée d’ajouter quelques commentaires à ceux, très pertinents de nos sénateurs Christophe Frassa, Michel Guerry et Robert-Denis Del Picchia face à l’énormité sortie par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale monsieur Jérôme Cahuzac sur l’éventualité de faire payer des impôts aux français de l’étranger. ça n’est pas nouveau ; épisodiquement, cela revient comme le monstre du Lochness. Que voulez-vous ? On n’a rien à gagner avec ceux qui n’ont rien à perdre. Non ! Je me contenterai d’attirer votre attention sur les critères du domicile fiscal dans les conventions bilatérales et leur application par un juge français. La localisation du domicile fiscal d’une personne physique est essentielle afin de déterminer l’étendue de son obligation fiscale. Le contribuable dont le domicile fiscal est situé en France y est assujetti par l’impôt sur l’ensemble de ses revenus de source française et étrangère. Il a une obligation fiscale dite illimitée. A - à l’inverse, et sauf s’il dispose d’une habitation en France, l’article 164 c du cgi (code général des impôts) confère au contribuable dont le domicile n’est pas situé en France, n’est passible de l’impôt français que s’il dispose de Que voulez-vous ? revenus de source française et à raison de ces seuls revenus. L’obligation fiscale est dite resOn n’a rien à gagner treinte. avec ceux qui n’ont Chaque etat élaborant essentiellement sa législation fiscale avec souveraineté, la superrien à perdre. position de souveraineté peut conduire à imposer deux fois la même personne, le même revenu ou le même bien. L’objet des conventions fiscales internationales est de prévoir des mesures pour éviter les doubles impositions. B - les conventions fiscales bilatérales déterminent les critères permettant de caractériser le domicile fiscal d’un contribuable. Chaque convention fiscale bilatérale contient ses propres critères et règles de détermination du domicile fiscal, notamment l’ordre dans lequel ces critères priment ou sont subsidiaires. Le caractère prépondérant, subsidiaire ou exclusif de tel ou tel critère ne dépend donc que des termes de la convention considérée. Lorsqu’une personne est considérée comme résidente d’un etat contractant par l’effet d’une convention bilatérale, elle ne peut pas être regardée comme fiscalement domiciliée dans l’autre etat, même si elle répond à l’un des critères de détermination du domicile fiscal de cet autre etat au regard de sa législation interne. Afin d’apprécier l’étendue de l’obligation fiscale d’un contribuable, il convient ainsi d’être particulièrement vigilant à l’écriture et à la lecture de chaque convention fiscale applicable. Prenons un exemple qui concerne, faut-il le souligner, la plus importante communauté française expatriée dans le monde, inscrite dans les

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régistres de ses deux consulats généraux de france en suisse : genève & zürich. (*) La convention fiscale franco-suisse précise dans son article 4 & 6 les stipulations suivantes : « n’est pas considérée comme résident d’un état au sens du présent article : a / une personne qui n’est que le bénéficiaire apparent des revenus, lesdits revenus bénéficiant en réalité, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’autres personnes physiques ou morales, à une personne qui ne peut être regardée elle-même comme un résident dudit État au sens du présent article ; b / une personne qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État. (**) La convention franco-suisse ne distingue pas entre les notions de foyer d’habitation permanent et de centre des intérêts vitaux. Cependant, à la différence des autres conventions, il n’est pas fait mention des liens économiques, le centre des intérêts s’entendant uniquement du lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. Les critères exposés ci-dessus et l’ordre dans lequel ils s’appliquent doivent être appréciés à la lumière des interprétations dont elle peut faire l’objet. Les critères légaux du domicile fiscal et leur interprétation par le juge français aux termes de l’article 4 b du CGI, sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France :

1 - Les personnes qui ont leur foyer en France. Le foyer s’entend le lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux. Traditionnellement, la localisation du foyer est indépendante des séjours qui peuvent être effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, tel la maladie d’un membre de la famille (ce 03.11.1995 N° 126513). Le conseil d’État privilégie les liens de fait sur la situation juridique du contribuable. Ainsi, un contribuable marié et père de famille dont


J’aimerais vous dire

2 - Les personnes qui ont leur lieu de séjour principal en France, par opposition au critère du foyer, le lieu de séjour principal s’entend du lieu de séjour de la personne uniquement, indépendamment du lieu de séjour de sa famille. A cet égard, il est fait abstraction des conditions et du mode de séjour. Les séjours en hôtel sont notamment retenus. Traditionnellement, il suffit qu’une personne ait séjourné en France plus de 183 jours au cours d’une même année pour qu’elle soit réputée avoir eu son séjour principal dans notre pays au titre de l’année en cause. Toutefois, le critère tenant au lieu de séjour principal ne peut déterminer le domicile fiscal que dans l’hypothèse où le contribuable ne dispose pas de foyer. (Ce 03.11.1995 - N° 126513).

3 - Les personnes qui exercent en France une activité professionnelle sont réputées y avoir leur domicile fiscal, que cette activité soit salariée ou non, à moins qu’elles ne justi-

fient que cette activité y est exercée à titre accessoire.

4 - Les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques, entendu par là que c’est le lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, où il a le centre de ses activités professionnelles, où il administre ses biens, où encore il tire la majeure partie de ses revenus. Dans une affaire du 27 janvier dernier (Ce 27.01.2010 N° 294784) le conseil d’État a rappelé que pour caractériser le centre des intérêts économique d’un contribuable, il n’était pas suffisant de constater que celuici disposait d’un important patrimoine en France, mais qu’il fallait, au préalable, comparer les lieux où sont perçus les revenus du contribuable. Le conseil d’État réaffirme que la comparaison des patrimoines n’intervient qu’à titre subsidiaire, et que l’existence d’un patrimoine en France ne suffit pas à attirer le centre des inLe concubinage térêts économiques d’un contribuable qui repermet désormais tire ses revenus d’une activité professionnelle de caractériser un réalisée à l’étranger.

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foyer, donc le domicile fiscal d’un contribuable en France.

5 - Dans le cas de contribuables mariés avec enfants, si l’un des époux seulement répond aux critères de domiciliation en France, l’obligation fiscale du ménage ne porte que sur l’ensemble des revenus de l’époux domicilié en France et sur les revenus de source française de l’autre époux. De même, si l’un des enfants à charge ne répond pas aux mêmes critères, seuls ses revenus de source française sont compris dans l’imposition commune.

En conclusion Les critères de détermination du domicile fiscal en France sont traditionnels. Il n’en demeure pas moins que leur acceptation au regard d’une situation de fait est en constante évolution. Je ne retiendrai que cet exemple. Le concubinage permet désormais de caractériser un foyer, donc le domicile fiscal d’un contribuable en France (Ce 27.01.2010 - N° 319897). Ceci est une véritable révolution. Le juge s’attache de plus en plus vers une interprétation sociologique des critères Traditionnels et tend plutôt à la réalité des situations qu’à leur apparence juridique. Aussi, pour les contribuables voulant se prévaloir de l’absence de domicile fiscal en France, la notion de centre des intérêts économiques telle que réaffirmée par le conseil d’État (Ce 27.01.2010 - N° 294874) peut constituer un piège. En effet, même si un Patrimoine conséquent, notamment immobilier, ne saurait suffire à caractériser le lieu du domicile fiscal du Contribuable, le caractère souvent fluctuant des revenus liés à de tels investissements est de nature à ôter toute Sécurité fiscale à son détenteur. Il convient, dès lors, d’être particulièrement vigiSerge Cyril Vinet lant et attentif tant aux termes de la convention fiscale applicable que la situation factuelle CONSEILLER ÉLU réelle. Il ne sert à rien de dire : « Nous avons fait À L’A.F.E. POUR de Notre mieux. Il faut réussir à faire ce qui est LA SUISSE ET LE nécessaire ». Sir Winston Churchill. N LIECHTENSTEIN

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serge.c.vinet@bluewin.ch

l’épouse et les enfants résidaient en France mais qui travaillait et vivait maritalement hors de France n’a pas été considéré comme domicilié fiscalement en France, compte tenu de la dissolution de du foyer légitime (séjours épisodiques dans la maison familiale en France et départ de enfants majeurs du foyer (Ce 12.03.2010 N° 311121). Dans le cas d’un contribuable célibataire sans enfant, le lieu de son foyer s’entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle (lieu où il entretient des relations personnelles et organise ses loisirs). La notion de famille dans le cas d’un célibataire sans enfant n’est pas étendue à la famille proche (parents, frères et sœurs - Ce 17.03.2010 N° 299770). Le conseil d’État a considéré pour la première fois (Ce 27.01.2010 N° 319897) que la concubine, bien qu’elle soit traitée différemment de l’épouse en matière d’impôt sur le revenu, est assimilée à un conjoint pour la qualification du foyer et ainsi attirer en france l’obligation fiscale illimitée du contribuable. Dans cette affaire, le contribuable exerçait une activité professionnelle à l’étranger, séjournait régulièrement en France. La question du lieu de son foyer primait sur celle consistant à apprécier si ses séjours suffisaient à eux seuls à caractériser son lieu de séjour principal et donc sa résidence fiscale. Sa concubine et leur fils sur lequel il exerçait l’autorité parentale, habitaient en France. Le conseil d’État a considéré que le contribuable avec sa concubine et leur enfant avaient leur foyer en France.


Conjoncture

LA TRIBUNE SCIENCES PO DE L’ECONOMIE DE L’IMMATÉRIEL, EN PARTENARIAT AVEC DELOITTE ET EASYBOURSE, A PUBLIÉ EN JUILLET 2010 LES RÉSULTATS DE TRAVAUX SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX D’ENTREPRISES, FONDÉS SUR DES RECHERCHES ACADÉMIQUES ET DES CONTRIBUTIONS DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE ET D’EXPERTS. EN VOICI UNE SYNTHÈSE. LA VERSION INTÉGRALE EST CONSULTABLE SUR ESAYBOURSE.COM.

Vers un nouveau management ? es réseaux sociaux structurent de plus en plus les relations sociales et professionnelles. Les informations échangées dans ces communautés concernent le cercle privé mais également les entreprises et leurs activités, contribuant à la e-réputation personnelle ou corporate, impactant image, réputation et notoriété des marques. Dès lors, l’entreprise ne peut plus rester étrangère à ce phénomène structurant de société et doit entrer dans cette économie de l’immatériel pour en tirer profit plutôt que la subir.

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RSE et dynamique des réseaux sociaux : vers une porosité croissante Les réseaux sociaux se définissent comme “un dispositif visant à créer ou à développer les liens sociaux entre les participants” (Étude Useo 2010). Apparus à la fin des années 1990 aux ÉtatsUnis, les réseaux dits “sociaux” se sont véritablement développés, à l’extérieur de l’entreprise, avec les réseaux personnels (type Facebook créé en 2004) ou professionnels (comme LinkedIn, Viadeo ou Xing). Plus récemment, ont émergé les réseaux sociaux d’entreprises (RSE), internes à celles-ci, mais de mise en place moins rapide, les entreprises françaises semblant moins avancées à cet égard (7 entreprises du CAC 40 concernées) que celles d’Europe du Nord. Bien que les réseaux sociaux professionnels (RSP) et les réseaux sociaux d’entreprises (RSE) forment deux branches distinctes dans le grand ensemble des réseaux sociaux, une porosité croissante se développe entre elles au travers de liens multiples et synergies diverses. www.expatria-cum-patria.ch

L’utilisation des RSE est véritablement catalysée par les pratiques établies sur les réseaux personnels ou professionnels. C’est la première époque où les équipements personnels sont souvent plus évolués que les équipements professionnels. « Les RSP fédèrent les professionnels autour de leur expertise en dehors du cadre de l’entreprise » (Étude Useo 2010). Fondés sur le partage de savoir-faire et “best practice”, ces plateformes ont dû leur succès aux possibilités souples et multiples en termes d’échange d’idées créatives, d’innovation et d’informations. Les RSP deviennent également le support de réseaux relationnels entre professionnels, leviers de relations sociales comme de recrutement de talents. Il est rapidement apparu que ces usages, avec les outils et les fonctionnalités qu’ils offrent, peuvent - voire doivent - avoir leur place au sein de l’entreprise. Spécificités des RSE : des formes variables selon la stratégie et les besoins de l’entreprise Les RSE se distinguent par les usages auxquels l’entreprise les destine : le social Networking (mise en relation de professionnels), la social collaboration (coproduction et partage de documents, suivi du process de création), le social Knowledge Management (document final associant les contributions successives des auteurs), le social Messaging (messagerie et communication en temps réel), le CRM (dialogue co-créatif entre l’entreprise et ses clients). Ces plateformes reposent sur un certain nombre de technologies et de pratiques du web 2.0 tels que wikis, blogs ou communautés. Les fonctions indispensables restent relativement proches et les produits se distinguent essentiellement par leur mise en scène conversationnelle ou relationnelle. Susceptibles d’évoluer avec les objectifs opérationnels qui leur sont assignés, les RSE n’ont pas de forme unique ou figée. IBM, dans le cadre d’une stratégie globale d’entreprise en réseaux, a entrepris le lancement de plateformes à l’échelle mondiale avec l’usage de blogs, wikis et avatars. Total privilégie une démarche progressive avec deux communautés tests : les impatriés et le personnel féminin. Bouygues Telecom a accéléré la démarche jusqu’à atteindre 2000 sites valorisant les initiatives internes innovantes. A l’APEC, depuis 2007, le RSE est devenu un outil de travail, autour d’une trentaine de communautés actives, soit organisées autour des besoins métiers pour l’échange de bonnes pratiques, soit destinées à des projets trans-

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Conjoncture versaux. Deux lignes d’évolution ont été identifiées : le cross-community pour générer des synergies entre les communautés des RSE et l’ouverture aux réseaux extérieurs, pour créer de la valeur par une intégration de l’entreprise dans son écosystème. C’est ainsi qu’un RSE peut également s’envisager sous forme d’un réseau entre entreprises : parce que « les entreprises membres d’un réseau se développent mieux que les autres », atout stratégique notamment pour les PME aux moyens individuels limités, la CCIP a mis en place le réseau PLATO, organisant la coopération entre grandes entreprises et PME, ainsi que des plateformes numériques, prolongeant ses réseaux physiques (une vingtaine rassemblant 1800 entreprises) en communautés virtuelles. Les RSE, leviers de productivité et de valorisation des actifs immatériels Les RSE génèrent une amélioration de productivité tant individuelle que collective : « au quotidien, de petits gains de productivité, mais dont la valeur cumulée est importante ». Le RSE permet un accès fluidifié et plus rapide à l’information recherchée ou accélère l’identification des talents souhaités pour une IBM, dans le cadre mission ou un projet (“tags” affiliés aux profils virtuels définissant les compétences clés d’une stratégie de chacun). Le processus de production et les globale échanges d’information qu’il nécessite sont ainsi valorisés au même titre que le produit d’entreprise en final qu’ils permettent d’élaborer. L’information est pérennisée, hiérarchisée et rationali- réseaux, a entrepris sée : c’est un élargissement du capital le lancement de informationnel de l’entreprise. plateformes à La gestion de projet est également facilitée. Le RSE, décloisonnant l’entreprise aussi bien l’échelle mondiale en termes de disciplines que de hiérarchie ou avec l’usage de de géographie, favorise le management horizontal voire multi vectoriel, le partage efficace blogs, wikis et et rapide de bonnes pratiques et de savoiravatars. faire, améliorant la transversalité. Le RSE est un excellent outil pour formaliser et sécuriser au sein de l’entreprise les savoirfaire informels portés par les collaborateurs et accroître le capital knowledge : tout ce qui est échangé est archivé et peut être réutilisé. Le RSE facilite ainsi la transmissibilité du capital immatériel. Cet environnement virtuel est un levier de valorisation du capital humain : il permet aux collaborateurs d’accroître leur savoir-faire, de se tenir informés des innovations, de se constituer une e-réputation interne, donc d’accroître leur capital immatériel individuel, tout en créant un espace propice au travail collaboratif, favorisant l’efficience collective. Le RSE induit une dynamique de partage, de solidarité et de valeurs, renforçant la culture d’entreprise. Le RSE renforce également l’attractivité de l'image de l’entreprise, notamment auprès des jeunes talents de la génération Y et bientôt Z et sa capacité à les fidéliser. De l’avis général, les RSE sont des leviers d’innovation interne ou externe par l’organisation de processus de co-création au sein de l’entreprise ou entre l’entreprise et ses clients ou partenaires. IBM

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met en place des “Jam” innovation, brainstorming à l’échelle mondiale, sur une problématique spécifique, auxquels des clients sont invités à participer : les idées à potentiel sélectionnées sont ensuite traduites en business plan pour analyse et mise en œuvre opérationnelle. Plus largement, ces démarches favorisent la capacité à capter les sources diverses d’une innovation désormais transversale, dépassant le traditionnel centre de R&D, ainsi que l’enracinement d’une culture de l’innovation dans l’entreprise. Par l’ouverture vers le marché, le RSE contribue à enrichir le capital relationnel clients et plus généralement le relationnel parties prenantes. Des conditions à la performance des RSE Le RSE a un impact positif sur les performances de l’entreprise, sous réserve que cette dernière soit en mesure d’en maîtriser les enjeux et risques tant internes qu’externes. La valeur d’utilité du RSE doit être organisée. Le RSE doit ainsi : • être en ligne avec la stratégie de l’entreprise, • correspondre à une demande des collaborateurs, à consulter pour définir les objectifs opérationnels auxquels répondra le RSE: celui-ci ne pourra être imposé, l’entreprise courant sinon le risque d’investir beaucoup dans un outil sous-employé. Pour atteindre un taux d’utilisation acceptable, le RSE doit être un espace véritable d’égalité et de liberté de participation. Selon les experts, les utilisateurs sont 1% à participer, 9% à commenter et 90% à consulter. Le RSE peut bouleverser les relations hiérarchiques ou humaines et susciter des réticences face au changement, à gérer. Le démarrage peut rencontrer des difficultés, surtout au niveau des processus structurés (“supply chain” par exemple), parce que nécessitant d’allier rigueur et échanges horizontaux. Le “tone at the top”, l’ouverture et le soutien de la Direction, sont alors des facteurs de succès essentiels en amont, ainsi que l’implication et l’exemplarité du management dans la mise en place. Pour pallier le risque de résistance au partage, le management, jouant le rôle de “catalyste”, doit impulser le développement de l’usage et argumenter l’intérêt du RSE, notamment vis-à-vis des experts, qui doivent accepter de partager sur le RSE les savoirfaire et connaissances, dont ils étaient seuls

>>


Conjoncture

surer que le RSE ne devient pas une source de stress et un facteur de compétitivité pour les collaborateurs. Face au risque de sécurité informationnelle et de e-réputation (niveau de confidentialité et qualité du message véhiculé), l’édition et la diffusion d’une charte de bonne conduite sur le RSE au sein de l’entreprise est indispensable, d’autant plus en cas d’ouverture vers l’extérieur du RSE. En effet, le risque lié à la maîtrise et au contrôle des flux d’informations diffusés hors de l’organisation est démultiplié. Pour la bonne gouvernance du RSE, le “Community Manager”, nouvelle fonction appelée à se développer, crée les groupes, les supervise et s’assure de la bonne application de la charte, sous l’autorité du “chief networking officer”, établissant le lien avec l’extérieur. Cependant, il semblerait que les risques de dérives, souvent craints, ne se concrétiseraient qu’occasionnellement, l’extrême transparence de la communication sur le RSE générant une autorégulation, les contributions de chacun étant aisément identifiables. Cette responsabilisation des collaborateurs devrait favoriser une relation de confiance avec le management. Le succès tient aussi au choix de la solution informatique, qui doit être d’usage facile, ainsi qu’à l’efficience des équipes pour la mettre en œuvre: soit un système externalisé (type saas), rapide à implémenter mais limité dans ses adaptations aux spécificités de l’entreprise, soit un outil sur mesure. Certaines entreprises testent le RSE quelques mois avec la première solution avant d’investir dans la seconde. S’il est recommandé de concevoir le RSE dès l’origine à l’échelle de l’entreprise, un développement progressif peut être utile avec des communautés pilotes de préférence déjà existantes dans l’organisation. Toutefois, de l’avis général, les axes de progrès ne porteraient pas sur la technologie, relativement mature, mais davantage sur la culture et l’état d’esprit. Les 10 bonnes pratiques du RSE Pour atteindre la performance attendue du RSE, nous pourrions alors proposer 10 bonnes pratiques pour sa mise en place : • S’assurer de l’alignement du RSE avec la stratégie concomitamment à une demande réelle des collaborateurs, à consulter pour identifier leurs besoins.

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• Avoir la vision d’un profil cible du RSE global à l’entreprise, de ses fonctionnalités attenLe succès tient dues et accepter que la mise en œuvre soit aussi au choix de la progressive. • Développer des communautés pilotes qui solution partagent des intérêts spécifiques. informatique, qui • Elaborer une solution informatique d’utilisation aisée, cohérente avec la taille de l’endoit être d’usage treprise, ses contraintes d’environnement et les objectifs du RSE facile, ainsi qu’à • Convaincre les collaborateurs de leur intél’efficience des rêt à participer et partager leurs informations et expertises et les former à équipes pour la du nouvel outil. mettre en œuvre • l’utilisation Créer une charte de bonne conduite qui responsabilise chaque utilisateur et suscite la confiance du management. • Impliquer les managers et leur donner un rôle moteur et exemplaire dans le développement du RSE. • Désigner des modérateurs et des animateurs du réseau : les “community managers” pour une bonne gouvernance du RSE. • Cartographier les risques du RSE et mettre en place les actions de sécurisation • Réfléchir à une ouverture du RSE créatrice de valeur vers l’écosystème de l’entreprise. Conclusion : RSE et management Le déploiement d’un RSE peut impacter les relations hiérarchiques et modifier les modes de communication dans l’entreprise. De tels bouleversements peuvent susciter des réticences, et l’implantation des RSE pourrait prendre plus de temps que celle des réseaux sociaux externes, du fait de barrières essentiellement sociales et psychologiques. Mais, une posture en retrait pourrait porter sa sanction de performance, voire de destruction de valeur immatérielle, en n’impulsant pas la dynamique de performance et de construction d’avantages compétitifs portée par le RSE. L’impact que le RSE aura sur le management de l’entreprise dépend donc du niveau d’ambition associé au projet. Dans le cas où les objectifs du RSE ne dépasseraient pas ou très peu ceux des outils usuels de communication, il ne permettrait que d’améliorer l’efficience des modes de management déjà existants sans toucher fondamentalement à ses bases. Si l’entreprise souhaitait en faire un des piliers de sa stratégie, la valeur d’utilité du RSE s’exprimerait pleinement dans le cadre d’une dynamique de passage d’une organisation hiérarchique à une entreprise de réseaux. Marie-Ange Le RSE aurait alors un impact certain sur une Andrieux évolution des modèles de management de l’avoir et du savoir faire vers des systèmes de DIRECTEUR DES PARTENARIATS partage et de savoir-être, d’entrepreneuriat DELOITTE, participatif, qui paraissent de façon croissante CO PRÉSIDENT en résonance avec les enjeux de compétitivité DE LA COMMISSION et d’innovation de l’économie de l’immatéGPS INNOVATION riel. N ET IMMATÉRIEL

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maandrieux@deloitte.fr

>> détenteurs. Par ailleurs, il convient de s’as-


Écologie

La Fondation a pour buts dans ses articles de : Art. 4 - But : • Développer et promouvoir le “Lycée Français Maurice Druon - Genève”, en particulier dans les six cantons romands (Fribourg - Genève - Jura - Neuchâtel - Valais - Vaud) ; • De rassembler tous les Français de Romandie y compris les binationaux, dans un esprit oecuménique ; • De promouvoir la pensée, la culture et la langue française. • La Fondation peut effectuer toute opération se rapportant directement ou indirectement à son but. Art. 7 - Ressources : Les ressources de la fondation sont les revenus de ses avoirs et de ses activités, ainsi que tous les dons, legs, subventions et autres attributions, de quelque nature que ce soit, qu’elle recevra, mais que le conseil de fondation est libre de refuser. Les biens de la fondation doivent être placés conformément aux éventuelles dispositions légales en la matière.

Est-il besoin d’apporter les précisions suivantes : • Les comptes de la fondation sont controlés à chaque exercice annuel par un audit agréé & indépendant. • Chaque opération requiert la double signature. • Les comptes annuels de la fondation “Lycée français Maurice Druon - Genève” dûment audités paraîtront dans France Magazine tous les ans. Le Conseil de Fondation : Madame Sandra Coulibaly-Leroy, Madame Marie-Thérèse Clausen, Madame Danielle Vinet, Monsieur François Bellanger, Monsieur Jean-Pierre Capelli, Monsieur Nicolas de Ziegler, Monsieur Marceau Kaub, Monsieur Pierre Oliviéro & Monsieur Serge Cyril Vinet. Souhaiterait lancer un appel à Souscription à tous les citoyens français ou double-nationaux qui résident dans les six cantons romans, soucieux de se voir ériger le lycée français auquel ils aspirent depuis bien longtemps.

COMITE d’HONNEUR Favorable au projet du Lycée Monsieur Claude Hagège, professeur au Collège de France Madame Jacqueline de Romilly de l’Académie française Monsieur Christian Cabrol, membre de l’académie de médecine, professeur de médecine - Monsieur Dominique Paillé, ancien conseiller du Président de la République Madame Christine Arnothy, écrivain - Monsieur Philippe d’Estienne du Bourguet, industriel - Monsieur Robert Berghe, Directeur de l’École Valmont, Lausanne - Monsieur Philippe Dubois, chef d’état-major de la police vaudoise Monsieur Michel Charasse, ancien ministre, sénateur du

Puy de Dôme - Monsieur Jean-Claude Casadesus, Chef de l’orchestre national de Lille - Madame Nicole Guedj, ancien ministre, Conseiller d’Etat - Monsieur Pierre Bergé, mécène - Monsieur Alain Larcan, ancien président de l’Académie de médecine, président de la fondation scientifique du Général de Gaulle - Monsieur David Khayat, membre de l’Académie de médecine, professeur de médecine Monsieur Christian Poncelet, ancien ministre, ancien président du sénat, sénateur & président du Conseil Général des Vosges - Monsieur Paul Lombard, Avocat.

Bon de Souscription

Je soussigné, m’engage à contribuer personnellement à l’édification du Lycée Français Maurice Druon - Genève par un versement annuel d’un montant de 500 chf (Cinq Cents Francs) pour une durée de Cinq années (5 ans) sur le compte bancaire de la fondation en constitution du même nom. La construction du lycée s’élevant à 35 Millions de Francs suisses (35.000.000 chf) ; si le projet ne démarrait pas, les souscripteurs se verraient intégralement remboursés de leurs dons. Faut-il préciser que les dons uniques sont les bienvenus. Nom : ......................................................................Prénoms : ........................................Date de naissance :……………………………… Profession :........................................................................................................................Nombre d’enfants scolarisés :……………… Adresse : ........................................................................................Code & Ville :..............................................Signature : Banque Cantonale de Genève - N° de prestation : 5017.95.54 Franc suisse - S. Vinet Rubrique LYCEE FRANCAIS MAURICE DRUON GENEVE - N° IBAN : CH6200788000050179554 N° BIC/SWIFT : BCGECHGGXXX - Clearing/CB : 788 - Uniquement par virement. À retouner dûment signé à Fondation Lycée français Maurice Druon - Résidence - Chemin des Hauts Crêts, 4 - CH - 1223 COLOGNY

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France-Monde Mobilité

Laréformedesretraitesenmarche

62 et 65 Leticketgagnant Allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein Depuis la loi Fillon de 2003, la durée varie en fonction des gains d'espérance de vie des retraités. 42 41,5 41 40,5 40 39,5 39

41,31

2

• Le relèvement de l'âge de la retraite dans l'UE Les pays qui ont réformé leur système de retraite ont choisi d'étaler leur réforme sur de longues périodes, 30 ans et plus, quand la France la bouclera en 7 ans.

41,52

41 40 2010

1

LA RÉFORME DES RETRAITES, DÉCRIÉE PAR DES MILLIONS DE MANIFESTANTS LES 7 ET 23 SEPTEMBRE A FRANCHI UNE ÉTAPE AVEC L'ADOPTION DU PROJET DE LOI EN PREMIÈRE LECTURE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE. LE VERROU DES 60 ANS A SAUTÉ. PERSONNE OU PRESQUE N'ÉCHAPPERA AU RELÈVEMENT À 62 ANS DE L'ÂGE LÉGAL DU DROIT À PENSION ET À 67 ANS POUR LA RETRAITE À TAUX PLEIN. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AVAIT PRÉVENU, LA RÉFORME N'EST PAS NÉGOCIABLE DANS SON PRINCIPE ET TRÈS PEU SUR SES GRANDES LIGNES. UNE CONCESSION A ÉTÉ FAITE SUR LA PÉNIBILITÉ. INSUFFISANT POUR LES DÉPUTÉS DE L'OPPOSITION QUI ONT RÉSISTÉ NUITAMMENT, ET POUR LES SYNDICATS, QUI ONT ENCORE MANIFESTÉ LES 2 ET 12 OCTOBRE. LE GOUVERNEMENT A FAIT LA MOITIÉ DU CHEMIN. LES SÉNATEURS ADOPTERONT LE TEXTE EN L'AMENDANT EN FAVEUR DES FEMMES ET DES HANDICAPÉS, AVEC L'AVAL DE L'EXÉCUTIF. PLIÉE LA GRANDE RÉFORME DU QUINQUENNAT QUI NE FIGURAIT PAS AU PROGRAMME PRÉSIDENTIEL DE 2007 ? UNE RÉFORME QUI NOUS RAPPROCHE DES NORMES EUROPÉENNES. QUELLES CONSÉQUENCES POUR LA RETRAITE DES EXPATRIÉS ? TENANTS ET ABOUTISSANTS...

2012

2013

2020

Impact sur les générations 1953 et 1954. Estimations de l’Insee.

Pays

Relèvement de l’âge légal

Allemagne

de 65 à 67 ans d’ici à 2029

Autriche

de 60 à 65 ans pour les femmes d’ici à 2033

Danemark

de 65 à 67 ans d’ici à 2027

Italie

de 60 à 61 immédiatement et à 65 après 2035

Pays-Bas

de 65 à 67 ans d’ici à 2037

Royaume-Uni

de 65 et 60 ans pour les femmes à 68 ans en 2046

Sources : commission européenne 2009

Les mesures d’âge Génération

Age légal

Date d’effet

Age taux plein

Date d’effet

Juillet 1951

60 ans et 4 mois

Novembre 2011

65 ans et 4 mois

Novembre 2016

Janvier 1952

60 ans et 8 mois

Septembre 2012

65 ans et 8 mois

Septembre 2017

Janvier 1953

61 ans

Janvier 2014

66 ans

Janvier 2019

Janvier 1954

61 ans et 4 mois

Mai 2015

66 ans et 4 mois

Mai 2020

Janvier 1955

61 ans et 8 mois

Septembre 2016

66 ans et 8 mois

Septembre 2021

Janvier 1956

62 ans

Janvier 2018

67 ans

Janvier 2023

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FRANCEMAGAZINE N°31 38 HIVER 2010

• Relèvement progressif de l'âge ouvrant droit à pension et de l'âge de la retraite à taux plein.


