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N° 34 • Automne 2011

Gastronomie VIGNOBLE DE LAVAUX, GRUYÈRE

Humanitaire TOUS CONCERNÉS SORTIR DE L’OMBRE

Alain Juppé AMOUREUX DE BORDEAUX …ET DE LA VIE

Art MANET, LALIQUE, JOYAU DE LA PETITE STATUTAIRE

Escapade TOULOUSE FILLE DE L’EAU

PRÉSIDENTE DES AMIS DE L'ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE


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Sommaire

Éditorial

N° 34 • Automne 2011 La Turquie veut-elle toujours adhérer à l’Union Européenne ? . . . . . . . . . . P. 04 Tous concernés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 Sortir de l’ombre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 09 La chasse aux sacs plastiques de Sandrine Cassidy-Schmitt . . . . . . . . . . . . P. 16 L’american dream de Ouenda Baaïssa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 18 Infos utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20 La Voix des Français de l’Étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 23 Alain Juppé Amoureux de Bordeaux et de la vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 30 Interview Claude Birraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 34 Humour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 36 Le point de vue de Science Po . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 40 Sur les traces du Comte Andràssy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 43 Qualité de vie par les bourgeons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 44 Jean-Paul II Homme ou Saint ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 48 Soljenistsyne Le courage d’écrire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 50 Pour mieux “voir” Genève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 53 Quelques notes avec Florence Notter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 54 Un joyau de la petite statutaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 58 Thierry Lavalley Directeur Général du Grand Hôtel Kempinski à Genève. . P. 62 François Durafour Pionner de l’Aviation européenne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 65 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . P. 70 Visite d’une institution centenaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 76 Vignoble de Lavaux Patrimoine mondial de l’Unesco. . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 79 De la diffusion de l’idée artistique au fil du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 82 Manet Inventeur de l’art moderne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 86 Génie du verre, magie du cristal… René Lalique a son musée . . . . . . . . . . . P. 90 Les riches heures du costume de la Comédie-Française à Moulins. . . . . . . P. 96 Toulouse Une fille de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 102 Le Chocolat Cadeau des dieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 110 Quand le Gruyère nous mène en bateau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 118 Quand le Globe-Trotteur nous est conté… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 124 Benjamin Constant “Ma vie” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 129 Expatria Cum Patria Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

Éditeur, Directeur de la Publication, Rédacteur en chef Serge Cyril Vinet Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur de la Communication Victor Nahum Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Edito : Thierry Oppikofer Union Européenne : Robert Del Picchia Humanitaire : Iolanda Jaquemet Environnement : Sophie Fung La Voix des Français de l’Étranger, J’aimerais vous dire, Mes Chers Amis : Serge Cyril Vinet Œnologie : Thibault Reichell Carte blanche : Jacques-Michel Tondre Conjoncture : Marie-Ange Andrieux Radioscopie : Joanna David-Mangin Santé & Bien-être : Marc Thiémard Culte, Rencontre : Victor Nahum Genève : Christian Vellas Art : Jacques Chamay Aviation : Jean-Michel Lescuyer Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau : Rémy Hildebrand École hôtelière : Didier Assandri Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux Art intemporel : Véronique Bidinger Art : Robert Kopp Comme du Cristal, Cncs : Françoyse Krier Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Le billet de Dany : Dany Vinet Écho du Gruyère : Alain Barrière Chronique littéraire : Dominique Ortiz Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie PCL Presses Centrales SA Conception graphique Raphis Tirage : 82.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

e phénomène a commencé en Espagne, dans la frénésie de décentralisation qui a suivi l’installation du régime de monarchie constitutionnelle. En Catalogne et au Thierry Oppikofer Pays basque, les panneaux routiers se mirent à arborer des noms de lieux inconnus des cartes routières rédigées en fonction des appellations castillanes. L’espagnol littéraire devenait inutile, même pour reconnaître une voiture de police basque portant la mystérieuse mention “artzaintza”. Aujourd’hui, à l’entrée de Toulouse par le Sud, le panneau indique “Tolosa”. Souvent, les deux noms - langue occitane, basque, corse, breton, etc. - figurent l’un audessus de l’autre, ce qui semble assurément plus courtois, et même indispensable. On sait que M. de Montaigne recourait au gascon lorsque le français ne lui suffisait pas. Mais encore fallait-il que son interlocuteur le comprît. Le régionalisme, autrefois combattu avec vigueur, pour ne pas dire avec brutalité par le pouvoir central, paraît avoir trouvé, en France comme ailleurs, un mode d’épanouissement plus conforme à l’ordre public et à la cohésion nationale. C’est l’un des succès des réformes opérées au cours des dernières décennies. Néanmoins, subsistent çà et là des tendances centrifuges, des frustrations dont on espère que l’“Europe des régions” parviendra à les désamorcer. Après la belle cérémonie que le consulat général de France à Genève organisa au château de Coppet à l’occasion de la Fête nationale, et où furent célébrées l’amitié et la coopération franco-suisse, il est permis de se demander si le système fédéral, traditionnellement rejeté, au même titre que la proportionnelle, par le monde politique et administratif français, et tout aussi adulé par la majorité des Suisses, ne mériterait pas une attention renouvelée à l’échelle européenne. Les cultures, traditions et aspirations régionales ne sont pas exclusives de la loyauté à l’égard du pays. En certains points de son territoire, l’Union européenne tolère des conflits anachroniques - pensons à la querelle linguistique belge ou à la situation inextricable de l’Irlande du Nord. Et si Bruxelles, pour une fois, démentait sa réputation centralisatrice et osait aborder de tels sujets ? N

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Nosbelles régions


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Turquie l’Union Européenne ?

La veut-elletoujoursadhérerà

es négociations d’adhésion entre la Turquie et l’Union européenne ont officiellement démarré le 3 octobre 2005, conformément à la décision du Conseil européen, prise le 17 décembre 2004. Le cadre prévoit que « l’objectif commun des négociations est l’adhésion », tout en soulignant néanmoins qu’il s’agit d’un « processus ouvert dont l’issue ne peut être garantie à l’avance », qui dépend à la fois de la capacité d’assimilation de l’Union européenne et de la capacité de la Turquie à assumer ses obligations.

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FACE À UN RAPIDE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET UN ESSOR IMPRESSIONNANT DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE, ON EST EN DROIT DE SE POSER LA QUESTION. MAIS PEUT ÊTRE FAUT-IL LA POSER AUTREMENT : LA TURQUIE A-T-ELLE ENCORE INTÉRÊT À ADHÉRER À L’UNION EUROPÉENNE ?

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Essoufflement ou piétinement des négociations ? Ces négociations semblent connaître, de plus en plus, un certain ralentissement, au point que le Commissaire à l’élargissement, Stefan Füle, a indiqué redouter « un essoufflement du processus d’adhésion de la Turquie », en dépit des avancées enregistrées au cours des dernières années. De fait, les relations entre la Turquie et l’Union européenne – et en particulier certains de ses États membres, comme la France – se caractérisent par des tensions croissantes, notamment liées à la frustration de la Turquie face à un processus qu’elle juge de plus en plus inéquitable. A ce jour, 13 chapitres sur 35 ont été ouverts à la négociation. Un seul a été clos : le chapitre relatif à la science et la recherche, clos - provisoirement - en juin 2006. On ne peut donc pas parler d’enthousiasme… Peut-on alors dire négociations paralysées ? Certains n’hésitent pas à employer ce terme. Le rythme est très lent. D’autant que la Croatie,

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qui a commencé plus tard est en passe d’aboutir et devrait faire son entrée dans l’Union au 1er juillet 2013. Ce qui agace légitimement les Turcs. Pourquoi les négociations piétinent ? Pour l’Union européenne, des progrès ont été réalisés. Pouvoir militaire encadré par la révision constitutionnelle, renforcement des libertés individuelles, élaboration d’une nouvelle constitution. Mais manquent encore une véritable liberté d’expression et liberté de la presse, un fonctionnement normal des communautés religieuses minoritaires, l’établissement d’une égalité hommes – femmes… La question Kurde est également toujours en suspens. Toutefois, un certain réchauffement des relations entre la Turquie et l’Arménie s’est fait sentir au début de l’année 2008, couronné par la visite en Arménie du Président turc, Abdullah Gül, en octobre 2008, venu assister à un match aller des éliminatoires de la Coupe du Monde de football de 2010. Une tentative pour normaliser les relations entre les deux pays a ensuite été engagée à l’automne 2009. Les pays ont signé, le 10 octobre 2009 à Zurich, deux protocoles destinés à établir des relations diplomatiques et à ouvrir leurs frontières. Malgré l’espoir suscité par la signature de ces deux protocoles, les relations entre la Turquie et l’Arménie sont, depuis, de nouveau dans l’impasse. Les relations entre la Turquie et la République de Chypre restent aussi une difficulté persistante. La Turquie n’a toujours pas étendu l’union douanière à Chypre, en dépit des engagements souscris dans le protocole additionnel à l’accord d’Ankara. Et ce, malgré l’amélioration des relations entre la Turquie et la Grèce au cours des dernières années. On veut toujours négocier. Mais… Le Président de la République, Abdullah Gül, observe lui-même que les négociations avec l’Union européenne sont importantes pour la Turquie, surtout en ce qu’elles poussent ce pays à se moderniser et à atteindre les standards européens, autrement dit à renforcer la démocratie et l’économie turques. Mais il ajoute qu’il n’est pas impossible qu’à l’issue du processus, les Turcs ne veuillent plus de l’Europe ou préfèrent une voie similaire à celle retenue par la Norvège.... De son côté, le ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutolu, estime que l’Union européenne fait preuve « d’un

manque de vision » en ralentissant à ce point les négociations, « alors qu’un besoin se fait sentir d’une action commune de l’Europe et de la Turquie en faveur de la paix régionale et mondiale ». D’autres hauts responsables expriment toujours leur désir de voir la Turquie adhérer à l’Union européenne. Certains d’entre eux s’interrogent toutefois sur les bénéfices qu’en retirerait leur pays, à l’heure où celui-ci traverse une crise d’identité et connait un certain déclin au niveau international. Sur un ton amusé, ils ont reconnu qu’ils n’excluaient pas que la Turquie renonce d’elle-même à l’adhésion d’ici quelques années… Pourquoi une Turquie devenue un pays dynamique à l’influence croissante ne voudrait-t-elle pas adhérer ? Outre les difficultés de négociations dénoncées par la Turquie qui accuse Bruxelles de demander plus à Ankara qu’aux autres capitales, plusieurs bonnes raisons. L’économie turque est de plus en plus performante. Elle a bien résisté à la crise de 2008/2009 et à la crise actuelle. Son taux de croissance est de 8,9%. Cette situation favorable est dûe en grande partie aux négociations avec l’UE. Depuis l’ouverture en 2005, le PIB est passé de 481 milliards de $ à 730 milliards de $ en 2010. Le PIB par habitant, de 7 021 à 10 043 en 5 ans. L’inflation est à 6,2 %, son taux le plus bas en 40 ans. Le déficit budgétaire est à 3,6 % du PIB. Le commerce extérieur est passé de 190 à 298 milliards en 2010. L’Union européenne reste toujours le principal partenaire commercial de la Turquie, mais la diversification géographique se confirme au détriment de l’Europe, en particulier au niveau des importations. Russie (21,5 milliards de dollars), Chine (17,1 milliards de dollars), États-Unis (12,3 milliards de dollars), alors que l’Allemagne (17,5 milliards de dollars), l’Italie (10,2 milliards de dollars), la France (8,1 milliards de dollars) occupent la deuxième, cinquième, sixième place. Les pays européens constituent les principaux clients de la Turquie. L’Allemagne (11,4 milliards de dollars), le Royaume-Uni (7,2 milliards de dollars), l’Italie (6,5 milliards de dollars) et la France (6 milliards de dollars).

Le Président de la République turque, Abdullah Gül, et son Premier ministre, Recep Tayip Erdogan.

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La diplomatie est en plein essor et la Turquie est devenue une puissance émergente incontournable La Turquie a considérablement renforcé son influence

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Union Européenne >> internationale, au-delà du seul registre éco-

nomique. Elle semble vouloir profiter de la fin de la guerre froide, de sa position géostratégique et de sa prospérité croissante pour conférer à la diplomatie turque une « profondeur stratégique ». Elle profite en premier lieu de sa position géographique et apparaît comme un acteur incontournable de la politique énergétique européenne. Elle souhaite se positionner comme l’un des principaux “hubs” énergétiques du monde, qui acheminerait les ressources pétrolières d’est en ouest. La Turquie est, en effet, partie ou tout au moins intéressée par les grands projets énergétiques dans sa région. Au-delà de ce rôle croissant en matière énergétique, Ankara occupe une place de plus en plus grande sur la scène internationale. Au sein des organisations internationales et en tant que médiateur. Candidate à un siège au Conseil de sécurité des Nations-Unies pour 2015-2016, quelques années à peine après y avoir déjà siégé, en 2009-2010. Présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe entre novembre 2010 et mai 2011. Rôle actif au sein de l’OTAN, membre fondateur de l’OCDE depuis 1960, membre de l’OMC depuis 1995 et membre du G20 depuis sa création en 1999.

processus de médiation entre l’Afghanistan et le Pakistan, généralement désigné sous le nom de “processus d’Ankara”. À la recherche de nouvelles zones d’influence, Ankara a investi de nouveaux espaces géographiques. La Turquie essaie d’étendre son influence régionale dans les Balkans, en direction du Sud-Caucase depuis le conflit entre la Géorgie et la Russie en été 2008, en proposant une « plateforme de stabilité et de coopération pour le Caucase ». Elle renoue avec les pays turcophones Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan. En Afrique, elle a étendu rapidement son réseau diplomatique et renforcé son aide au développement. Elle a multiplié par trois ses échanges commerciaux en quelques années, passant de 6 à 18 milliards de dollars entre 2005 et 2008. Surtout, elle entend se positionner comme le porte-parole de l’Afrique dans les instances internationales et n’hésite pas à se présenter comme son allié face aux anciennes puissances coloniales. En Amérique latine, la Turquie espère nouer des relations politiques fortes avec d’autres puissances émergentes, en particulier le Brésil et le Mexique. L’influence de la Turquie au Proche et au Moyen-Orient pourrait se trouver considérablement renforcée à la faveur des révolutions dans le monde arabe. Cela fait déjà plusieurs années que la Turquie essaie de s’imposer comme une puissance incontournable dans cette région, profitant d’une image dégradée et du retrait progressif des États-Unis, du rôle encore limité de l’Union européenne et de l’absence de réel leadership sur l’ensemble de la zone par l’un des grands pays arabes. La

Islam et démocratie peuvent-ils être compatibles ?

Forte de cette nouvelle visibilité internationale et de son profil culturel et politique, celui d’un État musulman démocratique aux valeurs laïques, la Turquie propose régulièrement son aide pour des médiations au niveau international : Syrie et Israël, processus de paix israélo-palestinien, nucléaire iranien, www.expatria-cum-patria.ch

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Robert Del Picchia SÉNATEUR DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE, VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Turquie jouit d’une image très positive au sein des pays arabes. Elle serait le deuxième pays le plus populaire après l’Arabie Saoudite, grâce à sa puissance économique et sa politique étrangère. Elle apparaît comme le mariage réussi de l’islam avec la démocratie. Les révolutions arabes, même si elles ont également pris Ankara par surprise, devraient venir accroître les responsabilités de la Turquie dans la région. La persistance d’un ressentiment turc à l’égard de la France en dépit des liens entre les deux pays. Les échanges commerciaux entre la France et la Turquie se sont considérablement accrus au cours des dernières années. Les exportations françaises vers la Turquie ont quasiment été multipliées par trois entre 2001 et 2010, alors que les importations de produits turcs en France ont été multipliées par deux sur la même période. En 2010, les exportations françaises se sont établies à 6,3 milliards d’euros et les importations de produits turcs à 5,4 milliards d’euros, soit un commerce assez équilibré entre les deux pays. En 2010, elle a été le deuxième investisseur étranger en Turquie, derrière l’Alle-

magne ; près de 400 entreprises françaises sont installées en Turquie et emploient environ 100 000 personnes. Renault, par exemple, est aujourd’hui la première entreprise exportatrice de Turquie. En 2010 pour 3 milliards de dollars. Sa production à Bursa a dépassé plus d’un million de voitures ! La culture française présente toujours une grande attractivité. Les liens sont fructueux ; 200 000 Francophones, neuf lycées bilingues, deux Lycées français Charles de Gaulle à Ankara et Pierre Loti à Istanbul ou la très célèbre université de Galatasaray. La saison de la Turquie en France a connu un grand succès. Mais, malgré la vigueur des liens économiques et culturels, la relation entre les deux pays est régulièrement émaillée d’incidents au niveau politique, qui contribuent à dégrader l’image que chacun a de l’autre. Même si la France s’est gardée depuis trois ans de toute nouvelle déclaration fracassante sur les “risques” d’adhésion de la Turquie, voire le risque de vote d’une loi évoquant pour les parlementaires le “génocide” arménien alors que les Turcs, parlent « d’événements de 1915 », la population turque conserve globalement le sentiment d’avoir été trahie par la France, qu’elle considérait jusqu’ici comme un allié traditionnel. Pour les Turcs l’amitié franco- turque est entrée dans une « ère de glaciation », alors même que la France a toujours été une source d’inspiration pour la Turquie et que nos deux pays n’ont aucun différend territorial ni aucun intérêt contradictoire. Décision en suspens Les négociations vont durer au moins 12 ans. Que sera la Turquie à cette époque ? Une grande puissance économique, dans une position stratégique incontournable sur le plan énergétique, militaire, politique. Pas seulement la puissance régionale indispensable au sud de l’Europe mais aussi l’alliée souhaitée de l’Europe dans la mondialisation. Que voudront alors les Turcs, à qui l’Union européenne, fidèle à ses valeurs voudra les leur imposer pour conclure la négociation ? Ankara, devenue grande puissance (grâce aussi à la pression des négociations) redoutera toujours d’être “rejetée” par référendum par un “petit” pays. Se posera alors pour elle la question : est-ce toujours mon intérêt ? D’autant que personne aujourd’hui, dans une Europe financièrement en crise, ne peut dire ce que sera alors devenue dans 12 ans, l’Union européenne… N

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Humanitaire

Tous concernés a violence sexiste peut frapper n’importe où, n’importe quand, mais elle est beaucoup plus fréquente dans les situations d’urgence, lorsque l’ordre public, les services d’appui et les réseaux communautaires sont perturbés. Cette combinaison de facteurs place les femmes - et les hommes - dans une situation de grande vulnérabilité. Les organisations humanitaires actives dans les zones de conflit ou qui interviennent après des catastrophes naturelles doivent faire de ce type de violence une priorité absolue, dès le début de toute situation d’urgence. Les victimes de violences sexistes ont besoin d’une aide immédiate : soins médicaux, assistance policière, conseils et assistance juridique. Dans bien des situations, ces services faisaient déjà défaut en temps normal ; la situation est donc encore plus dure quand survient l’urgence. Les organisations humanitaires peuvent et doivent donc redoubler d’efforts, avant comme après les événements, pour veiller à ce que ces services soient disponibles, avec le degré de formation et de préparation nécessaires pour aider les survivants, conformément aux bonnes pratiques internationales. Les survivants doivent aussi être informés de l’existence de ces services et y avoir accès. Des campagnes d’information et des services d’appui en matière de

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À vous de jouer

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L’envergure mondiale du Mouvement pourrait nous permettre de focaliser davantage l’attention sur la violence sexiste qui, loin de n’être qu’une “question de femmes”, concerne toute personne touchée par une situation d’urgence.

ous pouvez nous proposer une tribune libre pour publication en nous écrivant à l’adresse rcrc@ifrc.org. Les points de vue exprimés dans ces textes sont ceux de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ni de la rédaction.

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transport représentent un bon point de départ. Autre facteur critique : la prévention. Il s’agit ici d’une action à plus long terme, qui pourrait comprendre des campagnes dans les médias, des activités récréatives, culturelles ou professionnelles qui encouragent la nonviolence, et l’intégration de messages sur l’égalité hommes-femmes dans les programmes d’éducation. Dans une situation d’urgence, des patrouilles de sécurité peuvent être efficaces, en particulier pour la population des camps. La prévention doit être pertinente et appropriée au contexte local, faute de quoi elle ne sera pas durable. Les organisations humanitaires ont la responsabilité morale de s’attaquer à ces problèmes. Dans une situation d’urgence, les femmes peuvent être poussées à des comportements risqués, comme le commerce sexuel, pour survivre et nourrir leurs enfants, exacerbant le risque de violence sexiste. Les femmes sont particulièrement exposées à l’exploitation et aux violences sexuelles lorsqu’elles sont privées de toute possibilité d’avoir une activité rémunérée. Les organisations d’aide et de développement qui s’occupent de relèvement à long terme doivent redoubler d’efforts en matière de formation, de politiques à tolérance zéro et de codes de conduite stricts pour prévenir ce type de mauvais traitement. Des messages clairs (comme « L’aide humanitaire est gratuite ! ») ainsi que des initiatives destinées à renforcer l’autonomie économique peuvent réduire les risques et élargir les choix. Cette action doit être locale, pertinente et durable, car à défaut, les femmes risquent de se trouver contraintes de se déplacer pour trouver du travail, de mener des occupations plus risquées, ou de travailler dans des zones peu sûres. Dès que survient une situation d’urgence, on peut soutenir lesfemmes en leur offrant des possibilités de formation professionnelle et d’activités lucratives. Nous devons aussi tout faire pour que les femmes vivant dans des camps pour personnes déplacées aient accès à des espaces sécurisés et à des locaux séparés, bien éclairés et pouvant fermer à clé. N’oublions pas, par ailleurs, de demander aux femmes quels sont leurs besoins. Lorsque je me suis entretenue avec des femmes en Haïti, leur première demande concernait la possibilité d’avoir une activité économique. Nous pouvons faire davantage pour soutenir


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Humanitaire

et protéger les femmes actives dans le secteur informel, y compris en leur permettant de mettre en sûreté l’argent liquide qu’elles gagnent. Nous aurions pu mieux faire en Haïti en prenant immédiatement des initiatives encourageant l’émancipation économique. Les femmes, ceci dit, ne sont pas seulement des victimes : au lendemain d’un désastre, elles jouent un rôle clé pour aider leur pays à se relever plus vite. Les femmes peuvent jeter des ponts entre groupes antagonistes et accroître la capacité de résilience des communautés. Quant aux hommes, ils sont aussi une composante clé de toute solution. Les hommes ne sont pas tous des agresseurs, et ils doivent être mobilisés pour soutenir ces efforts par leurs actes et leurs paroles.

Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est bien placé pour contrer plus vigoureusement la violence sexiste. L’envergure mondiale du Mouvement pourrait nous permettre de focaliser davantage l’attention sur un problème qui, loin de n’être qu’une “question de femmes”, concerne toute personne touchée par une situation d’urgence. Les organisations humanitaires admettent de plus en plus la gravité des faits. Il est temps qu’elles y consacrent des ressources et des compétences concrètes, avec un personnel chevronné et des spécialistes expérimentés, pour se donner les moyens d’agir et de changer la donne sur le terrain, là où les besoins sont les plus grands. N LINA ABIRAFEH TITULAIRE D’UN DOCTORAT, LINA ABIRAFEH S’EST OCCUPÉE DE QUESTIONS LIÉES AUX VIOLENCES SEXISTES EN AFGHANISTAN, EN SIERRA LEONE, EN PAPOUASIE - NOUVELLE-GUINÉE ET DANS DIVERS AUTRES PAYS. ELLE EST L’AUTEUR DU LIVRE GENDER AND INTERNATIONAL AID IN AFGHANISTAN: THE POLITICS AND EFFECTS OF INTERVENTION, ET A, DERNIÈREMENT, OCCUPÉ LES FONCTIONS DE COORDINATRICE DU SOUS-SECTEUR FNUAP/UNICEF SUR LA VIOLENCE SEXISTE EN HAÏTI.

Sortir del’ombre LA VIOLENCE SEXUELLE A TOUJOURS ÉTÉ PRÉSENTE DANS LES CONFLITS ARMÉS. QUELQUES PROGRAMMES DE SOUTIEN AUX VICTIMES PEUVENT SERVIR DE MODÈLE AFIN DE COMBATTRE PLUS ACTIVEMENT CE PHÉNOMÈNE.

n entendait les rires gras, les bottes foulant le plancher, on sentait l’excitation parmi les officiers. Combien de fois chacune d’entre nous a-t-elle été violée cette nuit-là ? Mon corps était brisé, déchiré de partout. Je n’avais pas un centimètre de peau qui fût intact. » Est-ce une victime dans l’ex-Yougoslavie des années 1990 qui s’exprime ainsi ? Une femme, de nos jours, en République démocratique du Congo (RDC) ? Non : ce sont les paroles de Jan, une “femme de réconfort” pendant l’occupation japonaise de l’Indonésie, en 1944. Elle avait alors 17 ans. Mais ces paroles auraient pu être prononcées par les Sabines, enlevées par les Romains dans l’Antiquité, ou par une victime des Wisigoths en Europe au Ve siècle, ou encore par une jeune fille vietnamienne pendant la guerre contre les États-Unis, ou par une femme allemande à Berlin en 1945... Et l’énumération est sans fin.

«O

“ ”

C’est un viol idéologique, qui vise, comme au Kosovo ou au Congo, à détruire l’ennemi.

BORIS CYRULNIK NEUROPSYCHIATRE FRANÇAIS, SPÉCIALISTE DE LA ”RÉSILIENCE“ AU TRAUMATISME PSYCHOLOGIQUE

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« Les viols en temps de guerre ont toujours été systématiques », relève Boris Cyrulnik, neuropsychiatre connu pour ses écrits sur la “résilience”, ou résistance psychologique des personnes qui ont survécu à des épreuves. « On ordonnait aux hommes de tuer, voler, mutiler, puis on les laissait se servir d’aliments, et s’il y avait des femmes, on les laissait se servir aussi. » Selon Boris Cyrulnik, cette violence “à signification sexuelle” cède le pas, depuis 30 à 40 ans, au viol comme arme de guerre. « C’est un viol idéologique, qui vise, comme au Kosovo ou au Congo (ROC), à détruire l’ennemi. » Nombreuses sont les populations pour lesquelles la “vertu” (le terme “honneur” est souvent invoqué) des mères, des filles et des épouses est une valeur essentielle. “Souiller” les femmes revient à détruire la communauté plus sûrement encore qu’en tuant quelques-uns de ses membres, d’autant plus si l’attaque est suivie de grossesses, qui feront peser sur la victime et sur sa communauté le fardeau de l’enfant de l’ennemi. Dans des cas extrêmes, le viol est synonyme de meurtre, comme durant le génocide de 1994 au Rwanda, lorsque les violeurs fai- >>


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Cette jeune fille de 15 ans, photographiée à Obo (préfecture du Haut-Mbomou, République centrafricaine), a été enlevée à l’âge de 13 ans par un groupe armé et forcée de devenir l’une des nombreuses épouses du commandant. Photo : Marcus Bleasdale/VII

>> saient usage de machettes. Les hommes et les garçons peuvent

aussi être victimes. La détention est particulièrement propice aux violences destinées à humilier l’ennemi et à le déshumaniser ; que l’on songe aux images ignominieuses d’Abou Ghraïb, ou aux milliers d’hommes musulmans et croates malmenés pendant la guerre en Bosnie. Pour Florence Tercier, ancienne conseillère sur les femmes et la guerre au CICR, la violence à l’égard des femmes est un enjeu de pouvoir. Marginalisées en temps de paix, les femmes sont les victimes toutes trouvées lorsque la normalité se délite. La guerre, mais aussi les catastrophes naturelles et le déplacement, peuvent entraîner violences sexuelles et sexistes. Il est fréquent, dans de telles situations, que les gens vivent dans des camps surpeuplés, peu sûrs, avec peu ou pas d’espace privé ou de protection policière (voir encadré “Vulnérables après la catastrophe”). Les hommes sont déracinés et sans emploi, ce qui entraîne souvent frustration, consommation d’alcool ou de stupéfiants et violence familiale. « Dans une situation d’urgence, le stress augmente, et, avec lui, la violence », explique Vera Kremb, coordonnatrice de la FICR sur les questions de discrimination et d’égalité hommesfemmes. « Il en va de même de la violence sexuelle. » Cette pres-

À vous de jouer

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ue doit faire le Mouvement pour mieux combattre la violence sexiste durant les conflits et autres situations d’urgence ? Exprimez votre opinion en écrivant à rcrc@ifrc.org ou participez au débat sur www.facebook.com/redcrossredcrescent.

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sion peut métamorphoser des hommes jusque-là non violents. « C’était un bon mari avant notre fuite dans ce camp de réfugiés au Malawi », expliquait ainsi, récemment, une femme congolaise à une équipe vidéo de la FICR, après avoir relaté comment l’homme l’avait aspergée d’eau bouillante. Dans les camps, les filles risquent d’être violées lorsqu’elles vont se laver ou chercher du bois. Écouter l’indicible Dans le monde entier, le viol est un tabou dont l’opprobre retombe sur les victimes, parfois rejetées par leur famille et leur communauté, quand elles ne sont pas tuées pour « laver l’honneur de la famille ». Les séquelles physiques et psychologiques du viol peuvent durer une vie entière. Jan, l’ancienne “femme de réconfort”, qui, 50 ans durant, n’a reçu aucun soutien psychologique, raconte dans son livre (Listening to the Silences: Women and War) comment cette terreur ancienne la consume encore. Le traumatisme causé par le viol peut aussi conduire à la dépression, à la honte et à la colère, empêchant les victimes de retrouver une existence normale et productive. Le soutien psychologique et social est donc une composante essentielle de la réaction hu-


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manitaire. Sur le terrain, plusieurs méthodes qui pourraient servir de modèle sont à l’essai. En ROC, le CICR soutient des maisons d’écoute, où l’aide commence par un acte simple : offrir aux femmes un lieu sûr où elles peuvent relater leurs épreuves. « Quand une victime de viol vient dans nos maisons d’écoute, nous cherchons avant tout à l’accueillir, à réduire son anxiété, et à lui assurer un traitement médical. Dans un deuxième temps, nous l’aidons à rebâtir son image d’elle-même qui a été détruite par le viol », explique Jacques Caron, psychologue du CICR dans l’est de la ROC. Les collines verdoyantes de la région des Kivus ont été le théâtre, au cours des 15 dernières années de conflit, d’atrocités sans nom. Selon une estimation des Nations Unies, plus de 150 000 femmes de tous les âges - de très jeunes fillettes jusqu’à des arrière-grand-mères auraient été victimes de viols, accompagnés, dans certains cas, d’actes d’une extrême violence. Les maisons d’écoute ont été créées vers

Souffrances silencieuses

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“ ”

Depuis que j’ai parlé aux femmes à la maison d’écoute, depuis qu’elles m’ont montré que cela aurait pu arriver à n’importe qui, j’ai le cœur plus léger.

FANNY, UNE VICTIME DE VIOL ÂGÉE DE 43 ANS EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

n Colombie, les cas de violence familiale et sexuelle sont fréquents, mais la plupart ne sont jamais signalés. Dans ce domaine, qui demeure largement tabou, les signes de violence ne sont pas toujours patents, et la plupart des victimes restent anonymes, surtout lorsque le crime est lié au conflit armé. La loi colombienne exige que la victime dépose une plainte officielle pour qu’elle puisse bénéficier de soins gratuits. Or, rares sont les victimes qui osent faire cette démarche. « La plupart du temps, les victimes violentées par une personne armée ont trop peur de parler, car elles craignent pour leur vie », explique Tatiana Florez, coordinatrice adjointe du programme de santé du CICR en Colombie. Le CICR coopère avec Profamilia, une organisation de planification familiale, pour aider les victimes de la violence sexiste. La tâche n’est pas simple. Les victimes elles-mêmes ne considèrent pas toujours le viol comme le pire des traumatismes qu’elles aient subis, ni l’assistance après le viol comme leur plus grand besoin. « Le viol est fréquemment perçu comme un crime de plus, jugé relativement mineur par rapport au meurtre d’un mari, à la perte de tous ses biens ou de son foyer », explique Tatiana Florez. « Nous orientons les personnes qui souhaitent déposer plainte vers les instances compétentes », dit Luz Marina Tamayo, conseillère du CICR pour les questions liées aux femmes confrontées à la guerre. Le CICR offre une aide médicale et psychologique gratuite aux personnes qui préfèrent ne pas recourir au système public. Dans tous les

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2000 par des femmes congolaises, parfois elles-mêmes victimes de viol ; elles ont reçu par la suite un soutien international, À partir de 2004, le CICR a offert une formation à leur personnel, et il soutient aujourd’hui 40 de ces structures. Il met aussi à disposition, par l’intermédiaire des centres de santé, des trousses de secours qui contiennent des contraceptifs d’urgence permettant d’éviter des grossesses non désirées, des médicaments antirétroviraux pour prévenir la contamination par le VIH, et le sida et aux opérations d’urgence consacrées aux personnes déplacées dans leur pays. D’aucuns, au sein du Mouvement, plaident aussi pour que soient améliorées la préparation et la planification en ce qui concerne la conception des abris et des camps dans les situations d’urgence : meilleur éclairage, emplacement approprié des installations sanitaires, possibilités de séparation des sexes et fourniture de combustible pour éviter aux femmes la corvée de bois de feu, etc. La sensibilisation au viol devrait être mieux

cas, la confidentialité la plus stricte est observée. Dans certains cas particulièrement délicats, une assistance est fournie pour permettre un déménagement rapide. Le suivi des cas est non moins ardu. « Lorsque l’on a affaire à une victime de violences sexuelles, il faut toujours se dire que c’est peut-être le seul et unique contact que l’on aura avec elles », explique Marina Alexandra Caicedo, coordinatrice d’un programme psychologique pour les victimes de violence sexiste auprès de la Croix-Rouge colombienne. « C’est pourquoi nous avons formé nos colaborateurs et nos volontaires pour réagir à ce type de situation. » Il est crucial aussi de se rendre auprès des victimes, ce qui signifie souvent, en Colombie, dans des communautés dispersées et isolées. La Croix-Rouge colombienne, qui est aussi présente dans de nombreuses régions difficiles d’accès grâce à ses unités sanitaires mobiles, oriente les personnes concernées vers des institutions compétentes pour recevoir une aide psychologique ou autre, ou vers le CICR et Profamilia. En 2010, le CICR a soutenu près de 180 personnes. « La grande difficulté pour nous consiste à faire comprendre que les violences sexuelles doivent aussi être traitées comme des urgences médicales qui exigent des soins, y compris la prévention du VIH, dans les 72 heures », explique Marie-José Sierro, la déléguée du CICR responsable des questions de santé à Bogota. « Il faut aussi que les gens sachent qu’ils peuvent venir au CICR pour parler de leurs problèmes. » Marie-Servane Desjonquères, CICR, Genève

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>> intégrée et les services de santé de la pro-

création destinés aux femmes devraient être améliorés dans les situations d’urgence. « Sur la base de notre mandat, nous pourrions jouer un rôle beaucoup plus important pour contrer la violence sexiste, par la diplomatie humanitaire, par notre réseau étendu de volontaires communautaires et en fournissant des services médicaux et psychosociaux à l’intention des victimes de violence sexuelles dans des situations d’urgence », affirme Vera Kremb, de la FICR, qui relève que les grossesses chez les adolescentes, les tentatives d’auto-avortement et les taux d’infection par le VIH croissent aussi dans les situations d’urgence. Nadine Puechguirbal, conseillère du CICR chargée des questions concernant les femmes et la guerre, abonde dans le même sens. « Les humanitaires pensent qu’ils pourront aménager les camps et tenir compte des questions d’égalité hommes-femmes une fois l’urgence passée, mais c’est déjà trop tard. » Le tournant des années 1990 Malgré la longue histoire du viol dans les conflits, la réaction humanitaire n’a débuté que vers 1995, déclenchée par le conflit en Bosnie, avec sa litanie de viols, et au Rwanda, où le génocide a bouleversé le mende entier. Médecins sans Frontières et le Comité international de secours furent parmi les premiers à lancer des pro-

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À Kiwanja, dans la province du Nord-Kivu (RDC), une femme se confie à une assistance psychosociale (à droite) dans une maison d’écoute. « La maison d’écoute est un refuge, car lorsqu’une femme est violée, elle ne peut pas en parler avec ses voisins, et encore moins à son mari, qui risque de la rejeter », explique l’assistante. Photo : Pedram Yazdi/CICR

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grammes contre la violence sexiste dans ces contextes. « Cette évolution s’explique par la convergence de divers facteurs », explique l’historienne Carol Harrington. « Dans le Berlin de la Seconde Guerre mondiale, ou après les viols massifs de 1971 au Bangladesh, les victimes ont bénéficié de soins médicaux, de possibilités d’avortement et de traitements contre les maladies vénériennes. » Tel ne fut pas le cas lors de chaque conflit. « L’un des virages marquants des années 1990 fut le degré d’attention porté au traumatisme psychologique, suivant les travaux des experts qui avaient associé le viol à la torture. Autre facteur important, l’action des féministes, dénonçant la violence contre les femmes, et montrant que les droits de la femme sont des droits humains. » Désormais, le viol ne relevait plus de l’“honneur”, mais bien des droits de l’homme ; il appelait des soins médicaux pour les blessures, tant visibles qu’invisibles, qu’il infligeait. Dans l’intervalle, les tribunaux pénaux internationaux ad hoc créés dans les années 1990 pour l’ex-Yougoslavie, le Rwanda et la Sierra Leone - avaient marqué un tournant. Leurs statuts mentionnent en effet le viol parmi les “crimes contre l’humanité” qui sont au cœur de leur mandat. Leur jurisprudence fut novatrice, y compris - dans le cas de l’ex-Yougoslavie - pour les violences commises entre hommes.


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Vulnérables après la catastrophe

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irva (25 ans) est assise au milieu d’un groupe de femmes et de jeunes filles dans un camp pour personnes déplacées à Port-auPrince. « Vous avez des droits, exactement comme les hommes, leur dit-elle, avec douceur mais fermeté. Vous n’avez pas à accepter d’être des victimes. » Il y a trois ans, Nirva a été agressée et violée par cinq hommes alors qu’elle rentrait chez elle. Elle est aujourd’hui membre de l’organisation communautaire KOFAVIV, et elle vient, chaque dimanche, dans ce camp pour expliquer aux filles et aux femmes comment éviter de subir pareil sort, ou que faire si elles n’y parviennent pas. Avant le tremblement de terre, les mesures de lutte contre les violences sexistes étaient en voie de renforcement, mais le séisme a réduit à néant ces progrès, détruisant des refuges et permettant à des criminels endurcis de s’échapper de prison. Pour les centaines de milliers de filles et de femmes vivant dans les camps pour déplacés, la violence sexuelle est une menace quotidienne. Elles dorment sous des tentes qui n’arrêtent pas un intrus armé d’un couteau. L’éclairage est faible : la nuit, les camps sont plongés dans l’obscurité ; des bandes armées rôdent impunément. De nombreux maris, pères et frères ont perdu la vie dans la catastrophe. Enfin, la plupart des camps n’ont ni présence policière, ni sécurité. « Les enfants aussi sont vulnérables, explique Jocie Philistin, coordinatrice de projet de KOFAVIV. Les gens se retrouvent dans un lieu où personne ne se connaît, sans aucun sens d’appartenance communautaire, et où la main-d’œuvre est essentiellement féminine. Les femmes doivent quitter le camp pour aller travailler, et les enfants sont, pour ainsi dire, livrés à eux-mêmes. » Dans certains camps, la situation est meilleure, soit parce que les résidents se connaissaient avant, ou parce qu’ils ont été conçus, dans les jours suivant le séisme, avec un éclairage ou des installations sanitaires séparées. Sian Evans, responsable de programme pour le Fonds des Nations Unies, pour la population et chargé de coordonner le sous-secteur de la violence sexiste en Haïti considère que « l’une des leçons à retenir, c’est qu’il faut vraiment être conscient de ce type de problème dès le début. » Amy Serafin

C’est ensuite (en 1998) le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui définit les actes de « viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » comme des « crimes contre l’humanité », à certaines conditions. Le texte mentionne « toute population civile », sans faire de distinction entre les sexes. La CPI a déjà émis plusieurs actes d’accusation fondés sur cet article. La réaction du Mouvement Au sein du Mouvement aussi, les années 1990 ont marqué un tournant. Des résolutions ont été adoptées sur ce sujet par deux Conférences internationales de la Croix-

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Rouge et du Croissant-Rouge (en 1996 et en 1999). Lors de la deuxième, le CICR a pris l’engagement de veiller à ce que « les besoins spécifiques des femmes et des fillettes touchées par les conflits armés (...) soient dûment évalués », et aussi de «faire largement connaître aux parties aux conflits armés l’interdiction de toute forme de violence sexuelle ». Malgré cette évolution, la violence sexiste n’est toujours pas pleinement intégrée dans l’action de terrain du Mouvement, que ce soit dans les conflits ou dans les catastrophes naturelles. Certains des spécialistes de ces questions au sein du Mouvement considèrent que les mesures prises sont trop sporadiques et ponctuelles, et qu’il faut aller plus loin pour intégrer la sensibilisation et la programmation sur les violences sexistes aux activités de préparation, de secours et de relèvement dans le contexte des situations d’urgence. Quelques programmes illustrent ce que pourrait être cette intégration. En Afrique australe, les programmes lancés dans le cadre de l’Alliance mondiale contre le VIH - qui englobe la FICR, les Sociétés nationales, des volontaires et des partenaires dans 10 pays - associent des mesures contre la violence sexiste à leur action de prévention dans des communautés rurales et urbaines. Parallèlement, la Société de la Croix-Rouge du Malawi et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont mis en Cette victime de violences sexuelles à Cali (Colombie) a reçu une visite et un soutien du CICR. Photo : Christoph Von Toggenburg /CICR

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place une démarche globale pour combattre les violences sexuelles dans le camp de réfugiés de Dzaleka, qui héberge 10 000 personnes, et des initiatives similaires s’inspirent maintenant de cet exemple dans 15 districts du pays. Des comités à assise communautaire encadrent des mesures de sensibilisation et de médiation, auxquelles sont associés la police et les tribunaux. Des refuges, ainsi que des services d’orientation psychologiques et sociaux et des projets générateurs de revenus pour les femmes victimes de violence, sont mis à disposition. Ces initiatives ont déjà eu un résultat important : une augmentation du nombre de cas signalés. Dans les catastrophes de grande ampleur, la réaction aux violences sexistes se fait aussi plus vigoureuse. Après le tremblement de terre en Haïti, par exemple, l’équipe d’évaluation rapide comprenait pour la première fois un responsable des questions liées aux spécificités sexuelles. C’est aussi en Haïti que la FICR a engagé, pour la première fois, dans le cadre de l’intervention d’urgence, un délégué spécialisé dans les programmes sur la violence sexiste, l’exploitation et les violences sexuelles. Après avoir reçu une formation de base, les volontaires de la Société nationale de la CroixRouge haïtienne qui ont accès aux communautés dans les camps mènent une action de sensibilisation et orientent les femmes vers les services disponibles sur place. Il reste cependant des lacunes à combler. Si les trousses d’urgence en cas de viol ont été distribuées en Haïti à toutes les unités sanitaires de réaction d’urgence, et proposées par certaines Sociétés nationales, on manque de personnel spécifiquement formé pour faire face aux besoins psychologiques et médicaux particuliers des victimes de viol. Mieux outillés Il en va de même au CICR,où la prise en compte des violences sexuelles n’est pas complètement intégrée aux interventions, bien que des progrès importants aient été accomplis au cours des dix dernières années. L’étude réalisée par le CICR en 2001, Les Femmes face à la Guerre, montrait une prise de conscience de la violence sexiste, qui demeurait toutefois insuffisamment intégrée à la formation des délégués du CICR et à la diffusion du droit international humanitaire www.expatria-cum-patria.ch

« La situation n’est pas bonne ici, surtout pour les jeunes filles », explique Janette Honore, de la Société de la Croix-Rouge du Malawi, au sujet du camp de réfugiés de Dzaleka. « De nombreuses femmes se sentent contraintes de monnayer leur corps pour obtenir des articles essentiels. » Janette Honore et Jimmy Ndayishima sont membres du comité du camp contre les violences sexistes. Photo : Damien Schumann/FICR

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(DIH). Le rapport s’inscrivait dans une initiative plus vaste du CICR (fondée, elle aussi, sur l’engagement pris en 1999) pour mieux protéger et assister les femmes touchées par la violence armée ; il concluait que puisque les conflits ont des effets différents sur les femmes et sur les hommes, leurs besoins doivent être traités de manière spécifique. Depuis cette date, le CICR a publié des documents d’orientation (comme Répondre aux besoins des femmes affectées par les conflits armés, 2004) et a mieux intégré ces questions à ses matériaux généraux de formation et de programmes (voir Les Femmes et la Guerre, 2008). Les informations sur le DIH, y compris celles qui sont directement diffusées aux groupes armés, contiennent de plus en plus de messages touchant l’interdiction de la violence sexuelle. Le CICR œuvre aussi aux côtés des femmes sur le terrain pour rassembler des informations sur les violences sexistes. « Les délégués sont aujourd’hui bien mieux outillés qu’il y a dix ans pour faire face à ces problèmes », affirme Charlotte Lindsey, auteur du rapport de 2001 et directrice de la communication et de la gestion de l’information au CICR. Les projets du CICR spécifiquement voués à la violence sexiste sont rares, mais leur nombre augmente. Outre la RDC, des programmes et des services pour les victimes de violences sexuelles sont proposés au Darfour et en Colombie. D’autres sont prévus en Côte d’Ivoire, en Haïti et au Sénégal. Dans bien des cas, diverses formes d’assistance spécifiques pour les femmes (soins prénatals, postnatals, rééducation physique, aide à la recherche de parents disparus) sont déjà disponibles. En Irak et au Népal, par exemple, on met tout particulièrement


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l’accent sur la sécurité économique des veuves restées seules à la tête d’une famille, qui sont souvent très exposées à diverses formes de violence. Pourtant, le débat n’est pas clos en ce qui concerne le rôle et la réaction du Mouvement concernant la violence sexuelle et les besoins spécifiques des femmes. Florence Tercier, ex-conseillère sur les femmes et la guerre, explique que, selon certains, les programmes sur la violence sexiste risqueraient de remettre en cause l’impératif de secourir toutes les victimes, consacré par le Principe fondamental de l’impartialité, et qui repose sur l’idée que l’assistance doit être dispensée sans distinction, avec les besoins pour seul critère. On peut répondre à cela que le fait de renforcer une intervention, loin de saper la démarche orientée vers toutes les victimes, renforce plutôt la notion de réponse globale fondée sur « une meilleure compréhension des besoins et des vulnérabilités particulières de certaines catégories de victimes, en l’occurrence les femmes », pour citer l’étude de 2001. Autre argument : le viol pourrait sortir du mandat strict des interventions d’urgence, puisque dans certains contextes, il serait “culturel” ou déjà présent avant l’urgence. Mais comment défendre ce point de vue lorsqu’un conflit ou une catastrophe naturelle provoque une flambée aiguë de violence sexiste ?

