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La maison de la forêt et des bois de Guyane
Vitrine technologique du bois en Guyane
À proximité de la Route de Montabo et de la Rocade de Zéphir, la Maison de la Forêt et des Bois de Guyane (MFBG) se veut un repère lointain. Afin d’exister en tant qu’équipement majeur, le modelage du terrain en socle végétal offre un piédestal léger et naturel au bâtiment.
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Les volumes variés et de hauteurs diverses forment un ensemble hétérogène qui répond aux différents besoins du programme : le volume de la salle d’exposition et d’accueil présente une forme originale avec ses arcs cintrés et sa courbe orientée vers le centre de la parcelle. En plus d’être un repère visuel ludique, ce volume démontre la performance et l’originalité que peut porter l’ensemble de la filière bois guyanaise. Ce volume, lieu de partage et de rencontre ouvert au public, se trouve au cœur du projet.
//// La vocation de la MFBG ////
La MFBG affiche une double vocation, celle d’accueillir le CTBFG (Le Centre Technique Bois et Forêts de Guyane) véritable laboratoire de recherche et d’essais au service du bois et des forêts, et celle complémentaire de s’ouvrir au plus grand nombre afin d’en faire un lieu de rencontre et d’échange grâce à son centre de ressource et sa salle d’exposition, en lien direct sur l’espace public, présentant une singularité architecturale, son principal ambassadeur.

Deux autres volumes parés de bois accueillent la Bibliothèque, la Xylothèque (répertoriant les bois de Guyane), des laboratoires de recherche et les bureaux de la filière bois. Un volume minéral abrite les ateliers d’essais mécaniques.
Cette différenciation permet ainsi d’identifier clairement les différentes fonctions du projet, tout en proposant des ambiances dynamiques et des points de vue variés sur le quartier.
Une grande toiture «canopée», de forme organique, apaise cette hétérogénéité en abritant et unifiant les différents bâtiments sous son couvert. La fusion entre le végétal et le minéral s’opère naturellement.
Le projet affirme son équilibre par la grande percée verticale, «souche d’arbre» creuse.
Elle crée un puits de lumière filtrée sur le projet et érige un signal phare dans le prolongement des aménagements paysagers de la ZAC Hibiscus.
Ce parti architectural fort, intégré au quartier, préserve le confort thermique. La volumétrie répond aux exigences climatiques (protection de façades, ventilation naturelle, protection solaire, optimisation de la climatisation) en limitant les effets de masque pour les bâtiments environnants.
Le choix de l’utilisation du bois peyi comme matériau principal est évident lorsqu’il s’agit de construire les locaux de l’organisme promoteur de la filière bois en Guyane. Son emploi a été réfléchi tant dans le sens d’une exigence architecturale que d’une bonne gestion des ressources naturelles.

//////////// La MFBG c’est Gaïa Architecture & Abriba ////////////
Nous avons eu à cœur sur le projet de la Maison de la forêt et des Bois de Guyane, de nous exprimer grâce à un matériau noble en valorisant une diversité d’essences de bois de Guyane à travers des formes libres et dynamiques rendues possibles par l’utilisation de la technique du bois lamellé-cloué. La charpente, de la toiture «canopée » et de la salle d’exposition, de par leur conception en ondulation et coque à doubles courbures, en sont le parfait symbole et expriment toutes les possibilités offertes par cette technique adaptée aux savoir-faire locaux, technique remise au goût du jour au service d’une architecture expressive. Le projet s’articule autour du «Totem», faisceau de grumes de bois locaux dressées, image de l’arbre majeur de la forêt guyanaise.

MBG un gage de qualité
La société Menuiserie Bois Guyane (MBG) est une SARL, créée en octobre 2013. Son gérant est Robertino Luongo ; fier de sa «petite entreprise » qui tourne bien. Il est accompagné par un architecte, un chef de chantier, un chef de groupe et trois menuisiers-charpentiers.

Leur point fort et leur signature : utiliser exclusivement du bois de Guyane. Menuiserie Bois Guyane propose ainsi des maisons en bois en kit, adaptées aux besoins et au budget de chacun. « Nous présentons quatre formules de maisons en bois, allant de 36 m² à 220 m², dont le prix varie de 1 000€ à 1 300€ le m². Un choix à la carte, selon le budget du client. L’équipe prépare tout à l’atelier, et sur le chantier on monte les pièces, comme un puzzle » MBG ne fabrique pas que des maisons ! Meubles, portes, fenêtres, éléments de cuisine et salles de bains, escaliers, parquets, deck, bardage, bungalow… etc. le tout sur mesure.

