NYUMBAMBU - Les ateliers de la permanence #4 COUPE DU BAMBOU

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LYCÉE TANI MALANDI

NYU Permanence MBA MBU Architecturale

Atelier avec les Apprentis d’Auteuil

#4 LES ATELIERS DE LA

PERMANENCE COUPE DU BAMBOU

VENEZ NOUS RENDRE VISITE !

Permanence Rue Cavani Bé, Chirongui (entre le Pôle Culturel et le Lycée)

Lundi - Mercredi - Vendredi 8h30-12h00 et 13h30-17h


ATELIER DE COUPE DU BAMBOU Certains disent qu’on ne connaît quelqu’un que dans l’adversité, la permanence est convaincue qu’on ne peut connaître une matière qu’en la façonnant. Avant la saison des pluies, il est important de couper les bambous afin que la sève ne remonte dans ses pores et qu’il ne se gorge d’eau et d’amidon. Bien que le bambou sèche relativement vite, certaines règles sont pourtant nécessaires afin d’obtenir un bambou de qualité. La première, et vous l’avez compris, et de limiter sa teneur en amidon qui est un sucre dont raffolent les termites. Mais au-delà de l’aspect pratique de la récolte, aller dans la bambousaie est une magnifique opportunité d’organiser un atelier en plein air qui permet d’entrer directement en contact avec la flore locale et surtout le bambou de Mayotte. Dans cet atelier qui s’est déroulé en plusieurs séances afin de collecter le nombre de chaumes nécessaires à la réalisation d’une clôture vivante pour la maison des apprentis d’Auteuil de Chirongui, nous avons accueilli, outre les apprentis, l’association BAM ! et l’atelier Piya (permanence architecturale de Tsimkoura). L’atelier s’est passé sur le site de la bambousaie de Jasmin DEZE qui présente également un magnifique jardin mahorais. Jasmin n’a pas manqué d’expliquer aux visiteurs sa démarche en tant qu’agriculteur et bien sûr de leur faire découvrir son terrain et ses expérimentations visant à améliorer les interactions entre le milieu et les plantes.

La Permanence


Pour une connaissance de la plante, du matériau et du territoire, un atelier proposé par la permanence architecturale de Chirongui.

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- DÉCEMBRE 2021 -

A.A. PRÉSENTATION DE L’ATELIER Cet atelier s’est créé suite à la rencontre avec Jean-Nicolas Carrelet, directeur de la maison des apprentis d’Auteuil. Désireux de partager et d’apporter d’autres activités à ses apprentis, il a mis la permanence en relation avec ses animateurs. Tep, animateur et formateur d’origine Cambodgienne a tout de suite adhéré au projet de par sa connaissance du bambou et sa volonté de transmettre se savoir. Après une réflexion sur les possibles, l’idée de créer une clôture pour la maison de Chirongui a rapidement émergée. Pour la maison cela permet de créer une activité pratique pour les jeunes, d’embellir leur enceinte et d’apporter de la ventilation naturelle qui est actuellement coupée par une clôture en tôle, dans la tradition locale. Pour la permanence, c’est aussi l’occasion d’expérimenter la création d’une clôture en bambou. L’ agence Fabienne Bulle Architectes et Associés a notamment pour désir de réaliser ce type de clôture pour le futur lycée Tani Malandi, ce temps d’atelier est donc un moment privilégié de recherche. Toujours dans la vision de la permanence, chaque atelier, chaque pratique, chaque exposition ne peut se réduire à sa fonction première et devient un prétexte d’élargissement de la connaissance. Ici l’atelier de «construction d’une clôture» devient un cours sur la récolte du bambou et son traitement, une marche à la découverte des espèces végétales remarquables de l’île, une formation sur le maniement des outils du charpentier, une réflexion philosophique sur ce que représente une limite comme une clôture, etc.