Les viols systématiques de femmes durant la guerre dans les Balkans en 1992-1995 ont suscité des mouvements revendiquant que les allégations de viol soient intégrées aux procédures intentées pour crimes de guerre. Ci-dessous, deux membres de l’association bosniaque “Femmes victimes de la guerre” se joignent à une manifestation à Sarajevo réclamant la justice pour les victimes de viol. Photo : AP Photo/Hidajet Delic

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Il est un point sur lequel s’accordent la plupart des personnes interrogées dans le cadre de cet article : combattre la violence sexuelle est ardu, en particulier pendant une crise. Les victimes de viol sont difficiles à identifier (voir encadré “Souffrances silencieuses”) et les services d’orientation, les organisations partenaires, les refuges ou les ressources sont souvent insuffisants pour réagir comme il conviendrait. Une action plus énergique du Mouvement sur le terrain exigerait un engagement plus ferme en matière de formation des volontaires et du personnel, plus d’investissements dans les services psychosociaux, une meilleure préparation des services médicaux et de sécurité pour les personnes déplacées, et des ressources pour des délégations et des volontaires déjà submergés par la réaction à la crise. « Le parcours accompli ces dernières années est impressionnant », affirme Pierre Krâhenbühl, directeur des opérations du CICR, mais il s’empresse d’ajouter : « on a encore un bon bout de chemin à faire ». N IOLANDA JAQUEMET JOURNALISTE INDÉPENDANTE BASÉE AU NÉPAL, IOLANDA JAQUEMET A ÉCRIT DES ARTICLES SUR LA VIOLENCE SEXUELLE PENDANT LES CONFLITS, NOTAMMENT DANS LES BALKANS ET EN RÉPUBLIQUE DU CONGO *Prénom fictif


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Lachasseaux

sacsplastiques deSandrineCassidy-Schmitt C’EST EN PARCOURANT L’UN DES NOMBREUX MARCHÉS FERMIERS OU “HEALTH STORES” DE LOS ANGELES QUE L’ON POURRA APERCEVOIR LE PLUS FRÉQUEMMENT LA GRIFFE DE SANDRINE CASSIDY-SCHMITT: CETTE FRANCO-AMÉRICAINE, MÈRE DE DEUX ENFANTS, A QUITTÉ SA CARRIÈRE DANS LE MONDE DE LA MUSIQUE ET DU CINÉMA POUR SE CONSACRER À LA DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT AU TRAVERS DE SA MARQUE DE SACS DE COURSE “ECO-CHIC”, JUNE FIFTEEN. RENCONTRE AVEC UNE ENTREPRENEUSE ENGAGÉE.

Sois le changement que tu veux voir en ce monde » : c’est avec cette fameuse citation de Gandhi que nous sommes accueillis sur l’une des pages du site Internet de June Fifteen. Sandrine Cassidy-Schmitt, la CEO de la société, décrypte en nous racontant le jour où est survenu le “déclic”. C’était il y a un peu plus de trois ans, à la caisse d’un Target local : elle observe alors l’employée mettre un article par sac plastique, puis doubler ce dernier d’un second sac plastique. C’en est trop pour cette Franco-Américaine, née à Paris et élevée à Los Angeles. Résidente du quartier de Ballona Creek à Culver City, elle a maintes fois assisté au sordide défilé de sacs de supermarchés et autres ordures de la crique vers l’océan. Elle décide donc d’agir et, soutenue par ses proches, elle se tourne vers le Small Business Development Center local, y suit une formation, et crée sa propre entreprise verte. « J’ai voulu participer au changement dans nos habitudes quotidiennes en proposant une alternative chic au sac jetable » dit-elle. Elle choisit le nom “June Fifteen”, date de son anniversaire, qui symbolise aussi pour elle l’équilibre (moitié du mois, et de l’année), et le renouveau que nous apportent ces derniers jours de printemps.

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Pour s’assurer de l’intégrité de ses fournisseurs, Sandrine part en Inde pour visiter les lieux de production certifiés du label “commerce équitable”. Comme matériaux, elle choisit le coton et, principalement, la toile de jute, qu’elle apprécie pour son caractère durable et écologique. « La France est bien plus avancée qu’ici et nous voyons tout doucement (mais sûrement !) la législation et les gens changer. Avant tout, il s’agit de responsabiliser les consommateurs pour réduire les déchets plastiques », nous dit Sandrine. L’objectif de la diplomée du Lycée Français de Los Angeles, c’est donc de mobiliser et de sensibiliser. Certains de ses modèles, comme le blue bag et le khaki bag, sont unisexes, et les prix tournent en moyenne autour des $10. « Tous nos sacs ne sont pas entièrement biodégradables», dit-elle en se référant à certains modèles dotés d’une doublure imperméable en plastique, mais il sont totalement recyclables. » June Fifteen organise son propre programme de recyclage pour ses sacs une fois usés, en les offrant aux centres artistiques de la ville. Et l’engagement écologique ne s’arrête pas là : « Nous sommes également membres de 1% for the Planet, où l’on contribue sur chaque vente au soutien d’organisations environnementales. » Les lettres d’informations de la compagnie sont aussi truffées d’astuces et de conseils “éco-malins”. Pendant son temps libre, Sandrine participe aux efforts de l’association Ballona Creek Renaissance, qui organise un grand événement de nettoyage de la crique de Ballona ce samedi 23 avril, participe au festival EarthFestLA le même jour, et organise la projection gratuite du remarquable documentaire Bag It à Loyola Marymount University à West LA, le mardi 27 avril. De quoi faire plaisir à Gandhi. N SOPHIE FUNG


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Réussite

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L’Americandream deOuendaBaaïssa DE SA BANLIEUE PARISIENNE NATALE À LA PREMIÈRE CHAÎNE AMÉRICAINE DE RESTAURANTS MEXICAINS, LA RÉUSSITE DE OUENDA BAAÏSSA DONNE LE TOURNIS. ELLE EST PERSUADÉE QUE RIEN DE CELA N’AURAIT ÉTÉ POSSIBLE EN FRANCE. MAIS ELLE N’A PAS RENONCÉ À L’HEXAGONE: ATTENTION E.N.A., OUENDA ARRIVE...

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LA RÉUSSITE PROFESSIONNELLE PAR L’EXIL

n toute modestie, Ouenda avoue « avoir le tournis » devant la rapidité de sa carrière professionnelle américaine. La voilà à 36 ans vice-présidente chargée des finances de “Real Mex Restaurants”, une entreprise qui compte plus de 200 restaurants, employant au total près de 17 000 salariés dans une douzaine d’États du pays, pour un chiffre d’affaires annuel de 600 millions de dollars. Rien ne prédisposait cette enfant de Montigny-les-Cormeilles, Val-d’Oise, à grimper si vite les échelons de son entreprise. « Jamais je n’aurais imaginé en arriver là », raconte-t-elle. « Après mon bac, je me suis orientée vers un BTS et je ne pensais pas aller plus loin. Mais lors d’un stage chez

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Colgate-Palmolive, j’ai eu une sorte de révélation sur l’orientation que je voulais donner à ma vie personnelle et professionnelle. Je sortais enfin d’un milieu ouvrier, de ma cité et des codes qui la régissaient, pour rencontrer des gens du monde entier. Une véritable nouveauté… J’ai également eu la chance de croiser des personnes qui ont eu la gentillesse de me prendre sous leur aile et de m’encourager à reprendre mes études. » Suite à ce stage, la jeune femme décide donc de partir 6 mois en Ecosse, à l’Université d’Edimbourg, pour parfaire son anglais. « C’était la première fois que je partais seule. Cette liberté a été une bénédiction. J’ai compris que pour construire mon iden-


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Réussite

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Il vaut mieux être jeune diplômé ici qu’en France. À Paris, aurais-je pu doubler mon salaire en 2 ans et le tripler en 5 ans ? Ici, il n’y a pas de limite.

tité, je devais m’ouvrir aux autres et quitter ma banlieue où, d’habitude, une fille d’origine maghrébine doit se marier jeune et trouver un emploi. Dès mon retour en France, j’ai redéfini mes objectifs et repris mes études à la Sorbonne. » Un choix couronné de succès, puisque Ouenda Baaïssa poursuit son cursus jusqu’au doctorat. « Je ne l’ai toutefois pas terminé. J’avais démarré ce doctorat d’économie industrielle en 1999, mais j’ai obtenu un stage en Californie et je suis partie dans la foulée. » Le rêve américain se transforme cependant en déception, quelques jours après son arrivée. « J’ai vite réalisé que ce stage n’était pas sérieux et ne débouchait sur rien. » Mais une bonne étoile veille sur la jeune femme. Fortuitement, cette dernière rencontre en effet Charles Bonaparte, « un descendant de l’Empereur », à la tête d’une petite chaîne de restaurants, “El Gallo Giro”. L’entrepreneur lui propose ainsi un poste d’analyste financier et la possibilité de rester sur le sol américain. « J’y ai effectué mes armes durant 5 ans, avant d’être débauchée par “Real Mex” qui m’offrait de devenir directeur comptable. Le challenge était intéressant, j’ai foncé. » Avec la réussite que l’on sait… Plus de dix ans après son arrivée en Californie, Ouenda Baaïssa ne regrette donc nullement son exil californien. Et si la nostalgie de la France s’empare d’elle, la jeune femme sait pourtant qu’elle n’aurait pu y réaliser le même parcours : « Après mon DEA d’économie, je me suis aperçue que le marché du travail en France était sclérosé. En fonction du sexe, de l’origine et du diplôme, je pouvais connaître par avance le salaire, l’évolution et le montant de la retraite. C’était déprimant. Aux États-Unis, on ne vous rigole pas au nez et on n’hésite pas à vous donner des responsabilités lorsque vous êtes jeune. On vous donne votre chance et l’ambition n’est pas un mot grossier, même si le revers de la médaille est de travailler 12 heures par jour. » La jeune femme pousse même la comparaison plus loin en se montrant inquiète quant à l’évolution de la société française : « Même si le marché du travail américain a

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été durement touché par la crise économique, je reste persuadée que l’on a plus de chance d’y faire carrière lorsque l’on est jeune diplôme et ambitieux. Il s’agit de deux sociétés profondément différentes quant à la valeur travail et à sa rémunération. Le revers de ce système, comparé à la France, est un filet social en peau de chagrin et des coûts d’éducation astronomiques, mais il vaut mieux être jeune diplômé ici qu’en France. À Paris, aurais-je pu doubler mon salaire en 2 ans et le tripler en 5 ans ? Ici, il n’y a pas de limite. » De loin, elle suit les débats français, de l’égalité des chances à la laïcité et s’inquiète de ce « profond malaise ». « Pour parler franchement, ici, je n’ai jamais senti que mes origines, la couleur de ma peau ou mon accent ont été des paramètres pendant mon parcours professionnel. Or, en France, c’est un sujet qui revient constamment dans les conversations et dans la presse. » La jeune femme n’est toutefois pas aigrie et s’avoue toujours séduite par la France, « sa culture, le niveau et la qualité de conversation des gens ». Elle aimerait d’ailleurs y revenir dans les mois à venir pour tenter d’intégrer l’ENA : « Pour l’heure, je n’ai pas trouvé de structure académique (un autre contraste avec les US) qui me permette de préparer l’examen d’entrée dès la rentrée prochaine. J’envisage donc de passer, l’an prochain, le concours externe de préparation au 3e concours. » En attendant, Ouenda Baaïssa ne sombre pas dans la routine. En dépit d’un emploi du temps surchargé, elle a repris ses études à l’université d’UCLA afin de préparer l’examen du CPA (Certified Public Accountant) : « L’équivalent en France de cette certification est l’expertise comptable. J’ai tellement pratiqué cette profession, qu’il serait dommage de repartir en France sans un diplôme professionnel. C’est aussi une certification très reconnue à l’étranger et dans les entreprises travaillant à l’échelle internationale. » Une fois ses études terminées, Ouenda Baaïssa pourra alors traverser l’Atlantique en sens inverse pour partir à la conquête de la France, et y suivre son rêve de travailler pour les Affaires Etrangères. N


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Notes surles réformes dela nationalitéfrançaise DEUX LOIS RÉCENTES (ART. 18 DE LA LOI N° 2011-525 DU 17 MAI 2011 ET ARTICLES 1ER À 7 DE LA LOI N° 2011-672 DU 16 JUIN 2011) ONT MODIFIÉ LE DROIT DE LA NATIONALITÉ AFIN DE RENFORCER LES CONDITIONS D’INTÉGRATION ET D’ASSIMILATION DES CANDIDATS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE.

I - ACQUISITION DE LA NATIONALITE FRANÇAISE PAR MARIAGE 1) Assimilation - Connaissance suffisante de la langue française (art. 21-2 du code civil) L’art. 3 de la loi nouvelle précise la notion de « connaissance suffisante de la connaissance française selon son état » requise du conjoint étranger qui souhaite acquérir la nationalité française par mariage. Les modalités d’évaluation qui relevaient actuellement de simples circulaires ou instructions ministérielles seront désormais fixées par décret en Conseil d’Etat. 2) Autorité compétente pour recevoir les déclarations de nationalité souscrites en raison du mariage (art. 26) L’article 18 de la loi de simplification du 17 mai 2011 a prévu que ces déclarations seraient reçues pour les demandeurs résidant à Paris, par le préfet de police. Aucun changement pour les Français de l’étranger qui souscriront la déclaration devant le consul. 3) Délai d’enregistrement des déclarations d’acquisition de la nationalité française par mariage (art. 26-3) L’article 7 de la loi nouvelle dispose que ce délai est porté à deux ans dans le cas où une procédure d’opposition à l’acquisition de la nationalité française est engagée par le Gouvernement en application de l’article 21-4 du code civil (défaut d’assimilation).

actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturelle ou sportif. 2) Condition d’assimilation à la Communauté française - Exigence d’une connaissance suffisante par l’étranger de l’histoire, de la culture et de la société française et d’adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République (art. 21-24 du code civil) L’article 21-24 du code civil disposait déjà que nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. La loi du 26 novembre 2003 avait ajouté au critère linguistique la connaissance suffisante des droits et devoirs conférés par la nationalité française. Les articles 2 et 68 de la loi nouvelle ajoutent à tous critères une connaissance suffisante, selon la condition du demandeur de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation seront fixés par décret en Conseil d’Etat et par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République.

II - NATURALISATIONS 1) Nouveau cas de réduction du stage de cinq ans avant le dépôt de la demande (art. 21-18 (3°) du code civil Une première condition de résidence en France est requise des personnes qui demandent leur naturalisation. L’article 21-17 du code civil dispose que sous réserve des exceptions prévues aux articles 21-18, 21-19 et 21-20 du code civil, la naturalisation ne peut être accordée qu’à l’étranger justifiant d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande. Les articles 21-18 et suivants du code civil prévoient certains cas de dispense ou de réduction de stage. L’article 1er de la loi nouvelle ajoute un nouveau cas de réduction du stage à deux ans : pour l’étranger qui présente un parcours exceptionnel d’intégration, apprécié au regard des activités menées ou des www.expatria-cum-patria.ch

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3) Obligation pour l’étranger de signer la charte des droits et devoirs du citoyen français (art. 21-24 du code civil) L’article 2 de la loi nouvelle dispose qu’à l’issue du contrôle de son assimilation, le demandeur doit signer « la charte des droits et devoirs du citoyen français ». Cette charte rappellera les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française. Elle sera approuvée par décret en Conseil d’Etat. Les parlementaires de l’opposition ont saisi le Conseil constitutionnel de cette dernière disposition, estimant que seul le législateur pouvait fixer le contenu de cette


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charte. Le Conseil constitutionnel a rejeté cet argument et déclaré cet article conforme à la Constitution, considérant que le décret ne pouvait contenir aucune disposition normative nouvelle, se bornant à synthétiser les principes, valeurs et symboles essentiels de la République existants. III – DISPOSITIONS COMMUNES À PLUSIEURS CAS D’ACQUISITION DE LA NATIONALITE FRANÇAISE 1) Acquisition de la nationalité française par naturalisation ou par déclaration – Plurinationalité L’article 4 de la loi nouvelle oblige les personnes qui demandent à acquérir la nationalité française par décision de l’autorité publique (naturalisation notamment), ou par déclaration de déclarer à l’autorité compétente la ou les nationalités qu’il possède déjà, les ou les nationalités qu’il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. Les parlementaires de l’opposition avaient saisi le Conseil constitutionnel de ce dispositif. Ils le jugeaient discriminatoire et estimaient qu’il s’agissait d’une contrainte excessive. Le Conseil a rejeté ces deux griefs. Il a jugé qu’il s’agissait d’une simple formalité déclarative qui n’imposait nullement aux demandeurs de s’engager à l’égard des autorités françaises quant à la conservation ou au maintien d’une autre nationa-

lité, laquelle dépend d’une législation et d’autorités étrangères. S’agissant du grief tiré de la violation du principe d’égalité, le Conseil a relevé que la disposition en cause ne crée pas de distinction entre Français. Elle n’institue pas même un traitement de données à caractère personnel des autres nationalités conservées par les personnes ayant acquis la nationalité française autrement que par la naissance. Il s’agit d’une déclaration attachée à la procédure d’acquisition de la nationalité française et qui est destinée à permettre aux autorités françaises de disposer d’informations sur le phénomène des plurinationaux. Le Conseil a donc estimé qu’elle ne méconnaissait aucune exigence constitutionnelle et a déclaré l’article 4 de la loi conforme à la Constitution. 2) Cérémonie d’accueil dans la nationalité française – Remise de la Charte des droits et devoirs du citoyen français (art. 21-28) L’article 5 de la loi nouvelle dispose qu’au cours de la cérémonie d’accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français doit être remise aux personnes ayant acquis la nationalité française. 3) Augmentation du délai de retrait des décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration en cas de non-respect des conditions légales (art. 27-2) L’article 6 de la loi nouvelle harmonise les durées dont dispose l’État pour retirer la nationalité en maintenant le délai à deux ans pour mensonge ou fraude et en le faisant passer de un à deux ans en cas de non-respect des conditions légales. L’ensemble des délais serait de deux ans. L’augmentation du délai en cas de non-respect des conditions légales se justifie d’une part, par l’illégalité initiale, qui aurait en principe dû interdire l’acquisition de la nationalité. D’autre part, les faits retenus pour rapporter la décision doivent être suffisamment graves, ce dont s’assure le juge saisi d’une demande d’annulation du retrait en vertu d’un arrêt de principe du Conseil d’État du 13 février 1974.

Annexe Textes du Code Civil NB – Les dispositions nouvelles sont présentées sous forme consolidée. Article 21-2 (Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, art. 79) « L’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. « Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la déclara-

tion, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l’étranger doit avoir fait l’objet d’une transcription préalable sur les registres de l’état civil français. « Le conjoint étranger doit (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 3) « également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État. » Dernier alinéa supprimé par l’art. 12 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009. Article 21-18 Le stage mentionné à l’article 21-17 est réduit à deux ans : 1° Pour l’étranger qui a accompli avec succès deux années d’études su-

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périeures en vue d’acquérir un diplôme délivré par une université ou un établissement d’enseignement supérieur français; 2° Pour celui qui a rendu ou qui peut rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France. « 3° (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 1er) Pour l’étranger qui présente un parcours exceptionnel d’intégration, apprécié au regard des activités menées ou des actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif. »

nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités, signée à Strasbourg le 6 mai 1963. Les députés et les sénateurs élus dans le département sont invités à la cérémonie d’accueil. Les personnes ayant acquis de plein droit la nationalité française en application de l’article 21-7 sont invitées à cette cérémonie dans un délai de six mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité française mentionné à l’article 31. (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 5) « Au cours de la cérémonie d’accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 est remise aux personnes ayant acquis la nationalité française visées aux premier et troisième alinéas. »

Article 21-24 Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 2) « , de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, » (Loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003, art. 68) « et des droits et devoirs conférés par la nationalité française » (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 2) « ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République » ; (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 2) « À l’issue du contrôle de son assimilation, l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d’État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française. »

Article 26 (Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, art. 18) « La déclaration de nationalité souscrite en raison du mariage avec un conjoint français est reçue par le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, ou par le consul. » (Loi n°2009-526 du 12 mai 2009, art. 12) Les autres déclarations de nationalité sont reçues par le greffier en chef du tribunal d’instance ou par le consul. Les formes suivant lesquelles ces déclarations sont reçues sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. Il en est délivré récépissé après remise des pièces nécessaires à la preuve de leur recevabilité.

Article 21-27-1 (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 4) Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique ou par déclaration, l’intéressé indique à l’autorité compétente la ou les nationalités qu’il possède déjà, la ou les nationalités qu’il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. Article 21-28 (Loi n°2006-911 du 24 juillet 2006, art. 85) Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police organise, dans un délai de six mois à compter de l’acquisition de la nationalité française, une cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française à l’intention des personnes résidant dans le département visées aux articles 21-2, 21-11, 21-12, 21-14, 21-14-1, 21-15, 24-1, 24-2 et 32-4 du présent code ainsi qu’à l’article 2 de la loi n° 64-1328 du 26 décembre 1964 autorisant l’approbation de la convention du Conseil de l’Europe sur la réduction des cas de pluralité de www.expatria-cum-patria.ch

Article 26-1 Toute déclaration de nationalité doit, à peine de nullité, être enregistrée soit par le (Loi n°2009-526 du 12 mai 2009, art. 12) « greffier en chef du tribunal d’instance, » pour les déclarations souscrites en France, soit par le ministre de la justice, pour les déclarations souscrites à l’étranger, le (Loi n°2009526 du 12 mai 2009, art. 12) « à l’exception des déclarations souscrites en raison du mariage avec un conjoint français, qui sont enregistrées par le ministre chargé des naturalisations. » Article 26-3 Le ministre ou le (Loi n°2009-526 du 12 mai 2009, art. 12) « greffier en chef du tribunal d’instance » refuse d’enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales. Sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal de grande instance durant un délai de six mois. L’action peut être exercée personnellement par le mineur dès l’âge de seize ans. La décision de refus d’enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. Le délai est porté à un an pour les déclarations souscrites en vertu de l’article 21-2. (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 7) « Dans le cas où une procédure d’opposition est engagée par le Gouvernement en application de l’article 21-4, ce délai est porté à deux ans. » Article 27-2 Les décrets portant (Loi n°99-1141 du 29 décembre 1999, art. 3) « acquisition, » naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d’Etat dans le délai de (Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, art. 6) « deux ans » à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude. N

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promesses sont comme les billets de banque, plus il y en a, moins elles ont de valeur

SUPPRESSION DE L’EXONÉRATION DE LA DEUXIÈME CESSION DE LA RÉSIDENCE EN FRANCE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

GEORGES BIDAULT

TRAVAUX PRÉLIMINAIRES… Objet

Cher(e) Collègue, En 2004-2005, M. Nicolas Sarkozy, après une étroite concertation avec nos élus, avait fait adopter l’exonération, à certaines conditions, de la deuxième cession de la résidence en France des Français de l’étranger. Cette exonération était prévue par l’article 150 U du code général des impôts. Elle avait été considérée, à l’époque, comme une avancée et comme un droit légitime pour nos compatriotes expatriés compte tenu de leur situation particulière et des exigences d’une mobilité accrue dans le contexte de la mondialisation. Interrogeant Mme la ministre de l’Economie, de l’emploi sur ce dispositif, j’ai reçu, le 16 décembre dernier, sa réponse mentionnant cette exonération et en décrivant les conditions. Quelle n’a pas été ma surprise de constater que dans la loi de finances pour 2011, l’exonération de la deuxième cession a été supprimée à la suite d’un amendement déposé par M. Jean Arthuis, président de la Commission des Finances du Sénat. Cette mesure qui a reçu l’avis favorable du Gouvernement a été supprimée d’un trait de plume, en catimini, sans la moindre concertation avec les élus des Français de l’étranger qu’il s’agisse des sénateurs ou de l’Assemblée des Français de l’étranger. Je tenais à vous informer de cette nouvelle mesure contre laquelle je n’ai pas manqué de protester par la voie d’une question écrite dont copie ci-jointe.

ARTICLE 91 I. Le 2° du II de l’article 150 U du code général des impôts est ainsi modifié : 1° À la première phrase, les mots : « , par contribuable , des deux premières cessions » sont remplacés par les mots : « d’une résidence par contribuable » ; 2° La seconde phrase est supprimée. II. Le I s’applique pour l’imposition des plus-values immobilières réalisées lors des cessions à titre onéreux intervenues à compter du 1er janvier 2011.

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L’article 27 de la loi de finances rectificative pour 2005 a élargi l’exonération particulière prévue en faveur de l’habitation en France des non-résidents en la rendant applicable aux deux premières cessions, et non plus simplement à la première cession. Le présent amendement a pour objet de supprimer l’exonération de la deuxième cession de l’habitation en France des non-résidents, ressortissants européens, pour revenir à la situation applicable avant le 1er janvier 2006. L’exonération de la première cession des non-résidents, corollaire de l’exonération de la résidence principale pour les contribuables domiciliés en France, vise à tenir compte de la situation particulière des nonrésidents, et en particulier des Français expatriés. En effet, le Français ou ressortissant européen qui cède, une fois parti à l’étranger, son ancienne habitation en France, ne peut prétendre au bénéfice de l’exonération pour cession de l’habitation principale prévue au 10 du II de l’article 150 U du CGI dès lors qu’il n’a pas sa résidence dans ce logement au jour de la cession. Cette exonération de la première cession a donc pour objet de ne pas freiner la mobilité professionnelle des contribuables résidents de France en assurant une égalité de traitement entre le contribuable qui cède son habitation pour s’installer en France ou à l’étranger, tout en préservant les principes de non-discrimination au regard des prescriptions communautaires. Ainsi, si l’exonération de la première cession

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La Voix des Français de l’Étranger - N°18 - Juin 2011 >> des non-résidents est légitime, l’exonération

de la deuxième cession n’apparaît pas justifiée, de surcroît dans le contexte actuel de réduction des déficits publics. Il est donc proposé de la supprimer, afin : - d’une part, de rétablir une égalité de traitement entre non-résidents et résidents, ces derniers ne bénéficiant pas d’une exonération sans durée de détention pour des biens qui ne constituent pas l’habitation principale au moment de la cession ; - d’autre part, d’assurer des recettes fiscales à due concurrence. DEBATS EN SEANCE PUBLIQUE M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances : Monsieur le président, j’en reprends le texte. M. le président : Je suis donc saisi d’un amendement n° II-576, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, qui reprend le contenu de l’amendement n° II-409. Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur général. M. Philippe Marini : Cet amendement vise à limiter à une seule ession l’exonération prévue en faveur de l’habitation en France des Français de l’étranger. Cet amendement a reçu un avis favorable de la commission des finances. M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement ? M. Benoist Apparu, Secrétaire d’État : Favorable. M. le président : Je mets aux voix l’amendement n° II-576. (L’amendement est adopté). SENAT Français non-résidents : taxation des plus-values immobilières Question écrite n°14089 de M. Christian Cointat (Français établis hors de France UMP) publiée dans le JO Sénat du 24-062010, page 1582 M. Christian Cointat attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’indusrie et de

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l’emploi sur les dispositions de l’article 150 U (§ II, 2°) du code général des impôts prévoyant que sont exonérées de la taxation des plusvalues les ventes d’immeubles ou parties d’immeubles ou droits relatifs à ces biens qui constituent l’habitation en France des nonrésidents ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale, dans la limite des deux premières cessions, à condition que le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession et qu’il ait la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de cette cession, le tout sans préjudice des conditions supplémentaires requises en cas de deuxième cession. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître comment s’apprécie la condition de libre disposition dans le cas où le bien cédé est en indivision et peut donc être en jouissance partagée. Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie publiée dans le JO Sénat du 16-12-2010, page 3257 Le 2° du II de l’article 150 U du code général des impôts prévoit une exonération spécifique des plus-values immobilières des particuliers réalisées lors de la cession d’immeubles, parties d’immeubles ou droits relatifs à ces biens qui constituent l’habitation en France des personnes physiques, non résidentes de France, ressortissantes d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Cette exonération s’applique dans la limite des deux premières cessions effectuées par le contribuable non résident, à la double condition que le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession et qu’il ait la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de cette cession. Pour être exonérée, la seconde cession doit, en plus des conditions précitées, porter sur l’unique propriété en France du non-résident et intervenir plus de cinq ans après la première cession exonérée. Pour l’application de ces dispositions, le cédant est réputé avoir la libre disposition de son habitation lorsqu’il est susceptible de l’occuper à tout moment. En l’absence de titre d’occupation et de versement de loyer ou d’indemnité d’occupation, l’occupation gratuite d’une résidence par une personne autre que son propriétaire ou son conjoint n’a pas pour effet de priver le propriétaire du droit de disposer librement de cette résidence. En revanche, il n’en est pas ainsi lorsque l’immeuble est donné en location au cours de cette période (cf. BOl 8 M-I-05, fiche n° 14 paragraphe n° 22). Lorsque le bien cédé est détenu en indivision et peut donc être en jouissance partagée, l’exonération précitée prévue en faveur de l’habitation en France des non-résidents s’apprécie au regard de la situation de chaque indivisaire et s’applique sur la fraction de la plusvalue réalisée correspondant aux droits dans l’indivision de la personne physique non résidente qui remplit les conditions rappelées ci-dessus. La condition de libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession s’applique dans

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les mêmes termes lorsque le bien est indivis. Ainsi, la circonstance que le coïndivisaire d’une personne non résidente de France occupe le logement est sans incidence en l’absence de titre d’occupation et de versement de loyer ou d’indemnité d’occupation. En revanche, la condition ne sera pas considérée comme remplie lorsque l’immeuble est donné en location. À cet égard, il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’article 815-3 du code civil, le consentement de tous les indivisaires est requis pour conclure et renouveler des baux d’habitation. Exonération de la deuxième cession de la résidence en France des Français de l’étranger

et de l’industrie évoquait l’exonération des deuxièmes cessions de la résidence en France des Français de l’étranger. Or, une semaine après, il donnait un avis favorable à un amendement parlementaire qui adoptait une position totalement contraire remettant ainsi en cause les engagements pris par M. Nicolas Sarkozy, en sa qualité de ministre des finances lors de l’institution de cette mesure en 20042005. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître comment il peut justifier ce revirement des engagements de M. Sarkozy, sans qu’il y ait eu, par ailleurs, la moindre concertation avec les élus des Français établis hors de France ni la moindre information préalable. N

Français de l’étranger & Affaires étrangères

Question n° 18513 adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État à publier le 12-05-2011 M. Christian Cointat expose à M. le minisre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État que dans la réponse du 16 décembre 2010 à sa question écrite n° 14089 du 24 juin 2010 publiée au Journal officiel (Sénat, page 3257), Mme la ministre de l’économie, des finances

Résidences secondaires des Français de l’étranger : le gouvernement veut une deuxième taxe foncière. Elle serait fixée à 20% de la valeur locative. La mesure sera présentée par François Baroin en Conseil des Ministres avec la réforme globale de la fiscalité du patrimoine. Pourquoi ? « Parce que les non-résidents utilisent les services publics nationaux, sans aujourd’hui les financer » dit le Ministre du Budget, qui avait assuré, il y a quelques mois, que le gouvernement n’imposerait pas les Français de l’étranger sur leurs revenus. À noter que cette disposition s’ajoute au projet d’“exit tax” de 19% voulue par le gouvernement. L’immobilier locatif est exclu du dispositif. Les expatriés pour raisons professionnels seront exemptés. Sénateur Robert Denis Del Picchia

“prononcentreçoivent ”

Décidément, les promesses n’engagent que ceux qui les et non pas ceux qui les

Serge Cyril Vinet CONSEILLER ÉLU À L’AFE SUISSE & LIECHTENSTEIN MEMBRE DE LA COMMISSION DES FINANCES

Nous vous suggérons d’envisager la collection de La Voix des Français de l’Étranger.

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Ce sont des gens (les expatriés) qui vivent à l’étranger, qui y travaillent. Le plus souvent, ils n’en ont pas fait le choix. Soit leur entreprise leur a demandé de s’expatrier, soit il n’ont pas pu faire autrement. Mais ils ont vécu en France, y ont été formés, y reviendront, y bénéficieront alors d’infrastructures et de services publics. Il me semble par conséquent que leur demander de contribuer au rétablissement des finances publiques ne serait ni absurde ni illégitime (...), cet amendement définit des modalités le permettant. Je conçois qu’il puisse y avoir d’autres modalités mais celles que je propose ont pour but de provoquer le débat.

JÉRÔME CAHUZAC, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

L’amendement 804 deuxième rectification, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

Loi de finances rectificative pour 2011 - (N° 3406) Après l’article 155A du code général des impôts, il est inséré un article 155A bis ainsi rédigé : “Art.155 A bis . - 1 - Il est créé une contribution de solidarité nationale due par les ressortissants français dont le domicile fiscal est situé hors de France, dans les conditions fixées au présent article. “Les ressortissants français dont le domicile fiscal est situé hors de France déclarent chaque année à l’administration fiscale leurs revenus non imposés en France ainsi que le montant total des impositions de toute nature acquitté sur ces revenus. “Ces ressortissants sont redevables d’une contribution égale à 5% de la fraction des revenus mentionnés au deuxième alinéa qui excède six fois le plafond annuel mentionné à l’article L.241-3 du code de la Sécurité Sociale. “Dans les cas où la somme de cette contribution et des impositions mentionnées au deuxième alinéa dépasse le montant des impositions sur le revenu qui auraient été dues si les revenus mentionnés au deuxième alinéa avaient été imposés en France , la contribution n’est pas due. “Le produit de la contribution de solidarité nationale est affecté au budget de l’Etat. “Les conditions d’application du présent article sont fixées par un décret.

“II. - Le présent article est applicable aux revenus perçus au titre de l’année 2011. “Les ressortissants français dont le domicile fiscale est situé hors de France déclarent avant le 30 juin 2012 à l’administration fiscale leurs revenus non imposés en France ainsi que le montant total des impositions de toute nature acquitté sur ces revenus.” Exposé sommaire : Cet amendement propose de créer une contribution de solidarité nationale, qui serait due par ceux de nos concitoyens dont le domicile www.expatria-cum-patria.ch

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fiscal est situé hors de France. Cette contribution concernerait les plus hauts revenus, puisqu’elle serait assise sur la seule fraction de revenus dépassant six fois le plafond de la Sécurité Sociale, soit plus de 200 000 €. Le taux de la contribution serait de 5%. S’il s’avérait que le montant global de cette contribution, ajouté à celui des impositions sur le revenu acquitté dans l’Etat de résidence fiscale est supérieur à ce que le ressortissant français aurait dû payer si ses revenus avaient été imposés en France, la contribution ne serait pas due. Ainsi, seraient assujettis à la contribution ceux de nos concitoyens les plus aisés qui, du fait de leur expatriation, paient moins d’impôt que ce qu’il paieraient s’ils étaient domiciliés en France. Il s’agit là d’une mesure de justice. Il est en effet logique que des ressortissants français expatriés, qui ont pu profiter - voire profitent et profiteront du système de protection sociale, contribuent, au moins symboliquement, au financement des dépenses publiques. Les Quatre vieilles demeurent et perdurent... Au cours des siècles récents, nous avons démarré avec l’impôt arbitraire, puis celui de l’idéologie, débouchant sur l’égalitaire (ne souriez pas) et de finir enfin par l’inquisitorial au nom de la morale. Dès l’année 1898, Joseph Caillaux, sénateur


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radical socialiste, plusieurs fois ministre et Président du conseil, s’était aperçu que déjà, le système fiscal français était compliqué et désuet. Aux “Quatre Vieilles” (Contributions dites directes - La Foncière - qui frappe les revenus des propriétés foncières bâties ou non bâties / La Mobilière ou taxe d’habitation / La Patente - sur les bénéfices industriels, commerciaux et ceux des profession libérales - et la contribution des portes et fenêtres, autour desquelles gravitaient des taxes diverses, Caillaux envisageait d’instaurer un impôt progressif sur le revenu, dont le maxi-

mum aurait été de 4% en y adjoignant un impôt sur la fortune (déjà) de 1 à 2,5%. La France n’étant pas prête pour cette mutation. Les taux de prélèvements obligatoires avoisinaient les 10% du PIB d’alors. Nous sommes malgré tout assez éloignés des 44% d’aujourd’hui. Après de multiple tergiversations, Joseph Caillaux déposera, le 7 février 1907, le fameux projet de loi d’un impôt général sur le revenu. Cette réforme fiscale prendra force de loi le 15 juillet 1914*. Mise en application seulement en 1917, elle régira la fiscalité jusqu’en 1949 et, sous certaines conditions, jusqu’en 1959, voire même en 1970. Le taux applicable oscillait entre 3 et 4% avec un maximum de 5% sur des revenus annuels de 25 000 frs. On croit rêver... Notre inquiétude d’aujourd’hui porte un label “TOUJOURS PLUS”.

recettes “nenousleditpas ? ” Car enfin, pourquoi passer sous silence des que l’État perçoit et

Explication de texte :

La retenue d’impôt perçue par la Suisse auprès des contribuables européens à baissé l’an dernier. Elle s’est élevée à 432 millions de francs suisses contre 534,8 millions en 2009. Les déclarations volontaires au fisc ont parallèlement augmenté, passant de 33 000 à 38 000. Depuis 2005, en vertu de l’accord sur l’imposition de l’épargne, la Suisse prélève une retenue d’impôt sur les intérêts versés à des contribuables de l’Union européenne (UE). Le taux actuellement pratiqué est de 20 %. Les trois quarts de l’argent récolté est ensuite reversé aux États concernés. Le solde reste en Suisse. Les sommes versées aux pays membres de l’UE totalisent ainsi 324 millions de Francs* Indications du Département fédéral des finances. Parmi les principaux destinataires figurent l’Allemagne (107,9 Millions), l’Italie (57,1 Millions), la France (46,9 Millions), l’Espagne (près de 27 Millions), le Royaume Uni (28,4 Millions), la Belgique (16,2 Millions) et les Pays-Bas (10,3

Millions). La Confédération Helvétique a reçu 97,2 Millions de francs suisses et les cantons 10,8 Millions. Les contribuables européens ont le choix entre la retenue d’impôt et la déclaration volontaire des intérêts qu’ils ont perçus aux Autorités fiscales. L’an dernier, ils ont été 38 000 à opter pour la seconde solution. Serions-nous revenus à l’arbitraire ? N

*Lire un ouvrage admirable d’Anne Sabouret aux éditions Grasset “Une femme éperdue” Mémoires apocryphes de Madame Caillaux ou comment Henriette Caillaux assassina le directeur du Figaro Monsieur Calmette. Nous vous suggérons d’envisager la collection de La Voix des Français de l’Étranger.

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Serge Cyril Vinet CONSEILLER ÉLU À L’AFE SUISSE & LIECHTENSTEIN MEMBRE DE LA COMMISSION DES FINANCES


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La Voix des Français de l’Étranger - N°20 - Septembre 2011

Épilogue La

récréation est finie ans la Voix des Français de l’Étranger n° 16 du mois d’avril 2011 (www.expatria-cum-patria.ch / Cliquez La Voix des Français de l’Etranger), je vous faisais part de nos craintes de voir de nouvelles charges alourdir le budget des Français résidant hors de France. Projet de nouveaux impôts, faut-il le souligner et le préciser, à l’initiative des centristes sous la houlette du Président de la Commission des Finances du Sénat, Monsieur Jean ARTHUIS et de Monsieur Jérôme CAHUZAC, Président socialiste de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale. La Commission des Finances et des Affaires Économiques de l’Assemblée des Français de l’Étranger et votre serviteur s’évertuèrent à présenter le 22 mai, lors de leur réunion à Paris, un texte abrogeant purement et simplement ces nouvelles taxations. Ce projet de Taxes, inclu dans “Taxations des non-résidents et lutte contre l’évasion fiscale internationale”, tentait d’assimiler les Français de l’Étranger à des exilés fiscaux et relevait du procès d’intention, pour ne pas dire de diffamation. Le texte de la Commission des Finances et des Affaires Économiques de l’Assemblée des Français de l’Étranger fut soumis au vote de cette noble assemblée et adopté à l’unanimité. Fort de cette volonté exprimée, les Sénateurs Robert-Denis del PICCHIA, ChristopheAndré FRASSA, Christiane KAMMERMANN, Michel GUERRY, Christian COINTAT, Louis DUVERNOIS, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Jean-Pierre CANTEGRIT et André FERRAND entamèrent un véritable bras de fer avec le Gouvernement en demandant la suppres-

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Le texte de la Commission des Finances et des Affaires Économiques de l’Assemblée des Français de l’Étranger fut soumis au vote de cette noble assemblée et adopté à l’unanimité.

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sion de l’article 17 du projet de loi de finances 2011 dont la trilogie ci-jointe de “La Voix des Français de l’Étranger” les nos 18 & 19 s’est fait largement écho. Abandon d’un projet de Taxe Inique Article 17 (n° 612 - 620 - 642) Supprimer cet article. OBJET : Cet amendement a pour objet de supprimer cet article. • En effet, cet article, qui ne fait pas la distinction entre non-résidents français et étrangers, stigmatise et pénalise nos ressortissants de manière inique et illégale. • Le fondement de l’article 17 est que la capacité contributive des non-résidents est “supérieure” pour la simple et bonne raison qu’ils possèdent une résidence en France “dont ils se réservent la jouissance”. • Ce projet de taxe est inclus dans le volet "Taxation des non-résidents et lutte contre l’évasion fiscale internationale”. • Assimiler tous les Français de l’Étranger à des exilés fiscaux relève du procès d’intention, voire de la diffamation. • L’article se trompe de cible. • Nos compatriotes qui ont un logement en France, qui n’en tirent aucun profit, puisqu’ils ne le mettent pas en location, mais qui paient un maximum de taxes avec le régime fiscal de la résidence secondaire, ne sont pas, par définition, des riches ou des expatriés fiscaux. • La sociologie des Français de l’Étranger est la même que celle des Français de France. • Les Français non-résidents payent des impôts dans leur pays d’accueil mais aussi en France, sur leurs revenus de source française. • S’ils font l’effort financier d’avoir une mai-


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son de famille ou un pied-à-terre en France, c’est pour conserver leurs racines, leur identité et celles de leurs enfants et avoir une solution de repli en cas de crise politique ou de catastrophe naturelle dans leur pays d’accueil. • Stigmatiser en bloc les expatriés ne servirait pas l’objectif d’épingler les exilés fiscaux mais détournerait en revanche, très certainement, nos ressortissants de la Mère Patrie, au détriment du rayonnement culturel et économique de la France. • Sans compter que l’article 17 bafoue, pêlemêle, le principe d’égalité de traitement devant l’impôt, le principe de territorialité de l’impôt et le droit européen. N. B. Amendement de suppression de l’Article 17. EPILOGUE À l’initiative du Président de la République, une réunion de travail fût convoquée le 18 juin à 17 heures au Palais de l’Élysée (date mythique s’il en fût). Les Sénateurs de la Majorité Présidentielle des Français de l’Étranger y sont conviés en présence du Ministre du Budget Monsieur François BAROIN, du Secrétaire d’État, Monsieur Thierry MARIANI, secrétaire national chargé des Français de l’Étranger et du Conseiller Politique Olivier BIANCARELLI. « J’ai été particulièrement sensible à vos arguments. » C’est par cette phrase que le Président de la République a répondu aux préoccupations des Français de l’Étranger. « Vous connaissez mon attachement à la situation de nos compatriotes hors de France. Conformément à mes engagements de 2007, le Gouvernement a mis en œuvre la gratuité des frais de scolarité au lycée, que demandaient les Français de l’Étranger depuis plusieurs années. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a également été l’occasion de renforcer leur représentation dans les instances nationales avec la création de 11 sièges de Députés. Concernant la double nationalité, je ne crois pas nécessaire d’ouvrir une réflexion quant à la question de sa suppression. La vraie question est celle des droits et des devoirs attachés à la nationalité française. J’ai donc demandé à Monsieur François BA-

Vous connaissez mon attachement à la situation de nos compatriotes hors de France. Conformément à mes engagements de 2007, le Gouvernement a mis en œuvre la gratuité des frais de scolarité au lycée, que demandaient les Français de l’Étranger depuis plusieurs années.

