Actuel n°26

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Actuel no 26

l’estampe contemporaine

Dans l’hémisphère Nord, décembre est le milieu de l’hiver, une période de mythes sombres, de légendes et de célébrations traditionnelles, lorsque la lumière du soleil est la plus faible, les ombres les plus longues et le temps généralement froid. Dans l’hémisphère Sud, c’est le milieu de l’été, et les jacarandas qui donnent de l’ombre sous le soleil brûlant le long des rues de Buenos Aires sont à leur apogée, avec des flots de fleurs d’un bleu intense. Je me souviens de ces arbres, lors de ma visite dans la ville il y a neuf ans, avec une chaleureuse nostalgie alors que je parcours la campagne froide du pays de Galles, où je vis. Nous vivons notre cycle saisonnier à travers les changements de lumière et de température, de vent et de temps, et cela se répercute dans l’art que nous produisons. Il n’est pas toujours facile de se rappeler que les saisons de nos vies se reflètent par leurs contraires dans des pays à l’autre bout du monde. Enfant, je fus étonné d’apprendre que Noël en Australie pouvait être célébré en plein soleil d’été sur une plage !

Tout cela m’amène à réfléchir à la nature de la gravure et, par extension, à la créativité humaine en général. Ces activités sont inextricablement liées : voir ou imaginer le monde, prendre le temps de passer par les processus nécessaires pour développer une image, créer la matrice puis réaliser l’édition. Toutes ces choses ont également beaucoup à voir avec l’équilibre entre la lumière et l’obscurité, et dans le cas de la manière noire, avec la création d’abord de l’obscurité, puis de la lumière. Vue de l’extérieur, et sans connaissance des processus physiques et

intellectuels impliqués, la gravure peut apparaître soit comme une forme d’alchimie, soit comme une folie. Pourquoi, se demandent certains, se donner tant de peine alors que la réalisation d’un dessin ou d’une peinture, ou mieux encore d’une photographie, est à la fois plus directe et plus rapide ? Les graveurs peuvent bien sûr proposer leurs propres raisons individuelles pour le travail qu’ils font. Ou ils peuvent montrer leurs empreintes et dire aux gens de se faire leur propre opinion. Après tout, une estampe est au cœur de la forme de communication visuelle entre l’artiste et ceux qui la voient. Dans un monde où la communication prend de plus en plus d’importance, nous devons faire face à la responsabilité qu’elle exige, que ce soit en tant que créateur ou récepteur de l’information communiquée. Par exemple, les médias d’information, dans la presse écrite et la radiodiffusion, ont la responsabilité majeure d’être exacts et véridiques. Nous avons tous vu comment les « fake news » peuvent être utilisées à des fins politiques. Bien que faire ou regarder de l’art soit une question assez différente, les créateurs d’œuvres ont néanmoins la responsabilité de s’assurer que ce qui est offert a un but et un sens clairs. En même temps, ceux qui rencontrent l’œuvre ont la responsabilité de la regarder honnêtement. Si tout est bien fait, comme on peut le voir dans les pages de ce journal, alors un niveau de communication remarquable est atteint.

Pierre Vaquez

Bon, il faut s’y mettre…

Pierre Vaquez : …

Ben oui, le texte…

– Ah oui… mais bon, c’est pas trop mon fort, tu vois… Ça n’a rien d’évident cette histoire de texte. J’imagine que ça s’apprend, que ça fait partie du métier, mais… (inquiet) Euh, je sais pas dans quoi tu nous embarques là… Non… c’est pas important, mais je voulais seulement dire que le fait de parler de mon travail graphique n’est pas évident. D’une certaine façon, tout ce à quoi je pense est dans les images et il n’y a rien derrière, à côté ou au-dessus, tu vois ?

Je vois pas grand-chose… Bon… On va essayer de faire simple si tu veux bien. Tu peux déjà dire ce que tu cherches à faire dans ton travail, non ? – D’accord, mais je suis pas sûr de chercher grandchose…

Ouh là, ça recommence…

– OK, OK, je vais essayer d’être clair. Mon boulot, tel que je le vois, c’est de produire des images que je trouve plus ou moins belles ou rigolotes, pour les montrer aux gens en espérant que certains d’entre eux les trouveront aussi belles ou rigolotes et que comme ça tout le monde sera content et… C’est un peu pauvre là, limite indigent… Tu dois bien avoir quelque chose à dire, à exprimer… Des thématiques, un « univers », comme on dit ?

– … Ce que j’essaye de dire, c’est qu’à aucun moment de mon travail, je ne veux consciemment dire ou exprimer quoi que ce soit. Ce sont des images qui me viennent à l’esprit, pas les motifs d’en faire.

Je n’ai pas en tête des idées ou des sentiments à exprimer et qui pourraient être convoyés par des images, mais d’abord des images, qui sans doute convoient des idées ou des sentiments, et encore… sûrement malgré moi.

Même les thèmes ne sont pas vraiment délibérés. Je vois bien – a posteriori – que je tourne toujours autour des mêmes trucs plus ou moins fantastiques ou simili-poétiques ou drôles, mais c’est seulement que j’aime ça, que je prends plus de plaisir à dessiner une sirène, un gros monstre, une soucoupe volante ou un paysage impossible que la réalité bien dure. Voilà, au fond, c’est sans doute ça : j’ai du mal avec la réalité bien dure. … (accablé) On va essayer autre chose : les grands anciens, les influences, les maîtres… ? – Ah oui… Bon, on ne va pas trouver beaucoup de grandes figures de l’art. En réalité, tout ça est peutêtre une histoire d’éducation : pas d’école d’art, pas d’artistes dans la famille (mais mon grand-père était peintre en enseignes, et il m’a quand même laissé une nature morte avec des fraises et une cruche verte) et pas de fréquentation assidue des musées. Autant dire abandonné dans la jungle. Donc, mes maîtres c’est plutôt Milton Caniff, André Franquin, Gus Bofa, les frères Fleischer pour les premiers qui me viennent à l’esprit. Pour te donner un exemple, les célèbres pages de Fantasio à vélo dans La Mauvaise Tête (un album des Aventures de Spirou et Fantasio, Franquin, 1954) m’ont beaucoup plus marqué que… disons Guernica

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… C’est un peu de la provoc à deux balles… Et en plus, il n’y a aucun rapport. – Oui, bon… En attendant, disons seulement que j’ai plus été formé par les dessins de Druillet – ado dans les années 70, ça te faisait vraiment exploser la cervelle – et de plein d’autres que par des artistes plus muséaux. Sinon, Gus Bofa est simplement le plus grand dessinateur du monde, Milton Caniff a produit un noir et blanc à tomber par terre et les Fleischer ont exploité les possibilités graphiques du mou, du quasi liquide d’une façon vraiment belle à voir, et inquiétante aussi. Mais il y a aussi les films de la Hammer, Will Eisner, Dick, Céline, Flaubert, Lovecraft, Boulgakov, Tardi… OK, tu pourrais continuer la liste de noms toute la journée. Et sinon, pourquoi la gravure ? La manière noire ? – Arf… C’est un peu par hasard quand même. Il y a vingt ans à peu près, j’ai vu qu’il y avait des cours de gravure à la Ville de Paris. Je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était vraiment, mais c’était tentant parce que j’avais en tête les illustrations des bouquins de Jules Verne (dans l’édition du Livre de Poche). Je croyais qu’on allait faire ça. Et ben non, c’était autre chose et c’était bien quand même. Et donc, me voilà dans l’atelier d’Agnès GauthierChartrette et Brigitte Combes, et ça a été une vraie découverte : l’estampe, c’est quand même l’endroit où l’imprimerie et l’image se croisent, et donc là où mes deux plus vieilles obsessions – le dessin et les livres imprimés – peuvent trouver matière à s’entretenir mutuellement.

Mmh… Et pourquoi la manière noire, spécifiquement ?

– Euh… au début, je crois qu’il y avait en partie des raisons pratiques : c’est une technique directe et donc tu es libéré de tout l’arsenal chimique de l’eau-forte et de l’aquatinte, tu peux bosser chez toi sans empoisonner le chat. J’ai jamais été fichu de dégraisser correctement une plaque, alors, imagine, poser un vernis…

En plus, c’est sans doute la technique la plus visuellement évidente de toutes : tu vois ce que tu graves : quand c’est plus clair sur la plaque, ça sera plus clair au tirage. Par rapport aux contorsions cérébrales qu’exige l’aquatinte par exemple, c’est super reposant.

Sinon, il y a aussi un motif peut-être plus présentable pour ce choix : c’est la satisfaction profonde qu’on peut trouver à l’action d’éclaircir. Il y a vraiment

un truc qui me plaît dans l’idée que tout ce que tu fais est d’enlever du noir, que chaque effort va vers le plus lumineux. Bon, évidemment, tu ne fais qu’éclaircir ce que tu as toi-même passé un certain temps à assombrir au maximum… Ça relativise un peu l’explication.

Et puis, il y aussi un autre truc : comme j’ai l’inspiration quelquefois un peu mièvre, un peu kitsch, le rendu de la manière noire, c’est plus ou moins un antidote à ma nunucherie naturelle : quelque chose d’un peu trop gentillet peut prendre une autre allure avec des paquets de noir bien terreux et juste un peu de lumière. Il y a une sorte de prime gothique dans la manière noire, non ?

– C’est fini ?

Bah oui, j’imagine. … (chuintements de berceau, crissements de grattoir).