Le concept de la maison prête à finir et sur mesure engendre une économie de 20% à 40%. Les finitions pourront être réalisées par l’acheteur : faux plafonds, isolation, électricité, plomberie, revêtements des sols et des murs, etc. … Avec des plans à l’appui le montage de la maison est simple. L’acquéreur peut lui-même monter sa maison avec l’assistance technique de MBG si besoin. Le professionnalisme de MBG s’affiche dans les détails. « On utilise exclusivement de l’inox dans la construction, tant dans la ferronnerie que dans la boulonnerie.
Aller de l’avant de concert avec les innovations technologiques : c’est mon credo, ne pas être en retard par rapport aux modernités actuelles ».
Les bois préférés de MBG appartiennent tous à la classe IV : wacapou, ébène verte, et balata. C’est ainsi qu’il a réalisé pour le site de la Cocoteraie à Kourou, 1 km de clôture en bois de classe IV, les portiques d’entrée du site, un carbet avec une toiture en demi-lune et deux carbets hexagonaux, tous toiturés de bardeaux en wapa et pierres de Bavière au sol. Comme on dit en Italie : « si l’organisation au départ est bien faite, 50 % du travail est déjà réalisé ».





MBG
2 rue Marcel Dassault
ZI Pariacabo - Kourou


L’architecture créole traditionnelle : d’hier à aujourd’hui
La question est : avons-nous su préserver les principes de l’architecture créole traditionnelle d’antan ? Est-ce que les bâtisseurs d’aujourd’hui regardent en arrière du côté des anciens qui eux, tenaient compte du contexte climatique et géographique du territoire ?
Pour nous répondre, deux architectes : Anaïs Durand, directrice du CAUE*, et Florence Denarié, animatrice du centre de ressources de l’association AQUAA*.


Anaïs Durand : Il faut déjà parler du contexte, l’environnement urbain dans lequel s’inscrit cette architecture bioclimatique. À l’ époque, quand il y a eu le plan de la ville en damier proposé à la fin des années 1700 par Turgot, l’orientation des rues et des ilots a été pensée en fonction de la direction des alizés pour apporter de la ventilation naturelle dans les espaces publics.
L’implantation des maisons traditionnelles de Cayenne sur la parcelle s’effectuait par l’alignement sur rue du corps de bâtiment principal. Des annexes, abritant notamment les cuisines et salles de bains, dissociées du corps de bâtiment principal, s’implantent en fond de parcelle et/ou sur les limites mitoyennes. Il y avait toujours des espaces vides entre les différentes constructions, formant ainsi des couloirs de ventilation naturelle.

Aujourd’hui, avec la densification dans le centre-ville, on voit que les bâtiments sont accolés et on n’a plus cette respiration-là. La ventilation devient difficile dans les espaces extérieurs et même e compliqué dans les espaces intérieurs, le vent ne pouvant plus traverser les pièces de la maison. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on parle d’ilots de chaleur urbains.


Florence Denarié : Ça ne respire plus, l’eau n’est plus absorbée dans le sol. Les arrière-cours sont construites à cause de de cette densification réalisée au fil des années.
AD : L’orientation et l’implantation sont les deux choses primordiales pour faire une architecture bioclimatique. Même si on a des espaces traversants, façades poreuses, des dispositifs nécessaires pour créer une architecture bioclimatique, si on n’a pas réfléchi à l’implantation et l’orientation dans son contexte, c’est considérer finalement le bâtiment comme un objet, qui pourra peut-être fonctionner dans un certain contexte, mais pas dans un autre (environnement).
FD : Dans bioclimatique, il y a climat. D’où vient le vent en Guyane ? Les vents dominants viennent de l’est et du nord-est.
AD : Selon le contexte, la topographie, les constructions environnantes et la végétation vont faire écran, la direction des vents dominants va être modifiée. C’est la raison pour laquelle il faut réaliser une étude fine du contexte avant de définir l’implantation et l’orientation de la construction.
FD : Le choix de l’implantation et de l’orientation n’impacte pas le coût de la construction. Au contraire, il permet de réaliser des économies d’énergie à l’utilisation.
AD : Dans les maisons traditionnelles de Cayenne, les 4 façades du bâtiment sur rue étaient percées, il n’y avait pas de pignon aveugle étant donné que les maisons n’étaient pas accolées à d’autres ou en limite mitoyenne. Des ouvertures étaient aussi présentes en hauteur pour évacuer l’air chaud, les combles servaient aussi à ventiler. Aujourd’hui, des combles sont aménagés pour faire du logement alors qu’on a dans ces espaces un plafond bas, les volumes et dispositifs ne sont pas adaptés pour y habiter.