ROIN, Ministre des Comptes Publics, du Budget et de la fonction publique, d’accepter lors de l’examen du projet de réforme de la fiscalité du patrimoine au Sénat, un amendement de suppression de ce projet de texte , afin de tenir compte de la situation de nos compatriotes établis hors de France, qui participent au rayonnement de notre Pays au-delà de ses frontières. Afin de ne pas porter atteinte à l’équilibre financier de la réforme, cette suppression devra néanmoins être gagée par une mesure de financement appropriée à déterminer en lien avec les parlementaires. » La conclusion de ce feuilleton économique et fiscal de l’été, revient au Sénateur RobertDenis del PICCHIA. Ce dernier apostrophant Monsieur Philippe MARINI, Rapporteur Général des Finances au Sénat : « Le Travail du Ministre du Budget, c’est de trouver de l’Argent ! Nous lui en apportons, et même davantage. Merci donc au Rapporteur Général ainsi qu’au Ministre qui a accepté notre proposition, et au Président de la République qui a donné son aval, à note solution amiable. » Ne boudons pas notre plaisir, une fois n’est pas coutume, de constater avec bonheur qu’un travail collectif ait abouti à une solution heureuse. Depuis plus de 10 ans que je siège à la Commission des Finances et des Affaires Économiques de l’Assemblée des Français de l’Étranger, c’est l’attaque la plus véhémente que nous ayons subie. Il y en aura d’autres... Soyons attentifs et prudents. Restons vigilants !

Serge Cyril Vinet Nous vous suggérons d’envisager la collection de La Voix des Français de l’Étranger.

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Amoureux de Bordeaux Amoureux dela vie… Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et européennes, ministre d’État, est très souvent entre deux avions, entre deux pays, entre conflits, conférences internationales, rencontres.


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Du Quai des Chartons au Quai d’Orsay

À 66 ANS, ALAIN JUPPÉ L’AFFIRME : « LE BESOIN D’ACTION CONTINUE À M’HABITER ET JE ME DIS QU’IL Y A MILLE FAÇONS D’AGIR, BIEN DES CHARGES À EXERCER, BIEN DES SERVICES À RENDRE ». VOILÀ POURQUOI IL JONGLE, EN PERMANENCE ENTRE PLUSIEURS VIES.

> Vous avez été élevé par des parents agriculteurs. Que vous reste-t-il de ces années “rurales” ? J’ai grandi à Mont-de-Marsan, dans une famille où la tradition et le sens des valeurs étaient de mise. Le travail, le respect de l’autre, le traitement égalitaire nous ont été inculqués par nos parents. Cette éducation m’a guidé et je m’efforce encore de m’en inspirer.

> Pourquoi ce choix de la politique ? Cela va peut-être vous paraître étrange mais, au cours de mes études, la politique, au sens politicien du terme, n’était pas dans mes préoccupations, même si la “chose publique”, l’administration de mon pays étaient dans mes objectifs de carrière. En fait, j’ai été rattrapé par la politique le jour où Jacques Chirac m’a appelé pour être sa “plume”. Et depuis… > Vous occupez le poste prestigieux, mais très exposé, de Ministre des Affaires étrangères et européennes, ministre d’État. Comment vous situez-vous vis-à-vis du chef de l’État ? Dans nos institutions, c’est le Président de la République qui conduit la politique étrangère de la France. C’est donc lui qui fixe la ligne et définit les objectifs comme cela vient d’être le cas en Libye et en Côte d’Ivoire. Entre nous, les choses sont très claires, chacun est dans son rôle. > François Fillon, en vous nommant, a précisé qu’il ne vous avait pas demandé de renoncer à la mairie de Bordeaux, mais admettait que vous seriez, par la force des choses, moins présent dans votre ville, qu’en est-il ? J’avais alors répondu que j’étais seul maître de mon agenda et que je serai à Bordeaux aussi souvent par le passé. C’est le cas. À moins qu’un événement international ne m’en empêche, j’arrive à Bordeaux le jeudi après-midi et j’en repars le lundi soir. Je préside le conseil municipal, j’assiste au conseil de communauté urbaine, j’anime des réunions, je visite les quartiers, rencontre les Bordelais, toutes activités qui sont celles d’un maire. > Comment parvenez-vous à jongler entre ces deux fonctions ? Il faut avoir une gestion très rigoureuse de son emploi du temps, de ses dossiers, des adjoints et des collaborateurs efficaces. Mon partage du temps est à peu près celui d’un parlementaire élu local qui divise la semaine entre présence dans sa mairie ou sa circonscription et son travail à l’Assemblée ou au Sénat. > Ministre de l’écologie et du développement durable pendant une courte période, vous êtes sensible au devenir de notre planète ? Certes, mon passage au ministère de l’Écologie a été bref mais j’ai eu le temps de poser le socle du Grenelle de l’environnement dont nombre de mesures sont en place ou en cours de réalisation. Ces actions que je n’ai pu mener au plan national, je les développe à Bordeaux par le biais de notre Agenda 21 et dans les grandes opérations d’aménagement de la ville en matière d’économie d’énergie, de gestion raisonnée des espaces verts, de construction d’éco-quartiers.

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> Aujourd’hui, le Japon connaît une catastrophe humaine et écologique terrible, votre blog n’y fait aucune allusion. Pourquoi ? J’alimente personnellement ce blog et je regrette de ne pas trouver de temps pour y poster des commentaires sur l’actualité. Cela ne m’empêche pas d’avoir une pensée pour nos amis Japonais qui vivent ces moments avec courage et dignité. > Blog décapant, incisif, on y découvre un autre homme “Facebook”. Même si, dans « Je ne mangerai plus de cerises en hiver », vous regrettez l’invasion de la communication qui empêche de “déconnecter”, vous vous servez de ces réseaux sociaux. J’ai eu quelques réticences à m’impliquer dans ces réseaux, mais je dois reconnaître qu’ils permettent de communiquer et de dialoguer différemment, d’atteindre de nouveaux interlocuteurs et de façon quasi instantanée. Cela ne remplace pas les contacts au quotidien avec les administrés, mais c’est un bon complément. > Les Bordelais vouent une reconnaissance à leur maire. Est-ce important pour vous ? Très important car c’est la reconnaissance d’un travail engagé depuis quinze ans dans le cadre d’un ambitieux projet urbain qui a conduit à la métamorphose esthétique et fonctionnelle de notre ville. Ilustration directe de cette évolution, l’augmentation spectaculaire du nombre de touristes. Notre classement au patrimoine mondial de l’Unesco est venu conforter cette tendance largement relayée par les médias, anglo-saxons notamment. Le Sunday Times a récemment désigné Bordeaux “destination de l’année”. > Où en est la réalisation du Centre culturel et touristique du vin, projet qui vous tient à cœur ? C’est un projet structurant sans précédent à forte dimension culturelle, scientifique et touristique. Cet équipement à l’architecture contemporaine éco-responsable sera un véritable phare dans la ville, un lien entre découverte culturelle et divertissement, sur le thème des civilisations du vin dans le monde mais aussi un espace de promotion “œno-touristique”. Cinq équipes travaillent à sa conception architecturale et scénographique. Rendez-vous début mai pour découvrir le projet gagnant et en 2014 pour son ouverture.

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Du Quai des Chartons au Quai d’Orsay >>

> Bordeaux, capitale mondiale des vins les plus cotés, les plus recherchés mais aussi les plus chahutés. Quelles actions menezvous pour les soutenir ? Nous avons créé “Bordeaux fête le vin” qui, tous les deux ans, connaît un succès croissant et que nous allons exporter à Québec. Nous avons, à Bordeaux, des organismes professionnels et des syndicats qui se chargent de défendre notre vin et ses producteurs. J’essaie, pour ma part, d’en être un bon ambassadeur lors de mes voyages hors de France. > Quels sont vos rapports avec le monde viticole ? Bons, je crois. Il sait, et je l’ai prouvé, quand il a été en difficulté, que je suis à ses côtés. > Vous avez choisi comme invitées, pour ce dîner en votre honneur, des femmes “vigneronnes” ou gravitant dans ce milieu. Pourquoi des femmes ? J’ai, au sein du conseil municipal, plusieurs élues féminines issues du monde du vin, notamment Sylvie Cazes, aujourd’hui présidente de l’Union des Grands Crus. Le choix de leur présence a d’abord été motivé par leur compétence. > En dehors des vins de Bordeaux, point de salut ? Nous sommes persuadés, à Bordeaux, de faire le meilleur vin du monde mais nous ne sommes pas sectaires au point de ne pas goûter et apprécier les productions concurrentes. Il se fait de très belles choses dans d’autres régions françaises et à l’étranger où, d’ailleurs, les Bordelais ont exporté leur savoir-faire.

> Existe-t-il, à travers le monde, une ville qui, œnologiquement parlant, rayonne autant que Bordeaux ? À la différence des autres régions françaises de production, Bordeaux a la chance d’être éponyme de son terroir, ce qui facilite son identification. À l’étranger, et pour les mêmes raisons, je dirais spontanément Porto avec qui, comme par hasard, nous sommes jumelés. > Que boit-on à la table “officielle” du ministre des Affaires étrangères et européennes ? Les tables se doivent d’être à la hauteur de la tradition et de la réputation de la gastronomie française. Elles ont la quasi-obligation de représenter tous les terroirs de notre pays. Je laisse donc aux professionnels le soin de choisir les meilleures associations vins et mets afin d’offrir à nos hôtes la meilleure démonstration de notre savoir-faire gastronomique et œnologique. > Que boit-on à la table personnelle d’Alain Juppé ? Là, sans conteste, du Bordeaux ! Quand j’arpente la plage d’Hossegor où j’entraîne de plus en plus souvent Isabelle, je repense à ma tentation de Venise. Il m’arrive de rêver d’un vaste bureau avec vue sur la mer. Mon regard irait de mon écran d’ordinateur et du clavier sur lequel je laisserais vagabonder mes pensées... jusqu’à mon complice de longtemps, aimé et redouté, mon « vieil Océan, ce grand célibataire. » > Caressez-vous toujours ce rêve ? Avez-vous encore le temps d’arpenter la plage ? Et le temps d’écrire ? Hossegor n’est pas très loin de Bordeaux. Il est facile de s’y évader, ne serait-ce que pour une journée et comme j’ai la chance que notre maison familiale soit proche de l’océan, mon plus grand plaisir est, effectivement, d’aller sur la plage écouter le vacarme incessant des vagues. Mon refuge landais est incomparable, surtout si nous sommes en famille. Je m’évade aussi par la lecture qui convient parfaitement aux déplacements en avion par exemple. > Alain Juppé, épicurien, amoureux des vins de Bordeaux et… De la vie !

Une plume remarquable

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lain Juppé, agrégé de lettres, manie le verbe avec élégance et efficacité. Il a écrit, de 1962 à 2009, six ouvrages dont un “Poésies”, sous le pseudonyme de Pierre Odalot, lorsqu’il était étudiant. Deux livres le révèlent davantage en tant qu’homme politique et homme privé, “La Tentation de Venise” paru chez Grasset en 1993 et “Je ne mangerai plus de cerises en hiver”, sorti chez Plon en 2009. Dans “La Tentation de Venise”, essai politique, l’auteur évoque les doutes qui assaillent parfois un responsable politique de haut rang et son envie de dételer pour profiter de la vie, de la beauté des lieux, de l’amour, de l’art. Est-ce parce que cette année est celle où il se maria avec son épouse actuelle Isabelle LegrandBodin ? “Je ne mangerai plus de cerises en hiver”, a été rédigé pendant son “exil” au Québec. « Je viens, écrit-il, de vivre des années tourmentées, au parcours labyrinthique, sous le feu des médias. J’ai envie de refaire le chemin et d’oser dire ce que j’ai longtemps tu. » Une analyse lucide de son parcours et du monde politique.

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THIBAULT REICHELL


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Interview Tchernobyl, il y a 25 ans déjà, puis, début mars de cette année, Fukushima. Le débat sur l’énergie nucléaire est relancé. Le Général de Gaulle avait initié cet instrument de l’indépendance énergétique française, le Président Georges Pompidou l’avait développé. Comprenezvous les inquiétudes de nos compatriotes et nos voisins immédiats, au vu des centrales nucléaires qui jalonnent nos vieux pays et des images véhiculées par les médias sur la catastrophe japonaise ? Claude Birraux : Les Français sont en droit de poser des questions sur la sûreté de leurs centrales. C’est pourquoi les Européens vont faire des tests communs sur la sûreté. C’est aussi pourquoi les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ont demandé une étude à l’Office Parlementaire sur la sûreté face aux risques moyens et la place de la filière. Nous parlementaires n’écartons aucune conclusion d’avance. Notre enquête approfondie abordera tous les aspects de la sûreté et la sécurité, puis des visites de terrain et auditions publiques. Vous devez aussi savoir qu’à Fessenheim, le séisme qui a détruit Bâle en 1356, a été pris en compte avec une marge.

Claude

Birraux PRÉSIDENT DE L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES & TECHNOLOGIQUES

> F M : Certains réclament d’ores et déjà la fermeture de la centrale de Fessenheim, âgée de 34 ans ; mais est-bien un critère en soi ? Si nous partons sur ces bases de discussions et d’applications, nous devrions fermer d’ici à 2020, c’est, demain, 38 réacteurs. La question d’indépendance énergétique prend toute sa valeur, notamment au niveau EDF. Est-ce que l’ASN vous a divulgué son programme pour les 10 prochaines années ?

> France Magazine : Claude Birraux, vous êtes né le 19 janvier 1946 à Ambilly, ce qui fait de vous, on ne peut mieux un enfant du pays, vous avez une formation d’ingénieur chimiste et un Doctorat ès Sciences à l’issue d’une thèse soutenue en 1977. Quelques années passées comme enseignant vous ont conduit à vous présenter aux législatives de 1978, date à laquelle vous avez été élu comme Député de la Haute-Savoie et réélu sans discontinuer depuis cette date. Vous êtes actuellement Président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. www.expatria-cum-patria.ch

C B : 30 ans, c’est la durée d’amortissement, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut plus fonctionner. La France est le seul pays au monde à pratiquer une révison décennale sur toutes ses centrales nucléaires avec remise à niveau de la sûreté sur des critères plus élevés ; c’està-dire qu’elles intègrent les apports de la recherche en sûreté. La sûreté est une matière vivante qui se remet en question en permanence. À Fukushima, les centrales ont résisté au séisme, pas à la perte d’alimentation électrique due au tsunami. En France, même en cas de perte de toute alimentation électrique, des ailettes actionnées par de la vapeur assurent la circulation de refroidissement. > F M : Au Japon, Tepco, opérateur privé, s’est montré défaillant. Bien évidemment, certaines voix s’élèvent contre les atouts de GDF Suez privatisant l’énergie, occasionnant, si besoin est, une trop grande part à la rentabilité au détriment de la sécurité. Considérez-vous que l’énergie, secteur particulièrement sensible pour notre pays, doit rester sous contrôle public ?

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Interview

C B : Dans le monde, on trouve les deux. La Belgique a un opérateur privé. Je n’ai pas vu d’articles portant sur des lacunes particulières. Le plus important est d’avoir une autorité de sûreté indépendante et puissante qui se fasse respecter. Une centrale sûre sera toujours rentable. > F M : Est-ce que la construction du réacteur EPR à Flamanville répond à toutes les questions de sécurité que l’on se pose ? C B : Aujourd’hui, EPR, c’est ce qui se fait de mieux dans le monde car il intègre l’expérience des exploitants et des autorités de sûreté sur des dizaines d’années de fonctionnement de réacteurs. Ainsi, par exemple, il a un récupérateur de Corium qui évite, en cas de fusion du cœur, que ce dernier se répande dans l’enceinte du réacteur. > F M : Que pensez-vous de la proposition de François Hollande de réduire la part du nucléaire à 50% dans les 15 prochaines années ? C B : C’est une proposition purement politicienne car il ne dit ni quand, ni comment. Est-ce que nous allons augmenter le nombre de centrales à gaz ou au charbon ? Alors, bonjour l’effet de serre et adieu l’indépendance énergétique ! > F M : Reste le problème des déchets. Qu’en faire ? Le danger des piscines de combustible usé, Fukushima en a démontré les dangers et ses limites. C B : Nous sommes dans un processus initié par le Parlement en 1991 avec la loi Bataille et complété en 2006 par la loi Birraux qui traite de l’ensemble des déchets et qui fixe l’ensemble des objectifs industriels avec des rendez-vous dans le temps. Le stockage géologique en profondeur est l’option retenue et, en 2015, le Parlement définira par la loi les conditions de la réversibilité de ce stockage. J’observe que, hélas, Fukushima a balayé l’option des opposants au nucléaire d’entreposer au pied des centrales les déchets en piscine. > F M : Il faut savoir raison garder. EPR 3 est une machine à la pointe de la technologie. Plutôt que de se précipiter vers des solutions comme le méthane qui, pour 1 m3, vous donne une puissance de 9 kw, ne vaut-il pas mieux attendre le prototype ITER à Cadarache dans son fonctionnement pour trouver une énergie renouvelable ? Car, nous le voyons bien, n’en déplaise, le risque zéro n’existant pas, aucune autre forme d’énergie actuellement évoquée ne remplaceront nos 58 centrales nucléaires. Jusqu’à aujourd’hui... La France avait fait un réel pari sur son avenir et indépendance énergétique, il y a maintenant plus de 40 ans, en innovant. N’est-ce pas là, tout simplement, la solution et le constat ? INNOVER ! C B : ITER est un prototype de recherche pour réaliser la fusion nucléaire. Les centrales nucléaires fonctionnent par la fission nucléaire ou en simplifiant un atome fissible bombardé par des neutrons se scinde en libérant de la chaleur. ITER, si tout va bien, c’est pour dans 50 ans, alors, pour un développement à grande échelle... Aujourd’hui, l’innovation, c’est la troisième génération (EPR), demain

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peut-être, une quatrième génération qui demande des sauts technologiques, mais ces sauts technologiques nécessitent d’intégrer les connaissances des générations précédentes. Il y a un continuum et pas de pierre philosophale. > F M : Il y a quelque temps, à l’occasion d’un entretien avec Le Monde, vous avez reconnu « qu’il y avait un lobby nucléaire comme il y a un lobby antinucléaire. S’il faut parler, en terme de groupes de pression, disiez-vous, il est évident que chacun cherche à défendre ses intérêts. » Vous pourriez développer ? C B : Le terme de lobby est utilisé par les antinucléaires et il a, pour eux, une connotation négative. Chacun défend son point de vue. Pour ma part, je ne suis manipulé par personne. La dernière étude que j’ai rendue - en janvier - est très critique pour le gouvernement et EDF. Fukushima m’a donné raison. Pour garder mon indépendance, je suis allé jusqu’à refuser une place pour France-Brésil en 1998 ! > F M : Seriez-vous favorable à ce que l’Autorité nucléaire française passe en revue toutes ses centrales, qu’une discussion publique sur l’usage du nucléaire et les stratégies énergétiques du pays fasse l’objet d’un débat approfondi et, pourquoi pas, interroger par voie référendaire l’ensemble de nos concitoyens ? Puisqu’à première vue, le nucléaire efface les frontières, serait-ce utopique d’interroger nos voisins européens par la même voix constitutionnelle, sur une même question, le même jour et à la même heure ? C B : Je suis favorable au débat. Je ne suis pas favorable au référendum. La question de l’énergie est complexe avec plusieurs paramètres. Il faut mesurer les conséquences de nos choix. « y’a qu’à » ne saurait être un substitut performant à des décisions non mesurées. Entre l’énergie fournie par le soleil et sa transformation au service de l’économie et des citoyens, il y a une marge qui ne peut pas être franchie en répondant par oui ou par non à un référendum. SERGE CYRIL VINET


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HUMOUR CORRÉZIEN

Humour QUITTE À FAIRE DE LA POLITIQUE UN SPECTACLE, PUISQUE C’EST CE À QUOI LA TÉLÉVISION NOUS CONDAMNE - ET LA RADIO, COMME LA PRESSE ÉCRITE, DE SUIVRE LE MOUVEMENT POUR NE PAS ÊTRE EN RESTE – AUTANT QUE CE SOIT DRÔLE ! ALORS SALUONS SUR LE TON DE L’HUMOUR L’ACTUALITÉ DE CES DERNIERS MOIS. www.expatria-cum-patria.ch

Je me rappelle la visite de l’exposition “Trésors du Musée national du Palais, Taipei”, à la galerie nationale du grand Palais, en janvier 1999, à laquelle m’avait convié Jacques Chirac, alors président de la République. Il était allé à l’ouverture de l’exposition, en octobre 1998, et tenait à y retourner avant la fermeture. Pour l’occasion, il avait invité à l’accompagner son conseiller spécial, le sénateur Maurice Ulrich, et son épouse, ainsi que les trois journalistes présents en permanence à l’Elysée, mon collègue de l’AFP Philippe Goulliaud, aujourd’hui au Figaro, notre collègue de Reuters Marie-Bénédicte Allaire, aujourd’hui à RTL, et moi-même. Il avait envoyé Joël Morin, son fidèle garde du corps, acheter des billets pour tout le monde – pas question de passe-droit - et nous sommes entrés au musée comme n’importe qui, sauf que nous avions un guide attitré, en la personne de Jacques Chirac. Et le chef de l’État de nous commenter des calligraphies vieilles de plusieurs siècles, de contester l’origine d’un vase tripode, à son avis plus récent que ne le dit le cartel, d’attirer notre attention sur une pièce d’une qualité exceptionnelle... Devant une peinture sur soie du XIIIe siècle représentant un vieux sage chinois, les yeux tournés vers un ciel nuageux balayé par le vol d’une hirondelle, le voilà qui tire Maurice Ulrich par la manche et lui dit : « Regardez, Maurice ! Balladur implorant le pardon. » C’est tout Chirac. Avec lui, il y a toujours matière à plaisanter. Auraient été là des caméras et des micros au bout de perches, on aurait entendu le soir même à la télévision son commentaire sur Édouard Balladur et le petit monde médiatique en aurait fait ses choux gras aussi longtemps qu’une autre “petite phrase” ne l’aurait pas supplantée. Nous, les trois journalistes, convînmes que nous étions dans le cadre de la vie privée et aucun d’entre nous ne fit état de ce commentaire. Tout ça pour replacer dans son contexte la réflexion lâchée au musée de Sarran par l’ex président de la République : « Je peux dire que je voterai François Hollande ». Souvenez-vous, c’était le 11 juin. Destinée aux amis qui l’entourent et certainement pas à la presse, mais peu lui importe, cette sortie de Jacques Chirac est prise à la volée par un micro baladé au bout d’une perche. Que n’a-t-on entendu au sujet de cette petite phrase de la part des commentateurs les plus avisés ! Certes, l’ancien député de Corrèze ne saurait échapper aux conséquences du vieillissement. Il était déjà à moitié sourd au début de son deuxième mandat. Sans doute la mémoire lui fait-elle défaut, sans doute ne maîtrise-t-il plus sa parole en public, sans doute a-t-il l’obsession – c’est le fil conducteur de ses mémoires (Chaque pas doit être un but) - de ne pas apparaître comme un homme de droite. Il reste que Jacques Chirac s’est toujours ingénié à semer la zizanie au sein du PS et qu’avec cette prétendue déclaration d’allégeance à François Hollande, il a donné un coup de pied dans la fourmilière socialiste, nul ne sachant comment l’interpréter. Avec la dissolution de 1997, il croyait prendre de vitesse les socialistes. Là, sa décision lui est revenue dans la figure comme un boomerang. Avec le referendum de septembre 2000 sur le quinquennat, il s’agissait de contraindre la gauche, acquise de longue date à cette réforme, à répondre « oui » à une question posée par lui au peuple français. Avec le referendum de 2005 sur la constitution européenne, il a effectivement réussi à déchirer le PS, au prix d’un échec magistral, un « non » franc et massif...

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Contrairement à la réputation qu’on lui a faite, il y a chez Chirac plus de continuité que d’inconstance. Qu’a-t-il voulu dire ? Que s’il était socialiste, il voterait Hollande. Et aussitôt, les militants du PS de s’entre-déchirer. Peut-être pas si sénile que ça, le “grand Jacques”, comme l’appellent affectueusement ses anciens électeurs de Corrèze.

HUMOUR POLITIQUE Pour autant, Jacques Chirac n’a pas toujours raison et, quand il insiste avec constance depuis 1976 sur la nécessité de revenir plus souvent devant les électeurs, son principal argument en faveur du quinquennat, il se trompe, comme se trompe l’ensemble de la classe politique, qui voudrait que chaque scrutin, à quelque niveau que ce soit, annule le précédent. C’est peut-être, là aussi, une forme d’humour, car mieux vaut en rire ! Comme l’a montré le taux de participation aux dernières élections cantonales, l’obsession des Français n’est pas de pouvoir voter à tout bout de champ pour se défouler ni de brûler, à quelques mois d’intervalle, ce qu’ils ont adoré. Contrairement aux analystes, ils ne confondent pas les scrutins nationaux avec les scrutins d’intérêt local ou régional. Ils veulent pouvoir voter à intervalles régulier pour des représentants qui leur inspirent confiance et qui agiront en leur nom le temps de leur mandat : un président de la République, un député, un maire. Le reste est superflu. Il n’y a qu’à voir le taux de participation aux élections dans les entreprises, dans les universités, dans les établissements scolaires, et jusqu’aux assemblées générales de copropriétaires. Seuls se mobilisent les “activistes” de gauche et de droite, avec, pour résultat, que toutes ces instances de la prétendue “démocratie de proximité” soient noyautées par des élus politisés, nullement représentatifs de la majorité silencieuse qu’il sont censés représenter. Sans compter qu’il n’y a pas mieux que le scrutin de liste pour démobiliser l’électeur. On le voit bien au résultat des élections européennes comme des élections régionales. De ce point de vue, la décentralisation est un échec cuisant. Ca n’intéresse personne, sauf les potentats régionaux qui, à l’image d’un George Frêche à Montpellier – il est décédé le 24 octobre 2010 -, se sont fait construire de véritables palais aux frais du contribuable. Il y a une autre leçon à tirer de ces cantonales, c’est qu’il n’y a, apparemment, plus de honte à voter Front National. Dès lors, les correctifs qui consistaient à rajouter des points à Jean-Marie Le Pen dans les sondages d’opinion sont aujourd’hui de trop et il faudra en tenir compte dans les sondages relatifs à la présidentielle.

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Renoncer au nucléaire après ce qui s’est passé au Japon, c’est à peu près aussi logique que de renoncer à l’industrie pharmaceutique après l’affaire du Médiator.

HUMOUR JAPONAIS

Pas un responsable politique n’a résisté à la pression médiatique voulant qu’après l’accident de Fukushima, il faille remettre en question l’ensemble de la filière nucléaire. Ça ne fait pas rire les Japonais qui n’ont guère d’autre ressource énergétique que l’atome. Les Allemands ont officiellement renoncé au nucléaire. Les Français sont pratiquement prêt à leur emboîter le pas. Qui a eu le courage de souligner que la centrale de Fukushima avait résisté à un tremblement de terre d’une intensité sans précédent et que c’est

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le tsunami consécutif au séisme qui est à l’origine de l’accident ? Qui s’est interrogé publiquement sur le risque d’un tsunami au Tricastin ou à Fessenheim ? Renoncer au nucléaire après ce qui s’est passé au Japon, c’est à peu près aussi logique que de renoncer à l’industrie pharmaceutique après l’affaire du Médiator. C’est comme si, en 1959, après la catastrophe de Malpasset (rupture du barrage de Fréjus), qui s’est soldée par 423 morts et disparus, on avait décidé de renoncer à l’hydroélectricité. Jamais un accident nucléaire n’a fait autant de victimes que l’explosion de l’usine Union Carbide à Bhopal, en Inde, en 1984 : quelque 3 500 morts. Mais les écolos sont sans doute trop jeunes pour en avoir le souvenir. Pour mémoire, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, qui date de 1986, a fait 30 morts par irradiation et le site, loin d’être vitrifié pour des siècles, comme on l’avait annoncé, est devenu un véritable sanctuaire naturel pour des quantités d’animaux et de plantes. Sept ans auparavant, les amateurs de sensations fortes avaient eu l’occasion de s’émouvoir de la fusion partielle du cœur du réacteur de la centrale de Three Mile Island, aux Etats-Unis. Bilan : zéro mort.

HUMOUR JOURNALISTIQUE Où est l’héroïsme quand on s’engage dans une aventure hasardeuse avec la certitude qu’en cas de problème, on bénéficiera de la mobilisation de la communauté nationale ? Journalistes qui s’aventurent dans des zones à risques en dépit des avertissements dont ils ont été l’objet et qui se retrouvent pris en otage ; randonneurs de l’extrême qui partent en basket à l’assaut du Mont Blanc ; spéléologues émérites piégés par une crue qui n’avait pas été anticipée. C’est trop facile de compter sur les agents des forces spéciales, sur les pompiers ou les gendarmes qui vont intervenir au péril de leur vie, et aux frais du contribuable. Le battage médiatique interdit qu’on abandonne ces risque-tout à leur triste sort. Mais peut-être pourrait-on prévoir une assurance obligatoire afin que tous les frais engagés pour venir à leur secours puissent leur être facturés.

HUMOUR GOUVERNEMENTAL Le gouvernement a réussi à mettre le corps enseignant dans la rue en annonçant que 16 000 postes allaient être supprimés dans l’éducation nationale, grosso modo le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux des 33 000 enseignants concernés. Qui a eu le courage de dire que cela représentait 1% des effectifs de ce ministère ? Sans doute est-on plus à l’aise avec 1%

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en plus qu’avec 1% en moins. Mais au quotidien, on ne s’apercevra même pas de la différence. Pourtant, aussitôt après cette annonce, un matraquage publicitaire à la radio fait savoir que l’éducation nationale recrute 17 000 personnes en 2011. Finalement, ce n’est même pas drôle.

HUMOUR MULTIPOLAIRE Ils nous ont refait le coup à Deauville, à l’occasion de la réunion du G8. Ils étaient là, quelque 3 000 envoyés spéciaux de la presse écrite et audio-visuelle du monde entier, à battre la semelle sans rien à se mettre sous la dent. Je vous l’accorde, en évoquant dans la même phrase la semelle et la dent, je m’abaisse à leur niveau. Mais il faut les entendre : « il ne se passe rien », « on s’ennuie ». Alors ils se rabattent sur les contestataires, les soi-disant “altermondialistes”, auxquels ils confèrent ainsi une légitimité sans rapport avec leur poids politique dans l’opinion. Du coup, on entend tout et son contraire : de quel droit ces huit chefs d’État s’érigent-ils en gouvernement mondial ? Pourquoi un tel déploiement de moyens pour un rendez-vous qui n’aboutit à rien ? La dernière fois que j’ai couvert un G8, tout simplement parce que j’étais payé pour suivre le président de la République, et que j’ai entendu ces récriminations de la part de mes confrères, je

leur ai demandé ce qu’ils étaient venus y faire, sachant à l’avance qu’il ne se passe jamais rien dans un G8. « Si cela ne vous intéresse pas, leur disais-je, rentrez chez vous. » Mais non ! Il fallait être là et dénigrer, tout en profitant de sa note de frais au bar, au restaurant ou au téléphone... Alors, pour remettre les pendules à l’heure, je ferai valoir un certain nombre d’arguments : Les chefs d’État ou de gouvernement qui participent au G8 ont été élus au suffrage universel. Les manifestants altermondialistes n’ont pas cette légitimité. S’il fallait, sur toutes les questions dont s’empare le G8, s’en remettre plutôt à l’ONU, comme semble le souhaiter ardemment Stéphan Hessel, on aurait affaire à une quinzaine de gouwww.expatria-cum-patria.ch

vernements démocratique et quelque 150 États corrompus. Bien des conflits ont été évités parce que les membres du G8 ont appris à se connaître, à s’apprécier, à plaisanter entre eux, à confronter leurs points de vue, à se comprendre sans forcément être d’accord. Cela n’est pas mesurable. Cela ne saurait apparaître dans les communiqués finaux. Si Valéry Giscard d’Estaing, inventeur de la formule, a fait une chose de bien durant son septennat, c’est bien d’avoir instauré ces rendez-vous en bras de chemise des principaux responsables de la planète ! Pour autant, les membres du G8 n’ont pas vocation à prendre des décisions qui s’imposent aux autres gouvernements de la communauté mondiale et ils se sont toujours bien gardés de se poser en directoire du monde. De là, sans doute, la frustration des journalistes à qui l’on est obligé de dire : « circulez, il n’y a rien à voir ». Epilogue Au cas où j’aurais réussi à retenir votre attention avec mon anecdote sur la visite de l’exposition “Trésors du Musée national du Palais, Taipei”, je vous dois la fin de l’histoire. A la sortie du musée, proche du palais de l’Élysée, une voiture attend le chef de l’État. Mais celui-ci, d’humeur primesautière, nous propose de rentrer à pied. Discutant de choses et d’autres, nous traversons l’avenue du Général Eisenhower, l’avenue des Champs-Élysées, et l’allée Marcel Proust ; nous passons devant la “Grille du Coq” qu’ont empruntée, incognito, des visiteurs prestigieux soucieux de ne pas entrer à l’Élysée (ou d’en sortir) par la rue du Faubourg Saint-Honoré, plus exposée, et nous nous retrouvons devant un portail de fer au coin de la rue de l’Élysée, une sorte d’entrée de service. Là, je suis le témoin d’une scène inouïe. Dans le chambranle du portail, à droite, il y a une sonnette à l’ancienne, composée d’un bouton dont la pression provoque un signal sonore. C’est le président de la République qui appuie sur le bouton. Traînant les pieds sur le gravier, arrive un gendarme prêt à nous éconduire poliment mais, face à l’importun présumé, il se met au garde à vous et le gratifie d’un « mes respects, monsieur le président. » Imaginez la scène ! Pour se limiter aux homologues de Chirac à la même époque, c’est comme si vous voyiez Bill Clinton sonner au 1600 Pennsylvania avenue pour entrer à la Maison Blanche, Boris Eltsine sonner à l’entrée du Kremlin, Tony Blair sonner à l’entrée du 10 Downing street, Gerhard Schröder sonner à l’entrée de la Chancellerie allemande à Berlin ! Mes pérégrinations professionnelles ont fait que je connais assez bien la Maison Blanche, que je connais le Kremlin, le 10 Downing street et la Chancellerie allemande, y ayant été reçu comme journaliste. Je défie quiconque d’y avoir vu leur locataire sonner à la porte pour y entrer ! Pour conclure avec ma dernière visite au Kremlin, laissez-moi céder la parole à Jacques Chirac que l’on interrogeait sur la capacité de Boris Eltsine à Jacques-Michel gouverner la Russie, compte tenu de ses penTondre chants : « Je ne l’ai jamais vu boire autre chose que

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On entend tout et son contraire : de quel droit ces huit chefs d’État s’érigent-ils en gouvernement mondial ? Pourquoi un tel déploiement de moyens pour un rendez-vous qui n’aboutit à rien ?

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michel.tondre@laposte.net

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LA TRIBUNE SCIENCES PO DE L’ECONOMIE DE L’IMMATÉRIEL, EN PARTENARIAT AVEC DELOITTE ET EASYBOURSE, A PUBLIÉ EN JUILLET 2011 LES RÉSULTATS DE TRAVAUX SUR L’IMMATÉRIEL ET LA COMMUNICATION EXTRA FINANCIÈRE, FONDÉS SUR DES RECHERCHES ACADÉMIQUES ET DES CONTRIBUTIONS DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE ET D’EXPERTS. EN VOICI UNE SYNTHÈSE, AVEC L’AIMABLE ACCORD D’EASYBOURSE. LA VERSION INTÉGRALE EST CONSULTABLE SUR EASYBOURSE.COM

Lepointdevuede SciencePo

près une crise marquée par trop de financier et trop de court terme, un modèle de croissance durable devrait-il intégrer plus d’extra financier et plus de long terme ? Face à la concurrence des pays émergents, faut-il développer en priorité une compétitivité qualitative fondée sur les actifs immatériels, au-delà d’une concurrence par les coûts ? Ces évolutions challengent les “business models” des entreprises, la vision de leur rôle dans la communauté économique, la perception d’une performance plus globale se déployant dans les territoires financiers et extra financiers. La communication financière, déjà enrichie ou complétée du rapport de développement durable et d’éléments ESG, doit-t-elle s’élargir à l’immatériel de façon intégrée, vers le “One Report” ? Quels seraient les enjeux sous-jacents de gouvernance ?

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Vision stratégique de l’entreprise et éco système de la communication extra financière « One of the key aspects is the vision that a company has of its role in a modern society »1 : Fibria, champion brésilien de la communication extra financière, pose bien la problématique dans son interview pour la Tribune Sciences Po de l’immatériel. Les sociétés évoluent de façon croissante dans un “open business model”, où leur valeur, composée à 80% (pour le S&P 500/ Etude Ocean Tomo Intellectual Capital Equity) d’actifs immatériels2 essentiellement long terme, est en forte interdépendance avec les parties prenantes internes et externes de leur écosystème. Au-delà du triple objectif “Profit, People, Planet”, axiome de la responsabilité sociale et environnementale, le challenge stratégique serait désormais de passer de ce développement durable (intégrer l’entrewww.expatria-cum-patria.ch

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Du côté des analystes et des investisseurs, l’intégration de critères relatifs aux actifs immatériels se développe dans les méthodologies extra financières.

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prise dans l’environnement) à la valeur durable (intégrer l’environnement dans l’entreprise). La performance long terme se traduirait par des actions non seulement pour mais avec les “stakeholders” dans une démarche co-créatrice de valeur. La communication extra financière, miroir du rôle de l’entreprise et de ces interrelations entre des acteurs aux intérêts et exigences de transparence/confiance divers voire divergents, s’est beaucoup développée autour du développement durable, s’inspirant des principes d’initiatives internationales (GRI, UN Global Compact, OECD Guidelines, ISO 26000…) ou en application de législations nationales, la France étant pionnière à cet égard (Loi NRE, Grenelle I puis II). Preuve que ce territoire est un point focal de dialogue entre les parties prenantes, les débats très vifs sur le décret d’application (encore à venir) de l’art 225 du Grenelle II3 ou les 5 ans de travaux de 450 experts pour émettre les 7 grands principes d’ISO 26000. Pour autant, le reporting RSE n’est pas encore généralisé ni pratiqué de façon homogène en Europe (48% d’entreprises renseignent leur rapport annuel/Etude CSR Communication Cambridge/IULM/IESM) et reste un territoire en adaptation constante aux attentes grandissantes des parties prenantes, tout en devant satisfaire à la contrainte de messages concis et crédibles. Dans ce paysage en mouvance de l’extra financier, “la communication sur l’immatériel va devenir primordiale dans le futur” (AFIC). Mais, selon quelles modalités de contenu et de support ? Si beaucoup s’accordent pour exclure toute modification de l’information


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comptable, et s’orienter plutôt vers des indicateurs qualitatifs et quantitatifs identifiant 3 niveaux d’analyse envisageable (global, sectoriel, spécifique entreprise), cette approche souffre d’une absence de normalisation qui favoriserait la comparabilité des sociétés sur les marchés. Certes, quelques entreprises (environ 200 dans le monde d’après Oddo) jouent le rôle de précurseurs, notamment Infosys et Fibria, interviewées par la Tribune, localisées dans les BRICS (sans hasard possible, car ces pays, ayant d’ores et déjà intégré les enjeux de compétitivité de l’économie de l’immatériel, investissent massivement dans ce domaine). Du côté des analystes et des investisseurs, l’intégration de critères relatifs aux actifs immatériels se développe dans les méthodologies extra financières, avec quelques initiatives pionnières en France (dont Oddo, Groupama…) et en Europe (EFFAS, Principles for Effective Communication of Intellectual Capital), peut-être facilitées par le développement antérieur de pratiques comme l’ISR (même si celui-ci reste encore marginal) ou le rating ESG. Les bourses de Varsovie et Hong Kong engagent des démarches originales. Au cours des dernières années, des institutions ont régulièrement proposé des principes autour d’un “reporting de l’immatériel”, au niveau national (France, Propositions du GPS/ Tableau de bord de l’immatériel de la PME du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables, mais aussi Japon, Allemagne, Australie, Autriche, Pays d’Europe du Nord), européen (Commission Européenne / Rapports Meritum et Ricardis), international (Travaux en cours de l’IIRC). Néanmoins, la Commission Européenne (Consultation on disclosure of non financial information by companies / Avril 2011) observe « None of the international frameworks on non financial information covers all reporting requirements that could potentially be considered ». D’ailleurs, l’IFA confirme à La Tribune Sciences Po que « le reférentiel de l’extra financier n’existe pas ». L’immatériel extra financier, porteur d’enjeux de compétitivité et de gouvernance Quels seraient les principaux enjeux vers l’immatériel dans la communication extra financière ? D’abord, acclimater l’immatériel dans la stratégie, les comportements managériaux,

Au-delà du triple objectif “Profit, People, Planet”, axiome de la responsabilité sociale et environnementale, le challenge stratégique serait désormais de passer de ce développement durable (intégrer l’entreprise dans l’environnement) à la valeur durable (intégrer l’environnement dans l’entreprise).

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la culture et les valeurs de l’entreprise car « l’immatériel traduit un management en profondeur » (GPS). C’est avoir le courage pour chaque partie prenante d’accepter une responsabilité intergénérationnelle concernant leurs activités tout en délivrant des profits à long terme (R.G. Eccles & M.P. Krzus, Harvard Business School, 2010). Ensuite, l’intégrer dans la gouvernance institutionnelle (au sein des débats du Conseil d’Administration, cf. L’actif humain et le Conseil / IFA) et opérationnelle (dans les politiques d’investissements et de financement, le risk management et le contrôle), pour actionner ces “due diligence” de l’immatériel avant tout comme levier d’optimisation du processus de décision. Enfin, parce que « la réalité de l’entreprise s’analyse au travers d’une vision convergente de la performance financière et extra financière » (ESG SCORE), savoir élaborer la juste combinaison stratégique entre actifs financiers et non financiers, établir une correspondance pertinente entre indicateurs financiers de performance et critères extra financiers, lesquels argumentent les fondamentaux de la valeur sous jacents des cash flows futurs de l’entreprise. Alors et alors seulement, communiquer car « si la stratégie du management n’est pas sous-tendue par une communication efficace des actifs immatériels de l’entreprise, elle ne sera pas crédible » (Valéo). Au titre de l’efficience des marchés, c’est tenter de combler un éventuel “value gap” défavorable entre la valeur stratégique de l’entreprise et celle perçue par les marchés en réduisant un “reporting gap” par rapport aux attentes sur la stratégie, la performance, les risques et les perspectives… tout en respectant les contraintes du secret des affaires ! Dans cette tentative de rendre visible l’invisible aux parties prenantes, l’essentiel de la gouvernance de l’immatériel, c’est de construire la confiance sur le long terme. Certains de nos contributeurs soulignent les investissements significatifs qu’une telle démarche pourrait représenter (conduite du changement managérial, systèmes d’informations, contrôle interne, revue externe des informations extra financières diffusées), face à un retour de valeur aléatoire. Toutefois, d’après le sentiment général se dégageant de nos interviews, se développe la reconnaissance de gains de compétitivité relative et qualitative par l’immatériel, de niveau et de maturité variables selon les secteurs et les acteurs. L’intégration straté-

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Conjoncture >> gique des actifs immatériels pourrait consti-

Vers le One Report ? Dans cette chasse à la valeur immatérielle, s’appuyant sur la communication extra financière, nos contributeurs convergent vers l’utilité d’un référentiel : « la mise en place d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs normés pour mesurer les actifs immatériels serait un premier pas utile pour progresser » (AMF). Beaucoup d’entre eux soulignent la crédibilité qu’apporterait une revue externe, pouvant être volontaire ou obligatoire (un tiers du SBF 120 fait déjà vérifier son RDD dans une approche volontaire/Enquête Deloitte). Mais font débat : • les modalités d’élaboration de ce référentiel entre “hard law” (par voie de réglementation) ou “soft law” (principes établis par consensus entre les parties prenantes, apwww.expatria-cum-patria.ch

maandrieux@deloitte.fr

tuer un avantage différenciant (Rapport de Synthèse CIIE, OCDE, 2008), une prise de conscience ayant aussi gagné les pays émergents. Les actions pionnières à cet égard des pays asiatiques et arabes ont été déterminantes dans le renforcement de leurs positions relatives permettant l’émergence de hubs financiers à Dubaï comme à Hong Kong. Cette démarche particulièrement forte dans ces régions a été notamment due au fait que les actifs immatériels se basent sur les cultures et traditions propres à chaque pays, secteurs et entreprises. (Bloom et van Reenen, 2005). Ce changement est un processus long (seul 16% du G250 ont conscience de ces facteurs/KPMG CSR Survey 2008), le développement de la compétitivité qualitative par les actifs immatériels supposant : • une gouvernance solidaire des acteurs de l’écosystème : les entreprises (dynamique de bonnes pratiques), les marchés financiers (enrichissement des formations et méthodologies de diagnostic et d’évaluation par intégration de l’extra financier, postures des investisseurs dans leurs critères d’investissement, leur politique de vote), les pouvoirs publics (développement d’un environnement économique, financier, juridique favorable à l’immatériel, voire d’une politique de l’immatériel) ; • soutenue par chaque échelon de responsabilités et visant à modifier les cultures institutionnelles au niveau national (Prof. Edquist, RIIE n° 863, 2011) et international (R.G. Eccles & M.P. Krzus, Harvard Business School, 2010).