France-Monde Mobilité LE DÉPART ANTICIPÉ SANS DÉCOTE • Pénibilité, un début de reconnaissance : les personnes dont le taux d'incapacité est d'au moins 10%, pourront partir à 60 ans au taux plein, sans avoir à justifier de la durée d'assurance requise. Renforcement de la prévention avec obligation faite aux entreprises de négocier un accord collectif de branche en vue d'allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles. • Dispositif des “carrières longues” élargi : départ à 58 ou 59 ans pour les personnes nées avant le 1er janvier 1956 qui ont débuté leur activité professionnelle à 14 ou 15 ans et à 60 ans pour ceux qui ont débuté à 16 ans. Désormais, le départ à 60 ans est ouvert aux personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans. • Retraite anticipée des fonctionnaires en “service actif” : report de l'âge - selon les cas - de 50 à 52 ans et de 55 à 57 ans pour les générations nées à partir du 1er juillet 1956, avec plein effet en 2018 sur les générations nées à partir du 1er janvier 1961. Cas des militaires, policiers, douaniers, contrôleurs aériens, pompiers professionnels, infirmiers... • Les régimes spéciaux épargnés : le relèvement de l'âge de la retraite pour ces régimes n'interviendra qu'en 2017. Un sursis qui tient compte du calendrier de la réforme de 2008. • Les régimes de retraite visés par la réforme : régime général, salariés et exploitants agricoles, professions artisanales, industrielles et commerciales, professions libérales et avocats, ministres du culte, fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales. • Les régimes complémentaires ne sont pas inclus mais ils devraient s'aligner en modifiant leurs règles internes (AGIRC et ARRCO, régimes des travailleurs non-salariés non agricoles, IRCANTEC). HARMONISATION PUBLIC/PRIVÉ • La cotisation vieillesse, plus chère pour les fonctionnaires : comblement en 10 ans de l'écart de 2,7 points de la cotisation sa-

lariale des fonctionnaires (7,85%). Progressivité : 0,27 point de plus par an pour atteindre en 2020 le taux de 10,55% du secteur privé. • Fin du privilège de retraite “15 ans de services - 3 enfants” qui permettait aux fonctionnaires et aux militaires de partir à la retraite à tout âge dès lors qu'ils ont effectué 15 ans de services et ont eu 3 enfants. Effet au 1er janvier 2012. Cette possibilité reste ouverte aux parents d'enfant handicapé à 80%. INCITATIONS À PROLONGER L'ACTIVITÉ DES SALARIÉS • Une surcote plus attractive pour les mordus du travail : le gain sur la pension pour les périodes travaillées au-delà des annuités requises passe de 0,75 à 1,25 point dans le privé. Dans le public, la surcote est de 5 % depuis 2009. • Pas de mise à la retraite d'office avant 70 ans, au lieu de 65 ans révolus. • Aide à l'embauche des seniors pendant un an pour les plus de 55 ans inscrits au Pôle Emploi. • Pas d'harmonisation sur la détermination des salaires servant de base au calcul de la pension de retraite. Le statu quo est maintenu aux 25 meilleures années dans le privé et aux 6 derniers mois dans le public. L'INFORMATION AU CŒUR DE LA RÉFORME 3 nouveaux outils pour renforcer l'information : • Envoi à tout assuré d'un document explicatif sur le système de retraite par répartition après la première année de validation d'au moins une période,

Un “business plan” pour financer la réforme • Situation en 2010 : déficit 10,7 milliards €et une dépense publique de 12,5% du revenu national, contre environ 7,5% en moyenne au sein de l’OCDE. • Economie générée par les mesures d’âge : 2 milliards € en 2011 et 20 milliards en 2020 comblant la moitié du besoin de financement tous régimes de retraite confondus. Les mesures dans la fonction publique rapporteront 4,4 milliards. • Recettes fiscales nouvelles en 2011 : 3,7 milliards € Relèvement de la tranche supérieure de l’impôt de 40 à 41%, hors bouclier fiscal ; augmentation de 1% des prélèvements sur les plusvalues de cessions mobilières et immobilières et du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts ; accroissement des prélèvements sur les stock-options passant de 10 à 14% pour l’employeur et de 2,5 à 8% pour le salarié ; augmentation des prélèvements sur les retraites chapeaux, pour l’entreprise opérés dès le premier euro de rente versé et pour le bénéficiaire sous forme d’une contribution sociale de 14% ; annualisation du calcul des allègements de charges.

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France-Monde Mobilité >>

Les contre-propositions socialistes

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as de report de l’âge légal et de l’âge taux plein de la retraite. Instauration d’un système universel et personnalisé avec liberté de choix pour chacun de prendre sa retraite à partir de 60 ans. Refonte en profondeur du mécanisme d’élaboration des retraites et élargissement de l’assiette de cotisations à tous les revenus du travail et du capital. Pas d’accord au sein du parti pour une abrogation de la réforme 2010 en cas de retour au pouvoir.

la règle de limitation de la portée des règles nationales de non-cumul. Elle a apporté des assouplissements permettant à une personne qui a travaillé sur le territoire de deux ou plusieurs Etats de déposer sa demande auprès de l'institution de l'un ou l'autre des Etats concernés. Auparavant, la demande était obligatoirement faite auprès de l'institution du pays de résidence dès lorsque l'assuré a relevé, à un moment donné, de cette législation. www.cleiss.fr

• Possibilité, à partir de 45 ans, de bénéficier d'un entretien sur les droits constitués dans un régime obligatoire ; • Possibilité de recevoirun relevé de situation individuelle par voie électronique. Pour en savoir plus : GIP Info retraite > www.info-retraite.fr www.retraites2010.fr/accueil Retraite des expatriés, recul de l'âge et cumul des pensions. Le report de l'âge de départ s'applique à la retraite française des expatriés. Pendant la période de travail à l'étranger, ils sont rattachés au regime de retraite du pays d'accueil.

www.expatria-cum-patria.ch

RACHAT DE COTISATIONS VIEILLESSE, BIENTÔT PLUS CHER

f.delagrave@orange.fr

Plusieurs cas se présentent pour la liquidation : 1> Les périodes effectuées dans un pays sans convention de sécurité sociale avec la France ne sont pas prises en compte dans la retraite française, sauf si la personne a souscrit une assurance volontaire en France. 2> Les périodes effectuées dans un pays lié par convention avecla France sont prises en compte. 3> Pour les périodes effectuées dans plusieurs pays sous convention, une seule convention, la plus avantageuse, est appliquée avec un risque de minoration de la retraite. L'assurance volontaire vieillesse peut corriger cet inconvénient. 4> Pour les périodes effectuées dans un Etat de l'Union européenne, la totalisation des périodes d'assurance est appliquée (double liquidation). Chaque institution doit examiner les droits d'une part au regard de sa seule législation, d'autre part compte tenu des règles de totalisation-proratisation et servir à l'assuré le montant le plus avantageux. L'entrée en vigueur, le 1er mai 2010, des règlements CE 883/2004 et 987/209 a modifié

Françoise Delagrave

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Le Parlement a modifié les conditions de rachat de trimestres effectués à l'étranger, avec effet au plus tard le 1er janvier 2011. Un assuré âgé de 60 ans et disposant de revenus supérieurs à 34 620 € (plafond de la tranche A), devra verser 4 273 € pour racheter un trimestre contre 1 533 € avec le dispositif actuel, pour un rendement nettement inférieur. N


FNACA Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie 37-39 rue des Gâtines - 75020 Paris • Tél. 01 44 62 86 62 • www.fnaca.org

Le CGOS (Comité de Gestion des œuvres sociales) > SOLIDARITÉ CENTRE FAMILIAUX DE VACANCES • Subventionne des Fonds Sociaux Départementaux • Intervient pour les catastrophes collectives • Participe aux prix de journée des séjournants • Réduction à caractère social pour les adhérents en difficulté > ANIMATION ET CONVIVIALITÉ • Accueil, fréquentation et gestion des Centres Familiaux de Vacances • Séjours des Comités et Groupes “Le Mont-Blanc” • Ouverture aux familles FLUMET (Savoie) “Errota-Berria” ASCAIN (Pays Basque) Au cœur du Val À 6 km de l’océan et au pied de la Rhune. d’Arly, près des pistes. 36 chambres 26 chambres - 10 studios

Son service juridique

> Au plan local, départemental et national, la FNACA anime une structure juridique et sociale à la disposition de ses adhérents pour traiter : • du droit à réparation, notamment au plan des séquelles résultat des blessures et maladies contractées ou liées au service, • du choix de médecins ou d’avocats propres à conseiller et défendre, • des renseignements ou interventions concernant les problèmes divers relatifs à la vie du citoyen. > Il met à disposition de chacun des ouvrages où des fiches techniques qui lui sont propres. > Il veille à l’application de l’égalité des droits entre génération du feu ou acteurs d’un même conflit, et intervient dans leur amélioration. Il étudie la législation propre au monde combattant et veille à la diffuser et à la faire comprendre.

“L’Ancien d’Algérie” > LE PLUS FORT TIRAGE DE LA PRESSE COMBATTANTE (OJD) • Le seul mensuel spécifique des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie • De nombreuses rubriques aui traitent l’action et le souvenir • Chaque numéro est expédié à tous les parlementaires pour les informer de notre situation et de nos revendications • 85 départements éditent un supplément départemental encarté

Le CVL (Club Vacances Loisirs) > Séjours en France et à l’étranger pour les vacances d’été ou d’hiver > Voyages en groupes, toutes destinations > Croisières

B U L L E T I N D ’A D H É S I O N À remplir et à envoyer à : FNACA - BP 438 - 1208 Genève Je soussigné souhaite adhérer à l'association la FNACA. NOM : ………………………………………………………… Prénom: …………………………………………………… Adresse : ………………………………………………………………………………………………………………………… Marceau KAUB Délégué Général de la FNACA pour la Suisse kaub@net2000.ch Tél.00.41.78.708.22.71

Tél: …………………………………………………… Courriel : ……………………………………………………………… Date et lieu de naissance : …………………………………………………………………………………………… Régiment : ………………………………………………………………………………………………………………………… Bon pour Accord (manuscrite) Lieu & Date

Signature

Victor NAHUM Délégué de la FNACA pour la Suisse Romande macnahum@bluewin.ch Tél. 00.41.79.789.00.00


Les Français face au droit suisse

Mariage etrégime matrimonial desdeuxcôtésdelafrontière QUEL EST L’EFFET SUR LE RÉGIME MATRIMONIAL D’ÉPOUX FRANÇAIS LORSQUE CES DERNIERS TRAVERSENT LA FRONTIÈRE POUR S’ÉTABLIR EN SUISSE ? C’EST À CETTE QUESTION QUE RÉPOND LE PRÉSENT ARTICLE.

l existe de nombreuses similitudes entre le droit français et le droit suisse en matière de régime matrimonial mais également des différences relativement importantes. Première différence purement formelle (et anecdotique !) : en France, il est question de régimes patrimoniaux alors qu’en Suisse on parle de régimes matrimoniaux. Voyons plus précisément ce qui distingue le droit français du droit suisse.

I

I - LES REGIMES PATRIMONIAUX DU COTE FRANÇAIS Le droit français laisse la liberté aux époux de choisir leur régime patrimonial en rédigeant un contrat de mariage avant leur union, ou éventuellement pendant leur vie commune. Cette liberté de choix permet aux intéressés d’organiser comme ils le désirent leurs relations patrimoniales, sous réserve de respecter un minimum de règles issues du statut impératif de base. Avec ou sans contrat de mariage, les époux sont obligatoirement soumis à un régime. A À la dissolution défaut de contrat de mariage devant notaire, la loi française prévoit que les époux sont du mariage, soumis au régime légal qui est la commule patrimoine nauté de biens réduite aux acquêts. Il est important de relever que les régimes constitué pendant la patrimoniaux peuvent faire l’objet d’aménavie commune est gements en fonction des objectifs recherchés par les époux et être modifiés durant la partagé en deux vie commune. Un acte notarié, soumis à hoparts égales, mologation du Tribunal de grande instance, doit être établi à cet effet. excepté les biens Le droit français prévoit quatre régimes paacquis par héritage trimoniaux.

‘‘ ou donation.

1. Le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts C’est le régime de droit commun, à savoir celui auquel sont soumis les époux qui se marient sans contrat de mariage. www.expatria-cum-patria.ch

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Dans ce régime, chaque époux conserve comme biens propres les biens qu’il possédait avant le mariage ainsi que les biens reçus par héritage ou donation durant le mariage. Tous ceux acquis après, ainsi que les dettes contractées par l’un ou l’autre époux, constituent le patrimoine commun. En ce qui concerne la gestion des biens communs, chaque époux peut faire seul des actes de conservation, d’administration et de disposition sur ces biens. Toutefois, certains actes sont soumis à la gestion exclusive d’un époux ou encore à la gestion conjointe lorsque l’accord des deux époux est nécessaire. Les biens propres, quant à eux, relèvent de manière absolue des pouvoirs d’administration et de disposition de l’époux auquel ils appartiennent. Il y a toutefois une restriction à ce principe : lorsque le logement familial appartient personnellement à l’un des conjoints, ce dernier ne peut le vendre ou l’hypothéquer sans le consentement de l’autre. En ce qui concerne le passif, il se ventile également en passif propre et en passif commun. S’il s’agit du passif propre, les dettes dont chacun était tenu au jour du mariage, ou dont sont grevées les successions que l’époux recueille, lui demeurent personnelles et n’engagent que ses biens propres et ses revenus. En revanche, s’il s’agit du passif commun, la signature d’un seul époux engage tous les biens de la communauté. Lorsque la communauté de biens réduite aux acquêts est dissoute, soit par la mort de l’un des époux, soit par le divorce, la sépa-


Les Français face au droit suisse ration de corps, la séparation de biens judiciaire ou encore le changement de régime, chaque époux conserve ses biens propres et se voit attribuer la moitié de tous les biens acquis au cours du mariage et ce, quelle que soit la participation financière aux investissements. 2. La séparation de biens En France, ce régime s’applique aux époux en raison soit d’un contrat de mariage, soit d’une décision de justice prise dans le cadre de la séparation du couple. Il a pour but d’instaurer une séparation des patrimoines des époux. Tout ce que chaque époux possède au jour du mariage, recueille par succession ou achète à son nom pendant le mariage lui restera propre. Il aura le droit de le louer, de le donner ou de le vendre sans aucune restriction, à l’exception toutefois de ce qui constitue le logement familial. Pendant le mariage, chaque époux gère librement ses revenus et ses biens sous réserve de pourvoir à l’entretien des enfants et du ménage en fonction de ses ressources. Il n’existe pas de masse commune entre les époux, mais une masse indivise composée de biens acquis par les époux ensemble, soit à titre gratuit soit à titre onéreux. De même, cette masse indivise est également composée des biens pour lesquels aucun des deux époux ne peut prouver la propriété exclusive : ils sont donc réputés indivis par moitié entre les époux. Corrélativement à l’absence d’actif commun, il n’existe pas de passif commun. Chacun des époux est donc seul tenu des dettes qu’il a contractées ; l’autre n’en est aucunement responsable et ne peut être poursuivi à leur égard. Il y a cependant une exception relative aux dettes fiscales puisque les époux en sont solidairement tenus. La solidarité s’étend également aux dettes contractées pour l’éducation des enfants et pour l’entretien du ménage. En cas de dissolution du régime séparatiste, chacun des époux reprend ses biens personnels. S’il existe des difficultés pour déterminer qui est le propriétaire du bien acheté pendant le mariage par les époux, il faut alors appliquer le principe selon lequel seul le titre de propriété fait foi de la qualité du propriétaire. Quant aux biens indivis, ils seront partagés. 3. La participation réduite aux acquêts C’est un régime matrimonial hybride avec une séparation de biens pendant le mariage et une communauté réduite aux acquêts au moment de la dissolution. Pendant le mariage, c’est le régime de la séparation des biens qui s’applique : chaque conjoint conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition des biens possédés avant le mariage, des hé-

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ritages et donations, des revenus personnels, et des actifs acquis avec ses revenus personnels. Il n’y a donc pas de masse commune. En revanche, à la dissolution du mariage, le patrimoine constitué pendant la vie commune est partagé en deux parts égales, excepté les biens acquis par héritage ou donation. Les époux demeurent personnellement propriétaires des biens qu’ils ont acquis à leur nom au cours du mariage comme de ceux qu’ils possédaient en se mariant ou qu’ils ont acquis par succession. L’enrichissement est partagé par moitié entre les deux conjoints. Le déficit reste à la charge de l’époux concerné. 4. La communauté universelle C’est le régime le plus simple (un seul article !). Il s’agit là d’une extension du régime de la communauté de biens réduite aux acquêts dans la mesure où la communauté est élargie à la totalité des biens des époux. Tous les biens, meubles et immeubles que les époux possèdent au jour de leur mariage, ceux qu'ils pourront acquérir par la suite ou recueillir par succession, donation ou legs forment une seule masse commune. Corrélativement, toutes les dettes sont à la charge de la communauté, quelle que soit leur nature ou leur origine. Les époux disposent des mêmes pouvoirs que ceux placés sous le régime de la communauté légale, ce qui implique une cogestion des biens par les époux. Ce régime nécessite un contrat de mariage établi devant le notaire avant le mariage. II. LES REGIMES MATRIMONIAUX DU COTE SUISSE Le droit suisse connaît trois régimes matrimoniaux : • Le régime de la participation aux acquêts • Le régime de la communauté de biens • Le régime de la séparation de biens. Le régime de la participation aux acquêts ne nécessite pas la conclusion d’un contrat. Il s’agit du régime légal applicable lorsque

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Les Français face au droit suisse

gime par contrat notarié. En cours de mariage, les époux peuvent modifier leur régime matrimonial.

1. La participation aux acquêts La participation aux acquêts selon le droit suisse est proche de la communauté de biens réduite aux acquêts du droit français. Pour chacun des époux, ce régime comprend deux masses de biens distinctes : • Les biens propres • Les acquêts. Les biens propres de l’époux sont constitués : • des biens lui appartenant avant le mariage • des biens successoraux lui revenant pendant le mariage • des biens reçus en donation pendant le mariage. Les acquêts comprennent les biens acquis par chacun des époux à titre onéreux (revenus de son travail et de ses biens propres). Chaque époux gère ses acquêts et ses biens propres et répond de ses dettes. A la dissolution du régime (par décès, divorce ou changement de régime), le bénéfice de l’union conjugale est partagé par moitié entre chaque époux. 2. La communauté de biens La communauté de biens se compose : • de biens propres • de biens communs. Les biens propres sont constitués par contrat de mariage ou donation. Les biens communs comprennent les biens et revenus qui ne sont pas des biens propres, étant précisé qu’il y a une présomption légale que les biens sont communs s’il n’est pas prouvé qu’ils sont des biens propres. A la liquidation de la communauté de biens, chaque époux reprend ses biens propres ainsi que les biens communs qui auraient été qualifiés de biens propres sous le régime de la participation aux acquêts. Les biens communs restants sont partagés par moitié entre les époux. 3. La séparation de biens Le régime de la séparation de biens du droit suisse et du droit français est assez proche. www.expatria-cum-patria.ch

Chaque époux administre ses propres biens. Le bien est présumé être copropriété entre les époux lorsqu’il n’est pas prouvé qu’il appartient exclusivement à l’un ou l’autre des époux. A la dissolution du régime, chaque époux conserve son bien. Les biens en copropriété sont attribués, sur demande, à l’époux qui justifie d’un intérêt prépondérant à charge pour lui d’en payer la contre-valeur à l’autre conjoint. III. QUELLES CONSEQUENCES POUR LES FRANÇAIS ETABLIS EN SUISSE ? C’est la loi fédérale suisse sur le droit international privé qui règle cette question. Les époux peuvent choisir le droit, suisse ou français, qui sera applicable à leur régime matrimonial. Cette élection de droit doit faire l’objet d’une convention écrite dont la validité est régie par le droit choisi. Le droit choisi reste applicable aussi longtemps que les époux n’ont pas modifié ou révoqué ce choix. Si les époux n’ont pas fait d’élection de droit (ce qui représente sans doute la plus grande majorité des cas), leur régime matrimonial est en principe régi : • par le droit suisse si les deux époux sont domiciliés en Suisse en même temps • par le droit français si, en dernier lieu, les deux époux ont été domiciliés en France en même temps. En cas de transfert du domicile des époux de France en Suisse, le droit suisse est applicable et rétroagit, sauf convention écrite contraire, au jour du mariage. Le changement de domicile de France en Suisse n’a toutefois pas pour effet de soumettre le régime patrimonial des époux français au droit suisse lorsque : • les époux ont convenu par écrit de maintenir l’application du droit français à leur régime patrimonial • les époux sont déjà liés par un contrat de mariage. Le contrat de mariage est valable à la forme s’il est conforme au droit de l’Etat où il a été conclu ou s’il satisfait aux conditions de droit applicable au régime matrimonial. En cas de divorce, c’est le droit suisse qui est applicable sauf si les deux époux sont de nationalité Cassandre Dodard Patrick Blaser française et qu’un seul AVOCAT, ETUDE UNIVERSITÉ des époux est domicilié B OREL & BARBEY CATHOLIQUE DE LILLE en Suisse. Dans ce derJUGE SUPPLÉANT À EN STAGE À L’ETUDE nier cas, le droit français BOREL & BARBEY DE LA COUR DE JUSs’applique au divorce. N TICE, GENÈVE GENÈVE

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patrick.blaser@borel-barbey.ch

>> les époux n’ont pas convenu d’un autre ré-



Santé prévention ’évocation de ce syndrome vous fait peut-être sourire. Pour ceux qui travaillent effectivement selon un rythme classique de semaine, c'est-à-dire du lundi jusqu’au vendredi, la sensation de difficulté de retour au travail après le week-end vous est certainement familière. Au-delà de la réalité du manque d’entrain ou de motivation, ou tout simplement de l’envie de prolonger le bien-être du repos de fin de semaine, il existe une pathologie bien réelle appelée “syndrome du lundi matin”, dont souffrent nombre de personnes travaillant essentiellement dans un bureau. En effet, il a été observé chez ces dernières, notamment en bureaux climatisés, des signes cliniques objectifs et subjectifs se manifestant dès les pre-

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Vivement mardi! LE SYNDROME DU LUNDI MATIN

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mières heures de présence au travail, suite à une fin de semaine passée dans un air plus sain. Les principaux symptômes relevés touchent au système respiratoire essentiellement, ainsi qu’à l’affection des muqueuses : toux, oppression thoracique, difficultés respiratoires, yeux et gorge irrités, etc. Certains ressentiront, quant à eux, des difficultés de concentration, des maux de tête ou encore un véritable sentiment de découragement. Les douleurs musculaires, également, ne sont pas à négliger : les maux de dos sont les premiers cités, mais d’autres troubles musculo-squelettiques notamment les douleurs de bras ou de poignets ont été cités par les personnes se plaignant de ce syndrome. Qui est le principal responsable ? S’il n’est pas évident d’adapter un bureau à toutes les


Santé prévention exigences ergonomiques pour assurer un total respect de notre santé, le stress est mis en première ligne de responsabilité. En effet, il a été constaté que certains bureaux, même adaptés à l’ergonomie de ses utilisateurs, ne permettaient pas d’assurer une qualité de travail optimale : la pression du travail exercée sur les employés provoquant une fragilisation du corps, liée aux mauvaises positions que l’employé n’arrive plus à corriger. La priorité est naturellement d’assurer une ergonomie idéale pour tous les employés de bureau. Apprendre à gérer un stress important est, bien sûr, essentiel. Maintenant, si ce sont vos collègues ou le travail en luimême qui vous font partir à reculons au bureau le lundi matin, il est peut-être tout

Les solutions naturelles Thym, Sauge Propolis

simplement temps de changer de travail ! Lorsqu’on évoque le nom de cette plante, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir à l’esprit l’image des garrigues odorantes de Provence, du soleil du bassin méditerranéen, des côtes espagnoles ou portugaises où elle croît en abondance, et ce jusqu’à 1 500 m d’altitude. Utilisée très souvent en cuisine pour parfumer les plats, ou encore en parfumerie dans les composants de divers produits, les vertus du thym ne se limitent pourtant pas à son goût et son odeur particuliers. Avant d’être un excellent condiment, le thym est surtout l’ennemi numéro un des toxines. Sa tige fleurie est inscrite à la pharmacopée française au même titre que son huile essentielle. Mais ses feuilles peuvent être également utilisées. Par son essence, le thym permet de faciliter la digestion par une action à la fois antispasmodique et tonique sur l’estomac, l’intestin et toutes les voies digestives. Il est également largement préconisé dans les traitements de voies respiratoires

(rhumes de cerveau, bronchites, rhino-pharyngites, etc.), mais son action sudorifique lui vaut aussi une place privilégiée dans les traitements anti-rhumatismaux et anti-grippaux. « Sa vertu première est d’être le traitement prophylactique idéal des maladies hivernales : c’est un vaccin contre la grippe remarquable. » (“Le petit livre d’or des plantes et autres éléments naturels de bonne santé”, Info Mag, aux Editions Flora). Soulignons encore ses vertus cicatrisantes et désinfectantes en usage externe : au Maghreb, le thym est associé à de l’huile d’olive en décoction afin de nettoyer et désinfecter les plaies. Enfin, notons une expérience étonnante qui fut menée dans la petite ville de Riaz, près de Bulle en Suisse. Un enseignant d’école publique y a en effet observé un taux d’absentéisme exceptionnellement faible pendant une saison d’hiver durant laquelle il servait tous les matins une tasse de tisane de thym bio à ses élèves sucrée avec du miel. N

Cadeaux !

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ous vous proposons d’offrir aux 20 (vingt) premières personnes qui téléphoneront au 021 626 04 41 un spray à base de Propolis et d’Eucalyptus.

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Jean Jacques Descamps

jjdescamps@thermalp.ch

Pendant le week end • Verser 1 litre d’eau bouillante sur 2 pincées de thym bio + 2 pincées de sauge officinale bio • Laisser infuser 2 minutes, filtrer • Ajouter 30 gouttes d’actiplante de propolis • Sucrer avec du miel • Boire chaud ou froid durant la journée • De plus, tamponner plusieurs fois par jour les muqueuses du nez à l’aide d'un coton imbibé de quelques gouttes de Propolis. • Utiliser également plusieurs fois par jour le spray à base d’eucalptus et de propolis Le thym bio du jardin de jacky (www.lejardindejacky.ch)


À l’écoute de…

EvelynePéquignot chanteuse,bâloise etfrancophone LORS DU DERNIER “EM BEBBI SY JAZZ”, LA GRANDE FÊTE DE JAZZ DE LA VILLE DE BÂLE AU MOIS D’AOÛT, J’AI RENCONTRÉ EVELYNE PÉQUIGNOT, UNE CHANTEUSE ÉTONNANTE DONT LA VOIX EST, À MON AVIS, UN MÉLANGE DE KIRI TE KANAWA POUR LA PUISSANCE ET DE VAYA CON DIOS POUR LE TIMBRE MAIS QUI A SON STYLE BIEN PARTICULIER. ENCHANTÉ PAR SA VOIX, J’AI VOULU EN SAVOIR PLUS. ELLE M’A FAIT L’HONNEUR DE BIEN VOULOIR ME RECEVOIR. RENCONTRE AVEC UNE MERVEILLEUSE ARTISTE. RENCONTRE AVEC UNE BELLE HISTOIRE DE VIE.

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À l’écoute de… a plaque sur la porte ne laisse aucun doute : Evelyne Péquignot, Chanteuse et Professeur de chant. Evelyne m’accueille dans son atelier de chant, au dernier étage d’un immeuble situé au centre-ville de Bâle.

L

> France-Magazine : Evelyne, votre prestation lors d’Em Bebbi sy Jazz a été fantastique ; malgré l’heure tardive, il y avait foule à vous écouter et à vous applaudir. Depuis quand chantez-vous ? Comment tout a-t-il commencé ? Evelyne Péquignot : pas si longtemps que cela. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je n’ai pas commencé à l’enfance. J’ai débuté à 26 ans. Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour, je sois capable de chanter devant un public. J’étais de nature plutôt timide et en principe, ce n’est pas une bonne prédisposition pour être chanteuse. Mais voilà, la vie réserve des surprises. Mon métier de base, c’est graphiste. C’est la profession que j’exerçais jusqu’à mes 26 ans. Un métier où j’ai beaucoup donné pendant de nombreuses années et puis un jour mon corps m’a envoyé un message et m’a dit “non”. J’étais épuisée et j’ai dû m’arrêter de travailler pendant de longs mois. C’est à ce moment-là que l’idée de me mettre à chanter a commencé à s’imposer en moi. Ce fut une expérience de la vie ; ce n’était pas beau mais cela m’a donné beaucoup de forces pour faire autre chose. Le chant a toujours été une passion mais pour moi, chanter c’est un peu se mettre à nu devant les autres car il faut montrer tous ses sentiments. Cela rend très vulnérable aux critiques car la voix, on peut la travailler mais pas la changer ; ce n’est pas comme un instrument de musique. Pendant ma convalescence, j’ai eu la chance de rencontrer deux chanteuses à Baden qui m’ont beaucoup aidé et appris à travailler ma voix. J’ai pris des cours pendant deux ans chez elles et ensuite, elles m’ont appris à donner des cours de chant par moi-même. J’ai recommencé à travailler à 80 % et, en parallèle, je donnais des cours. Je n’ai pas de diplômes, j’ai tout appris sur le tas. En 2005, j’ai décidé de diminuer mon travail de graphiste à 50 % et concentrer le reste de mon temps aux cours de chants. J’ai trouvé

« Chanter avec Johnny, cela n’arrivera jamais mais j’aime rêver ! »

un atelier, où nous nous trouvons actuellement, et augmenté ma clientèle. Je voulais donner à d’autres ce que j’avais reçu. En 2007, j’ai complètement arrêté mes activités de graphiste et me consacre entièrement à mon atelier de chant. C’est un grand saut en avant, mais ça joue ou ça ne joue pas, et si ça ne joue pas et bien je verrais à ce momentlà ! Ce n’est que depuis mon arrêt de travail que je vois la vie de cette façon. Financièrement ce n’est pas aussi bien qu’avant mais je suis beaucoup plus heureuse ; je suis libre de mes choix. Mais en ce moment, cela marche plutôt bien puisque j’ai même une liste d’attente ! (rires). > FM : En principe, lorsque l’on a une passion, on a souvent aussi une référence ou une “idole”. Est-ce le cas chez vous ?

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À l’écoute de… >> E. P. : OUI ! J’adore Johnny Hallyday. Mon

rêve serait de chanter une fois avec lui ; mais ce n’est qu’un rêve et je ne pourrais jamais me le permettre. Cela n’arrivera jamais mais j’aime rêver ! Pourquoi j’aime Johnny ? Parce que je trouve qu’il est très proche du blues et le blues me plaît beaucoup car pour moi, c’est la musique qui raconte la vie. C’est une musique qui n’est pas artificielle, une musique pure, une musique qui vient du cœur, mon coup de cœur. Quand Johnny chante… (soupirs), il a tellement d’émotion dans sa voix, dans sa personne. Je l’admire beaucoup. Je le connais à travers mes parents qui ont beaucoup de disques et c’est dommage qu’il ne soit pas plus connu en Suisse alémanique. Je trouve qu’il est super. Même si j’adore le blues, ce n’est pas nécessairement ce que j’enseigne à mes élèves ; je veux qu’ils prennent d’abord confiance en eux-mêmes et peu importe le genre musical. > FM : Merci pour toutes ces explications sur votre activité de professeur de chant, de plus amples renseignements se trouvent sur www.vocal-coach.ch, mais maintenant, parlons un peu d’Evelyne chanteuse, ou plutôt de Little Chevy, puisque c’est votre nom de scène.

