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Des jours avec et des années sans...
Sans cheval, un cavalier n’est qu’un piéton. Et, faute d’un très bon cheval, même le cavalier le plus doué ne restera qu’un figurant et devra se contenter des miettes que lui laisseront ses concurrents équipés de montures plus talentueuses. Sans les éleveurs, point de chevaux et donc point de sports équestres.
L’éleveur est la base de la filière équestre, sa pierre angulaire. Qu’on ambitionne d’être champion olympique, ou qu’on veuille juste monter en club ou en balade, il faut que des chevaux naissent et soient élevés avec soin pour permettre à chacun d’assouvir sa passion ou de voir se réaliser ses rêves de gloire. Ce sont les éleveurs qui, lorsque la mécanisation a supplanté les chevaux de travail, ont su faire évoluer les races en chevaux de selle et de sport. Ce sont les éleveurs qui ont patiemment, génération après génération, essayé de faire évoluer leurs croisements pour rendre leurs chevaux de plus en plus performants.
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Ils ont passé des jours pour essayer de trouver les meilleurs mariages sans savoir si le résultat serait à la hauteur de leurs espérances. Ils ont passé des nuits blanches à veiller leurs poulinières à terme, en priant pour que le poulinage se passe bien et que naisse un beau poulain prometteur. Ils n’ont pas compté leurs heures pour soigner au mieux leurs protégés, sans jamais être à l’abri d’un accident qui ruinerait à jamais leurs carrières sportives. La route est longue entre la conception d’un poulain et ses débuts sur les terrains de concours, et tellement de choses peuvent arriver.
Les éleveurs prennent tous les risques financiers, mais ce sont rarement eux qui touchent les dividendes lorsque celui qu’ils ont fait naître devient un champion et est vendu à prix d’or. Parce qu’entre les débuts en compétition et l’arrivée au plus haut niveau, le chemin est long, tortueux et onéreux, et rares sont les éleveurs qui peuvent se permettre de garder leurs chevaux jusque-là. Ils les auront souvent vendus bien avant, peut-être au sevrage, parfois à trois ans, ou après une ou deux années de valorisation en concours. Bien souvent, le bénéfice - s’il y en a un, ce qui est loin d’être toujours le cas- aura été mince, et peu d’éleveurs arrivent à réellement vivre de leur activité.
Eleveur est un métier (ou un hobby) compliqué et souvent ingrat et c’est avant tout une activité de passionnés… et de rêveurs. Parce qu’il faut être passionné et beaucoup rêver pour continuer contre vents et marées, malgré tous les inévitables coups du sort et les nombreux espoirs déçus. Rêver que celui qu’ils ont vu naître trouve le cavalier qui lui convienne le mieux, qu’il concrétise les espoirs portés en lui et qu’il fasse briller l’affixe de son élevage sur les plus belles pistes du monde. Il y a déjà bien longtemps, un vieil éleveur aujourd’hui disparu nous disait : « L’élevage, c’est des jours avec et des années sans. » Alors, souhaitons à tous ces éleveurs passionnés plus de jours avec que d’années sans…
Marc Verrier
(« Grand Prix », hors-série Elevage, mars-avril-mai 2022)