Et les plantes ?
FD : Les plantes médicinales et les plantes apportent de l’ombrage et de la fraîcheur par l’évapotranspiration des feuilles.
AD : Les arbres plantés en cœur de cour, comme les manguiers, jouaient aussi un rôle et participaient à des échanges thermiques. Comme l’air chaud est plus léger que l’air froid, l’air chaud va monter et va entrainer l’air frais, créant ainsi une ventilation traversant la maison située entre la rue et le jardin.
Donc aujourd’hui, on est loin de tous ces critères ?
FD : Oui, mais surtout aujourd’hui l’architecture est standardisée parce qu’on a beaucoup plus de facilité à s’approvisionner en matériaux mondialisés. On fait venir du ciment, on construit beaucoup en béton ; ce matériau accumule de la chaleur pendant la journée pour ensuite la restituer. Un mur en béton à l’ouest prend le soleil de la fin de journée, il va accumuler la chaleur et la restituer toute la nuit. Le béton n’est donc pas adapté à notre climat. Ceci dit, il est possible de mettre en place des « obstacles » aux rayons directs du soleil pour limiter l’entrée de chaleur à l’intérieur : soit par la végétation puisqu’elle projettera de l’ombre sur le bâtiment, soit par la pose de bardages en bois sur la façade ouest. Mais je pense que la standardisation est un gros problème, on est tous conscients qu’il y a une grosse demande en climatisation. Or, on n’est pas capables de produire autant d’énergie pour pouvoir satisfaire ce besoin… On a vu que la ventilation naturelle pouvait être très efficace, alors pourquoi s’en priver ?
AD : Quand le centre-ville de Cayenne a été créé, avec le dimensionnement des rues, c’était dans un contexte où on se déplaçait à pied. Aujourd’hui, ce centre-ville est complètement « envahi » par l’automobile, avec de fortes circulations, générant beaucoup de nuisances sonores. Donc rien que pour le confort acoustique, on a tendance à isoler et fermer les espaces, nécessitant alors d’être climatisés.
Donc ça devient une obligation de mettre la climatisation?
FD : Non, sur un projet de réhabilitation d’une maison traditionnelle dans le centre-ville de Cayenne, il y avait justement cette problématique acoustique. La personne a souhaité garder le cachet de cette maison traditionnelle et a voulu favoriser la ventilation naturelle, en inversant la partie jour (mise côté rue) et la partie nuit (positionnée côté jardin). En architecture, on doit beaucoup jouer avec les contraintes. Aujourd’hui, on voit des bâtiments notamment tertiaires se construire avec d’énormes surfaces vitrées, pas ou très peu de débords de toiture, des façades grises avec du béton, propices à un fort apport de chaleur à l’intérieur. La réglementation thermique s’applilque au logement, mais pas encore au tertiaire. Résultat, des constructions inappropriées, qui constituent un gouffre financier au regard des besoins démesurés en climatisation. De plus, malgré la climatisation, la température réellement ressentie sera une moyenne entre la température de la paroi et la température intérieure : si la température de consigne est de 22°C à l’intérieur et que notre paroi est à 48°C, la moyenne ressentie est de 35°C à l’intérieur. C’est pour cette raison que si on ne fait pas attention à bien protéger nos façades, on aura beau mettre toute la climatisation qu’on veut, on n’obtiendra pas un confort thermique satisfaisant.


AD : Aujourd’hui, dans la pratique et depuis le milieu du siècle dernier, les terrains sont mis à nus et décapés de terre végétale avant d’être construits et replantés. Il n’y a pas de pratique d’analyse et de compréhension du site sur la végétation existante, la topographie, qui est pourtant nécessaire pour permettre l’adaptation des constructions et aménagements à leur environnement.
Quels sont les principes majeurs de la maison traditionnelle créole?


AD : Il y a toujours un soubassement « en dur » pour pouvoir protéger le mur ( en bois et en terre) des attaques de l’eau. On a des ouvertures sur toutes les façades (aucun mur aveugle), des impostes ventilantes au-dessus de chaque porte et de chaque fenêtre. Le vent peut traverser la maison aussi au-dessus des cloisons, car elles ne montent pas jusqu’au plafond. On a des débords de toiture et des auvents protéger la façade à tous les niveaux. Si on a une maison sur un étage, on a forcément des auvents en rez-de-chaussée.
Anaïs Durand, architecte dplg, urbaniste opqu et directrice du CAUE de Guyane (le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement).

Florence Denarié, chargée de mission conseils et animation du centre de ressources Qualité environnementale du Cadre Bâti à l’association AQUAA (Actions Pour une Qualité Urbaine et Architecturale Amazonienne).