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Voilà. Je suis né à Villers-Semeuse, dans les Ardennes, en 1963. Ça commence mal. Petit, j’allais à l’école et je voulais devenir dessinateur de bande dessinée. Plus tard, comme je n’allais pas à l’école si bien que ça, je me retrouve à charrier des pots d’échappement d’Ami 8 dans un magasin de pièces détachées Citroën. Après, au service de l’État, je fais de la comptabilité, du droit fiscal et de l’informatique de gestion : c’est moins dur et mieux payé. À quarante ans, je me souviens que j’aimais dessiner et je m’inscris dans un atelier de gravure de la Ville de Paris. La manière noire me tombe dessus. Vers 2005-2006, je participe à quelques expos, et puis, curieusement, une pause de quatre ou cinq ans pour étudier la philo. Bref, vers 2012, retour à l’atelier, aux expos. Autre décision hasardeuse, je m’éloigne définitivement de la fonction publique, pourtant bonne fille, pour me consacrer

exclusivement à la production d’estampes : la vie de graveur. En 2016, je rencontre Didier Lévy grâce à qui je réalise un vieux rêve : faire un livre illustré. Avec des manières noires, pour les enfants. C’est chouette, et avec Didier, on en fait deux autres, en 2019 et en 2022. À cette date, je continue. Et donc le dernier album avec Didier Lévy vient de sortir : Olo, naissance d’un héros. C’est l’histoire d’un requin, très calé en mécanique, qui résout les problèmes de toutes les créatures de la mer et libère les poissons des filets de pêcheurs. Ils vont tout faire pour le capturer…

Olo, naissance d’un héros est publié aux éditions Sarbacane, 40 pages, 29,7 × 23 cm, 16,50 €, disponible dans toutes les bonnes librairies. Pour les enfants à partir de 5 ans (qui aiment la manière noire).

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Couverture : Je veille sur vous, 2020, manière noire, 30 × 40 cm

Page 4 : En plongée, 2020, manière noire, 30 × 20 cm

Page 6 : Les Fantômes du zinc, 2016, manière noire, 30,5 × 30,5 cm

Page 7 : L’An 3030, 2020, manière noire, 15 × 15 cm

Page 8 : La Belle Plumassière, 2016, manière noire, 30,5 × 30,5 cm

Page 9 : La Sirène de 17 h 39, 2018, manière noire, 30,5 × 30,5 cm

Page 10 : Northern Lights, 2019, manière noire, 15 × 20 cm ;

Une soirée devant la télé, 2017, manière noire, 18 × 24 cm

Page 11 : Histoire du pion, 2022, manière noire, 25 × 17 cm

Pages 12 et 13 : Champagne !, 2020, manière noire, 18 × 24 cm

Page 71 : Un amateur de poésie, 2020, manière noire, 20 × 30 cm

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Née

sterenndepret.com @sterenn_depret

à Brest, Sterenn Depret vit et travaille à Douarnenez, dans le Finistère. Elle travaille plusieurs procédés d’impression : linogravure, eau-forte, aquatinte et pointe sèche. Certains des thèmes abordés sont issus de collaborations.
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Sterenn Depret

Dans son travail, Sterenn Depret s’emploie, par l’utilisation du trait figuratif, à évoquer les éléments, l’animal et son environnement. Il s’agit d’une recherche constante de l’affinité entre l’éphémère et l’indécis.

En 2010, Sterenn installe son atelier de gravure à Douarnenez, expérimentant et développant une gravure alternative, non toxique. Les diverses rencontres, échanges et collaborations, musiciens, poètes, scientifiques, nourrissent ses réflexions sur le territoire et ses enjeux, sur la place du sauvage, sa liberté, et sa domination.

Son processus de création est une recherche empirique du monde environnant. Elle explore les émotions de ces paysages dont l’apparente stabilité peut dissimuler de spectaculaires évènements. À travers les techniques de l’eau-forte et de l’aquatinte, elle cultive la notion d’usure, d’aléatoire et de stratification des ombres et des couleurs. Ces surfaces donnent naissance à une nouvelle géométrie où l’image est altérée et irrégulière.

Les surfaces et les superpositions sont une traduction symbolique de l’interdépendance d’un écosystème. Ou comment faire émerger et mettre en exergue les invisibles.

La ponctuation fluorescente est une extension de ce paysage. En reprenant les codes couleurs, et le mode de communication de ces micro-organismes, ce dispositif d’apesanteur lumineux participe à souligner l’importance du concept de connectivité et d’interaction du vivant.

Le point de vue de ces espaces gravés, cette perspective globale, nous amène à regarder en immersion et questionne sur la notion d’appartenance et notre proximité avec la « nature ».

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IMMOBILITÉ SILENCIEUSE

Le titre de cette série, Immobilité silencieuse, fait référence au travail de Rachel Carson, biologiste marin américaine et pionnière en notion d’écologie. Cette série est dans la continuité d’un travail commencé en 2016, à la suite d’une résidence à l’Observatoire du plancton à Port-Louis.

Page 14 : Immobilité silencieuse, 2021, eau-forte et chine collé, 30 × 30 cm

Page 16 : Dulse, 2021, eau-forte et chine collé, 30 × 30 cm

Page 17 : Bouillon de culture III, 2019, eau-forte et chine collé, 24 × 18 cm

WAVES

Petite vague est le visuel de l’album La Barricade du cygne, sorti en 2016 sous le label Tsuku Boshi. C’est le fruit d’une collaboration avec le musicien Mokuhen, librement inspiré de la nouvelle d’Hubert Haddad.

Page 18 : Vague à l’âme, 2016, eau-forte et chine collé, 30 × 21 cm ;

Nouvelle vague II, 2020, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm ; Petite vague, 2014, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm

L’OUTARDE

L’Outarde ou la cupidité de l’homme en milieu désertique En 2015, à la suite d’une rencontre lors d’un long séjour dans le Sud-Est marocain, est née l’idée d’une petite édition travaillée à quatre mains. Ce livre est une fable mise en mots par Isabelle L’Helgoualc’h, poète.

Page 19 : Mer de sable, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm ; Pierres, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm ; Chasseurs, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm ; Maléfices de l’homme, eau-forte et chine collé, 30 × 25 cm

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Augusto Sampaio

Mes propositions se déploient selon des axes distincts et complémentaires. La réflexion sur le dessin est primordiale dans l’élaboration de ces œuvres dont la réalisation est ancrée dans le décalage et la planification propres aux techniques graphiques. Sont présentées ici quelques images qui intègrent les œuvres intitulées Estampes collectives et Empreinte pour tous et également le livre d’artiste Une semaine comme les autres

Estampes collectives

Ces œuvres sont des installations graphiques publiques : un grand nombre d’estampes (sérigraphies ou gravures sur bois) collées sur les murs publics comme un grand panneau.

Ces panneaux sont une action collective entre les populations locales. Chacun des acteurs a élaboré une image graphique à partir d’un schéma envoyé par l’artiste : une grille avec des cellules. Les cellules peuvent être remplies de différentes couleurs ou ne pas être remplies du tout. Toutes les images ont été imprimées sur du papier grand format afin d’être exposées dans des espaces publics.

Ces œuvres explorent l’opposition entre les idées d’individuel/collectif ; thème/variation ; invention/répétition ; finalité/aléatoire et tradition/ innovation.

Empreinte pour tous présente des œuvres récentes produites dans les années de la pandémie.

À son début, rester chez vous était le mot d’ordre. Ainsi, l’obligation de n’utiliser que des objets domestiques a orienté mes recherches vers la collagraphie.

L’inventaire des objets usuels et la recherche des possibilités techniques ont guidé ce parcours.

L’organisation d’un glossaire de la banalité quotidienne a caractérisé un recensement d’objets : boîtes d’emballage, pièces de monnaie, feuilles de cahier, scies, enveloppes, entre autres.

Alors, un jour après l’autre, les objets ont laissé leurs traces. Jour après jour, les estampes sont présentées en séquences et en séries.

– Des séquences : un même objet après l’autre. L’ordre est donné par de légères variations de taille, de complexité ou de configuration.

– Des séries : l’objet après luimême. Addition, accumulation, saturation.

Ces présentations, comme un levier, basculent l’insignifiant dans le signifiant. Le système chevauche l’individualité de l’estampe.

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Une semaine comme les autres

Et enfin, le livre d’artiste intitulé Une semaine comme les autres, Uma semana como qualquer outra, édité par la galerie Leizorovici (Paris). La transcription du texte de l’éditeur Daniel Leizorovici est la meilleure façon de le présenter : « Que s’est-il passé durant une semaine, celle du dimanche 4 au samedi 10 juillet 2021, au Brésil comme en France ?

Augusto Sampaio a sélectionné pendant les sept jours un mot du quotidien Le Monde et un mot d’O Globo parmi les gros titres. frontières – faille – direction – mesures – barrage –relais – silences marco – silêncio – ritmo – corte – intervalo – cenário – destruição

Ils sont présentés en miroir alors que rien ne les unit. Ils sonnent familiers et pourtant ne se font pas écho. À chaque paire de mots, il a associé, au-dessus, des formes allant du triangle équilatéral au cercle ; sept figures géométriques progressant par la taille. Au-dessous, des formes composées de simples traits fins : petits, étirés, qui se croisent, formant des carrés, un quadrillage. Les signes graphiques d’un lexique qu’il développe depuis 2002 en xylogravure ou en sérigraphie, sur les murs de grandes villes du Brésil et d’Europe.