LITTLE CHEVY & THE MOJO SWAMP E. P. : Ah oui, toute petite, on m’appelait Evy et lorsqu’il a fallu trouver un nom, j’ai voulu garder la consonance dans le nom de scène. Chevy sonnait bien, et puis c’est un clin d’œil à un autre Suisse. Comme je ne suis pas grande… j’ai mis “little” devant (rires). Le groupe Mojo Swamp existait déjà depuis quelque temps et nous nous connaissions. Il y a un peu moins d’un an, nous avons, un peu par hasard, fait un essai ensemble et comme cela sonnait plutôt bien, nous avons décidé de nous associer en devenant “Little Chevy & the Mojo Swamp”. > FM : Je suppose que cela demande beaucoup de travail et de coordination. Qu’avez-vous déjà accompli et quels sont vos projets d’avenir ? E. P. : Effectivement, nous avons beaucoup travaillé pour nous accorder et créer nos propres chansons, même si nous reprenons d’autres titres. Pour moi, une chanson doit représenter une situation de vie, une petite histoire en soi. Et puis il y a eu cet encourawww.expatria-cum-patria.ch

En haut : “Little Chevy & the Mojo Swamp”. En bas : Les “Vocal Nights”.

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gement lors du festival “Out of the blues” à Samedan dans les Grisons en janvier 2010. Nous sommes arrivés malades après le trajet sur les routes de la région qui sont sinueuses et tortueuses ; c’était notre première représentation ensemble et… nous avons gagné le 1er prix ! Premier concert et premier prix, c’est un bon début, non ?! Ensuite, nous nous sommes produits sur différentes scènes, au Blues Festival de Laufon, à la Jazz Parade de Fribourg, au Bebby Jazz de Bâle, en tout une trentaine de concerts en moins d’un an. C’est super ; je suis vraiment très fière. Nous nous entendons très, très bien et j’espère que cela continuera comme


À l’écoute de…

> FM : Alors justement Evelyne, vous êtes Suisse allemande et vous chantez en anglais. Avez-vous des projets de chanter en allemand ou en français, car si l’on prend Johnny en exemple, le blues peut aussi se décliner en français. D’ailleurs, toute notre discussion est en français ; c’est une langue que vous maîtrisez parfaitement ! E. P. : Oui je suis suisse mais mon père est français ! Et j’ai également du sang italien et allemand dans les veines, mais non, je ne peux pas m’imaginer chanter le blues en allemand… ni en suisse allemand d’ailleurs. Par contre, j’ai un projet de chansons en français effectivement. Le blues, c’est aussi des sonorités gitanes, cela se chante avec des langues autres que de l’anglais. Lorsque je chante en concert, je veux montrer différentes situations de la vie ; certaines sont gaies, certaines sont tristes mais cela fait partie de la vie, cela fait partie du blues. Le blues, c’est aussi un formidable message d’encouragement et je vais voir à faire passer ce message en français aussi. > FM : Intéressant, je pense que tout cela sera publié sur votre site, www.littlechevy.ch. Dernière question, Evelyne, vous avez évoqué le fait que vous vouliez donner ce que vous avez reçu. Je sais que vous êtes l’initiatrice des “Vocal Nights”, les nuits vocales de

Bâle. Pouvez-nous nous expliquer ce que c’est et pourquoi vous avez créé cet événement. Est-ce votre côté altruiste ?

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Toute petite, on m’appelait Evy et lorsqu’il a fallu trouver un nom, j’ai voulu garder la consonance dans le nom de scène. Chevy sonnait bien, et puis c’est un clin d’œil à un autre Suisse. Comme je ne suis pas grande… j’ai mis “little” devant.

LES “VOCAL NIGHTS” E. P. : J’ai voulu créer quelque chose pour des chanteuses et des chanteurs doués mais sans pour autant en faire un concours ni un simple spectacle de fin d’année. Je voulais créer quelque chose où mes élèves pouvaient s’identifier et avoir un projet personnel. La plupart de mes élèves sont des employés et le chant est un loisir, alors cela leur permet de sortir de l’ordinaire… de vivre peut-être un rêve. C’est ma façon d’encourager les belles voix et de partager ma passion aussi. Je mets un point d’honneur à ce que le public soit constitué de passionnés et pas seulement des familles de mes élèves. D’ailleurs, certains ont trouvé du travail dans des groupes de musique suite à leur prestation. > FM : Mais cela demande une organisation certaine ! Depuis quand existent ces nuits vocales ? E. P. : C’est du travail effectivement, mais je suis bien aidée, même si ma charge demeure importante. Les “Vocal Nights” existent depuis 2006 et cette année, nous avons fêté notre 5e représentation. Il y avait beaucoup de monde mais déjà, la première année, nous avons dû refuser plus de 100 personnes, faute de place. Ceci est autofinancé et je suis heureuse d’avoir des sponsors qui nous soutiennent, mais chaque année voit la facture s’alourdir, aussi de nouvelles aides seraient les bienvenues ! Traditionnellement, c’est en septembre de chaque année. La prochaine édition sera donc en septembre 2011, mais la date finale n’a pas encore été arrêtée ; je vous conseille de vérifier sur www.vocal-night.ch pour la date officielle.

’’ dassandri@bluewin.ch

ça. Ce que j’aimerais pour le futur c’est d’être connus en Suisse romande aussi ; l’expérience fribourgeoise a été enrichissante et cela me plairait beaucoup d’être invitée dans d’autres régions. L’autre gros projet que nous avons, c’est de produire notre premier CD ; nous n’avons pas encore suffisamment de chansons et… de moyens financiers pour le faire. Nous tenons absolument à produire les textes nous-mêmes.

Didier Assandri

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> FM : Merci beaucoup Evelyne pour votre temps et votre récit passionnant, c’est une merveilleuse histoire que la vôtre et un formidable message. Nous vous souhaitons énormément de succès pour le futur. Voudriez-vous ajouter quelque chose en guise de conclusion ? E. P. : Simplement, si l’on croit en quelque chose et que l’on s’y engage passionnément, alors on peut atteindre son objectif. N


Rencontre avec…

Paola

Ghillani BIEN CONNUE DU PUBLIC SUISSE POUR SES PRISES DE POSITION EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, CELLE QUI FUT “JEUNE DIRIGEANT DE LA PLANÈTE” LORS DU FORUM DE DAVOS EN 2000, PRÉSIDENTE DE LA FAIRTRADE LABELING ORGANIZATIONS (FLO) DE 2001 À 2005 ET PDG DE LA FONDATION MAX HAVELAAR JUSQU’EN 2005, EST AUJOURD’HUI CHEF D’ENTREPRISE TOUT EN SIÉGEANT DANS DE NOMBREUX CONSEILS D’ADMINISTRATION, NOTAMMENT CELUI DU COMITÉ INTERNATIONAL DE LA CROIX ROUGE (CICR). RENCONTRE AVEC UNE FEMME PASSIONNANTE, UNE FEMME VISIONNAIRE. RENCONTRE AVEC PAOLA GHILLANI. ’est à Zurich, dans une ancienne imprimerie rachetée par un mécène que la fribourgeoise d’origine italienne a sis son entreprise Paola Ghillani & Friends. Mobilier d’artistes, tableaux et couleurs pastels, l’endroit abrite de nombreux talents ; un endroit qui lui sied à merveille.

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> France-Magazine : Paola, merci de bien vouloir accueillir France-Magazine, malgré votre emploi du temps très chargé, pour nous parler de développement durable. www.expatria-cum-patria.ch

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Tout d’abord, quelle en est votre définition car plusieurs écoles se la dispute. Adhérez-vous à celle de Madame Bruntland (ancienne Premier ministre de Norvège) : « un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » ? Paola Ghillani : Disons que c’est une définition un peu “politique”. Ma définition est plus liée à la gestion de l’entreprise, qu’elle soit familiale, PME ou multinationale… Et puis, cela peut aussi être un gouvernement. Donc, pour moi, le développement durable est “un processus de développement qui dépend d’un contexte”. Il ne peut pas être parfait puisqu’il dépend d’un contexte. Peut-être qu’en ce moment, nous pouvons avoir l’impression que notre développement, tel qu’il est, est durable, mais dans un ou deux ans, cela ne sera certainement plus le cas, et alors, il faudra apporter des modifications dans notre façon de développer de manière à permettre d’être encore plus durable.


Rencontre avec… > FM : par exemple ? P. G. : Il y en aurait certainement plusieurs à citer, mais je pense que le plus connu est le pétrole. Au départ, on pensait que c’était une matière première naturelle, mais à travers l’utilisation en masse du pétrole, que cela soit en tant que combustible ou en tant que matériau pour fabriquer du plastique, on se rend compte des effets secondaires, et cela depuis longtemps déjà. La problématique, c’est quand les lobbies industriels ou économiques sont trop forts, ils essaient de faire croire que cela n’est pas aussi dramatique, et souvent quand on se réveille, c’est trop tard. On aurait pu investir dans des énergies renouvelables il y a longtemps déjà et on serait aujourd’hui bien plus avancé ! À mon avis, on aurait dû le faire en 1973 lors de la première crise du pétrole. > FM : Ou alors trop consommer au lieu d’utiliser pleinement ce que l’on a déjà… P. G. : …Exactement ! Consommer de manière plus consciente et raisonnable. Prenons les montagnes de déchets informatiques que nous produisons. Aujourd’hui, un ordinateur est utilisé pendant 36 mois environ et puis remplacé, parce qu’il est devenu trop lent, par un modèle plus puissant. Or, très souvent, l’ordinateur n’aurait eu besoin que d’une bonne “révision” exécutée par un spécialiste. Les entreprises pourraient investir plus dans la formation poussée de leurs techniciens afin d’atteindre cet objectif, ce qui aurait pour effet de revaloriser l’employé, d’utiliser le matériel plus longtemps et donc de produire moins de déchets. > FM : Donc, cela reviendrait à recréer des emplois ? P. G. : Oui, en théorie, mais ce qui me paraît paradoxal, c’est qu’aujourd’hui, nous raisonnons toujours en terme de PIB (Produit Intérieur Brut) qui est très lié à la croissance et à l’augmentation de la productivité. Mais par augmentation de la productivité, très souvent, nous pensons à l’automatisation, donc moins de places de travail, et lorsque l’on crée des emplois, on presse les gens à un tel point qu’on oblige une personne à faire ce que deux ou trois personnes faisaient par le passé. Donc, au travers des indicateurs économiques, nous sommes en train de diminuer la création d’emploi pour augmenter la productivité.

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> FM : Justement, des voix s’élèvent dans ce sens et posent la question si le PIB est toujours une mesure fiable pour le développement durable ? P. G. : C’est que le PIB est plutôt obsolète. Il a été créé au sortir de la guerre et il est basé sur la reconstruction, la croissance, la productivité et tient seulement compte des valeurs marchandes et très peu de la valeur des gens et de leur productivité, qu’elle soit monétarisée ou pas. Par contre, ce que le PIB ne reflète pas, ce sont tous les frais encourus par cette course à la croissance et à la productivité, car les ressources sont finies et l’impact écologique d’une productivité exagérée est terrible et a un coût ; la pollution des eaux, la pollution des terres, la pollution de l’air à un coût. Un coût direct mais aussi indirect sur la santé des gens et tout ceci n’est pas pris en compte dans le PIB. Il y a bien eu Stiglitz qui s’est essayé à un PIB vert en partant du principe de garder le PIB mais en y adjoignant des comptes satellites qui tiendraient compte de l’environnement. Le problème, à mon avis, c’est qu’en gardant le PIB, on oubliera bien vite les comptes satellites.

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> FM : Alors, ce serait l’occasion de créer un NPIB, pour Nouveau PIB ? P. G. : Justement, c’est mon occupation actuelle avec un groupe de travail pour un canton suisse. Nous avons fait une analyse de tous les indicateurs existants et nous en avons trouvé un qui nous paraît intéressant, il s’agit du Happy Planet Index (HPI), mais il a aussi quelques défauts. Cet indicateur tient compte de l’espérance de vie, de la satisfaction des personnes, donc une donnée (ascendante) subjective “bottom-up” contrairement au PIB qui est “top-down” (descendant) et de l’empreinte écologique.

Aujourd’hui, un ordinateur est utilisé pendant 36 mois environ et puis remplacé, parce qu’il est devenu trop lent, par un modèle plus puissant. Or, très souvent, l’ordinateur n’aurait eu besoin que d’une bonne “révision” exécutée par un spécialiste.

Développement durable en entreprise.

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Rencontre avec… >> Mais il y manque à notre avis encore deux éléments que je ne dévoilerai pas car nous sommes toujours en train de travailler dessus. L’idée serait de créer un HPI amélioré, voire un tout nouvel indicateur.

> FM : Donc, le développement durable a un prix en dessous duquel on ne peut descendre si l’on veut remplir tous ces critères. P. G. : Tout à fait ! Il faut considérer le tout. Délocaliser aujourd’hui est peut-être moins cher mais pas forcément meilleur marché si l’on tient compte de tout. Prenez une société qui délocaliserait sa production de magazines à l’étranger ; si l’expédition se fait depuis l’étranger les frais postaux seront supérieurs à ce qu’ils étaient pour un envoi national et cela fera remonter les frais, donc moins attrayant. Mais pour en revenir au développement durable, si on avait un indicateur économique qui correspondrait mieux à la réalité des gens et de la nature et que les gouvernements l’utilisaient, forcément les entreprises seraient obligées de penser en terme de “triple bottom line” ou triple bilan en français, qui est en fait la transposition de la notion de développement durable en entreprise, ou Responsabilité des Entreprises (RE) par l'évaluation de la performance de celles-ci sous trois angles : les objectifs économiques durables, les objectifs sociétaux et les objectifs environnementaux. Ces trois objectifs sont dynamiques et ne peuvent véritablement fonctionner que s’il y a traçabilité sur la filière commerciale, s’il y a transparence des décisions et que ces décisions tiennent compte de toutes les parties prenantes et pas seulement des actionnaires comme par le passé… et encore trop fréquemment aujourd’hui. > FM : Une autre définition de développement durable qui revient souvent est “développement soutenable”. P. G. : Personnellement, je trouve cette définition meilleure que le terme utilisé habituellement de durable ; cela vient de l’anglais “sustainable development” mais la notion de “soutien” est importante car cela implique que ce que nous faisons actuellement n’est pas soutenable, donc cela cassera à un moment ou à un autre. Certains parlent aussi de développement “souhaitawww.expatria-cum-patria.ch

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J’essaie de modifier les politiques d’achats pour qu’elles ne se basent plus uniquement sur des critères de qualité, de prix et de sécurité, mais tiennent aussi compte des critères sociaux et environnementaux, surtout liés aux fournisseurs, et à la traçabilité des marchandises.

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ble”. Soutenable serait une limite en dessous de laquelle on ne peut pas aller et souhaitable serait là où il faudrait aller. > FM : Dans ce cas, on pourrait interpréter développement durable d’une façon négative par « combien de temps peut-on encore faire durer notre façon de développer… » P. G. : …C’est un langage de banquier, là ! Lorsqu’une banque parle de développement durable, elle entend par là, combien de temps peut-elle faire durer son profit ?! Mais si la population était éveillée, elle se rendrait compte que tout notre système de monétarisation est basé sur l’endettement. Ce qui veut dire que plus on est endetté, plus le PIB croît mais à crédit ; c’est quand même paradoxal, non ?! À mon avis, c’est là qu’il faut corriger quelque chose. > FM : Paola, vous êtes bien connue pour avoir dirigé la fondation Max Havelaar mais ce n’est pas toute votre carrière ; pourriez-vous nous raconter votre parcours ? P. G. : Et bien, je suis pharmacienne de profession, et j’ai commencé ma carrière dans l’industrie pharmaceutique chez Ciba/Novartis, d’abord à Nyon et puis ensuite à Bruxelles. En 1999, j’ai vu une annonce où la fondation Max Havelaar, une organisation de label du commerce équitable, cherchait un nouveau directeur. C’était une fonction qui m’intéressait car j’étais consommatrice des produits du commerce équitable mais je trouvais dommage que leur positionnement donnait l’impression de se récupérer d’une mauvaise conscience alors que moi je trouvais ça génial ; je trouvais qu’un commerce équitable avec les pays en développement était un modèle économique intéressant non seulement dans un positionnement Nord-Sud mais intéressant partout et je voulais le démontrer. J’ai été choisie et suis devenue PDG de la Fondation Max Havelaar. Durant la même période, je deviens membre du conseil d’administration de FLO International (Fairtrade Labeling Organisations) et je suis élue présidente du conseil d’administration de FLO de 2001 à 2004. Début 2005, la Fondation et moi, n’ayant plus tout à fait les mêmes objectifs, nous nous sommes séparés. Depuis le 1er septembre 2005, j’ai créé ma propre société où ma vision est d’avoir un monde meilleur à travers l’économie, en


Rencontre avec… conseillant les entreprises en stratégie et gestion lié au développement durable. Je suis aussi membre du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et siège dans divers conseils d’administration entre autre à la Migros (FCM), Helvetia Holding SA, Romande Energie Holding SA, et dans des comités d’experts de fonds de placement éthiques où j’essaie de transformer les mécanismes économiques existants en un modèle économique durable au service de l’être humain et d’en assurer le succès de sa réalisation. > FM : Peut-on déjà avoir un classement des pays les plus avancés dans la voie du développement durable ? Où en sont la Suisse et la France ? P. G. : Oui, il existe déjà des classements. La Banque Cantonale de Zurich fait de telles recherches depuis 1996 ; lors de sa dernière publication en 2009, elle classait la Suisse 2e derrière la Suède. Quant à la France, elle se classait 10e à égalité avec l’Irlande, juste derrière l’Allemagne et devant la Belgique. > FM : Une preuve d’un changement de mentalité ? P. G. : En tout cas, chez les entreprises ou administrations qui me contactent pour que je les conseille ! J’essaie par exemple de modifier les politiques d’achats pour qu’elles ne se basent plus uniquement sur des critères de qualité, de prix et de sécurité, mais tiennent aussi compte des critères sociaux et environnementaux, surtout liés aux fournisseurs, et à la traçabilité des marchandises. La volonté est d’arriver à établir des relations respectueuses, stables et de confiance entre acheteur et vendeur, et ce en toute transparence. > FM : Paola, cette discussion est fort passionnante mais il nous faut conclure. Pour la poursuite du développement durable, avez-vous une note d’espoir ? P. G. : Ayant des racines chrétiennes, je conclurai avec une phrase de Saül, qui deviendra Saint-Paul sur le chemin de Damas, et qui a dit que la clé de l’évolution de l’Humanité se résumait en 3 mots : la foi, l’espoir et l’amour. Il faut absolument que l’on redevienne Humains. N DIDIER ASSANDRI

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Genève

Pourmieux“voir”

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VOUS CROYEZ CONNAÎTRE GENÈVE ? VOUS ÊTES UN VIEUX GENEVOIS, UNE GENEVOISE ÉRUDITE, QUI REVENDIQUE TOUT SAVOIR SUR LEUR VILLE ? VOUS ÊTES UN VISITEUR OCCASIONNEL DE LA CITÉ DE CALVIN ? UN TOURISTE PLUS CURIEUX QUE LES AUTRES ? LE GUIDE GENÈVE INSOLITE ET SECRÈTE, QUE VIENT DE PUBLIER CHRISTIAN VELLAS AUX ÉDITIONS JONGLEZ, VA VOUS SURPRENDRE. NOUS AVONS DÉJÀ PRÉSENTÉ CET OUVRAGE DANS LE N° 30 DE FRANCE MAGAZINE (AUTOMNE 2010). EN VOICI QUELQUES BONNES PAGES POUR VOUS INCITER À VISITER GENÈVE DE MANIÈRE PLUS APPROFONDIE ET SORTIR DES SENTIERS TOURISTIQUES TROP BATTUS.

La fausse tombe de Calvin au cimetière des Rois à Plainpalais ean Calvin meurt dans la soirée du samedi 27 mai 1564. Il n’a que 55 ans, mais c’était déjà un vieillard souffrant d’ulcères, de la goutte, de rhumatismes, de calculs rénaux… Répugnant aux honneurs terrestres, il avait ordonné qu’on l’enterre de façon quasi anonyme, sans discours ni cantiques, et que, surtout, on n’indique pas l’endroit de sa tombe. Enveloppé dans une toile grossière, son corps est enseveli au cimetière de Plainpalais. A quel endroit ? Personne ne le sait. Ce n’est qu’en 1840, soit 276 ans après sa mort, que l’on pose une pierre, grande comme une boîte à chaussures et ne portant que les initiales J.C, à l’emplacement présumé. Au pied de l’un des quatre saules que la tradition assurait avoir été plantés sur la tombe. En vérité, Calvin a dû être enseveli dans le carré réservé à l’époque aux ministres du culte et aux professeurs : soit au pied du mur contre lequel sont appuyées d’anciennes dalles funéraires, et perpendiculairement à celui-ci. En 1999, bafouant le vœu du grand Réformateur qui avait été respecté pendant plus de quatre siècles, un élu, pour attirer les touristes et malgré un farouche concert de protestations venues des Genevois purs et durs, fit entourer l’emplacement supposé d’une grille. De façon très approximative, la fausse tombe étant disposée parallèlement au mur. La pierre J.C fut déplacée et alignée, on planta une haie basse et des dalles furent posées pour que les curieux ne pataugent pas dans la boue. Une plaque portant une inscription détaillée fut rajoutée. Tout ce que Calvin redoutait… N

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1 La fausse tombe de Calvin. 2 Calvin au Mur des Réformateurs dans le parc des Bastions. 3 Portrait de Jean Calvin (1509-1564).

À voir aux alentours La tombe de la plus célèbre prostituée genevoise À une trentaine de mètres de la tombe de Calvin, se trouve celle de Grisélidis Réal, la plus célèbre prostituée genevoise, auteur de La Passe imaginaire. En 2009, le transfert de sa dépouille au cimetière de Plainpalais, le panthéon genevois, a suscité une belle polémique.

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Genève

Des faunes mangeurs d’enfants à Champel es façades des immeubles au 33 et 35 avenue de Miremont, construits sur le plateau de Champel en 1910 par les architectes A.Boissonnas et E.Henssler, sont décorées d’étranges et massives sculptures. Celles-ci ont été exécutées par Paul Moullet, un artiste peu connu qui s’était spécialisé en France dans les monuments dédiés aux morts de la guerre de 1914-1918 (groupes des municipalités de Gorrevod – Poilu à la baïonnette, 1921 – ou Jayat, toutes deux dans l’Ain). Sur le premier immeuble, on remarque des faunes, avec cornes et pieds de bouc, qui jouent le rôle d’atlante en supportant un balcon. Les incisives écartées, ils dévorent des

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Champel : la rue Beau-Séjour était l’ancien lieu des supplices !

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Champel, le bourreau officiait autrefois en haut de l’actuelle rue Beau-Séjour (noter l’ironie de l’appellation actuelle). Le spectacle des exécutions était tant prisé des Genevois, que l’on dut même agrandir plus d’une fois la place. Le condamné le plus célèbre exécuté à Champel est Michel Servet, qui refusait le concept de la Trinité chrétienne : il fut brûlé vif le 27 octobre 1553. Les fagots du bûcher étant humides, son agonie durera des heures… Cet acte tourmentera longtemps la conscience des protestants genevois, à tel point qu’en 1903, ils élèveront une stèle de repentance à l’endroit du supplice. Le gibet de Champel ne servit plus dès le début du 18e siècle, mais ses fourches patibulaires faisaient toujours peur et retardèrent longtemps l’urbanisation du secteur.

bébés qu’ils sortent d’une hotte calée entre leurs jambes. Sur le deuxième immeuble, un couple se tourne le dos au-dessus de l’entrée. L’homme porte un heaume et une armure, la femme une cornette. Là encore, deux faunes regardent le passant en se croisant les bras. Une figure de femme à la bouche triste complète le tableau. Quelle fut la motivation du propriétaire, un certain Hoelscher, en

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es époux Georges et Ludmilla Pitoëff, les célèbres artistes d’origine géorgienne, fondateurs de la Compagnie à leur nom, ont vécu au numéro 33, de 1916 à 1922, le temps de donner le jour à Svetlana (1917) et Sacha (1920), leurs deux seuls enfants devenus acteurs sur les sept de la fratrie.

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commandant cette imagerie de conte de fées ? Les meilleurs historiens de l’architecture genevoise s’y sont cassé les dents. Peut-être s’agit-il de réminiscences personnelles ou de secrets de famille ? On remarque ainsi que seul un des enfants s’échappe de la hotte de l’ogre en se glissant le long d’une corde… Ajoutons encore que les quelques mots consacrés à ces deux étranges maisons de Champel dans L'inventaire Suisse d'Architecture (INSA), 1850-1920, signalent que ces façades sont hantées. N


Genève

Un bas-relief intrigant à Saint-Pierre : le cardinal Jean de Brogny a-t-il gardé les cochons ? 1 Haut-relief du gardien de cochons sur la façade des Macchabées. 2 Stalle de Jussy. 3 La tapisserie d’Aubusson titrée “L'enfant prodigue gardant les pourceaux”, du 17e siècle. Sûrement la clé de l’énigme !

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dolescent, le futur cardinal Jean de Brogny a-t-il gardé les cochons dans son village natal de Brogny, près d’Annecy ? La tradition l’assure et les indices semblant confirmer cette belle histoire ne manquent pas. Comme cette figure sculptée dans une encoignure de la façade de la chapelle des Macchabées, construite en 1405 pour le cardinal qui désirait y être enterré. Celle-ci représente en effet un jeune homme abrité sous un arbre, pieds nus et cape de berger, avec deux pourceaux… Une autre constatation, tout aussi troublante, se situe dans le temple de Jussy (voir photo ci-dessous), où se trouve une stalle à trois places qui proviendrait de la chapelle des Macchabées. Sur l’un des côtés de cette stalle, on remarque un homme avec trois cochons sous un chêne. Ces explications furent pourtant mises à mal en 1924 par une étude de l’historien genevois Waldemar Deonna. Celui-ci démontra en effet que Jean de Brogny n’avait jamais été porcher ni paysan, sa famille appartenant à la petite noblesse savoyarde. L’anecdote concernant la garde des pourceaux a été inventée, pro-

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Qui était Jean de Brogny ?

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emarqué pour son intelligence, Jean de Brogny gravit tous les échelons ecclésiastiques. C’est Robert de Genève, prélat savoyard devenu le premier antipape sous le nom de Clément VII en 1378 et installé en Avignon, qui l’avait appelé auprès de lui. À 37 ans, Brogny publia un “Brevarium juris” qui fit autorité. Il cumula très vite les plus hautes charges, puis rompit en 1409 avec l’antipape Benoît XIII (Pierre de Lune) et entraîna la Curie d’Avignon au concile de Pise pour résoudre le schisme. Jean de Brogny présida le Concile de Constance (1414-1418) et sera notamment évêque de Genève – sans y résider – de 1423 à 1426.

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FRANCEMAGAZINE N°31 58 HIVER 2010

Pourquoi ce nom de chapelle des “Macchabées” ?

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a famille juive de Judas Macchabée a chassé de Jérusalem les prêtres grecs du temple de Salomon en 167 avant J.-C. Or, le comte Amédée VIII de Savoie - le futur antipape Félix V - aurait donné, lors de l’édification de la chapelle, des reliques censées provenir de ces illustres Macchabées.

bablement vers le milieu du 17e siècle, et est similaire à celle attribuée au pape Sixte Quint, qui lui aussi aurait gardé les cochons dans son enfance… De même, l’histoire des souliers, cadeau qu’un artisan genevois aurait fait au jeune homme démuni arrivant à Genève (« Vous me les paierez quand vous serez cardinal ! ») aurait été inventée bien après (vers 1660), par la puissante confrérie des cordonniers genevois. Sixte Quint lui aussi aurait bénéficié de la générosité d’un cordonnier… Ce qui fait beaucoup de coïncidences ! L’explication finale résiderait en réalité dans le fait que le gardien des pourceaux pourrait symboliser tout simplement l’enfant prodigue du Nouveau Testament, souvent représenté gardant des Christian Vellas cochons sous un arbre. N



Théâtre

Saison2010-2011 Chère Madame, Cher Monsieur, Chers Spectateurs, La vie est belle parce qu'elle a une fin. Cela lui confère une valeur inestimable. Le théâtre est une formidable métaphore de la vie : un spectacle naît et s'éteint en l'espace d'une soirée. Une vie d'éphémère... Il laissera un souvenir. Parfois bon. Parfois moins. Parfois inoubliable ... Il n'y a pas de vérité absolue. Le théâtre est un Art, ne le figeons pas dans les glaces d'une éternité révolue, ne soyons ni passéistes, ni nostalgiques. Les artistes que vous côtoierez cette saison, dans l'exigence de leur passion, seront les vigies de la vivacité réjouissante de notre époque. Que nos spectacles soient stimulants plutôt que rassurants, qu'ils aiguisent nos regards attentifs, qu'ils parlent la langue intemporelle de nos cœurs. Est-ce qu'aimer le théâtre, ce n'est pas le désirer vivant, en mouvement ? Est-ce un rêve ? Peut-être, mais un rêve éveillé, de ceux qui ouvrent les portes les plus secrètes de nos âmes... Bienvenue dans les univers de notre troisième saison ! Avec curiosité, laissez-vous surprendre ! Mon équipe et moi-même vous attendons, dans cet autre chez-vous qu'est le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève. JEAN LIERMIER, DIRECTEUR

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FRANCEMAGAZINE N°31 60 HIVER 2010


Théâtre Création

Monsieur chasse ! De Georges Feydeau Mise en scène de Robert Sandoz uchotel invente des parties de chasse pour tromper sa femme Léontine qui, elle, résiste avec de moins en moins d'intensité aux avances de Moricet, meilleur ami de son mari et impénitent coureur de jupons.

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SAMUEL CHURIN DUCHOTEL CÉCILE BOURNAY MADAME DE LATOUR LAURENCE ISELI LÉONTINE DISTRIBUTION EN COURS SCÉNOGRAPHIE ET ACCESSOIRES NICOLE GRÉDY CRÉATION MUSICALE ET SONORE OLIVIER GABUS COSTUMES ANNE~LAURE FUTIN LUMIÈRES ET RÉGIE GÉNÉRALE STÉPHANE GATTONI COPRODUCTION THÉÂTRE DE CAROUGE-ATELIER DE GENÈVE, L’OUTIL DE LA RESSEMBLANCE, THÉÂTRE DU PASSAGE SPECTACLE RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DE LA BANQUE WEGELIN & CO.

Du vendredi 14 janvier au samedi 5 février 2011 Salle François-Simon près un cycle consacré au roman, Robert Sandoz et la compagnie L’outilde la ressemblance décident de confronter leur esthétique - forte présence de la musique, maîtrise incroyable du rythme, mélange des registres de jeu - à celle de Feydeau. Si le metteur en scène souligne que l'intrigue de Monsieur chasse ! fait partie des plus travaillées du répertoire de son auteur, il remarque que derrière cette mécanique implacable se cache « une comédie d'observation dans laquelle les personnages sont des funambules en équilibre entre leurs pulsions et leur volonté de confort ». Une comédie qui compose des situations amoureuses variées et, dans la lignée des pièces traitant du mariage, pose la question de la légitimité des unions. Teintée d'urgence, l'intrigue montre des personnages qui se débattent avec leurs pulsions et leur désir d'appartenance au groupe : « c'est une lutte constante entre anarchie du désir et construction de la raison qui rappelle que nous sommes toujours au cœur de nos propres épopées », souligne Robert Sandoz. Cette lecture nouvelle, d'une équipe jeune et prometteuse, réhabilite un Feydeau oublié: celui du texte et non de la simple mécanique. Un auteur qui, au travers de personnages à hurler de rire et prêts à basculer dans la folie, traque l'humain avant tout, l'humain sans concession.