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1 - Le site de la bambousaie

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DÉROULEMENT DE L’ATELIER L’atelier de récolte du bambou s’est étendu sur plusieurs semaines où nous consacrions une journée pour couper les chaumes. Cette première étape s’est déroulée de novembre à décembre 2021. Plusieurs partenaires se sont rendus disponibles pour nous aider et pour apprendre les bonnes pratiques de la récolte. Ainsi, outre les apprentis d’Auteuil représentés par Tep, animateur et formateur, l’association BAM ! nous a rejoint ainsi que la permanence de Tsimkoura, accompagnée de ses stagiaires. Nous avons ainsi récolté 200 sections de 2m50 de tiges de bambou. Comme pour toute ressource vivante, la « cueillette » respecte certaines règles pour obtenir un bambou de qualité. Puis il a fallu traiter les bambous. Nous avons adoptée une technique cambodgienne, afin de voir si elle était transposable ici à Mayotte. Cette deuxième étape consiste à immerger les bambous dans un mélange de terres argileuses et d’eau. Les « boues » permettent à la fois de dissoudre l’amidon et de protéger le bambou des insectes. Les bambous ont ainsi été laissés pendant trois mois. Les artisans mahorais trempaient traditionnellement les bambous dans le lagon pour une durée de trois semaines maximum et obtenaient un bambou plus durable, résistant jusqu’à cinq ans en extérieur. La troisième étape était de sortir les bambous des eaux boueuses pour les faire sécher pendant six semaines. Enfin la dernière étape consistait à nettoyer les bambous. Si cette étape semble laborieuse et pénible, en réalité elle est plutôt agréable bien que chronophage. En effet, laver les bambous dans le magnifique lagon de Mayotte est une expérience peu commune. De plus découvrir la texture du bambou sous sa couche de boue apporte une certaine satisfaction bien que certains bambous aient malgré tout été attaqués par des insectes et des champignons. Les bambous sont ici tachés et se parent d’une « peau » non homogène qui n’était pas prévue. Le temps nous dira si l’expérience est un succès ou si la technique n’était pas parfaitement maîtrisée.

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1 - Coupe du bambou 2 - Immersion des chaumes

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3 - Séchage des chaumes 4 - Nettoyage des chaumes

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LA COUPE DU BAMBOU Le bambou est une herbe géante et à ce titre il est composé essentiellement de cellulose. A l’instar des arbres, sa teneur en sève dépend de la saison. En milieu tropical seules deux saisons sont marquées, la saison des pluies et la saison sèche. La première correspond à l’été austral tandis que la seconde correspond à l’hiver.

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Comme pour les arbres, la récolte doit se faire au moment où le bambou contient le moins d’eau et donc de sève. En Europe continentale, cette période correspond à l’hiver où les plantes sont en hibernation. Sous les tropiques, l’hiver est moins rude mais correspond également à une période d’économie d’énergie en raison du manque d’eau. En ce sens, il est conseillé de récolter les chaumes pendant la saison sèche, à partir de mai et jusqu’aux premières pluies d’octobre. De plus la situation géographique de Mayotte, proche de l’Équateur et donc des astres, tend à prendre en compte les cycles lunaires qui doivent également participer à la teneur en eau des bambous.

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Enfin, doit être considérée la météo. Comme la cellulose agit comme une éponge, il est préférable de ne pas couper le bambou juste après une pluie. L’heure de la journée importe peu bien que le soir devrait être privilégié à l’aube. Au niveau de la coupe à proprement parlé, il existe plusieurs techniques mais toutes s’accordent pour dire que le bambou doit être coupé entre le deuxième et le troisième nœud. Certains disent au-dessus du deuxième nœud, d’autres au-dessous du troisième nœud. D’autres préconisent une coupe de biais, d’autres une coupe perpendiculaire. Sans pouvoir apporter une réponse précise à ces différentes pratiques, il faut retenir qu’une fois le bambou coupé, son rhizome reste en place et que le chaume et alors un « tube » creux qui va mourir. Ainsi, ceux qui préconisent la coupe de biais, justifient ce choix pour limiter la fonction de récipient du chaume coupé et ainsi limiter la venue d’insectes et les phénomènes de putréfaction. Bien que nous ne soyons pas convaincu de cet argument, le problème majeur avec cette coupe est qu’elle créé des émergences pointues qui représentent un véritable danger pour les artisans.