Augusto Sampaio met ici en œuvre toute la richesse de son vocabulaire plastique, le meilleur de ses recherches esthétiques et toutes ses compétences d’imprimeur. Il concentre là, en Une semaine, des années de recherches dans son travail d’artiste. »

Augusto Sampaio est né en 1962 à Indaiatuba, au Brésil, il a étudié l’architecture à l’Université de São Paulo (1981-1987) et le multimédia/cinéma, vidéo et photographie à la FEBASP (2003-2005).

www.sampaioaugusto.com @augustosampaio62

Page 20 : Projet Valongo, Santos-SP, Brésil, 2011, sérigraphie, 200 × 700 cm ;

Projet Northern Print, Newcastle Upon Tyne, Angleterre, 2016, sérigraphie, 150 × 500 cm

Page 21 : Scies séquence, 2020, collagraphie, 99 × 99 cm ; Sacs papier séquence, 2020, collagraphie, 99 × 99 cm ; Boîtes d’emballage séquence I, 2021, collagraphie, 165 × 165 cm

Page 22 : Projet Valongo, Santos-SP, Brésil, 2011, sérigraphie, 150 × 400 cm ;

Projet MAC-BAL, musée des Beaux-Arts, Liège, Belgique, 2013, sérigraphie, 200 × 1 200 cm

Page 23, Une semaine comme les autres, 2022, livre d’artiste, éditions Galerie Leizorovici

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Violaine Fayolle

Depuis mars 2014, je me suis mise à collecter des morceaux de la nature, des spécimens, des feuilles, des mousses ou coquilles, des pommes de pin, des squelettes… et j’en ai constitué un cabinet de curiosités. À partir de centaines de croquis naturalistes que je continue d’en tirer, j’ai créé des êtres qui servent de support à mes questionnements ; ce sont des oiseaux hybrides que j’ai nommés les Désailés. Il s’agit d’oiseaux possédant des ailes malheureusement inefficaces pour le vol. Inaptes à ce qui fait leur nature première, ils doivent alors trouver un autre sens à leur vie. Ils sont pour moi une métaphore des humains parfois désorientés par les transformations du monde. Ils me permettent de contrarier l’envie perpétuelle que nous ayons de classer, de ranger et de simplifier les individus pour les mettre dans des cases qui ne rendent pas compte de la complexité de leur être, car ils sont chacun unique et réagissent différemment à l’empêchement qui les caractérise.

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La Forêt

J’ai créé un milieu naturel à ces Désailés, La Forêt, en réalisant un projet qu’il me tenait à cœur de poursuivre, déjà entamé dans des séries précédentes : la narration dans la gravure à plaque perdue. C’est une longue scène où le noir se transforme en blanc au fil des 18 gravures formant un ensemble de presque 12 mètres par 90 cm de haut, qui se lit comme un seul paysage. Le choix de la gravure sur bois est aussi une façon de rattacher la production finale à la matière. L’arbre devient une planche qui, gravée, nous rappelle son passé d’arbre voué à la destruction pour servir les desseins de l’homme, et dans ce cas précis, mon dessin. Pour restituer dans sa création le fait que chaque moment est unique et disparaît à jamais, je me suis lancé ce défi technique : créer et faire évoluer chaque scène à partir de deux matrices de bois où les détails sont progressivement révélés à mesure que la gouge évide le bois. Les états intermédiaires d’impression des deux matrices permettent de créer cette histoire. La narration avance, mais l’état antérieur disparaît à jamais. Un peu comme la vie, finalement.

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La galerie d’ancêtres

Après avoir créé une quarantaine de Désailés individuels avec la technique du bois gravé, j’ai cherché à leur donner des ancêtres. Ils s’appellent Pétronille, Léopold, Eugénie ou Philastère. Les ancêtres étaient certainement capables de voler, et peut-être sont-ils responsables, d’une manière ou d’une autre, de cet empêchement que doit affronter leur descendance. Portraits présentés dans des cadres ovales anciens, bois gravés rehaussés à l’aquarelle, ils ont chacun appris d’une vie pleine et leur visage reflète les mystères qu’ils ont pu vivre, subir ou comprendre de ce monde complexe. Ils nous regardent autant que nous les interrogeons et dévoilent parfois un peu de ces mystères.

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Le théâtre de papier

Pendant le confinement, tous mes projets étant annulés, j’ai créé des théâtres de papier. Alliant sérigraphie, travail infographique et technique de découpe, j’ai voulu parler du confinement et des rapports humains à travers mes Désailés. Ils sont donc plus en interaction dans de petits espaces. Le spectateur est invité à scruter ce mini-univers et à s’y projeter pour peut-être y découvrir un reflet de ses propres expériences.

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Les Désailés dans la nature

Il s’agit de mon dernier projet dans lequel les Désailés vivent dans une nature étonnante, mais tirée toujours de mes dessins du réel. J’ai choisi d’allier pour cette série la sérigraphie et le bois perdu. Pour survivre, ces êtres hybrides vont devoir accepter leurs propres limites sans renoncer à leur complexité ni renier toutes les émotions qui les traversent.

Tout en restant ancrée dans le croquis naturaliste, je souhaite exhausser la flamboyance végétale et la distordre pour nous forcer à porter un autre regard sur la nature et peut-être la redécouvrir. Et nous au milieu d’elle.

Née en 1981, Violaine Fayolle, artiste morbihannaise, s’engage en 2009 dans la gravure sur bois. Après un travail sur plusieurs séries autour du monstrueux et de la norme, elle crée en mars 2014 une nouvelle espèce d’oiseaux hybrides : les Désailés. Il s’agit d’oiseaux possédant des ailes mais elles leur sont malheureusement inefficaces pour le vol. www.violaine-fayolle.com

Page 24 : Forêt (4b), 2016, gravure sur bois, 90 × 63 cm

Page 25 : travail en cours à l’atelier sur Forêt, 2016

Page 26 : Forêt (3a), 2016, gravure sur bois, 90 × 63 cm ; Forêt (3b), 2016, gravure sur bois, 90 × 63 cm ; Forêt (4a), 2016, gravure sur bois, 90 × 63 cm

Page 27 : Clotaire, 2020, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 22 × 15 cm ;

Philastère, 2020, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 30 × 22 cm ; Lysandre, 2021, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 22 × 15 cm ; Eugénie, 2020, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 45 × 25 cm ; Pétronille, 2019, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 30 × 22 cm ; Sarrasine, 2021, gravure sur bois, rehaut aquarelle, 22 × 15 cm

Page 28 : Derrière la façade, 2020, théâtre de papier, sérigraphie sept couleurs, 15 × 23 cm ouvert, détail puis complet ; Derrière la vitrine, 2020, théâtre de papier, sérigraphie deux couleurs, 15 × 22 cm ouvert

Page 29 : En équilibre, 2022, sérigraphie et gravure à bois perdu, 50 × 31,5 cm

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Vladimiro Elvieri TRACES GRAVÉES

Mes premières planches gravées datent de 1975, crées dans l’atelier Torchio Thiene (en province de Vicenza) dirigé par Armando Martini. Il s’agissait de pointes sèches sur plexiglas, un matériau dur qui m’a tout de suite séduit. Dans cet atelier régnait un air de liberté créative et d’expérimentation, un lieu de rencontre d’artistes, qui devint rapidement l’un des centres provinciaux les plus actifs dans le domaine de la recherche en gravure.

À la pointe sèche et au vernis mou, je combinais une variante de la célèbre méthode inventée par Henri Goetz, avec de la pierre ponce et du vernis industriel à la place du carborundum, obtenant des résultats qui élargissaient les possibilités, recevant les éloges de Goetz lui-même lors d’un de mes voyages à Paris en 1979.

Pour les effets tonals, au lieu de l’aquatinte traditionnelle, j’utilisais des matrices de fer gravées directement dans l’acide, et des marqueurs résistants aux acides, puis la pyrogravure et des perceuses électriques sur plexiglas.

Une série d’estampes réalisées au temps de l’artisanat ont mis en lumière ma recherche d’identité. En 1978, ce fut la rencontre fondamentale avec l’artiste designer Maria Chiara Toni, compagne dans l’art et dans la vie. Avec elle, chaque acte créatif est une comparaison et un stimulant pour une croissance commune dans l’échange fructueux d’idées et de pensées. L’année suivante, je déménageai à Crémone, où nous installâmes le nouvel atelier. Des recherches ultérieures donneront lieu à une série de gravures imprimées sur des papiers noirs, où des signes blancs dessinent des formes et figures de lumière émergeant de l’obscurité mystérieuse, ponctuellement investiguées dans les écrits d’importants critiques d’art.

Certains de mes articles concernant « La pointe sèche sur plexiglas » ont été publiés par la revue spécialisée Grafica d’arte à Milan. Suivront les gravures imprimées sur papier brun, dans lesquelles les clairs-obscurs et les formes plastiques sont mis en valeur par les encres noires et blanches, ou colorées, à deux ou trois matrices.

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Page 30 : Prigionieri della loro smorfia, 2022, pointe sèche et papier verre sur plexiglas, papier noir, 50 × 33,5 cm

Page 31 : Witold Gombrowicz, Form and Mystery, 2021, pointe sèche et papier verre sur plexiglas, papier noir, 50 × 65 cm

Page 32 : Ritratto di Francesco P., 2022, pointe sèche et papier verre sur plexiglas, papier noir, 35 × 50 cm

Page 34 : Autoritratto con ciuffo, 2021, pointe sèche (perceuse électrique) sur plexiglas et gouge, poinçon, roue dentée sur forex, papier noir, 70 × 50 cm

Page 35 : La tua terra è la mia, hommage à Vincent Van Gogh, 1990, pointe sèche et grattoir sur plexiglas, 36 × 45 cm Il tempo sospeso, 1995, pointe sèche et grattoir sur plexiglas, papier brun, 35 × 50 cm

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Importantes ont été les rencontres et fréquentations avec de grandes personnalités de l’art graphique telles que Zoran Kržišnik (fondateur de la Biennale de Ljubljana), Witold Skulicz (président de la Triennale de Cracovie), Renzo Margonari (critique d’art et artiste) et Dino Formaggio (philosophe de l’art), qui m’ont soutenu dans la conception et la curation de la Biennale internationale de gravure L’Arte e il Torchio à Crémone, qui m’engagera de 1999 à 2019, et qui m’a permis, en dix éditions, de rassembler environ 2 000 gravures en donation, aujourd’hui conservées au cabinet des dessins et des estampes du Musée civique de Crémone ; et aussi d’élargir mes connaissances techniques et d’établir des amitiés durables avec de nombreux artistes.