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TENIR DEBOUT Contrairement à Molière ou à Labiche, on a longtemps pensé que les personnages de Feydeau ne se révélaient pas par des mots ou une position sociale. Que les rôles naissaient du corps, acteur principal mais aussi accessoire permanent de ce théâtre sentimental et quasi abstrait. Car c'est bien souvent dans un corps à corps, à cœur perdu, que l'on a dessiné la mécanique implacable des pièces de Feydeau : un ballet incessant d'entrées et de sorties, porté par un rythme qui s'accélère frénétiquement, où lits, armoires et portes, détournés de leurs usages, deviennent les instruments d'un vaste jeu sans règles où le personnage cherche un équilibre entre ses désirs et sa raison. C'est bien le texte qui fait s'enchaîner ces situations physiques suivant une logique qui n'est qu'apparente, où l'incongru règne en maître, où la folie guette à chaque instant. Et le spectateur, comme libéré de tout carcan, rit. Un rire salvateur mais grinçant, qui surgit à la vue de couples qui tentent en vain de s'aimer. Se pourrait-il que Feydeau, inventant ce comique de l'incongru bien avant Ionesco, substitue à une vie absurde et puérile une autre vie, capable de franchir les frontières du possible? N'écrit-il pas à l'encre sympathique le portrait d'une humanité qui tente désespérément de tenir debout ? N

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Théâtre Création

Harold et Maude De Colin Higgins Adaptation de Jean-Claude Carrière Mise en scène de Jean Liermier l a dix-neuf ans et ne pense qu’à mourir. À septante-neuf ans, elle est pulsion de vie. L’ange Maude ouvrira les yeux d’Harold. Une cavalcade haletante, étourdissante et délicate.

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CATHERINE SALVIAT MAUDE GAËL KAMILINDI HAROLD DISTRIBUTION EN COURS SCÉNOGRAPHIE PHILIPPE MIESCH COLLABORATION ARTISTIQUE WERNER STRUB COSTUMES CORALIE SANVOISIN UNIVERS SONORE MANU RUTKA PRODUCTION THÉÂTRE DE CAROUGE-ATELIER DE GENÈVE

Du mardi 1er au samedi 10 mars 2011 Salle François-Simon. Durée : 1h30 environ

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vec un sens de l'humour particulier, Harold, jeune homme à l'imagination fertile, invente d'improbables stratagèmes pour mettre en scène sa mort. Maude, vieille dame tout aussi créative, vole des voitures, les conduit sans permis, crée un piano à odeurs... Il a dixneuf ans. Elle, septante-neuf. Leur histoire sera celle d'une improbable rencontre amoureuse. « Je renifle dans cette fable un parfum de Peter Pan, un mythe du XXe siècle », remarque Jean Liermier qui ne perd pas de vue que « sous ses airs de Mary Poppins, Maude est une rebelle rageuse qui porte sur l'avant-bras le souvenir d'un séjour en Bavière : 0-726350 ». Dans leur folle cavalcade, les héros de cette histoire d'amour initiatique croisent une galerie de personnages fantasques : la mère, le psychanalyste, le prêtre, l'inspecteur, le jardinier... Descondensés d'humanité qui se télescopent lors d'une course contre la montre étourdissante et délicate : le manège de la vie.

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L’ANGE MAUDE Figure emblématique des années 70, Maude continue aujourd'hui de nourrir l'imaginaire du spectateur. Pétillante, excentrique, anticonformiste militante, elle a prêté son histoire aux plus grandes comédiennes : Madeleine Renaud dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault, Denise Grey nominée aux Molières en 1987, Danielle Darrieux ou, cette saison à Carouge, Catherine Salviat, sociétaire honoraire de la Comédie-Francaise. Un défi. Car Maude est un personnage complexe, incarnant un univers empli d'odeurs, de saveurs, de mélodies, de formes et de couleurs qui porte aussi, au plus profond d'elle, un monde marqué par la mort. Survivante des camps de concentration, son tatouage rappelle ce devoir d'existence, ultime rempart contre la folie des hommes. Ce serait sans doute limiter la portée de ce personnage que de réduire Maude à l'utopie libertaire de la fin des années 60, comme dans le film sorti en 1971. Maude ne théorise pas, mais se bat contre toute forme d'idéologie, agit simplement selon ses codes. Plus encore, ce qu'elle lègue à Harold, c'est une force de vie supérieure, faites de trucs et d'astuces, afin que les émotions puissent défier sans crainte la réalité. N

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Théâtre Première en Suisse

Mille ancs de récompense De Victor Hugo Mise en scène de Laurent Pelly ousseline, agent d'affaire, propose à Étiennette d'effacer sa dette en l'échange de la main de sa fille. Glapieu, frère aîné de Gavroche , justicier au grand cœur, découvre que la créance est inventée de toutes pièces.

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JÉRÔME HUGUET GLAPIEU LAURENT MEININGER ROUSSELINE CHRISTINE BÜCHER ETIENNETTE, UN MASQUE EMILIE VAUDOU CYPRIENNE EDDY LETEXIER LE MAJOR GÉDOUARD, UN AFFICHEUR, UN HUISSIER DU TRIBUNAL, GENDARME BENJAMIN HUBERT EDGAR MARC REMI GIBIER LE BARON DE PUENCARRAL, UN INSPECTEUR DE POLICE, UN MASQUE, UN RECORS EMMANUEL DAUMAS MONSIEUR DE PONTRESME, UN RECORS JEAN-BENOÎT TERRAL MONSIEUR BARUTIN, UN RECORS, UN HUISSIER DU TRIBUNAL, GENDARME, UN HUISSIER D'APPARTEMENT VINCENT BRAMOULLÉ SCABEAU, HUISSIER DE SAISIE, UN MASQUE PASCAL LAMBERT UN HUISSIER DU TRIBUNAL, UN MASQUE, UN RECORS. AVEC LA PARTICIPATION DE JACQUES ESCOFFET DANS LE RÔLE DU FRIPIER DRAMATURGIE AGATHEME LINAND SCENOGRAPHIE CHANTAL THOMAS COSTUMES LAURENT PELLY LUMIÈRES JOËL ADAM SON ALINE LOUSTALOT MAQUILLAGES, COIFFURES SUZANNE PISTEUR ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE SABRINA AHMED ASSISTANTE À LA SCÉNOGRAPHIE ISABELLE GIRARD-DONNAT ASSISTANTE AUX COSTUMES MARIE LA ROCCA PERRUQUES PIERRE TRAQUET MASQUES JEAN-PIERRE BELIN PRODUCTION TNT-THÉÂTRE NATIONAL DE TOURISME MIDIPYRÉNÉES

Du mardi 5 au dimanche 17 avril 2011 Salle François-Simon. Durée : 3h10 avec entracte ur le plateau, la maison bourgeoise qui abrite Étiennette et sa fille Cyprienne n'est plus que l'ombre d'elle-même. La scénographie, graphique et inventive, donne le ton : Paris est traversé de courants d'air, jonché d'abris de fortunes où les tripots pullulent... Les huissiers, grandes silhouettes sombres, débarquent. Il y a aussi la mère éplorée, la fille convoitée, le vieux qui vit dans le souvenir d'une France valeureuse mais trompée. Engoncé dans son bonnet, Glapieu, enfant du Paradis, frère aîné de Gavroche, observe ce petit monde et, pour le sauver, décide de passer à l'action. Quand il écrit cette pièce, le père du drame romantique est en exil. Il s'insurge contre la bourgeoisie, l'argent roi qui corrompt, les abus de pouvoir, la misère qui soumet le peuple. Et choisit pour cela un genre polymorphe, le mélodrame : à la fois noir et léger, tragique et drôle, qui navigue entre Boulevard du Crime et réquisitoire politique. L'actualité de ce texte n'a pas échappé à Agathe Mélinand, dramaturge et complice de Laurent Pelly, directeur du Théâtre national de

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Toulouse Midi-Pyrénées, metteur en scène magicien passé maître dans l'art du rebondissement. Il s’en empare comme pour faire « écho aux combats de Victor Hugo : défendre les libertés dans un humanisme échevelé ». PLEURANT D'UN ŒIL, RIANT DE L’AUTRE* Extrait de “Victor Hugo et son théâtre”, intervention d’Antoine Vitez à La Sorbonne, 3 mars 1986. [...] Quand on monte une pièce de Victor Hugo, on est immédiatement confronté, et les acteurs euxmêmes au cours des répétitions se le rappellent entre eux et le rappellent au metteur en scène, à la question du rire. Qu'est-ce qui va se passer quand Don Ruy Gomez de Silva dit : « J'en passe et des meilleurs » ? Là, je peux vous dire que ça fait toujours rire. [...] C'est un rire qui est machiné par lui perpétuellement, et c'est lui qui cherche en effet à nous faire rire, et à nous faire rire précisément dans les moments les moins lisibles qui soient, c'est sa perversité à lui, c'est son génie, c'est tout simplement ce qu'il dit dans la préface de Cromwell. Il nous fait rire du grand rire métaphysique de la clownerie, sur la condition humaine elle-même, sur la mort, sur la souffrance ; donc il y a une intention de faire rire, et c'est cette intention de faire rire qui est perpétuellement à réhabiliter lorsqu'on travaille sur l'œuvre de Victor Hugo. [...] Comment faire rire, comment ne pas avoir peur de faire rire, comment ne pas avoir froid aux yeux quant au rire, et comment, en même temps, savoir, comprendre et admettre que c’est une œuvre qui doit et peut émouvoir profondément les gens [...] N *François-Victor Hugo, à propos de son père écrivant Mille francs de récompense. >>


Théâtre >>

S’abonner,c’est ette année, les abonnements du Théâtre de Carouge comportent six spectacles de la saison 2010-11.

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L'abonnement, c'est : > des tarifs avantageux au Théâtre de Carouge, au Théâtre Forum Meyrin et au Théâtre du Châtelard, > des places prioritaires avant l'ouverture de la location au public, > des réductions sur les spectacles hors abonnement, > des invitations et des tarifs réduits dans les institutions culturelles partenaires du Théâtre, > l'envoi d'informations sur les avantages réservés aux abonnés, > la gratuité des transports en commun avant et après les spectacles. Les abonnements “Premières représentations” : Profitez d'un tarif très favorable en assistant à six spectacles de la saison 10-11 durant la première semaine des représentations (les trois premières semaines pour les spectacles donnés dans la salle Gérard-Carrat). Individuel CHF 162 € 108 Duo CHF 294 € 196 Étudiant / apprenti CHF 63 € 42 Chômeur / AVS/ AI CHF 90 € 60 Groupe CHF 132 € 88 ”Classique” : Prévoyez vos sorties en fonctio n de votre agenda! Les dates de l'abonnement“Classique” sont à choisir au moment où vous réservez votre abonnement. Individuel CHF 180 € 120 Duo CHF 336 € 224 Étudiant / apprenti CHF 72 € 48 Chômeur / AVS/ AI CHF 105 € 70 Groupe CHF 150 € 100 “À la carte” : Réservez plus tard ! L’abonnernent “À la carte” vous offre la liberté de choisir vos dates au moment qui vous convient le mieux. Individuel CHF 195 € 130 Duo CHF 360 € 240 Étudiant / apprenti CHF 78 € 52 Chômeur / AVS/ AI CHF 117 € 78 www.expatria-cum-patria.ch

“Commun” : Le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève a le plaisir d'être partenaire du Théâtre Forum Meyrin. Cette année, le partenariat s'étend au Théâtre du Châtelard à Ferney-Voltaire. La formule de l'abonnement« “Commun” permet donc d'assister à dix spectacles programmés au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, au Théâtre Forum Meyrin et au Théâtre du Châtelard (voir détail de la programmation dans le dépliant en fin de programme). Individuel CHF 265 € 177 Étudiant / apprenti CHF 100 € 167 Chômeur / AVS / AI CHF 160 € 107 BOLIVAR, FRAGMENTS D’UN REVE Théâtre Forum Meyrin SORRY ! Sous chapiteau. Place de Sardaigne à Carouge LES FEMMES SAVANTES Théâtre Forum Meyrin MONSIEUR CHASSE ! Théâtre de Carouge ROSAS DANST ROSAS Théâtre Forum Meyrin SUR LA ROUTE... Théâtre Forum Meyrin HAROLD ET MAUDE Théâtre de Carouge LES JUIFS Théâtre du Châtelard LE VRAI SANG Théâtre Forum Meyrin LA EDAD DE ORO Théâtre Forum Meyrin

BON À SAVOIR ! Vous vous abonnez, mais souhaitez déjà réserver pour les spectacles hors abonnement. C'est possible en réservant vos places sur votre bulletin de souscription. Bénéficiez alors d'une réduction immédiate. COMMENT S'ABONNER ? Nous prenons les souscriptions d'abonnement pour la saison 2010-11 dès le 1er juin 2010. Sur Internet : theatredecarouge-geneve.ch, rubrique “Abonnements” En direct : À la billetterie du théâtre : rue Ancienne 39 à Carouge. Du lundi au vendredi de 10 h à 17 h, le samedi de 10 h à 14 h.

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Théâtre

simpleetavantageux! Par courrier : Les abonnements sont à commander à l'aide du bulletin de souscription et à adresser à : Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, CP 2031, CH1227 Carouge. Par fax : Nous envoyer le bulletin de souscription dûment rempli au +41 (0)22 34343 17. RÉSERVER SANS S'ABONNER Vous n'êtes pas abonné(e) et vous souhaitez assister à un spectacle de la saison 10-11 du Théâtre de Carouge ? Vous désirez offrir des places àvos amis ? Les réservations pour toute la saison sont ouvertes à partir du 6 septembre 2010. Individuel CHF 35 € 23 Étudiant / apprenti CHF 15 € 10 Chômeur / AVS/ AI CHF 25 € 17 Groupe CHF 30 € 20 À la billetterie du Théâtre : rue Ancienne 39, à Carouge La billetterie est ouverte du lundi au vendredi de 10 h à 17 h, le samedi de 10 h à 14 h. Vous pouvez régler vos places en espèces ou par carte. Par téléphone : Téléphonez au +41 (0)22 343 43 43 aux horaires d'ouverture de la billetterie et réglez vos places à l'avance par carte de crédit (Mastercard, Visa, frais administratifs CHF 5.-). Ou par bulletin de versement (frais administratifs CHF 5.-). Sur Internet : theatredecarouge-geneve.ch rubrique “Réserver”. Autres points de vente : Service culturel Migras Genève : rue du Prince 7, +41 (0)22 319 61 11du lundi au vendredi de 1O h à 18 h. Stand Info Balexert : centre com mercial de Balexert. Du lundi au mercredi et le vendredi de 9 h 30 à 19 h, le jeudi de 9 h 30 à 21 h, le samedi de 9 h à 18 h.

Migras Nyon-La Combe : rue de la Morâche 6. Du lundi au jeudi de 8 h 30 à 18 h 30, le vendredi de 8 h30 à 20 h, le samedi 8 h à 17 h. Genève Tourisme et Bureau des congrès : rue du MontBlanc 18, dans le bâtiment de la Poste au rez-dechaussée. + 41 (0) 22 909 70 00. Lundi de 10 h à 18 h, du mardi au samedi de 9 h à 18 h, dimanche et jours fériés de 10 h à 16 h. BON À SAVOIR ! > Tout billet réservé doit être payé au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève dans les 10 jours suivant l'appel. Passé ce délai, les réservations non réglées sont annulées. > Les billets réservés dans les dix jours précédant la représentation doivent être retirés à la billetterie au plus tard 48 h avant le spectacle. > Les billets réservés dans les 48h précédant la représentation doivent être retirés à la caisse du soir au plus tard 30 minutes avant le début de la représentation. Passé ce délai, les réservations non réglées sont annulées. > Les billets réservés et payés sont envoyés à votre domicile ou tenus à disposition à la caisse du soir jusqu'à 5 minutes avant le début de la représentation. Passé ce délai, les places numérotées ne sont plus garanties. > Vous pouvez aussi vous procurer vos billets à la caisse du soir sans réservation préalable. > Les tarifs réduits (étudiants, chômeurs, AVS, AI , AMPIA, AVIVO...) sont accordés sur présentation d'un justificatif au moment de l'achat des billets. > Les commandes groupées de 10 billets et plus bénéficient du tarif groupe. > Les billets ne sont ni repris, ni échangés, ni remboursés, sauf en cas d'annulation du spectacle. > L'accès à la salle n'est pas garanti après l'heure du début de la représentation et ne donne droit à aucun remboursement. N

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

Dès le 9 septembre 1765, Jean-Jacques Rousseau vit à l’Ile de SaintPierre. Il loge dans la Maison du Receveur, unique habitation de l’Ile, on y accède en empruntant le sentier des Païens qui part de la localité de Cerlier (Erlach). Le lac de Bienne forme un ovale ; au nord commence le relief jurassien, au sud s’étendent les plaines du plateau bernois. Jean-Jacques Rousseau porte donc son choix - il y songe depuis quelques semaines - sur l’Ile de Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne (2) pour sa proximité de Môtiers, qu’il quitte hâtivement, poussé par le souci d’assurer sa sécurité et par le profond besoin de vivre au cœur de la nature. Le receveur Gabriel Engel l’accueille. Situé au premier étage de sa demeure, un petit appartement l’attend. Jean-Jacques Rousseau s’explique : Pour surcroît de précaution, avant de risquer d’y aller résider, je fis prendre de nouvelles informations par le Colonel Chaillet qui me confirma les mêmes choses, et le Receveur de l’Ile ayant reçu de ses maîtres la permission de m’y loger, je crus ne rien risquer d’aller m’établir chez lui avec l’agrément tacite tant du souverain que des propriétaires (3). Thérèse viendra le rejoindre dans quelques jours. Revenons en arrière, depuis le 10 juillet 1762, Jean-Jacques Rousseau s’installe avec Thérèse à Môtiers, dans la Principauté de Neuchâtel. Propriété de Madame Boy de la Tour, sa maison devient laboratoire de botanique, lieu d’échanges, atelier d’écriture. Des amis, des visiteurs, des correspondants occupent les journées du “Citoyen de Genève”, par ailleurs vouées à la promenade, aux excursions. Dans cet îlot de verdure, un ami rencontré récemment, grâce à Abram Pury (ou de Pury), à Monlési, occupe ses pensées par son ouverture d’esprit, son estime fraternelle et son infinie patience. Dans sa correspondance avec Madame de La Tour, Jean-Jacques www.expatria-cum-patria.ch

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© Bibliothèque de l’Université de Bâle.

Le paragraphe central de l’extase naturelle au bord de l’eau décompose ce mécanisme et le mime musicalement. Il s’agit d’un moment où grâce « au bruit des vagues et à l’agitation de l’eau », le moi se trouve libéré de ses propres agitations. Arnaud Tripet (1)

Rousseau évoque son amitié avec Alexandre Du Peyrou. Il aime parler de lui et ainsi s’exprime-t-il en écrivant à sa chère Marianne, correspondante épistolière durant de si nombreuses années : C’est de lui que je tiens ma subsistance et mon indépendance ; il mérite de vous connaître; ce mot dit tout. Chère Marianne, mon cœur vous est attaché par les liens les plus doux et les plus forts. La trempe de ceux qui m’attachent à M. Du Peyrou n’est pas moins bonne. De quel prix puisje payer les nobles et généreux sentiments de la seule amie et du seul ami dont l’amitié pour moi soit à l’épreuve de mes malheurs, si ce n’est en les présentant l’un à l’autre (4). Pourtant les publications de Jean-Jacques Rousseau et ses démêlés avec la classe des pasteurs de la Principauté suscitent controverses, débats, polémiques. Avec émotion, Jean-Jacques Rousseau se souvient du pasteur Frédéric-Guillaume de Montmollin, d’une évangélique bonté. Il se dit à son égard : pénétré d’une reconnaissance pour le digne pasteur qui, résistant au torrent de l’exemple, et jugeant dans la vérité, n’a point exclu de l’Eglise un défendeur de la cause de Dieu, je conserverai toute ma vie un tendre

Vue de l’île de Rousseau, prise au rivage de Gerolfinguen. Gravure de Sigmund von Wagner.

souvenir de sa charité vraiment chrétienne (5). Une nuit, un jet de pierres lancé sur sa maison plonge Jean-Jacques Rousseau dans l’angoisse ; de plus on tente de forcer sa porte. Depuis sa tendre enfance, il a connu bien des épreuves, notamment auprès de son père, effondré par le décès de son épouse. Longtemps après sa disparition, il se souvient des pleurs réclamant aux siens son épouse. Il doit peut-être vivre les choses difficiles [ignorant] combien de temps il faudra les endurer encore (6).


Etudiez cultivez la nature, ne parlez que d’après elle, et laissez les livres (10) Jean-Jacques Rousseau désire connaître chaque endroit de l’Ile et accompagne le Receveur dans ses tâches quotidiennes d’intendant. Porté par la passion de la botanique, il cueille et classe mille et une fleurs. Il a l’ambition de dresser l’inventaire des plantes de l’Ile si accueillante. Il ne tient plus le journal de ses activités quotidiennes, s’adonne à la description des lichens, des mousses, des plantes, dessinant une multitude de carrés au sol pour en établir l’inventaire. “Le cartographe-arpenteur” de Chambéry se livre à des travaux pratiques d’expertgéomètre. Ce métier - art et science à la fois - exige une immense patience, une rigueur redoutable ; une responsabilité qu’il ne fallait pas prendre à la légère, aimait répéter Humboldt, l’un des héros du roman de Daniel Kehlmann, Les arpenteurs du monde (11). Or la vertu du voyage à pied tient à sa continuité, à ce fil que l’on déroule par l’effort de sa volonté pour relier entre eux les hommes, les animaux, les plantes et les paysages que l’on traverse (12). A Chambéry, il se passionne pour une cartographie du ciel, il passe de longues veillées dans le jardin des Charmettes, accroché à une lunette astronomique, il aime se rapprocher des étoiles. Ces points brillants lui parlent. Il n’ignore rien de leur itinéraire, l’heure de leur disparition et de leur réapparition (13). Un désir d’isolement ? Un refuge ? Bernardin de Saint-Pierre parle d’un instinct commun à tous les êtres sensibles et souffrants de se réfugier dans les lieux les plus sauvages et les plus déserts ; comme si des rochers étaient des remparts contre l’infortune, et comme si le calme de la nature pouvait apaiser les troubles malheureux de l’âme (14). Jadis, aux Charmettes, il procédait de manière identique. Sa méthode : étudier divers domaines de connaissances, les classer pour

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© Paris. Imp. A. Quantin.

Je connais quelque chose à l’ouvrage de la nature, mais rien à celui du jardinier (8) Dans cet univers plaisant, original, attirant, Jean-Jacques Rousseau prend goût à une nouvelle existence. Il s’adonne à une vie toute de douceur, d’apaisement, de détachement. Devine-t-il qu’il s’avance sur une terre hostile, abordée en infraction ? Qu’il entre en guerre diplomatique ? Qu’il adopte une séduisante posture ? L’Ile de Saint-Pierre appartient à l’Hôpital de l’Ile à Berne, dont le gouvernement n’approuve pas les idées du philosophe. Le comportement de JeanJacques Rousseau ne ressemble en rien aux journées occupées à répondre aux menaces de procès pour délits de divergences de vues, aux débats polémiques lors de son séjour à Môtiers. Sur l’Ile, il n’ouvre pas ses caisses de livres, il ne prend la plume que rarement, occupant son temps à des tâches qu’il évitait d’accomplir à Môtiers. S’il désire écrire, l’écritoire du Receveur l’attend. Il n’accumule ni dossiers, ni manuscrits, ni correspondance. Plus d’une fois excédé par un courrier abondant, Jean-Jacques Rousseau avait signalé cet état de fait à sa chère Marianne lors de son séjour à Môtiers : Je suis excédé de lettres, de mémoires, de vers, de louanges, de critiques, de dissertations, tout veut des réponses, il me faudrait dix mains et dix secrétaire; je n’y puis plus tenir (9).

mieux les ordonner entre eux. Une méthode de travail identique pousse George Sand à tenter de comprendre l’univers qui l’entoure: Il faut connaître la création, et comme nous n’avons pas les yeux de Dieu pour la voir d’emblée à la fois dans son ensemble et dans son détail, nous sommes obligés, pour la comprendre, de procéder par la synthèse et par l’analyse séparément : par conséquent nous sommes forcés de diviser et de classer sans cesse, sous peine de marcher à tâtons et de perdre notre vie entière en de stériles recherches (15). Dans ce paradis, son travail se révèle décidément « amusant et instructif », plus passionnant que jamais. Je revenais en me promenant, par un assez grand tour, occupé à considérer avec intérêt et volupté les objets champêtres dont j’étais environné, les seuls sont l’œil et le coeur ne se lassent jamais (16). Au milieu de lac de Bienne, un nouveau défi s’offre à lui, il entre dans le pays de la rêverie. Ses lectures de prédilection ont quitté le domaine de la philosophie. En Savoie, il étudiait Locke et les droits naturels des individus, Malebranche et la liberté d’esprit et l’effort de la volonté, Leibniz et la vertu éclai-

Maison du Receveur.

© Bibliothèque de l’Université de Bâle.

L’Ile de Saint-Pierre, appelée à Neuchâtel, l’Ile de la Motte au milieu du la de Bienne a environ une demi-lieue de tour ; mais dans ce petit espace elle fournit toutes les principales productions nécessaires à la vie (7).

L’île de St-Pierre ou de Jean-Jacques Rousseau dans le lac de Bienne. Gravure de Sigmund von Wagner.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau >> rée par la Raison, Descartes et l’homme maître de la nature par la

science. Alice Ferney le dit fort bien, en relevant qu’il se remettait à croire au bien que font les mots (17). Dans ce jardin rêvé, les références passent par des naturalistes, des botanistes. Ses maîtres lui ont enseigné les bases de la flore jurassienne. Abraham Gagnebin, médecin et naturaliste – ses travaux ont été remarqués par l’Académie de Berlin – se passionne pour la flore régionale ; Jean-Antoine d’Ivernois, médecin et naturaliste et Frédéric-Samuel Neuhaus, médecin et botaniste, lui transmettent à leur tour leurs connaissances. La flore des Franches Montagnes, du bord du Doubs et de la Chaux d’Abel n’a plus aucun secret pour eux. Les pâturages de la Ferrière servent à Jean-Jacques Rousseau de travaux pratiques. Une loupe à la main, un manuel de botanique dans l’autre il devient l’élève de savants. A l’Ile de Saint-Pierre, il cède chaque matin à son plaisir: décrire la flore qui le fait si heureux. La maîtrise de la gravure et du dessin, la rédaction des noms de plantes, la confection d’herbiers et la passion au service d’un projet à la dimension de l’Ile conviennent à merveille au “maître jardinier, nouveau propriétaire”. Il vit des instants si intenses qu’il tient à faire partager une compétence toute neuve, cependant si riche déjà. N’écrira-t-il pas – 6 ans plus tard – des leçons d’initiation à la botanique ? Leçons connues sous le titre : Lettre sur la Botanique à Madame Delessert. Jean-Jacques Rousseau, le contemplatif, aurait pu dire comme Béatrice dans La Dame à la Licorne de Tracy Chevalier : N’estce pas le Paradis ? Ne dirait-on pas un coin de Ciel sur notre Terre ? (18) . L’homme tout à son bonheur d’exister peut enfin vivre au rythme de l’univers. La société n’a pas à punir, mais à prévenir (19) Les quelques semaines passées au milieu du lac de Bienne nous renvoient au souvenir d’un naturaliste français qui a su, en entomologiste, expliquer, dès l’enseignement primaire, la richesse de la nature aux élèves. Jean-Henry Fabre (1823-1915). Appelé, l’Homère des insectes (20) par Victor Hugo et le Virgile des insectes (21) par Edmond Rostand, il incarne admirableJean-Jacques Rousseau et ment un pédagogue moderne, Madame de Warens sur le un précurseur des méthodes qui chemin des Charmettes. ne voient leur application qu’au Dessin de Maurice Lenoir. XXe siècle, de nos jours (22). Dès l’adolescence, Jean-Henri Fabre quitte ses livres et ses amis ; il aime s’informer si la primevère, le jaune coucou, faisait son apparition dans les prés (23). Il lui faut le bonheur de la marche, la marche est plus gaie entre les haies d’aubépine et de prunellier (24), explorer le milieu naturel et découvrir sur le terrain “le laboratoire” des insectes. Cette école en plein air, éminemment instructive a sa préférence…(25). On se souvient de

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même que dans les prairies de l’Ile de SaintPierre, Jean-Jacques Rousseau aime se donner l’illusion de se perdre. Peut-être Bernardin de Saint-Pierre, tout à sa découverte de l’Ile Maurice, éprouvera-t-il, bien plus tard, le même bonheur, mêlant savoir et ivresse. Jean-Jacques Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre et Jean-Henry Fabre croient à leur mission, condition même de son succès. Heureux au milieu de la nature, ils trouvent les mots pour décrire sa beauté et le bonheur d’appartenir à un tel univers. Chère au coeur de Jean-Jacques Rousseau, la petite pervenche du vallon des Charmettes incarne à jamais la découverte avec Madame de Warens de cette fleur, symbole de leur “passion amoureuse couleur bleu mauve”.