Si la question de limiter l’effet récipient est au centre du débat, nous avons opté pour une coupe au-dessus du nœud qui permet de limiter l’effet récipient. Mais les adeptes de la coupe au-dessous du troisième nœud nous rétorqueront que la tige ainsi produite est plus faible à sa base, du fait de l’absence de nœud, et que lors de sa coupe, le bambou aura tendance à fendre sous son propre poids. Et comme le bambou présente des fibres très longues et parallèles, cette rupture pourrait se prolonger au-delà du prochain nœud. Effectivement nous avons constaté ce phénomène. En conclusion, pour dénouer tout cela, nous sommes arrivés à la conclusion que le chaume doit être récolté à minima à cinq centimètres sous le troisième nœud. Puis qu’une seconde coupe est nécessaire pour éliminer le reste du bambou en étant le plus bas possible afin de limiter l’apport de nutriments aux organismes et d’avoir un bosquet bien entretenu, accessible et sans danger. Dans ce sens, l’ensemble de la zone doit être dégagée des déchets de la coupe. On notera également que l’entretien favorisera le départ des futures pousses et permettra un meilleur épanouissement du bosquet. Il est également conseillé de ramasser les feuilles au pH très acide.

La position quant à elle entre le deuxième et le troisième nœud se justifie selon deux critères principaux : l’accessibilité et la régularité du chaume. En effet couper le bambou à raz dans le bosquet est quasiment impossible sans avoir nettoyé la zone de par la densité du bosquet. Et comme il s’agit de l’émergence du bambou, il est souvent constaté que lorsque le bambou se fraie un chemin pour capter l’oxygène, il se déforme et s’adapte à son environnement. Ainsi son extrême base est souvent sinueuse avant de se déployer de manière régulière. Cette première étape est fondamentale car il ne s’agit pas uniquement de prélever le bambou mais également de considérer son système racinaire et son milieu.

1 - Coupe du bambou au-dessus du nœud 2 - Vue du système racinaire des bambous 3 - Émergence d’un turion entre les déchets organiques 4 - Coupe du bambou dans une zone entretenue 5 - Bambous coupés formant des « récipients »

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Une fois le bambou coupé il faut le sortir du bosquet ce qui représente certainement la partie la plus difficile de la récolte. Pour rappel les chaumes de Bambusa Vulgaris peuvent atteindre 18m de haut pour un diamètre de 15 cm et un poids de plus de quarante kilos. De plus comme ils poussent en une touffe dense, leurs feuillages ramifiés s’entremêlent. Outre le poids du chaume vert, le sortir du bosquet dépend de sa position dans ce dernier. En somme, il faut prévoir la possibilité d’extraire le bambou et cela demande une observation fine afin de déterminer si le chaume est « libre » et si sa chute est possible. Car comme pour un arbre, son abattage ne doit pas être obstrué. Si toutefois cela est impossible, le poids léger du bambou permet de le tirer hors du bosquet mais cela demande une certaine force au vu de son encombrement.

- la partie basse où la paroi est épaisse jusqu’à 2cm avec des entre-nœuds rapprochés est la partie la plus résistante du bambou. - la partie intermédiaire où des ramifications primaires apparaissent au niveau des nœuds, est la partie homogène du bambou, à la fois en diamètre, en épaisseur mais également au niveau des entrenœuds. - la partie haute où chaque nœud présente des ramifications primaires et secondaires, est la partie encore exploitable du bambou car le chaume reste constant mais son diamètre est plus faible. - la dernière partie où le chaume s’affine et développe son feuillage, est la partie la plus fragile et tortueuse du bambou. Les trois premières parties se développent sur une hauteur comprise entre 9 et 12m pour un diamètre au maximum de 15cm jusqu’à 8cm.

2 Dans notre sélection, nous avons coupé des bambous de diamètre variants entre 6 et 10cm pour une hauteur exploitable de 10m maximum. Nos tronçons font 2.5m de longueur. Bien que le feuillage puisse avoir une utilité, dans la construction cette partie supérieure n’est pas considérée. Mais revenons à la coupe, notre bambou est maintenant au sol et débité en plusieurs parties, la dernière étant un déchet.

1 Lorsque le bambou est ramené à terre son débit peut commencer. Le chaume est alors découpé en tronçons selon les longueurs désirées et afin de faciliter son transport. Généralement le « fût » du bambou n’excède pas 12m, ensuite il s’agit du feuillage ou houppier. En effet, le bambou se compose de quatre parties :

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Maintenant il faut couper les ramifications des tronçons de bambou. Chaque nœud, par intermittence développe une ramification dans une direction. Ainsi en vue de face, une branche par au niveau d’un nœud vers la gauche puis au nœud suivant vers la droite. Dans le cas du Vulgaris on observe une déformation du diaphragme au niveau du départ de la ramification. Ainsi les nœuds sont légèrement inclinés, ce qui déforme l’entre-nœud également. Cette particularité rend le Vulgaris tortueux ou oscillant.