Dans mon activité, un rôle non secondaire a été joué par l’enseignement de l’histoire des techniques de la gravure dans diverses écoles et au cours international d’été à Urbino. La découverte de l’œuvre de l’écrivain polonais Witold Gombrowicz fut également décisive. Il m’a inspiré de nombreuses gravures et œuvres uniques de “dessin lumineux” et graffiti sur cibachrome ayant fait l’objet d’une exposition personnelle au Musée d’art contemporain de Radom (Pologne), dans le cadre du 3e Festival international consacré à l’écrivain, décédé à Vence en 1969.

Depuis 2006, l’utilisation des plaques en forex m’a conduit à de nouveaux résultats, au passage de la figuration à des formes plus abstraites, aux cycles dits Black Forms, avec des formats plus grands, et à de nouvelles combinaisons de techniques en creux et en relief superposées, ou associées avec la pointe sèche sur plexiglas. Mon travail est ouvert à l’expérimentation et comprend divers langages graphiques. Les sujets se déclinent au gré de ma curiosité et de la fantaisie de mon imaginaire. La main et le cerveau, ensemble, tracent le chemin.

Vladimiro Elvieri, graveur italien, est né a Schio, en 1950. Il vit et travaille à Schio (prov. Vicenza) Italie. Diplômé à l’Institut national d’art de Nove, il commence son activité de graveur à l’atelier Torchio Thiene d’Armando Martini. Sa production graphique compte plus de 700 gravures, réalisées surtout à la pointe sèche sur plexiglas et autres matériaux. Nombreuses expositions personnelles en Italie et à l’étranger. Invité aux plus prestigieuses biennales et triennales internationales. Créateur et curateur de la Biennale internationale de gravure de Crémone (1999-2019). Membre de l’association Prism Print International de Londres, et du jury de la Triennale de Cracovie 2015. Ses œuvres sont visibles en permanence à la galerie Michelle Champetier à Cannes. www.mchampetier.com/Vladimiro-Elvieri-2497-fr.html

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Page 36 : Horizon 1, 2, 3, 4, 5, 2021, aquatinte, 13,5 × 76 cm,

Page 37 : Vapeur colorée 2, 2021, aquatinte, 26 × 19 cm

Page 38 : Horizon 6, 7, 8, 2021, aquatinte, 19 × 76 cm,

Page 39 : Vapeur colorée 3, 2021, aquatinte, 26 × 19 cm

Monique Dohy est diplômée de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles section graphisme et image. Depuis, elle développe son travail de gravure, participe à de nombreuses expositions collectives ou personnelles ainsi qu’à des stages ou des formations (art thérapie, atelier vocal…).

Elle est directrice de l’École des beaux-arts de Wavre et a enseigné la gravure à l’Académie d’Anderlecht.

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Monique Dohy

Fleuves profonds, sombres rivières. Trichromies

Après avoir enseigné les techniques de la gravure dans différentes académies, Monique Dohy a aujourd’hui repris la direction de l’École des beaux-arts de Wavre et continue son œuvre de gravure, à laquelle elle donne, jusqu’à ce jour, une identité expérimentale et néanmoins reliée aux plus nobles thèmes classiques et modernes.

Son travail récent se présente sous la forme de longs étirements horizontaux, sorte de bâillements de portes où le jour pointe, colorés et impavides. Ces fleuves, ces rivières, qui nous rappellent les circonstances mélancoliques de la naissance du jazz, sont aussi des ciels et des horizons. Profonds et sombres, mais desquels naît et persiste toujours une étincelle de vie. Plus précisément, nous voilà devant des frontières topologiques. Comme d’incertaines limites que l’on perçoit pourtant, les yeux mi-clos, la paupière lourde, et qui permettent les grands voyages oniriques désirés depuis l’enfance.

Oui, c’est dans un esprit de préhensions tactiles que, mentalement, nos mains se tendent vers ces frontières toujours repoussées de la compréhension du monde.

Voici le nouveau travail de gravure de Monique Dohy qui, depuis plus de quarante ans, pratique, étudie et réinvente avec un tempérament d’exploratrice les cuisines savantes des métiers de la gravure dont elle bouscule avec jouissance les recettes.

On se souvient des formes sculpturales qu’elle posait avec solennité dans l’espace lumineux de lieux énigmatiques, étonnants échos d’une mémoire surréaliste. On se rappelle aussi cette série de paysages dont l’explosion des particules, des molécules et des atomes disait avec une sorte d’effroi la persistance de la beauté. En milliers d’éclats, le paysage demeurait à la manière d’une mémoire rétinienne.

Le nouveau travail, donc, caresse aujourd’hui d’un toucher visuel et pensif la naissance de deux mondes ; celui de la couleur, d’une part ; et par contingence, celui des phénomènes de la vie même.

Étrangement, ces récentes aquatintes nous mettent en porte-à-faux et induisent aussitôt une distanciation presque difficile à positionner tant elle est vertigineuse. La chose est d’emblée lointaine, l’image qui en résulte excite notre appareil oculaire trop habitué à la routine et, s’installant dans la durée, celle-ci se fait alors l’écho poignant du réel. Un monde oublié se rappelle à nous dans ces gravures. Émeraude, pourpres, orangés des aubes et des crépuscules se disputent nos émotions de jeunesse. Méditation assurée.

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Cette artiste, ferrée des secrets alchimiques du métier, aime les outils de la gravure dont elle remet en question les usages et les règles classiques avec un plaisir non dissimulé, mais aussi afin de servir une curiosité perspicace. Son atelier reste le lieu du souci permanent d’un joyeux laboratoire. Qui est attentif aux productions de l’art contemporain constate tous les jours combien de disciplines artistiques se trouvent souvent traitées par des caractères porteurs des fondamentaux de disciplines parallèles. On perçoit chez ce vidéaste un sculpteur évident. On entend résonner, dans telle installation, le royaume sentencieux de la citation littéraire, sociale ou politique. Tous deux peintres, Ingres est le dessinateur du plan immobile alors que Delacroix est le sculpteur « michelangesque » du mouvement des vents et des tempêtes.

C’est en peintre, semble-t-il, que Monique Dohy manipule ses échafaudages chromatiques. Les plaques de zinc de ses gravures vont et reviennent en pivotant sur des schémas médians œuvrant en transparences. Les passages de couleurs, leurs superpositions et les résultats plus ou moins aléatoires qui apportent les étonnements indispensables à l’enthousiasme de la composition se rejoignent en une méthode picturale éprouvée. Tout est permis. L’acide fait son œuvre dans une liberté voulue, provoquée et imposée avec audace, dans l’esprit d’une mise en danger technique.

L’empirisme créateur génère des champs d’action qui captent toute l’attention de la chercheuse d’images. Elle en fixera l’apport en découvrant sa spécificité.

Pourtant la gravure, rappelons-le, nous invite à une position physique très différente de celle induite par la peinture. Si, pour cette dernière, nous faisons quelques pas (plus proche ou plus loin), afin de trouver notre point de vue le plus juste, l’axe de vision idéal, il en va de manière très différente pour la gravure. On se penche vers elle et on se met à lire, à découvrir sa langue et à penser la route que l’on fera en elle. Nous voilà à l’écoute de ses dires et de ses silences. Par nos doigts timides, nous prenons contact avec ce papier choisi, en concertation méditée entre soi et la représentation. Avec cette page livresque qu’est toute gravure, page que l’on ne tournera pas.

Tout cela fait partie de l’histoire du multiple, de l’impression, de la mise sous presse et de la révélation miraculeuse de l’image inversée. Même si certains graveuses ou graveurs ont fait l’expérience du tirage monumental aux dimensions hors normes et à la facture délibérément approximative, cet enracinement perdure. Ces images d’horizons, que l’on poursuit et que l’on voit s’identifier en caractère et en mystère, évoquent peu à peu l’évidence d’un drame universel ; ces couleurs inconnues, des mariages renouvelés à l’infini. Le grain particulier qui naît de ces unions englobe la nature même des encres et des supports qui les accueillent.

Depuis longtemps les pistes des arts plastiques se brouillent pour mieux nous perdre avec notre consentement, voire notre demande et, dans cet état des lieux, Monique Dohy a engagé une longue et déroutante aventure.

Elle fait partie de ces créateurs qui, quotidiennement, reviennent de leur voyage d’hier et s’en voient changés.

Que serait l’expérience du chemin si nous en connaissions la fin ?

Boris Almayer

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Pierre Vasic

Dans les plis des interstices

Pierre Vasic compose des voyages interstitiels. Il explore les interstices de l’espace, les interstices du temps, les interstices entre l’espace et le temps. Au fil de ses images, Pierre Vasic nous glisse dans les plis furtifs de l’entre-deux en évanescence.

Les corps fondent en décors – des murs ? – derrière leur ombre. Les décors se dissolvent dans le vide derrière leurs griffures. Le vide mord le plein, comme le temps ronge l’acier. Le plein s’affaisse dans l’incertaine frontière entre de rares esquisses et la transparence de vagues fonds sales. Les noirs avalent l’ombre qui flétrit la lumière. L’opacité héberge la mort. La moisissure ocre s’abîme dans les ténèbres. La trace absorbe la silhouette qui consume le corps. Les parties désertent le tout. La trace entre le réel et son souvenir se dérobe à la matière. Les images de Pierre Vasic illustrent « La tension au cœur de la mélancolie : se taire ou se livrer » 1

À ce dilemme, l’artiste répond en taisant ce qu’il livre et en livrant ce qu’il tait. Toujours quelque part, en quelque temps, entre les deux, il y a lieu infinitésimal. Pierre Vasic enfouit le montrable et affiche le voilé dans l’interpénétration sombre de solides, de fluides, de gaz en corruptions. Regardez ses « cieux ». Regardez « l’eau » – plutôt le magma – du pont de Buda.

Pierre Vasic métamorphose les figures pour s’insinuer entre le visible et l’invisible. Ainsi d’incertaines cités déplient l’énigme : villes fantômes ou habitats ? Ruines ou gîtes ? Encore et toujours, Pierre Vasic se faufile dans l’indécidable ; il questionne sans relâche ce fil irrésolu qu’il nous tend comme un piège, sur lequel notre regard vacille.