Marie-Ange Andrieux DIRECTEUR DES PARTENARIATS DELOITTE, CO PRÉSIDENT DE LA COMMISSION GPS INNOVATION ET IMMATÉRIEL

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plicables sur une base volontaire, éventuellement assortie du mécanisme de “Comply or Explain” à partir de normes de préférence européennes ou internationales) ou • ses niveaux de profondeur : globale et/ou sectorielle, principes et/ou indicateurs de mesure. Certains proposent deux étapes, une base volontaire pendant une période test, confirmée par une norme publique en cas d’application réussie. Par ailleurs, une nécessité de mise en cohérence d’une part, entre les informations extra financières quelles que soient leurs sources (développement durable, immatériel ou autres), d’autre part, entre le financier et l’extra financier, allègerait les obligations des entreprises et faciliterait la lecture globale des sources de sa valeur par les observateurs extérieurs. Faudrait-il alors aller vers le “One Report” (cf. travaux de la Harvard Business School), symbole d’une communication intégrée ? Certains y sont vivement opposés considérant soit que l’entreprise doit rester libre dans sa communication extra financière immatérielle au regard des spécificités stratégiques de chaque entreprise, soit que la complexité, la subtilité des informations et la multiplicité des supports (rapport annuel, document de référence, road shows, web, communication corporate…) se prêtent peu aisément à la simplification que pourrait imposer une telle approche, à fortiori en cas de référentiel. D’autres y voient une opportunité, à long voire très long terme, en résonnance avec les enjeux d’une économie désormais immatérielle, de donner une reconnaissance équivalente à la performance financière et extra financière de l’entreprise. Par cet enrichissement de son “patrimoine informationnel” (Vigéo), l’entreprise ne pourrait-elle pas faciliter l’alignement des dimensions de son rôle dans l’écosystème économique et financier avec une valeur durable, inclusive et équilibrée ?

Les citations renvoient aux interviews conduites par la Tribune Sciences Po et publiées sur easybourse 2 Cf. Travaux précédents de la Tribune Sciences Po sur la cartographie, les bonnes pratiques de management, de mesure et de communication relatives aux actifs immatériels. 3 Relatif au rapport devant comprendre « des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable »

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Radioscopie… La rubrique des Français de Suisse et d’ailleurs

SurlestracesducomteAndrássy

> Pourquoi avoir choisi de travailler à Budapest ? Pour une raison valable et une, un peu loufoque. La première raison est que je viens d’obtenir le bac et je vais commencer à la rentrée une formation dans le domaine du tourisme à Paris. Je souhaitais avoir une expérience sur le terrain. Je suis franco-allemande et j’ai pratiquement toujours vécu en Suisse allemande. Je pensais que maîtriser la langue de Goethe me permettrait une immersion facile dans la ville… Mais tous les jeunes parlent anglais ! Je travaille tout l’été pour une compagnie de “Sightseeing”. Beaucoup de jeunes européens et hongrois travaillent pour ces compagnies durant les grandes vacances d’été. Il y a une ambiance “colonie de vacances”, c’est difficile mais très sympa. La raison loufoque, est qu’à force de regarder les films de Sissi pendant la période de Noël, j’avais envie de partir sur ses traces et celles du conte Andrássy… > Est-ce que vous apprenez le hongrois ? J’essaie… mais le hongrois est difficile. C’est une langue fino-ougrienne (comme l’estonien et le finnois) c’est-à-dire ni latine, ni germanique. C’est une langue difficile à maîtriser. > Comment est la vie quotidienne à Budapest ? Budapest est une ville très agréable à vivre. Une grande capitale (2 millions environ d’habitants) dans un petit pays (la Hongrie compte environ 10 millions d’habitants) avec tous les attraits de la grande cité : des magasins en pagaille, des musées, des restaurants… Il y a également beaucoup d’espaces verts, notamment l’île Marguerite sur le Danube où l’on peut aller faire du vélo le week end. Sans oublier les fameux bains thermaux ! Je

vis en colocation à Pest : c’est là que cela se passe ! C’est un mode de vie très répandu car les salaires sont faibles et les prix élevés. Derrière Budapest la majestueuse, il y a une réalité sociale difficile. Heureusement, on peut se nourrir à des prix abordables. Je mange beaucoup de soupes, de salades et même du goulasch de poisson ! Sans oublier les pâtisseries ! LA PRÉSENCE FRANÇAISE EN HONGRIE Quelques chiffres La communauté française de Hongrie était évaluée à environ 3 200 personnes, au 31 décembre 2010, selon les statistiques de la Maison des Français de l’étranger. Composée majoritairement de salariés expatriés, principalement actifs dans les secteurs industriel et commercial, la communauté française est principalement installée à Budapest et dans sa banlieue. Les grandes villes du pays accueillent également des petites communautés, notamment Pécs, près de la frontière avec l’ex-Yougoslavie ; Szeged, capitale du paprika, au confluent de la Tisza et du Mures ; Miskolc, au nord-est ; Györ, au nord-ouest ; et Debrecen, à l’est. La France, est le 4e pays investisseur en Hongrie derrière l’Allemagne, les Pays-Bas, les EtatsUnis. Vie pratique Le lycée Gustave Eiffel de Budapest, installé depuis septembre 2002 dans ses nouveaux locaux, offre le service public d’éducation aux enfants de nationalité française, tout en accueillant un nombre croissant d’élèves hongrois parmi les autres nationalités. Plus d’informations sur : http://www.lfb.hu/fr/ L’Institut Français de Budapest organise, quant à lui, des manifestations culturelles et artistiques dans les murs et hors-les-murs, telles que : expositions, projections de films, concerts, pièces de théâtre, spectacles de danse, conférences, colloques et débats d’idées, grâce à de nombreux partenariats avec les principales institutions culturelles hongroises. Il s’appuie sur le réseau des cinq alliances françaises présentes en Hongrie (Pécs, Debrecen, Györ, Miskolc, Szeged, lire ci-dessus). Plus d’informations sur : http://www.inst-france.hu/spip.php?article598 Le journal Jfb.hu, entièrement rédigé en français informe les francophones de Hongrie dans les domaines de la politique interne et internationale et l’économie, tout en proposant des pages “francophonie” “gastronomie et vins” “culture” “découverte” et “billet d’humeur”. Plus d’informations sur http://www.jfb.hu/

Joanna David-Mangin

Comment se rendre à Budapest ? En avion, comptez environ 2 heures depuis Paris ; 1 h 30 depuis Zurich. En train, comptez environ 17 h 30 depuis Paris, via Munich ; 14 h 30 depuis Zurich, également via Munich.

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joanna.david.mangin@gmail.com

UN PATRIMOINE ARCHITECTURAL ET CULTUREL À LA HAUTEUR DE LA BEAUTÉ DU SITE NATUREL SUR LEQUEL LA VILLE S’EST IMPLANTÉE FONT DE BUDAPEST L’UNE DES CAPITALES LES PLUS VISITÉES D’EUROPE. C’EST ENTRE BUDA LA BUCOLIQUE ET PEST L’HYPERACTIVE, AU BORD DU DANUBE, QUE CAROLINE, FUTURE ÉTUDIANTE EN TOURISME, A CHOISI DE VENIR TRAVAILLER LE TEMPS D’UN ÉTÉ.


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Santé & Bien-être

Qualitédevie par lesbourgeons THIÉMARD EST UNE ENTREPRISE FAMILIALE RÉPUTÉE BASÉE À FRIBOURG, SUISSE ET CRÉÉE AU DÉBUT DU 20E SIÈCLE. SES ACTIVITÉS DANS LE DOMAINE PHARMACEUTIQUE, EN PARTICULIER HOMÉOPATHIQUE, SONT RECONNUES ET ONT ÉTÉ COURONNÉES PAR DE NOMBREUSES DISTINCTIONS. SOUCIEUSE DE PERPÉTUER SES VALEURS HUMANITAIRES – LOUIS THIÉMARD FUT MEMBRE FONDATEUR DU “CENTRE MISSIONNAIRE DE FRIBOURG”, QUI MET À DISPOSITION DES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ SUR TOUS LES CONTINENTS – L’ENTREPRISE DR THIÉMARD SA S’EST DONNÉE POUR MISSION D’AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE. SON OBJECTIF EST DE CRÉER ET COMMERCIALISER UNE GAMME DE PRODUITS BIO ET DES MÉDICAMENTS HOMÉOPATHIQUES EFFICACES ET SANS EFFETS SECONDAIRES OFFRANT UNE RÉELLE ALTERNATIVE À LA MÉDECINE TRADITIONNELLE. LES PRODUITS DÉVELOPPÉS SOIGNENT LES TROUBLES DERMATOLOGIQUES, HORMONAUX, CARDIOVASCULAIRES, DE MÊME QUE LES ALLERGIES ET LES BESOINS DE DÉTENTE.

ENFANTS DITS HYPERACTIFS L’hyperactivité infantile a des conséquences variables sur le caractère, le comportement, l’apprentissage scolaire et la vie psychique. Ce trouble tend à se normaliser avec les années, au gré de la maturation naturelle de l’enfant, mais exige une compréhension spécifique et un encadrement particulier, tant au niveau médical, psychologique qu’affectif et pédagogique. Plus l’enfant vieillit, plus l’agitation motrice

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diminue et parfois se déplace vers l’opposition. Il arrive toutefois que la difficulté continue à l’âge adulte sous une forme atténuée, surtout en regard du déficit de l’attention ou de l’impulsivité. La conscience de soi permet alors un meilleur contrôle de l’impulsion. Il s’agit d’un malaise à large spectre dont plusieurs aspects peuvent paraître bénéfiques autant que d’autres pénibles à vivre. « Tous les enfants bougent », mais pas avec la même intensité, ni du levée du jour à la nuit avancée, et sans ressentir la moindre fatigue. Il y a mille degrés à cette condition et mille façons de la regarder mais toujours un peu la même, variant selon l’éclairage de l’heure. Ce qui n’arrange rien, c’est la géométrie variable du problème qui, comme un caméléon, se dissimule sous plusieurs déguisements. L’enfant timide, par exemple, craindra l’étranger, sera surtout rêveur à l’école mais agité à la maison ; l’autre surdoué excelle dans ses matières académiques et se pénalise au niveau du comportement. La concentration augmente spontanément avec le défi, diminue dans les routines ou les tâches. Il y a rarement une bonne notion de temps qui permet l’anticipation; tout se vit à l’instant présent. Comme le disait si bien une jeune adolescente à sa copine de classe, « ça me tente pas de rester debout, mais je n’ai pas le goût de m’asseoir », ce qui prouve qu’il y a tellement de stimuli intéressants qu’il devient difficile de faire un choix. Le cerveau semble en survitesse et n’arrive à ralentir son rythme.

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Santé & Bien-être

Manifestations usuelles 1. Un déficit de l’attention et de la concentration plus sévère dans les tâches académiques (ou fastidieuses) à mesure qu’elles deviennent plus abstraites, souvent à l’exception des activités physiques (sports), manuelles/visuelles (dessin, bricolage, informatique), qui captent facilement l’esprit chez cet enfant ; 2. Un besoin excessif mais très variable de toujours bouger dans certaines activités et selon le contexte social ; 3. L’incapacité de terminer un jeu, une tâche, en dehors de ses intérêts propres ; 4. Une intolérance marquée à la frustration et une incapacité relative à reconnaître ses propres limites dans son rapport avec l’autorité, les consignes, les demandes d’attention; 5. Une stimulation excessive par les frères et soeurs, la vie de groupe et la rivalité des camarades ; 6. Un besoin de contrôler son entourage, de monopoliser la règle, la discussion et d’être toujours le seul gagnant ; 7. Un besoin impulsif de libérer son agressivité, lors d’une contrainte. Environ 5% des enfants souffriraient de cette condition, comme quatre fois plus de garçons que de filles, dont le fils aîné de la famille. Il est fréquent que l’un des parents, surtout le père, présente le même profil de tempérament. La maturation se poursuit pendant au moins 20 ans, sinon davantage. À un niveau purement neurophysiologique, le cerveau terminera sa maturation réelle, par des phénomènes d’émondage et d’enrichissement de ses réseaux nerveux vers la fin de l’adolescence. Le cerveau qui partage la même origine que la peau au niveau du développement de l’organisme subit les marques de son environnement, par exposition sensorielle répétitive aux divers stimuli. Souvent l’enfant paraît faussement solitaire ou asocial, parce qu’il se retire au lieu de partager avec le groupe. Incapable de contenir son envie de toujours gagner, d’avoir la première place, de changer les règles à son avantage, il quitte et joue seul. La faiblesse de l’estime de soi semble endémique ; il y a les échecs réels, mais aussi cette hypersensibilité aux aspects négatifs de la vie. Les attentes souvent irréalistes subissent un dur revers face à la réalité. L’imprudence ou l’insouciance au danger provoque l’inquiétude comme la mauvaise notion de temps et d’espace.

Le traitement Un grand nombre de situations vont nettement s’améliorer avec une meilleure psychologie d’encadrement qui devra se soucier de facteurs spécifiques au fonctionnement cognitif. Cette nécessité n’a pas toujours besoin de s’orienter vers la punition. Elle devra s’ingénier à valoriser les talents et soutenir les points faibles comme la notion de temps et d’espace. L’affrontement ne réussit qu’avec les plus timides, mais endurcit tous les autres. La médication dopaminergique (ritalin, dexedrine) ne devrait jamais être utilisée trop hâtivement, tant elle est envahissante. La guidance parentale, facteur le plus essentiel, doit aborder tous les domaines de la psychologie générale. Il arrive rarement que seules la concentration, l’agitation ou l’opposition soient difficiles, mais le plus souvent la maturité générale prend du retard ou s’organise différemment ; elle mérite une attention soignée et personnelle. Il faudra se fixer des priorités objectives, à l’abri de la culpabilité ou de fausses comparaisons, car les attentes irréalistes conduisent aussi à l’échec. Une alimentation équilibrée a toute son importance. Un mélange tel que Thiémard Tilia+ est une aide pour obtenir une meilleure détente et ainsi permettre le développement de l’enfant. Ce mélange permet aux enfants d’être moins agités, tout en ne leur mettant pas un poids sur eux qui leur empêcherait d’avancer. Ainsi, il n’est pas un calmant mais permet aux enfants de se développer. Il évite les jalousies et les colères, favorise la compréhension à l’égard des autres. Il apporte détente et action positive sur les tensions physiques et émotionnelles. Il calme l’irritabilité et l’impatience. En outre, le mélange est efficace lors de réaction de l’enfant à la venue d’un petit frère ou d’une petite sœur. Ce type de réaction peut survenir dès la grossesse. De plus, le mélange est également indiqué dans les cas d’insomnie, spécialement chez les enfants, chez lesquels il constitue le remède pédiatrique idéal. Il favorise l’endormissement sans aucune accoutumance. Enfants : 3 pulvérisations en bouche avant les 3 repas. Adolescents : 4 pulvérisations en bouche avant les 3 repas. Composée de bourgeons de tilleul, houx et balsamine de l’Himalaya, la préparation est bio. Souvent planté pour l’ornement, le tilleul est caractérisé par ses feuilles à face inférieure blanchâtre. C’est une essence robuste qui réclame un sol profond et frais. Le bourgeon de tilleul a une action calmante car c’est un draineur du système nerveux. Il contribue à favoriser le sommeil, et aussi à en augmenter la durée. Le houx et la balsamine de l’Himalaya agissent sur la détente

Témoignage on enfant était un véritable petit monstre, se jetant partout, criant. Il était impossible pour lui de rester en place. A l’école, il ne pouvait pas se concentrer. Son enseignante se plaignait. Le temps qu’il passait avec moi et mon mari était difficile à vivre. Et c’était sans compter qu’il allait bientôt s’apercevoir qu’un petit frère était en route. Bien avant la naissance, je ne sais pas trop pourquoi, on voyait que ça le dérangeait. Une amie m’a alors conseillé le spay Thiémard Tilia +. Grâce à ce produit, il peut maintenant se concentrer à l’école. A la maison, il joue normalement avec son petit frère et la vie de famille est agréable. Il a pu apprendre et grandir et nous y avons tous gagné. » Alexandra M.

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pour les enfants trop actifs et turbulents.

RÉTENTION D’EAU DANS LES JAMBES En temps normal, les cellules du corps baignent dans l’eau. L’eau se trouve à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des cellules. La rétention d’eau résulte bien souvent des fluctuations hormonales ou d’une mauvaise circulation. Pour commencer, on ne le répètera jamais assez, limitez le sel ! Notre organisme en a besoin certes, mais entre les plats tout préparés, les fast-food, pâtisseries industrielles, repas de cantine et compagnie, nous croulons sous le sel ! Réduire votre consommation de sel est judicieux. Bougez ! L’activité physique, ne serait-ce qu’une bonne demiheure de marche par jour, peut aider à lutter contre la rétention tout en boostant la circulation sanguine. Lors de rétention d’eau dans les jambes, les surélever permet de remettre en marche la circulation. Le faire 3 fois par jour durant 5 mn est plus efficace que 1 fois 15 mn ; assurez-vous que les jambes soient au-dessus du niveau de vos hanches et respirez bien. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, boire de l’eau exerce une action positive. Par contre, évitez les boissons sucrées. Pensez à contrôler votre tension artérielle. Evitez les expositions prolongées au soleil ou à des fortes chaleurs (sauna, hammam) qui dilatent les vaisseaux et entraînent le passage de l’eau des vaisseaux aux tissus, générant ainsi la rétention. La rétention d’eau peut être le symptôme d’une pathologie plus grave touchant le cœur, le foie ou les reins. Dans ces cas, les conseils précédents ne remplacent pas les traitements médicaux mais constituent une aide. Thiémard Sorbus+ contient des bourgeons de sorbier et de marronnier. Utilisation pratique : 3 pulvérisations en bouche avant les 3 repas. Les bourgeons de sorbier et de marronnier agissent en synergie contre la rétention d’eau dans les jambes. L’action est rapide. La circulation veineuse est accélérée et tonifiée. Le bourgeon de sorbier décongestionne les jambes www.expatria-cum-patria.ch

lourdes. Le bourgeon de marronnier facilite la circulation de retour depuis les jambes. Le mélange peut également être utilisé lors d’hémorroïdes. Grossesse Durant la grossesse, l’abdomen élargi presse sur la veine qui renvoie les liquides au cœur. Ces liquides ont alors tendance à rester dans leurs jambes. Pour éviter ce phénomène, des bas de contention peuvent être portés. Si vous êtes enceinte et que vos jambes se mettent à enfler anormalement, consultez votre médecin sans tarder. Utilisation de bourgeons Les bourgeons et jeunes pousses sont composés de tissus embryonnaires en plein développement qui renferment toute la puissance de la future plante ; c’est pourquoi ils constituent un véritable concentré d’énergie et de vitalité. Ils contiennent également beaucoup de principes actifs qui ne seront plus présents dans la plante adulte. Ceci explique l’efficacité. Les bourgeons et jeunes pousses sont plus riches en acides nucléiques et hormones de plantes que les autres tissus. Ils contiennent également des vitamines, des oligo-éléments et des minéraux ainsi que d’autres principes actifs qui disparaissent au fur et à mesure qu’ils permettent le développement de la plante.

Thiémard Vitalba

À

la fin de la grossesse, l’accouchement doit avoir lieu. Il peut arriver que la mise en route tarde. Une provocation devient alors nécessaire pour parvenir à l’accouchement. Avec ou sans contractions, Vitalba peut être pris si la naissance de l’enfant à naître est tardive. Vitalba va aider à faire descendre l’enfant ce qui donnera lieu à la naissance. La condition pour prendre Vitalba : que le col de l’utérus se soit assoupli et raccourci.

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contact@swissnp.ch

>> et le développent le caractère bénéfique

Marc Thiémard


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Jean-PaulII

Homme ou Saint ? HOMME OU SAINT ? FAUT-IL CANONISER L’HOMME ? CELUI QUI NOTIFIA LA CARITATIVE MORALE, LA MISÉRICORDE ENVERS JÉSUS-CHRIST ET DIEU QUI ONT ÉDIFIÉ LE MIRACLE PAR L’ENSEIGNEMENT ET LA MANSUÉTUDE DU DIVIN FACE À L’ÉLÉMENTAIRE SAGESSE HUMAINE.

e mandat de Jean-Paul II ne demande pas de commentaire ou une synopse en reprenant avec rigueur chaque détail de l’ancien testament et celui des évangiles par ordre chronologique, pour savoir s’il faut ou pas canoniser Jean-Paul II. Jean-Paul II assuma son mandat avec une intelligence naturelle vouant un amour sans limites pour Dieu et tous les Saints et Prophètes, mais surtout avec une indélébile sagesse durant tout son mandat. Il a choisi ce qui est le plus juste pour tous les hommes, sans distinction d’origine ou de religion afin de mieux faire comprendre la signification de l’amour de Dieu et de JésusChrist. Il fit plus qu’un miracle, il révéla au monde le pouvoir de la force spirituelle pour surmonter le mal. Dans les perspectives ouvertes dans notre siècle par la science, c’est plutôt la limite entre le miracle et les actions naturelles qui deviennent elles-mêmes inconstantes. La bombe atomique est une sorte de miracle autant pour les mortels que pour Newton, mais pour bien des savants actuels, le doute surgit et les miracles des saints d’aujourd’hui ne sont pas des phénomènes naturels. Le pouvoir physique de l’âme sur les éléments est peut-être naturellement plus étendu que ce que nous évoquions. La guérison miraculeuse d’un infirme n’est pas non plus évidemment prodigieuse comme l’on prouvait jadis le croire.

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La science explore de larges énigmes sans vouloir les dévoiler ou ne veut pas se permettre de nous dire que tous les mystères ont un caractère strictement surnaturel et divin. Mais l’église n’a jamais dit le contraire en reconnaissant des zones où la raison du miracle reste maîtresse. Que dire du charisme et de l’amour envers les siens, et de cette sœur qui, par la prière et une pensée profonde vers Jean-Paul II, a vaincu son mal : une paralysie incurable. Jean Paul II, le juste Pape, proclama avec une philosophie toujours inscrite en son âme, que les Chrétiens sont intellectuellement les héritiers du peuple hébreu. Il nous rappela avec une habile et juste constatation sacramentelle, le sacerdoce, le sacrifice, la prophétie, et l’apocalypse. Il s’exprima, toujours avec des actions déterminantes, notamment en allant se recueillir face au Mur des Lamentations pour nous


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Sainte poignée de mains entre Jean-Paul II et votre serviteur.

rappeler le courage et vérité, des gestes symboliques des Pharisiens, vers un chemin où Jésus est passé. Il nous fit comprendre que notre vie actuelle a besoin d’un pardon, plutôt qu’une continuelle et irréductible dissension entre tous les peuples de la terre qui, pourtant, sont tous d’accord pour gratifier la grandeur de ce Dieu universel. Il voulait que tous les enfants de Dieu prennent le même chemin, tous ensemble, vers le Royaume de Dieu. Et de dire en quelque sorte, laissant de côté toutes les erreurs des peuples d’hier, que la pensée religieuse de l’ancien testament demeurera également assurée par l’église chrétienne. Il faut se rappeler que l’église primitive s’est libérée des prétentions de ceux qui continuent à vouloir imposer aux néophytes venus du paganisme, les observances rituelles des livres de la loi.

Il y a le judaïsme des hommes libres et contemporains, et le judaïsme postérieur dont la conception piétiste et calviniste, détiennent les pratiques légales qui ont inspiré le Coran. Il est intéressant de rappeler que Jean-Paul II a connu l’occupation nazie, avec, pour corollaire, la haine du juif et les anathèmes défiant la nature humaine. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale et la collaboration gouvernementale avec les autorités occupantes, il appréhenda alors la psychologie du peuple juif et de son élite. Mais aussi et surtout la mise à mort de Jésus. Mais aussi et surtout celle de la mise à mort de Jésus qui fut conditionnée par un conflit inévitable entre un réalisme politique, celui de la résignation avec les espérances d’un peuple conditionné entre la peur et l’amour de Dieu avec, pour aboutissement, le courage et l’holocauste de Jésus-Christ. Gravement blessé par un Turc d’obédience musulmane, Jean Paul II pardonna immédiatement, malgré sa souffrance. Il supporta jusqu’à la fin de sa vie sa blessure et la douleur profondes dans son corps et dans son âme. Il alla vers son assassin pour lui tendre la main, celle du pardon en nous rappelant ce que Saint Jean avait dit : « Il savait devoir mourir pour son peuple, car il savait aimer tous les enfants de Dieu, les pauvres comme les riches, et ceux qui méritaient le pardon. » Il suivait naturellement ainsi la voix de Dieu, lui intimant de pardonner et de continuer de vivre pour amener à son terme l’unité de tous les enfants de Dieu dispersés. Nous sommes nés dans un monde régi par des lois, il faut donc savoir vivre avec les lois des hommes et la morale de Dieu. Jean-Paul II demeura pour beaucoup un Saint Homme ; il me reçut ouvertement en m’offrant un cadeau que je conserverai toujours en moi. Il prit le temps de me faire comprendre que ce que nous faisons de bien dans notre vie, doit toujours demeurer une action volontaire, sans jamais rien attendre en retour, car, par cette initiative, la vie se chargera d’ouvrir le cœur et les âmes, même des plus égarés.

Victor Nahum

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macnahum@bluewin.ch

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J’aimerais vous dire

Soljenitsyne Lecouraged’écrire

MARTIN BODMER S’APPRÊTA À DÉCOUVRIR LE XXE SIÈCLE LE 13 NOVEMBRE 1899. NÉ À ZÜRICH DANS UNE FAMILLE PATRICIENNE DE SOYEUX, SON PÈRE DISPARUT EN 1916 EN LUI LAISSANT UNE FORTUNE NON NÉGLIGEABLE.

ès lors, Martin n’eut de cesse d’avoir l’ambition de créer une bibliothèque de littérature universelle et, d’emblée, il commença à collectionner les livres rares. La Première Guerre mondiale terminée, Martin entama ses études en allemand. Se ravisant, il partit découvrir les Etats-Unis d’Amérique et Paris. En compagnie de Robert FAESI, Eduard KORRODI et Max RYCHNER, il créa le plus important des prix littéraires de Suisse : “Fondation Martin BODMER pour un prix Godfried KELLER”. En 1942 , devenu Président du CICR (Comité International de la Croix Rouge), il quitta Zürich et transféra sa collection sur les bords du lac Léman. La Seconde Guerre mondiale ayant pris fin, Martin BODMER, continua sa quête pour créer “La Bibliothèque de la Littérature Mondiale”. En 55 ans, il se constitua une collection

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unique d’œuvres magistrales, allant des tablettes cunéiformes (Assyriens...) - 270 incunables (imprimés antérieurs à 1 500) - aux papyrus - les monnaies antiques et notamment le plus ancien exemplaire à ce jour, de l’évangile selon Saint Jean. Ces œuvres originales côtoient également celles de Don Quichotte, Faust... et bien d’autres, sans oublier un exemplaire extrêmement rare de la Bible de GUTENBERG. Juste avant sa disparition, (le 22 mars 1971), Martin BODMER, en accord avec ses enfants, déposa l’ensemble de sa collection - aujourd’hui environ 150 000 pièces - dans la Fondation qui porte son nom et créée le 26 février 1971. Cette institution culturelle privée, d’envergure internationale, abrite des centaines de manuscrits orientaux et occidentaux en plus de 80 langues. 2003 vit l’inauguration d’une nouvelle extension de la bibliothèque, œuvre magnifique réalisée par l’architecte suisse, le tessinois Mario BOTTA. Ce nouveau bâtiment pris le nom de Musée BODMER, ceci lui permettant de faire découvrir au public bon nombre de documents aussi historiques que précieux. Un amphithéâtre permet aux meilleurs conférenciers du monde entier de s’y produire et de nous faire apprécier leurs talents. C’est dans ce cadre prestigieux que le professeur Georges NIVAT, traducteur de Soljenitsyne et très proche de l’écrivain, nous a convié le 14 mai dernier pour l’exposition exceptionnelle sur un géant de l’écriture du XXe siècle : Alexandre Issaïevitch SOLJENITSYNE. Remarquable trait d’union, s’il en fut, entre le quarantième anniversaire de la Fondation Martin BODMER, alors que ce dernier instruisait le monde carcéral en lui faisant reconnaître le droit à la lecture et son engagement à la tête du Comité International de la Croix Rouge, au début des années 40. Et ce réformateur de la langue russe, à l’égal de Dante pour l’italien et Luther pour l’allemand qu’est Alexandre Issaïevitch SOLJENITSYNE, revendiquant le droit à l’écriture pour tous les sacrifiés et les humiliés du goulag. Présente au vernissage, c’est Natalia Dimétrievna SOLJENITSYNE en personne, l’épouse de ce monument de l’écriture , qui est venue humblement nous exposer plus de 2 000 pages, autographes, manuscrits, lettres, éditions originales, photographies, objets personnels ayant appartenu au plus célèbre des dissidents. Pour la première fois hors de la Russie. Outre l’hommage rendu à ce génie universel qui, comme TOLSTOÏ avant lui, Alexandre Issaïevitch SOLJENITSYNE rejette le monde où il vit, au péril de sa vie, contrairement à son illustre aîné, savourant ses longues journées dans son vaste et paisible domaine ; il est heureux que ce soit Natalia Dimitrievna qui nous ait fait découvrir cette

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J’aimerais vous dire

merveilleuse exposition en onze chapitres. Onze étapes qui ont marCapitaine d’artillerie sur le front de la Prusse qué sa vie. orientale, il a l’imprudence de correspondre Un seul manuscrit subsiste de l’ère soviétique. Il faut savoir que avec une camarade d’études en lui confiant lorsqu’un manuscrit est terminé, il est immédiatement dactylograson sentiment sur les “compétences” miliphié et le manuscrit brûlé afin que l’écriture ne puisse nuire et trataires de STALINE. Arrêté, il est condamné à hir son auteur. 8 ans de réclusion. Les mathématiques lui L’unique manuscrit que nous observons là, devant nos yeux, est : épargneront les travaux forcés. “L’Archipel du Goulag”. Ce dernier avait été sauvegardé par un ami Il est incorporé dans un institut de requi l’avait enfoui dans une boîte métallique au fond de son jardin. cherches constitué par des détenus. Il est Nous sommes véritablement hypnotisés par l’écriture fine et seropéré d’un cancer. rée, avec ses pattes de mouches emplissant la feuille sans laisser aucun espace vierge. C’est probablement une habitude contractée au goulag , là où le papier se faisait rare. Les bonnes habitudes ne se perdent que rarement... Mais Natalia Dimitrievna prend toute sa place dans l’hommage rendu en ces lieux à son défunt mari. Scientifique de très haut niveau, elle a sacrifié sa carrière pour se consacrer entièrement à l’œuvre de son compagnon. Collaboratrice de tous les instants, tapant les textes à la machine, relisant, commentant, les classant... Enfin... un couple, une œuvre ! Sans Natalia Dimitrievna, il est presque impossible d’expliquer et de comprendre Alexandre Issaïevitch. Comme Victor HUGO, SOLJENITSYNE est de ces démiurges qu’il faut appréhender en bloc parce qu’il a dépassé les tragédies de son siècle en un chapitre de l’histoire de l’homme. Avec L’Archipel du Goulag, il a atteint son but. Démontrer et démonter le système concentrationnaire en arrachant au silence la mémoire de tout un peuple sacrifié dans les camps à l’utopie bolchévique. En 1974 , il est la voix de ce peuple martyr. Léonid BREJNEV l’expulse. De LENINE à BREJNEV, la tradition est constante, toute voix dissidente doit disparaître. Alexandre Issaïevitch Cette exposition, aussi unique qu’historique, SOLJENITSYNE bénéficie du soutien de la Fondation NEVA qui fut créée en 2008 à Genève, ayant pour but de renforcer les liens entre la Russie et la Suisse en soutenant des projets d’aide humanitaire. Le 11 décembre 1918, Alexandre Issaïevitch naît à Kislovodsk, aux confins du Caucase, en plein triomphe de LENINE. En 1936, il n’a que 18 ans. Prenant la suite de LENINE, le petit père des peuples, STALINE applique la “Grande Terreur” et impose le slogan « Nulle part on ne vit plus librement ». Le jeune Alexandre “s’interroge” sur la légitimité de la révolution. Février 1945, Alexandre Issaïevitch a 27 ans.

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J’aimerais vous dire >> Le jour même de la mort de STALINE, le 5

mars 1953, il est relégué en Asie Centrale. Il est à nouveau opéré d’une tumeur cancéreuse par un chirurgien détenu. En ce temps-là, souvenez-vous, le cancer tuait assurément. SOLJENITSYNE guérit, presque miraculeusement. Il est convaincu qu’il doit vivre, parce qu’il lui faut absolument trouver la force de témoigner sur cette ignominie soviétique. Il ne peut publier ouvertement “Le Premier Cercle” ni “Le Pavillon des Cancéreux”, Les éditions Laffont et Julliard s’en chargeront plus tard. En 1956 , il est autorisé à rejoindre la Russie occidentale et obtient un poste d’enseignant à Riazan. Obnibulé à vouloir tourner la page stalinienne, Nikita K H O U C H TC H E V , autorise en 1962 la parution de “Une journée d’Ivan Denissovitch” dans la célèbre revue “Novy Mir”. L’impact ressenti est planétaire. 1970 le voit couronné du Prix Nobel de Littérature, qu’il n’est pas autorisé à aller chercher en Suède. “Le Pavillon des Cancéreux” & “Le Premier cercle” paraissent en Samizdat (diffusion interdite). “L’Archipel du Goulag” est édité à Paris aux éditions du Seuil en 1973, grâce aux efforts conjugués d’Elsa TRIOLET (la compagne d’ARAGON) et de Pierre DAIX. Alexandre Issaïevitch est arrêté et banni de l’URSS en 1974. Il s’installe quelque temps en Suisse, pour finalement poser ses valises dans le Vermont en 1976 aux USA. Les éditions du Seuil font paraître “Août 14” & “Des voix sous les décombres”, puis “Le Chêne et le Veau”. “La Roue rouge”, éditée par Fayard en 1983, prolongée par “La Russie sous l’Avalanche” en 1998. C’est en 1990 que les nouvelles autorités, redevenues russes, lui font retrouver sa nationalité, mais il ne reposera ses pieds sur sa terre natale que le 27 mai 1994. Vingt années passées loin de la Russie, c’est

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long, très long. C’est une génération. La Glasnost et la Pérestroïka sont passées par là... Alexandre Issaïevitch, de retour dans sa patrie, va irriter les nouveaux russes lorsqu’il confesse que son cœur “saigne” pour sa Russie. Il souhaite pour la Russie nouvelle, une Démocratie. Un Régime “qui n’oublie pas les chemins de Jadis”. Il restera aux yeux de tous l’écrivain qui réclame le droit à la vérité, pour qui l’Homme seul a raison contre la société et le pouvoir. L’Homme qui a su dire “Niet” aux Soviets ! Il lui a manqué la Voix respectée de Tous, l’Homme qui paraissait pouvoir être la Conscience morale de la Russie. Se faire entendre est une chose, se faire comprendre en est une autre. Dans la nuit du 3 au 4 août 2008, à quelques encablures de ses 90 années, Alexandre Issaïevitch s’est endormi à son domicile sur les notes du concerto pour Piano N° 1 “Vivace” de Sergei R AC H M A N I NOV, chères à Ber na rd PIVOT qui l’avait rejoint dans sa demeure américaine en 1975 pour sa célèbre émission littéraire “Apostrophes”. Au cours de cette émission légendaire, ce dernier lui avait demandé : « Si Dieu existe, à votre arrivée, que lui demanderez vous ? » Il lui fut répondu : « Qu’il me pardonne mes fautes et mes péchés ! ». Il s’est envolé, faisant un détour vers Magadan, la fameuse gare de triage du goulag comptant 160 camps et où plus de 2 millions de détenus sont morts de froid, d’épuisement, de maladies ou de sévices. Il est venu leur dire à tous ces défunts anonymes, à toutes ces âmes brisées, qu’il ne les oubliera jamais et qu’il ne les a jamais oubliées. SERGE CYRIL VINET

La Fondation Martin Bodmer 19 - 21 route du Guignard - CH - 1223 Cologny Ouvert du mardi au dimanche de 14 heures à 18 heures Téléphone : + 41.22.707.44.33 • www.fondationbodmer.org Exposition “Soljenitsyne, le Courage d’écrire” jusqu’au 13 novembre 2011.

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Pourmieux“voir”

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(suite)

1 Un pavillon historique qui devrait être protégé et conservé. 2 Les angelots proviendraient du premier théâtre de Genève construit aux Bastions.

L’ABRI SECRET DES MAÎTRESSES DE LISZT ?

Le mystérieux pavillon du Pont-de-Sierne ue d’histoires, aujourd’hui bien oubliées, ont couru sur cette étrange maisonnette située juste au-dessus du restaurant du Pont-de-Sierne et dont la porte est à présent murée.… Il paraît que Franz Listz, quand il séjourna avec Marie d’Agoult à Genève, y abrita secrètement une autre de ses maîtresses. Ce pavillon devait être un parfait nid d’amour : construit dans la seconde moitié du 19e siècle, il comporte trois étages composés chacun d’une pièce unique. La façade portait à l’origine deux médaillons de plâtre, représentant Orphée à gauche, et Hercule à droite, mais ce dernier a récemment disparu. Sur le mur latéral, des angelots joufflus volètent sur des bas-reliefs. Cette abondante décoration, insolite sur cette maison de poupée, aurait été récupérée, selon certains chroniqueurs, lors de la démolition du premier théâtre de Genève construit aux Bastions (1880-1881). Le pavillon a également servi de décor pour le film du Suisse Jean-Louis Roy, Black out, sorti en 1970, dans lequel un couple de vieillards s’enferme dans cette minuscule maison avec d’énormes réserves de nourriture, persuadés que l’apocalypse d’une guerre totale est proche. Ils n’en sortiront que des mois plus tard, au bord de la folie, les mains en l’air, errant sur la route au petit matin et s’imaginant au milieu des “enneChristian Vellas mis”…

christian.vellas@gmail.com

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Mes Chers Amis*

*“Mes Chers Amis” est une comédie comme on n’en fait plus, de Mario Monicell, tournée en 1975 avec Philippe Noiret, Ugo Tognazzi et Bernard Blier.

Quelquesnotesavec Florence

SI LES ROMANTIQUES AIMENT LA NUIT, C’EST QU’AUPRÈS D’ELLE, IL SE RÉVÈLE DANS L’ÊTRE CE QU’IL Y A DE PLUS SECRET, DE PLUS AUTHENTIQUE. LA NUIT DONNE SOUDAIN LA PAROLE À CE “DOUBLE” QUI SÉJOURNE EN CHACUN DE NOUS. ENCORE FAUT-IL LUI DONNER UNE TONALITÉ. QUOI DE PLUS BEAU QUE LA MUSIQUE ? QUOI DE PLUS MERVEILLEUX DE COMMUNIER AVEC DES AMIS EN MUSIQUE ? MÉLOMANES OU INTERPRÈTES, QU’IMPORTE, LA DÉTENTE SOUVENT MÉLANGÉE D’ÉMOTIONS VOUS TRANSPORTE AILLEURS ; À L’ÉCOUTE DES CHEFS D’ŒUVRE CONCOCTÉS PAR NOS PLUS GRANDS COMPOSITEURS ET INTERPRÈTES, D’OÙ QU’ILS VIENNENT. “MES CHERS AMIS”, J’EMPRUNTE VOLONTIERS CE TITRE POUR VOUS INTERPELLER, AFIN QUE VOUS PROFITIEZ DE LA VENUE DE TEL OU TEL ARTISTE POUR SAVOURER LA NOUVELLE TONALITÉ DE L’OSR. SI CE N’EST DÉJÀ FAIT.

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Notter

PRÉSIDENTE DES AMIS DE L’ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE > France Magazine : Cela fait plus de soixante-dix ans que fut créée l’Association des amis de l’OSR. Qui en fut l’instigateur et quel était son but ? Florence Notter : L’inspirateur de l’Association fut clairement Ernest Ansermet. Certes, il n’en fut pas formellement le fondateur mais il se tourna vers des mélomanes influents, les chargeant de regrouper autour d’eux d’autres personnalités susceptibles de venir en aide à l’Orchestre. Il convient de souligner qu’il ne s’agissait pas tant de rassembler un grand nombre d’adhérents pour contribuer à mettre les politiques devant leurs responsabilités que de trouver des mécènes dont l’apport permettrait d’éviter la faillite. Il se tourna donc vers Pierre Jaccoud qui constitua le noyau genevois et le Pr. Fred Blanchot qui forma à Lausanne le premier Comité et furent conjointement les premiers présidents. Le but clairement assigné au “pères fondateurs” fut assorti de contreparties qui consistaient à associer les Amis à la marche de l’Institution, à accueillir leurs représentants dans l’appareil de l’Or-

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Mes Chers Amis

chestre et à leur laisser la latitude d’émettre des propositions de concerts. En réalité, Ansermet était conscient de l’importance de l’adhésion du grand nombre mais les deux associations ne possédaient pas d’infrastructure permettant une prospection soutenue auprès du public des “concerts populaires” que la salle communale de Plainpalais abrita longuement. Elles rassemblaient principalement des personnalités du monde politique et musical qui s’activaient en cercle restreint. > Combien comptez-vous de membres dans vos rangs ? Une place estelle faite à la jeunesse ? Animez-vous des rencontres ? Peut-on vous atteindre facilement ? À partir de 1980, sous l’impulsion d’une nouvelle présidence, le nombre de mécènes et celui des membres montèrent en flèche, les sommes récoltées suivant le même mouvement. Aujourd’hui, l’Association des Amis de l’OSR compte plus de 4 000 membres dont 2 000 membres “Zamis”. Les “Zamis” OSR furent fondés en 2001, et destinés aux moins de25 ans. Ce club, destiné à faire apprécier la musique classique par les jeunes et à leur donner accès à de nombreux concerts et événements, est soutenu par les dons faits à l’Association par les mécènes et par quelques sponsors, entre autres l’Aéroport de Genève. Il faut aussi relever que certaines entités (communes et entreprises) sont membres Amis et que nous collaborons avec des clubs d’aînés auxquels nous offrons l’accès aux répétitions générales de l’Orchestre. De ce fait les communications de notre association touchent au bas mot 5 000 personnes. Au terme de “rencontres”, nous préférons celui d’événements et ceux que nous réservons à nos membres sont multiples : accès exclusif aux répétitions générales de l’orchestre (environ 9 par an), 3-4 répétitions privées par an suivies de rencontres avec les musiciens, visites de belles demeures en musique, excursions d’une journée en Suisse ou en France voisine liant art, musique et gastronomie, conférences, “happening” en collaboration

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avec d’autres associations, concerts exceptionnels, concerts offerts permettant à nos membres de découvrir des jeunes talents, conférences sur les métiers de l’orchestre, après-concerts donnant l’occasion à nos mécènes de rencontrer les solistes et chefs d’orchestre de passage, possibilité pour les mécènes d’accompagner l’orchestre dans ses tournées européennes et de (re)-découvrir ainsi des villes de manière exclusives, tout en partageant la vie de l’orchestre. Pour reprendre le terme que vous avez fort justement employé, toutes ces initiatives favorisent la rencontre ; les Amis sont profondément attachés à cette idée qui peut être qualifiée de fondatrice. Permettez-moi d’ajouter qu’être membre des Amis de l’OSR offre des facilités et des priorités d’abonnement ou de pré-location de places. Tant d’événements exigent que nous soyons facilement et en permanence atteignables ; raison pour laquelle, depuis 1985, nous avons un secrétariat permanent. Ce secrétariat est depuis l’automne 2009, dans les locaux de l’OSR à la Place du Cirque. De plus, nos deux sites internet www.amisosr.ch et www.zamis.ch fourmillent de renseignements sur nos activités et sur

Florence Notter en compagnie de Maestro Marek Janowski, la soprano Anja Harteros, Metin Arditi, Président de la FOSR, Geneviève Torriani.

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celles de l’OSR, d’articles sur les concerts à venir et les événements musicaux, et permettent à ceux qui le souhaitent de nous contacter via le net. > La voix de l’Association genevoise des Amis de l’OSR est-elle entendue auprès des instances dirigeantes ? Vos membres bénéficient-ils en exclusivité de certains avantages ? Sur le plan institutionnel, les Amis sont représentés dans les instances de l’OSR ; ils siègent ainsi au Conseil de Fondation, au Bureau du Conseil et à la commission artistique. Réciproquement et pour une efficacité accrue, la FOSR est représentée au Comité et au Bureau des Amis. Nous travaillons donc en parfaite collaboration. Mais surtout, et au-delà de ce qui précède, ce sont les rapport personnels entre la FOSR et les Amis qui “donnent le la”, et il faut le dire : ils sont formidables. Nous pouvons mesurer la réciprocité de la FOSR à ce qu’elle nous accorde en première faveur, l’accès de nos membres aux répétitions générales. Il s’agit d’une exclusivité jouant un rôle déterminant dans le recrutement. La seconde illustration d’une collaboration engagée de la part de la FOSR réside dans l’octroi de services d’orchestre, nous permettant d’organiser annuellement deux concerts de prestige au Victoria Hall, dont notre fameux “Concert de l’An”. Les soirées ainsi accordées représentent une valeur considérable. Autre geste hautement significatif, l’appui accordé aux “Zamis” qui, en vertu de leur qualité de membres, peuvent assister gratuitement à de nombreux concerts et pour lesquels l’OSR met sur pied un concert annuel, dont le programme est expressément adapté et dédié aux jeunes. Ceci s’ajoute aux multiples avantages que je vous ai énumérés précédemment et illustre la volonté confirmée d’accorder aux Amis les moyens de leur action. Les avantages accordés aux membres se résumaient, voici par exemple 50 ans, à fort peu de choses, comme si la beauté du geste suffisait aux mécènes. Le sponsoring, aujourd’hui généralisé, a modifié les mentalités, de sorte que les généreux donateurs attendent généralement des contreparties, fussent-elles honorifiques. L’engouement des mélomanes pour les Amis ne saurait être dissocié des avantages, des privilèges même, qui leur sont accordés. Depuis 2009, nous avons considérablement augmenté la liste de ces avantages, non seulement dans une optique commerciale, mais aussi parce que dans tous les cas, cela revient à mieux faire vivre la musique.