Pour couper ces rameaux, on peut soit utiliser une scie ou une machette. L’important ici est de ne pas abîmer la surface extérieure du bambou qui est très résistante. En effet, si la ramification n’est pas correctement coupée, la fibre du bambou peut s’arracher et retirer la partie extérieure du chaume, le rendant plus sensible aux attaques des prédateurs.

3 Pour rappel, ses longues fibres contiennent de la lignine et de la silice. Bien que poreuses, ces fibres se densifient vers l’extérieur et son « écorce » qui est très riche en silice est particulièrement dure et résistante. D’où le fait que le bambou n’est pas besoin de pesticide pour se développer ; et qu’il nécessite un affûtage régulier des outils. Enfin le dernier critère a considérer dans la coupe du bambou est son âge. Le bambou émerge du sol sous forme de turion avec son diamètre définitif, cela signifie qu’il se télescope en longueur. Ainsi, tous les bambous ont à peu près les mêmes diamètres et longueurs dans un bosquet mais n’ont pas le même âge. Un bambou atteint sa maturité entre 3 et 5 ans.

5 1 - Bambou entrelacé dans le feuillage du bosquet 2 - Vue d’un groupe de bambous 3 - Départ de ramification du chaume 4 - Section d’un bambou mature 5 - Extraction d’un chaume du bosquet 6 - Débit du chaume en tronçons 7 - Élagage des ramifications

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4 Cela signifie que sa paroi s’est densifiée avec les années et apporte une résistance satisfaisante pour un usage en construction. Par opposition un bambou très jeune est favorisé pour l’industrie du papier ou du textile.

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Lors de cette expérimentation une autre question a émergé, celle des déchets. En considérant le houppier comme un déchet nous nous sommes aperçus qu’une quantité non négligeable de déchets verts était générée. Dans notre volonté de récolter les chaumes, cet aspect rejoint la nécessité d’entretenir les bosquets et plus largement la parcelle.

A l’issue de ce travail de récolte, le premier constat est le labeur. Bien que le bambou offre l’avantage de se travailler avec une simple machette ou une scie, ce travail reste extrêmement long et difficile. Pour récolter les 200 sections il nous a fallu une semaine entière à raison de 7 heures par jour à deux. Le tout en considérant notre chance d’avoir des bosquets accessibles et plutôt entretenus. A ce travail il faut ajouter le transport des opérateurs, les investissements en outillage et les pertes occasionnées. Suivront le transport des chaumes et leur stockage.

1 Ici encore nous nous rendons compte que la gestion agricole de la ressource est fondamentale dans l’obtention d’une matière de qualité. Dans toute production agro-forestière, des principes de culture sont mis en place afin d’optimiser la production. Ici le bambou qui ne nécessite pas d’attention particulière pour croître n’est pas intégré dans ces logiques paysannes.

2 1 - Déchets issus de la coupe 2 - Babali et Emilie de l’association BAM ! venus nous aider 3 - Tep fier d’avoir coupé une centaine de chaumes 4 - Simon de l’Atelier Piya qui vient d’élaguer son premier chaume