Cette présence-absence, ce maintenant-futur, cet ici-ailleurs, ces troubles qui nous ensorcellent.

L’œuvre de Pierre Vasic éclaire la lumière des ténèbres, comme écrit Thierry Illouz. Les voyages interstitiels de Pierre Vasic éclairent la mélancolie. Celle-ci « est un envahissement, une submersion » du corps. C’est « un vertige » 2.

Effectivement, les voyages de Pierre Vasic envoûtent nos rêves. Ils y infusent une musique funèbre. De ces compositions muettes s’échappe la voix grave, accablante, du silence. Ce silence sépulcral de la mort au travail des corps encore en mouvement, ce silence aussi lourd que les engins, que les squelettes d’acier, que les câbles, que les pylônes… inertes.

Cet univers muet est dénoué, privé de communications, de liens et, néanmoins, traversé par des espèces d’officiants aveugles et affairés. Sont-ils affectés au culte de puissances éteintes, mystérieuses,

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invulnérables, celées derrière les façades de ces machines surhumaines abandonnées au temps ? Le créateur serait-il devenu serviteur ? On ne sait : le (mort)-vivant divague alors que l’inerte est net. De toute façon, l’image de la dégradation du « sujet » humain défiguré ne côtoie pas la figuration de la résistance indéfectible de « l’objet » mécanique. Pierre Vasic n’exhibe que le regard des morts. Seuls ceux-ci sont dotés d’une expression vivante. C’est que les squelettes s’adjugent la vie qui fuit les corps spectraux à la dérive, comme les rats quittent le navire en perdition. C’est la vie des morts et la mort des vivants.

Ses gravures, en particulier, nous enveloppent de dessiccation.

Nulle vie autour de nous. Seules survivent encore des ruines industrielles qui comptent le temps. Elles sont là dans toute leur nudité, dans tout leur poids, porteuses de toute la mémoire de leur force, exposées à notre vue comme à la destruction du temps. Toutes ces structures gigantesques, érigées sur fond de cieux irrespirables, incarnent les démesures, l’ubris, qui polluent l’espace entre la raison industrielle et le chaos. Désormais, comme écrit Pascal Quignard, « un Narcisse mort règne » 3 sur le monde. Pierre Vasic transforme l’objet, seul survivant – surtout le métal omniprésent –, en sujet comptable de cette superbe défunte.

Cette subjectivation de l’objet se nourrit de l’évacuation de l’image humaine, de la perte de l’humain. Ainsi, l’œuvre de Pierre Vasic pose la même question que Thierry Illouz : « Et si toute la mélancolie tenait dans cette idée de l’exil, de cette perte première incurable, perte des lieux, des attentes, cette « variété de deuil » dont parle Jean Starobinski (L’Encre de la mélancolie) » 4 ?

Toutefois, Pierre Vasic travaille le deuil, plus qu’il n’est lui-même travaillé par le deuil. En effet, son œuvre crée un deuil mélancolique, « un deuil sans objet, sans nom » 5. Les images de Pierre Vasic forcent le regard. Elles inoculent la mélancolie invasive. Pierre Vasic effectue un travail d’effraction hypnotique du regard à laquelle, conquis, voire submergés, nous n’opposons aucune résistance.

C’est que, comme l’écrit Octave LarmagnacMatheron, « les ruines de la vie humaine produisent un étrange sentiment de fascination ». Ce sont des « lieux étranges » 6, déserts à jamais et pourtant « remplis de bruit » : la voix du silence évoquée ci-dessus. Les géants d’acier qui hantent ces lieux ont perdu toute destination. Leur appartenance à la culture s’efface dans l’ignorance de leur usage, de leur utilité. L’univers de Pierre Vasic est hors d’usage. Pourtant, ces mastodontes gardent la trace humaine. Ils nous sont familiers. Ils figurent cette trace criante d’absence. Ils ne servent à rien. Toutefois, une force inquiétante habite ces « sujets ». Une « inquiétante étrangeté »7 Sont-ils hostiles aux vivants ? Ne continuent-ils pas à nous dominer ? Et les lieux où reposent ces forces, ruinés, perdus, ne nous perdent-ils pas ? Ces lieux ne sont-ils hospitaliers qu’aux morts ?

D’autant que Pierre Vasic en écarte la nature et toute probabilité pour celle-ci d’y « reprendre ses droits ». En témoignent ces arbres traités comme quelque ratage monstrueux du génie technique humain. La nature morte est déjà fossilisée dans le même destin que les choses. Ainsi, des rares immeubles il ne reste que des perspectives sans avenir.

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Les lieux de Pierre Vasic accueillent l’extinction du vivant, du travail, du monde. Les machines, les pylônes, les ponts, les ouvrages fabriqués par l’humain, tous ces « marteaux sans maîtres » (René Char et Pierre Boulez) travaillent à l’extinction.

L’inutilité à l’humain, l’immobilité brouillent le temps. Les données du temps et de l’espace sont déréglées. De leurs interstices troubles suinte le mystère de choses hantées pour que nous en jouissions.

De tout cela que restera-t-il ? Que subsistera-t-il de cette dynamique corruptrice mise en scène par Pierre Vasic ? Ses images évidemment…

La force de leur matière, de leur grain sombre, épais, gras et, en contraste, l’élégance, la légèreté des géométries tout en symétries, lignes, cercles, équilibres, harmonies…

Les formes des câbles, des échelles, des poutrelles, des chevalements, des poulies, des échafaudages, des grues, des bielles, des entrelacs, des enchevêtrements…

De toutes les géométries inexplicables des colosses d’acier émane une grâce impalpable, mystérieuse, étrangère à la raison. Seule l’esthétique imputrescible de ces formes peut transcender le figuré industriel mort.

Les machines inertes ne sont dès lors plus que monstres insensés et œuvres d’art porté par cette force esthétique, cette puissance vitale résiduelle.

Chez Pierre Vasic, l’art est d’emblée enclos dans l’objet, dans l’immensément sensible.

Il lui « suffit » de nous le donner à saisir, à sentir, par le déplacement des choses, par leur glissement dans d’autres contextes temporels et locaux, par l’exploration des plis de leur corrosion, de leur finitude. Alors, il ne reste que l’art : la figuration devient abstraction.

1. Thierry Illouz, La Lumière des ténèbres : un parcours de la mélancolie en littérature, Nouvelle Quinzaine littéraire, 16-31 mai 2017.

2. Ibid

3. Pascal Quignard, L’Occupation américaine, 1994, Seuil, Points, p. 67.

4. Thierry Illouz, op.cit.

5. Ibid.

6. Octave Larmagnac-Matheron, Les Ours citadins, Philosophie Magazine, 29 janvier 2022.

7. Pour reprendre le titre d’un essai de Freud paru en 1919.

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Page 40 : Bestiaire no 1, 2015, photogravure, 49 × 25 cm

Page 41 : Bestiaire no 2, 2015, photogravure, 49 × 25 cm

Page 42 : Industrie no 1, 2020, photogravure, 39,5 × 39,5 cm

Industrie no 2, 2020, photogravure, 39,5 × 39,5 cm

Page 43 : Industrie no 3, 2020, photogravure, 39,5 × 39,5 cm

Page 44 : Momie no 2, 2018, photogravure, 39,5 × 39,5 cm

Page 45 : Momie no 3, 2018, photogravure, 39,5 × 39,5 cm

Pierre Vasic est photographe et photograveur. Né à Bruxelles en 1956, il vit et travaille en périphérie bruxelloise et à Bruxelles où il fréquente l’atelier Vrije Grafiek de la RHoK Academie depuis 2015. @pierre_vasic/

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Stéphanie Mansy

Les travaux récents de Stéphanie Mansy sont parcourus de souffles d’explosions, de poussières et d’embruns formés par la violence des éléments. Bruyants d’énergies éruptives, ses dessins scrutent le passage, le transitoire, le changement d’état. Les Souffles, dont les premières manifestations apparaissent dans les carnets de l’artiste, sont investis dans des estampes en eau-forte avec chines appliqués pour ensuite devenir dessins. Dans cet ensemble, la minutie du dessin et la force des directions qu’il prend concourent à proposer un motif à mi-chemin entre paysage en pleine déconstruction et vue microscopique d’un espace en train d’être colonisé. L’expansion du geste dessiné gagne sur la rigidité des bords de la feuille pour que le bruit du dessin nous parvienne. Dans l’œuvre Ressac, acquise en 2021 par le Frac Picardie Hauts-deFrance, l’utilisation du pastel non fixé laisse cette expansion, ce débordement actif ; la poussière noire et persistante tombant encore de l’œuvre exposée est le résultat de cette énergie en transit investie par l’artiste lors du travail. Telle une manière noire, le pastel y attaque le papier, le sature et révèle le mouvement. Le geste dessiné témoigne ici d’une respiration qui se déploie depuis la densité jusqu’à la dispersion.

Un mouvement d’expansion suspendu donne à voir l’espace de la feuille comme un territoire habité par une musicalité faite de vapeurs et de fumées.

En 2021, au Musée de Picardie, Stéphanie Mansy développe le projet d’édition Moirage émeraude publié la même année aux éditions Filigranes. L’artiste y travaille directement sur les murs mis à nu du musée en pleine restauration et côtoie les œuvres protégées par de grands drapés de film polyester. Dans l’atelier de l’imprimeur et éditeur d’art Michael Woolworth, elle réinvestit cette dynamique du drapé qui soustrait au regard et paradoxalement amplifie la présence des œuvres. Seront réalisées dans l’atelier parisien une édition de huit exemplaires à partir de trois pierres lithographiques, intitulée L’Homme Jasmin, puis des micro-éditions pensées à partir des trois mêmes pierres apposées sur d’autres estampes numériques où l’on retrouve des patrons de couture pliés/plissés, des cartographies et des images de dessins déjà réalisés lors de son immersion au musée, dont certains ont reçu des gravures en taille d’épargne.