…à s’enfuir dans une barque au milieu des flots (26) Nous évoquons plus haut Bernardin de Saint-Pierre, illustre figure et le grand inspirateur de Fabre (27). En conversation avec des amis, Jean-Henry Fabre, éprouve à la vue d’un champ de fleurs, une immense joie; l’admirant, il pense à Jean-Jacques Rousseau qui un siècle plus tôt (28) le transportait de bonheur. Tout comme Jean-Jacques Rousseau à l’Ile de Saint-Pierre, JacquesHenry Fabre s’adonne au recensement de la flore du Vaucluse (29). En pensant à cet amoureux de la Nature, nous définirions sa démarche en évoquant Gilles Clément, qui a si bien expliqué la façon dont Francis Hallé (*) conçoit la botanique : La science semble naître de ces interférences et non de les dominer. Elle paraît imbriquée dans un ensemble compact susceptible d’être lu à chaque fois de façon différente. Tantôt sur un mode, tantôt sur un autre, suivant à la façon à décrire. Parfois, les termes pesés de la philosophie conviennent à la description, parfois les métaphores de la poésie s’y prêtent mieux, parfois les mots savants de la science. Parfois encore les mots ne conviennent pas. Les dessins suffisent (30). La passion de la botanique le rapproche encore davantage de Madame de Warens et aussi du botaniste Claude Anet. Il y a plus de trente ans, ces derniers ne l’avaient-il pas


initié aux rudiments de la science des végétaux ? Jean-Jacques Rousseau aime parler de ce botaniste ; …il devint pour moi une espèce de gouverneur qui me sauva beaucoup de folies ; car il m’en imposait, et je n’osais m’oublier devant lui (31). Madame de Warens tente de faire découvrir à Jean-Jacques Rousseau ce monde végétal qui la fascine. Souvenir émouvant, il se rend aux Charmettes, en sa compagnie, par le sentier du vallon. Le séjour hors de la ville commence par cette promenade ; ils se rapprochent de la maison qui fait rêver Jean-Jacques Rousseau et de la première nuit qu’ils y passent. Madame de Warens quitte sa chaise à porteurs et attire l’attention de Jean-Jacques Rousseau sur une haie ; elle lui montre une pervenche encore en fleur (32). Dans ce domaine, Madame de Warens a pu compter sur le conseil avisé de Claude Anet, botaniste averti. Ce dernier passait pour savoir identifier un grand nombre d’espèces de la flore locale et connaître leurs propriétés curatives (33). Pour Jean-Jacques Rousseau, les connaissances alors dispensées lui parlent peu; maintenant son cœur se remplit d’images du temps des Charmettes. Il aime se souvenir du moment où – alors qu’il était élève – les fleurs accédaient au rang de préparations médicales, de remèdes. Dévoué, attentif, soucieux de plaire, il suivait le discours de Madame de Warens aux savoirs impressionnants, à ses yeux trop passionnée par la pharmacopée. Elle entretenait avec la nature une relation presque mystique. Rien n’échappait à son emprise. Petit à petit, son intimité avec la nature – mêlée à sa connaissance de l’âme humaine et à son bonheur de trouver à qui se confier – arrivait à faire mûrir l’adolescent doué, mais encore bien naïf. Sa jeunesse le disposait spontanément à imaginer et réfléchir plutôt qu’à répéter ou re-

produire (34). La jeunesse ne serait-elle une chance unique que l’on tient sans la reconnaître et que l’on perd en la découvrant ? (35). Je vois de nouveau surgir devant mes yeux le profil aimé des monts, je rentre par la pensée dans les vallons ombreux, et, pendant quelques instants, je puis jouir en paix de l’intimité de la roche, de l’insecte et du brin d’herbe (36). Il avait à cœur de plaire à sa protectrice. Mais il trouvait aussi dans leurs occupations communes une manière de canaliser les élans amoureux qui l’habitaient déjà. Tout en sentant éclore en lui des appréhensions nouvelles, il s’ouvrait aux suggestions du monde. Ainsi en apprenait-il la générosité. Il le dit d’ailleurs dans une langue admirable : Quel était donc ce bonheur et en quoi consistait sa jouissance ? Je le donnerais à deviner à tous les hommes de ce siècle sur la description de la vie que j’y menais. Le précieux farniente fut la première et la principale de ces jouissances que je voulus savourer dans toute sa douceur, et tout ce que je fis durant mon séjour ne fut en effet que l’occupation délicieuse et nécessaire d’un homme qui s’est dévoué à l’oisiveté (37). N SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO

Notes (1) R. Trousson, F. S. Eigeldinger, Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Champion 1996, p. 812 (2) Monique et Bernard Cottret, Jean-Jacques Rousseau en son temps, Perrin, 2005, p. 405 (3) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 637 (4) Jean-Jacques Rousseau - Madame de La Tour, Correspondance, Actes Sud, 1998, p. 274 (5) Jean-Jacques Rousseau - Madame de La Tour, Ibid., p. 184 (6) Alice Ferney, Dans le guerre, Actes Sud, 2003, p. 102 (7) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 637 (8) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 643 (9) Jean-Jacques Rousseau - Madame de La Tour, Correspondance, Actes Sud, 1998, p. 142 (10) AJJR, 1935 – 28. 01. 1770 – p. 174 (11) Daniel Kehlmann, Les Arpenteurs du monde, Actes Sud, 2006, p. 221 (12) Emeric Fisset, L’ivresse de la marche, Transboréal, 2008, p. 73 (13) Daniel Kehlmann, Les Arpenteurs du monde, Actes Sud, 2006, p. 146 (14) Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, Gallimard, p. 112 (15) Francine Mallet, George Sand, Grasset, 1976, p. 43 (16) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 236 (17) Alice Ferney, Dans la Guerre, Actes Sud, 2003, p. 163 (18) Tracy Chevalier, La Dame à la Licorne, Quai Voltaire, 2003,

p. 226 (19) Yves Delange, Fabre, l’homme qui aimait les insectes, Actes Sud, 1999, p. 208 (20) Yves Delange, Ibid., p. 251 (21) Yves Delange, Ibid., p. 251 (22) Yves Delange, Ibid., p. 41 (23) Yves Delange, Ibid., p. 19 (24) Yves Delange, Ibid., p. 243 (25) Yves Delange, Ibid., p. 17 (26) Elisée Reclu, Histoire d’une montagne, Actes Sud, 1998, p. 225 (27) Yves Delange, Fabre, l’homme qui aimait les insectes, Actes Sud, 1999, p. 141 (28) Yves Delange, Ibid., p. 210 (29) Yves Delange, Ibid., p. 232 (30) Gilles Clément, La sagesse du jardinier, L’oeil neuf édition, 2004, p. 36 (31) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 177 (32) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 226 (33) Guy Ducourthial, La botanique selon Jean-Jacques Rousseau, Belin, 2009, p. 71 (34) Alice Ferney, Dans la guerre, Actes Sud, 2003, p. 218 (35) Alice Ferney, Ibid., p. 158 (36) Elisée Reclu, Histoire d’une montagne, Actes Sud, 1998, p. 227 (37) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 1042

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Radioscopie

Laplanète commeterraindejeu

joanna.david.mangin@gmail.com

DAVID-BENJAMIN BRAKHA EST À L’AISE SUR TOUS LES CONTINENTS. LE FONDATEUR D’ACSTANT* VIT ENTRE PARIS, LONDRES, NEW YORK ET MIAMI. RENCONTRE À GENÈVE, OÙ LE JEUNE ENTREPRENEUR A POSÉ SES VALISES… LE TEMPS D’UN WEEK END.

Joanna David-Mangin

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avid-Benjamin multiplie les séjours à l’étranger depuis toujours. Mais de tous les pays visités, ce sont les Etats-Unis et “l’esprit entrepreneurial omniprésent sur le Nouveau Continent” qui le séduisent le plus. A 17 ans, il convainc ses parents de le laisser partir seul – avec son cousin du même âge – en Californie. Peu d’argent, un niveau d’anglais élémentaire, mais une soif d’aventure qui le poussera à réitérer l’expérience tous les ans. Et à passer ses vacances chez l’habitant ou dans des motels. Mais peu importe, c’est ici que David – séduit par les jeunes Américains qui prennent très tôt leur vie en main et dont la volonté de créer leur propre “business” ne semble rencontrer aucune limite – se sent dans son élément. Mais le rêve américain doit attendre. Après son bac scientifique, David commence des études de mathématiques financières l’Université Paris-Dauphine. Alors qu’il est en deuxième année de Mass – Mathématiques Appliquées et Sciences Sociales – David est lauréat du prix Goldman Sachs Global Leader et il représente la France dans cette compétition internationale qui récompense les 100 étudiants au potentiel le plus pro-

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metteur du monde entier. David part à Londres pour une semaine d’entrepreneurship en compagnie des autres lauréats européens. Le rêve américain se rappelle à lui. Deux ans plus tard, David découvre la politique. Il s’engage auprès des jeunes UMP et s’implique dans la campagne présidentielle. Une expérience formatrice où il apprend « qu’il ne faut pas

hésiter à prendre des positions stratégiques à long terme, à maintenir ses positions tout en restant à l’écoute des autres ». Et aussi, que « la politique, c’est comme l’entrepreneurship : pour réussir, il faut rester concentré, savoir gérer des domaines de compétence totalement diffé-


Radioscopie rents, résister à la pression, rester calme et aller de l’avant. » Cette même année, David est récompensé par le StartingBloc Fellowship à la London Business School. Retour à Londres pour un programme intensif de leadership. Le rêve américain n’attend plus et David s’envole pour Pittsburg où il est admis en master à la Tepper Business School de Carnegie Mellon University. Après une année studieuse, David doit se rendre à l’évidence : il ne travaillera pas dans la finance. Il veut créer sa propre firme, et tant pis pour les bonus : le bonheur passera par sa réalisation personnelle. Passionné de technologies et fan de la série télévisée 24 heures chrono, David a un projet : transformer le téléphone portable en un assistant multitâche et créer une structure qui facilite la vie de tout un chacun. Un peu comme la CTU, la cellule anti-terro-

forme d’assistance et conciergerie par email dont il a lui-même créé le site internet et l’application Iphone. Instantané, efficace et rapide, ACstant propose à ses membres une vie plus simple et donc plus agréable. Le principe est le suivant : les membres d’ACstant bénéficient – pour 90 dollars par mois plus un pourboire à discrétion – d’une assistance personnalisée de 8 heures du matin à minuit, 6 jours sur 7 et toute l’année. Deux assistants, toujours les mêmes, se relaient auprès du membre, pour répondre à toutes ses demandes. Des questions qui vont du facile – où trouver un restaurant italien à Tokyo – au plus compliqué – régler les erreurs de facture d’un membre – voire très compliqué – établir en moins de 20 minutes une synthèse sur un chasseur de tête avant un entretien d’embauche. L’ambition d’ACstant ? Devenir une “télécommande pour la vie” : billets d’avions ou d’opéras, commande de fleurs ou résolution de problèmes techniques, l’équipe des “samouraïs” d’ACstant propose au membre de ne plus être “un” mais une équipe de trois (le membre et ses deux assistants) pour affronter les petits tracas de la vie quotidienne. Techniquement ACstant peut répondre à n’importe quelle demande n’importe où dans le monde. Les membres voyagent, ses assistants le suivent. ACstant s’adresse essentiellement au 2535 ans, qui ont une vie sociale et qui savent déléguer. Mais pas seulement. La start up est ambitieuse et partira dans un avenir proche à la conquête de toutes les catégories de population. Pour l’heure, les membres sont essentiellement basés sur la côte Est américaine, friande de ce genre de services. Mais Genève l’internationale avec sa grande densité d’expatriés peu familiers avec la cité pourrait accueillir les prochains membres.

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riste de la série 24 heures chrono, qui permet à son héros Jack Bauer de sauver le monde grâce à son mobile. Retour en France. David retrouve sa chambre chez ses parents, apprend de nouveaux langages informatiques et crée sa start up : ACstant (www.ACstant.com), une plate-

Cette rubrique est la vôtre Vous êtes expatrié et souhaitez partager votre expérience ? Envoyez-nous vos témoignages et vous serez peut-être sélectionnés par notre équipe pour apparaître dans notre rubrique... Bienvenue chez vous ! Radioscopie.francemagazine@gmail.com

FRANCEMAGAZINE N°31 71 HIVER 2010


Littérature PARMI LES ACTEURS DU CINÉMA FRANÇAIS QUI NOUS SONT DEVENUS SI FAMILIERS PAR L'IMPORTANCE ET LA LONGÉVITÉ DE LEUR CARRIÈRE, JEAN-PIERRE MARIELLE OCCUPE UNE PLACE DE CHOIX. CELLE D'UN ACTEUR DONT LA HAUTE SILHOUETTE ET LE JEU PARFOIS HAUT EN COULEURS NOUS ONT SI SOUVENT CHARMÉS EN NOUS DONNANT À CÔTOYER DES PERSONNAGES DE CINÉMA QUE, SANS LUI, NOUS AURIONS BIEN PU OUBLIER. elle surtout d'un comédien dont la voix si caractéristique fait partie, sinon d'un patrimoine national que l'on pourrait rêver, tout au moins de notre paysage culturel immédiat et dont les intonations sont immédiatement reconnaissables entre toutes. Aujourd'hui, après plus de cinquante ans de carrière, Jean-Pierre Marielle nous présente un livre de souvenirs au titre humoristique évocateur, "Le grand n'importe quoi" publié chez Calmann-Lévy, dans lequel il retrace, sous la forme d'un abécédaire, les grandes étapes de son parcours et de sa vie. De ses débuts au Conservatoire dans les années cinquante jusqu'à sa dernière expérience sur les planches du Théâtre Edouard-VII, dans une pièce de son ami Jean-Claude Carrière "Audition", où il joue le rôle d'un vieux comédien revenu de tout mais qui a conservé la foi du débutant chaque fois qu'il se présente à une audition, en se pliant au jeu parfois douteux des demandes extravagantes des directeurs de casting comme en supportant stoïquement des attentes interminables avant de pouvoir dire son texte, Jean-Pierre Marielle nous conte ce demi-siècle d'aventures personnelles, théâtrales et cinématographiques avec un sens consommé de l'anecdote et une autodérision féroce. Car Jean-Pierre Marielle ne se vit pas comme un acteur faisant un métier d'une essence particulièrement remarquable. Il ne magnifie pas sa profession ni ne donne à la célébrité, aux succès professionnels et aux honneurs plus de crédit que Rudyard Kipling ne leur en accordait dans son plus célèbre poème. Au contraire, Jean-Pierre Marielle évolue dans ce métier avec la conscience d'un travail à effectuer avec application et modestie, sans y voir de mystique particulière ni un quelconque sacerdoce où la souffrance, le doute et les angoisses du comédien seraient autant de passages obligés pour donner vie aux textes et aux personnages. Non, Jean-Pierre Marielle se contente, nous dit-il, d'être un travailleur moyen, c'est-à-dire quelqu'un qui apprend son texte, ne se soucie pas plus que de raison du public ni de la recherche du succès. Grand admirateur de Michel Bouquet, il re-

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Jean-Pierre Marielle

“Legrandn'importequoi” EDITION CALMANN-LÉVY www.expatria-cum-patria.ch

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Il ne magnifie pas sa profession ni ne donne à la célébrité, aux succès professionnels et aux honneurs plus de crédit que Rudyard Kipling ne leur en accordait dans son plus célèbre poème.

de littérature, à savoir Harold Pinter et Albert Camus, même si cela a compté. Cela aura plutôt été de rencontrer à vingt ans ses amis du Conservatoire et les avoir conservés tout au long de sa vie : Jean- Paul Belmondo, Bruno Cremer, Pierre Vernier et aussi la sublime Françoise Fabian. D'en découvrir d'autres plus tard aussi (Jean Rochefort, Henri Salvador) pour savourer ce sentiment si doux que l’on ressent lorsqu'on partage une amitié vrai sur la durée. Et puis, il y a ce sentiment indéfinissable que l'on découvre à la lecture de ce livre et que les lecteurs connaîtront sans doute comme l'auteur de ces lignes : le texte du "Grand n'importe quoi" que vous lisez à voix basse, vous l'entendez en réalité dit par la voix si caractéristique de Jean-Pierre Marielle. Et cette voix vous accompagne au fil des pages comme lorsque vous voyez Jean-Pierre Marielle sur scène ou à l'écran et êtes pris par cette mélodie qui lui est propre. Cette voix de gorge puissante, chaude et mélodieuse que seuls quelques comédiens possèdent réellement et qui ont été si souvent recherchées par les publicitaires et pour les enregistrements radiophoniques des grands textes. A l'instar d'un Jean Topart, Jean-Pierre Marielle possède cette voix inhabituelle et dont le timbre fascine immédiatement l'auditeur. Dans son abécédaire, l’auteur ne pouvait manquer de nous donner sa version sur cette voix qui est la sienne et dont on se doute bien que, comme la beauté pour Catherine Deneuve ou le talent pour Orson Welles, elle est un élément, certes agréable, mais finalement extérieur et peut-être réducteur (**). Une fois dans ma vie, je vous ai croisé, Jean-Pierre Marielle, c'était au début 1990 au Théâtre du Palais Royal. Vous étiez allé voir la pièce de Georges Feydeau "Un fil à la patte" que jouait le regretté Jacques Villeret avec Christian Clavier, Martin Lamotte et la piquante Sabine Audepin. Vous y étiez en compagnie de votre petit garçon qui, comme vous le dites dans votre livre, a une trentaine d'années à présent. Depuis cette rencontre, je vous ai vu sur scène presque chaque fois que vous étiez à l'affiche d'un théâtre parisien. Le public, comme toujours, était impressionné par votre jeu et votre prestance. Ce public qui vous lira avec délectation dans ce "Grand n'importe quoi" dont on devine qu'à vos yeux, il est bien loin de l'époque de St-Germain-des-Prés que vous avez connue et aimée avec vos amis du Conservatoire et qui ne vit plus guère aujourd'hui que dans la force de vos souvenirs. Mais qui vit certainement avec l'intensité que savent y faire briller les êtres, les lieux et les choses qu'on a aimés surtout quand ils ont disparu. Arrivés à la lettre Z de l'ouvrage - trop vite, trop vite évidemment - les lecteurs n'auront sans doute qu'un souhait que Jean-Pierre Marielle exaucera peut-être, si parler de lui n'est pas trop superfétatoire à ses yeux : celui d'écrire un livre supplémentaire, de vrais Mémoires peut-être, afin que ce demi-siècle d'aventures théâtrales et cinématographiques si intéressant, cette existence imprévue comme l'a qualifiée Jean-Pierre Marielle lui-même nous soit raconté avec tous les compléments qu'on imagine bien pour quelqu'un qui a tourné plus de cent films et qui n'a pu être ici qu'esquissé, malgré la puissance du timDominique Ortiz bre de cette voix à nulle autre pareille. N

dominique.ortiz@bcv.ch

prendrait sans doute à son compte les mots du grand comédien lors de sa saison de cours à la Comédie-Française en 1987 lorsque celui-ci disait à ses élèves de ne pas chercher à être originaux mais de s'appuyer sur les textes. Surtout lorsqu'il s'agit de pièces écrites par de grands auteurs, voire des auteurs de génie, c'est-à-dire, disait Michel Bouquet, des auteurs comme Molière, Racine ou Corneille qui, jamais, n'écrivent deux fois sur le même sujet. Les textes sont, à cette aune, en effet, suffisants et beaucoup d'acteurs ou de metteurs en scène savent par expérience combien, pour qui sait jouer la comédie, le public projette de ses propres émotions sur les interprètes et surtout sur les interprètes qu'il a appris à aimer. Un autre acteur, prénommé lui aussi Michel, a beaucoup impressionné Jean-Pierre Marielle et l'a influencé grandement à ses débuts par son immense talent que le grand Sacha Guitry avait si bien su mettre en valeur : il s'agit de Michel Simon. Devant l'interprète de Méphistophélès (*), Jean-Pierre Marielle aura ressenti ce qu'avant lui, Jean Gabin avait expérimenté et décrit avec admiration lorsqu'il jouait face à Jules Berri : cette fascination qui fait qu’on en oublie la scène en train de se tourner et qu'on devient spectateur de cette magie qui opère et qui est la marque des plus grands. Chez Jean-Pierre Marielle, l'émotion n'est jamais très loin de l'humour et s'il se définit volontiers dans son livre comme fondamentalement terrien, paysan par ses racines mais aimant Paris, pas très loquace et râleur dans le genre café du commerce, il sait trouver les mots justes dans les pages qui évoquent son admiration pour Monsieur Louis Jouvet. Comme lorsqu’il rend compte de cette conférence que Jouvet avait donné à la Sorbonne et qui, entre chaque phrase, savourait le tabac de ses cigarettes Camel dont Jean-Pierre Marielle nous dit être allé immédiatement acheter un paquet sitôt la conférence terminée afin d'en fumer lui aussi et se sentir ainsi en communion avec lui. Ou lorsqu'il évoque la silhouette de Louis Jouvet arpentant avec vélocité la rue Caumartin pour accéder à son théâtre, le Théâtre de l'Athénée, qui porte aujourd'hui son nom, et nous raconte qu'il saluait quotidiennement de sa voix si particulière les habitués du quartier jusqu'à ce triste jour d'août 1951 où ses saluts dorénavant manqueraient éternellement à ces rues du quartier de l'Opéra que les artistes et les spectateurs des théâtres de la Ville-Lumière arpentent si souvent. Dans une vie réussie, il y a souvent quelques idées ou désirs simples que l'on peut avoir la chance de voir se réaliser. Pour Jean-Pierre Marielle, le bonheur cela n'aura pas été - comme il le note avec humour - d'avoir côtoyé deux prix Nobel

Littérature

(*) La beauté du diable, film de René Clair avec Gérard Philippe et Michel Simon (1950) (**) “Voix” pp 184-185

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Portrait

AU MOMENT DE MOURIR, JE ME SUIS VU RENAÎTRE, ENDUIT DE LIQUIDE AMNIOTIQUE CE JOUR ÉTRANGE, UN 12 JUILLET 1904 À PARRAL.

Dernièrespensées d’unpoète

ans mes contrées à la nature sauvage, où les gens vivent avec cette terre qui tremble, qui rugit et qui s’ouvre sans crier gare - il me semble entendre mes parents me dire : « Bienvenue dans ce monde Ricardo Eliezer Neftalí Reyes Basoalto ! » Pourtant, au cours de ma folle vie, peu de personnes m’appelleront ainsi. Je mange, je dors, je respire : baigné d’innocence, je n’avais alors aucun sens à donner à ce temps qui m’était accordé. Au moment de mourir, j’ai eu le sentiment de courir de mes petites jambes au cœur de la forêt de mon pays natal. Ma mère, ma terre à moi, est morte un mois après m’avoir mis au monde. Chère Mère que j’ai si peu connue, j’arrive, je viens faire ta connaissance, encore quelques instants… Le souffle d’une vie a dû être emporté pour que le mien existe. « Les sentiers mouillés, les forêts et l’odeur des ruisseaux abritaient et nourrissaient mes rêveries et mon imagination. » Privé de substance nourricière, j’ai trouvé en Mère Nature le sein qui sustenterait mon esprit, ma plume et mes idéaux. Fardeau ou bénédiction, me devais-je donc de donner un sens à ce temps qui m’était accordé ? Au moment de mourir, j’aurais voulu encore un peu noircir quelques pages blanches. C’est drôle comme une rencontre peut changer l’itinéraire d’une vie… telle une belle brise, déviant légèrement un panneau d’indication, vous emmenant ainsi dans des contrées lointaines et fantastiques. Ma belle brise a soufflé dans ma vie à l’âge de 12 ans, quand mon

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esprit était avide d’apprendre, mon âme encore intacte et malléable. Mon Sures, ce vent qui ne balaye que les terres du Chili, avait le nom juste qui m’était destiné : Gabriela Mistral. Elle fut mon professeur, ma mère spirituelle. Et quel fils de cheminot peut se vanter d’avoir été formé par le Prix Nobel de littérature 1945 ? Par ses encouragements, j’ai commencé à allier les mots entre eux, les unir, les fâcher, les contredire… j’’ai enfin pu exprimer ce que j’observais depuis que je savais voir. Je m’empresse ! Le temps, aurais-je le temps ? Mon premier roman “Crépusculaire” et “Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée” sont publiées alors que je n’ai pas encore 20 ans. J’écris la sensualité et la rage. Je dépeins les sens et les illusions. Qu’aurait été ma vie si finalement j’avais décidé de suivre mon premier rêve, celui de devenir professeur de Français ? Qu’aurait été ma vie si je n’étais pas entré au service diplomatique à l’âge de 23 ans ? Destiné aux lettres, me devais-je donc de donner plusieurs sens à ce temps qui m’était accordé ?


Portrait « Lorsque j'arrivais à Paris prendre mes fonctions d'ambassadeur, je me rendis compte que je devais payer un lourd tribut à ma vanité. J'avais accepté le poste sans beaucoup réfléchir, me laissant aller une fois encore aux caprices de la vie. J'étais séduit par l'idée de représenter un gouvernement populaire victorieux, après tant d'années de régimes médiocres et mensongers. Au fond, ce qui me fascinait peut-être le plus, c'était d'entrer avec une nouvelle dignité dans cette ambassade où j'avais avalé bien des humiliations à l'époque où j'organisais l'immigration des républicains espagnols au Chili. Chacun de mes prédécesseurs avait contribué à ma persécution, tous m'avaient dénigré et m'avaient blessé. Le persécuté allait enfin s'asseoir à la place du persécuteur, manger à sa table, dormir dans son lit et ouvrir les fenêtres pour que l'air nouveau du monde dépoussière une vieille ambassade. » Iconoclaste et homme de fougue, me devaisje donc de donner un peu de répit à ce temps qui m’était accordé ? Au moment de mourir, j’ai senti le regard de Matilde sur moi. Ma Matilde, ma brune, ma femme, ma muse. Et par elle, c’est le parfum de toutes les femmes que j’ai enlacées qui m’est revenu. Les chevelures soyeuses, les yeux sombres amoureux ou courroucés. La délicatesse de leurs mains qui ont fait tant écrire les miennes. Leurs corps souples, leur esprit dur et leur affection sans fin. Avais-je donc donné assez d’amour à ce temps qui m’avait été accordé ? Au moment de mourir, je me suis dit que cette mort était bien étrange et que face à elle, me voici redevenu Ricardo Eliezer Neftalí Reyes Basoalto. Malgré tout, si moi, Ricardo, né à Parral au Chili, d’un père cheminot, je n’avais pas créé mon double, ma vie aurait-elle été si pleine ? Ma poésie signée Pablo Neruda aurait-elle été la même ? N

Samira Aguerguan

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Samira.Aguerguan@hotmail.com

Au moment de mourir, j’ai revu les visages que j’ai croisés lors de mes voyages, leurs amours, leurs haines, leurs fières couleurs. J’ai cru humer de nouveau les senteurs des ruelles de Barcelone et de Rangoon. Me réchauffer du soleil de Colombo, de Batavia et de Calcutta. Entendre quelques notes de musique s’échapper d’un club de Buenos Aires. Que d’âmes enjouées, d’âmes esseulées j’ai pu croiser. Des drôles de bonhommes qui chantaient ce à quoi mon cœur aspirait. Mes amis se nommeront à jamais Picasso, Garcia Lorca, Aragon, Breton, Eluard. Comme j’aurais aimé, une nouvelle fois, goûter à des plats exquis et des vins divins, rire aux éclats, en leur compagnie… Avec eux, bras dessus, bras dessous, mes convictions politiques furent aussi rouges que le sang qui cessera bientôt de m’animer. Convictions que j’ai dû plusieurs fois payer. Voilà mon baluchon et moi, éternellement sur le départ avec comme fardeau le déchirement de quitter et la bénédiction d’y survivre. Mais, soyons honnêtes, j’ai eu dans cette vie la chance d’être de la noblesse des exilés. Et au fil de mes périples, si j’ai perçu l’animosité coupante et la jalousie perfide de mes ennemis, quelle fierté d’avoir su avancer ! Eclatées, les classes sociales, je les ai bousculées de ma carcasse et ma stature, aussi imposantes que les montagnes de ma jeunesse. Ce sentiment, je l’avais déjà posé sur papier, il y a quelque temps déjà et je l’exprimais en ces mots :


Aventure au Chili

Del'AtlantiqueauPacifique ouduChevalBlancauChevaldesAndes...

ous étions quelques-uns à rendre visite au Seigneur des vignes, Bernard Magrez et son grand Cru fétiche “le Château Pape Clément”. Ce self made man est à la tête de 35 vignobles, en France bien sûr, mais aussi en Uruguay et au Maroc. Surnommé le Premier Vigneron de France, il n'hésite pas à nous signifier que, quoi qu'il en soit, « les Meilleurs Vins seront toujours bordelais ! »... Continuant notre périple intitulé “In Vino Véritas” nous débouchons chez l'un des plus prestigieux crus de Saint-Emilion, “le Châ-

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FRANCEMAGAZINE N°31 76 HIVER 2010

teau Cheval Blanc”. Notre domaine comprend 4 sols et et 4 cépages différents. C'est notre force et l'avantage que nous possédons sur nos voisins, même les plus prestigieux, comme le Château Pétrus, car dans nos vins, nous n'avons pas que du Merlot. Chaque récolte est assemblée en rapport avec sa qualité, ce qui fait toute la complexité de ce fameux château. Pierre Lurton, qui dirige deux des plus prestigieuses maisons viticoles bordelaises, le Château Cheval Blanc et le Château Yquem, nous indique que, selon les récoltes, on met


Aventure au Chili

Ci-dessus : le port de Valparaiso. Ci-dessous : une bodega de Mendoza.

un peu plus de merlot, parfois plus de cabernet franc. C'est pour nous faire découvrir un nouveau domaine instrumenté par lui depuis 1999 à l'autre bout du monde, qu'Il nous reçoit aujourd'hui par cette belle journée automnale : le Cheval des Andes. Historiquement, le Malbec, qui pousse surtout en Argentine, a compté jusqu'à 80% dans nos vignobles européens, dont certains bordelais. Depuis les ravages du phylloxéra en 1860, il est devenu très minoritaire en France. Ce sont les Français qui à cette époque, l'ont exporté vers l'Argentine, constatant que le climat et l'altitude lui correspondaient parfaitement et le mettaient à l'abri du phylloxéra. Quand Bernard Arnault et le baron belge Albert Frère, co-propriétaires du Château Cheval Blanc & du Château Yquem, décidèrent d'investir de l'autre côté de l'Atlantique, c'est en Argentine qu'ils recherchèrent les plus vieilles vignes de Malbec pour redécouvrir les saveurs d'antan. En quelque sorte, un retour aux sources. En 1950, Moët & Chandon possèdait déjà un immense domaine “Terrazas de Los Andes”. Cette propriété complantée de Malbec, de Chardonnay et de Cabernet Sauvignon, était toute indiquée pour y découvrir les meilleurs et plus anciens plants de Malbec dans cette merveilleuse bodega située aux pieds de la Cordillère des Andes. Constatant, devant quelques

bonnes bouteilles, que les méthodes de travail sont différentes d'un continent à l'autre, Pierre Lurton comprend très vite qu'il a en face de lui d'excellents vignerons. Ainsi naquit le millésime 1999 “Cheval des Andes”. Assemblage de Cabernet Sauvignon 56 %, Malbec 40 % et, plus rarement utilisé dans le bordelais, 4 % de Petit Verdot. Au cours des années, les progrès sont rapides et de très bon aloi. Les millésimes 2001 & 2002 reflètent toutes les composantes des assemblages affinés par l'œnologue Nicolas Audebert, fraîcheur épicée et cet arôme si caractéristique des vins du nouveau monde, de cerise noire argentine. Reste à savoir si, au cours des années, le Cheval des Andes saura se bonifier, comme son aîné, et faire de lui un grand cru incontournable. Nous quittons Mendoza à regret. Située au pied de l'Aconcagua (6 959 mètres), Mendoza, ville argentine ressemblant à s'y méprendre à Aix-en-Provence et son légendaire Cours Mirabeau, est la dernière ville argentine qui nous conduit par sa route des Andes vers la frontière du Chili au Christ Rédemptor (4 450 mètres). Nous avions tous souvenance de l'incroyable épopée des survivants de la Cordillère des Andes, survenue après la catastrophe aérienne de 1974. L'actualité faisant, avec, cette foisci, la fabuleuse saga des mineurs et l'issue heureuse de leur sauvetage, nous décidâmes d'emprunter cette route unique où ìl n'est plus possible de se croiser lorsqu'on entame

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Aventure au Chili >> l'ascension, pour rejoindre le Chili, débar-

rassé des années Pinochet et de sa lugubre dictature.