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> Les Amis de l’OSR contribuent-ils de manière concrète au soutien financier de l’Orchestre ? Les Amis contribuent bien évidemment au soutien financier de l’OSR. Ce fut au moment de leur création, leur tâche urgentissime. Il faut se rappeler que l’activité symphonique ne peut s’exercer qu’à perte et que de très grands orchestres, comme celui de Philadelphie, peuvent se trouver, presque du jour au lendemain, au bord de la faillite. Les Amis peuvent se vanter d’avoir comblé à plusieurs reprises les déficits des exercices annuels de l’OSR, dont les derniers il y a à peine 20 ans. Aujourd’hui, grâce à l’engagement de la Ville et du Canton de Genève, l’OSR possède une assise solide, d’autant plus que le sponsoring apporte un surcroît de recettes appréciable. Les Amis de leur coté se sont engagés à apporter à l’OSR une somme annuelle d’au minimum CHF 500 000, bien souvent largement dépassée et pouvant atteindre le million de francs, à laquelle s’ajoute des aides diverses liées à des projets spécifiques : production de disques, aide à l’achat d’instruments, éclat d’un jubilé…

Nadine Golan (à gauche), membre du Bureau de l’AOSR.

> Fondé en 1918 par Ernest Ansermet, chef titulaire jusqu’en 1967, l’OSR s’est doté d’un chef réputé depuis le 1er septembre 2005, en la personne de Marek Janowski, Directeur artistique et musical. Son départ est annoncé pour la saison prochaine. Son passage de 1984 à 2000 en tant que Directeur musical auprès de l’Orchestre philarmonique de Radio France, fut non seulement apprécié par les musiciens, mais aussi par les mélomanes qui le hissèrent au plus haut niveau international. Quel bilan accorderiez-vous à Marek Janowski et selon vous, j’entends, l’Association des Amis de l’OSR, sous sa baguette l’OSR s’est-il hissé au tout premier plan ? Marek Janowski laissera derrière lui, incontestablement, un bilan très positif. Il se défend d’être un bâtisseur d’orchestre, il trouve cette appellation réductrice, mais il l’est tout de même. Par une obstination qui lui est propre, qui s’est exercée sur plus de 5 ans, il a imposé une discipline et une rigueur qui ont valu à l’OSR une très large reconnaissance internationale. Par cette exigence constante, l’OSR est véritablement entré dans la “cour des grands”. Nous mesurons le chemin accompli à la lecture des critiques, toujours flatteuses, que nous valent les tournées internationales, alors que l’OSR se produit dans les salles les plus fameuses, celles qui accueillent les plus prestigieuses phalanges.

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> Dès la saison 2012-2013, Neeme Järvi occupera les fonctions de Directeur artistique et musical. Kazuki Yamada occupera celle de premier chef invité. Pourriez-vous nous présenter en avant-première ces deux nouveaux personnages importants pour l’OSR ? Je ne souhaiterais pas trop étiqueter les deux chefs qui se relaieront à la tête de l’OSR. Avec Neeme Järvi, nous tenons une valeur sûre, ce n’est pas pour rien qu’il a signé plus de 500 disques pour les marques les plus réputées, probablement un record pour un chef d’orchestre. Il n’a plus rien à prouver mais il reste un incroyable découvreur de jeunes talents, de partitions. Le cas de Kazuki Yamada est exactement inverse. Autant le choix de Neeme Järvi est dicté par la raison, autant celui de Yamada peut apparaître comme risqué, toute proportion gardée. Yamada, c’est l’invité surprise, le coup de cœur, c’es l’opportunité de fidéliser un chef à la réputation naissante mais de l’immense carrière duquel nous ne doutons pas. Järvi, c’est le métier, Yamada c’est le novice, celui qui n’a pas encore construit son répertoire, qui n’a été pour l’instant confronté qu’à peu d’orchestres mais qui apprend à une vitesse stupéfiante. Il vient de faire à la tête de l’Orchestre de la BBC, l’unanimité de la critique londonienne et au fil de ses apparitions internationales, il ne cesse de confirmer son talent exceptionnel. Je vous invite à le retrouver le 3 novembre prochain au Victoria Hall, pour le concert exceptionnel d’automne des Amis de l’OSR ; concert qui signera son grand retour avec l’OSR à Genève depuis sa révélation, au public genevois, en juin 2010. Il sera accompagné à cette occasion par Fazil Say, au piano, pour un face à face entre Gershwin et Ravel.

De gauche à droite : Steve Roger, Administrateur Général de l’OSR, Brigitte Stockmann, déléguée artistique, et Tarek Beswick, corniste remplaçant à l’OSR, lors de la soirée de clôture de la tournée en Espagne, organisée conjointement par la FOSR et les Amis de l’OSR.

> Depuis 1949, l’OSR habitué à s’expatrier chaque année, s’est produit plus de 350 fois dans des villes étrangères : 2012 verra sa présence très attendue en Russie et revêtira un caractère très particulier à Moscou, en la prestigieuse salle Tchaïkovski qui fêtera pour l’occasion ses 70 ans d’existence le 3 février 2012. Mais le 1er février 2012, c’est à la Philharmonie de Saint Petersbourg que se produira l’OSR, lieu mythique s’il en fût qui accueillit des célébrités comme Liszt, Berlioz, Wagner, Mahler… C’est d’ailleurs le siège de l’Orchestre Philharmonique de Saint Petersbourg qui fut dirigé pendant 50 ans par Mravinski et depuis 1988 par Maestro Yuri

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Temirkanov. Organisez-vous des voyages avec les Amis de l’OSR pour accompagner les musiciens dans ces hauts lieux musicaux ? Bien sûr. Ces dernières années, l’OSR a joué, entre autres, au Concertgebouw à Amsterdam, à la Scala de Milan, au Palais des festivals de Lucerne, au Palau de la Musica de Barcelone et à celui de Valence. À chacune de ces occasions nous avons organisé pour nos mécènes des séjours leur permettant d’accompagner leur orchestre, alors qu’il jouait dans ces salles exceptionnelles et mythiques, de partager des moments de convivialité avec les musiciens et d’apprendre à mieux connaître l’orchestre, de découvrir ou de redécouvrir ces villes à travers des visites exclusives de collections privées ou de musées, des dîners dans des palais ou maisons privées, des visites de lieux inhabituels et hors des sentiers touristiques. Tout en organisant des rencontres avec les milieux artistiques et musicaux de ces mêmes villes. Pour ce faire, nous nous faisons aider, à chaque fois, par des amis locaux et bien introduits. En février prochain, nous accompagnerons, bien évidemment, l’OSR à Saint Petersbourg, occasion de voir cette ville féérique en habits blancs. Le programme que nous avons “concocté” réservera de nombreuses surprises à nos mécènes. > Je crois que la ville de Vienne est également prévue pour le 24 janvier 2012 en la salle Konzerthaus avec l’élégance pianistique de Saint-Petersbourg, j’ai nommé Nicolaï Lugansky. Effectivement, l’OSR a l’honneur de jouer au fameux Konzerthaus et Vienne sera l’occasion pour nous d’organiser un autre voyage exclusif pour nos mécènes, à la découverte de cette ville impériale et si romantique ; ceci d’autant plus que notre Bureau des Amis compte un membre originaire de Vienne qui nous ouvrira de nombreuses portes et nous donnera de bons “tuyaux”… Nous nous réjouissons de retrouver à Vienne puis à Saint Petersbourg l’extraordinaire pianiste Nicolaï Lugansky. > Mais aussi une prestation programmée au Teatro de Colon de Buenos Aires. Avez-vous une idée des dates retenues ? Là encore, organisez-vous des séjours culturels ? La tournée en Amérique du Sud a été annulée, mais nous avons d’autres projets que nous vous annoncerons très bientôt… N PROPOS RECUEILLIS PAR SERGE CYRIL VINET


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Unjoyau delapetite statuaire

ON APPELLE “GROUPE” UNE RONDE-BOSSE À PLUSIEURS PERSONNAGES, SOUVENT PLUS DE DEUX. L’ANTIQUITÉ PRATIQUAIT CE GENRE TRÈS PRISÉ. MAIS RARES SONT LES EXEMPLAIRES DE MARBRE, TAILLÉS DANS UN SEUL BLOC, QUI SONT RESTÉS INTACTS. UN COLLECTIONNEUR BELGE A LE PRIVILÈGE D’EN POSSÉDER UN, MIRACULEUSEMENT ÉPARGNÉ PAR LES RESTAURATIONS ABUSIVES.

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uand Létô (en latin : Latone) se trouva enceinte de Zeus, elle eut à subir la jalousie d’Héra, l’épouse bafouée. Celle-ci interdit à toutes les terres sous le soleil de lui donner asile. Seule l’île rocheuse et stérile d’Ortygie passa outre et là, au pied du palmier sacré, Lét ô accoucha dans la douleur des jumeaux Apollon et Artémis. En récompense, l’île reçut le nom de Délos, la Brillante. Dorénavant, nul n’aurait plus le droit d’y naître, ni d’y mourir... En compagnie de ses enfants, Létô prit ensuite le chemin de Delphes, où elle se heurta à Python, un serpent monstrueux. Mais son fils Apollon, âgé d’à peine trois jours (!), le tua de ses flèches, prenant du même coup possession des lieux. Bien entendu, Létô reçut un culte à Délos, où les Naxiens lui élevèrent un temple, le Létôon (540 av. J.-C.), précédé d’une large allée

Q La déesse Létô (Latone) portant ses enfants Apollon et Artémis (Diane). Marbre, hauteur 98 cm. Fin du IIe siècle après J.-C. Collection privée belge. © Hugues Dubois de Bruxelles

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REVUE SUISE D’ART ET DE CULTURE

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bordée de lions en pierre. Hormis ce sanctuaire originel, la déesse avait peu d’autres lieux de culte à son nom, les plus notables ne se trouvant pas en Grèce, mais en Asie Mineure, à Xanthos (Lycie) notamment. Une statue en marbre, plus petite que nature, représente le groupe de Létô, Apollon et Artémis. La déesse porte ses enfants hauts levés, un sur chaque bras. Ils n’ont pas l’aspect de nouveaux-nés, mais d’adultes en miniature. Apollon, à droite, tient son arc prêt à tirer ; Artémis, à gauche, semble au contraire mal à l’aise, se servant des deux mains pour se maintenir en équilibre. Le premier est vêtu d’une chlamyde, la seconde d’un himation. Quant à leur mère, elle porte un ample péplos à rabat, qui bouffe à la taille. Ses pieds sont pris dans des sandales. La déesse a une allure encore juvénile. Sa belle chevelure, plaquée sur le crâne par un bandeau, forme à l’arrière un chignon, d’où s’échappent deux longues mèches, ondulant sur les épaules. Les trous dans le lobe des oreilles révèlent qu’elle portait à l’origine des boucles métalliques, faites à part. Mais ce qui retient l’attention, c’est le pas de côté que Létô exécute, un pas assez impétueux pour faire flotter son péplos comme par grand vent. Ce mouvement exprime la fuite, même si le visage ne trahit aucune émotion. Pourquoi cette fuite ? À cause du serpent qui, après avoir passé sous le vêtement de la déesse, surgit entre ses jambes, menaçant. Ce reptile n’est autre que Python, dont son fils ne tardera pas à la débarrasser. Le socle ovale de la statue est pourvu sur le devant d’une longue inscription de deux lignes, rédigée en caractères grecs. Il s’agit d’une dédicace à Létô, par un certain Attalos, fils d’Apollonios d’Antioche. Le lieu de déposition n’est pas mentionné, mais on pense évidemment au temple d’Apollon à Daphné, faubourg de la ville (actuelle Antakya en Turquie). Les sources antiques mentionnent plusieurs statues de Létô, certaines d’époque archaïque, les autres étant attribuées à des maîtres du classicisme, Polyclète, Scopas,

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Art >> Praxitèle, Euphranor. De ce dernier, Pline

tère composite, dont on aurait tiré une série de variantes, en format réduit et à usage votif. Cette interprétation n’enlève rien à l’importance de la sculpture qu’on a sous les yeux. Baroque avant la lettre, elle imposait au sculpteur de maîtriser la technique, surtout l’emploi des tenons pour soutenir les parties fragiles. Il s’est livré aussi à un travail de finition exemplaire. Pour dater son ouvrage, il suffit de considérer le rendu des yeux, iris gravé et pupille creusée en lunule. Cet indice sûr Pr.Jacques Chamay indique la fin du IIe ANCIEN siècle après J.-C. N CONSERVATEUR DU DÉPARTEMENT D’ARCHÉOLOGIE AU MUSÉE D’HISTOIRE DE LA VILLE DE GENÈVE REVUE SUISE D’ART ET DE CULTURE

ARTPASSIONS

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jacqueschamay@bluewin.ch

(Rist. Nat. XXXIV, 77) déclare qu’il a vu une Létô en bronze, exposée à Rome dans le temple de la Concorde. Il Ia décrit comme « Apollinern et Dianam infantes sustinens », c’est-à-dire portant ses enfants dans les bras. Ce chef-d’œuvre disparu serait-il à l’origine du groupe en marbre présenté ici ? L’hypothèse est séduisante, mais improbable, car elle ne tient pas compte de ce qu’on sait du style d’Euphranor, sobre et peu massif. Et cette objection vaut également pour deux autres petites sculptures du même sujet, l’une à Rome, dans la collection Torlonia, l’autre en Turquie, au musée de Burdur. Donc, rejetant la référence à Euphranor ou à un autre grand nom de la sculpture grecque, il vaut mieux postuler l’existence d’une création d’époque romaine, de carac-


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GENÈVE, VILLE INTERNATIONALE ET VILLE DE CULTURE. GENÈVE EST DEVENU UNE BELLE ET GRANDE VILLE À DIMENSION HUMAINE. AVEC SES 191 237 HABITANTS, ELLE A ÉTÉ LONGTEMPS APPARENTÉE À DE NOMBREUSES AUTRES CULTURES ET TRADITIONS. SURNOMMÉE LA “ROME PROTESTANTE”. ASSOCIÉE À LA FRANCE. DÈS SON AVÈNEMENT EN 1580, LES ATTAQUES DU DUC CHARLES-EMMANUEL 1er DE SAVOIE SE MULTIPLIENT. LE 11 DÉCEMBRE 1602, LA NOUVELLE ATTAQUE NOCTURNE DES SAVOYARDS, DÉFAITE RESTÉE DANS L’HISTOIRE SOUS LE NOM D’“ESCALADE”, CONTRAINT LE DUC À ACCEPTER UNE PAIX DURABLE SCELLÉE PAR LE TRAITÉ DE SAINT-JULIEN DU 12 JUILLET 1603 QUI RECONNAÎT L’INDÉPENDANCE DE LA CITÉ CALVINISTE.

enève est surnommée la “Rome protestante”. Sur le plan économique, de nombreux protestants italiens, et majoritairement des Français, doublent la population durant les années 1550 et donnent un nouvel et dynamique essor économique à la ville. Les nouveaux venus, hommes d’affaires, banquiers ou artisans, développent des relations avec les milieux d’affaires étrangères et jouent le rôle de relais commercial de Genève. Durant les années 1680, Genève devient le refuge des Huguenots français, faisant tripler la taille de sa population qui passe de 16 000 habitants à plus de 46 000. Les premiers Huguenots à s’y rendre sont les paysans du pays de Gex. Genève entretient donc une indissoluble relation de partage de son histoire avec la France voisine. Un petit cours d’histoire pour mieux comprendre la vocation de Genève devenu aujourd’hui une citée de culture florissante avec une vocation de ville internationale. C’est en 1919 que Genève devient, sous l’action de Gustave Ador et William Rappart, la ville de la Société des Nations. Aujourd’hui, elle abrite le siège européen des Nations Unies, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation mondiale de la santé (OMS),Le HCR (haut commissariat aux réfugiés) l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) soit au total 22 organisations internationales et près de 250 organisations non-gouvernementales. Genève constitue aujourd’hui un lieu privilégié où les hommes et les femmes du monde entier viennent pour les loisirs, les affaires et également pour y parler la paix. Son emplacement, en bout du lac, aux frontières de la France fait de Genève un carrefour au centre de l’Europe. Monsieur Denis de Rougemont, enfant du pays, portait en lui une inébranlable volonté, celle de faire de Genève la capitale fédératrice d’une Europe des régions, pour permettre aux peuples du vieux continent de s’unir, sans pour autant perdre leur identité. Destination incontournable en Europe, Genève demeure la capitale des affaires financières, de la joaillerie de luxe, des montres, la ville par excellence des plus beaux hôtels, dont l’un peut se glorifier d’être le fleuron de la nouvelle hôtellerie de luxe : le Grand Hotel Kempinski Geneva et son Directeur, Monsieur Thierry Lavalley, lequel semble vouloir, avec raison, réinventer la signification du verbe "recevoir".

Thierry

Lavalley

G

« Une nouvelle approche de l’hospitalité plus adaptée aux exigences d’une clientèle multinationale » Les hôtes peuvent découvrir au sein de ce magnifique complexe hôtelier, l’art du “bien recevoir”, tant par la qualité des lieux, mais certainement www.expatria-cum-patria.ch

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Directeur Général du

GrandHôtel

Kempinski à Genève


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Rencontre

Thierry Lavalley en compagnie de Michel Leeb.

aussi par une diversité parfaitement entretenue, pour satisfaire les plus exigeants. Cette nouvelle politique hôtelière fait du Grand Hôtel Kempinski de Genève, l’un des fleurons de la collection internationale de la marque. Rien n’a été oublié. On y trouve une multitude de petites luxueuses boutiques pour assouvir les désirs des plus exigeants. Le confort est à son comble, avec pour conséquence, le respect, le repos et la sécurité bien maîtrisée de ses hôtes. Face au lac sur la rive droite du centre ville, le Grand Hotel Kempinski de Genève bénéficie d’une vue imprenable sur les Alpes, le Lac Léman et son majestueux symbole touristique, l’incontournable Jet d’eau. Situé à cinq minutes en bateau de la célèbre rue du Rhône, il est facilement accessible depuis l’aéroport (situé à 5 km) ou depuis la gare (à 10 minutes à pied). Avec ses 412 chambres, dont 44 suites, dont la plus vaste d’Europe, il n’a pas démérité le nom du Grand Hotel Kempinski Geneva. La rénovation de l’hôtel, mise en scène par le bureau d’architectes TJCA de Genève et le décorateur suédois AB. Living Design, met le lac en point de mire de tous les espaces publics et estompe la frontière entre bâtiment et eau. Les restaurants, le bar et le lounge, situés aux premier et deuxième étages, ont également une vue plongeante sur le fameux jet d’eau et les Alpes : un paysage qui ne laisse personne indifférent, même le Genevois le plus blasé ! Le rez-de-chaussée, où se situe l’auditorium, s’inspire de la cavea des théâtres antiques. Depuis la rue, des marches en gradins conduisent à l’entrée du célèbre "Théâtre du Léman". Grâce au soin apporté au moindre détail, chacun pourra trouver l’endroit exact qui conviendra le mieux à son humeur ou à son occupation du moment. Les taxis sont disponibles partout, avec des limousines et des voitures de sport privées du Grand Hotel Kempinski Geneva. La création et l’étendue d’un réseau de pistes cyclables et la location gratuite de vélos permet aux plus actifs et aux sportifs de découvrir et d’explorer la ville plus librement de façon écologique. Quant aux amoureux du “relax”, un des plus beaux spas vient d’être inauguré à l’intérieur de ce grand hôtel. C’est Thierry Lavalley, homme issu de la grande hôtellerie internationale, qui est Directeur Général depuis juin 2010 du Grand Hotel Kempinski Geneva. Depuis plus de 25 ans, Thierry Lavalley a su brillamment, par son entregent, son expertise et sa vitalité, parfaitement bien marquer sa place de sa signature, celle d’un brillant acteur incontournable du secteur hôtelier. Récompensé par le PATWA “Meilleur Hôtelier International de l’année” et Directeur Général pour Swissôtel en 2006, Thierry Lavalley, a choisi un nouveau challenge : « Faire du Grand Hôtel Kempinski de Genève une destination unique et incontournable du monde des affaires, des loisirs et même du showbiz ». Tous les artistes sans exception de passage au Théâtre du Léman sont chaleureusement reçus en hôte privilégiés à l’hôtel. Thierry Lavalley est né à Paris. Diplômé de l’Ecole Hôtelière de Lausanne (Suisse) il démarre sa carrière au Noga Hilton International de Genève. Auparavant, il a exercé son talent au Sofitel Paris Invalides, et, en 1989, noblesse oblige, au Métropole de Monte Carlo, où il est nommé Directeur Général en 1992. En 1998, De retour en Suisse après un passage au Métropole de Genève, il est promu Directeur Régional Europe en juillet 2006. En l’espace de quelques années, il permet au Swissôtel Métropole Genève de se hisser parmi les plus grands hôtels. Homme de goût, et fin gastronome, Thierry Lavalley, dirige le "Restaurant du Parc des Eaux-Vives" et reçoit deux étoiles au Michelin. L’ambition de Thierry Lavalley est donc de faire du Grand Hôtel Kempinski de Genève une incontournable et inoubliable étape helvétique. >>

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Rencontre >> > France Magazine : De votre long

parcours professionnel, quel est l’établissement hôtelier qui vous a le plus interpellé, à savoir le plus mémorable ? Thierry Lavalley : C’est toujours le dernier hôtel où je travaille, car c’est celui que vous développez et où vous concentrez tous vos efforts pour qu’il soit le meilleur possible. > F M : Des villes aussi importantes que Genève, Monaco, nous savons tous que se sont des destinations privilégiées. Est-ce une simple et nouvelle opportunité ou au contraire l’occasion d’un nouveau Challenge ?

places, seize boutiques… Il est tout à fait exceptionnel en Suisse d’avoir un produit si intéressant à mettre en avant et sa particularité est qu’il est si complet et propose tellement de services, que nos clients y séjournent parfois sans même en sortir ! > F M : Ce qui nous semble remarquable, c’est que, malgré la lourde responsabilité que vous assumez, vous prenez encore le temps de recevoir personnellement les Artistes du Théâtre. Vous partagez avec eux des moments très conviviaux, mais le tout avec beaucoup de professionnalisme. Vous prenez également le temps d’accueillir et de bien recevoir vos clients habituels et les VIP. T L : Les VIP, les artistes et les personnalités, c’est le côté glamour de la profession. J’attache un intérêt tout particulier à l’accueil que nous leur faisons car ils sont aussi la vitrine de notre établissement. Les gens aiment les stars. Aiment savoir qu’ils choisissent tel ou tel hôtel. Nous avons développé un partenariat avec le Théâtre du Léman, autour des artistes qui s’y produisent et séjournent dans notre hôtel. On dîne avec eux au grill après la représentation et nous leur remettons un trophée, avant de les inviter à rejoindre le club des “Étoiles du Grand Hôtel Kempinski Geneva”. Ils signent le grand vase de la Saison et apprécient l’accueil privilégié que nous leur faisons. Et ils reviennent avec plaisir chez nous lors d’un passage à Genève. L’accueil est la base de notre métier. Les artistes sont en quelque sorte les ambassadeurs de notre hôtel à travers le monde et les meilleurs porte-parole de notre établissement, de ses prestations et de la qualité du service. Une des suites de l’Hôtel Kempinski.

T L : Je pense que d’avoir travaillé à Monaco ou Genève représente une réelle opportunité car ces deux villes, tout en étant différentes, ont beaucoup de points communs et partagent la même clientèle. Au fond, les deux travaillent sur les mêmes secteurs d’activités et sur la même segmentation de clientèle. Elles cultivent l’exclusivité et sont à taille humaine en privilégiant la sécurité et l’unicité. > F M : Pouvez-vous nous dire ce qui vous motive le plus dans cet établissement où vous semblez trouver un challenge à votre dimension et surtout à votre esprit entrepreneur ? TL : Le Grand Hôtel Kempinski de Genève est un hôtel unique, une véritable Destination en soi. Une Ville dans la Ville. Un excellent défi professionnel. Tout est sur place. 412 chambres et suites dont une qui se trouve être la plus vaste d’Europe, un complexe spa-fitness-piscine, trois restaurants, un bar, un night-club, un théâtre de 1 300 www.expatria-cum-patria.ch

> F M : Les traditionnelles Fêtes de Genève tombent cette année pendant les fêtes musulmanes du Ramadan, cela ne va-t-il pas diminuer le nombre des nuitées et celui des clients habituels du Moyen Orient, qui viennent très nombreux tous les ans à Genève ? T L : Les Fêtes de Genève sont avant tout un événement pour les Genevois, prisé de tous, y compris des étrangers. Ces deux prochaines années, le Ramadan tombe en même temps que nos Fêtes et de ce fait, une large clientèle du Moyen Orient n’y participera probablement pas. Ces Fêtes sont un rendez-vous incontournable du mois d’août et le feu d’artifice qui les conclut reste parmi les plus beaux du monde, attirant plusieurs centaines de milliers de personnes autour de la Rade. N VICTOR NAHUM

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François Durafour Pionnierde

l’AviationEuropéenne POURQUOI CHERCHER AUX ANTIPODES CE QUE NOUS POSSÉDONS CHEZ NOUS ? DANS LES HEURES ÉCHEVELÉES QUE NOUS VIVONS ACTUELLEMENT, OÙ CERTAINS HURLUBERLUS NE PRÉCONISENT PAS MIEUX COMME REMÈDES AUX MAUX QUE TRAVERSENT L’HEXAGONE LA SUPPRESSION DE LA DOUBLE NATIONALITÉ. CES DERNIERS SERAIENT MIEUX INSPIRÉS DE SE SOUVENIR D’OÙ ILS VIENNENT ET GARDER EN MÉMOIRE LES NOMS CÉLÈBRES QUI JALONNENT NOTRE HISTOIRE EN CONTRIBUANT, PARFOIS AU PÉRIL DE LEUR VIE, AU RENOM ET AU PRESTIGE DE LA FRANCE. l en est un qui vit le jour au Eaux Vives (quartier de Genève aujourd’hui), le 27 novembre 1888. Sa maman, Franceline Sophie Mercier, mariée à Léon Joseph Durafour, mit au monde le petit François. Le papa, Léon, charcutier de son état, en voit de toutes les couleurs avec le bambin. Curieusement, comme un autre “As des As”, Roland Garros, François est fanatique de vélo. Turbulent au possible, il obtient sagement son certificat d’apprentissage en mécanique tout en travaillant aux Ateliers de Sécheron, au montage des voitures Stella chez Peugeot en 1906. Muni de son permis de conduire sur voiture à pétrole en Suisse en 1907, il profite de l’occasion pour faire de même en France la même année. Epris de liberté, c’est comme chauffeur et accompagnateur du ministre Takejonescu, que l’on retrouve François à Bucarest.

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Il sillone l’Europe et obtient, le 8 juillet 1909, son permis anglais. 1910 le découvre mécanicien chez son ami de Divonne-les-Bains, René Vidart. Il reçoit son brevet de pilote en France n° 320, après seulement quelques heures de vol et profite de l’aubaine pour survoler la cathédrale de Reims. Son brevet de pilote est homologué en Suisse, le 11 octobre 1910 sous le n° 3. En 1911, François Durafour, âgé de seulement 23 ans, crée le champ d’aviation à Collex-Bossy à la vieille bâtie (commune du canton de Genève), premier aérodrome permanent de Genève. L’été 1911 le consacre chef pilote. Tous les jours, c’est un nouveau challenge. Traversée Avenches - Neuchâtel. Avenches - Genève (110 km en 58 minutes) sur un Dufaux 5 - record de distance. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin... Le 17 juillet 1911, premier survol de la cathédrale de Genève et de Divonne-les-Bains. Puis, survol de Payerne à une altitude de 1 300 mètres. Cette année-là le voit cumuler les trophées et quelque 11 000 francs suisses de l’époque. C’est en janvier 1912 qu’il suc-

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Aviation >> combe aux sirènes de l’Amé-

rique du Sud. Embarquant à Anvers, il arrive au Guatemala après 30 jours de mer. Le 24 mars, il prend les airs pour survoler, avec un Deperdussin, Guatemala City, ce qui lui vaut les félicitations écrites du Président de la République guatémaltèque. Imprimant à tout jamais son passage en Amérique Centrale, il réalise un véritable exploit en ralliant Guatémala à San Salvador, le 5 mai 1912. Il troque son avion contre le bateau qui le conduit à la Nouvelle-Orléans, en passant par le Mississippi, et découvre New York. Sur un Borel-Morane, au mois d’août 1912, il goûte les airs de la grosse

décembre, c’est aux commandes d’un hydravion Voisin qu’on le surprend en compagnie de passagers, fendant les airs au-dessus du lac de Genève. La Suisse lui adresse un télégramme de mobilisation le 28 juillet 1914. Il est l’un des 11 pilotes militaires suisses. Le 1er août 1914, la Première Guerre mondiale éclate. Un congé d’un an renouvelable tacitement lui est signifié. François Durafour part en France dès janvier 1915. Les combats en première ligne lui sont refusés (Comme Saint-Exupéry). Il s’engage dans la Légion Etrangère. Accrédité au Mobilisation de guerre (Berne, 1914). service de réception De gauche à droite : Durafour, Comte, Burri, de l’aviation militaire Lugrin, Cuendet et Grandjean.

Ci-dessus :

San Salvador, le 9 mai 1912. Ci-contre : Enfin, le 30 juillet 1921 à 7 h 45, le Mont-Blanc est vaincu. Le Caudron G3, un 130 CV, et son pilote se posent fièrement au Dôme du Goûter (4 320 m) sous le regard des premiers arrivés du Club Alpin de Chamonix. pomme et pousse la balade sur Flemmington dans le New Jersey. De retour en Suisse, il ne cesse de tenter l’impossible dans les années 1913 et 1914. Premier vol de nuit sans escale, Ambérieu Lyon, le 21 mai 1913. Premier vol Genève - Lyon - Saint-Étienne, sur biplan Voisin. Par une belle journée de www.expatria-cum-patria.ch

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Aviation Par centaines, d’autres personnalités vinrent encore fêter l’héroïsme de l’aviateur. Le président de la république ne cessa d’applaudir ses exploits.

Ce coffret à cigarettes en émail et argent, véritable œuvre d’art, fut offert par la ville de Genève.

française auprès du sergent Marcel Bloch (monsieur Marcel Dassault) , il réceptionne et met au point 816 avions dont 500 Nieuport à Villacoublay. Le 18 juillet 1918, crash sur le 403e Nieuport en compagnie du mécanicien Ricaux. Griévement blessé, il est démobilisé et de retour à Genève. De 1915 à 1918, ce sont plus de 1 000 avions qui sont passés entre ses mains, dont vous l’imaginez, de nombreux prototypes et, parmi eux, des quadrimoteurs Pommier & Vendôme. Il a réceptionné, au cours de ces 45 mois, des Blériot, Deperdussin, Caudron, Daurand AR, Sopwith & Voisin, totalisant plus de 3 600 heures de vol militaire pour un total parcouru de plus de 3,6 millions de kilomètres. Le 25 mai 1919, François Durafour a 31 ans. Ce jour là, il effectue le premier vol Paris Genève - Saint Georges sur biplan Caudron en 4 heures 30 minutes. Un petit air de folie le pousse le 28 juin 1919 a violer la neutralité aérienne suisse. Il arrose les cieux genevois, Annemassiens et la commune de Ferney Voltaire, avec des milliers d’exemplaires du journal de Genève. C’était le jour de la conclusion du Traité de Versailles. Fasciné par le Mont Blanc, il pose son Cau-

Le maréchal Joffre lui-même fut fasciné par ses exploits.

Quelques souvenirs... 1912. Jules Védrines, du 13 janvier au 9 septembre, pulvérise à 6 reprises le record de vitesse pure en avion, passant de 145,161 km/h sur un Deperdussin à plus de 174,100 km/heure. Roland Garros également, pour qui l’altitude ne connaît pas de limite, culmine à 5 610 mètres d’altitude le 11 décembre 1912 à bord d’un Morane-Saulnier. Traversant au passage la Méditerranée et battant le record d’une traversée au dessus des flots, il serait indécent de passer sous silence le prodigieux Adolphe Pégoud. Le 19 août 1913 le surprend à sauter en parachute de son appareil, alors qu’il en est le seul occupant. Le 1er septembre de cette même année, il effectue sur un Blériot le premier vol tête en bas. Trois semaines plus tard, il effectue son premier looping. Il réédite son exploit une semaine après en effectuant le premier double looping ; et le lendemain son triple. Déchaîné, le 14 décembre 1913, ce n’est pas moins de 14 loopings enchaînés qu’il réalise...

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Aviation >> dron G3 sur le Dôme du Goûter, à 4 331 mètres d’altitude, le 30 juil-

let 1921. C’est sa manière bien à lui de fêter ses 3 000 heures de vols civils en revenant par Chamonix et retrouvant Lausanne. L’année 1922 le cite et le consacre comme “Membre des Vieilles Tiges”. 1923. Il tourne le dos à l’aviation en s’offrant un garage automobile à Versoix. Il a 35 ans. La décennie qui suit oscillera entre joies et peines. François épouse une Française, Marcelle David, le 3 décembre 1924 et le 6 avril 1925, un petit Jacques Michel voit le jour. Joie éphémère, l’année suivante, la maman de François s’éteint, à 65 ans. Comme un malheur n’arrive jamais seul, dit-on, le 26 octobre 1927, c’est Marcelle, sa jeune épouse qui disparaît, terrassée par la tuberculose. Le 24 juillet 1928, François Durafour est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Parenthèse fermée, il revient à l’aviation après cette éclipse mouvementée de 10 années. Propriétaire d’un Caudron “Phalène” à moteur Renault, il réalise le premier tour de Suisse sans escale - 850 km en 5 heures et 15 minutes, le 12 juillet 1934. Le bonheur semble lui sourire à nouveau auprès de la célèbre pilote française Hélène Boucher, mais celle-ci s’écrase à quelques centaines de mètres de lui, en novembre 1934. Il s’inscrit au Consulat d’Annecy et s’installe à Annemasse. Il est naturalisé français. La Deuxième Guerre mondiale déclarée, elle stoppe net ses projets d’aérodrome à Annemasse. Alors qu’il est français, il est renvoyé en Suisse par les autorités d’occupation. Habitant un petit appartement aux Eaux Vives pendant la guerre, il franchit plus souvent qu’à son tour les barbelés et, avec occasionnellement son fils Jacques Michel, il aide à passer plusieurs familles juives. La guerre ne l’autorise pas à voler, mais la passion de la mécanique est toujours Quelle Époque ! Quels Compagnons !... intacte... Il invente un écrou indéserrable en 1942, breveté en France et enrégistré en Suisse, le 31 juillet 1943, sous le n° 238565. Le 15 juillet 1944, il convole en justes noces avec Clara Beetschenn, originaire d’Annemasse. La guerre enfin terminée, il s’attache viscéralement à l’aviation par la construction de l’aérodrome d’Annemasse le 27 juillet 1947. L’heure est venue de récolter les honneurs amplement mérités : il conjugue quelques vols pour conserver sa licence et celle d’industriel avec son fils. Élevé au grade d’Officier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, le 14 novembre 1952, sa licence lui est renouvelée jusqu’en 1957 totalisant 3 600 heures de vols civils. Sur l’invitation personnelle du Président de la République du Guatémala, il s’envole une nouvelle fois, du 22 au 29 mars 1962, pour l’Amérique Centrale. Reçu chaleureusement, il est élevé à la dignité de Grand Officier de l’Ordre du Quetzal et reçoit les Insignes d’Or de l’Aviation Civile et Militaire guatémaltèque. Savourant une paisible retraite auprès de Clara, au 24 avenue Wéber (Malagnou), l’As des As décide subitement de replier ses ailes le 15 mars 1967. Le chapitre ainsi clos, le Héros des Cieux signa ainsi ses adieux à une fabuleuse carrière. Il repose au cimetière de Collex-Bossy où son épouse Clara est venu le rejoindre en 1996 âgée de 96 ans. Guatemala (24 mars 1917), site d’une Une rue François-Durafour fut inaugurée en 1976 aux Avanchets, à aventure sans précédent. François Durafour Vernier, entre Genève et l’aéroport. sera sur son monoplan Blériot & DeperDire que seulement cent ans se sont écoulés. N dussin muni d’un moteur Gnome 50 CV. JEAN-MARIE LESCUYER

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Aviation

Ainsi, ce pionnier sans précédent donna ses

lettres de noblesse à l ’aviation des temps modernes. Beaucoup d’autres pilotes lui ont succédé pour qu’enfin,

l ’Histoire de la conquête du ciel soit devenue réalité.

C’est grâce à des hommes inventifs et

courageux de cette trempe qu’il nous est

possible aujourd’hui de rallier Genève à

New York en moins de 3 heures.

Un grand merci à Monsieur François Durafour !

Biographie François Durafour - 1888 - 1967 1888 > Naissance du pionnier franco-suisse de l’aviation européenne, le 27 novembre 1888 aux Eaux-Vives. Diplômé de l’école de mécanique. 1910 > Brevet de pilote N° 3 (8 octobre) sur monoplan Hanriot. 1911 > Première traversée suisse romande d’Avenches à Genève. Gagnant du prix de la Rade de Genève, record suisse de hauteur sur biplan Dufaux. 1912 > Premier pilote ayant volé en Amérique centrale (Guatemala et San Salvador) sur monoplan Deperdussin Blériot. Vols de propagande aux USA, premier survol de New York (août 1912) sur monoplan Borel-Morane. Membre de l’Aero-Club of America. 1913 > Premier raid : Genève, Lyon, Saint-Etienne. Essai de stabilisateur automatique. Raid : Lyon, Paris, Chartres. Essai du moteur Burlat, du biplan Voisin. Vol en hydravion Voisin en rade de Genève. 1914 > Premier survol de la ville de Berlin. Essais d’avions destinés à l’Armée suisse. Grade : Adjudant sousofficier. 1915-1918 > Engagé au service de réception des avions destinés aux armées alliées. Buc et Villacoublay : pilote d’essai. A réceptionné plus de mille avions Blériot, Deperdussin, Caudron, AR Sopwith, Nieuport. Essais prototypes Blériot deux et quatre moteurs Pionniers et Vendôme. Victime d’un accident sérieux sur Nieuport. 1919 > Premier raid aérien Paris-Genève sur biplan Caudron. Nombreux vols de propagande en Suisse. 1920 > Créateur de la première ligne internationale touchant la Suisse, Genève-Paris-Genève, inaugurée le 1er juillet 1920, durée de vol : 2 h 55 mn sur biplan Sopwith,

moteur Clerget, brevet de transport public N° 504. 1921 > Premier pilote au monde ayant atterri et décollé le 29 juillet 1921 sur un glacier à plus de 4 000 mètres d’altitude. Dôme du Goûter (Mont-Blanc), sur un Caudron, moteur Rhône. Record imbattu à ce jour (1955). 1923 > Grand Prix de Suisse (Circuit de Meyrin), course sur voiture Mathys. 1934 > Premier tour de Suisse sans escale en 5 h 15 mn sur avion Caudron, moteur Renault. 1945-1951 > Nombreux rallyes et meetings aériens en Suisse et à l’étranger. Co-fondateur de l’aérodrome d’Annemasse en 1947. Livre de bord, heures officiellement inscrites : 3 318 h 53 mn de vol. Titres et Honneurs : Officier de la Légion d’Honneur au titre du Sous-secrétariat de l’Air. Grand officier de l’Ordre du Quetzal au Guatemala. Médaille de l’Aéronautique au titre du Ministère de la Guerre aux Forces Armées. Médaille d’argent de la Reconnaissance française au titre du Ministère des Affaires étrangères. Médailles d’Or : Arts, Sciences et Lettres (Département de l’aviation). Médaille pour le mérite de la Ville de Lausanne. Médaille de reconnaissance des Volontaires suisses au service de la France. Ainsi, ce pionnier sans précédent donna ses lettres de noblesse à l’aviation de son époque. Injustement moins connu que certains autres pilotes, tels Saint-Exupéry, Lindbergh, Mermoz ou Santos Dumont, il est, cela doit lui être accordé, l’un des aviateurs qui a le plus apporté au développement de l’aviation moderne. C’est en grande partie à lui et à des hommes inventifs et courageux de sa trempe qu’il nous est possible aujourd’hui de rallier en avion Genève, New York ou le Guatemala en quelques heures.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

L’idylle des cerises, aquarelle (1836) de Camille Roqueplan (1802 1855), MuséeChâteau d’Annecy.

AU MANOIR DE LA TOUR Après sa conversion à la religion catholique en l’église Spirito Santo à Turin, le 21 mars 1728, Jean-Jacques Rousseau entend retourner à Annecy. Il a hâte de revoir Madame de Warens. Il s’est rapidement familiarisé à la langue italienne et de famille en famille a appris à vivre. Il garde en mémoire les mauvais comme les bons souvenirs. Mais il ne songe qu’à revoir Madame de Warens. Il se souvient de son périple par le col du Mont Cenis (près de 3000 mètres d’altitude) en compagnie de Monsieur et Madame Sabran: ce voyage (1) (semblable) à une longue promenade (2). Je n’ai voyagé à pied que dans mes beaux jours, et toujours avec délices.(3) Un rapprochement se prépare… Présent de l’abbé de Gouvon, la fontaine de Héron - attraction qui réjouit les villageois - servira d’objet d’animation dans chaque localités. Les quelques sous récoltés ici et là assureront la poursuite de la route. Jean-Jacques Rousseau est persuadé que Madame de Warens pense à lui, l’attend. Passionné par l’existence, l’adolescent est avide de connaissances. Il déborde de sensations nouvelles. Il aspire à entrer dans la demeure de la rue Saint-François, et à se rapprocher du personnel dévoué à la maîtresse de maison. Que le cœur me battit en approchant de la maison www.expatria-cum-patria.ch

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de Madame de Warens ! Mes jambes tremblaient sous moi, mes yeux se couvraient d’un voile, je ne voyais rien, je n’entendais rien, je n’aurais reconnu personne ; je fus contraint de m’arrêter plusieurs fois pour respirer et reprendre mes sens. Etait-ce la crainte de ne pas obtenir les secours dont j’avais besoin qui me troublait à ce point ? (4) REVOIR LA DAME DE VEVEY Parlant avec plusieurs amis familiers du pèlerinage de Saint-Jean de Compostelle, la plupart évoquent une expérience comparable. Durant leur marche, une immense émotion s’empare d’eux. Ils éprouvent des sensations si vives qu’ils en viennent à s’interroger sur leur destinée. Puis tout s’apaise. Tout se passe comme si une même volonté les rapprochait les uns des autres. Jean-Jacques Rousseau sait qu’il va revoir à


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L’idylle des cerises, aquarelle (1836) de Camille Roqueplan (1802 1855), Musée-Château d’Annecy. quelque pas l’être qui occupe déjà toutes ses pensées… sa muse, son inspiratrice, son égérie. Je me regardais comme l’ouvrage, l’élève, l’ami presque l’amant de Madame de Warens.(5) A Annecy, s’ajoute à la lecture, le bonheur d’entrer dans le paysage des mots jusque dans l’âme des pensées. Il est habité par la soif de la randonnée. Il est déjà le créateur d’itinéraires inoubliables. C’était la semaine après la Saint-Jean.(6) Colette parle du vrai voyageur en disant : c’est celui qui se promène, encore, s’assied-il souvent. (7) UNE FÊTE DE SAINT-JEAN DANS UN CERISIER Le 1er juillet 1730, Jean-Jacques Rousseau part insouciant, il aime côtoyer la nature reflet divin qui parle à son coeur et l’inspire. Durant plus de dix kilomètres, son pas le guide le long du Fier. Sur le chemin de Dingy, village situé au pied du Parmelan (massif des Bornes, 1832 mètres) il lui semble entendre des voix au loin. Venant de la rivière, les cris l’intriguent. Guidé par eux, il découvre deux cavalières au milieu du cours d’eau. J’entends derrière moi des pas de chevaux et des voix de filles qui semblaient embarrassées, mais qui n’en riaient pas moins de bon cœur. Je me retourne, on m’appelle par mon nom, j’approche, je trouve deux jeunes personnes de ma connaissance, Mademoiselle de Graffenried et Mademoiselle Galley, qui n’étant pas d’excellentes cavalières ne savaient comment forcer leurs chevaux à passer le ruisseau.(8) Guy de Maupassant s’est peut-être souvenu de cet événement en écrivant la nouvelle Partie de campagne, (parue en 1881) ? La

voiture du laitier qu’a emprunté la famille - il s’agit des Dufour s’embourbe et s’immobilise dans le bas-côté. La chance vient à point nommé, deux jeunes hommes habillés en canotiers proposent de lui venir en aide. Ils remettent la voiture sur le chemin. Au comble du bonheur, la fille de ce couple répond encore timidement aux avances de ces derniers: promenade en bateau et caresses joyeuses… Récit inspiré de l’Idylle des cerises ou coïncidence ? Retrouvant leurs esprits, les deux amies invitent leur « sauveur » à un repas dans leur propriété, au-dessus de Thônes. Bâtie au XVIIe siècle, le manoir appartient à la famille Galley de Saint-Pierre. Deux siècles plus tard, le domaine fut acquis par la dynastie André (François le grand-père, Jacques le fils et Ambroise le petit-fils). Agé de près de 90 ans, Ambroise André se souvient du récit de sa maîtresse d’école - Madame Fournier - qui aimait parler de Jean-Jacques Rousseau et évoquer la randonnée au Manoir de la Tour. Les propriétaires successifs - Madame Adelaïde Pessey et Monsieur Aimé Genand - ont laissé la maison pratiquement intacte, toute transformation lui ayant été épargnée. Jadis, le manoir comportait une tour, un four, une chapelle et un vaste jardin potager. Le château de Montrottier, à Lovagny, possède une peinture de l’édifice. Au début du XIXe siècle, deux incendies ont fait disparaître la tourelle.(9) Le domaine a donc perdu son aspect d’origine. Cette promenade dans l’histoire locale, nous rapproche du récit de George Sand qui raconte qu’en quittant de nuit le château des Géants, son héroïne Consuelo rencontre Joseph, adolescent passionné de musique, au teint d’un Africain.(10) Dormant bien souvent à la belle étoile, ils traversent, la forêt de Bavière et longent la Moldau. Consuelo se souvient du paysage qu’elle observait, longuement installée devant sa fenêtre : Un torrent coulait au fond d’une vallée étroite et sinueuse, doucement ondulée en prairies La Fontaine de Héron, gravure de sur la base des colMaurice Leloir, 1889. lines inégales qui fer-

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Madame de Warens, huile sur toile, Nicolas de Largillière (1656-1746), Musée Jean-Jacques Rousseau, Bibliothèque de Genève. maient l’horizon, s’entr’ouvrant çà et là pour laisser apercevoir derrière elles d’autres gorges et d’autres montagnes plus escarpées et toutes couvertes de noirs sapins. La clarté de la lune à son déclin se glissait derrière les principaux plans de ce paysage triste et vigoureux, où tout était sombre, la verdure vivace, l’eau encaissée, les roches couvertes de mousse et de lierre. (11) Le départ de Consuelo n’est pas loin, il se prépare, il devient ce chemin, ce sentier qu’elle regarde et qui serpente gracieusement sur la colline, et qui, s’élargissant au bas du vallon, se dirigeait vers le nord en traçant une grande ligne sinueuse au milieu des verts sapins et des noires bruyères. Qu’y a-t-il de plus beau qu’un chemin ? Pensait-elle ; c’est le symbole et l’image d’une vie active et variée. Que d’idées riantes, s’attachent pour moi aux capricieux détours de celuici ! Je ne me souviens pas des lieux qu’il traverse, et que pourtant j’ai traversé jadis. Mais qu’ils doivent être beaux, au prix de cette noire forteresse qui dort là éternellement sur ses immobiles rochers! Comme ces graviers aux pâles nuances d’or mat qui les rayent mollement, et ses genêts d’or brûlant qui le coupent de leurs ombres sont plus doux à la vue que les allées droites et les raides charmilles de ce parc orgueilleux et froid ! Rien qu’à regarder les grandes lignes sèches d’un jardin, la lassitude me prend: pourquoi mes pieds chercheraient-ils à atteindre ce que mes yeux et ma pensée embrassent tout d’abord? Au lieu que le libre chemin qui s’enfuit et se cache à demi dans les bois m’invite et m’appelle à suivre ses détours et à pénétrer ses mystères. Et puis ce chemin, c’est le passage de l’humanité, c’est la route de l’univers. Il n’appartient pas à un maître qui

Aux Charmettes, gravure de Maurice Leloir.