Tels des palimpsestes, les éditions de Stéphanie Mansy créées dans l’atelier de Michael Woolworth cherchent à accueillir les images fantômes d’une expérience sensible où le geste dessiné à même les murs est désormais recouvert.

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Pages 46, 47 et 48 : L’Homme Jasmin, 2021, lithographie-impression numérique, 65 × 50 cm

L’Homme Jasmin II, 2021, lithographie-impression numérique, 65 × 50 cm

Page 49 : L’Homme Jasmin II, 2021, lithographie-impression numérique, 65 × 50 cm

L’Homme Jasmin, 2021, lithographie-impression numérique, 65 × 50 cm

Souffle, 2017, extrait de la série, graphite, 56 x 76 cm, acquisition FRAC Picardie 2020

Page 50 : Ressac 1, 2019, dessin en rouleau, pastel sur vélin Johannot, 400 × 106 cm, acquisition FRAC Picardie 2020, © Irwin Leullier

Page 51 : Moirage émeraude, livre d’artiste retraçant l’exposition de dessins réalisés in situ au Musée de Picardie en 2020, édition Filigranes

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Stéphanie Mansy est née en 1978. Elle vit et travaille dans le nord de la France. Son travail se déploie dans le champ du dessin et emprunte à la pratique de la gravure certains gestes et processus. Elle participe en 2021 à la Triennale internationale de gravure de Liège. En mars 2022, elle est invitée à présenter ses œuvres et à activer un dessin mural performatif lors de l’événement Hyperdrawing à Amiens (Drawing Now Art Fair/Frac Picardie Hauts-de-France/Maison de la culture d’Amiens) et au Salon du dessin contemporain/Drawing Now Art Fair en mai 2022 au Carreau du Temple à Paris ; elle a réalisé notamment un dessin performatif où le mur était investi telle une matrice. Stéphanie Mansy, nommée en tant qu’artiste en résidence à l’Académie de France à Madrid AFM – Casa de Velásquez dans la section dessin pour l’année 2022-2023, y développe un projet sur la matière du papier comme mémoire. Elle exposera au printemps 2023 à l’H du siège pour un solo show, à la galerie Cruce, à Drawing Now Art Fair et lors de l’exposition collective à l’Art dans les chapelles, durant l’été, où elle présentera ses recherches actuelles.

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Jules Fournier

C’est à l’École des arts décoratifs de Paris que j’ai découvert le monde de l’estampe. Le cursus d’image imprimée me permet de fréquenter les ateliers de gravure et de sérigraphie, ce qui a orienté ma pratique du dessin et de l’illustration vers les différentes techniques de l’estampe, en commençant par la taille d’épargne. La matérialité du tirage et de l’impression, le contraste en taille d’épargne, les couleurs en sérigraphie et la texture en taille-douce renforcent les images que j’aime produire et le thème qui me tient le plus à cœur : représenter le décor urbain.

Là où beaucoup trouvent les chantiers, le béton et les ruines disgracieux, j’aime chercher la beauté et l’esthétisme. J’essaie, par la lumière, par la composition, par les couleurs, de rendre grâce à ces formes dans lesquelles nous ne faisons que passer, qui ont été construites par et pour nous, et qui ne seront détruites que bien après nous. C’est le décor dans lequel la majorité de la population mondiale vit, souvent malgré elle, et je souhaite

le montrer sous son meilleur jour. L’ère capitaliste de la surconsommation que nous vivons touche à sa fin, et l’architecture massive et bétonnée que nous connaissons n’aura plus sa place dans le futur, c’est pourquoi je souhaite que mon travail puisse participer au « chant du cygne » de l’époque actuelle. En somme, il s’agit pour moi de sublimer le décor urbain.

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Dans le triptyque A Gasoline Station, la station essence est mise à l’honneur. C’est bien sûr une citation de E. Hopper et E. Ruscha, dont j’apprécie le travail, mais la temporalité en trois temps montre la station essence dans sa globalité. C’est un seul lieu qui revêt des apparences similaires au cours de la journée, et à travers le monde. La station essence est universelle, symbolique, et reconnaissable de jour, de nuit, déserte ou bondée, en Occident ou partout ailleurs. J’ai fait le choix de produire ces images en sérigraphie, mais au pochoir. Les papiers découpés placés sous un écran vierge me permettent d’approcher la sérigraphie comme la peinture : l’image se crée au cours des impressions successives, et n’est pas un simple assemblage de couches minutieusement préparées sur ordinateur. Il manque une ombre ici ? Peut-être que le ciel devrait être plus couvert ? Le simple fait de découper la forme dans un pochoir me permet de l’imprimer dans la minute qui suit, sans utiliser d’émulsion, d’insoleuse et de nouveaux cadres. C’est pour moi une démarche plus écologique, plus spontanée et plus épanouissante. Il y a bien sûr des limites à la complexité des formes réalisables, mais au fur et à mesure des surimpressions, les blocs de couleurs plus ou moins vives forment l’image d’une station essence, de « la » station essence.

Les estampes que je produis découlent d’un travail photographique préalable. Il s’agit majoritairement de ma pratique de la photographie, parfois très documentaire (dans le but de former une base d’images inspirantes pour mes estampes), parfois plus artistique (à l’aide d’un très vieil appareil, et qui trouve sa finalité dans le tirage argentique que je pratique également à l’école, pas si loin de l’estampe). Il s’agit aussi quelquefois de trouvailles sur Internet. Je travaille alors d’après des références personnelles ou non, et c’est en mélangeant tout cela que je me lance sur la plaque de bois, de lino, de cuivre, ou sur la table de sérigraphie.

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Dans l’aquatinte, je trouve les plus belles textures pour le béton, visibles dans Favelas et Sunbeams on Concrete Walls La taille d’épargne me permet de vraiment faire apparaître les formes grâce à l’ombre et la lumière, le contraste pur visible dans les Gravures urbaines, no 1 à 3. Et dans la sérigraphie, par l’intermédiaire du pochoir, je trouve les plus belles couleurs et la spontanéité qui me sont chères. Je prends aussi beaucoup de plaisir à imprimer mes images, et c’est pour moi une étape clef, au même titre que la gravure de la plaque ou la préparation des pochoirs, dans la réalisation de l’estampe. Après un stage auprès de Eva Largo, artiste sérigraphe à Vincennes, et un autre à l’atelier René Tazé, imprimeur taille-doucier, j’ai pu entrevoir les subtilités qui se jouent au moment de l’impression. Ces enjeux qui se tiennent dans les mains de l’imprimeur, que je continue à apprendre auprès des techniciens et techniciennes de l’Ensad, me permettent de maîtriser sans interruption la fabrication de l’image finale, depuis les photographies préalables jusqu’à la sortie du cartonnier.

Page 52 : A Gasoline Station, triptyque, 2022, sérigraphie sur papier 200 g/m², 55 × 40 cm

Page 53: Gravures urbaines, n° 1, 2022, linogravure sur papier 200 g/m², 10 × 15 cm Gravures urbaines, n° 2, 2022, linogravure sur papier 200 g/m², 10 × 15 cm

Page 54 : A Gasoline Station, triptyque, 2022, sérigraphie sur papier 200 g/m², 55 × 40 cm

Page 55: A Gasoline Station, triptyque, 2022, sérigraphie sur papier 200 g/m², 55 × 40 cm

Page 56: Gravures urbaines, no 3, 2022, linogravure sur papier 200 g/m², 15 × 10 cm

Page 57 : Sunbeams on Concrete Walls, 2022, trichromie, aquatinte sur plaques de zinc, Hahnemühle 300 g/m² 15 × 10 cm

Jules Fournier, né en 2001 à Créteil, vit à Lagny-sur-Marne. Illustrateur, photographe mais surtout graveur et sérigraphe, étudiant en image imprimée à l’EnsAD, Paris.

@jul_seizart

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LA SEINE

TOUT COMMENCE

Autour du peintre japonais Kozo Inoué, six jeunes artistes se rencontrent à Paris :

Brigitte Tartière, plasticienne, son assistante, Alice Chan, Koji Moroi, Mikio Watanabé et John Yukawa, peintres et graveurs issus du fameux Atelier 17 fondé par William Hayter.

Kozo devient vite le ferment de ce groupe d’amis en dispensant ses conseils et ses encouragements. Lui-même est influencé par le père Vallée qui, pour venir en aide aux jeunes artistes, a créé la galerie du Haut-Pavé, face à Notre-Dame de Paris.

En 1982, Kozo leur suggère d’exposer ensemble dans l’atelier de Brigitte, La Porte bleue, dans le 14e arrondissement. « Réalisez une petite estampe que vous vendrez pas cher, ainsi vos amis pourront s’offrir une œuvre signée. » Début décembre, chacun édite une « carte de vœux » à 50 exemplaires, vendue au prix unique de 5 francs. Claude Monatte est invité. Joli succès !

Les artistes renouvellent cet évènement l’année suivante.

Kozo va les accueillir à de nombreuses reprises dans son atelier du 23, rue Campagne-Première, tout en y participant. Il leur présente ses propres galeries et ses collectionneurs.

Le groupe s’enrichit de nouveaux peintres-graveurs pour cette rencontre annuelle… qui perdure.

De 6 au départ, il passe vite à 14. Avec Hiroko, Li Jagyong, Kayoko Nagahara, Kwak Soo-Young, puis Makoto Oshima, Shigeyuki Ohashi, Kasai Masahiro, Normand Paradis et Homayoun Salimi. Ainsi que Kim Huikyong et Manar Hammad. Une dizaine de nationalités se côtoient.

LA SEINE

Un soir de 1987, lors d’un joyeux repas collectif, Kozo propose de trouver un nom au groupe.

« Pourquoi pas Moulin Rouge ? Ou Moulin Vert ? Car Kozo habite rue du Moulin-Vert, avec pour voisins Alberto et Diego Giacometti.