L'ombre de Jean Mermoz planait au-dessus de nos têtes... Il fallut plus de 3 siècles de période coloniale pour que le Chili proclame son indépendance en 1818. Accompagnée de plusieurs milliers d'indiens avec, à leur tête, le lieutenant Diego de Almagro au service du conquistador Francisco Pizarro, la poignée de soldats péruviens débarquent en 1535 dans la vallée de Santiago. 1541 vit la naissance de Santiago et Valparaiso. Les Espagnols, comme les incas auparavant, ne purent jamais imposer leur dictat aux redoutables Araucans. Croyant découvrir infiniment plus de richesses qu'au Pérou, ils ne récoltèrent que la rusticité du sol et l'attachement viscéral à leurs terres de leurs habitants. Le Chili prit son essor en 1836, après de nombreuses batailles victorieuses contre le Pérou et la Bolivie, ce qui lui permet de redéfinir ses frontières avec ces deux pays, s'octroyant deux provinces minières, exploitantes stratégiques de nitrate et de cuivre. Devenu le fer de lance dans toute l'Amérique du Sud, le Chili devient un interlocuteur sérieux, avec qui les contacts internationaux s'établissent dans bien des domaines : qu'ils soient culturels avec la France et l'Italie, militaires et scientifiques avec la Prusse ou économico-commerciaux avec le RoyaumeUni. Le port de Valparaiso devient une place portuaire incontournable pour le commerce maritime vers la moitié du XIXe siècle. Tellement incontournable qu'elle suscitera la convoitise et l'avidité de l'Angleterre pour s'accaparer les richesses minières. Quoi de mieux que d'instaurer, en 1891, une instabilité dans le pays tout en déclenchant une guerre civile qui va durer près de 40 ans. Coups d'Etat permanents, multiplication des successions gouvernementales entre 1930 et 1970 ayant pour incidence majeure l'instauration larvée mais progressive d'une idéologie communiste faisant face aux organisations d'extrême droite et groupes nazis. Le climat social délétère laisse apparaître un front populaire face à la “peste brune”. Pendant plus de 3 années, Salvador Allende va échouer dans sa tentative de calmer l'agitation sociale. L'opposition orchestrera sawww.expatria-cum-patria.ch

vamment sa contre offensive en faisant fuir les riches propriétaires et conseiller aux petits épargnants de retirer leur épargnes des banques. L'épilogue qui s'ensuit voit les suicides de “El Chico” le 11 septembre 1973 au cours de ce qui restera encore de nos jours comme l'un des plus sanglants coups d'Etat. Pendant près de 20 ans, le pays est soumis à la répression implacable. La police et la justice militaire vont terroriser toute une frange de la population, rappelant ainsi à notre mémoire, loin de notre conti-

Santiago, aux multiples visages.

nent, les heures noires de notre histoire. Il faudra attendre mars 1994 pour renvoyer Pinochet et ses tristes exactions et voir l'élection d'Eduardo Frei avec plus de 58 % des suffrages exprimés. Le retour à la Démocratie permet de découvrir un pays magnifique, moderne, voué à un développement réel et constant, mettant toutefois en évidence pour l'heure actuelle, la pauvreté d'une grande partie de la population face à une autre, réellement à l'aise. Cette bande de terre partant de l'Antarctique au pôle sud sur plus de 4 300 kilomètres de longueur, grand comme une fois et demie la

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Aventure au Chili France, est peuplée de 16 millions d'habitants dont plus de 80 % résident dans la zone fertile du centre du pays. Santiago abrite à elle seule plus de 4 millions de Chiliens Les diversités climatiques et géographiques du Chili font que lorsque vous vous trouvez aux confins du pôle sud, il vous faut vous couvrir chaudement, très chaudement. La Cordillère des Andes compte quelques sommets flirtant avec les 7 000 mètres d'altitude. C'est un véritable paradis pour les monta-

Mendoza, très colorée.

gnards et skieurs des hautes cîmes, trouvant ici une terre accueillante pour donner tout loisir à leurs passions des grandes escalades et des courses en haute altitude. N'oubliez pas que dans l'hémisphère sud, les saisons sont le contraire de ce que nous vivons en Europe. L'été s'étale entre la fin décembre et la mimars. J'avais foulé ces terres en janvier 1990 ; dans cette région, même si c'est l'été, les températures avoisinent 0°. Certaines journées avaient enrégistré des températures allant jusqu'à 21°. C'était le constat sur place, du

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réchauffement climatique en marche. Cela ne veut dire aucunement que ça durera vitae éternam. Où que vous vous trouviez au Chili, la haute montagne est toujours à proximité. En moins de deux heures de Santiago, vous abordez les 4 000, tout en étant à proximité des plages. Dès lors où vous remontez vers le nord, les températures oscillent vers les 40° dans le désert d'Atacama, une région les plus sèches de notre planète. D'aucuns affirment qu'ils ont connu des périodes de 15 années sans pluie. C'est dire que contrairement au pôle sud, tout vêtement vous semble superflu... et pourtant, attention aux redoutables rayons solaires d'altitude. Le désert d'Atacama s'étend sur plus de 1 000 kilomètres et est traversé en son milieu par le Tropique du Capricorne. L'eau est déversée par les rivières cheminant depuis la Cordillère des Andes. S'ajoutent à cette terre aride quelques nappes phréatiques souterraines occasionnant par ci par là des oasis dont on se demande, à première vue, comment elles peuvent résister à ce climat aussi rude. Bien évidemment, la compensation vient du sous-sol. Les populations autochtones vivent de l'extraction des minerais dont les sous-sols rugueux regorgent. Ainsi, jusqu'à la fin du XIXe, ce fut le salpêtre, et aujourd'hui les nitrates et le cuivre. On touche la région d'Antofagasta. Parmi ces oasis, véritables défis de la nature, se trouve San Pedro de Atacama, bourg de 1 200 âmes, vivant en plein cœur du désert. Charmant petit village aux ruelles et espaces verts adorables où déambulent de plus en plus nombreux des touristes venant de la terre entière. Au beau milieu de la place s'érige l'inévitable église du XVIIe, sorte de petits cubes superposés recouverts de chaux blanche et son autel en bois de cactus L'ombre du volcan bolivien Licancabur veille l'édifice. San Pedro est le point stratégique pour se rendre vers la vallée de la Lune, les Geysers du Tatio et le Salar d'Atacama. C'est un paysage irréel qui s'offre à nous. C'est une véritable kyrielle de couleurs allant du sol rouge sanguin aux reflets sombres, côtoyant les pics blancs des volcans et des cîmes de la Cordillère des Andes. Les montagnes entières de talc blanchâtre se succèdent au rougeoiment de la bauxite en jouxtant celles vertes du cuivre. >>


Aventure au Chili >> Ce panorama posé telle une toile sur un fond bleu azur d'une clarté aveuglante, préservé de pollution, où dévalent les lagunes d'altitude vertes ou bleues, selon l'heure du jour. A quelques kilomètres de là, on y découvre la vallée de la Lune, là où, tels des personnages statufiés à la Dali, sculptés dans la roche depuis des millénaires par l'effet cumulé du vent et du sable, nous accueillent comme une garde mythique, nous laissant savourer dans un silence quasi religieux, les ramages orangés et flambloyants des derniers rayons de soleils sur les sommets andins. Moment intense. Dès que l'on atteint les 2 000 mètres d'altitude, les hauts plateaux prennent un autre visage. Les cactus candélabres, approchant pour certains 15 mètres de hauteur, montent la garde auprès des troupeaux sauvages qu'on croisent au hasard de notre chemin. Ici, ce sont les lamas et les alpagas, fiers et intrigués de notre présence. Là, ce sont les fines et craintives vigognes. Le pelage précieux de leur ventre, comme du duvet, sert à confectionner des vestes et manteaux dont la légèreté et la chaleur

ne sont à nulles autres pareilles. Ces hauts plateaux sont aussi un paradis où trouvent refuge plus de 130 espèces d'oiseaux, allant de l'oie sauvage en passant par les autruches, sans oublier les flamants roses. Une centaine de kilomètres plus loin, nous atteignons les geysers du Tatio à 4 300 mètres d'altitude. Dans l'air glacial de l'aube, on devient le témoin ébahi devant tant de beauté. En effet, la projection permanente des geysers chauds vers le firmament, de toutes les hauteurs, tels des sursauts, nous fait penser à un ballet accompagné de fumerolles aux teintes dégradées et variées. Plus loin, veillent les pénitents de glace sur le chemin de l'Ojos del Salado. Nous devons redescendre à Valparaiso afin de saluer un vieil et fidèle ami, heureux de savourer ses vieux jours. En 1536, l'Andalou Juan de Saavedra, parti du Pérou pour rejoindre Diego de Almagro, le découvreur du Chili le rencontra au beau milieu d'une baie paradisiaque. Se souvenant du nom de son village natal en Andalousie, il appela cette baie Valparaiso. www.expatria-cum-patria.ch

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Valparaiso, chanté par tous le hommes de la mer. Valparaiso et son quartier chaud, comme dans tous les ports, où les filles ont pour premières vocations de penser aux peines encourues au cours des longs, souvent trop longs séjours en mer... Certains marins ne reviennent pas. L'hallali de Valparaiso a sonné en 1914 avec l'ouverture du canal de Panama. Ce vieux port du bout du monde devenait moins attractif. Aujourd'hui, la globalisation et les choix économiques, les zones franches et la croissance continue laissent augurer un renouveau pour cette partie du monde côtoyant le Pacifique. Par rapport à ses voisins, le Chili, aborde les prochaines années dans le leadership des pays d'Amérique du sud. Avant de repartir vers notre vieux continent européen, nous ne serions pas pardonnés si nous ne sacrifions pas au rite de surplomber Valparaiso et ses collines environnantes à l'aide du mythique Ascensor de l'Artilleria. Funiculaire poussif, datant de 1893, fait de bois et de métal dont on ne sait si les centaines de couches de peinture multicolores qui tiennent le bois ou le contraire. De là-haut, l'on perçoit le grouillement du port et son nombre incalculable de cargos, de portes-containers entassant ses boîtes de toutes les couleurs comme des légo. Ici, ce sont les vieux repaires de marins et pêcheurs entre la vieille douane et la place Sotomayor, c'est aussi le lieu où les fresques du quartier Bellavista furent réalisées par les élèves de l'Institut de l'Art de l'Université Catholique au cours des années 1970. Là, au milieu de nulle part, côtoyant les filets de pêcheurs en train de sécher et les petits restaurants bien sympathiques aux tables recouvertes de toiles cirées à carreaux, surgissent quelques couples de tous âges, se lançant avec prouesses dans les circonvolutions savantes d'un tango. A l'écoute de cette merveilleuse musique, j'ai tout à coup souvenance que celle-ci fut exportée en Argentine par un toulousain, nommé Carlos Gardel. Un Européen. Il se fait tard, il est temps de rentrer. N SERGE C. VINET



Exposition

Vice et Volupté

A BERNE, UNE COPRODUCTION ENTRE LE MUSEE DES BEAUX-ARTS ET LE ZENTRUM PAUL KLEE OFFRE UNE REFLEXION PHILOSOPHIQUE ET ESTHETIQUE SUR LES SEPT PECHES CAPITAUX DEPUIS DÜRER JUSQU'A NAUMANN.

Sigmar Polke, Sans titre, 1973, gouache s/papier, 70 x 100 cm, Berne, musée des Beaux-Arts © 2010, ProLitteris.

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Exposition

Fernand Cormon, Jalousie au sérail, 1874, h. s/toile, 157 x 217 cm © Musée archéologique de Besançon.

n ambitieux projet bernois a vu le jour pour nous inciter à réfléchir sur le vice et la volupté du XIe siècle à nos jours. La volupté est-elle un péché, le péché est-il une volupté ? En confrontant des réalisations artistiques du passé à celles de la période contemporaine, l'exposition montre comment l'attitude de la société s'est modifiée au cours des siècles vis-à-vis de ce qu'on peut considérer comme un péché capital. Les sept péchés regroupent l'orgueil (Superbia), l'envie (Invidia), la colère (Ira), l'ava-

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siècle, après la quasi totale perte d'influence de la doctrine morale de l'Eglise sur la société. Pourtant les nombreuses mises en scène sur ce sujet en art, en littérature et dans le domaine scientifique indiquent qu'il n'en est rien. La thèse de l'exposition est que les péchés capitaux n'ont pas été seulement un moyen de discipliner les populations chrétiennes au nom d'une morale supérieure, mais qu'ils ont également de tout temps garanti un fonctionnement social normalisé. Actuellement, l'attitude de la société est am-

rice/cupidité (Avaritia), sujets traités au musée des Beaux-Arts. Le Zentrum Paul Klee réunit trois autres sections - la paresse (Acedia), la gourmandise (Gula) et la luxure (Luxuria) et s'interroge sur le problème de certains types de comportements, condamnés autrefois, et acceptés de nos jours suite à une révaluation positive. On pourrait penser que le concept des sept péchés capitaux est dépassé depuis le XXe

bivalente à ce propos. D'une part, l'économie capitaliste exalte la gourmandise, l'envie et la cupidité en incitant à une consommation de biens toujours plus excessive. Et de nombreux contemporains considèrent comme socialement acceptable la liberté sexuelle, c'est-à-dire la luxure des temps passés. D'autre part, lorsqu'est franchie une nouvelle étape dans les excès, les mêmes comportements sont alors stigmatisés. Les

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Exposition

>> organisateurs de l'exposition retrouvent

cette ambivalence en art. Par exemple les peintres hollandais du XVIIe siècle ont aimé représenter, sous le couvert de la morale, des scènes de débauche gourmande lors d'opulents banquets ou dans de modestes tavernes, où les convives s'adonnent sans vergogne à des occupations libertines. Et certaines œuvres contemporaines, parallèlement au désir d'enfreindre les tabous, reflètent aussi le besoin de limites morales et de règles de comportement dans un monde où presque tout est permis. L'attitude n'est pas nouvelle. Déjà au Moyen Age, le meilleur moyen de faire passer un contenu délicat était de le faire sous un prétexte d'avertissement moralisateur.

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A la période médiévale vice et vertus sont souvent nommés ou explicités, comme sur un retable venant d'Anvers qui montre dans sa partie supérieure le Jugement dernier. Les deux autres registres exposent les œuvres de la charité (les quatre panneaux sous le Jugement dernier et trois autres en bas) opposés aux sept péchés capitaux répartis à droite. Le diable apparaît dans chacune de ces dernières scènes, parfois seulement son bras sombre et sa main griffue comme sur l'image de la luxure (en bas à droite), pour signifier que s'y adonner mène en enfer. A Berne, on peut admirer de nombreux autres exemples de l'époque Moyen Age-Renaissance par des gravures et des dessins. Aux cimaises des deux musées, on pourra voir

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Maître anversois, Le jugement dernier, 1490-1500, h. s/bois, 115 x 225 cm, Anvers, Maagdenhuismueum © CPAS Anvers.


Exposition par ailleurs des peintures du XVIIe siècle (entre autre d'Adriaen Brouwer, de Jan Steen, de Jacob Jordaens et d'Adriaen von Ostade). D'autres grands noms comme Rubens, Thomas Couture, Gustav Klimt, Otto Dix sont également représentés. La toile de Fernand Cormon situe la jalousie dans un harem, dans le contexte de la peinture orientaliste particulièrement en vogue au XIXe siècle. Une femme nue poignardée gît au premier plan, ce dont se réjouit avec un plaisir hargneux la belle odalisque allongée sur le lit. La petite silhouette avide de Paul Klee illustre la gourmandise alors que le tableau de Muntean et Rosenblum nous communique l'ennui et la mélancolie qui sont traditionnellement associés à la paresse. Pour la période contemporaine, le choix des commissaires s'est aussi porté sur des artistes comme Marlene Dumas, Gilbert & George, Andreas Gursky, Annette Messager, Cindy Shermann et Erwin Wurm, alors que Bruce Nauman a réalisé une grande installation sur la façade du musée des Beaux-Arts. Les gouaches de Sigmar Polke exposées s'inscrivent dans le registre de la luxure, le secteur sulfureux de la manifestation bernoise. Réalisées en 1973, comme la jeune femme nue affichant sa liberté sexuelle dans un halo de lumière, furent réalisées dans le contexte des revendications féministes de l'époque. Signalons qu'à la dernière minute, des photographies de l'Américain Larry Clark et le tableau de l'Allemand George Grosz Femmes nues accroupies vues de dos ont dû être retirés, à cause de leur caractère trop licencieux. Les images sont toutefois incluses dans le catalogue. Au total, 250 œuvres sont à découvrir pour cette première et grande exposition commune menée conjointement par les deux établissements. N

Ci-contre : Paul Klee, Le glouton, 1940, craie s/papier, 30 x 21 cm, Berne, Zentrum Paul Klee © 2010, ProLitteris. Ci-dessous : Markus Muntean/ Adi Rosenblum, Sans titre, acrylique s/toile, 2001, 200 x 250 cm © Vienne, coll. Fuchs.

abecedart@sunrise.ch

L’exposition Vice et Volupté. Les sept péchés capitaux de Dürer à Nauman Jusqu’au 20 février 2011 à Berne. Musée des Beaux-Arts Hodlerstrasse 8-12. CH – 3000 Bern 7 Zentrum Paul Klee. Monument im Fruchtland 3. CH – 3000 Bern 31 Heures d’ouverture : mardi-dimanche 10 - 17 h (musée des BeauxArts : mardi jusqu’à 21 h).

La publication Kunst und Laster. Die 7 Todsünden von Dürer bis Nauman. Catalogue en allemand, 380 pages et 480 illustrations. CHF 57.-

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Corinne Charles DOCTEUR EN HISTOIRE DE L’ART


Le billet de Dany

À l’oreille des chevaux… e cheval fait rêver des millions de gens de par le monde, par son élégance, sa beauté, sa fierté et son harmonie. L'homme chevauche depuis la nuit des temps à ses côtés, que ce soit dans les haras de France ou avec la passion des turfistes du dimanche ; mais aussi avec l'artisan sellier de Pompadour.

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Bien malin qui pourrait affirmer lequel a conquis l'autre ! Si Vincennes est célèbre pour ses nocturnes, Cagnes-sur-Mer l'est pour son environnement... Depuis leurs superbes voiliers qui voguent le long de la grande bleue, les promoteurs observent avec une avidité à peine contenue, cet hippodrome unique en son genre déroulant son anneau sur plus d'un kilomètre en bord de mer. Quel luxe. Insupportable !... Derrière ce panorama de rêve qui donne aux

professionnels du cheval, l'impression d'être en villégiature, l'hippodrome de la Côte d'Azur, le deuxième de France, ressemble à une cité interdite où s'active une petite armée. L'hippodrome s'étend sur plus de 60 hectares dont 18 de pistes. Ouvert quatre mois en hiver et deux en été avec son anneau de sable fibré qui lui permet de courir sous tous les climats, même si, comme le souligne le président de ce superbe espace de chlorowww.expatria-cum-patria.ch

phyle, la piste noble restera toujours l'herbe. Ce bel édifice a un coût Deux exemples parmi d'autres, une station de pompage de plus de 400 m3 d'eau permettant un arrosage constant et un budget annuel de plus de deux millions d'euros, rien que pour l'éclairage. Ce sont de lourdes charges. Si j'ose dire, le jeu en vaut la chandelle ! L'hippodrome totalise 83 courses de PMU

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Le billet de Dany par année. Cela représente des rapports considérables avec des enjeux de plus de 8 milliards d'euros, dont 1,2 milliard va dans les caisses de l'Etat français. Un autre milliard est utilisé pour l'entretien de ce bijou méditerranéen consacré à la plus belle conquête de l'homme. Le reste revient aux parieurs et aux heureux gagnants. Tous les corps de métiers sont représentés dans ce lieu magique, véritable don de Dieu.

Dans cette enceinte sont répartis plus de 920 box. Il est vrai qu'il sont disséminés sur plusieurs lieux, plus particulièrement vers la Cité des Oliviers, paradis des galopeurs et la Cité du Centre qui, elle, est réservée aux trotteurs. L'air ambiant frémit encore des vivats, transcendant la foule qu'elle adressait à ses pégases flambloyants qu'étaient Gélinotte, Varenne, Bahamas, Ourasi et, tout récem-

40 salariés sont employés à l'année, mais plus d'une centaine y travaillent au cours de la saison. Qu'il s'agisse des lads, palfreniers, entretien des pistes, maréchaux-ferrants, selliers, menuisiers, arroseurs, enseignants pour les apprentis, marchands de fourrage, cuisiniers, vétérinaires, clinique intégrée avec radiologues et dentistes équins... Cela relève de la magie pour bien gérer ce haut lieu du sport équestre.

ment encore, Késaco Phédo, fleuron de l'écurie Wildenstein ; entraîné par Michel Bazire et drivé par son fils, Jean-Michel.

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Des formules 1 en sabots Ces véritables formules 1 en sabots se retrouvent à 8 heures du matin d'un beau dimanche de mars. C'est la course du Grand Critérium des Casinos de Monte Carlo. Là, vont se retrouver plus de 400 trotteurs venant de tous les coins du monde accom-

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Le billet de Dany >> pagnés d'une bonne cinquantaine d'entraî-

neurs. Dans les travées, telles des guitares géantes dressées vers le ciel, les meilleurs sulkies du monde arrivés cette nuit même de Suède. Comme dans une carte postale, ici, la tête des chevaux dépasse de leurs demi-portes, comme à la parade... Comme un jour de marché, la cité se transforme peu à peu en village grouillant. Ça sent le sueur et le crottin. Ça crie, ça rit et surtout ça s'active parmi le bruit des sabots et des hennissements. Il est 10 heures. Pour les uns, c'est l'heure de la grise mine de par l'attribution de leur numéro : « C'est pas bon ! J'ai l'extérieur de la piste. » Pour les autres, feignant leur satisfaction à peine voilée d'avoir “tiré” l'intérieur, ils savent bien que c'est un fichu avantage. Quand on observe bien les grandes courses hippiques, les grands rendez-vous, on est frappé par la similitude des préparatifs avec les bolides de la formule 1 ; que ce soit au niveau technique ou celui des matériaux employés. Chaque détail compte, rien n'est laissé au hasard. La recherche contante du zéro faute débouche sur le choix primordial des pneumatiques. Pour les purs-sang, c'est ferré ou déferré... C'est le choix des sulkies de 8 kilos, légers comme du duvet, en fibre de carbone pour un coût dépassant allègrement les 60 000 euros. Les lads sont unanimes pour avouer que leur métier n'est pas facile. Levés dès l'aurore, les soins, paille, litière, promenade attelée vers 11 heures, puis repos une toute petite heure avant la course. S'il arrive que le vent souffle, la tactique peut changer au dernier moment. Les signes avant-coureurs sont multiples pour repérer la forme d'un cheval : son aspect général, ses réactions, le stress... Le lad n'est pas uniquement celui qui bouchonne. Il est constamment près de l'animal. Il lui parle, le calme, le met en condition. En course, le jockey est en osmose totale avec son cheval. Il ne faut surtout pas oublier que le trot est une allure artificielle, d'où la véritable difficulté qui incombe à celui qui maîtrise les rênes. D'ailleurs, ne les nomme-t-on pas “Les Grandes Mains” ! 14 heures ont sonné, le départ est donné Les 14 attelages s'élancent derrière l'autostart. C'est une vision irréelle. C'est un véri-

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table kaléidoscope. Les casaques multicolores aux couleurs des propriétaires des écuries, se mêlant aux sulkies aériens qui se frôlent jusqu'à risquer l'irréparable, le trot élégant des chevaux, les bruits étouffés de leurs sabots et cette respiration saccadée mais ô combien rythmée aux nombres de foulées ; font que la vison de ces purs-sang qui passent devant vous est tout simplement époustouflante de beauté. L'arrivée est proche, dans les tribunes les clameurs enflent, le public averti se lève ; debout, il crie ses encouragements à “son” cheval.

C'est l'arrivée... C'est fini ! Jean-Michel Goujon, figure incontournable du monde équestre, notamment du trot attelé, remet un trophée de plus au couple vainqueur ; Jean-Michel Bazire et son Kesaco Phedo. D'aucuns, de mauvaise foi, déchirent et jettent rageusement leurs tickets par terre , furieux de ne pas avoir eu le flair ou la chance d'être parmi les élus... Les gagnants, hilares, se précipitent vers la caisse pour rafler la mise. Déja, les échos du speaker annoncent la prochaine course... L'arroseuse recommence sa tournée autour de l'anneau. N

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Dany Vinet



Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé

Bordeaux untrésordepierre

Ci-dessus : Fête du fleuve, photo T. Sanson. Ci-contre, en haut : Façade du Grand Théâtre, photo F. Poincet. Ci-contre, en haut : Heurtoir, photo R. Zeboulon.

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Du Port de la Lune à l'estuaire Cette allégorie poétique fait allusion au large méandre de la Garonne au creux duquel Bordeaux s'est développée, depuis qu'une poignée de Gaulois eut choisi, vers le IIIe siècle avant notre ère, la rive occidentale de ce croissant fertile pour y établir leur cité. C'est au-delà de cette ample courbe que les eaux limoneuses de la Garonne s'unissent à celles de la Dordogne pour former l'estuaire fertile et poissonneux de la Gironde qui subit deux fois par jour l'assaut des eaux maritimes. Une croisière en bateau sur ces flots capricieux permettra d'apprécier la richesse de la faune qui niche sur ses rives et ses îles aux contours mouvants, et de découvrir le long de ses berges, les étranges cabanes de pêche sur pilotis veillant sur de larges filets. Durant cette balade au fil de l'eau, les paysages vont défiler et dévoiler des coteaux recouverts de vignobles, de charmants villages de pierre dorée et de puissantes citadelles bâties sur les falaises de craie surplombant la Gironde. Le temps des invasions Après avoir conquis l'Aquitaine, les Romains succédèrent aux Gaulois et firent de Burdigala leur capitale administrative. Ils plantèrent sur la rive opposée la bitura, un cépage résistant au climat océanique, l'ancêtre du vignoble bordelais. La nouvelle ville prospéra et se couvrit de riches monuments dont il reste quelques vestiges comme les ruines d'un amphithéâtre gallo-romain et du palais Gallien. Après les terribles invasions du VIe siècle, son activité commerciale périclita et les habitants se terrèrent derrière de hautes murailles. Les évêques gouvernèrent alors la ville jusqu'au moment où elle fut totalement ravagée par les Vikings au milieu du IXe siècle. C'EST AUX PREMIÈRES HEURES DU JOUR QU'IL FAUT DÉCOUVRIR BORDEAUX LORSQUE, ENVELOPPÉE DE BRUMES OCÉANES, LA VILLE DÉROULE LE LONG DE LA GARONNE, SON MONUMENTAL RUBAN DE FAÇADES DE PIERRE BLONDE GRIFFÉES DE DÉLICATES FERRONNERIES. C'EST AU SOLEIL COUCHANT DEPUIS LA RIVE ORIENTALE, QU'IL FAUT ADMIRER LE FLAMBOIEMENT DE CE REMARQUABLE ENSEMBLE ARCHITECTURAL SE REFLÉTER DANS LES EAUX SOMBRES DU FLEUVE. C'EST À LA NUIT TOMBÉE, QU'IL FAUT LA CONTEMPLER DANS TOUTE LA MAGNIFICENCE DE SES ILLUMINATIONS.

Au Moyen-Âge Après le mariage d'Aliénor, duchesse d'Aquitaine, qui en 1152 épousa en seconde noce Henri de Plantagenêt, futur roi d'Angleterre, Bordeaux va lier son destin trois siècles durant au royaume anglais. Devenue le principal port de l'Aquitaine anglaise dès 1224, la ville prospéra grâce au commerce anglo-gascon des vins protégé par des privilèges commerciaux considérables. Malgré la Grande Peste de 1348 et la guerre de Cent Ans (13371453), la croissance démographique liée à la prospérité repoussa les limites de la ville et les marchands installèrent demeures et entrepôts près du fleuve. Bordeaux se dota alors d'un nouveau rempart pour protéger les quartiers récents et les couvents nouvellement construits. De cette époque florissante qui constitue le premier âge d'or de la cité, il reste quelques

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Les carnets de voyage >> beaux mais rares vestiges comme la Grosse Cloche de

l'ancien beffroi, la cathédrale Saint-André où furent célébrés en 1137, le mariage d'Aliénor et du dauphin Louis VII, puis en 1615, celui de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, les basiliques Saint Michel et Saint Seurin qui conserve l'oriflamme de Roland, neveu de Charlemagne. Les quartiers de Saint-Michel, Sainte-Colombe et Saint-Eloi ont gardé le lacis de ruelles étroites médiévales et quelques maisons à colombage.

Et Bordeaux redevint française En 1453, après la Bataille de Castillon qui mit fin à la guerre de Cent Ans, Bordeaux redevint française et dû se soumettre au roi Charles VII qui fit édifier deux citadelles, le fort du Hâ, aujourd'hui intégré au Palais de Justice et le château Trompette (l'actuelle place des Quinconces). Le commerce de ses vins avec l'Angleterre s'en trouva ralenti. Mais les Bordelais s'adaptèrent avec une certaine souplesse à ce nouveau pouvoir et conservèrent cette sage attitude durant la période troublée des guerres de religions, sous la conduite prudente et humaniste de leur maire Michel de Montaigne. 1 Plus prompts à défendre leurs acquis commerciaux que leur nationalité et leur religion, ces hommes de bon sens traversèrent tranquillement les XVIe et XVIIe siècles, préférant négocier avec les protestants plutôt que les massacrer ou les exiler. Au début du XVIIe siècle, les négociants des villes du nord de l'Allemagne et des Flandres firent bâtir au bord de la Garonne dont les marais venaient d'être asséchés, chais, entrepôts et habitations. Le passage Notre-Dame dans le quartier des Chartrons offre quelques exemples de ces chais anciens aujourd'hui transformés en coquettes boutiques. Après la Fronde qui secoua assez peu la ville, les Bordelais s'adaptèrent à nouveau avec philosophie à la reprise en main de Louis XIV qui fit bâtir à l'emplacement du château Trompette, une nouvelle citadelle dessinée par Vauban. Elle fut démolie par les urbanistes au début du XIXe siècle. Le port négrier C'est au XVIIIe siècle que Bordeaux va connaître son second âge d'or, grâce au commerce colonial triangulaire consistant à échanger armes, tissus et verroteries aux rois africains contre des esclaves vendus ensuite aux Antilles d'où l'on rapportait sucre, café, rhum, coton et indigo. Cent cinquante mille esclaves noirs transiteront par le Port de la Lune jusqu'en 1794 qui sonna l'abolition de l'esclavage, puis à nouveau durant l'Empire, de 1804 à 1848. Au siècle des Lumières la cité, s'étant extrêmement enrichie, va sortir de son carcan médiéval grâce à la volonté des intendants Claude Boucher et Louis-Urbain Aubert de Tourny déterminés à lui donner un nouveau visage. De 1758 à 1788, les habitations insalubres furent rasées, la muraille du Moyen-Âge démolie pour laisser place à de somptueux hôtels particuliers bâtis par de grands architectes. Ils dessinèrent dans le même élan, parcs et promenades (le Jardin public date de 1744), tracèrent de larges allées bordées de luxueuses demeures (les allées de Tourny), ordonnèrent de nouvelles places et dotèrent la ville de ses plus beaux édifices. Le Grand Théâtre, considéré comme l'une www.expatria-cum-patria.ch

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2 1. La Place de la Bourse, photo T. Sanson. 2. Le Pont de Pierre, photo F. Poincet. 3. La Grosse Cloche, photo T. Sanson. 4. Terrasse en été sur la place du Parlement, photo F. Poincet. 5. Fontaine des trois Grâces, place de la Bourse, photo T. Sanson.

des pièces majeures du patrimoine architectural bordelais, fut réalisé entre 1773 et 1780 par Victor Louis, premier architecte du roi de Pologne. Le luxueux Palais de Rohan construit en 1772 face à la cathédrale SaintAndré pour un riche archevêque, est l'œuvre de l'architecte parisien Joseph Étienne. Ce palais à l'élégante façade précédé d'un imposant portique, a depuis longtemps perdu sa fonction épiscopale pour devenir l'Hôtel de Ville de Bordeaux. Le génie des Gabriel La place Royale, aujourd'hui place de la


mentale façade édifiée dans la courbe intérieure du fleuve, émerveillaient les voyageurs qui accostaient au Port de la Lune et ne cessent de fasciner les visiteurs d'aujourd'hui. La Révolution va interrompre cette frénésie immobilière et Bordeaux aura aussi sa guillotine et ses martyres. Trois cents aristocrates et riches marchands finiront sous le couperet. Le siècle des grands édifices publics Si l'activité portuaire a quelque peu stagné au début du XIXe siècle, malgré le rétablissement sous l'Empire de la traite des Noirs, les affaires reprirent vers 1830, stimulées par de grands négociants et financiers. Cette renaissance se confirma avec l'arrivée du chemin de fer (1850), le renouveau du vignoble et la plantation de la forêt landaise. Bordeaux s'engagea alors dans une nouvelle période d'embellissement par la construction de grands édifices publics comme le Palais de Justice, l'hôpital Saint-André, la gare Saint-Jean sur la rive gauche et la gare d'Orléans sur la rive opposée qui permit au quartier de la Bastide de développer son indus-

4 Bourse, fut conçue et réalisée par 3 Jacques Gabriel et son fils Jacques-Ange Gabriel (1729-1755), architectes de Louis XV. Par son unité et la décoration de ses façades en pierre de taille décorées de mascarons et couvertes de hautes toitures d'ardoise couronnées d'une balustrade, cette place constitue l'un des plus beaux ensembles architecturaux du XVIIIe siècle français. Ouvert sur le fleuve, ce vaste ensemble à la solennité toute royale, au centre duquel trône la fontaine des trois Grâces, constitua le début d'un formidable plan d'urbanisme (1743) qui se produisit par la construction sur les quais de la Garonne, d'une enfilade d'immeubles en pierre blanche se déroulant sur près d'un kilomètre. L'harmonie et l'élégance de cette monu-

trie. De nouveaux ponts enjambèrent la Garonne comme le pont ferroviaire dessiné par Gustave Eiffel et le magnifique pont de Pierre qui remplaça en 1822, celui qui fut construit à la hâte en bois pour les troupes napoléoniennes quelques années plus tôt. En 1824, son architecte ingénieur Claude Deschamps conçut également un immense entrepôt (l'entrepôt Lainé) pouvant recevoir jusqu'à 15 000 tonnes de denrées coloniales. L'immense double nef en plein cintre flanquée de collatéraux rappelant les basiliques du XIe siècle sera magnifiquement reconvertie dans les années 1980, en musée d'art contemporain. L'esplanade des Quinconces, avec son imposante colonne érigée en mémoire aux Girondins guillotinés pendant la Révolution, fut aménagée dès 1828. Une fontaine colossale en bronze baigne son pied et apporte élégance à l'ensemble. Sous les frondaisons de cette place de douze hectares - la plus grande d'Europe -, deux statues monumentales rendent hommage à Montaigne et à Montesquieu, deux enfants du pays, qui avec Mauriac, sont surnommés les « 3 M » par les Bordelais. La fin du XIXe siècle est considérée comme un nouvel âge d'or pour Bordeaux, malgré la crise du phylloxéra combinée au mildiou (18751892) qui détruisit une partie de son vignoble. Son activité portuaire se développa considérablement jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

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Les carnets de voyage de Kathereen Abhervé >> Les temps modernes

Il fallut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que Bordeaux reprenne, avec l'arrivée de son nouveau maire Jacques Chaban-Delmas, ses grands travaux d'urbanisme et se modernise. La ville trop à l'étroit dans ses murs, créa de nouveaux quartiers pour former une grande métropole de 750 000 habitants. Dans les années 70, le Port de la Lune quitta le quai des Chartrons pour la rive opposée et devint rapidement le sixième port français de la côte Atlantique. Bordeaux développa alors de nouveaux secteurs d'activités tels que l'aéronautique, l'électronique, la chimie et le tourisme. Sous la houlette de son maire Alain Juppé, la ville s'engagea dès 1996 dans un vaste programme de rénovation et d'embellissement renouant ainsi avec l'ambitieuse politique des intendants. Ces travaux d'envergure comprenant l'installation de deux lignes de tramway alimentées par le sol afin de ne pas perturber l'harmonie des lieux traversés, la construction de plusieurs parkings souterrains, l'aménagement des berges « paysagées », la restauration des quais et de leurs hangars, docks et chais, du pont Napoléon, et du Grand Théâtre, se sont achevés en 2004. Depuis 2007, Bordeaux est inscrite au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, pour l'unité et l'harmonie de son architecture classique et néoclassique et la réussite de la remise en valeur de son patrimoine architectural, qui attire chaque année près de trois millions de visiteurs.