L’idylle des cerises, aquarelle (1836) de Camille Roqueplan (1802 - 1855), Musée-Château d’Annecy.

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Carte du Duché de Savoie dessinée en 1675 par Thomas Borgonio et reproduite par W. J. Blæn.

puisse le fermer ou l’ouvrir à son gré. Ce n’est pas seulement le puissant et riche qui ont le droit de fouler ses marges fleuries et de respirer ses sauvages parfums. Tout oiseau peut suspendre son nid à ses branches, tout vagabond peut reposer sa tête sur ses pierres. Devant lui, un mur ou une palissade ne ferme point l’horizon. Le ciel ne finit pas devant lui ; et tant que la vue peut s’étendre, le chemin est une terre de liberté. A droite, à gauche, les champs, les bois appartiennent à des maîtres ; le chemin appartient à celui qui ne possède pas autre chose; aussi comme il l’aime. Le plus grossier mendiant a pour lui un amour invincible Qu’on lui bâtisse des hôpitaux aussi riches que des pa-

Le Manoir de la Tour.

lais ; ce sont toujours des prisons; sa poésie, son rêve, sa passion, ce sera toujours le grand chemin.(12) Le périple de Joseph et Consuelo égarés dans la forêt fait écho à l’épisode des cavalières de la rivière que trouve Jean-Jacques Rousseau, en juillet 1730. Joseph l’adolescent pourrait s’appeler Joseph Haydn. George Sand écrit : Dans sa vieillesse, lorsque Haydn lut les premiers livres des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, il sourit avec des yeux baignés de larmes en se rappelant sa traversée du Boehmer-Wald avec Consuelo, l’amour tremblant et la pieuse innocence pour compagnons de voyage. (13) George Sand s’appuie sur une notice du Larousse de la musique. Jean Barraqué signale que, de 1771 à 1780, Haydn exprime en accents passionnés une tendance sentimentale et naturiste venue de Rousseau. (14)

En Croupe, gravure de Maurice Leloir, 1889

UN SOUVENIR DEVENU LIEU DE MÉMOIRE En 2007, le maire et le conseil municipal de Thônes ont tenu à sauvegarder la maison, à faire revivre la rencontre, à préserver le lieu qu’évoque avec ravissement Jean-Jacques Rousseau dans les Confessions.

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L’idylle des cerises, aquarelle (1836) de Camille Roqueplan (1802 - 1855), Musée-Château d’Annecy. Devenu propriété de la commune, le Manoir de la Tour sera aménagé par étape pour devenir lieu patrimonial et centre culturel. Comme à l’époque, on accèdera à la maison, par un sentier appelé sentier Rousseau. La plaque souvenir existe toujours. Dans cette maison restaurée, on fera la Illustration tirée du livre Consuelo de Georges Sand. promotion de produits régionaux, donnant ainsi une idée du savoir-faire des habitants de la vallée. La demeure est destinée à devenir l’annexe du remarquable Musée du Pays de Thônes, créé en 1937. Grâce aux outils - aujourd’hui objets ethnographiques - l’on découvre le travail des paysannes et des paysans. Écoutons Colette : La France entière est bricoleuse. Une rêverie inventive, un art personnel ont seuls pu créer le petit ciseau à froid que j’ai trouvé un jour, emmanché de cuivre cannelé, bien en main, gravé d’arabesques, honoré d’ornements comme un bibelot chinois. Son propriétaire, qui devait être en même temps son auteur, a dû le regretter. Adroit, touche-à-tout, indiscret, artiste, industrieux, modeste au fond, vantard en surface… Si je fais le portrait du bricoleur type, je fais celui du Français. […] Luc-Albert Moreau bricole à ravir, menuise, dessine son jardin et le plante, soude, cloue, ramone, car ses loisirs de peintre et ses goûts innés se sont mis dès longtemps à la meilleure école, qui est celle du paysan.(15) LA CERISE : RITUEL COURTOIS ! Quittons la grande pièce du rez-de-chaussée, entrons en compagnie de Jean-Jacques Rousseau dans le jardin, grimpons dans le cerisier.(*) D’un violet foncé à un noir aubergine, les petites cerises sont succulentes. Elles sont aussi appelées « grêfions » et remplissent la main. Heureux sur son arbre, Jean-Jacques Rousseau s’adresse aux demoiselles leur offrant « ses » fruits savoureux. Il préfère ce geste convivial au récit des promenades improvisées, des veillées genewww.expatria-cum-patria.ch

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voises dans l’atelier paternel, des chansons apprises à Turin. Jean-Jacques Rousseau se rapproche de ses cavalières, Claudine 20 ans, Marie Anne 27 ans. La fameuse cerise devient l’objet de douces complicités, de joyeuses connivences, d’un bel entrain. Tout à l’heure, Jean-Jacques Rousseau a observé les deux jeunes femmes préparant le repas ; à présent, il est tout au plaisir du dessert champêtre improvisé. Silencieux, il savoure la douceur de l’instant et contemple avec ravissement le visage, les mains, le corsage de ces jeunes femmes... Le rêve devient vie, comme si la cerise parlait pour célébrer la rencontre pour la chanter. La cerise invite-t-elle au

La Fileuse, carte postale, Musée du pays de Thônes, Haute-Savoie.


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rapprochement des personnes aimées ? L’échange envoûtant est chargé de bonheur. À l’Ile de Saint-Pierre, trente-cinq ans plus tard, Jean-Jacques Rousseau revit ce moment magique lors de la cueillette des pommes. Observant l’arbre, la femme de lettres Tracy Chevalier parle en poète du paisible frémissement des feuilles du cerisier. (16) Sur son cerisier, Jean-Jacques Rousseau éprouve l’intense désir de servir les demoiselles, de leur offrir le fruit délicat, de répondre à leurs moindres gestes. Le héros de George Sand cueille lui-même des cerises

La cueillette des pommes.

sur les espaliers de Sans-Souci, et il s’en prive lui qui n’aime que cela sur la terre, pour me les envoyer,(17) autre ravissement… Devant le Manoir, les jeunes femmes heureuses partagent le même goût de la vie que Madame de Warens fait découvrir à Jean-Jacques Rousseau. Rituel courtois, la cerise annoncerait-elle le prélude amoureux que « maman » offrira plus tard au « petit ». D’ailleurs, un jour, aux Charmettes, Jean-Jacques Rousseau compose un poème : J’ose chanter ici les fruits de vos bienfaits. Oui, si mon cœur jouit du sort le plus tranquille, Si je suis la vertu dans un chemin facile, Si je goûte en ces lieux un repos innocent, Je ne dois qu’à vous seule un si rare présent ; (18) Le poète se souvient-il ici même de Mademoiselle de Breuil, de son habit qui marquait sa jolie taille, dégageait sa poitrine et ses épaules, et rendait son teint encore plus éblouissant…? (19) Dans cette brise humide, le pollen annonciateur de nuits chaudes fait plus légères les histoires inventées. Ainsi Jean-Jacques Rousseau pense au jeune italien, le charlatan Gamba Corta, qui au cœur de la Vieille Ville de Genève confiait à ses marionnettes de drôles d’histoires. Même un sermon perdu au fond d’un tiroir pouvait amuser. Perché sur la branche du cerisier, face aux jeunes femmes, Jean-Jacques Rousseau crée une situation cocasse et tendre à la fois. Il attend et provoque cet instant merveilleux : Une fois Mlle Galley, avançant son tablier et reculant la tête se présentait si bien et je visai si juste, que je lui fis tomber un bouquet dans le sein ; et de rire. Je me disais en moi-même: « Que mes lèvres ne sont-elles des cerises ! Comme je les leur jetterais ainsi de bon cœur ! » (20) N

Le Cerisier, gravure de Maurice Leloir, 1889.

(1) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 58 (2) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 58 (3) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 59 (4) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 103 (5) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 58 (6) Jean-Jacques Rousseau, L’idylle des cerises, M. Dardel, 1928, p. 7 (7) Colette, De ma fenêtre, Aux Armes de France, 1942, p. 8 (8) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 135 (9) Jean-Jacques Rousseau, L’idylle des cerises, Rémy Hildebrand M. Dardel, 1928, p. 38 (10) George Sand, Consuelo La Comtesse de Rudolstadt, Gallimard, 2004, p. 108 (11) George Sand, Ibid., p. 280 (12) George Sand, Ibid., p. 390-391 (13) George Sand, Consuelo, p. 141 (14) George Sand, Ibid., p. 141 (15) Colette, De ma fenêtre, Aux Armes de France, 1942, p. 43-45 (16) Tracy Chevalier, La Dame à la licorne, Quai Voltaire, 2003, p. 168 (17) George Sand, Consuelo La Comtesse de Rudolstadt, Gallimard, 2004, p. 55 (18) Jean-Jacques Rousseau, OC II, p. 1125 (19) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 94 (20) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 137 (*) Ce cerisier aurait été coupé en 1842; plusieurs jeunes cerisiers ont été plantés à côté de la maison et au lieu-dit « Verger des Chatron ».

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Notes


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École hôtelière

e qui frappe en arrivant dans le bâtiment, c’est le dynamisme qui y règne. Une véritable ruche où jeunes et moins jeunes se croisent et s’entrecroisent. Il y a différentes tenues qui rappellent l’hôtellerie mais bizarrement pour une école, pas de jeans et tee-shirts ; tout le monde est en tenue de travail et l’on peut reconnaître les différents corps de métiers. Direction la réception donc pour m’annoncer. Une charmante hôtesse me fait patienter et il ne faut pas plus de 5 minutes pour que mon guide vienne m’accueillir. L’École hôtelière de Lausanne date de 1893, et l’on peut lire sous le logo “First in the World”. Serait-ce la première école au monde ? « Oui, me répond Annick Barbezat-Perrin, Communication Manager et qui me fait le plaisir de me guider, l’EHL est la première école hôtelière au

C

monde en tant que telle, car c’est un concept qui n’existait pas avant, mais aussi celle qui a été désignée en 2010 comme la meilleure école hôtelière de la planète par les directeurs d’hôtels 5 étoiles. C’est Jacques Tschumi, membre influent de l’Association suisse des hôteliers de l’époque, qui avait identifié le besoin et décida de créer l’Ecole hôtelière de Lausanne. Le 15 octobre 1893, 27 étudiants suivent alors les premiers cours donnés dans les locaux de l’Hôtel d’Angleterre, sur les bords du lac Léman à Lausanne. Ils y étudient l’arithmétique, la comptabilité, la géographie, les connaissances des produits, les langues et le service... De plus, ils mettent immédiatement leurs connaissances en pratique pour répondre à la clientèle exigeante d’un hôtel prestigieux. Cette école est encore aujourd’hui à but non lucratif et n’a pas de comptes à rendre à des actionnaires, ce qui laisse une grande liberté de mouvement pour la direction de l’institution ». En regardant autour de moi, je me dis qu’apparemment, il y a aujourd’hui plus que 27 étudiants. « Nous en sommes à notre troisième adresse, continue Mme Barbezat-Perrin, et comme vous pouvez le voir, les travaux d’agrandissement du bâtiment actuel sont en cours. Nous accueillons cette année près de 2 000 étudiants encadrés par environ

SITUÉE SUR LA COLLINE DE CHALET-À-GOBET PRÈS DE LAUSANNE, L’EHL ACCUEILLE PRÈS DE 2 000 ÉTUDIANTS ET 400 COLLABORATEURS. INSTITUTION LAUSANNOISE DEPUIS 1893, J’AI VOULU EN SAVOIR PLUS SUR CETTE ÉCOLE OÙ LE NOMBRE D’ÉTUDIANTS FRANÇAIS EST LE PLUS ÉLEVÉ APRÈS LES SUISSES. JE ME SUIS DONC LAISSÉ GUIDER ET J’AI DÉCOUVERT QU’“ACCUEIL”, À L’EHL, N’EST PAS UN VAIN MOT.

L’ECOLE HÔTELIÈRE DE LAUSANNE

Visite d’une institution centenaire www.expatria-cum-patria.ch

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400 collaborateurs ». Justement, les étudiants qui nous croisent sans cesse me semblent fort cosmopolites. D’où viennent-ils ? « Nous avons près de 90 nationalités différentes, s’empresse de répondre mon guide ». Un cursus en deux langues et 3 programmes Ceci m’amène naturellement à la question suivante sur la langue de l’enseignement. « Nous sommes un institut de formation bilingue et les élèves ont la possibilité de suivre les cours en français ou en anglais après sélection car il faut atteindre le niveau de langue requis ; nous avons des critères qui sont très élevés. ». Alors, le français estil sur le déclin face à la langue saxonne ? « Pas vraiment, car nous sommes à environ 50-50 pour chaque langue. Il faut dire que la proportion d’étudiants Français est très élevée puisqu’ils représentent 22%, derrière les 49% de Suisses mais devant les Allemands à 6,9%. Il y a aussi pratiquement égalité des sexes puisque les filles représentent 56% des étudiants et les garçons complètent les 44% restants ». Je commence à mieux comprendre ce ressenti cosmopolite qui m’a surpris en arrivant. Nous continuons à visiter des salles et des locaux (il y a plus de 50 salles), et devant la diversité du matériel que je découvre, je m’empresse de demander quels programmes peut-on suivre à l’EHL. « Nous avons 3 programmes : le Bachelor of Science, qui sont de hautes études en hôtellerie et professions de l’accueil (1 an de base de l’accueil + 3 ans de formation académique, y compris un stage en entreprise), le Diplôme de gestion en hôtellerie & restauration, Gestion d’exploitation hôtelière (2 ans, alternant cours et stages) et finalement le Master in Hospitality Administration qui sont des études

Prix du Jeune Entrepreneur

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près 2009, l’École hôtelière de Lausanne a obtenu à nouveau le 1er Prix du Jeune Entrepreneur pour 2011. Ce prix est décerné chaque année par la section suisse des Conseillers du Commerce Extérieur de la France et récompense le meilleur projet entrepreneurial ayant un lieu avec la France. Cette année, c’est le projet de l’EHL qui a été choisi parmi les 4 grandes écoles suisses participant au concours (la Haute École de Saint Gall, l’École Polytechnique Fédérale de Zurich, l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et l’École hôtelière de Lausanne) et s’est vu récompensé par la somme de CHF 20 000 (17 000 €). Au cours de ma rencontre, Jessica Huang, responsable du projet, m’a confirmé que cette somme servira à commercialiser leur idée qui verra le jour en décembre 2011. L’équipe de l’EHL avec S.E.M. Alain Catta, Ambassadeur de France en Suisse, M. Alain Najar, représentant l’EHL et M. Jean-Philippe Keil président de la section suisse des CCE.

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postgrades en management de l’hôtellerie et des professions de l’accueil (14 mois). Ce dernier n’est dispensé qu’en anglais ». La visite se poursuit et je suis étonné de l’infrastructure ; 4 restaurants, 3 bars, 8 cuisines ! Voilà de quoi surprendre le néophyte que je suis, et partout, des étudiants qui s’affairent. Jérémie Allemand est venu nous rejoindre. Il est étudiant en 2e année et m’explique, au fur et à mesure de notre avancée, les différentes étapes par lesquelles il est lui-même passé. Tout le monde se connaît, tout le monde se respecte entre étudiants et personnel et nous ne rentrons pas dans une pièce sans saluer. Tout le monde est en tenue de travail où en costume / tailleur pour ceux et celles qui sont dans les salles de cours. Une obligation ? « Disons plutôt une règle, me répond Jéré-

mie Allemand, tenez, voici justement les panneaux du « dress code », le code vestimentaire en vigueur à l’école. Garçons et filles doivent s’y tenir et cela est respecté. Cela nous apprend à nous plonger dans notre futur monde du travail. Si l’on veut travailler dans l’hôtellerie, il faut savoir en respecter les codes ». Justement, qu’est-ce qui a poussé Jérémie à choisir l’EHL ? « Je voulais absolument travailler dans l’hôtellerie, alors l’EHL est une adresse de choix. Mais depuis que je suis là, nous sommes tellement courtisés par d’autres sociétés comme des grandes banques ou des cabinets de conseils que je vois mes choix de fin d’études s’agrandir constamment ! Ce n’est pas pour me déplaire ». Comment des banques où des cabinets de conseils peuvent-ils être intéressés par des étudiants de l’EHL ? « C’est parce

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bagage humain sur le plan de l’accueil et de la bienséance, répond Mme Barbezat-Perrin. Ce sont des qualités qui intéressent aussi beaucoup d’autres secteurs ». Accréditation académique HES-SO (Gouvernement Suisse) et reconnaissance NEASC (États-Unis). Mais l’EHL est aussi une institution à part. On dit que dans l’hôtellerie, il y a 3 méthodes. Une américaine, appelée Cornell plutôt de type académique, une française plus axée sur la cuisine et, finalement, une suisse, axée sur l’art et la science, un peu le meilleur des deux mondes puisqu’elle allie théorie et pratique, les élèves étant placés effectuant très tôt des stages dans des hôtels ; c’est avec cette méthode que l’EHL travaille. Une autre facette

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de l’école est l’Institut de l’Innovation et de l’Entreprise (INTEHL) qui aide à créer, développer et qualifier les futurs systèmes et processus de travail soutenus par les nouvelles technologies. Par exemple, un test de nouveau logiciel informatique pour la gestion hôtelière ou bien un projet donné par une entreprise pour faire une étude de faisabilité. L’École a aussi reçu de nombreux prix, notamment le prix suisse de l’Éthique en 2006 pour ses installations dans le domaine du développement durable (groupe chaleur-force, panneaux solaires, éolienne), le 1er prix du Jeune Entrepreneur en 2009 et en 2011 qui est un prix organisé par les Conseillers du Commerce Extérieur de la France en Suisse et qui récompense un projet innovant conçu par des étudiants. « C’est une grande famille, résume Jérémie Allemand. Étudier ici est un honneur et un plaisir à la fois et cela m’offre de véritables perspectives pour ma future carrière ». N Pour plus de renseignements sur l’École Didier Assandri hôtelière de Lausanne : www.ehl.edu.

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dassandri@bluewin.ch

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Gastronomie

IL N’EST PAS DE PLAISIRS GASTRONOMIQUES, DE BONS REPAS SANS BONS VINS. BRILLAT-SAVARIN, GASTRONOME CONNU ET RECONNU SE PLAISAIT À DIRE « LE CRÉATEUR, EN OBLIGEANT L’HOMME À MANGER POUR VIVRE, L’Y INVITE PAR L’APPÉTIT, ET L’EN RÉCOMPENSE PAR LE PLAISIR. »

VignobledeLavaux

Patrimoine mondialdel’Unesco ’homme préhistorique, même si manger n’était pas toujours évident pour lui, n’a pas échappé au plaisir que pouvait procurer la nourriture. Il a certainement cherché à faire des breuvages avec ce qu’il trouvait, ce qui était à sa disposition. La vigne sauvage, ou Lambrusque, comme nombre de plantes, s’est développée de façon spontanée sous forme de liane. C’était une plante assez rare, que l’on rencontrait près des rivières, on en retrouve la trace fossile dans des terrains, vieux de 30 000 ans comme à Castelnau-le-Lez. Quand on sait que sur le site archéologique de Terra Amata, dans la région niçoise, il a été trouvé

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des pépins de raisins sauvages qui auraient plusieurs centaines de milliers d’années. Il paraît certain que l’homme préhistorique ait consommé des fruits de Lambrusque, en ait bu le jus,… mais avait-il déjà goûté le vin ? Le vin est un breuvage qui remonte à la nuit des temps ; il n’a pas été inventé, il était là où l’on cueillait le raisin et où on le déposait même pour un temps très court dans un récipient capable de retenir son jus, alors, la fermentation s’est faite de façon naturelle, et automatique, c’est la nature qui l’a offert à l’homme. L’Arménie est un des lieux d’origine de la vigne où la vigne sauvage muta en vigne cultivable, région où la légende biblique fait planter la vigne par le patriarche Noé à la fin du Déluge. Un éminent archéologue, André Tchernia, pense avoir découvert, dans cette région, sur la paroi d’une jarre néolithique vieille de 7 000 ans les restes d’un résidu de vin de l’époque… Pourquoi pas ?

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S’il est difficile de définir avec précision le début de l’existence de la vigne, il est beaucoup plus facile de parler de son évolution. Les Grecs, amateurs de vin, l’ont répandue sur tout le pourtour de la Méditerranée, puis les Romains en ont intensifié la culture dans toutes les régions qu’ils ont occupées, partout où cela était possible. Au Moyen-âge, l’Église, toute puissante, multiplie les plantations de vignes. Les monastères, les abbayes en particulier, font de la vigne une de leurs activités agricoles dominantes. Les moines travaillent inlassablement et avec abnégation à l’excellence de leurs vignobles. Ils utilisent la majeure partie de leur production de vin pour les messes, leur consommation personnelle, les malades et les vieillards qu’ils soignent, et ils s’autorisent à commercialiser le surplus. Dans le courant d’une économie marchande naissante, les acheteurs d’alors étant

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principalement les rois et les papes. Ce sont des experts pour sélectionner les plants, améliorer sans cesse les méthodes de taille, de culture, la vinification, ils créent des spécialités, certaines de renommée internationale, tel Pierre Pérignon, plus connu sous le nom de Dom Pérignon, qui était un moine bénédictin de l’Abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers, et inventa le champagne, pour ne citer que lui. Tout cela, pour vous amener dans une merveilleuse région viticole, située sur la côte Suisse du lac Léman, entre Lausanne et Montreux, où le vignoble est cultivé en terrasses sur les coteaux abrupts de Lavaux. Les coteaux de Lavaux, cadeau du roi de Bourgogne à l’évêque de Lausanne, ont été défrichés par les moines cisterciens et bénédictins au XIIe siècle, et depuis 900 ans, les vignerons entretiennent et façonnent ces terrasses soutenues par des murs de pierre, pour retenir la terre qu’il faut remonter sans cesse. En vieux français, cette région s’appelait “la Vaulx de Lustrie”, cela signifiait simplement la vallée de Lutry, comprenant les paroisses de Corsier, SaintSaphorin, Villette et Lutry, qui, à l’époque, couvraient les coteaux compris entre Lutry, Grandvaux, Chexbres, Jongny et Vevey : cela a donné le nom de Lavaux.

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Lavaux est aujourd’hui, sur le plan administratif, un district du canton de Vaud. C’est, avant tout, une région viticole exceptionnelle avec ses villages typiques tantôt posés au bord du Lac tantôt accrochés aux coteaux. Depuis Chexbres, c’est un des plus beaux panoramas du monde qui s’offre à nos yeux, une carte postale grandeur nature, avec ces vignes en cascades qui changent de couleur au fil des saisons, le lac dont les reflets inondent de soleil les coteaux, le ciel, la vallée du Rhône, et les Alpes majestueuses aux cîmes enneigées. Lavaux appelle les visiteurs à la découverte du pays par des sentiers pédestres au milieu des vignes ou avec un petit train bucolique pour ceux qui aiment moins marcher.

Le roi de Lavaux, c’est le Chasselas, un cépage blanc typiquement suisse, que les Valaisans ont appelé “Fendant”. Le Chasselas est même, sans doute, originaire de Lavaux ; c’est là que l’on y retrouve ses plus anciennes traces, bien qu’il soit cultivé en Alsace, en Savoie et même en Bourgogne. Le Chasselas de Lavaux produit des vins très appréciés, puissants et corsés, fruités, longs en bouche et très marqués par le terroir. Il y a autant de crus que de villages ! Je me garderai bien de vous les citer, de peur d’en oublier.

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Pour les découvrir, il faut les déguster et, pour cela, Lavaux a réalisé un espace exceptionnel dans le village de Rivaz : “Lavaux Vinorama”, lieu unique de découverte de la vigne et du vin. Plus de 300 crus de Lavaux y sont présentés sous un même toit, et avant de passer à la dégustation, vous pourrez vous rendre compte de ce qu’est “une année vigneronne”, apprécier la vie authentique d’un vigneron de Lavaux sur grand écran. Après la dégustation, qui, j’en suis sûr, sera agréable, ne facilitera pas pour autant votre choix. Il ne vous restera qu’à trouver un gîte pour que cette découverte devienne un rêve. Je ne peux que vous recommander l’Hôtel Baron Tavernier à Chexbres. Le Baron Tavernier s’avère être bien plus qu’un hôtel, perché sur le sommet des coteaux au cœur de Lavaux, il domine tout le bassin lémanique et jouit d’un panorama à couper le souffle. Durant toute la saison estivale, vous serez servis sur une terrasse, le Deck, surplombant ces vignes en cascade et le lac. Dès que la température vous incitera à rester à l’intérieur, c’est le restaurant Le Baron qui vous accueillera où le chef français Henri Fauchereau vous fera déguster une gastronomie dont il a le secret… À moins que vous ne préfériez la convivialité de la Pinte. Je vais m’arrêter là, ne pas tout vous dévoiler, pour vous laisser sur votre faim… ou votre soif… ! Afin de vous donner envie de venir visiter cette région unique au Jean-Jacques monde. N

Poutrieux

jjpoutrieux@bluewin.ch

Gastronomie


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VARIATIONS AUTOUR D’UN THÈME

Deladiffusiondel’idéeartistique aufildutemps ’est ce qu’affirmait l’anthropologue Marcel Maus dans la première moitié du XXe siècle ; mais le groupe en question varie, il s’adapte à l’air du temps ; ainsi, à la Renaissance, François 1er et sa cour détenaient le jugement sacré ; au 19e, ce sont ces messieurs de l’académie des Beaux Arts, de nos jours une équipe d’experts composée de collectionneurs, critiques d’art, galéristes, directeurs de musées. Qui manque-t-il ? Le public naturellement, qui prend désormais part au verdict. Est-ce bien ou mal ? Cela peut se justifier, Aristote considérait déjà qu’il y a des choses dont celui qui les fait n’est ni le seul ni le meilleur juge : citant l’exemple du convive bien plus qualifié que le cuisinier lui-même pour juger de la qualité du contenu de son assiette. Indiscutablement juste et encore ! Aristote ne vivait pas à une époque où l’information et la connaissance de toute chose circule par satellite et où un simple clic googelien révèle tous les secrets du Dripping cher à Pollock, ouvre les portes des ateliers d’artistes -

C

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“ ”

Un objet d’art, par définition, est celui reconnu comme tel par un groupe.

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voyez celui d’Arman cet été aux Baux de Provence -, raconte la vie intime des peintres comme Modigliani, Van Gogh, Lautrec… Bref, le quidam est devenu instruit, en tout cas, il le croit. 21e siècle : si tu ne viens pas à l’art, l’art viendra à toi Le jeu - et la necessité vitale - des protagonistes du monde de l’art est de faire de l’audience. Partant de cette notion élémentaire, gardons en tête l’étymologie du mot art (du latin Ars, artis) : « habileté, métier, connaissance technique, l’art est une activité humaine, le produit de cette activité, ou l’idée que l’on s’en fait, consistant à arranger entre eux divers éléments en s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect. » Une définition qui nous arrange bien car elle insinue une sorte d’auberge espagnole ou plutôt un complexe hôtelier tout aussi espagnol, un immense réservoir éclectique ou l’on retrouverait, pêle-mêle, toutes les ins-


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tallations, performances et autres œuvres improbables - seulement parce qu’on ne les comprend pas - additionnées aux travaux familiers des sculpteurs et peintres rencontrés dans nos manuels scolaires, au hasard des visites guidées de nos musées, ou sur les multiples écrans à notre disposition. Évidemment, comme il est question de “Beaux Arts”, on est un peu embarrassé pour justifier cette appartenance au regard de la vache formolée et si savamment découpée de Damien Hirst trônant au milieu du merveilleux Palazzo Grassi, non loin de la baudruche canine de Jeff Koons, ou au regard des corps viandeïsés (inspiration pour Lady Gaga peut-être !) d’un Francis Bacon définitivement empêtré dans son tragique mal-être. La vérité, c’est que l’on aime que ce que l’on conçoit, à défaut de le comprendre, on se pâme plus volontiers devant les Nymphéas de Monet que devant la toile monochrome vert d’Yves Klein. Comme la notion même d’art a muté pour autoriser l’avènement des nouveaux artistes, créateurs transformateurs de matière, interprètes de notre temps armés de pinceaux, burins et autre truelle ou encore porteurs de messages à l’humour réjouissant comme Ben le niçois ou politiques comme l’artiste dissident chinois WeiWei,

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la cartographie du monde de l’art a définitivement largué ses amarres ; désormais, les artistes sont de sortie : dans la rue, les bistros, les parcs, les usines… Et c’est tant mieux, car cette multiplicité des lieux d’exposition et des types de travaux présentés force la réflexion, la notion de beau étant souvent abandonnée au profit d’une création de l’humain, la production de quelque chose de nouveau avec lequel une époque s’identifie. Que ce soit dit : l’artiste n’est pas un animal monomaniaque ! Et cela ne date pas d’hier, voyez Leonard de Vinci, qui n’est pas juste l’auteur de La Joconde et de la Cène, mais fut aussi architecte, inventeur probable de l’avion, du parachute, du sous-marin… étudia le vol des oiseaux, imagina des systèmes hydrauliques, déchiffra les mathématiques, comprit l’anatomie, s’intéressa à la botanique, à la conception de machines de guerre, à la géologie… Pourtant, le peintre débuta par la réalisation de portraits et de ta-

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Art intemporel >> bleaux religieux, des commandes passées par les notables et les mo-

nastères de Florence dont il n’était nul besoin de faire la promotion puisqu’ils étaient en quelque sorte prévendus. Toutefois, les artistes de l’ère moderne n’ont rien à envier au grand Leonard car ce sont souvent des virtuoses polymorphes qui peuvent s’exprimer à travers une multiplicité de médiums incluant aussi bien la photographie que le cinéma, la céramique, l’architecture, les arts décoratifs ou les arts de la scène. Des exemples ? Picasso s’est intéressé à tout ce qui relevait des arts visuels ; Dalí fit du cinéma avec Luis Buñuel et transposa en sculptures certains de ses thèmes picturaux ; Le Corbusier fut également peintre ; Brassaï photographia, mais aussi dessina ; lorsqu’il n’écrivait pas, Boris Vian traînait à Saint-Germain avec son saxophone ; Titouan Lamazou, habile navigateur, croque les femmes du monde entier comme personne ; etc. Une fois fixées d’aussi souples frontières, nous voilà prêts à déambuler avec bienveillance dans tous les lieux dédiés à toutes formes d’art. Cependant, pour attirer le public, il faut savoir le séduire, le surprendre. À Bâle, le musée Tinguely s’est fait une spécialité du jeu interactif entre le visiteur et les œuvres présentées ; cet été, le bâtiment de Mario Botta abrite l’exposition “Voitures fétiches” et offre une saison cinéma open air au jardin Solitude, une bonne idée pour impliquer nombre d’entre nous amateurs de 7e art. Faisons un petit tour par la cité rhénane. En route pour le Musée Tinguely à Bâle ! Aujourd’hui, pour exister, l’art doit être un reflet de la société, une vision de

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l’époque actuelle. Quel symbole plus évident que la voiture pour traduire l’évolution culturelle de notre civilisation contemporaine ? Si le mot d’ordre est « rapprochons-nous du quotidien, popularisons l’art, démocratisons en l’accès », alors, le musée Tinguely applique soigneusement l’initiative, en particulier avec l’exposition actuelle « Voiture fétiche, je conduis donc je suis. » N


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DIALOGUE AVEC ANDRES PARDEY VICE-PRÉSIDENT DU MUSÉE TINGUELY DE BÂLE

> VB : Jean Tinguely pensait que l’art doit être dans la société et pas en dehors d’elle, est ce que ça rend le monde de l’art plus humain ? AP : Ce qui peut humaniser l’art contemporain, chez nous en tout cas, c’est la possibilité offerte au visiteur de trouver lui-même l’accès ou la comprehension d’une œuvre en faisant appel à son imagination, sans la contrainte des doctes explications parfois distillées par les guides et autres historiens d’art dirigeant au pas de course et dans un silence érudit un groupe pourtant venu là pour le plaisir. > VB : Mais à entendre les réactions de certains, il peut être frustrant de ne pas recevoir d’éclairage sur une œuvre lorsque sa raison d’être est un peu plus difficile, n’est-ce pas ? Par exemple, Pavel Schmidt et ses explosions de statues grecques dénonçant la désincarnation d’objets d’art reproduits en masse, mérite un sous-titrage, non ? AP : Oui, certains visiteurs peuvent même réagir de façon assez agressive s’ils ne comprennent pas la volonté de l’artiste, mais ce n’est pas le pire ; la pire réaction est l’indifférence, même l’agressivité est une manière de recevoir une œuvre. Mais je dois préciser que le musée Tinguely reçoit fréquemment les artistes dont les expositions sont présentées ; ainsi, Scapa, éditeur, dessinateur, humoriste, était dans nos murs pour raconter l’histoire de sa collection d’œuvres d’art de Tapies à Bernar Venet sans oublier Tinguely dont il était un grand ami ; il a publié aussi de nombreux livres pour enfants. > VB : À propos, quelle place le musée Tinguely accorde-t-il à la jeune classe ? AP : Prépondérante, dans l’esprit de Jean Tinguely lui-même qui a toujours dit que les enfants étaient son public préféré parce qu’ils ne se formalisaient pas et n’étaient pas choqués par ses œuvres parfois provocatrices. D’ailleurs, outre le fait que toutes les machines du musée sont interactives, nous avons créé, depuis une dizaine d’années, le Kinderclubmuseum, dont les jeunes membres viennent discuter leur propre vision du travail de Tinguely et reproduisent parfois ce travail admirablement.

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> VB : Les enfants sont donc ici les bienvenus, ce qui n’est pas vraiment le cas au Musée des beaux-Arts ou la surveillance policière des salles n’incite pas vraiment au déplacement en famille. AP : Peut-être, mais il existe un inconvénient majeur : la fréquentation de notre musée est constituée pour un quart de jeunes, alors que les autres musées n’en sont qu’à 13% ; résultat, notre rentabilité est bien inférieure à celle de nos collègues dont les boutiques sont, bien sûr, davantage fréquentées par les parents. C’est un choix qu’il faut assumer. > VB : Pour conclure, les artistes devraient-ils s’évertuer le plus possible à amuser, étonner, provoquer pour attirer davantage de monde ? Estce qu’il n’y a pas là un risque pour eux de perdre leur liberté, juste pour plaire au plus grand nombre ? AP : Non, pourquoi ? Aujourd’hui, les artistes ont de plus en plus de possibilités de s’exprimer : la vidéo, l’électronique ouvrent des horizons illimités d’expression artistique. > VB : Jusqu’au 9 septembre, le parc Solitude est dédié au cinéma : quatre films par semaine, dont Trafic de Tati, Weekend de Godard, mais aussi Bullitt, Blues Brothers, Taxi Driver, etc. Ça marche ? AP : Oui, la plupart des voitures sont réservées, même les soirs de pluie. > VB : Merci à vous.

Véronique Bidinger OB DEM HÜGLIACKER 78 4102 BINNINGEN TÉL. : + 41 61 422 19 68 +41 76 385 63 22 INFO@BALEENFRANCAIS.CH WWW.BALEENFRANCAIS.CH

Musée Tinguely : www.tinguely.ch/fr

vero.bidinger@bluewin.ch

> Véronique Bidinger : Un musée est un lieu dans lequel sont collectés, conservés et montrés des objets dans un souci de cultiver le visiteur ; c’est un peu formel, non ? pour décrire le Musée Tinguely ? Andreas Pardey : Oui, ici, l’idée est plutôt de laisser ouvert le champ des interprétations sans mettre en avant l’autorité savante du musée, cette liberté n’est pas palpable dans un musée plus traditionnel.


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Art ARTPASSIONS

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Manet

Olympia, 1963. Huile sur toile, 130 x 190 cm. Paris, Musée d’Orsay. © Musée d’Orsay (dist. RMN)/Patrice Schmidt

inventeurde

l’artmoderne

LA DERNIÈRE GRANDE EXPOSITION MANET EN FRANCE A EU LIEU AU GRAND PALAIS EN 1983. ELLE AVAIT ÉTÉ ORGANISÉE PAR FRANÇOISE CACHIN, LA GRANDE DAME DES MUSÉES FRANÇAIS RÉCEMMENT DISPARUE, EN COLLABORATION AVEC CHARLES S. MOFFETT. DEPUIS CETTE DATE, NOTRE CONNAISSANCE DE LA PEINTURE FRANÇAISE DES ANNÉES 1840 À 1880 A PROGRESSÉ, ELLE EST DEVENUE PLUS NUANCÉE, PLUS DIFFÉRENCIÉE. ET LES RECHERCHES CONSACRÉES À MANET FONT DE CET INVENTEUR DE LA PEINTURE MODERNE BIEN AUTRE CHOSE QUE LE PRÉCURSEUR DES IMPRESSIONNISTES OU DE LA PEINTURE PURE. L’OCCASION POUR STÉPHANE GUÉGAN DE NOUS PROPOSER AU MUSÉE D’ORSAY UNE APPROCHE RENOUVELÉE DE CET ARTISTE À TRAVERS NEUF ÉTAPES À LA FOIS CHRONOLOGIQUES ET THÉMATIQUES.

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out commence dans l’atelier de Thomas Couture, que le jeune Manet a fréquenté pendant sept longues années, de 1849 à 1856. Le peintre des Romains de la décadence, ami de Michelet, était alors au faîte de sa gloire. Certains le saluaient comme l’héritier de Véronèse et de Rubens, ou comme le successeur de Ribera et de Géricault. Il a transmis à Manet un métier solide, un art de la composition notamment, qui fera défaut à plus d’un de ses descendants. Maître très ouvert, il n’empêchera pas son élève de s’intéresser ni à Velazquez ni à Delacroix. Célébré par Baudelaire comme le peintre romantique - et donc moderne - par excellence, ce dernier reste néanmoins un

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peintre d’histoire, empruntant ses sujets à la Bible, à la mythologie gréco-latine ou à la littérature Musée d’Orsay (dist. (Dante, ShakesRMN)/Patrice peare). Aucun de ses SchmidtWashington tableaux ne met en scène la vie contemporaine. Aucun n’est consacré à Paris, capitale en devenir du monde moderne. Ce défaut, Baudelaire le connaît bien, qui dès ses premiers Salons, de 1845 et de 1846, voulait que le peintre contemporain représentât les hommes de son siècle « dans [leurs] habits noirs et dans [leurs] bottes vernies » et qu’elle essayât « d’arracher à la vie moderne son côté épique ». Comme Balzac avait su le faire dans le domaine du roman. Manet et Baudelaire se sont rencontrés vers 1860, à l’époque où le poète travaillait à son essai sur Constantin Guys. N’ayant pas trouvé de véritable peintre de la modernité, Baudelaire s’était rabattu, pour illustrer sa théorie, sur ce dessinateur de second ordre, illustrateur de la vie élégante de Paris, de Naples ou de Madrid, L’Homme mort, couvrant, par ses cro1864-1865. Huile sur quis, la guerre de Critoile. Washington, mée. Sans se faire The National Gallery d’illusion sur la quaof Art. © Widener Collection, Image lité artistique de ses courtesey National œuvres. Manet a-t-il Gallery of Art, eu connaissance de

Le Fifre, 1866. Huile sur toile. 161 x 97 cm. Paris, Musée d’Orsay. ©

Washington

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>> ce texte qui ne fut publié qu’en 1863 ? Il en

connaissait sûrement la teneur, car nul tableau n’illustre mieux le propos de Baudelaire que La Musique aux Tuileries où le poète est d’ailleurs représenté de profil, en chapeau haut de forme. Baudelaire a-t-il vu ce tableau exposé en 1863 à la galerie Martinet ? Il n’en parle pas. Malgré leur amitié, malgré la concordance de leurs conceptions d’une certaine modernité, leur rencontre fut une rencontre manquée. Baudelaire n’a pas reconnu dans les portraits de Victorine Meurent la sœur des filles de rue qu’évoquent ses poèmes. Pour Baudelaire, la grande peinture se ter-

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Le Balcon, 1868-69. Huile sur toile. 170 x 124 cm. Paris, Musée d’Orsay. © Musée d’Orsay (dist. RMN)/Patrice Schmidt Washington

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mine avec Delacroix. Il ne voit pas que Manet, non seulement s’ouvre à la vie contemporaine, mais reprend la tradition de la peinture religieuse, tout en bousculant les usages, ainsi dans Les Anges au tombeau du Christ ou dans le Christ insulté (au point d’ailleurs que ce dernier tableau est d’abord refusé au Salon de 1865 tout autant que l’Olympia). Un aspect de la peinture de Manet que le XXe siècle a eu le tort d’oublier et qui est ici justement remis en valeur. Après ses échecs au Salon de 1865, Manet prend la route de l’Espagne. Il veut voir les Velazquez et les Goya du Prado. Leur leçon se ressent aussitôt dans l’âpreté dramatique du Fifre (rejeté au Salon de 1866) ou de L’Homme mort. Elle est encore perceptible dans Le Balcon, exposé au Salon de 1869, qui inaugure la série de portraits de Berthe Morisot, futur membre actif du groupe impressionniste, qui a ressenti dans ces tableaux « l’impression d’un fruit sauvage ou même un peu vert ». Au moment de l’exposition universelle de 1867, Manet renouvelle le geste de Courbet en 1855 : il fait construire un pavillon près du pont de l’Alma, où il regroupe une cinquantaine de ses toiles et de ses estampes. Zola, qui avait déjà pris la défense de l’Olympia, consacre une brochure vengeresse à Manet. L’année suivante, le peintre expose, cette fois-ci au Salon, le Portrait d’Émile Zola. Malgré sa proximité avec Berthe Morisot, Manet en 1874, se tient à l’écart de la première exposition des impressionnistes, alors que certains prenaient le peintre du Déjeuner sur l’herbe pour le champion du pleinairisme. D’autres, comme Degas, parlent même de désertion. C’est que les intérêts de Manet sont ailleurs. Ce n’est pas la nature qui retient son attention, mais le paysage urbain, plus exactement certaines scènes de la vie urbaine. Ce seront Le Bon Bock, Le Chemin de fer, Le Bal masqué à l’Opéra. Et bientôt Nana, refusée au Salon, mais exposée dans la vitrine du marchand Giroux, boulevard des Capucines. Le succès est immédiat et Huysmans consacre un grand article au peintre.