– Ou simplement Paris ? Comme le groupe Cobra, à cause de COpenhague, BRuxelles et Amsterdam.

– Et pourquoi pas La Seine ? s’exclame l’un d’entre nous, car le fleuve est symbole de rencontre et de renouvellement. Et puis nous sommes tous nés hors de France et notre amitié s’est nouée au cœur de Paris. »

Le nom est trouvé ! Au-delà de la simple exposition de petits formats, l’idée de réunir leurs travaux dans un même coffret enthousiasme le groupe. L’aventure est nouvelle et le premier album sort en 1989 avec pour thème « Le Ciel la Terre la Mer ». Dans sa galerie, Marc Brenner présente les suivants : Feux, Partition, Le Voyage, La Lune et Grains de folie Près de 10 coffrets, édités à 75 exemplaires, sont assemblés autour d’un écrivain : Bernard Noël, Manar Hammad, Daniel Kunth, Jean-Louis Poitevin.

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ANNIVERSAIRE ET RÉTROSPECTIVE

En 2002, La Seine fête ses 20 ans par un coffret d’estampes qui deviennent les matrices d’un jeu de cartes. Gilbert Lascault écrit Rêves de réussites La Seine invite le peintre romancier Ivan Sigg, qui apporte un souffle nouveau, ainsi que Charlotte Reine, Hélène Crettien, Serge Miserez et Kaoru Tsuzawa. Une rétrospective se tient au Musée français de la carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux. France Cartes imprime le jeu à 3 000 exemplaires. Chaque artiste participe au financement. Une année sera nécessaire pour que cette belle œuvre collective puisse voir le jour.

LE CAFÉ SIGNES ET LA GALERIE ART MONTPARNASSE

Une rencontre de quartier avec Martine Lejeau Perry, fondatrice du Café Signes – café restaurant atypique tenu par des sourds et malentendants –, signe une longue amitié. Elle nous accueille en toute confiance le temps d’un week-end au 33, avenue Jean-Moulin, de 2003 à 2010. Deux nouveaux artistes plasticiens-graveurs intègrent La Seine avec jubilation : Mercedes Uribe et Éric Meyer. Un jour de 2011, John Yukawa entre au 2, rue Raymond-Losserand, où se trouve la galerie Art Montparnasse, et y rencontre les galeristes, Teresa Bilal et Danuta Faber. Il leur raconte que là même, quarante ans auparavant, avec deux amis, il peignait dans le sous-sol de ce qui était alors un squat : l’Atelier Jaune. Les galeristes s’enthousiasment pour cette histoire et vont dès lors présenter le groupe jusqu’en 2021.

EN FRANCE COMME À L’ÉTRANGER

La Seine s’expose dans divers lieux. À Paris, galerie La Hune-Brenner et au Grand Palais, lors du Saga avec L’Amateur d’estampes contemporaines dirigé par Josette Jallut. À Bourges, Galerie de l’Ours ; chez Liselotte lors du JIM à Marciac, ainsi qu’à Romans chez Prise de tête.

La Seine voyage à New York chez Multiple Impression ; à Téhéran, à la Hoor Art Gallery, puis à la Foire internationale d’art de Corée à Séoul. À plusieurs reprises, Koji Moroi emporte les coffrets au Japon et crée des événements. Lors du 150e anniversaire des Relations francojaponaises, il emmène tout le groupe à Akiyoshidai, sa région natale, dans le sud de Honshū. Heureuse expérience !

L’HÉRITAGE KOZO ET LA SEINE

Aujourd’hui La Seine a quarante ans ! Elle se compose actuellement de huit membres et de huit invités renouvelés chaque année.

La Seine a accueilli tout au long de son parcours plus de 120 invités.

Alain Clément, Kate Van Houten, Agnès Gauthier-Chartrette, Noguchi, Herman Steins, Anne Goujaud, Jan Olsson, Louis Boursier, Atsuko Ishii, Sumiko Kaï, Mija, Karen, Daniel Besace, Christine Bouvier, Francisco Rocca, Laurence Renard, Hélène Baumel, Marjan Seyedin, Jumpei Mikami, France Dumas, Raúl Villullas, Bich Rosalie Nguyen, María Chillón, Anne Mandorla, Catherine Keun, Sabine Delahaut, Laurence Malherbe, ValérieYves Boulenger, Thomas Fouque… Impossible de tous les citer ! Chacun a apporté son écriture, originale, poétique, intense, voire humoristique, toujours talentueuse. Le public fidèle ne s’est pas trompé, grandissant à chaque rendez-vous.

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La Seine garde en mémoire Bernard Germond, Dul, Hiroko Okamoto, Kayoko Nagahara, Kozo, Anne-Catherine Charbonnier, Jean-Paul Probani et Hélène Nué.

Le groupe La Seine est reconnu dans le monde de l’estampe contemporaine et continue à présenter ses eaux-fortes, burins, manières noires, aquatintes, lithographies, linogravures, bois gravés, monotypes, papiers piqués ou brûlés, estampages, bombages, découpages, collages et peintures originales… Des artistes, voire des galeries, ont adopté une démarche similaire à celle de La Seine.

La Seine est une belle aventure humaine et artistique. La générosité, l’amitié, l’ouverture, la cohésion et le respect cultivés au sein du groupe sont certainement les éléments majeurs contribuant à sa longévité. Ce sont de délicieux moments de partage et de convivialité lorsque tous se retrouvent, invités et amateurs, le temps d’une exposition !

Cette belle énergie continue d’alimenter le flot de La Seine.

Les 3 et 4 décembre 2022, La Seine a fêté ses 40 ans à la galerie Ménil’8 à Paris 20e, 8 rue Boyer.

En 2023, c’est à l’invitation de l’artiste Jan Olsson, que La Seine s’exposera à la célèbre Fondation La Ruche-Seydoux, 75015 Paris.

Photo de groupe prise le 4 décembre 2022, lors de notre fête des 40 ans avec tous les membres et leurs invités à la galerie Ménil’8 à Paris 20e

De gauche à droite, en italique, les membres invités en 2022 :

Debout : Pablo Flaiszman, Éric Meyer, Caroline Bouyer, Koji Moroï, Valérie Loiseau, Anaïs Charras, Violaine Fayolle, Géraldine Daniel, Mercedes Uribe, Ivan Sigg Assis : Xecon Uddin, John Yukawa, Normand Paradis, Brigitte Tartière, Mikio Watanabé, Kayoko Konomi @groupelaseine

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Page 60 : Brigitte Tartière, Offrande, brûlure sur papier doré 23 × 18 cm http://brigittetartiere.com

Page 61 : Ivan Sigg, Politics is a Bloody Virus, a Vision of my Planet, acrylique, spray, pochoirs et marqueurs sur toile de spi, diamètre 150 cm ivan-sigg.com, @ivansigg

Page 63 : Éric Meyer, Rouge tête, gravure sur bois, collage, acrylique et feutre sur papier, 21 × 15 cm www.eric-meyer.net/ @eric_meyer

Mercedes Uribe, Projection I, pointe sèche, pochoir, monotype, 30 × 40 cm @mercedesuribeartiste (et facebook)

John Yukawa, Ramure/Racine, techniques mixtes, acrylique et aérosol, 22 × 22 cm jyukawa777

Mikio Watanabé, Viser vers…, manière noire et chine appliqué, 44,2 × 19,4 cm www.mikiowatanabe.com

Normand Paradis, Les Dessous, pointe sèche, 40 × 30 cm @n.paradis

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64 EXPOSITIONS CINÉMA-ANIMATION

Cambouis

Cambouis est né d’une envie de collaboration entre deux artistes : Marc Brunier-Mestas, graveur, et Grégory Robin, cinéaste. Envie de créer une œuvre issue d’un médium qui ne leur est pas familier : le film d’animation.

Il est également né d’un désir premier : aller contre cette antinomie qui existe entre le film et la gravure, qui est un médium lent et laborieux, pour faire en sorte qu’elle s’anime et qu’un besoin de vitesse soit assouvi.

La condition était dès lors de travailler la gravure en fonction des plans, pour qu’elle s’intègre dans un mouvement ; de gérer les noirs et les blancs selon un format filmique, afin qu’ils répondent à une forme cinématographique.

C’est par là même un film qui interroge la gravure, dans le sens où il faut imaginer la façon dont elle va parler d’elle-même. Il y a une fiction, il y a une histoire, et en même temps tout est en corrélation avec l’idée de la gravure, du noir et du blanc, du plein et du vide, avec toujours en tête le souhait de garder la noirceur, la saleté de l’encre au moment de faire les tirages, ce qui permet d’avoir un grain, une qualité autre.

Le travail sur le son a également été primordial, des vides et des pleins ont pu être gérés, comme pour la gravure.

La question s’est alors posée de dépasser les limites de ce médium : comment aller plus loin, tester des chemins de traverse puisqu’il l’autorise ? C’est ce fil, cette lisière qui offre la possibilité de basculer vers la peinture, la sculpture, l’installation, et c’est là où la gravure, qui serait soi-disant un art mineur, permet de passer d’un côté ou de l’autre. La gravure amène vers d’autres médiums, et le film en fait partie. Elle est en même temps toujours maîtresse, elle reste le fil conducteur.

La peinture des grands artistes a été mise en avant, mais quand on parle de Rembrandt, c’est avant tout un immense graveur avant d’être un peintre. Dürer aussi… La gravure a cet espace de liberté qui est aussi un espace de liberté d’expression, où l’on peut dénoncer des choses. Goya révèle certainement plus en gravure qu’en peinture avec ses massacres en Espagne, Dürer aussi, avec sa guerre des paysans.

Il était intéressant, à un moment ou à un autre, de faire sortir la gravure de son cadre.