Le vin de Bordeaux On ne peut toutefois s'intéresser à Bordeaux sans parler de son vignoble qui depuis les Romains, a fait la richesse de la cité et de sa région. Après que l'Aquitaine soit devenue anglaise, le claret, un vin rouge léger apprécié des nouveaux seigneurs s'exporta par bateaux entiers. Dès 1241, les négociants bordelais profitèrent de privilèges fiscaux importants les exemptant des droits sur les vins exportés et interdisant aux vins étrangers de descendre la Garonne avant que leur production soit vendue. Rappelons qu'à cette époque, le vin ne se conservait pas... Depuis ces époques lointaines, les vins de Bordeaux sont devenus pour la plupart, de très grands crus grâce à un secret qui tient en quatre mots : sol, cépage, savoir-faire et climat. Il faut dire qu'ici, à la hauteur du 45e parallèle nord, la température est délicieusement tempérée par le Gulf Stream et les terres miraculeusement abritées des vents océaniques par la forêt des Landes. Le vignoble s'étend autour de Bordeaux, en amont de la Garonne et de la Dordogne jusqu'à l'extrémité de la rive gauche de l'estuaire de la Gironde sur une petite bande de terre calcaire, argileuse ou faite de graviers et de sable, d'environ cent trente kilomètres de long et large d'une centaine de kilomètres. Le Bordelais représente 115 000 hectares de vignes et regroupe 12 000 propriétés dont 5 000 châteaux, 60 caves coopératives et près de 400 négociants. Environ 6 millions d'hectolitres sont produits chaque année, sous 60 appellations différentes garantissant la qualité du vin et la « typicité » du terroir. De nombreux châteaux proposent sur rendez-vous, des visites-dégustations, des repas gastronomiques, des stages d'œnologie, et parfois même l'hébergement sur place. Alors pourquoi ne vous laisseriez-vous pas tenter par un séjour dans l’un de ces châteaux du XVIIIe au charme désuet, bâti au cœur du vignoble ? Place à la culture Mais laissons les raffinements aristocratiques des châteaux du Médoc pour les splendeurs du Grand Théâtre, chef d'œuvre de l'architecte Louis Victor. La façade monumentale d'inspiration néo-classique aligne avec superbe les douze colonnes corinthiennes de son portique, lui-même surmonté par une douzaine de muses et déesses de

Les quais des Chartrons, photo F. Poincet.

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6. La salle du Grand Théâtre, photo A. Kumurdjan. 7 et 8. Monument des Girondins, photo T. Sanson. 9. Terrasse sur les quais des Chartrons, photo F. Poincet. 10. L'Hôtel de Ville, photo S. Duboscq.

aguerris au répertoire baroque comme le ténor Paul Agnew, le baryton Nicolas Rivenq, la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, pour ne citer qu'eux, formeront, aux côtés du ténor Ed Lyon dans le rôle-titre, une distribution de rêve pour un spectacle d'anthologie. Une raison de plus pour venir fêter l'arrivée de l'été à Bordeaux. L'art de vivre Depuis que Bordeaux est sortie de sa chrysalide,embellie et magnifiée après des années de travaux, elle collectionne les superlatifs et les distinctions. Sixième métropole française et cinquième destination touristique française avec 3 millions de visiteurs annuels, seconde escale de croisière française de l'Atlantique, cinquième aéroport régional français, quatrième gare de France, la capitale régionale de l'Aquitaine, avec un millier de restaurants et un important parc hôtelier, s'est faite la championne de l'accueil en recevant les labels « Famille Plus » et « Tourisme et Handicap ». Les visiteurs peuvent découvrir au hasard de leur flânerie, ce formidable patrimoine architectural, à pied, à vélo, en tramway ou en bateau, apprécier ses musées et profiter du charme de ses nombreuses terrasses pour y déguster les plus grands crus de la région tout en se délectant de quelques unes des spécialités gastronomiques comme les asperges mauves du Blayais, les huîtres du bassin d'Arcachon, la fricassée d'anguilles ou l'alose grillée sur des sarments de vigne, sans oublier le succulent petit cannelé. N

Renseignements Office de Tourisme de Bordeaux : www.bordeaux-tourisme.com 12, cours du 30-juillet, 3000 Bordeaux - Tél. : +33 556 00 66 00 Grand Théâtre : réservations et visites : www.opera-bordeaux.com - Tél. +33 556 00 85 95 Excursion sur la Garonne : www.bateau-alienor-bordeaux.fr - Tél.+033 556 51 27 90 Excursion sur la Gironde : www.royal-garonne.com - Tél. +33 556 40 35 58

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Kathereen Abhervé

k.abherve@geneveopera.ch

pierre. L'intérieur ne surprendra pas le visiteur qui, pour accéder à la salle de spectacle et aux foyers, doit emprunter un élégant escalier de pierre à trois volées, éclairé par une haute coupole de verre. La salle magnifiquement restaurée dans les années 90, a retrouvé ses ors et son décor originel en trompe l'œil réalisé en bois afin de garantir une qualité acoustique exceptionnelle. Le plateau et les coulisses offrent, quant à eux, une technologie de pointe permettant d'accueillir des programmations lyriques et chorégraphiques de haut niveau assorties de saisons de concerts concoctées depuis plus d'une décennie, par le directeur général Thierry Fouquet. Cette année, de grandes figures féminines dérouleront le fil rouge de la saison qui se nourrira des heurs et des malheurs de Carmen, Juliette et Ariane, puis de la Belle Hélène, d'Eléone et de Giselle, avant d'accueillir la production mémorable d'Atys de Lully qui, en 1987 produisit un véritable « tsunami » musical. Dirigée par William Christie à la tête de ses Arts Florissants, cette tragédie lyrique créée en 1676, sera remontée dans le cadre d'une tournée française, au Grand Théâtre de Bordeaux (les 16, 18 et 19 juin 2011) dans les décors de Carlo Tommasi et les costumes somptueux de Patrice Cauchetier. JeanMarie Villégier reprendra les rênes de la mise en scène et Béatrice Massin dirigera les Danseurs des Fêtes galantes. Des artistes

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Tourisme

KohSamui

unedestinationdechoixpourlesFrançais Un développement touristique et immobilier important depuis le tsunami en 2004 Imaginez Koh Samui, troisième île du Royaume de Thailande par sa superficie de 247 m2, située dans le Golfe de la Thaïlande, dans la province de Changwat Suratthani. Baignée par les eaux turquoise et bordée de longues plages de sable blond, Koh Samui, fut prénommée jadis “l’île aux cocotiers”. Depuis le passage du tsunami en 2004 sur la presqu’île de Phuket, Koh Samui constitue une alternative de choix pour les touristes. Cette île qui connaît une croissance touristique importante est située dans une zone protégée et bénéficie d’un climat agréable toute l’année.

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Pour faire face à cette croissance soudaine, de nombreux chantiers ont été engagés sur l’ensemble de l’île, ce parfois au détriment de l’environnement naturel. Les cocotiers qui ont fait la réputation de l’île ont ainsi été remplacés par de nombreux hôtels, restaurants et marchés en plein air pour satisfaire les touristes. Un goût de paradis Koh Samui, ancien refuge de routards en quête d’exotisme est ainsi rapidement devenue un paradis pour retraités ou hommes d’affaires aisés à la recherche de tranquillité, d’exotisme et de luxe. A portée de tous ? Pas si sûr si l’on s’adresse à certains Fran-

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Tourisme la communauté française de l’île où sied le Consulat honoraire représenté par M. JeanChristophe Lamy qui nous a reçus chaleureusement. En effet, depuis 2008, la communauté française de Koh Samui bénéficie d’un relais précieux pour ses besoins administratifs et les touristes peuvent trouver aide et assistance en cas de besoin. Le consul honoraire représente le lien entre les Français et le Consulat pour les questions administratives - notamment les demandes de passeports et les certificats de vie pour les retraités - ainsi que pour ce qui concerne leur sécurité. Notre coup de cœur pour se ressourcer Dédié à votre bien-être, le Kamalaya est un complexe hôtelier situé dans un exceptionnel écrin de verdure au Sud de l’île. Vous cherchez à vous ressourcer, restaurer vos énergies ou désintoxiquer votre organisme ? Sa conception unique et son architecture typique et étudiée vous surprendront par leur beauté. La nature a été mise en valeur par une infrastructure privilégiant les matériaux nobles tels que le bois et la pierre. Les Sea View Villas de 90 m2 avec salle de bain extérieure vous offrent l’espace et le confort dont vous avez besoin pour vous sentir comme chez vous, en osmose avec la nature. Toutes

çais installés sur l’île depuis un certain nombre d’années. Sur une population d’environ 49 000 habitants, 440 Français sont enregistrés au Consulat de France (sur un millier au total), 60% ont une activité déclarée et 30% sont des retraités. Koh Samui accueille près de 150 000 Français de passage par année sur un total de 200 000 francophones. Malgré les apparences, vivre sur Koh Samui n’est pas si facile, le salaire moyen permet tout juste de couvrir les frais de base et il n’est, dès lors, plus question de quitter l’île quand bon vous semble. Enfin, pour ceux qui n’ont pas prévu leur retour en France, la retraite n’est, dès lors, plus assurée et l’avenir reste incertain… Il est vrai que Koh Samui possède des attributs qui ont séduit de nombreux Français. Ceux-ci ont décidé d’y élire domicile et la plupart se sont regroupés au nord de l’île entre Maenam, Bophut et Chaweng. Le “Fishermann Village”, ancien village de pêcheurs qui a su cultiver un charme particulier, représente le quartier général de

Bonnes adresses Consul honoraire de France Jean-Christophe Lamy, Bophut Village, tél. +66 (0) 81 89 42 034, e-mail : agence_consulaire_suratthani@yahoo.fr Hôtel Carpe Diem Fisherman Village, Bophut Beach. Hôtel simple et accueillant à l’architecture épurée, tél. +66 (0) 77 427 195 www.hotelcarpediemsamui.com Kamalaya Resort & Spa Kamalaya, Laem Set Road, Na-Muang, tél. +66 (0) 77 429 800 www.kamalaya.com. Le Boudoir, Maenam Restaurant français créé par Stéphane ancien champion du monde de handball et sa femme Isa. Cuisine du terroir, fromages et charcuteries. Sur réservation au tél. +66 (0) 857 83 10 31. Wine Connexion Grande sélection de vins français et du monde. Demandez Dominique, the “french guy” www.wineconnection.co.th

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Tourisme >>

ont la vue sur la côte et le lagon. Le bruit régulier des petits ruisseaux traversant le vaste jardin, le chant des oiseaux, les nombreuses variétés de fleurs et plantes locales, tout a été pensé pour que vous puissiez lâcher prise. La fusion entre les traditions culinaires orientales et occidentales Parce que l’alimentation constitue un élément essentiel de la vie quotidienne, elle reflète toute la philosophie et l’art de vivre du Kamalaya : vous aurez droit à une sélection unique de produits frais et biologiques. A chaque repas, ce sont la fraîcheur et la qualité des produits qui sont mis à l’honneur,

Le climat à Koh Samui

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vec un taux d’humidité élevé, Koh Samui offre un climat tropical avec une moyenne de 30° toute l’année. La Saison sèche se situe entre mi-décembre et fin mars. Toutefois, cette île a la particularité d’être agréable toute l’année, la saison de pluie, plutôt courte, se situant entre octobre et mi-décembre.

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toujours dans un souci de prodiguer les vitamines et minéraux nécessaires pour accompagner votre remise en forme. Que ce soit la variété de fruits et jus fraîchement pressés, des œufs de canettes, riz rouge, viande d’agneau et de volaille biologiques, sans oublier les desserts maisons délicieux


Tourisme ILS REPRÉSENTENT LA FRANCE À KOH SAMUI Tous aspirent à vivre une nouvelle vie. Certains sont arrivés à Koh Samui par hasard, par amour ou avec l’espoir de le découvrir. D’autres ont choisi d’y vivre une aventure en duo. Nous avons dressé pour vous, grâce à not r e guide improvisé, Dominique, représentant chez Wine Connexion, le portrait de quelques Français installés à Koh Samui. Jean-Christophe Lamy, Consul honoraire de Koh Samui M. Jean-Christophe Lamy est originaire de la région lyonnaise. Voyageur à l’esprit baroudeur, il est parti de France pour un tour du monde en sac à dos en 2002. Après l’Amérique du Sud, l’Australie, la Chine, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Malaisie, Jean-Christophe Lamy s’établit une année à Chang Maï au Nord de la Thaïlande avant d’élire domicile à Koh Samui. Cet hôtelier à la quarantaine dynamique, revêt deux casquettes ; celle de Consul honoraire depuis 2008 et celle de directeur de l’hôtel Carpe Diem qu’il a ouvert avec son frère cadet. Il s’occupe également de diffuser les titres de célèbres BD dont il a acheté les droits : Lanteust, Largo Winch… Contacter Jean-Christophe Lamy au 081 89 42034 ou jeanchristophe@hotelcarpediemsamui.com Yves Baccon, Directeur de Samui Evasion Yves Baccon, surnommé “Papa” vit à Koh Samui depuis 23 ans. Cette personnalité qui est respectée par les indigènes, a marqué les habitants de l’île par un acte de bravoure, mais « c’était il y a bien longtemps » dit-il. Aujourd’hui “Papa” fait découvrir l’île aux touristes qu’il connaît comme sa poche, avec son entreprise Samui Evasion et s’occupe de dénicher les bonnes combines et meilleures adresses locales. Son parcours a été dicté par l’amour. Il s’est laissé envoûter par les charmes de l’île car il le souligne, c’est un des rares français à être là depuis 20 ans. Samui Evasion, Chaweng Beach Tél. +66 (0) 77 230 159 / (0) 77 230 438 www.samuievasion.com.

et sains à la fois ! Tous les mets sont assaisonnés sur demande, et vous aurez la possibilité de goûter à d’exquises spécialités thaïlandaises comme le curry vert de crevette, dans les deux restaurants du complexe, le Soma Restaurant et l’Amrita Café bordant la splendide piscine. Le personnel à votre écoute, les petites attentions comme l’eau et les fruits coupés au bord du lagon vous raviront. Car l’objectif des fondateurs est d’offrir à leur clientèle la satisfaction totale des besoins. Ainsi, bien-être et relaxation sont les maîtres mots ici. Côté

Thierry, correspondant du journal Le Gavroche Autre visage marquant de l’île, Thierry, né en 1958, français originaire de Honfleur, possède une formation en sonorisation et éclairage. Il a débarqué sur l’île en 2003. Avec sa femme thaïlandaise et ses fils de 11 et 20 ans, il doit combiner plusieurs activités et se débrouiller au jour le jour. Avec son fils aîné, Jacques, il a monté une petite société de maintenance informatique et de création de sites internet. Sa femme est interprète et donne des cours de français aux enfants du quartier. Son fils, aujourd’hui photographe, a suivi les cours au CNED car l’école publique reste coûteuse pour les étrangers et n’est dès lors pas accessible à tous. Le CNED est une alternative qui permet aux jeunes français de suivre un cursus scolaire à distance mais avec une discipline au quotidien parfois difficile à maintenir. www.samuizoom.com Dominique, responsable de Wine Connexion Dominique est le spécialiste (et amoureux) des vins français et du monde. Il vit sur l’île de Koh Samui depuis près de 6 ans. D’emblée, il nous propose de nous mettre en contact avec les Français de l’île qu’il connaît grâce à son activité professionnelle. Dominique est arrivé un peu “par hasard” et fait la rencontre d’une Thaïlandaise avant de devenir papa d’une petite fille. Toutefois, cet homme qui s’estime être un grand romantique, avoue être quelque peu désabusé par l’amour. La communication n’est pas facile car nos cultures sont très différentes et il faut accepter qu’un étranger, quelle que soit sa nationalité, sera toujours considéré comme un étranger.

soin, nous vous recommandons les programmes personnalisés comme l’Asian Bliss, mélange savant de massages thaïlandais et ayurvédiques, ainsi que de médecine chinoise. Les cours de Pilates ou de yoga – prodigués par des spécialistes sont à tester absolument. Les programmes plus ciblés sur 5 ou 7 jours tels que “detox” ou “wellness” sont proposés en fonction de vos besoins réels. Ainsi, votre séjour sera mémorable. Le Kamalaya a été élu “Spa Personality of the Year” par le Prix AsiaSpa 2009. N

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Amanda Mélis


LeVietnam un

EdenenAsie

LA PURETÉ DE L’ÉQUILIBRE NATUREL DU VIETNAM EST MAJESTUEUSE. LE CLIMAT TROPICAL PERMET AU VIETNAM DE RESSEMBLER AU JARDIN D’EDEN. LA SYMBIOSE ÉTROITE AVEC L’EAU EST PARTOUT.

La Dynastie des Nguyên • Bao Dai (1925-1945). Né prince Vinh Thuy en 1914, fils adoptif de Khai Dinh, couronné en juillet 1926, à 12 ans. Séjourne plusieurs fois en France. Se heurte à l’administration qui le confine dans un rôle représentatif. En août 1945, il abdique et le nouveau régime Viêt Minh le nomme Conseiller Suprême.En 1946, il s’installe à Hong Kong. La France fait appel à lui en 1948, considérant son abdication comme un intermède sans portée. La défaite de Diên-biên-phu permet aux Etats-Unis de placer à la tête du pays Ngô Dinh Diêm qui chasse l’empereur le 23 octobre 1955 par un référendum truqué. Il était détenteur du sceau impérial jusqu’à son décès en juillet 1997 à Paris. • Gia Long (1802-1819) Thang Chung, Nguyen Phuoc Anh ou Nguyen Anh. Né à Hué en 1759, neveu cadet du seigneur de Hué, Dinh Vuong, il est considéré comme le fondateur de la dynastie des Nguyen. Il eut 31 enfants (13 fils et 18 filles). Histoire • 300 000 à 500 000 ans av. J.C. Des vestiges du paléolithique au site de NUI-DO (province de THANH HOA) confirme la présence humaine au Vietnam.

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Nature • 111 av. J.C. à 938 ap. J.C. Conquête du Vietnam par la Chine. Sous l’impulsion chinoise, le Vietnam passe à l’âge de fer, introduit le cheval, ouvre la route des épices. Les Chinois imposent leur écriture et leur civilisation. • 1225 - 1400 Epoque des TRAN (1225-1400). Le Confucianisme remplace le Bouddhisme comme idéologie d’état. • 1883 - 1908 Conquête de l’Indochine par la FRANCE (époque coloniale)

Hoàng-Dê Empereur Thê Tô Cao Hoang-Dê Gia-Long Nom : Nguyên Phuc Anh 08/02/1762 - 03/02/1820 Règne : 01/06/1802 - 1819 Tombeau : Thién Thu Lang Dinh > Môn Huong Thuy Thua Thiên Hoang Dê Bao-Dai Nom : Vinh-Thuy 22/10/1913 - 31/07/1997 Règne : 08/01/1926 - 25/08/1945 Tombeau : Cimetière Passy Paris 16e

• 1940 Occupation Japonaise

Les Thais noirs, les Hmongs (exploite le bois des for$ets et la broderie), les Daos du nord Vietnam, originaire de chine, ont conservé leur tenue traditionnelle pour travailler aux champs dans la vallée de Mai Chau. Leur écriture remonte au Ve siècle avec une riche production de contes et chants. Ce sont ceux qui ont construit de vastes systèmes d’irrigations. En 1943, le Vietnam a été occupé par les Japonais. La ville mélange dans le désordre des vielles couleurs et des lumières éphémères, des crépuscules caniculaires et des matinées brumeuses, la mousson durait tristement. Le culte des ancêtres est un trait caractéristique de la vie spirituelle vietnamienne liant les vivants et les morts d’un même clan autour d’un autel dont l’héritier du défunt a l’usufruit.

• 1976 Proclamation de la République Socialiste du VIETNAM. Au temps du premier roi Hùng, les habitants du Văn Lang vivaient de la pêche. Leurs embarcations étaient fréquemment attaquées par des grands reptiles ophidiens aquatiques (légendaires). Le roi ordonna à ses sujets de tatouer leur corps afin que ces ophidiens les identifient comme des leurs, de dessiner sur l’avant de leur embarcation des yeux pour éloigner les poissons dangereux. Légende du génie Phù ổng (Thánh Gióng) Sous le règne du 6e roi Hùng, la paix était perturbée par le puissant groupe de rebelles Ân. Ils étaient invincibles et menaçaient le royaume. Le roi envoya des émissaires dans tout le pays à la recherche des personnes capables de sauver le pays. Au village de Phù ổng, fief de la tribu Vũ Ninh (actuellement province de Bắc Ninh), un garçon se porta volontaire pour aller combattre les rebelles. Le roi, surpris par l’âge du jeune homme, accepta cependant de le rencontrer. L’enfant demanda au roi de lui fabriquer un cheval et un fouet en fer. Lorsque les préparatifs furent terminés, l’enfant fit une pendiculation (s’étirer) et s’allongea de dix yards (yard vietnamien). Il monta sur son cheval et partit seul à la rencontre de l’ennemi qu’il décima. Après la victoire, il se dirigea vers le mont Soc Son où il disparut. En reconnaissance de son service, le roi ordonna la construction d’un temple en son honneur au village de Phù Dông et le nomma Roi Céleste de Phù ổng.

Hue, ville impériale du Vietnam, a fêté ses 200 ans en 2002.

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Nature >>

Scénario 6 - NGOC TAM Légendes Vietnam "cœur de diamant"

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Pendant la fête du TET, au 23e jour du 12e mois lunaire, le génie du foyer apparut pour raconter les méfaits de l’année. Les MING occupaient le Vietnam. Le mandarin Vuong se battait contre l’empereur chinois HOANG qui fit brûler la ville de COLOA. Le mandarin promit ses filles en mariage aux génies des eaux TUY TINH et aux génies des montagnes SON TINH en échange de leur aide (faire des contreplongées et beaucoup de profondeur de champ comme CITIZEN KANE). Les génies combattirent et transformèrent les soldats chinois en singe à fesses rouges. Les villageois cachés dans les rizières qui priaient BOUDDHA furent changés en perles. Les bandits devinrent des LAHAN repentis et furent changés en statue pour décorer les pagodes. Le mandarin les maria avec ses filles. Au bord du lac HOIHOAN KIEM, au centre de HANOI, la cérémonie se déroula. Les femmes YAO, de la province de LAO CAI se baladaient richement coiffées avec des décors de pièces de monnaie, de perles de jade et de corail, des jupes plissées bleues marines. Elles leur offrirent des feuilles de bétel, de la noix d’arec et de la chaux en cadeau. Les animaux racontait leur joie (faire de la distorsion et du surréalisme comme D LYNCH). La foule éparpillée. Le temps calme. Les paysages fleuris (casser le rythme en montrant la foule puis la nature immense, la fête puis le vide du paysage comme FELLINI). Mais l’empereur chinois fit tuer le mandarin et ses filles. Ceux-ci furent transformés en carambolier, en vers à soie et boule de jade. C’est ainsi que le Vietnam fut enrichi de mille beautés naturelles et que la planète se vengea des hommes.

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Le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine constituent le Vietnam. L’économie de marché, le Doi Moi, est présente. Des traditions gastronomiques (bile de serpent et viande de chien consommée la 2e quinzaine lunaire de chaque mois) sont toujours existantes. Les Soviétiques et les colonialistes francais ont marqué leur empreinte. L’artisanat du bois et de la céramique, de maquetterie en nacre et des tisserands subsiste depuis le 13e siècle. Le lac Babe est une réserve naturelle depuis 1992 avec des maisons sur pilotis. 12% de la population n’est pas vietnamienne. La roche calcaire est creusée via des Karstes taillées par les pluies (Baie d’Along). Le Nganka est un châssis de bambous et de feuilles de palmiers qui donne la forme conique au chapeau. La pagode de la dame céleste a été érigée au 18e siècle par les seigneurs Nguyen à Hue. Le nord est froid et humide. Le sud est chaud et sec. 800 édifices historiques chinois, hindous, sont dénombrés pour la période qui va du 4e au 15e siècle. De multiples spectacles d’opéra existent. Des fruits tels que les longans, les fruits du dragon, les manghoustans et rangousthans ravivent les étals du marché. Et surtout sur les marchés flottants ou se trouvent les Sampans, bateaux à faible tirant d’eau. www.expatria-cum-patria.ch

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Les dunes de Mikte ressemblent à Arcachon. La pêche aux crevettes est répandue et au port de Natrang, la flotille des pêcheurs multicolore contraste avec les vélos et cyclos de la ville. L’énergie hydroélectrique des hauts plateaux est bien gérée, et les tribus montagnardes cultivent le poivre et 10 variétés de banane. 60% du commerce national passe par Ho Chi Minh et les 2/3 des investissements étrangers s’y trouvent. Le delta du Mekong compte 5 bras qui se jettent dans la mer et se ramifient en multiples cheneaux de plus de 4 000 km. L’île de Phu Gouc est magnifiquement boisée et produit le condiment Ngnoc Mam. N MERCI À THANH-QUANG LAM

À lire, à écouter, à voir • Roman sans titre, Éditions des Femmes, 1992. L’auteur, Nguyen Ngoc, réside à Toronto, Canada). • Musique “Best Of Truong Vu”, “Y Lan” et “My Tam”, Trinh Cong Son est un auteur compositeur très populaire au Vietnam.

• Film “Vietnam du Tonkin à la Cochinchine” de P. Brouwers, “Papaye verte” et “À la verticale de l’été” de Tran Anh Hung : une belle lumière, une belle sérénité s’en dégage. • Stylisme : Trong N’Guyen



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Musiquepour tous MUSIQUE CLASSIQUE POUR NÉOPHYTE DÉCRYPTÉE PAR DES JEUNES INTERPRÈTES ET FEMMES COMPOSITRICES FRANÇAISES DU 19e SIÈCLE.

e 21e siècle va trop vite, manque d’harmonie et de repères, il n’y a plus de limite, tout est déstructuré. Il faut revenir à l’ordre naturel des choses, aux rationnel et réaliste. Il n’y a plus de famille, de patrie, de sécurité sociale, de relation de confiance entre les hommes et les femmes censés se compléter. Le 19e sièce fut le siècle de l’harmonie, du romantisme, des lumières. Profane en musique classique je découvre à l’OSR de Genève les œuvres. A noter que les musiciens de l’orchestres du festival de Lucerne jouaient à Pékin. 2010 est l’année Chopin… et Istanbul est la capitale européenne de la culture en 2010 telle quelle l’était en 1700. Nous revoyons des instruments de types vièles, lyres, flûtes, luths… CORALIE MASLE-CALLU

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Frédéric Chopin > (Zelazowa 1810 - Paris 1849)

PIÈCES < Wolfgang Amadeus Mozart (Salsbourg 1756 - Vienne 1791) Don Giovanni La rythmique est indécente. J’adore “la picina la picina la picina…” par le ténor Carlo Guilini.

Robert Schumann (Zwickau 1810 - Endenich - quartier de Bonn - 1856) > Carnaval de Vienne romance, scherzino, intermezzio avec une ouverture douce, piano forte, final doux.