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LE TRAITEMENT DU BAMBOU Comme nous l’avons déjà évoqué dans les Cahiers de la Permanence (voir Cahier # 2), le traitement par immersion est une technique simple, peu coûteuse et utilisée depuis très longtemps. Le principe est basique, puisque l’amidon est un sucre, qu’il est présent dans les fibres du bambou, l’objectif est de le dissoudre. A l’instar d’un canard dans un café, l’eau chaude jouera son rôle de transformation de la substance. Le lagon avant le tombant présente des températures rarement inférieures à 25°C ce qui en fait un moyen idéal pour dissoudre le sucre. D’ailleurs se sont les anciens qui avaient remarqué que les bambous transportés de Grande Terre à Petite Terre sous forme de radeaux résistaient plus longtemps que ceux transportés hors d’eau. Comme à l’époque les bateaux étaient tous des voiliers, le trajet d’Hajangua vers Petite Terre durait deux jours. Et ce rapide traitement augmentait déjà la résistance du bambou face aux prédateurs. Aujourd’hui, pour augmenter considérablement la tenue dans le temps du bambou, les bains d’immersion sont chimiques. Sans rentrer dans la composition de ces mélanges aqueux, nous pouvons dire qu’à l’instar du bois, non naturellement classe 4, le bambou reçoit un traitement curatif le rendant toxique, avec un impact plus ou moins lourd sur l’environnement et/ou les opérateurs. La permanence Nyumbambu et l’association BAM ! privilégient les traitements préventifs naturels. Sans être ignorants des méthodes industrielles adoptées actuellement, nous cherchons un compromis entre une volonté environnementale et une durabilité raisonnable du bambou. Nous ne sommes pas non plus naïfs et connaissons les traitements affligés au bois qui conserve pourtant son image de matériau écologique alors que bien souvent il n’en est rien. Toujours est-il qu’il est intéressant de débattre sur cette question éthique de transformation de la matière et de sa pérennité. Cela met en exergue une dimension sociétale propre au monde occidental qui agit et vit comme si la mort n’existait pas, et qui pourtant en a conscience. Cette logique de « laisser une trace » au travers de la construction n’existe pas en Chine par exemple, à l’image du mouvement moderne, la tabula rasa est la norme. En occident, cette notion de patrimoine poussé à son paroxysme transforme Paris en ville-musée.

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Pour finir sur cette question du traitement, il existe plusieurs techniques autres que l’immersion. Dans les techniques préventives telles que celle utilisée à Mayotte, l’enfumage des bambous à plus ou moins fait ses preuves. Bien qu’il n’existe pas de réel retour d’expérience sur une quantité suffisamment large avec des données chiffrées très précises, beaucoup s’accordent à dire que cela fonctionne. A Mayotte l’association BAM ! a fait des essais qu’elle juge concluants sur un petit nombre d’échantillons. La dernière technique connue est l’imprégnation, semblable à l’immersion, le bambou est plongé dans un bain d’eau salé (bien sûr ce bain peut être chimique) de manière partielle. Le principe de capillarité, car la cellulose agit comme une éponge, va faire remonter la solution dans la fibre du bambou. Ce principe reste beaucoup moins efficace avec des solutions non toxiques car il ne permet pas réellement de dissoudre l’amidon et de l’évacuer. L’idée est plus d’ajouter une substance répulsive voire néfaste pour les prédateurs. L’avantage de cette technique est qu’elle ne nécessite pas d’équipements lourds. Enfin les techniques curatives sont les techniques d’étuvage et de pénétration de solutions aqueuses

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ou gazeuses chargées en produits toxiques pour les prédateurs. La technique d’étuvage consiste en un mélange gazeux injecté dans les fibres du bambou par un procédé de pressurisation en cuve étanche. La technique de pénétration, appelée méthode Boucherie, est un principe d’injection d’un mélange aqueux dans les fibres du bambou par pression mécanique : la solution est poussée au travers des fibres du bambou par une pompe et est récupérée à l’autre bout du chaume. La complexité est d’avoir un raccord étanche et robuste entre le récipient contenant le mélange et le chaume. Dans notre atelier, nous avons testé une méthode d’immersion utilisée au Cambodge, il s’agit de placer les bambous dans une cavité qui à la saison des pluies se remplira d’eau et de terre. La terre agissant comme une couche de protection, tandis que l’eau dissoudra l’amidon. Du fait des réglementations régissant la protection de l’environnement, la permanence n’a pas souhaité immerger le bambou dans le lagon sans autorisation. De plus cette méthode si elle s’avère efficace permettra relativement simplement de la mettre en œuvre à Mayotte.

pas percés les nœuds et savons que les filets risquent de flotter dans le bassin, ne permettant pas un traitement efficace et homogène à l’ensemble des bambous. Toutefois cette première expérimentation sur une technique de traitement naturel nous permettra de collecter des données que nous comparerons à d’autres expériences menées en parallèle par la permanence ou par d’autres organismes présents sur l’île ou non. La finalité permettra de comparer de manière empirique la solution la plus pertinente car rappelons-le, traiter les bambous peut nécessiter des équipements très lourds difficiles à amortir sur un territoire aussi restreint que Mayotte. Les résultats seront communiqués en 2023 !