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Le Déjeuner sur l’herbe, 1863. Huile sur toile. 208 x 264,5 cm. Paris, Musée d’Orsay. © Musée d’Orsay (dist. RMN)/Patrice Schmidt Washington

Sans se laisser décourager par les rebuffades qu’il ne cesse d’essuyer, Manet continue à présenter ses tableaux au Salon. Ce qui ne l’empêche pas d’exposer de façon plus libre à la galerie de La Vie moderne. Une façon de concilier tradition et modernité. Comme dans ses nombreuses natures mortes - un cinquième de l’œuvre entière - qui furent souvent composées pour des raisons matérielles, les grands tableaux de figures ne se vendant guère. Manet, ici encore, rend hommage aux maîtres anciens, tout en renouvelant les cadrages et en simplifiant le sujet jusqu’au dépouillement extrême d’une unique asperge. Néanmoins, jusqu’au bout, Manet n’oublie pas que la grande peinture reste la peinture d’histoire. Il l’a prouvé avec l’Exécution de Maximilien, sujet éminemment politique et qui fut censuré par Napoléon III. Il s’en souvient encore dans son dernier projet, resté inachevé, qui devait être consacré à l’évasion de Rochefort dans un canot en pleine mer. Une façon de signaler que ses convictions politiques, même s’il ne les met pas toujours en avant, n’ont pas varié. N

robert.kopp@unibas.ch

Art

Pr. Robert Kopp PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D’ÉTUDES FRANÇAISES DE BÂLE. MEMBRE CORRESPONDANT DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

ARTPASSIONS

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Génieduverre,magieducristal…

RenéLaliqueasonmusée

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ARTISTE RÉVOLUTIONNAIRE, BIJOUTIER RENOMMÉ DE LA BELLE EPOQUE, FAVORI DE SARAH BERNHARDT, ADMIRÉ PAR GALLÉ, RENÉ LALIQUE FUT SURNOMMÉ LE « RODIN DES TRANSPARENCES » PAR LE POÈTE MAURICE ROSTAND. UN MUSÉE QUI, À LA HAUTEUR DU GÉNIE ET DU RAYONNEMENT DE CE GRAND CRÉATEUR DE L’ART NOUVEAU ET DE L’ART DÉCO, PRÉSENTE UN IMPORTANT ENSEMBLE DE SES ŒUVRES. PETIT JOYAU IMPLANTÉ SUR UN ANCIEN SITE VERRIER, EN ALSACE.

rès attendu, le musée dédié à René Lalique (1860-1945) a ouvert ses portes, en Alsace, à Wingen-sur-Moder, où le “génie du verre” avait choisi d’implanter son usine en 1921. Cette ancienne verrerie était en activité aux XVIIIe et XIXe siècles avant d’être fermée. Un demi-siècle plus tard, René Lalique fonde la verrerie d’Alsace, engage des ouvriers spécialisés, verriers, tail-

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© Wilmotte

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leurs et graveurs, venant principalement des établissements proches : Saint-Louis, Meisenthal ou Vallérysthal, renouant ainsi avec la tradition verrière de Wingen. Dans ce lieu de mémoire consacré à l’art du bel objet, plus de 600 pièces (dessins, bijoux, flacons, luminaires, vases, cristal, verres qui subliment le vin…) sont exposées sur 900 m² dans une scénographie imaginée par Ducks Sceno et l’Agence Wilmotte associée aux architectes Chiodetti et Crupi, de Colmar : respect du patrimoine et intégration paysagère des nouveaux bâtiments, choix des matériaux et création des jardins par les paysagistes Neveux et Rouyer, clin d’œil à la nature tellement observée par ce créateur qu’était Lalique. Unique en Europe, le musée a obtenu l’appellation Musée de France. Il est doté, entre autres, d’un auditorium de 85 places et de trois salles de travail.

© Andy Small – John Nemeth Collection 2010

Voici ce que vous découvrirez en visitant le Musée Lalique…

…Notamment cette superbe broche ayant appartenu à Sarah Bernhardt, ou ce bouchon de radiateur à tête de cheval. © Lalique

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© Musée Lalique

>> Lalique, joaillier exceptionnel

Bijoutier d’avant-garde, René Lalique compte parmi les grands créateurs de l’Art nouveau et de l’Art Déco. Il ouvre sa première maison à Paris, en 1885. Reconnu comme l’un des plus importants dessinateurs de bijoux Art nouveau en France, il dessine sans relâche, étudie le corps féminin pour en faire des études afin de “créer quelque chose qu’on n’aurait pas encore vu” et l’utilise audacieusement comme élément d’ornementation ! Fervent observateur de la nature, cet inventeur du bijou moderne y puise son inspiration et a recours à des matériaux alors peu utilisés : corne, ivoire, pierres semi-précieuses, émail et bien sûr… le verre. Sarah Bernhardt passe commande de diadèmes, colliers, ceintures et autres spectaculaires accessoires de scène, ce qui lui assure gloire et notoriété. Triomphe également à l’Exposition universelle de 1900 où ses œuvres novatrices sont unanimement admirées. René Lalique reçoit des commandes du monde entier et fournira les plus grands bijoutiers de l’époque : Boucheron, Cartier…

au verre dont il maîtrise les effets de transparence. Afin de perpétuer l’esprit de tradition de l’Art nouveau - courant artistique dont le but était de faire entrer l’art dans toutes les maisons - Lalique met son savoir-faire au service du célèbre parfumeur François Coty qui lui confie la création des flacons de ses

L’élégance à fleur de verre Las d’être plagié - tribut de la célébrité René Lalique se tourne vers de nouveaux horizons. Le verre l’attire… Ses premières expérimentations dans ce domaine datent des années 1890. Il organise une dernière exposition de bijoux et le grand public le redécouvre en maître-verrier. Se démarquant de ses prédécesseurs, l’artiste délaisse le verre multicouche aux couleurs variées au profit des qualités naturelles du verre : limpidité et transparence. Dès lors, et jusqu’à la fin de sa vie, René Lalique se consacrera www.expatria-cum-patria.ch

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À gauche : l’usine en 1924. À droite : en 1925.

Émaillage, retouche et contrôle de la qualité font partie de la charte Lalique.

© Musée Lalique


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Le vase des “Bacchantes”.

parfums. Le visiteur du musée peut admirer plus de 230 flacons de parfum, prêtés pas Silvio Denz, Président de la Société Lalique. Le maître signe également des bouchons de radiateurs pour les automobiles des Années folles : Citroën, Bentley et autres Rolls Royce ; la décoration de wagons de l’Orient Express ; la salle à manger première classe du paquebot “Normandie”…

© Musée Lalique

Verre et cristal mis en scène À l’entrée du musée, un lustre monumental brille de mille feux ! Réalisé en 1951 par Marc Lalique, fils

de René, pour l’exposition « L’art du verre » au Musée des Arts décoratifs de Paris, ce lustre exceptionnel d’une hauteur de 3 mètres, pesant 1 700 kg et composé de plus de 300 pièces, a été entièrement restauré dans les ateliers Lalique de Wingen-sur-Moder afin d’être à nouveau présenté au public. Le fonds du Musée constitué grâce à des acquisitions, soutenu par les collectivités territoriales, le Fonds régional d’Acquisition pour les Musées et de nombreux mécènes, est également doté de legs exceptionnels de la Société Lalique, de collectionneurs privés et de musées parisiens (les Arts Décoratifs, le Musée des Arts et Métiers…). Tout au long du parcours riche en émotions esthétiques, on découvre la vie et les œuvres

C’est avec le feu de la passion que s’obtient la perfection (ci-contre, Veilleuse Deux Paons - 1920).

© Shuxiu Lin - Collection privée

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de René Lalique, ainsi que celles de ses successeurs, Suzanne, Marc et Marie-Claude. Les thèmes chers à Lalique Parmi les sujets d’inspiration préférés de Lalique, les “3 F” : Femme, Faune et Flore. René Lalique a exploré à travers ses créations toutes les possibilités ornementales de la faune et la flore, à un niveau de perfection jamais égalé. Serpents, perruches, sauterelles, scarabées agrémentent vases, pendulettes, carafes ou flacons. L’œil s’arrête

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© Wilmotte

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>> sur les courbes voluptueuses de nus ou de

déhanchés délicats autant d’odes à la femme douce et mystérieuse, comme les aimait René Lalique. Une table tactile permet de découvrir les différentes étapes de la fabrication du vase “Bacchantes”, créé en 1927 et toujours “must”. Les hommes et les femmes qui perpétuent aujourd’hui encore le savoir-faire sont mis à l’honneur au travers d’un film sur la manufacture qui révèle quelques secrets de la magie du travail du cristal. Savoir-faire exceptionnel des verriers Car, en cette adresse mythique, près de deux cent hommes et femmes, mettent leurs connaissances au service de la création. Dans la halle, autour du four, une chorégraphie s’organise, la matière en fusion prend forme. Le travail de sculpture se poursuit dans les ateliers à froid pour rendre les pièces conformes à l’intention du créateur. Parmi ces artisans, six Meilleurs Ouvriers de France, symboles d’excellence, fierté de l’entreprise…

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Atout important pour le musée, l’aménagement des jardins renforce l’aspect convivial du site et relie, par le choix des essences, les créations à la nature tant appréciée par René Lalique : parterres classiques sur le parvis du musée, jardin floral allant du lys à l’anémone en passant par les dahlias et les bleuets et jardin boisé situé sur le toit de l’exposition. Un espace de restauration offre l’attrait d’une pause gourmande. Comme le dit si bien Otto Steiner scénographe suisse de renom : « Il faut des musées qui fassent briller les yeux ! » N FRANÇOYSE KRYER

Le Muse ́e Lalique a été conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte.

Informations pratiques Musée Lalique Rue de Hochberg F - 67 290 Wingen-sur-Moder Tel. +33 (0)3 88 89 08 14 info@musee-lalique.com - www.musee-lalique.com Horaires d’ouverture : Du 1er avril au 30 septembre : tous les jours de 10 h 00 à 19 h 00 Du 1er octobre au 31 mars : du mardi au dimanche de 10 h 00 à 18 h 00

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À L’OCCASION DE SON CINQUIÈME ANNIVERSAIRE, LE CENTRE NATIONAL DU COSTUME DE SCÈNE REND HOMMAGE À LA COMÉDIE FRANÇAISE, UN DES PRINCIPAUX AMBASSADEURS DU THÉÂTRE FRANÇAIS DANS LE MONDE. L’EXPOSITION PRÉSENTÉE – UN ENSEMBLE EXCEPTIONNEL DE PLUS DE 200 COSTUMES – EST DÉDIÉE AUX NOMS ILLUSTRES QUI ONT MARQUÉ SON HISTOIRE ET PORTÉ CES COSTUMES.

© CNCS/Jean-Marc Teissonier, Ville de Moulins

Cncs

La célèbre Salle Richelieu de la Comédie Française sert de décor à l’exposition au CNCS.

Lesrichesheuresdu dela

costume Comédie-Française àMoulins(Allier)

© CNCS/Espace presse

© CNCS/Espace presse

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Ce fauteuil fatigué est une copie deux fois et demie plus grande de l’original.

Les magnifiques escaliers de grès jaune et rose.

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© CNCS/Christine Pulvery

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itué à Moulins, dans l’Allier, le Centre national du costume de scène (CNCS) occupe une partie du Quartier Villars, ancien quartier de cavalerie datant de la fin du XVIIIe siècle, classé Monument historique. Inauguré le 1er juillet 2006 et classifié Musée de France depuis 2009, le CNCS a déjà accueilli plus de 310 000 visiteurs. Il s’agit de la première structure de conservation, en France et à l’étranger, vouée au patrimoine matériel du théâtre dont la mission consiste en la conservation, l’étude et la valorisation de l’ensemble de plus de 9 000 costumes de théâtre, d’opéra et de ballets, et toiles de décors peints. Cette expérience inédite de décentralisation culturelle constitue un atout pour Moulins, comme le Centre Pompidou à Metz et le Louvre qui aura son annexe à Lens en 2012.

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Les fastes du brocart, de la soie, des broderies Le tapis rouge est déroulé et, dès l’entrée, l’émotion saisit le visiteur : le fauteuil dans lequel Molière-Argan donna l’ultime représentation du Malade

© CNCS/Pascal François

De belles matières dans un décor théâtral Le CNCS est le dépôt des trois institutions fondatrices : la Bibliothèque nationale de France, la Comédie-Française et l’Opéra national de Paris.

Mais également de dons provenant de théâtres, de compagnies, d’artistes, de costumiers (Christian Lacroix, Franck Sorbier). Quelle que ce soit la célébrité de l’artiste, la renommée du costumier, la beauté des matériaux, ces costumes représentent un témoignage du talent et de la créativité de ceux qui les ont créés. Ils proviennent de spectacles sortis du répertoire - théâtre, opéra, ballet. Une fois intégrés dans les collections du CNCS et ayant acquis le statut d’œuvres, ils ne seront plus jamais portés. « Le textile - fibres naturelles, broderies, brocart - est trop fragile pour être montré de manière continue, c’est pourquoi nous ne programmons que des expositions temporaires. Chacune est conçue dans une scénographie spécifique et théâtralisée, par des scénographes issus du monde du théâtre de la mode et du milieu de la couture, tel Roberto Platé, artiste argentin. Au rez-de-chaussée, les trois travées attenantes à l’accueil accueilleront, début 2013, un espace permanent dédié à Rudolph Noureev : vie et parcours de ce génial danseur et chorégraphe, effets personnels et mobilier lui ayant appartenu comme ce canapé de velours provenant de l’appartement de Maria Callas… » explique Vincent Foray, administrateur au CNCS.

Les costumes du Bourgeois Gentilhomme se reflètent dans le miroir de l’eau.

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Robe Renaissance portée en 1974 dans Hernani.


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voix bien timbrée, la grande Sarah Bernhardt… Le public se laisse guider à travers un parcours au décor rouge et or de la salle Richelieu de la Comédie-Française. L’escalier monumental en pierre blonde de Coulandon mène au premier étage. Suivre le tapis noir, c’est partir à la découverte des coulisses. Le tapis rouge conduit côté scène, sous les feux de la rampe. Habits d’apparat et tuniques brodées portés par

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© CNCS/Pascal François

Imaginaire est là, ô combien émouvant. Ou plutôt, sa copie en deux fois et demie plus grande, au cuir fendillé, d’où s’échappe de la bourre. L’original est exposé sous verre dans le foyer de la Comédie-Française. Le 15 janvier, jour anniversaire du baptême de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, ce fauteuil géant est exposé place Colette, en hommage à l’auteur et au comédien. Les salles du rez-de-chaussée servaient jadis d’écuries pour les chevaux. Outre une série de gilets Louis XV authentiques, utilisés jusque dans les années 1970, les vitrines présentent des bijoux et accessoires de scène ayant appartenus à des comédiens célèbres : Talma, Rachel, Mounet-Sully à la

Christian Lacroix a laissé son talent s’exprimer au restaurant : tapis, murs, sets de table...

Habit créé au XVIIIe siècle et réutilisé au XXe, pour le rôle de Pasquin dans Le jeu de l’Amour et du hasard de Marivaux.

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Reconstitution d’une loge d’artiste.


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Mounet-Sully, “monstre sacré” de son époque, par Francis Huster, Jean Marais... Vestiges de costumes, notamment celui de l’Orphelin de la Chine, d’après Voltaire, lequel abandonna ses parts afin de financer ces costumes d’un genre nouveau. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les pièces contemporaines étant interprétées en costumes contemporains, les comédiennes se procuraient les leurs auprès de couturiers privés. Julia Bartet, Cécile Sorel, Béatrice Bretty dictèrent ainsi la mode à la scène comme à la ville et le théâtre assurait toutes les dépenses. Des nombreux talents qui ont de l’étoffe Dès 1936, époque de la mise en scène moderne, le costumier fut reconnu comme artiste. Les créateurs ont pour noms : Suzanne Lalique, fille du maître verrier, Christian Bérard, Carzou, Cecil Beaton… Période brillante qui vit déclamer JeanLouis Barrault, Maurice Escande, Marie Belle, Louis Seigner, Robert Manuel, Annie Ducaux, Jean Marais. Puis on aborde le costume de manière différente : évolution des matières, veine décorative baroque, modernité hors du temps avec entre autres, Christian Lacroix et ses innovations - fils verts et bleus évoquant de la mousse et des algues accrochées au bas d’une robe (Fantasio 2008), Thierry Mugler, Renato Bianchi, Directeur des costumes et de l’habillement à la ComédieFrançaise. Le côté coulisses fait la part belle au travail des ateliers de la Comédie-Française, métiers de l’ombre indissociables du spectacle, à la frontière de l’artisanat et du travail de création : tailleurs, modistes, coiffeurs, lingères, repasseuses, habilleuses, régisseurs... Une large place étant accordée aux costumes portés lors des pièces des grands auteurs, Corneille, Racine et surtout Molière, il fallait clore la visite de façon spectaculaire. Le parcours se termine donc en apothéose : la mise en scène insolite des costumes portés lors des représentations du Bourgeois Gentilhomme. Accrochés aux murs, suspendus, domptant l’espace, robes, jabots, gilets se reflètent à la surface d’un plan d’eau sobrement éclairé. Le “patron” aurait apprécié… Espaces thématiques et ludiques L’auditorium de 100 places offre une programmation de films documentaires en continu. L’Ina (Institut national de l’audiovisuel) s’est associé à l’hommage rendu à la Comédie-Française, radio et télévision ayant largement fait entrer l’“illustre maison” dans les foyers. Des cloches à sons

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Sur le tapis rouge de l’entrée, Vincent Foray, administrateur du Cncs.

Le bâtiment de réserves des costumes, dessiné par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. © CNCS/Jean-Marc Teissonnier

permettent de mieux suivre sur écrans des séquences filmées retraçant les riches heures de la Comédie-Française : retransmissions de pièces du répertoire, répétitions, documentaires… Le bâtiment contemporain qui sert de réserve est un véritable coffre-fort de béton revisité par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. 1 730 m2 de travées immaculées où armoires et vastes tiroirs abritent tutus, chapeaux, masques, chaussures, costumes suspendus à des cintres rembourrés… Un espace dédié à des réserves visibles par le public est à l’étude. Le Café-Brasserie agréablement griffé Christian Lacroix propose des instants gourmands, matin et aprèsmidi. Sur la pelouse, le long des tilleuls taillés de manière à former des allées rectilignes et parallèles, des chaises longues invitent au repos. …Le soleil décline et la façade de l’ancien quartier de cavalerie se colore de rose. Regards sur la ville, de l’autre côté de la rivière Allier : les clochers, le beffroi, le charme et la douceur de vivre de Moulins… N

Françoyse Krier

Exposition “L’art du costume à la Comédie-Française” Centre national du costume de scène Quartier Villars - Route de Montilly - 03000 MOULINS Tél. 04 70 20 76 19 • Fax 04 70 34 23 04 • www.cncs.fr Du 11 juin au 31 décembre 2011. Tous les jours, de 10 h à 18 h (19 h en juillet et août). Du 29 janvier au 15 mai 2012, exposition “L’Envers du décor”. Tous les jours, de 10 h à 18 h.

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francoyse.krier@bluewin.ch

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Moulins et sa région en pays bourbon

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boiseries style art déco, volutes rococco, angelots joufflus, plafonds peints, jeux de miroirs aux perspectives infinies… À 18 ans, Gabrielle Chanel travaillait, avec sa tante Adrienne, dans un magasin de confection de Moulins. On dit que c’est au Grand Café, encouragée par le lieutenant Étienne Balsan, qu’elle aurait poussé une chansonnette qui lui valut le surnom de Coco. Le Restaurant des Cours fait partie de Terroir et Patrimoine. Patrick et Martine Bourhy, passionnés de cuisine française, mettent en avant les produits du Bourbonnais et possèdent une des plus belles caves de Moulins. Souvigny. Cet ensemble prieurial est le plus vaste et plus bel édifice du Bourbonnais. On peut y admirer la Colonne du zodiaque, pilier sculpté unique au monde datant du XIIe siècle. Des fouilles mettent continuellement à jour de nouveaux trésors. A ne pas manquer : les Journées musicales d’Automne et les concerts donnés par des organistes renommés sur l’orgue historique François-Henri Cliquot (1783). www.moulins-tourisme.com

© Jean-Marc Teissonnier, ville de Moulins

apitale des Bourbons, Moulins regorge de trésors à découvrir, notamment le centre historique médiéval au charme intact : maisons aux façades à pans de bois, hôtels particuliers, cours intérieures… En 1540, Jeanne d’Albret épouse Antoine de Bourbon, roi de Navarre dans la chapelle du château de Moulins. Leur fils Henri IV sera le premier Bourbon à monter sur le trône de France. Aujourd’hui, le prince Charles-Henri de Lobkowicz, petit-neveu de l’impératrice Zita et descendant des Bourbons en Bourbonnais, restaure le château de Bostz et souhaite en faire un musée du Bourbonnais. Place de l’hôtel de ville, se dresse le Jacquemart, beffroi de 30 m de haut. Après un incendie qui détruisit la partie haute, en 1655, le beffroi fut reconstruit et une famille d’automates frappe les heures sur une cloche. La cathédrale abrite un chef-d’œuvre de renommée internationale et convoité par le Louvre : le Triptyque du Maître de Moulins, représentant une Vierge en Gloire entourée du duc Pierre II, de la duchesse Anne, fille de Louis XI et de leur fille Suzanne. Malgré de nombreuses recherches, ce tableau garde tout son

mystère quant à l’identité de son créateur. La Chapelle de la visitation regroupe de magnifiques objets de dévotions réalisés par les Visitandines. L’intérêt de ces collections réside dans leur richesse, leur état de conservation et dans l’ensemble des informations concernant ces objets. Après un siècle de “sommeil” notifié dans le testament de Louis Mantin, la Maison Mantin livre au public l’immense richesse des collections excentriques que son extravagant propriétaire a réunies tout au long de sa vie. Le Grand Café fait partie des dix plus belles brasseries 1900 de France :

Le triptyque représentant une Vierge en gloire.

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Les escapades culturelles de Kathereen Abhervé

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Le Pont Neuf © Ville de Toulouse Patrice Nin

Toulouse TOULOUSE EST NÉE DE LA GARONNE, IL Y A PLUS DE 2000 ANS. GRÂCE À SA SITUATION PRIVILÉGIÉE ENTRE PYRÉNÉES, MASSIF CENTRAL, MÉDITERRANÉE ET ATLANTIQUE, ELLE S’EST RAPIDEMENT IMPOSÉE COMME LA MÉTROPOLE D’UNE VASTE RÉGION DE CONVERGENCE DES EAUX, DES HOMMES ET DES CULTURES. LES ROMAINS PUIS LES WISIGOTHS EN FIRENT LEUR CAPITALE. VERS L’AN MILLE, ELLE DEVINT CELLE DES PUISSANTS COMTES DE TOULOUSE. APRÈS AVOIR ÉTÉ LE CŒUR BATTANT DE L’HÉRÉSIE CATHARE, TOULOUSE L’OCCITANE CONNUT UN DÉCLIN NOTOIRE À LA FIN DU XVIIIE SIÈCLE MAIS RETROUVERA AU XXe SIÈCLE, SA DIMENSION DE MÉTROPOLE ET S’IMPOSERA COMME CAPITALE DE LA RÉGION MIDI-PYRÉNÉES.

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Les escapades culturelles de Kathereen Abhervé >> La Garonne, source de vie

Les quais de la Garonne

Traversée par la Garonne qui prend sa source dans les Pyrénées et se jette dans l’Atlantique, Toulouse est aussi parcourue par le canal du Midi, le canal latéral et le canal de Brienne. C’est sur l’un des derniers gués de la Garonne (le gué de Bazacle), à l’endroit où le fleuve change de direction, que les Gaulois puis les Romains choisirent de s’établir. Malgré les caprices de ce fleuve situé au centre d’un impressionnant réseau d’affluents, les hommes de l’Antiquité l’utilisèrent, de Toulouse à l’Atlantique, pour transporter le vin. La Méditerranée ne sera accessible par voie d’eau qu’à la fin du XVIIe siècle grâce à la construction du canal du Midi. Cet important axe de navigation et de transport de marchandises fut abandonné vers 1980 au profit du tourisme fluvial. La Garonne a également fourni aux Romains, la terre limoneuse et le sable de son lit nécessaires à la fabrication des briques avec lesquelles ils bâtirent leur cité. Faute de pierre dans la région, cette tradition perdure depuis plus de deux millénaires. Toulouse s’est édifiée au fil des siècles en briques roses, des hôtels particuliers des riches pastelliers du XVIe siècle aux édifices religieux, ce qui lui confère cette couleur mythique chère au pinceau des peintres et au cœur des poètes.

Enfant du pays, Claude Nougaro savait chanter sa ville et son fleuve dont les berges de la rive droite, situées entre la place Saint-Pierre et les quais de Tounis, sont protégées depuis 1943. Aménagés pour la promenade et la farniente, les quais attirent les Toulousains dès les premiers rayons de soleil. Ici, sur l’ancien port commercial de la Daurade où des cafés-glaciers s’installent l’été, des jeunes jouent de la musique. Plus loin à l’abri d’un grand chapeau de paille, un peintre tente d’immortaliser une larme de soleil glissant sur le Dôme de la Grave. D’autres à l’ombre des platanes, pique-niquent en famille ou regardent glisser silencieusement les yoles aux délicats avirons et les bateaux de plaisance. En attendant l’heure vespérale où les arches du Pont Neuf auréolées de lumière se miroiteront dans l’eau du fleuve, des étudiants installés à la terrasse de l’un des cafés branchés de la place Saint-Pierre, sirotent un « pousse rapière » (boisson alcoolisée à base de liqueur d’Armagnac aromatisée à l’orange amère). Les plus sportifs enfourchent leur vélo pour profiter du calme et de la fraîcheur des chemins de halage ombragés bordant les cours d’eau de la ville. Lieux festifs et conviviaux, les quais de Toulouse accueillent l’été venu, des festivals de musique, Ainsi le parc de la Prairie des Filtres situé sur la rive gauche, reçoit le festival des musiques du monde « Rio Loco » et les « Siestes électroniques ». Amoureuse de son fleuve, Toulouse poursuit sans relâche la protection de ses rives, aménageant ses îles en espaces verts et installant aux beaux jours une plage de sable fin sur l’île du Ramier située entre deux bras de la Garonne.

Un projet fou Depuis l’Antiquité, les hommes ont rêvé de relier la Méditerranée à l’Atlantique et des générations d’ingénieurs s’y sont cassé les dents. C’est Pierre Paul Riquet, un fermier de gabelles de Louis XIV, sans véritables connaissances scientifiques, qui trouva la solution. Acceptés par le roi, les

Le canal de Brienne.

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travaux pharaoniques commencés en 1667 durèrent une quinzaine d’années, engloutirent la fortune de l’entrepreneur et celle de ses héritiers, nécessitèrent le déblaiement de 7 millions de m3 de terre, la construction de 328 ouvrages d’art (ponts, écluses et aqueducs) et le travail de 12 000 hommes convenablement rémunérés. Riquet avait en effet élaboré pour ses ouvriers un plan social d’avant-garde. Il mourut d’épuisement avant de voir l’achèvement de son œuvre. Il ne restait que 3 km à creuser avant d’atteindre la mer ! La construction de ce canal de 240 km baptisé canal du Midi fut achevée par Vauban et représenta une véritable manne économique. L’avènement du chemin de fer lui sera fatal. Depuis une trentaine d’années, les bateaux de plaisance ont succédé aux « barques de patron » contraintes d’abandonner cette voie d’eau classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996. Le canal du Midi, le plus ancien canal d’Europe encore en activité, traverse Toulouse sous une voûte de platanes plus que centenaires. Des bateaux-restaurants offrent des excursions gourmandes aux visiteurs, qui tout en dînant tranquillement au fil de l’eau, sont grandement surpris lorsque leur embarcation glisse tout à coup.... au dessus d’une autoroute. Construit sur le principe des aqueducs, ces ingénieux ponts-canaux permettent aux bateaux de traverser les vallées.

Le canal de Brienne ne fut construit quant à lui, qu’au XVIIIe siècle pour relier la Garonne au canal du Midi. Le troisième larron, le canal latéral appelé aussi « canal des deux mers » fut réalisé au milieu du XIXe siècle pour prolonger le canal du Midi vers Bordeaux afin d’éviter d’emprunter la Garonne bien trop dangereuse. Ces trois canaux se rejoignent au bassin de l’Embouchure où les Ponts-Jumeaux permettent à leurs eaux d’entrer dans ce bassin.

Un passage obligé : la Place du Capitole À Toulouse, le visiteur à pied est roi. Près de 10 hectares d’espace piétonnier sont mis à sa disposition au centre-ville afin de favoriser la découverte d’un patrimoine architectural exceptionnel. Une véritable aubaine pour les photographes qui, l’œil sur le viseur, peuvent s’adonner librement à leur passion. Une visite de Toulouse doit impérativement commencer au cœur de la cité, sur la place du Capitole, lieu de rassemblement des Toulousains qui s’y retrouvent tout au long de l’année à l’occasion de marchés, de fêtes et de manifestations culturelles. En son centre l’artiste Raymond Moretti y a réalisé une immense croix occitane en bronze témoignant de l’attachement des Toulousains pour leurs racines. Cette croix grecque à 12 branches utilisée depuis le XIIIe siècle par les Comtes de Provence, est devenue l’emblème de la ville et de la région Midi-Pyrénées. Elle flotte au-dessus de l’entrée du Capitole. Construite au XVIIIe siècle en briques et en pierres et ponctuée des huit colonnes représentant les huit Capitouls (consuls de la ville), l’élégante façade néo-classique du Capitole se déploie sur plus de 128 mètres pour abriter l’hôtel de Ville et l’opéra qui cohabitent en parfaite harmonie. Par contre l’harmonie n’a pas toujours régné à Toulouse, surtout lorsqu’elle fut assiégée par Simon de Monfort à la tête de la Croisade des Albigeois. Pourtant, durant la période faste de la puissante dynastie des comtes de

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Le canal du Midi. © José Manuel Herrador

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Toulouse, la Ville Rose était devenue la cour la plus belle de l’Europe médiévale. À la chute du dernier de ses comtes, Toulouse, dont le cœur avait battu pour l’hérésie cathare, fut rattachée au royaume de France en 1271.

Flânerie dans le centre historique S’ils sont passés par la place du Capitole, les visiteurs pourront ensuite flâner selon leurs envies et leurs goûts. Certains partiront à l’assaut des parcs, jardins, serres et squares, véritable poumon vert de la Ville Rose qui, depuis le XVIIIe siècle, offrent de nombreux lieux de curiosité et de détente à ses habitants. D’autres, guidés par les clochers qui se font concurrence dans le ciel toulousain, iront se recueillir sous les voûtes de pierre des nombreux édifices religieux dont le fleuron est incontestablement la basilique romane Saint-Sernin. Édifiée au XIe siècle, elle est considérée comme la plus grande église romane d’Europe et son clocher octogonal coiffé d’une flèche au XVe siècle a servi de modèle aux clochers dits « toulousains » de la région. Il faudra admirer à la nuit tombée, l’élégance de ce clocher monumental mis en valeur par le « Plan Lumière » de la ville. Pour l’anecdote, son illumination équivaut à la puissance électrique de

deux fers à repasser ménagers, un exploit qui a permis à Toulouse d’obtenir en 2005, le 1er prix du Concours Lumière National. Ne manquez surtout pas les Jacobins dont l’église accolée au cloître, surprendra par la grâce aérienne de ses voûtes d’ogives se ramifiant en un élégant palmier. À voir également, au cœur du quartier des antiquaires, la cathédrale SaintÉtienne, résultat d’un bien curieux patchwork architectural éclairé par une magnifique rosace. Les uns pousseront simplement la porte de l’un des nombreux musées de la ville pour y admirer des marbres antiques, des collections de peinture classique, de l’art contemporain ou des plantes rares. Certains curieux préfèreront arpenter les ruelles pavées indiquées par des plaques portant le nom français et occitan. La plus ancienne, la rue Saint-Rome, vivante et commerçante, est bordée par les riches demeures bâties par les Capitouls dès le XIIIe siècle. Les autres aimeront découvrir, au hasard d’une place, au fond d’une cour intérieure, la délicatesse d’une fontaine ou l’élégance italienne des façades de briques et de pierres des nombreux hôtels particuliers édifiés au XVIe siècle par les « pastelliers » enrichis grâce au commerce de la célèbre petite plante bleue.

Le siècle d’or du pastel Toulouse, surnommée la Ville Rose, aurait également pu s’appeler la Ville Bleue, du fait du lien étroit qui l’a liée durant un siècle aux feuilles du pastel dont la culture et le commerce l’ont enrichie. Le bleu unique du pastel devint follement à la mode à la Renaissance et les gens fortunés voulurent se procurer cette teinture exceptionnelle et coûteuse obtenue après de nombreuses opérations. Les petites coques ou cocagnes de pastel résultant du broyage et du pétrissage des feuilles

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1. L’église SaintSernin, la nuit. 2. Spectacle aux Jacobins © C.R.T M.P / D. Viet. 3. Graine de Pastel © Graine de Pastel.

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La place SaintGeorges et ses terrasses. © Ville de Toulouse Patrice Nin / Julien Dromas

servirent même de monnaie d’échange. Cet or bleu trouva, dans un triangle formé par les villes de Toulouse, Albi et Carcassonne, véritable « pays de cocagne », un terrain propice et un climat favorable à sa culture et fit rapidement la fortune des négociants toulousains. Le pastel fut importé dans tout l’Occident. Des routes terrestres et maritimes furent créées et Toulouse devint la plaque tournante de ce commerce qui dura un siècle (1463 à 1560). Les guerres de Religion puis l’arrivée de l’indigo américain lui portèrent un coup fatal. De cette période faste, Toulouse conserve une cinquantaine d’hôtels particuliers bâtis par les nouveaux riches « pastelliers » peu enclins à la simplicité et à la discrétion. De ces palais extrêmement somptueux inspirés pour la plupart de la Renaissance italienne, les visiteurs ne manqueront pas l’élégant hôtel d’Assézat, devenu le siège de la fondation Bemberg et l’hôtel de Bernuy recyclé en collège. Ces hôtels particuliers de loin les plus remarquables, ne doivent pas occulter d’autres résidences comme les hôtels de Pierre, Hugues de Boysson, du Vieux Raisin ou l’ancien hôtel Delfau transformé en boutique, où vous apprendrez tout ce que vous devez savoir sur le pastel. Par exemple qu’une tonne de feuilles de pastel est nécessaire pour obtenir 50 kg de teinture...

Sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle Mais avant de connaître la richesse des pastelliers de la Renaissance, Toulouse a vécu au

Moyen-Âge au rythme du pas des hommes qui effectuaient le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Se trouvant sur la voie d’Arles (via Tolosana), la Ville Rose devint dès la fin du XIe siècle le passage obligé des pèlerins se rendant en Galice. Il leur était demandé de vénérer les reliques de Saint-Saturnin martyrisé en 250, pieusement conservées dans la crypte de la basilique Saint-Sernin, l’un des centres religieux les plus importants de l’Occident chrétien. Cette église où le pape Urbain II prêcha la première croisade (1096), avait le grand privilège de posséder d’autres reliques, comme celles de Jacques le Majeur, Jacques le Mineur et de saint Philippe. De plus avec un morceau de la Vraie Croix et la Vierge Noire conservée à l’église de la Daurade, le succès était garanti et les pèlerins affluèrent de toute l’Europe. La ville fut par conséquent contrainte de construire des hôpitaux, hospices et hôtelleries. L’hôpital Saint-Jacques en bordure de Garonne, fut bâti au XIIe siècle pour accueillir les pèlerins et soigner les malheureux. Rebaptisé Hôtel-Dieu au XVIe siècle, ce bâtiment ainsi que la basilique Saint-Sernin ont été classés au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, comme de nombreux autres biens dont la Région Midi-Pyrénées regorge.

L’art de vivre toulousain Il ne faudrait tout de même pas croire que Toulouse et sa région n’aient eu qu’une vocation spirituelle. Chacun sait que le Sud-Ouest est particulièrement attaché à la gastronomie. À Toulouse, l’art de vivre n’est pas un vain mot. Aux premiers rayons de soleil les cafés, fort nombreux (190 cafés et bars), et les restaurants déploient leurs terrasses dans les rues piétonnes et sur les places aussitôt prises d’assaut par les Toulousains. Il y a celles incontournables de la place du Capitole recherchées pour la fraîcheur de leurs arcades, leurs glaciers et leurs cafés classés (le café Bibent et le café Flo-

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rida). Au soleil couchant, il est recommandé d’aller prendre l’apéritif sur la minuscule terrasse du Café des Artistes située place de la Daurade, afin d’admirer la lumière exceptionnelle qui nimbe la Garonne. Les étudiants se retrouvent plutôt sur les terrasses branchées de la place Saint-Pierre en bordure du fleuve. Les gourmands, quant à eux, se donnent rendez-vous sous les larges parasols des terrasses de la jolie place Saint-Georges. Jadis théâtre de l’exécution de Jean Calas injustement accusé puis réhabilité grâce au zèle de Voltaire, ce lieu est l’un des plus prisés de la ville pour la qualité de ses restaurants. La table de Monsieur Georges par exemple, offre dans un cadre convivial une cuisine traditionnelle alliant les saveurs du terroir et les savoir-faire ancestraux. En dehors des cinq restaurants étoilés Michelin que compte Toulouse, gourmands et gourmets sont à la fête avec la gastronomie locale résultant d’un mélange d’influences 1 gasconnes et méridionales. Les principales spécialités culinaires s’illustrent par le foie gras, confits d’oie, de canard et de porc, rillettes, gésiers et magrets fumés, garbures et civets. La gastronomie fait d’ailleurs si bien partie du patrimoine immatériel de la Ville Rose, que des Olympiades du goût s’y déroulent depuis 2008 ! On ne quittera pas la Ville Rose sans avoir dégusté dans l’un de ses 800 restaurants, son fameux cassoulet. Pour prolonger ces plaisirs gustatifs, rien n’empêche de rapporter des conserves et des boîtes de fleurs de violette cristallisées, autre spécialité, disponibles dans les meilleures maisons traditionnelles ou sur l’un des charmants marchés couverts ou de plein air qui fleurissent chaque jour en ville. 1. Hall d’assemblage Une ville tournée vers le ciel d’Airbus Riche d’un passé glorieux et d’un patrimoine archi© Airbus S.A.S. tectural exceptionnel, Toulouse profondément en2. La façade du racinée dans un pays à forte identité, est avec ses théâtre du Capitole 430 000 habitants et ses 100 000 étudiants, la 4e © Patrice Nin. 3. L’intérieur du ville de France et la 3e ville universitaire. Elle est théâtre et son aussi la capitale de la région Midi-Pyrénées, la plus nouveau rideau grande de France. Quatrième aéroport régional © Patrice Nin. avec plus de 6 millions de passagers, Toulouse qui vit la naissance de l’aéropostale dans les années 20, est devenue, suite au lancement de l’Airbus A380, la capitale européenne de l’aéronautique. Une visite du site Airbus permet d’y voir les chaînes d’assemblage du plus gros avion de monde. Résolument tournée vers le ciel, Toulouse occupe, grâce au Centre National d’Études Spatiales, à Astrium et Alcatel où sont conçus et assemblés les satellites qui seront mis sur orbite par la fusée Ariane, le 2e centre spatial du monde. C’est à ce titre qu’une Cité de l’espace, lieu interactif de découverte, d’expérimentation et de compréhension de l’univers, propose aux visiteurs un formidable voyage dans les étoiles.

Une vie sportive et culturelle intense On ne saurait parler de Toulouse sans évoquer sa passion pour le sport, du football au golf, en passant bien sûr par le rugby qui y est né en 1907. Suite aux multiples titres de champion de France et Coupes d’Europe décrochés au cours de la dernière décennie par sa célèbre équipe du Stade toulousain, le rugby à été sacré le « sport roi » de Toulouse. Outre sa vie sportive très intense et ses nombreux stades dont le Stadium pouvant accueillir jusqu’à www.expatria-cum-patria.ch

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37 000 places, la Ville Rose, berceau de Claude Nougaro et Carlos Gardel, est une ville de culture. Elle compte de nombreux musées, une quinzaine de théâtres, une grande variété de salles et lieux de concerts, une cinémathèque, une bibliothèque d’étude du patrimoine, une école de cirque et son incontournable Théâtre du Capitole. Installé dans le bâtiment de la mairie, il programme opéras, opérettes et ballets. La musique classique a quant à elle, élu domicile à la Halle aux Grains qui depuis longtemps a abandonné sa vocation commerciale pour accueillir les musiciens de l’Or-

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chestre national du Capitole. Effectivement, depuis plusieurs décennies, Toulouse, soucieuse de sauvegarder et revaloriser son patrimoine architectural commercial et industriel, est devenue la championne de la reconversion, en transformant d’anciens édifices en lieux de culture. Ainsi les Abattoirs sont devenus un musée d’art contemporain, le Bazacle qui était une usine hydroélectrique a été reconverti en salle d’expositions, un ancien Château d’eau transformé en galerie, un second en bibliothèque et la Manufacture des Tabacs a, quant à elle, été rattachée à la faculté des Sciences.

Le Théâtre du Capitole Reconstruit en 1923 sur l’emplacement du premier théâtre érigé par les Capitouls en 1736, l’actuel Théâtre du Capitole, après avoir subi de multiples transformations, offre depuis septembre 2010 une salle à l’italienne élégante et sobre de 1156 places. Avec un budget de près de 20 millions d’Euros, ce théâtre emploie 260 personnes dont 45 chanteurs composant le chœur mixte, 35 danseurs formant la compagnie de ballet auxquels s’ajoutent 135 personnes (dont 116 musiciens) constituant l’Orchestre National du Capitole. Tous les deux ans depuis 1954, un Concours international d’art lyrique s’y installe.

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Considéré comme l’une des premières scènes lyriques françaises en termes de qualité, le Théâtre du Capitole est dirigé depuis 3 ans par Frédéric Chambert. Sa nouvelle saison 2011-212 est résolument placée sous le signe de l’ouverture. Principalement programmés sur la scène du Théâtre du Capitole, les spectacles peuvent également être présentés au Casino Théâtre Barrière et à la Halle aux Grains. Neuf productions lyriques, nouvelles, coproduites et accueillies et, pour la plupart, issues du répertoire italien, huit spectacles de danse dont deux créations et une dizaine de reprises, vingt-six récitals et concerts, de nombreuses rencontres avec le public, des offres d’ateliers et d’activités artistiques constituent l’ossature de l’affiche 2011-2012. Fondé au XVIIIe siècle à la création du théâtre, le Chœur du Théâtre du Capitole dirigé depuis 2009 par Alfonso Caiani, assure la saison lyrique de la maison, se produit en concerts dans la programmation de l’Orchestre et depuis les années 90, est l’invité privilégié des Chorégies d’Orange. Également créé il y a trois siècles, le Ballet doit sa réputation internationale à sa directrice actuelle Nanette Glushak qui depuis 1994 l’a élevé au rang des meilleures compagnies classiques et néoclassiques de France. Réputé pour son répertoire balanchinien et néoclassique, le Ballet fait aujourd’hui appel à des chorégraphes actuels comme Davide Bambana et Kader Belarbi qui en prendra les commandes dès la saison 2011-2012.