< Richard Wagner (Leipzig1813 - Venise 1883) Lohengrin in fernem Land Il s’agit de Lyrisme dramatique. Son théâtre de Weimar a été payé par Liszt dont sa fille Cosima était l’épouse. www.expatria-cum-patria.ch

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Johann II Strauss (1825-1899 Vienne) Kaizer Walser au 18e siècle, la valse est une danse standard des salons du monde. Il y a une fine instrumentation dans cette valse à 4 temps. C’est une liaison entre la musique de danse et celle de concerto - la plus charmante et la plus artistique qui soit – cette valse est une suite colorée avec une logique musicale des plus artistiques. Elle s’inspire de sonorités de cordes nourries de successions bigarrées d’air d’opéras. L’intro lente cor et violoncelle solo est sublime. Ses polkas sont aussi très appréciées. Franz Shubert (1797-1828 Vienne) Part song vol 3 : il a écrit 700 chansons selon 115 poètes allemands et autrichiens. Par exemple, di Nachtigalla D727 Unger Piano + chants. Ce sont des chansons allemandes, pour des chœur d’hommes à plusieurs voix des trinklieder pour des événements conviviaux. L’Influence de la Grèce classique, du moyen-âge, de la renaissance, du romantisme du 19e siècle est remarquable. Par exemple, Heinrich Heine. NB.: La Création en 1828 des lieder society à Leipzig et en 1843 de “vienne male voice society” a permis l’expansion de sa musique. La plastique et rythmique mélodique reste facilement compréhensible et donne au chant sa lumière et sa virtuosité. En forme


Musique de strophe, les thèmes a capella des chorales sont développés. La description dynamique est soigneusement travaillée pour un sentiment de bien-être. Par exemple, Natchelle D892 Seidl : il s’agit d’une composition très élevée, émotionnellement bouleversante telle une promenade rythmée : le piano crée un son interrompu et une chaîne de chœur comme un symbole de la nuit qui tombe, comme une méditation. La voix solo et l’ensemble à part qui répète par mi-phrase les notes du solistes légèrement modifiées, il s’en dégage une grande intensité lyrique et une harmonie universelle. Antonio Vivaldi (Venise 1678 - Vienne 1741) Dans la Venise du 18e siècle, ce violoniste joue à 12 ans dans un orchestre. Entre 1720 et 1730, il voyage en Autriche, Allemagne, Italie (Rome), Pays-Bas… Sa musique est energique et joyeuse. - La Stravanganza modulation fantasque - Il cimento del harmonia, et del inversion, les 4 saisons en 12 mouvements. Il a écrit 454 concerts, 75 sonates, 15 symphonies, et 56 opéras.

Franz Liszt (Doborjan, Hongrie 1811 - Bayreuth 1886) Il joue du Rossini, du Haydn, du Bach, du Beethoven, dont il financera la statue à Bonn. Il joue à Paris, à Londres, en Suisse, en Russie. En 1828, il est influencé par Victor Hugo, “Odes et ballades” et écrit “Rêve d’amour”. Il est influencé par Paganini, Chopin et Lamartine.

Jean-Sébastien Bach (Eisenach 1685 - Leipzig 1750) Il naît la même année que Haendel. Il compose depuis 1717 des pièces pour orgue. À partir de 1724, il est influencé par Voltaire et Vivaldi. Il appartient à une famille de 28 musiciens. Il a 13 enfants. Sa musique est riche, charnelle, mondaine. Il écrit 34 cantates en 1714 et des concertos brandebourgeois, des concertos pour violons et clavecin, et des suites pour violoncelle. C’est chaleureux, coloré, joyeux. En 1747, il écrit ses variations canoniques. Il tenait à sa liberté et son autonomie vis-à-vis des princes, ce qui lui valut le cachot. La passion selon St-Mathieu jouée par Bach en 1747 ne sera rejouée qu’en 1829 par Mendelsohn.

MES PREFERES • E Benda concerto pour flûte en mi mineur allegro con brio par il gardelino. La douceur et la fuite de la vie est magistralement représentée. • Beethoven concerto pour violon par Arabella Steinbacher. QUE SERAIT L’HOMME SANS LA FEMME… Armande de Polignac (18761962). Élève de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum, elle se consacra avec passion à la composition, n’interrompant ses activités que pour des voyages en Orient qui nourriront son inspiration. Maurice Ravel loua en 1913 les trouvailles harmoniques de son ballet La Source lointaine. La création d’un autre ballet, Les Mille et une nuits, en 1914, fut salué par le critique Émile Vuillermoz, la qualifiant de “Stravinsky féminin”. Louise Farrenc (1804-1875). Élève de composition d’Anton Reicha, elle débuta, vers 1820, une carrière remarquée de pianiste, notamment comme interprète de Beethoven. La prestigieuse Société des Concerts du Conservatoire joua, en 1840, une de ses ouvertures et, en 1849, une de ses symphonies. Les critiques saluèrent sa musique de chambre, qui l’établit comme un des pionniers de ce genre dans l’histoire de la musique française. Clémence de Grandval (18281907). Élève de Friedrich von Flotow, puis de Camille Saint-Saëns, elle a été l’une des compositrices les plus jouées de la fin du XIXe siècle. Son Concerto, op. 7, pour hautbois et orchestre, interprété par le grand hautboïste Georges Gillet, eut les honneurs de la Société des Concerts du Conservatoire en 1885 et 1886. Le Grand-Théâtre de Bordeaux créa, avec succès, en 1892, son opéra en cinq actes Mazeppa.

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(Mélanie) Bonis (1858-1937). Elle a laissé une musique de chambre et une musique de piano de toute beauté. Son statut dans la vie musicale française lui valut d’être nommée en 1910 un des secrétaires de la Société des Compositeurs de Musique. N

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À lire… Esthétique : passion, ornement, rhétorique. Reste à découvrir Berlioz, Debussy Tchaïkovski Chostakovitch… La richesse de l’humanité conservée durant 2 siècles afin de nous faire parvenir leur partitions est impressionnante. Un peu de douceur dans ce monde de brutes… Bonne écoute.

• Bücherverzeichnis Frau und Musik, 1800-1993, Hoffmann, F., Eber, F., éd., Oldenburg, Bis, 1995. • Hixon, Don L., Hennesse, Don, Women in music, a Biobibliography, Metuchen, N.J., The Scarecrow Press, 1975. • Femmes Compositrices en France de Florence Launay, chez Fayard.

SOURCES • Berliner Dom • Notes du traducteur de Philippe Cassard sur France musique pour Mozart Sonatye K576 en ré majeur et Brahms romance et inermezzi op 118 nos 4/5/6 apaisant, douceur, rêve, béatitude. • La vie parisienne de Offenbach • Suite pour orchestre numero 3 de Bach (ouverture, air, gavottes, gigues) par le Suisse Diego Fasolis et i barrocchisti. iaoranacorail@ifrance.com

LEXIQUE Suite : au moyen-age, il s’agit de musique à 2 temps, couplé le pas de danse par 2. On retrouve dans Bach des bourrées, des gigues, des gavottes, la danse nommé “allemande”. Sonate : sarabande, adaggio, allegro Concerti : œuvre pour orchestre avec un demi-instrument en soliste Chaccone : peuvent être ciselées en ses variations

Coralie Masle-Callu

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Echo de Paris “Bonheur”

Quandlelitd’eaudevient Lido pourle Bonheur detous! IL Y A TRÈS LONGTEMPS, ON APPELAIT AUSSI CABARET UN PLAT À COMPARTIMENTS RÉSERVÉ AUX SALADES. SA DISPOSITION PERMETTAIT DE JUXTAPOSER LES COULEURS ET LES SAVEURS. MERVEILLEUSE TROUVAILLE QUI DÉFINIT FINALEMENT FORT BIEN CET ÉTABLISSEMENT HORS DU COMMUN QU'EST LE LIDO. ENCORE QUE CELUI-CI SOIT ÉGALEMENT UN PARFAIT RÉSUMÉ DE CE QUE FUT LE CABARET AU FIL DU TEMPS. 'opération Paris Plage a commencé au Lido en... 1928. On le doit à Edouard Chaux qui a eu l'idée de construire une piscine souterraine dans un immeuble très chic des Champs-Elysées et de la baptiser Lido en souvenir de la plage de Venise. Là alors, parmi les marbres et sous les ors, sur le coup de minuit, les smokings, les habits et les robes longues se retrouvent et regardent quelques naïades se baigner dans de l'eau couleur de la mer. Des canaux, où flottent des gondoles, serpentent entre les tables. On y écoute du jazz, on y prend un verre, on n'y dîne pas, on s'isole dans des cabines boudoirs. Paris se presse. Mais Paris se lasse. Il déserte. Et cette grève-là fait faillite en 1933. Trois ans plus tard, Léon Volterra, propriétaire de plusieurs théâtres et d'une écurie de courses renommée, s'y intéresse. Il se moque de la piscine, il la comble et transforme le tout en une salle de spectacle immense et vite célèbre. Après la guerre en 1946, Joseph et Louis Clerico rachètent l’établissement à Léon Volterra. Il est luxueusement décoré et ils créent la formule du dîner spectacle qui sera copiée dans le monde entier. Il rentre en contact avec Pierre-Louis Guérin, un homme de spectacle impresario et René Fraday. En 1947, le cabaret accueille même Laurel et Hardy pour la seule fois où les comiques américains se produisirent en France. C'est en 1977 que le nouveau Lido vit le jour. Il déménagea du 78 ChampsElysées au 116 bis en gardant l'esprit identique. La dynastie Clerico qui était majoritaire a fini en février 2006 avec Carl et Frank, qui s’occupent toujours de la réalisation, maintenant Sodexho est devenu actionnaire majoritaire.

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Le personnel et la salle Pour les quatre cents employés, toute interruption inopinée serait un drame. Les quelques dizaines de corps de métier (les artistes, les machinistes, les électriciens, les décorateurs, les costumiers, les plumassiers, les ingénieurs du son...) ont le sentiment d'appartenir à une famille solidaire et la certitude de présenter un spectacle unique au monde. Celui-ci n'est pas que le fait des girls et des boys, une compagnie de 42 Bluebells (nom dû à Margareth Kelly dont les yeux bleus lui ont valu www.expatria-cum-patria.ch

le nom de “Bluebell”, jacinthe sauvage) et de 16 danseurs dirigés par Pierre Rambert. Une partie de la salle descend de 80 centimètres pour que la scène soit visible par tous les spectateurs, une piscine contenant 80 tonnes d'eau, une patinoire, des jeux d'eau utilisant jusqu'à 60 000 litres à chaque représentation sont autant d'innovations créées au Lido. A l'occasion de la nouvelle revue “Bonheur”, des améliorations ont été apportées, le plaisir des spectateurs devant être le plus complet possible. Chaque revue coûte environ 9 millions d'euros, dont 3 millions pour les costumes, n'est amortie qu'au bout de quatre ans et reçoit 500 000 spectateurs par an. Le Lido a toujours employé des animaux. Ils font partie de toute revue. Un monte-charge leur est réservé et arrive quasi directement sur la scène.

Les coulisses On appelle ça “le porteavions”. Le terme désigne le procédé qui permet à la scène, à la piscine, à la piste de patinage et aux différents décors de monter et de descendre puis de se ranger automatiquement dans des tiroirs géants de la même manière qu'on dispose les appareils dans un porte-avions. Tel est l’un des secrets des coulisses du Lido qui en recèle bien d'autres avec ses 7 500 mètres carrés, une hauteur de six étages de la scène au plafond. Avec un changement de décor et de costumes toutes les quatre minutes. Chacun est à son poste, les 30 techniciens surveillent le moindre incident. Que la technologie se révèle défaillante, et de la musique est aussitôt envoyée. Visiter ces coulisses est comme découvrir un village, il faut emprunter des passerelles, monter quelques escaliers plutôt

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Echo de Paris “Bonheur” dis que John Swift et André Kemp signent l’ébouriffant final en noir et bleu. - Fabrice Kebour, c’est Monsieur 100.000 watts, concepteur des lumières. Le faiseur d’étincelles et d’effets spéciaux. Avec un appareil de projection grandes images de 7000 watts. 90 projecteurs de dernière génération contrôlés par ordinateur. 200 changeurs de couleurs disposant de 32 couleurs par projecteur. 2 lasers de 12 watts alimentant 7 sources laser dont 2 asservis, fabriquées spécialement pour le Lido. 350 projecteurs d’un poids total de 7 tonnes. Ajoutez 32 kilomètres de fibre optique, 600 mètres de néon et 17 000

raides, se perdre dans des dédales avant d'y arriver. On y trouve, entre autres, un salon de coiffure, une infirmerie et même une salle de gymnastique. Seul endroit qui n'existe pas dans une bourgade : les loges des girls. Chacune y entasse ce qu'elle veut. Parfois, dans ce capharnaüm où se mélangent produits de beauté, tubes de maquillage, bouteille d'eau et photos de petit ami, trône un gros nounours. Les costumes c’est la caverne des merveilles : des paillettes, des plumes, des strass, des dentelles, des satins, des bottines, des cuirs, des bijoux, des centaines de perles et de boutons. Douze couturières, dirigées par Denise Guitton qui piquent et cousent, veillent sur ces trésors. Leur mission est de tenir les costumes en parfait état. Leur tâche est délicate et essentielle puisqu'à raison de deux spectacles par jour et de cinq ans pour une revue, les risques d'incident sont nombreux. D'autant plus que chaque danseur et danseuse change de costume entre vingt et trente fois par représentation. Et que certains changements doivent être réalisés en moins d'une minute : les vingtquatre habilleuses n'ont guère le temps de souffler.

Le spectacle • “Bonheur”, c’est vingt-trois décors différents dont les changements s’opèrent derrière le rideau au moment des attractions. Les chevaux bleus et or, noirs et or crachant de l’eau à 8 mètres pour faire jaillir un arc-en-ciel, Pierre Rambert les a rêvés assisté d’Arnaud de Segonzac, Charlie Mangel les a conçus et des ateliers spécialisés les ont faits. Le Lido fait travailler trois ateliers. Impossible n’est pas Lido. • Dominique Formalhs règne au Lido sur les cent vingt tonnes de la piscine, les sept chevaux qui crachent l’eau à 10 mètres, le rideau de pluie qui sépare le public de la scène, et permet des projections d’images. • Edwin Piekny, ancien danseur du Lido, a dessiné tous les costumes du spectacle. Un an et demi pour mettre au point 140 maquettes. Trois millions d’euros de budget pour réaliser les 600 costumes dans la tradition du Lido. • François Lesage qui griffe les grands soirs de Dior ou Chanel, a brodé pour la meneuse sept robes. Une des robes de lumière orfévrée de cristal a totalisé 1500 heures de broderies avec 150.000 paillettes, 50 mille tubes irisés et 4000 éclats percés. • Eric de son nom Charles Donatien travaille les fleurs et les plumes pour toute la haute couture. Au Lido, Eric jongle avec le coq, l’oie, le vautour, l’autruche jusqu'à donner des ailes d’1 m 5O d’envergure à la meneuse. Sa maison c’est Lemarié dont l’atelier est célèbre depuis plus d’un siècle. Enfin, dans la grande tradition du cabaret, la maison Février, spécialiste de la plume, habille les Oiseaux du Bonheur du premier tableau, tan-

ampoules… Un des fournisseurs en matériel: Ambiance Lumière à Alfortville. • Le Lido a le plaisir d’accueillir une nouvelle chanteuse et meneuse pour cette revue depuis le 2 Mai 2008. C’est Anki Albertsson, suédoise, blonde platine aux yeux bleus lagon. Elle a obtenu deux récompenses importantes en 1996 et 2000 pour ses interprétations dans les premiers rôles de “Chorus Line” et “Chicago”. • Carien Keiser comme nouvelle meneuse fait le “Bonheur” pour ce 100e anniversaire.

Les cuisines Philippe Lacroix et sa brigade de trente-cinq cuisiniers et pâtissiers veille au goût et à la qualité des produits. Il entend que le poulet soit de Bresse et que le saumon ait gardé la fraîcheur de ses eaux d'origine. Il tient également à ce que les menus varient en fonction des saisons. Et il met un point d'honneur à ce que le menu spécial du 31 décembre ne soit jamais, d'une année à l'autre, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Huit cents bouchons de champagne sautent par soir, soit 292 000 bouteilles par an, ce qui en fait le premier établisse-

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Echo de Paris “Bonheur” ment mondial consommateur de champagne ! Pour passer une soirée d’exception avec le repas de 19 h 30 à 23 h, 4 menus au choix sont proposés : soirées Plaisir, Panache, Bonheur et service Premier. Si vous voulez simplement vous abreuvez du délice du spectacle avec du champagne, 2 formules : soirée Emotion et Quelle Nuit. Les Bluebell Girls seront à l’honneur au Lido durant toute l’année 2010, à l’occasion du 100ème Anniversaire de leur fondatrice, Miss Bluebell. Venez passer la soirée de la St Sylvestre de 19h30 à l’aube dans une ambiance jazz New Orléans avec le spectacle, le dîner gastronomique et l’orchestre live.

et Pierre François Blanc ont donné carte blanche à une nouvelle recrue : Pascal Jounault, un Chef sans cesse en quête de découvertes. Pour la nouvelle carte de légumes, il est en relation directe avec les maraîchers. Pour offrir à la clientèle le meilleur du canard et des charcuteries de terroir, il est allé chercher la crème des producteurs landais et ibériques. Des prix raisonnables tout compris vous sont proposés à 36 € et avec le massage de 35 mn à l’espace Weleda pour 77 €. La Villa Spicy, 8 av. Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Tél : +33 (0)1 56 59 62 59

Le Lido, 116bis av. des Champs-Elysées, 75008 Paris, tél: +33 (0)1 40 76 56 10, M° George V

• Depuis le 1er février 2009, la Tête de lard a quitté la Tête de Goinfre et s'est trouvé aux Batignolles à “L'Endroit”, Julien Thobois, alias la Tête de lard, fait fi du politiquement correct, sa devise « Du lard et de l’Art, du pinard et de la musique ! ». Les adeptes pourront se délecter du millefeuille de betteraves et chèvre frais, du risotto de St-Jacques et encre de seiche, le risotto de Ju (riz noir des empereurs, cèpes, foie gras poêlé...), du sashimi de bœuf ainsi que le magret et penne ô bleu. Il ne faut pas oublier les gros mangeurs et amateurs de grands crus, menus avec 1,5 kg de côtes de bœuf et Château Margaux, Palmer, Pichon Longueville, etc. En semaine : ouverture à 11 h jusqu'à 15 h 30 et de 18 h 30 à 23 h. Samedi et dimanche : minuit. Restaurant L’Endroit, 67 place du Docteur Félix Lobligeois, 75017 Paris. Tél : +33 (0)1 42 29 50 00

POUR PARFAIRE CETTE SOIRÉE UNIQUE, JE VOUS PROPOSE : Où manger entre bistrots et restaurants ? • Si vous êtes en mal de famille, faites vous des “Tontons” et allez à “La Cantine des Tontons”. Jean-Guillaume Dufour remet le couvert une quatrième fois avec ce bistrot, s’amusant à relancer l’inoubliable déjeuner chez la Mère-grand. La Cantine des Tontons 2 s’est donc installée dans le 14e arrondissement de Paris. Dans une ambiance toujours plus familiale qui ravit les amateurs de produits et de plats du terroir, l’on déguste une cuisine familiale à la bonne franquette façon tables d’hôtes. Le client se sert ses entrées sur le buffet, son plat (2 plats du jour au choix) qui mitonne sur la cuisinière, le vin directement dans les casiers et coupe lui-même son pain. Une atmosphère familière et conviviale autour de bons petits plats simples, sans chichis et à volonté. Encore une petite place pour l’eau-de-vie prune des familles et pour les moins téméraires un café à 1 € toute la journée et même à table. Les vins de la cave sont raisonnables et pourquoi pas commencer ou finir par un champagne Drappier à 45 €. Les menus entrées, plat et desserts à 17 € le midi et 23 € le soir (avec plateau de fromages) ainsi que le samedi et dimanche midi. Vous ne vous faites pas flinguer avec les Tontons Flingueur « Mais dis-donc, on n’est tout de même pas venu là pour beurrer des sandwichs ! » moi non plus, alors bon appétit ! La Cantine des Tontons 2, 3 rue Mouton-Duvernet, 75014 Paris, M° Mouton-Duvernet. Tél : +33 (0)1 45 42 29 59. • Après ou avant le stress des transports, “La Villa Spicy” compose le bon et le bio pour le bien-être du corps et de l'esprit avec un menu bio détoxifiant et antioxydant, suivi d’une séance de massage aux huiles essentielles. A quelques pas des Champs-Elysées, entrez dans une villa traditionnelle aux murs talochés, aux volets bleu lavande, et aux colonnes toscanes. Le soleil a rendez-vous avec l'assiette. En cuisine, Jean-Philippe www.expatria-cum-patria.ch

OÙ DORMIR ET VIVRE UN SOIR EN CÉLÉBRITÉ ! • Dormir dans un endroit ou les artistes et hommes d’État vous entourent, à deux pas du Musée Victor-Hugo et 500 m du Centre Culturel Suisse, essayer en vous installant sur la plus ancienne place de Paris, celle des Vosges. Créé en 1985 et après sa rénovation totale et la création de son spa de 250 m2 “Le Pavillon de la Reine”, un hôtel-Spa**** au luxe discret au cœur du Marais vous offre 54 chambres et suites toutes décorées de manière différente à partir de 380 €. Parmi les idées de détente proposées par l’hôtel : une formule pour les romantiques et une pour les inconditionnels d’histoire... Le Pavillon de la Reine, 28 place des Vosges, 75003 Paris. Tél : +33(0)1 40 29 19 19 Parallèlement, un deuxième hôtel**** parisien, situé près de l’Elysée, devrait ouvrir ses portes à l’automne 2010 et présenter un concept d’hôtel inédit en France. N

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Alain Barrière

a.barriere@romandie.com

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Echo des Fêtes des Vendanges et de la Vigne L’HIVER POINTE SON NEZ ET LES VENDANGES SONT FAITES, À PART QUELQUES VENDANGES TARDIVES. UNE TRÈS BELLE ANNÉE POUR CE MILLÉSIME 2010 AVEC UN PLUS PETIT RENDEMENT QUE 2009 ET UNE BELLE MATURITÉ. ientôt, nous allons admirer les jambes de l’alcool sur les verres et certains vins auront la cuisse légère. Une superbe comparaison pouvant être faite avec les miss des vendanges particulièrement celles de Neuchâtel. La fête des Vendanges de Neuchâtel avec ses 200 000 visiteurs sur 3 jours avait pour invité d’honneur La Béroche ; c’est un peu le carnaval après ou avant l’heure dirigé par le sympathique Thierry Lardon . Strass, paillettes, déguisements et surtout confettis pour le défilé du dimanche, et pendant les 3 jours de cette fête, c’est la grande messe de la gaieté et du maître breuvage le Vin et d’autres boissons comme “la bière de Neuch” et ses grandes nouveautés la bière au Cranberry/Mélisse et la bière à la Menthe. http://www.bieresdeneuch.ch Cette année, les ambassadrices de charme qui bravaient la foule étaient au nombre de trois, la Reine Raissa Somai et ses deux dauphines (pas Peugeot !) Gjeneta Hassaj et Houda Sabro. Une quatrième ambassadrice du terroir des Ponts de Martel a été élue Miss Photogénique, c’est Mélinda Benoit. On a pu retrouver Raissa et Mélinda début octobre pour les Swiss Cheese Awards. Une autre Fête des Vendanges, un peu plus folklorique, menée par Frédéric Hiller se trouve dans la proche campagne Genevoise, dans le village de Russin. Depuis 1963, elle s’est développée pour attirer plus de 40 000 visiteurs, les bonnes années, dans ce petit village d’environ 400 habitants. Le parrain de cette 48e édition de la Fête des Vendanges était le “Père Glozu”, ancien artiste, clown, institution à part entière, bien connu du monde politique. Quelle coïncidence, l’invité d’honneur était M. Pascal Couchepin, ancien Président de la Confédération, qui a remis le challenge du meilleur Chasselas 2009 au Domaine des Molards par l'Académie du Cep de Genève. Le vignoble genevois est riche de plus de 30 Cépages, et ses producteurs ont profité de cette fête chez Fernand à la Ferme du terroir ou il a été possible de déguster plus de 135 crus. Le moût, spécialement pressé le samedi matin, a été consommé sans modération. La sélection des vins de fête s’est

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portée sur “le Bienfaiteur” (chasselas), “le Comédien” (rosé de gamay) (voir France Magazine N° 30) et “le Côte de Russin” (gamay 1er cru), ces trois vins étant vinifiés par la Cave de Genève. Un détour dans la ville du Goût de cette année Onex : en plein milieu de la commune sur une parcelle de 1035 m2 une vigne de muscat blanc se dresse fièrement pour rappeler que celleci occupait, jusqu’à 1964, une grande place dans l’histoire de la commune. Cette vigne est entretenue et vinifiée par la Famille Mermoud, vignerons encaveurs à Lully. De 41 kg en 2003, c’est maintenant autour de 8 à 900 kg d’être récolté, le nom de la cuvée “L’Onésie”, avec

la particularité de n’être pas en vente au particulier, mais vous pouvez le déguster au restaurant Les Fourneaux du Manège. En revenant sur le Valais, vient de s’ouvrir un nouvel endroit de dégustation et un nouveau chai dans un bâtiment entièrement rénové en gardant son cachet dentant ! Obrist Vinaria à Vevey est un lieu convivial avec un large choix de plus de 350 vins disponibles à l’emporter, cet endroit constitue un véritable outil de promotion et de mise en valeur de la production vaudoise, notamment de Lavaux. Les vins du canton sont à l’honneur, mais avec une large palette de vins du Valais, de Genève, de tous les vignobles prestigieux du monde entier, ainsi que les grands crus de Bordeaux. Adresse : av. Reller 26 à Vevey. N

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Gastronomie

« L'ESPOIR EST UNE BULLE IRISÉE QUI COLORE FUGITIVEMENT LA VIE » JEAN MAUDUIT

Champagne! EN MÊME TEMPS QUE LES ARBRES SE PARENT DE POURPRE ET D'OR, QUE LES PREMIÈRES FEUILLES MORTES TOMBENT SUR LES TROTTOIRS DE LA CAPITALE, L'AUTOMNE DÉCLENCHE TOUT UN TAS DE PHÉNOMÈNES : UN VÉRITABLE FESTIVAL DE SPECTACLES ANIMENT LES THÉÂTRES TOMBÉS EN LÉTHARGIE DURANT L'ÉTÉ, ARRIVENT LES SALONS QUI EXCITENT TOUS LES VISITEURS EN MAL DE NOUVEAUTÉS, LES FOIRES QUE LES CAMELOTS ONT LE DON D'ANIMER. 'automne, c'est, avant tout, la saison des rentrées :

L

• La rentrée des classes, celle que tous, nous avons un jour ou l'autre, plus ou moins bien vécue. • La rentrée littéraire, encore plus attendue par les chroniqueurs que par les lecteurs. • La rentrée parlementaire, quelque peu mouvementée en cette année. • La rentrée culinaire ponctuée par "la semaine du goût", un événement qui a pris énormément d'ampleur, car c'est la société, qui, aujourd'hui, doit faire l'éducation au goût des enfants, leur apprendre à découvrir et apprécier notre patrimoine culinaire. Pour manger, l'animal en liberté utilise tous

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ses sens, il regarde sa pitance, choisit sa proie, la touche pour s'en assurer, la sent, la hume, puis va la manger, la goûter, l'apprécier. L'homme a cessé d'utiliser ces reflexes, il les a même, me semblet-il, perdus. La majorité des adultes connaissent-ils le goût de ce dont ils se nourrissent. Ils mangent sans apprécier, sont-ils définitivement insensibles aux odeurs, aux saveurs, aux arômes ? J'ai toujours en mémoire le parfum des fraises que je cueillais dans le jardin de ma grand-mère et que je n'arrive plus à retrouver aujourd'hui. La plupart des parents sont incapables d'éveiller leurs enfants au goût. Je ne pense pas que les cantines scolaires, qui, pourtant, s'appliquent à faire une éducation sensorielle, puissent permettre à nos bambins de développer un jugement de dégustateur. Bien que la cuisine française soit reconnue dans le monde entier et considérée comme faisant partie du patrimoine national, jusqu'à aujourd'hui, aucun gouvernement, de quelque tendance que ce soit, n'en a favorisé l'exportation, si cela s'est fait, c'est à titre individuel et privé. Notre cuisine est intimement liée à notre culture que la vie trépidante d'aujourd'hui met en péril. Heureusement que certains sont toujours attachés à cette culture qui fait que la France est enviée dans le monde entier. Pierre Emmanuel Taittinger est un de ceux-là, et il peut être comme un véritable mécène. Il a repris, il y a quatre ans, la destinée de la prestigieuse maison de champagne fondée par son grand-père, Pierre Taittinger. Il s'est investi pour que sa famille conserve un fleuron de la culture française. Il continue à soutenir le plus respecté des concours culinaires et certainement le plus ancien, le Prix TAITTINGER, dont le but est de défendre et promouvoir les principes de la grande cuisine classique française. Le Prix TAITTINGER en est cette année à sa 44e édition, bientôt un demi-siècle de soutien à la gastronomie française.

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Gastronomie

tiers sur un grand plat, agrémentés de trois sortes de garniture. Pour la seconde, il leur fallait apprêter des filets de bondelles à la Neuchâteloise, avec une sauce au vin "œil de perdrix" et les servir sur assiette. Peut-être devrais-je vous donner quelques explications… D'abord qu'est-ce qu'un baron ? Si vous consultez le dictionnaire, il vous dira que c'est un titre de noblesse. En cherchant encore, vous pourrez découvrir que c'est le nom de communes du Gard, de la Gironde,

de la Saône et Loire, du Calvados. C'est aussi le nom d'un quartier de la ville de Gatineau au Québec. En gastronomie, un baron, c'est une pièce de viande. Dans le cas présent, c'est la partie du lapin comprenant les deux cuisses et la selle anglaise non divisées. Quant à la bondelle du lac de Neuchâtel, c'est un poisson de la même famille que la truite qui ressemble étrangement à la Féra du lac Léman.

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Après une sélection faite sur la base de recette établie selon un thème défini par le comité d'organisation, composé uniquement de cuisiniers, ont lieu des finales nationales dans les pays en compétition, et les vainqueurs de chaque pays se rencontrent à Paris lors de la finale internationale, organisée à la fin du mois de novembre. La finale suisse s'est déroulée à l'École professionnelle de Montreux le 29 septembre. Six candidats avaient été sélectionnés, Messieurs Bassi Marco, chef de cuisine, (Le Chalet d'Adrien à Verbier), Cossetto Raphaël, chef de cuisine, (Le Chalet des Ecovets à Villars sur Ollon), Dittrich René, chef de cuisine, (restaurant Jöhri's Talvo à St Moritz), Fischer Thierry, Chef de cuisine (Schloss Binningen à Bâle), Meyer Pierre, Chef de cuisine Golfhotel (Les Hauts de Gstaad), et Viala Christophe, chef de partie, (hôtel La Réserve à Genève). Ils ont disposé de 5 heures pour réaliser deux recettes pour 8 personnes. La première consistait à désosser et farcir deux barons de lapin, de les présenter en-

Jean-Jacques Poutrieux

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Il n'a pas été facile pour le Jury de dégustation, composé de 14 professionnels, venus de toute la Suisse de départager les candidats tant ils ont fait preuve de professionnalisme et de créativité. Il leur a fallu tenir compte de nombreux critères : présentation, goût, saveur, cuisson, harmonie, proportion, technicité, évaluer les moindres détails. Finalement, après mûres réflexions, le vainqueur de la finale suisse a été désigné en la personne de Marco Bassi, qui aura le redoutable privilège de défendre les couleurs de la Gastronomie Suisse, le 30 novembre prochain, à Paris, lors de la finale internationale. La cérémonie de proclamation des résultats a eu lieu au cours d'un cocktail dans les salons du prestigieux Lausanne Palace, honorée par la présence de Monsieur Bruno Perdu, Consul général de France à Genève et Madame, de Monsieur Serge Vinet, conseiller à l'Assemblée des Français de l'Étranger et Madame, ainsi que des personnalités du monde de la gastronomie. C'est Monsieur Clovis Taittinger, qui, animé de la même passion de la gastronomie que son père, Pierre Emmanuel, a félicité le vainqueur et a remis coupes, diplômes, et cadeaux aux participants, perpétuant ainsi la tradition familiale. N


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