1 - Les bambous dans le bassin naturel 2 - Les chaumes répartis en deux fagots

Les 200 chaumes ont été placés dans un renfoncement naturel à proximité de la bambousaie. Cela nous permet de limiter le transport et de bénéficier de la topographie naturelle du site pour immerger les bambous à la saison des pluies. Ayant peu de moyen, nous travaillons de manière intelligente pour limiter nos efforts. Ainsi pour ne pas que les bambous soient emportés par les courants, nous utilisons les filets de pèche abandonnés sur le rivage à proximité de la bambousaie. Ce site est pour nous une véritable chance car nous avons tout sur place et nous pouvons travailler dans de bonnes conditions. Nous avons formés deux fagots de 100 bambous chacun, méticuleusement placés dans le point le plus bas de ce bassin naturel et les avons accrochés pour limiter leur dérive. Pour que la méthode soit très efficace, et cela est valable pour chaque méthode de traitement, les diaphragmes des bambous doivent être percés afin que les entre-nœuds étanches puissent être traités. Par manque d’équipement matériel nous n’avons

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LE SÉCHAGE DU BAMBOU Après une immersion des bambous pendant plus de 4 mois, nous devons les sortir de l’eau et les faire sécher afin qu’ils ne pourrissent pas prématurément. En effet, la saison des pluies touchant à sa fin, le niveau de l’eau a considérablement diminué et certains bambou sont en contact avec l’air extérieur ce qui, par l’humidité ambiante et les fortes chaleur persistantes, favorise le développement d’attaques fongiques.

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D’ailleurs un filet a dérivé par la poussée des eaux et s’est retrouvé dans les arbres à proximité. Les boues n’ont pas été suffisamment lourdes pour maintenir le fagot en place qui par l’air contenu dans les bambous a pu se déplacer. Si le filet les a maintenu ensemble et dans une humidité ambiante, nous sommes sceptiques quant à la qualité du traitement et leur conservation sans altération. D’autres ont bien été immergés et nous espérons de meilleurs résultats. Quoiqu’il en soit les résultats sont là, certains chaumes sont attaqués par des champignons et une couche noirâtre s’est formée sur leur paroi. D’autres, et beaucoup, ont été attaqués par des insectes, nous remarquons des petits trous sur leurs surfaces. Mais malgré cela, nous remarquons également que ceux qui ont bénéficié d’une protection par la boue sont épargnés des attaques extérieures bien qu’ils soient très sales. Cela donne une perspective encourageante sur un traitement naturel. Pour sécher le bambou il existe ici aussi plusieurs méthodes. Nous avons encore une fois opté pour la méthode la plus adaptée à nos moyens. Ils s’agit de créer un tipi avec les bambous pour les maintenir à l’horizontale, de répartir le poids autour de la structure et de suffisamment les espacer pour favoriser la ventilation des chaumes. Cette technique thaïlandaise préconise un séchage des bambous au soleil.

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1 - Bambous ayant dérivés du bassin 2 - Sortie des bambous de l’eau 3 - Construction du tipi pour le séchage 4 - Bambous en formation pour le séchage 5 - Les 200 chaumes positionnés verticalement pour le séchage

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Ici nous les avons simplement disposés à proximité du bassin pour limiter le transport toujours long et fastidieux. Les bambous sécheront dans une zone arborée ce qui peut ralentir le séchage et donner l’occasion aux prédateurs d’attaquer les chaumes.

L’avantage de le sécher au soleil est de lui imposer un changement extrême, immédiatement et non lors de sa mise en place. Puisque l’atelier porte sur la réalisation d’une clôture, l’idéal étant que le bambou atteigne rapidement son état stable, fendu ou non.

Sur cette question du séchage plusieurs écoles existent. Les Colombiens, experts en construction en bambou préconisent un séchage sous serre ventilée afin d’augmenter la chaleur tout en dégageant l’humidité. Les Thaïlandais, eux, préconisent un séchage rapide au soleil. Et les Cambodgiens un premier séchage au soleil puis une nouvelle immersion et un autre séchage à l’ombre. Du côté des occidentaux, le séchage horizontal à l’ombre est choisi, certainement comme un parallèle avec le séchage du bois. Mais n’oublions pas que ces pays n’ont pas tous les mêmes variétés de bambous.

Dans le cas d’une utilisation en intérieure, il va de soit que cette volonté de déformation n’est pas souhaitable et que la stabilité sera obtenue avec un procédé de séchage plus lent. Notons que tous les bambous ne réagissent pas de la même manière.