La Halle aux Grains L’arrivée de Michel Plasson en 1968 à la tête de l’Orchestre du Capitole a été une étape décisive pour la formation toulousaine dont la vocation symphonique s’est considérablement développée. En 35 ans, le chef français a multiplié les tournées à l’étranger et a enregistré chez EMI une soixantaine de disques. Devenu Orchestre National du Capitole en 1980, cette formation est actuellement considérée comme l’une des meilleures de France. Le jeune chef russe Tugan Sokhiev en assure la direction musicale depuis septembre 2008. L’activité de l’Orchestre National du Capitole est multiple et sa prochaine saison sera ponctuée de près de 150 concerts. Tout en assurant la saison lyrique et chorégraphique du Théâtre du Capitole (52 représentations), sa propre saison symphonique programmée à la Halle aux Grains (51 concerts), de nombreux concerts en région et des tournées à l’étranger (45 concerts), une douzaine de concerts éducatifs dans les établissements scolaires et des enregistrements, l’Orchestre est régulièrement invité dans les festivals. Cet été, il a participé à Aïda de Verdi et à deux concerts dans le cadre des Chorégies d’Orange. Lorsqu’il n’est pas à l’autre bout du monde, l’ONCT réside à la Halle aux Grains. Situé au centre-ville, ce bâtiment hexagonal aux magnifiques façades de briques fut construit en 1861 pour accueillir un marché aux céréales. Après avoir été reconvertie en Palais des Sports dans les années 50, la Halle aux Grains, sur une initiative de Michel Plasson, devint en 1974 lieu de résidence de l’Orchestre. Après des travaux conséquents, cette salle de concert à l’acoustique excellente peut accueillir 2 500 spectateurs. Alors maintenant, que diriez-vous d’un petit séjour à Toulouse ? N k.abherve@geneveopera.ch

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Renseignements Office de tourisme de Toulouse : +33 (0)5 61 11 02 22 www.toulouse-tourisme.com Théâtre du Capitole : +33 (0)5 61 63 13 13 www.theatre-du-capitole.fr Orchestre National du Capitole : +33 (0)5 61 63 13 13 www.onct.mairie-toulouse.fr

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Cadeau des Dieux OU L’AUTRE PAYS DU CHOCOLAT... « LES INDIENS PRÉTENDAIENT QUE LES FRUITS D’UN TEL ARBRE NE POUVAIENT ÊTRE DESTINÉS QU’À LA NOURRITURE DES DIEUX. EN EFFET, HERNANDO CORTEZ, EN DÉBARQUANT AU MEXIQUE, SE RENDIT À LA COUR DE MOCTEZUMA OÙ IL SE VIT OFFRIR UNE COUPE DE “TCHOCOATL”. IL TROUVA CE BREUVAGE FORT DÉSAGRÉABLE MAIS LES AZTÈQUES SE RÉCRIÈRENT EN LUI AFFIRMANT QUE C’ÉTAIT “LE NECTAR DES DIEUX” ET QUE QUETZACOALT, JARDINIER DU PARADIS, LEUR AVAIT LÉGUÉ CE TRÉSOR CAR ILS ÉTAIENT LES FILS DU SOLEIL. LES GUERRIERS ET LES NOBLES AVAIENT L’HABITUDE DE CONSERVER CE PRÉCIEUX CACAO DANS DES BOÎTES EN OR ET ILS NE S’EN SÉPARAIENT JAMAIS. AVANT QU’HERNANDO CORTEZ NE POSE LE PIED SUR LE SOL MEXICAIN, LE CHOCOLAT ÉTAIT RÉSERVÉ LE PLUS SOUVENT AUX HOMMES FAISANT PARTIE D’UNE CERTAINE ÉLITE. LES FEMMES ET LES ENFANTS SE VOYAIENT DÉCONSEILLER D’EN CONSOMMER EN RAISON DE SON CARACTÈRE ENIVRANT… »

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AVEC SON PACKAGING CARRÉ, TRÈS LOGIQUE ET CHIC, PIERRE MARCOLINI A RÉALISÉ LA QUADRATURE DU CHOCOLAT. UNE FOIS LA BOÎTE OUVERTE, ON PEUT L’AFFIRMER AVEC FORCE, TANT SES PRODUITS SONT EXCELLENTS : CE MONSIEUR A DU GOÛT ET C’EST UN BONHEUR DE L’ENTENDRE PARLER DE SA PASSION CONCERNANT CE PRODUIT NOIR AUX SAVEURS SI PRÉCIEUSES. ÉCOUTONS SON ENTHOUSIASME GUSTATIF QUI RÉVEILLE NOS PAPILLES.

Chocolat

Marcolini « Je viens du monde du sucré. Je suis chocolatier-pâtissier », dit-il clairement pour se présenter. « À 14 ans, je savais déjà ce que je voulais faire. Je suis allé dans une école à Bruxelles, et cela a été une révélation pour moi. Depuis, grâce au chocolat, c’est bien souvent les joies de la découverte et l’extase. » Pour Marcolini et la chocolaterie, le parcours se partage entre succès et exigence professionnelle. Deux paramètres qui ne sont pas toujours forcément liés. Mais Marcolini a su faire rimer croissance avec connaissance : « En 94, j’occupais 30 m2 en Belgique, puis, en 99, 1 500 m2 et en 2004, c’était 3 000 m2. Maintenant, Marcolini c’est 9 boutiques belges et 25 dans le monde avec 350 personnes employées. » Il ajoute : « Pour les Luxembourgeois nous sommes vendus en exclusivité chez Smets. » Le succès l’a, en quelque sorte, grandi et fait réfléchir. « Je me suis interrogé sur mon métier, explique-t-il, sur ce qu’est un artisan chocolatier. Car acheter un bon chocolat de couverture pour le faire fondre et y apposer sa marque après l’avoir repackagé, non merci ! » s’amuse Marcolini. Et de s’interroger encore : « Quand on écrit sur un chocolat : “Provenance Equateur”, c’est absurde ! Ce serait comme de dire d’un vin qu’il vient de France ! Sans distinguer la Loire, le Bordelais ou que sais-je encore ? » Il voit juste et, comme le vin possède des grands crus, il compte bien en faire de même pour le chocolat. « Je me suis attelé à faire de la chocolaterie en démarrant avec la fève et j’ai mis 10 ans à apprendre mon métier. Je ne peux plus travailler autrement maintenant. » Car il y a des fondamentaux dans le chocolat, des étapes essentielles pour transcender les quelque 120 à 130 arômes du nectar. Récolte, fermentation, séchage, torréfaction... Tout doit être précis, effectué avec noblesse pour exprimer l’âme du chocolat. Et d’ajouter : « La fève en concept, c’est une épice. On joue sur l’arôme en l’écrasant. Une tablette c’est comme un bon vin. Je veux donner ce que la fève exprime. » Dans le monde du chocolat, il y a autant de

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langages que de pays : Cuba, Mexique, Pérou... Autant d’univers qu’a traversés, tel un Marco Polo, Pierre Marcolini. Des périples ponctués de rencontres professionnelles, de coups de cœur ou d’échanges qui vont bien au-delà de la pure transaction marchande. Des histoires très touchantes aussi, comme cet homme, fils de trois générations de cultivateurs de cacao, qui n’avait jamais goûté de tablette de chocolat de sa vie, jamais touché le produit fini réalisé par le chocolatier. La tablette en main, le goût du chocolat dans la bouche, le planteur en pleurait. On est en plein dans les effets de la mondialisation, mais aussi dans les notions de commerce équitable, quand Pierre Marcolini déclare acheter parfois 85% plus cher ses fèves, par respect et fidélité du travail effectué. Un respect à en faire composer des chansons de la part d’un fournisseur cubain

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Le billet de Dany >> (pour la tablette de Terruno de Baracoa)

qui, guitare en main, entama une sérénade à la gloire du chocolatier Marcolini. Le chocolat est un euphorisant psychostimulant, on le savait, mais pas à ce point ! L’euphorie perdure avec un chocolat au lait exceptionnel (Equateur Los Rios et Ghana) qui finit en bouche comme un chocolat noir... divin. Ou bien encore un chocolat blanc, à la vanille fraîche de Tahiti. Hum, succulent ! « Je ne connais pas trop l’Afrique, confesset-il, le Cameroun pourrait être ma prochaine destination. » A vos tablettes ! Comme Soulages travaille le noir dans ses peintures, Marcolini joue élégamment, comme un chef, avec les stries noires du chocolat. « C’est notre univers et nous le partageons », dit-il, et c’est ce qui est écrit sur leur nouveau coffret dans le commerce. Pour Pâques, beaucoup d’actualités, avec ce coffret originel, mais aussi tous les œufs ou lapins, travaillés avec des pistaches d’Iran ou autres produits d’exception... Pour la collection été, Marcolini nous parle d’un chocolat glacé, un véritable bonbon au chocolat à conserver dans son frigo. Mais c’est surtout le livre pour enfants : « Dix petits doigts pleins de chocolat », qui nous a séduit avec des recettes classiques ou moins connues. A s’en lécher les doigts... pleins de chocolat. N

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Franck

Kestener donnele chocola BIENVENUE DANS UN MONDE SYNONYME DE DÉLICATESSE, DE NOBLESSE ET DE PRÉCISION. BIENVENUE DANS UN MONDE OÙ RÈGNENT SUBTILITE DES SAVEURS ET COMBINAISON DES TEXTURES RAFFINÉES. BIENVENUE DANS LE MONDE CHOCOLATÉ DE FRANCK KESTENER, UN MONDE PEUPLÉ DE CRÉATIONS FASCINANTES. TOUJOURS EN QUÊTE D’INNOVATION ET DE PERFECTION, IL SAIT INSUFFLER SA PASSION AUX PERSONNES QUI LEFRÉQUENTENT ET C’EST À FRANCE MAGAZINE QU’IL OUVRE LES PORTES DE SA CHOCOLATERIE POUR UNE VISITE ENROBÉE !

“ ” Il n’existe pas d’alliances interdites, tout est question de justesse et d’équilibre.

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trente-cinq ans, il est déjà l’un des meilleurs ouvriers de France (MOF) en chocolaterie et champion du monde par équipe dans la catégorie pâtisserie. Depuis l’obtention de ces deux distinctions, hautement reconnues au niveau international, sa carrière s’accélère et les opportunités s’enchaînent. De cette reconnaissance naîtra, entre autres, une relation privilégiée avec le Japon : un pays où la population est grande amatrice de chocolat. Ne soyez pas surpris si, lors d’une visite à Sarreguemines, ville située en Moselle, en bordure de la frontière allemande juste en-dessous de Sarrebruck, vous rencontrez deux représentants japonais dans la chocolaterie. Franck Kestener est fort sollicité par les jeunes chocolatiers nippons en herbe qui n’hésitent pas à s’expatrier un an en France pour apprendre à ses côtés. Franck Kestener, c’est donc une boutique à Sarreguemines, qui n’est autre que le prolongement commercial du laboratoire dans lequel il cultive son art. Mais c’est aussi, depuis octobre 2010, une magnifique boutique située à Paris, juste en face du jardin du Luxembourg. Pourquoi Paris ? Car Paris est une référence à l’étranger. Non seulement c’est LA capitale des boutiques et de la gastronomie, mais elle reste aussi la ville que tout étranger sait situer géographiquement. À l’intérieur de cette boutique, tout l’aménagement fut pensé par Franck Kestener et

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confié à un artisan italien pour la production. Chaque semaine, la famille Kestener, mère, père et fils, se relaie pour assurer un service professionnel. Pâques approche à grands pas. Cette période où le chocolat est roi, sera un excellent test pour ce nouveau lieu, représentatif du talent à la française. La pression, Franck Kestener connaît. Il a seulement vingt-sept ans lorsqu’il devient meilleur ouvrier de France. Plusieurs mois d’intenses heures de préparation pour se présenter à ce prestigieux concours sont nécessaires, car le jour “J”, l’erreur n’est pas permise. Et, dans sa quête d’aller toujours plus loin, il participera, aux Etats-Unis, avec d’autres MOF, aux championnats du monde de pâtisserie. Un véritable show à l’américaine, filmé, et en présence d’un public comptant pas moins de deux mille personnes. Ce qui ne l’empêchera pas de revenir avec le titre. Aujourd’hui, la pression est toujours maintenue pour donner le meilleur, chaque jour. Car lorsqu’on est arrivé si haut, le challenge est d’y rester. Franck Kestener est un artiste ! Les sculptures en chocolat qu’il a réalisées dans le passé lors des différents concours en témoignent. Mais aujourd’hui, peu de temps pour les œuvres sculpturales. Franck Kestener consacre toute son énergie à la réalisation de précieux bonbons en chocolat. Dans son atelier, il ose les mariages les plus insensés. Le chocolat est un excellent partenaire, c’est pourquoi vous le verrez souvent accompagné de laurier, d’huile d’olive, d’estragon, de coriandre... Néanmoins, subsistent les demandes spécifiques. Franck Kestener continue de réaliser sur commande une quinzaine de sculptures par an. Mais, au fait, pourquoi aimons-nous tant le chocolat ? Franck Kestener explique que cela est dû, entre autres, à l’effet de celui-ci sur le cerveau. Avez-vous déjà remarqué que, suite à la consommation de chocolat, nous ressentons de la satisfaction, voire même du plaisir ? Les recherches démontrent que deux molécules du chocolat, la théobromine et la phényléthylamine sont apparues comme responsables de cette sensation. En effet, elles influent sur le fonctionnement du système nerveux central. Les matières grasses comme beaucoup d’autres substances peuvent cristalliser sous plusieurs formes : la cristallisation étant le passage de l’état liquide à l’état solide. La molécule qui compose le beurre de

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cacao est formée de cinq molécules grasses différentes. Chacune d’elles ayant une structure et des caractéristiques propres, elles fondent à des températures différentes, elles conservent alors leur structure cristalline type et stable. De là vient la nécessité de les regrouper et, pour cela, il faut avoir recours au “tempérage”. Le but consiste à monter la température du chocolat à 50 degrés, puis la faire chuter rapidement à 27 degrés tout en remuant afin de grouper les cinq molécules sans qu’elles aient le temps de se réordonner elles-mêmes. L’étape suivante consiste à de nouveau rehausser la température à 31 degrés (pour le chocolat noir). Cette méthode permet d’obtenir un chocolat qui craque sous la dent, pleinement aromatique et d’un bel aspect brillant. À la maison, vous pouvez utiliser un bain-marie d’eau accompagné de glaçons pour rapidement baisser la température du chocolat. Le plus important est de toujours remuer pendant la phase de baisse de température. Question goût, il est impératif de respecter toutes les étapes citées ci-dessus. Mais le choix de la matière première est primordial. Franck Kestener fait appel à la « chocolaterie de l’Opéra » dont le propriétaire est Olivier de Loisy. Son expérience professionnelle porte autant sur la connaissance approfondie de toutes les opérations liées à la récolte des fèves de cacao en pays producteurs que sur la fabrication du chocolat de couverture*. Les fèves proviennent entre autres du Brésil, de Madagascar, de l’île de Java, du Venezuela, et de la République Dominicaine. L’important est le choix de la plantation, les fèves de cacao doivent provenir d’une région géographique identifiée, voire d’une plantation unique. Finalement, le métier de Franck Kestener est similaire à celui de cuisinier : une constante recherche des meilleurs produits ainsi que des meilleures recettes ! N * Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité, qui est utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première.


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Pierre

Hermé enquelques macarons... DE PODIUMS EN DÉFILÉS, QUELLE QUE SOIT LA SAISON, LA PÂTISSERIE DE PIERRE HERMÉ EST TOUJOURS HAUTE COUTURE. PLAISIR DES YEUX, PLAISIR DES PAPILLES, LES SAVEURS S’ENTREMÊLENT POUR ASSOCIER DES DOUCEURS AUSSI ORIGINALES QUE GUSTATIVES. ET EN TERME DE GOÛT, PIERRE HERMÉ, ARTISTE-PÂTISSIER MONDIALEMENT CONNU, SAIT DE QUOI IL PARLE...

> Collections, haute couture, vous parlez de vos pâtisseries comme d’un vrai défilé de mode... Depuis plus de 15 ans, je présente les gâteaux de manière théâtralisée. J’ai toujours eu envie de les sortir des vitrines des boutiques pour qu’ils aient un rôle principal. Je voulais leur donner de l’importance en essayant d’aller à l’essentiel, mettre fin à tous les archaïsmes liés à la pâtisserie. Je ne mets aucune décoration inutile sur mes gâteaux. Je cherche à mettre en valeur le gâteau et à le rendre appétissant. Par exemple, dans le temps, les gâteaux étaient souvent présentés sur plusieurs étages dans les vitrines. Maintenant, une seule vitrine d’exposition a la vedette et chaque gâteau y trouve sa place. > Comment définiriez-vous votre pâtisserie ? La seule chose qui me guide dans ma pâtisserie, c’est le goût. Je n’ajoute aucun artifice, aucune décoration. Pour moi, créer des associations de saveurs nouvelles, différentes, c’est infini. Mon but est de sublimer les ingrédients d’un gâteau. J’en crée en permanence dans ma tête. Ensuite, je dessine les proportions du gâteau. Je le goûte seulement après et j’ajuste les proportions des différents ingrédients s’il y a un décalage entre mon idée et sa réalisation. > Vous créez de nouveaux gâteaux à chaque saison? Mes gâteaux s’inscrivent dans une saison et pourtant, je ne les crée pas à chaque saison pour une saison particulière. Dans ma tête, je suis en permanence en train de penser à quelque chose de nouveau. Je crée de nouvelles saveurs en fonction de mes goûts du moment. Ensuite, je les place dans le calendrier des dégustations en fonction des saisons. Quand je parle de « quatre saisons », c’est un état d’esprit. Pour moi, c’est une

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Le billet de Dany >> évidence de savoir dans quelle saison, je vais présenter un gâteau.

> Des nouveautés pour le printemps... Ce printemps, deux nouveaux macarons sont proposés : un macaron à base de petits pois et de menthe et un autre à base d’asperge verte et d’huile de noisette. J’ai aussi retravaillé une association de saveurs avec de la vanille, du cassis et de la violette que j’avais créée il y a quelque temps déjà. Cette fois-ci, elle est présentée sous forme de bonbons ainsi qu’en glace sorbet appelée “Envie”. Un autre gâteau représente aussi bien les saveurs printanières. Il a été baptisé “Elsa”. C’est une crème de mousseline au citron. J’ai tout utilisé du citron : le jus, le zeste et la chair. A l’intérieur, on se laisse surprendre par une compote de fruits rouges à peine cuite. Je me suis inspiré du “summer pudding” anglais et de la façon dont les fruits rouges y sont travaillés. Le but de ce gâteau était que j’arrive à trouver l’équilibre entre l’amertume et l’acidité. > Votre souvenir gourmand préféré ? Sans hésiter, la tarte aux quetsches de mon père, à base de pâte brisée, de sucre et de

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cannelle ! C’est l’envie et la passion avec laquelle il préparait cette tarte qui m’a d’ailleurs sûrement donné envie de faire ce métier. A travers cette tarte, on sentait le plaisir qu’il avait à pratiquer son métier d’artisan boulanger alsacien. Il aimait bien les grands classiques. > Connaissez-vous le Luxembourg ? Je connais bien le Luxembourg. J’y ai même travaillé en 1985-1986. Je me suis occupé de l’ouverture de l’hôtel Intercontinental et j’y ai été chef-pâtissier pendant un an. C’est là que j’ai rencontré la famille Oberweis avec qui je suis toujours ami aujourd’hui. Pour moi, c’est la plus belle entreprise familiale de pâtisserie. Elle a toujours été un exemple pour moi, très innovante, toujours à la recherche de la perfection, de nouveautés, de nouveaux goûts. Je trouve formidable qu’à partir d’une petite boutique, ils aient réussi à créer une telle entreprise en une quarantaine d’années. > À quelles saveurs associez-vous ce pays ? Très proche de la tartes aux quetsches et à la cannelle de mon père, non ?

Boutiques Pâtisseries Pierre Hermé à Paris 185, rue de Vaugirard, 75015 Paris et 72, rue Bonaparte, 75006 Paris, Londres, Tokyo. Plus d’informations sur www.pierreherme.com Boutique en ligne et livraison en France, au Luxembourg et en Europe : www.pierreherme.com/e-gourmandises

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au bain-marie. Le chocolat à moitié fondu, versez le jus de fruit de la passion dessus en trois fois. Le mélange atteint 60°C, mettez petit à petit les morceaux de beurre à fondre jusqu’à obtenir un mélange lisse. Versez le tout dans un plat et collez un film transparent sur la ganache. Conservez-la au réfrigérateur jusqu’à ce qu’elle soit crémeuse. • Le montage des macarons Mettez la ganache dans une poche à douille à bout lisse n° 11. Garnissez généreusement de ganache la moitié des coques et recouvrez avec les autres coques. Conservez les macarons 24 h au réfrigérateur et sortez-les du réfrigérateur 2 h avant de les déguster.

LE MACARON, LA STAR DE LA STAR !

• La préparation de la pâte Tamisez le sucre glace avec la poudre d’amandes et, en parallèle, mélangez les colorants avec les blancs d’œufs “liquéfiés”. Ajoutez le sucre glace et la poudre d’amandes. Préparez un sirop en faisant bouillir du sucre et de l’eau à 118°c. Réservez-le quand il est prêt et attendez que sa température descende à 115°c. Montez les autres blancs d’œufs en neige et mélangez le sirop. Laissez refroidir jusqu’à 50°c et mélangez le tout avec le sucre glace et la poudre d’amandes. Mettez la préparation dans une poche à douille lisse n°11. Munissez-vous de plusieurs plaques à pâtisserie toutes recouvertes d’une feuille de papier sulfurisé. Pressez sur la douille afin d’obtenir des ronds de pâte d’environ 3,5 cm de diamètre tous les 2 cm. Saupoudrez de chocolat en poudre au tamis. Attendre ensuite au moins 30 minutes avant de les enfourner 12 minutes dans un four chaud à chaleur tournante à 180°c (th.6). Ouvrez deux fois la porte du four rapidement pendant la cuisson. A la sortie du four, glissez les coques sur le plan de travail. • La préparation de la ganache Coupez des petits morceaux de beurre. Évidez, à la petite cuillère, les fruits de la passion après les avoir coupés en deux. Pesez le jus obtenu et portez-le à ébullition. Hachez au couteau-scie des morceaux de chocolat et faites-les fondre dans une casserole

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Les petites astuces de Pierre Hermé • Utilisez des œufs conservés à température ambiante afin de mieux réussir les blancs en neige. • Après avoir homogénéisé le mélange de poudre d’amandes, sucre glace et blancs d’œufs, il faut continuer à mélanger pour obtenir un aspect de pâte à gâteau un peu coulante. • Laissez croûter 30 à 45 minutes les coques à température ambiante avant de les cuire, et ce pour qu’elles ne se fendillent pas. Vérifiez en posant un doigt sur la coque. Dany Vinet La pâte ne doit pas coller au doigt. N

La recette du Macaro n Mogador au fruit de la passion et chocola t au lait par Pierre Hermé. Pour environ 72 macarons (soit environ 144 coques) • Préparation : 1 h ; cuisso n : 25 min ; repos : 30 min ; réfrigération : 2 h + 24 h • Ingrédients La pâte : 300 g de poudre d’amandes ; 300 g de sucre en poudre ; 300 g de sucre glace ; 220 g de blancs d’œufs « liquéfiés » ; 5 g de colorant alimentaire jaune citron ; 1/2 cuillère à café de colorant alimenta ire rouge ; 75 g d’eau minérale. La ganache : 100 g de beu rre de la Viette à température ambiante ; 55 0 g de chocolat livara (Valrhona) ou de chocolat au lait à 40 % de cacao, 10 fruits de la passio n (pour 250 g de jus).


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Écho du Gruyère

L’AOC Gruyère fête ses 10 ans Après 10 ans, l’interprofession change de président. Après Pierre Dubois, c’est Oswald Kessler qui aura à insuffler une nouvelle dynamique à cette AOC, ainsi que la Confrérie du Gruyère, qui passe de Francis Egger à Michel Chevalet.

Gruyère nous mèneenbarque…

Quandle

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Un peu d’histoire Voilà 356 ans qu’apparaît sous la forme de “gruière”, le nom de la Gruyère, dans le canton de Fribourg, en Suisse, où il est fabriqué. La Gruyère est une merveilleuse région des Préalpes, couverte de pâturages opulents. Elle entoure la magnifique cité de Gruyères, bourg du Moyen-Âge. Mais remontons le temps jusqu’aux origines du célèbre fromage... Dès le haut Moyen-Âge, les pâturages sont utilisés par les gens de la région qui y mènent leurs troupeaux de vaches. Ils paient leurs redevances en fromage et en sérac. Guillaume, le premier comte de Gruyère, fonde avec son neveu, le chanoine Ulrich, le prieuré clunisien de Rougemont. Par une charte établie en 1115, il lui assure différents bénéfices, entre autres les fromages fabriqués dans les montagnes gruériennes. Le couvent doit fournir le matériel : chaudières, tamis, formes à fromage, etc. Les chalets d’alpage transforment la production laitière de leurs troupeaux en Gruyère, mais uniquement durant la période de végétation. Lors de l’octroi du droit d’Ohmgeld à la ville de Gruyères, le 21 février 1342, on fixe le tarif à payer pour le beurre et le fromage. Le Gruyère est ensuite exporté sur les marchés de Vevey et de Genève. Puis les voies essentielles l’amènent encore plus loin, à Lyon, Paris et en Italie. En 1620, le


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gruyère est une nourriture pour les soldats, c’était une époque florissante. En 1678, le Roi Soleil connaît largement ce fromage et en achète pour tous ses navires. En 1740, des marchands présentent aux notables fribourgeois un mémoire proposant de distinguer les Gruyère dits de qualité (fabriqués dans la région préalpine) par une marque “G”. La production gruérienne

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s’élève à cette date entre 2 500 et 3 000 tonnes. En 1750, la conservation avec le sel des fromages apporte une augmentation dans les ventes. Il est plus facile maintenant d’aller vendre en Chine qu’à l’époque, aller à Lyon ! Traversant les Alpes de plus en plus grâce à ce nouveau procédé vers 1780, la ville de Lyon était surnommée la capitale du gruyère avec 36 000 meules/an. L’Académie française avait déjà mis son nom à son dictionnaire en 1762. Les XVIIIe et XIXe siècles sont des périodes de turbulence. Le canton de Fribourg “exporte” ses ressources humaines, attirées par l’appât d’un salaire meilleur dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, en Savoie, en Franche-Comté et dans le Jura. Alors, commence l’ère des imitations et des dénominations fantaisistes pour le Gruyère, au-delà des frontières nationales. En 1856, au concours agricole de Paris, deux exposants fribourgeois obtiennent des médailles d’or pour leur Gruyère, qualifiés de “meilleurs du monde” par un membre du jury et aussi “d’excellents produits des vaches fribourgeoises”. Il a fallu 140 ans, depuis ce concours, pour que l’Interprofession du Gruyère naisse en 1997. Maintenant, avec son AOC, le gruyère exporte en France presque la production de l’année 1740 soit 2 100 tonnes/an. La production annuelle frôle les 30 000 tonnes avec 820 000 meules produites grâce au 175 fromageries membres dont 52 d’alpage. La Confrérie du Gruyère fêtera ses 30 ans cette année. Le parcours de Gruyères à Lyon Pendant 10 jours, hommes et femmes vont se relayer avec 15 chevaux et bateaux sur les 300 km

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séduire par la vue d’un jupon. Soyez vigilants et surveillez constamment votre cargaison. Pour ceux qui prennent la route par Semsales et Châtel, vous aurez un droit de douane à payer en Veveyse. Mais vous aurez la chance de parcourir une route vers Vevey que le canton de Berne a améliorée, il y a 4 ans en 1746. Pour ceux qui ont choisi le Col de Jaman, vous économiserez ce droit de douane, mais décuplerez vos efforts. Soyez sages et ne fatiguez pas trop vos mules dans les faux plats de l’Intyamon. Cette nuit, faites un grand feu, on ne sait jamais, les loups rôdent et cherchent parfois une proie facile près des convois. Priez ensuite Saint-Nicolas, qui est aussi le saint patron des navigateurs, pour que le Léman soit calme. Faites quelques prières pour les âmes de vos prédécesseurs, en particulier François-Pierre Pettolaz et Pierre Niquille qui ont chaviré sur le Léman, il y a quelques années.

du parcours pour transporter les 40 meules dans des tonneaux bourguignons. Une rétrospective d’un voyage d’il y a près de 300 ans, emmené par Otmar Raemy, ancien directeur de Fromage Gruyère SA à Bulle. Ce jeudi 12 mai est le grand jour du départ. Avant, il faut contrôler les meules, les peser et les marquer au fer passé au rouge. Avant que les deux convois se meuvent, quelques conseils de route sont donnés par le Gouverneur de la Confrérie du Gruyère, Francis Egger, en remontant le temps de 260 ans : « Braves marchands, en cette année 1750, nous vous souhaitons un bon voyage jusqu’à Lyon. Ne vous arrêtez pas dans les buvettes et les auberges de campagnes et ne vous laissez pas trop www.expatria-cum-patria.ch

Profitez de Vevey et de Rolle, qui seront des haltes tranquilles et n’abusez pas des vins de ces belles régions. À Genève, ne vous laissez pas distraire par ces grandes gueules et ne quittez pas de l’œil vos tonneaux de fromage. Attention à la navigation sur le Rhône et recomptez les tonneaux lors de chaque transbordement. N’hésitez pas à donner de bons pourboires aux bateliers, vous allez ainsi éviter bien des problèmes. À Lyon, si les choses devaient mal tourner, demandez à voir François Pettolaz, surnommé “la Barbetta”. Il est reconnu comme l’un des plus importants commerçants de Gruyère. Il pourra vous aider pour votre commerce, afin d’obtenir le juste prix. Revenez avec vos bourses bien pleines et ramenez-nous du sel et des nouvelles sur ce grand pays, il paraît qu’une révolution s’y prépare. Bon voyage à tous. » Samedi 14 mai, les convois arrivent à Vevey place du marché accompagnés

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par la Confrérie du Gruyère et celles du Bon Pain, des Gourmettes, des Pots au Feu, du Guillon, des Olifants du Bas-Lac en Pays de Neuchâtel et du Grand Apier. Après une animation des chœurs, cors des Alpes et dégustations des produits et vins régionaux, sans oublier le gruyère, une autre aventure commence, les meules sont mises en barriques sur le bateau “La Vaudoise” en direction de Genève, avec halte à Rolle le 15. Le 16 et 17 mai, les fromages font route sur terre jusqu’à Seyssel en France. Ensuite, les barriques sont mises sur une barge jusqu’à Sault-Brénaz du 18 au 20 mai, là elles sont mises sur le bateau “Rhône” dans l’attente du grand jour du lendemain. Samedi 21 mai, après ce périple, les meules de Gruyère AOC suisse arrivent à Lyon, place Antonin Poncet, sous une chaleur torride, alimentée par un soleil radieux. Les barriques ont été ouvertes et les 40 meules ont été enlevées et transportées par les Armaillis, vêtus de leur Bredzon, comme le veut la tradition, sur leur dos ou sur la tête, pour être déposées sur des charrettes pour que

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la nombreuse foule puisse admirer ces fromages de Gruyère AOC suisse. L’équipage, la Confrérie du Gruyère, les Armaillis, les sonneurs de cor des Alpes, les chorales, les lanceurs de drapeaux, ainsi que les Pennons de Lyon, revêtus de leurs superbes costumes étaient de la fête au bord du Rhône. Après ce transbordement, le défilé a remonté la rue de la République et s’est arrêté devant l’Hô-

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tel de Ville par une cérémonie officielle à laquelle la Confrérie du Gruyère AOC suisse a intrônisé, lors d’un Chapitre, 40 nouveaux Solides Compagnons et Gentes Dames, fervents supporters du Gruyère AOC suisse, dans ses magnifiques salons, dont monsieur l’Ambassadeur de Suisse en France, monsieur le Consul Général à Lyon et Jean-Michel Daclin, adjoint à la mairie. L’Interprofession du Gruyère AOC Suisse a offert des meules au Restos du Cœur de Lyon présidé par monsieur Pierre Garel. À Lyon, pendant 10 jours, c’était la fête place de la République, avec l’installation du Village Suisse et “La Pinte à Fondu”, ainsi que dans les fromagers lyonnais et les restaurants Toques Blanches. Quelques données techniques Il existe quatre types de gruyère au lait cru : 1. Le Gruyère AOC Classic : l’affinage de 5 mois minimum lui donne un goût fin aromatique. 2. Le Gruyère AOC Réserve : au bout de quelques mois, les meilleures meules suivent un affinage exceptionnel et des soins attentifs dans les caves. La maturation de 10 à 18 mois confère à ce fromage un goût corsé en même temps que sa savoureuse pâte tendre. 3. Le Gruyère AOC d’Alpage : un fromage saisonnier (d’avril-mai à octobre) destiné aux vrais connaisseurs. Produit sur les pâturages d’alpage de la Gruyère, du Jura et des régions limitrophes de Suisse romande, il a un goût aromatique, au fin bouquet des hauts pâturages. Maturation de 10 à 18 mois. 4. Le Gruyère AOC BIO : il est fabriqué avec un lait provenant de fermes respectant scrupuleusement les directives de BIO-SUISSE, et est affiné au minimum 5 mois. Sa hauteur est de 9,5 à 12 cm, son diamètre se situe entre 55 et 65 cm pour un poids de 25 à 40 kg avec une moyenne de 35 kg. Le lait provient de producteurs au maximum de 20 km autour de la fromagerie. Sa température ne dépassera jamais celle de la sortie du pis de la vache, selon le cahier des charges AOC. L’affinage se fait dans des caves humides avec une température de 12 à 15° sur des tablards (planches en épicéa brut) pendant 5 à 18 mois. Le brossage régulier eau + sel permet l’obtention d’une croûte morgée. Terroir et gourmandise Grégory Cuilleron, vainqueur de l’émission Un dîner presque parfait et candidat qui avait marqué l’émission Top Chef a créé, en direct de la Pinte à Fondue, deux recettes originales où se conjuguent la saveur typée du Gruyère AOC Réserve et la douceur d’un bouillon d’oignon rouge, ainsi que le goût aromatique du Gruyère AOC d’Alpage avec le croquant des légumes. Gré-

Quelques adresses utiles

gory a ajouté des notes inattendues et raffinées avec quelques gouttes de vinaigrette à la clémentine et la moutarde au cassis ! Grégory vient d’ouvrir “Épicerie & Compagnie”, un concept entre le bouchon lyonnais et l’épicerie fine, dans un décor des années 50. Il sert 15 couverts le midi, propose des plats à emporter et une formule brunch le dimanche. Contact : 7 Grande rue Sainte-Foy-Lès-Lyon - 0033 4 27 01 74 14 Vous pouvez déguster toutes les sortes de Gruyère dans toutes les bonnes fromageries en Suisse ou en France, telles que : • Chez le Meilleur Ouvrier de France en 2000, Hervé Mons à Saint-Haon-le-Châtel (42) ou aux Halles de Lyon (69), entre autres. Il se fournit auprès de la Fromagerie de la Brévine, avec Cédric Vuille, gruyère élu Meilleur Fromage du Monde en 2010 - www.mons-fromages.com • Dans les Fromageries Androuet en France, Royaume Uni et Suède - www.androuet.com • Philippe Olivier, un Maître Fromager Affineur, meilleur fromager de France en 96 ; c’est un dénicheur impénitent de fromages oubliés. Aujourd’hui, il œuvre avec son fils Romain auprès des 300 sortes de fromages dans sa boutique de Boulogne-sur-Mer - www.philippeolivier.fr ou dans des manifestations en Suisse telles que : • À Lausanne, pour le “Comptoir Suisse” du 16 au 25 septembre - www.comptoir.ch • À Zürich, pour la “Züspa” du 23 septembre au 2 octobre - www.zuespa.ch • À Saint-Gall, pour l’“Olma” du 13 au 23 octobre www.olma.ch • À Delémont/Courtemelon, Marché et Concours Suisse des produits du terroir les 1 et 2 octobre www.concours-terroir.ch • À Bulle, pour le “Salon Goûts et Terroirs” du 28 octobre au 1er novembre. www.gouts-et-terroir.ch • À Bâle, IGEHO (Salon international de l’hôtellerie, de la gastronomie et de la consommation hors domicile) du 19 au 23 novembre. www.igeho.ch N

> Office du Tourisme de la Gruyère - 0041 (0)848 424 424 - www.la-gruyere.ch > Office du Tourisme de Lyon - 0033 (0)4 72 77 69 69 - www.lyon-france.com > Switzerland Cheese Marketing France - www.fromagesdesuisse.com > Interprofession du Gruyère - interprofession@gruyere.com - www.gruyere.com > Confrérie du Gruyère - www.confrerie-gruyere.ch > La Maison du Gruyère à Pringy-Gruyères - 0041 (0)26 921 84 00 - www.lamaisondugruyere.ch > Laiterie Fromagerie de la Brévine - 0041 (0)32 935 12 92 - www.fromagerie-brevine.ch

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Alain Barrière

a.barriere@romandie.com

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Écho du Gruyère

Expatria Cum Patria B U L L E T I N D ’A D H É S I O N

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Globe-Trotteur nousestconté... LA PROVENCE NOUS OFFRE, DE TEMPS À AUTRE, DES FEMMES ET DES HOMMES PLEINS DE TALENT. MISTRAL, GIONO, PAGNOL… ET QUE DIEU ME PARDONNE DE NE PAS LES CITER TOUS.

l en est un dont je voudrais vous parler. J’ai fait sa connaissance, il y a un bon nombre d’années, grâce à mon Ami Georges que je salue au passage, au pied du Lubéron. Là où repose paisiblement au beau milieu des oliviers et sous le regard attentif de sa fille, Albert CAMUS. Les fées ont été généreuses avec lui. Nous sommes un brin envieux des talents qu’il possède. Lorsqu’on rencontre Pierre pour la première fois, ce qui frappe d’emblée, ce sont la sérénité et la gentillesse qui émanent de son personnage. Un visage buriné par les années, habillé d’une barbe blanche soigneusement taillée, deux yeux clairs remplis de bonté vous souhaitant la bienvenue et la soif de communiquer avec l’autre.

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Et puis, le conteur provençal entre en scène... Vous n’écoutez pas, vous savourez l’accent chantant qui vous prend par la main et par la voix vers sa Provence natale. Mais aussi, depuis une trentaine d’années, dans plus de 100 pays, il vous raconte ses périples, ses voyages avec le souci qui le caractérise, le souci du partage. Cet architecte de formation, animé d’une passion innée du dessin toujours bien vivante, a ajouté à son sacerdoce un solide appétit pour le voyage ; croquant ainsi plus de 28 carnets et au moins autant en préparation. C’est cette expérience, cette aventure que nous souhaiterions faire partager à nos lecwww.expatria-cum-patria.ch

trices et nos lecteurs. L’aventure unique du Globe-Croqueur, des milliers de croquis ramenés des 4 coins du monde, 30 ans de voyages, 100 pays passés au fil du crayon. Paysages, personnages, faune, flore, ambiance et émotions Pierre CROUX active son crayon. D’un trait de plume rapide, coloré aux feutres aquarelles, il croque à grande rapidité (c’est sa méthode) tout ce qui l’entoure, l’ émotionne et l’étonne. Les croquis rapides et spontanés ne sont pas retouchés. Regroupés en albums, avec humour, ils constituent l’illustration vivante et colorée de tous les pays parcourus. De sa formation d’architecte, il tire de la composition, la sûreté du trait, le tracé des ombres, la connaissance des styles et de la perspective. De son expérience de Globe-Trotteur, il ajoute l’Art de voir vite, de savoir se placer, d’utiliser tous les temps morts et d’adapter son matériel... et son comportement... Nous vous invitons à parcourir cette œuvre étonnante au fil du temps et des France Magazine successifs. Vous revivrez à coup sûr, quelques émotions de vos propres voyages... ou préparerez les futurs... En voyage, cette occasion de « Sortir entre gens du Monde », le dessin, on le sait, est un langage universel. « Dessiner, c’est voir, et voir, c’est savoir » disait VIOLLET LE DUC. N

Pierre Croux, le Globe-Croqueur Le Rayol F - 84 160 Lourmarin Tél. 04.90.68.07.83 Courriel : croux.pierre@wanadoo.fr Site : www.carnetsdevoyage.org

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PROCHAINE ÉTAPE

LaLybie www.expatria-cum-patria.ch

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BenjaminConstant

Mavie ÉDITIONS FLAMMARION EN CETTE ANNÉE 2011, LES ÉDITIONS FLAMMARION ONT EU LA BONNE IDÉE DE RÉÉDITER TROIS MANUSCRITS DE BENJAMIN CONSTANT* QUE LE ROMANCIER ET ESSAYISTE FRANCO-SUISSE A ÉCRIT COMME UN VÉRITABLE JOURNAL ET QUI FORMENT UNE SORTE D’AUTOBIOGRAPHIE SUR LA JEUNESSE DE L’AUTEUR D’ADOLPHE. éritable éducation sentimentale dans l’Europe du tournant des Lumières, le texte vif écrit par Constant soulève d’emblée deux commentaires qui sont autant d’éloges : d’une part son style d’écriture à la première personne lui confère la profondeur d’une plume diariste qui cherche à explorer des sentiments autant qu’à raconter des événements ; d’autre part, le manque de complaisance de l’auteur envers lui-même - attitude si rare à trouver, tant le genre autobiographique tend à retenir la plume autant qu’à travestir toute vérité trop difficile à admettre – donne un gage de sincérité à tout ce qu’il entreprend de nous conter. Et l’on doit bien constater que dans les premières années de la vie de Benjamin Constant telles que celui-ci nous les restitue, le futur chef de file des Libéraux français de la période de la Restauration ne se donne pas le beau rôle en se décrivant comme un jeune homme agité, réfractaire à l’autorité – surtout dans sa forme paternelle - et avide d’aventures aussi peu glorieuses que mal calculées. À sa décharge, les conditions de son enfance ne sont pas aussi stables qu’il eut pu

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le souhaiter : né dans une famille de Huguenots français établis à Lausanne, sa naissance Place St-François le 25 octobre 1767 est suivie quelques jours plus tard du décès de sa mère alors que son père, officier dans un régiment suisse au service de la Hollande vit avec son Régiment dans le Jura près de Dôle. Commence alors pour le jeune Benjamin la valse de précepteurs successifs, souvent mieux intentionnés que compétents pour lui assurer une formation scolaire de qualité, et une série de déplacements en Suisse, en France, à Bruxelles, en Allemagne et en Hollande qui donneront à Benjamin Constant ce sentiment durable d’être un nomade dans cette Europe d’Ancien Régime avant que les bouleversements de la Révolution française et de l’aventure Napoléonienne n’accroissent cette impression en l’obligeant à d’incessants changements de résidence au gré des circonstances. Inconstant, léger et superficiel tel qu’il se qualifie, le jeune Benjamin a cependant des dons certains qui lui permettent de rapidement briller en société : il a de l’humour, ses phrases sont bien tournées et il démontre même un vrai sens de la formule, fut-elle cruelle ; bref, il plait en société et sa compagnie est recherchée. Sans doute s’étonne-t-il parfois qu’un certain sans-gêne qui, selon lui, le caractérise et qu’il mettra sur le compte de sa jeunesse et de son inexpérience ne lui interdise pas de paraître en certains salons. Mais l’époque est ainsi qu’elle ne déteste pas d’avoir en sa société certains impertinents et autres chevaliers d’industrie qui distraient la noblesse de son mortel ennui. Toutefois, après la société lausannoise et les soirées brillantes don(*) Benjamin Constant « Ma Vie, Amélie et Germaine, Cécile » Flammarion.

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de l’Ambassadeur d’Angleterre à Turin, Madame Trevor - dont Benjamin Constant s’éprendra un temps - le futur rédacteur de l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire de 1815, retourne à Paris en cette année 1787 où ses vingt ans trouvent une ville et une atmosphère propices à ses goûts aventureux. Intelligent, plutôt cultivé malgré des lectures désordonnées et un savoir qu’il qualifie lui-même de décousu, Benjamin Constant se divertit de ce Paris d’avant la Révolution. Cependant, son père qui suit à distance son mode de vie – qu’il désapprouve – le réclame à ses côtés avec le secret espoir de le stabiliser. Rebelle à ce commandement, Constant décide alors de s’embarquer pour l’Angleterre afin de continuer cette éducation « d’Européen avant l’heure » serait-on tenté de dire et de revoir des amis écossais du temps de son adolescence. De cette escapade en Angleterre et en Ecosse Constant nous livre les pages les plus ardentes et lumineuses de “Ma vie”. Constant y décrit avec une fraîcheur étonnante les sentiments qui l’animaient lorsqu’il avait l’insouciance de ses vingt ans. Par contraste, sa position de 1811 lorsqu’il écrit ses lignes, quelque vingt-quatre ans après les événements, alors qu’il est devenu un écrivain, un essayiste connu, un homme politique de premier plan et qu’une certaine fortune lui permet d’avoir le temps d’écrire pendant ces années d’opposition à Napoléon, qu’il ne reconnaît pas comme souverain légitime et qu’il ne cesse de comparer aux pires tyrans et usurpateurs de l’Histoire ; par contraste disions-nous, l’esprit de camaraderie qu’il décrit en cet été 1787 si lointain pour lui maintenant, l’insouciance qui se manifestait face à une bourse vide au beau milieu du voyage, la certitude absolue que la providence – en la personne d’un ami à qui l’on emprunterait la somme néces-

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saire – pourvoie à tout pour assurer la suite du chemin, toutes ses sensations et tous ses sentiments d’une jeunesse ardente sont là, en quelques pages, immédiatement sensibles. Cette autobiographie à plusieurs tiroirs, que le lecteur découvrira ou redécouvrira dans les trois textes republiés en cette année bicentenaire de “Ma vie”, la suite de l’existence, ou ses propres motivations ultérieures, ne permettront pas à Benjamin Constant de la mener à terme. Les dix-neuf années de vie à venir pour l’auteur seront riches en événements, qui verront, en politique, Benjamin Constant se rallier à Napoléon, dans les Cent-Jours, avant de devenir, sous la Seconde Restauration, le chef de file des Libéraux, pour finalement soutenir la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe, tandis qu’en littérature, il travaillera de longues années sur son ‘Génie du Christianisme’ à lui, ce maître ouvrage qu’est ‘De la Religion’ et dont les deux derniers tomes seront publiés après son décès, à Paris, le 8 décembre 1830. Alors qu’il sera devenu un homme tellement reconnu par ses concitoyens que ceux-ci voulurent le porter au Panthéon afin qu’il y repose avec Voltaire et Rousseau, sans que ce geste puisse finalement être accompli faute d’avoir recueilli les voix suffisantes de la représentation nationale. Aujourd’hui, le passant qui dirige ses pas dans la 29e division du cimetière du PèreLachaise à Paris peut saluer la tombe de cet Européen de formation et rendre l’hommage qu’il mérite à cet homme qui, né dans le Canton de Vaud, initié à la pensée germanique à Erlangen, à la culture britannique à Edinburgh et à l’esprit français dans les salons parisiens, a su porter et mettre en avant ses idées de liberté et de tolérance dans une période historique pourtant peu propice aux équilibres et à l’esprit de compromis et de respect d’autrui. N

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dominique.ortiz@bcv.ch

>> nées à Lausanne et à Ouchy par la femme

Dominique Ortiz


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