"Le Royaume de Pierre d'Angle - Tome 1 L'art du naufrage" de Pascale Quiviger

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le temps de le dire. Les occasions de le corriger étaient rares et l’amiral les savourait. – Ce que le navigateur a vu, Guillaume Lebel, c’est un phare, expliqua-t-il, condescendant. Il mit ses mains en porte-voix : Pas vrai, Poussin ? Un phare ? – Plusieurs phares, amiral, confirma le navigateur. Presque une route pavée. – C’est bien ce que je pensais. Poussin, descends. Dorec tourna sur lui-même et interpella deux hommes qui passaient par là. – Félix ! Ovide ! L’ancre, tout de suite ! Le grand timonier et le gros tonnelier obéirent sans un mot. – Je ne comprends toujours pas, amiral, dit Thibault. – Ah, beaucoup s’y laissent prendre, sire. L’illusion est parfaite. On n’accoste jamais de nuit à Khyriol. Jamais. Pas si on tient au bateau. À l’équipage. Aux marchandises. – Mais quelle illusion ? Un phare, c’est un phare, non ? – Pas s’il est placé à l’intérieur des terres, sire. – À l’intérieur des terres ! s’écria le second, qui eut droit à un autre regard plein de reproches. – Mais c’est un fait connu, Guillaume Lebel. Les navires qui se laissent guider par les phares de Khyriol vont s’échouer sur une plage. Marée haute, marée basse, peu importe. On leur vient en aide, bien sûr, et avec le sourire. On débarque les hommes à bâbord, pendant qu’à tribord on vide la cale. Ah ! Ils sont pirates sans même se donner la peine de prendre le large. Je déteste Khyriol.

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