Dans notre cas, le Vulgaris a tendance à fendre au soleil, si son séchage est réalisé à l’ombre on observe une limitation du phénomène. Toutefois il conserve une hygrométrie importante.

Enfin, pour limiter encore un peu plus l’attrait des prédateurs sur ces bambous encore verts et tendres, il est recommandé de le faire sécher dans une autre zone que la bambousaie. En effet, comme nous l’avons dit la coupe génère beaucoup de déchets verts, de parties de bambous inexploitées, or ces déchets sont la nourriture des insectes, ainsi leur territoire de prédilection est la bambousaie. En d’autres termes, le bambou, bien que traité, ne devrait pas sécher là où des bambous morts sèchent et se font dévorer naturellement.

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LE NETTOYAGE DES BAMBOUS Après un séchage d’environ 6 semaines. Nous sommes retournés voir nos bambous. Et comme nous le stipulions, si la méthode cambodgienne permet un traitement relativement aisé, elle a le désavantage de couvrir les bambous de boue et un nettoyage est nécessaire. Remarquons que généralement un nettoyage est toujours nécessaire. Par contre nous avons remarqué que les bambous flottants dans le lagon, si leur dérive n’est pas longue, restent propres et jaunes. S’ils dérivent plusieurs mois ils deviennent gris à l’instar des bois flottés.

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Cette dernière étape dans ce processus de récolte des bambous et relativement longue surtout quand elle réalisée à la main. En effet, il faut compter 5 min de nettoyage par chaume à l’aide d’une brosse rigide ou d’une éponge métallique. A l’issue du nettoyage, nous découvrons la texture du bambou qui a été altérée par les champignons mais également par la boue qui lui donne par endroit des teintes particulières. Le bambou n’est pas homogène d’un blond caractéristique, il devient gris ou encore rougeâtre lui donnant un aspect nouveau que nous n’avions pas anticipé. Si cet aspect peut décevoir certaines personnes, d’autres y voient des motifs semblables aux « défauts » du bois (veinage, couleur et particularité relatives aux essences).

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Une fois les bambous nettoyés à l’eau de mer, ils sont une dernière fois séchés au soleil. 3

1 - Bambous avant nettoyage 2 - Bambous en cours de nettoyage 3 - Bambous après nettoyage 4 - Texture des bambous 5 - Nettoyage à marrée basse 6 - Nettoyage à marrée haute

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LE TRANSPORT DES BAMBOUS Evidemment les bambous ne sont pas destinés à rester sur place et la question du transport intervient. Plus les bambous sont longs plus le transport peut s’avérer compliqué. Dans notre cas, le transport n’a pas été le plus complexe mais plutôt l’accès aux bambous. En effet, bien que la bambousaie soit accessible, le chemin n’étant pas entretenu cela nous a posé quelques problèmes et nous avons dû défricher la zone pour rapprocher au maximum le véhicule. Cette question de l’accès est très importante pour la gestion de la production. Car si nombre de bouquets sont présents sur l’île, nous ne savons pas combien sont réellement exploitables. Dans ce premier exercice de récolte du bambou nous avons pu observer une multitude de contraintes révélant autant de problématiques. Si la question du temps passé et de la viabilité d’une production locale de chaumes est le cœur du sujet pour la structuration d’une filière, nombre d’autres facteurs interviennent. Bien sûr cette expérience manuelle réalisée à l’huile de coude peut être optimisée par des moyens mécaniques. Reste à définir si les investissements et les infrastructures nécessaires au développement d’une production locale pourraient être amortis sur le territoire. Le nombre, somme toute, réduit de chaumes disponibles couplé aux enjeux de protection de l’écosystème insulaire ne semblent pas favoriser cette hypothèse. Toujours est-il que le bambou reste un moyen économique pour la construction à petite échelle. Posant la question du développement et plus généralement de nos modèles de production et de leur compétitivité. Quel devenir pour le bambou mahorais une fois devenu résistant, économique et standardisé dans un marché globalisé ? 1 - Les bambous avant transport

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2 - Les bambous déposés à la maison des apprentis d’Auteuil


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NYU MBA MBU

Adresse: 2a Rue Cavani Bé (entre le pôle culturel et le lycée) 97620 Chirongui Tel : 06 39 09 09 09 Mail : lapermanence@lycée-chirongui.fr Nyumbambu Permanence Architecturale


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