Il y a eu un déclic avec la découverte du travail de Franz Masereel, notamment le film qu’il a fait avec Bartók. Soudain, on a pu voir de la gravure qui bouge, et il se passait alors quelque chose d’autre. Forcément, ça ne crée pas des animations fluides, mais c’est justement ce qui est intéressant. Il y a un côté brut dans le fait d’animer à 8 ou 10 images/seconde, et en même temps ça fonctionne.

Il y a aussi le travail d’Olivier Deprez, avec qui il

y a des échanges, des conseils sur l’idée de la cinématogravure, ce qui est très agréable parce ces gens ont envie que la gravure s’inscrive dans d’autres possibles.

Tous viennent de la bidouille. C’est de la cuisine. Même si la gravure se fait sur bois, avec des gouges, il y a vraiment en fin de compte ce sentiment de faire de la cuisine.

Il fallait dès lors que ce film soit comme une gravure, avec le grain du papier, l’encre, cette encre grasse qui a des noirs profonds. Il était important qu’il y ait ce rapport à la matière, matière qui est déjà dans l’ADN de l’histoire.

Ce qui nous ramène invariablement au cambouis… Quand on a les mains pleines d’encre, on a l’impression d’être un garagiste.

Il fallait que ce film fasse passer une sensation organique. S’il n’a pas d’odeurs, il faut qu’on puisse les imaginer. Imaginer une image habitée par des odeurs, comme elle est habitée par des sons.

Il vit et travaille en France, à Riom.

Artiste protéiforme, il est avant tout graveur sur bois. Ses œuvres sont depuis de nombreuses années admirées à travers le monde, lors d’expositions aussi bien individuelles que collectives.

Il a également fait l’objet de nombreux achats de la part de musées internationaux.

Cambouis est son deuxième film en tant que coréalisateur.

Grégory Robin est né à Vichy. Il vit et travaille en France, à Riom.

Il a commencé son parcours en tant que musicien, puis photographe. Il est cinéaste depuis une quinzaine d’années. Ses films, fictions et documentaires, sont diffusés dans de nombreux festivals à travers le monde, où ils ont été plusieurs fois primés.

Ils sont régulièrement achetés par la télévision. Cambouis est son douzième film, et son premier film d’animation.

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CINÉMA-ANIMATION
Marc Brunier-Mestas est né à Clermont-Ferrand. L’affiche ; Marc Brunier-Mestas et Grégory Robin durant les prises de son voix, planche de travail en vue de l’animation et des images tirées du film.
66 EXPOSITIONS LIBRAIRIE

Mecanica

Je m’appelle Céline Thoué, artiste plasticienne, je vis et travaille dans le Haut-Beaujolais et j’ai une pratique quotidienne du dessin, de la gravure, de la typographie.

L’atelier que je partage est situé au Razay, toute petite commune du Haut-Beaujolais, dans le Rhône (France). Nous l’avons équipé depuis 2005, avec Pierre Abernot, artiste, d’un matériel d’imprimerie traditionnelle : casses de caractères en plomb et en bois, presses typo (de différents formats), presse taille-douce, petit matériel d’imprimerie (châssis, blancs, lingots…).

Dans cet atelier s’impriment, de jour, comme de nuit parfois, des livres d’artistes, des affiches, des cartes, des monotypes… Nous le considérons comme un laboratoire d’expérimentations autour de « l’imprimé » sous toutes ses formes. Il est également un lieu de diffusion puisque nous ouvrons régulièrement l’atelier à différents publics pour des formations en gravure et typo.

Nous invitons aussi parfois des artistes à venir travailler conjointement avec nous, durant une nuit (comme les Nuits du monotype qui ont eu lieu par deux fois en été 2022) ou une semaine (La Fonte des casses est un événement que nous organisons autour de la typo durant une semaine).

L’idée de réaliser une revue m’est apparue, il y a quelques années, par l’envie de réunir des graveurs et des auteurs dans un espace de travail à feuilleter. Je voulais dédier un lieu à la gravure en relief et à l’écriture.

Que ces deux disciplines, si confidentielles, soient mises en page, de manière simple, sans autre approche que celle de voir l’image gravée dans son intégrité, sa frontalité, sa matière, et de lire des mots prévus dans un espace composé pour eux en typographie traditionnelle, révélant leur son, leur langage. C’est ainsi que le premier numéro de la revue Mecanica paraît en janvier 2014. Une année entière de réflexion fut nécessaire en amont afin de mettre en place le titre, le format (35 × 25 cm fermé), le principe, la fréquence, l’esprit, l’esthétique.

ciers, poètes, auteurs de théâtre, paroliers… La thématique constitue plus une amorce à la création, les artistes et auteurs ont carte blanche et la liberté de la détourner.

Mecanica s’achemine peu à peu vers le numéro 20 et a vu passer dans ses pages une centaine d’auteurs et artistes réunis.

Ce petit projet éditorial reste avant tout un objet de résistance, loin de la productivité et de la diffusion commerciale qui est liée au marché du livre. En effet, Mecanica est imprimée deux fois par an (le 1er janvier et le 1er juillet), à 70 exemplaires seulement, sur les presses à épreuve de l’atelier. Sa diffusion se fait de bouche à oreille, et via Internet et son blog.

Depuis, tous les six mois, autour d’une thématique, j’invite quatre graveurs et un auteur à s’emparer de l’espace de la revue ; laquelle concentre à la fois des plasticiens, des illustrateurs, des artistes visuels… ce qui fait évidemment varier l’approche de l’image. Les auteurs, quant à eux, sont roman-

Les archives et actualité de la revue Mecanica se trouvent sur son blog : http://revuemecanica.over-blog.com/ L’actualité de l’atelier se trouve ici : http://lepluchedoigts.over-blog.com/ Et la mienne est ici : http://celine-thoue.over-blog.com/

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LIBRAIRIE

EXPOSITIONS LIBRAIRIE

Mecanica no 17, Balnéaire, plaque gravée de Camille Damon

Mecanica no 18, Danse avec moi, impression du texte d’Aurélie William-Levaux

Erolf Totort Du temps d’Aurignan

Ava vit à l’époque du Gravettien, il y a 22 000 ans. Elle passe l’hiver avec son clan de cueilleurs-chasseurs à Castel-Merle, en Dordogne. Il y a sur les parois des abris sous roche des bas-reliefs. Certains sont là depuis très longtemps, des vulves et des phallus gravés dans un style réaliste, rude et symbolique, datant de l’Aurignacien (30 000 ans). Ces gravures sont tellement anciennes que le clan d’Ava ne sait pas qui les a gravées, ni pourquoi. Alors ils se racontent des histoires :

Oga et ses filles jouent des ombres. Elles nous racontent l’histoire du temps où vulves et phallus vivaient librement. Du temps d’Aurignan.

Une nuit, deux vulves, au coin du feu, partageaient fort, riaient bruyamment. Trois phallus entendirent et vinrent épier. La jeune vulve à la vieille : « As-tu toujours du plaisir à rencontrer un phallus ?

– Mais oui, mais oui », répond la vieille ! Oga fait danser ses bagues marionnettes, les ombres s’animent sur la paroi ! Nous rions !

Les trois jeunes phallus dansèrent avec les vulves.

Ils se tortillaient, criaient, glapissaient, se secouaient !

D’autres arrivèrent, excités par le vacarme.

Ce fut une fête de tous les sens.

Vulves et phallus tournoyaient, soulevant un nuage de terre sèche.

Tous suintaient, mouillaient, jutaient, éjaculaient.

Tant et si bien qu’à la fin, ils se figèrent, tout englués !

Les vulves se retrouvèrent collées à la paroi.

Les phallus se pétrifièrent.

Depuis, nos sexes se gardent bien de quitter nos entrejambes, de peur de perdre leur souplesse !

Nous rions !

Nous applaudissons !

Et vérifions sous nos jupes qu’Oga avait bien raison !

Une petite histoire illustrée, inspirée par :

Les gravures de l’abri Castanet, de Castel-Merle, Dordogne.

Les contes relatés par Henri Gougaud, Le Livre des amours Contes de l’envie d’elle et du désir de lui, Éd. Points 1999.

Les bagues-marionnettes inuites, et les jeux d’ombres, éclairés par les lampes à graisse, sur les parois des igloos.

avons pu suivre son héroïne à travers ses gravures, ses installations, La Grotte Nomade et ses livres.

Deux nouveaux albums viennent de sortir aux Éditions Points de suspension :

Le Voyage d’Ava, femme de Cro-Magnon et Les Parures d’Ava, femme de Cro-Magnon, 2022. Dans la même collection :

Le Journal d’Ava, femme de Cro-Magnon, 2 volumes dans un coffret, 2014.

Le Bestiaire d’Ava, femme de Cro-Magnon, 2016.

Je rêve de toi, 2018.

L’Herbier d’Ava, femme de Cro-Magnon, 2018. Pour commander : https://editions-du-jasmin.com/

Les illustrations des ouvrages ont été réalisées en gravure taille d’épargne, mais aussi en dessin à l’encre, aquarelles et acrylique. Une impresson originale, imprimée en taille d’épargne sur papier maison, signée et numérotée, est offerte en complément de l’achat des livres aux premiers acheteurs.

69 LIBRAIRIE
Erolf Totort Iconograffite, graveure, autrice, vit et travaille entre Paris, la Normandie et la Préhistorie. Depuis une trentaine d’années, Ava, femme de Cro-Magnon, venue de la préhistoire, l’accompagne. Nous

PRATIQUER LA

œuvre destinée à être reproduite plusieurs fois. On obtient ainsi les fameuses estampes. Après une présentation des principaux outils et des grandes étapes de travail, ce manuel décortique, à travers des pas à pas photographiques complets, les techniques classiques de la gravure en taille directe. Il aborde ensuite des méthodes de gravure plus contemporaines et l’utilisation de matrices autres que métalliques. Il se propose également de vous initier à la gravure en couleurs, en détaillant notamment la trichromie. Quel que soit votre degré de familiarité avec la gravure, vous découvrirez dans cet ouvrage tout un pan de cette discipline aux possibilités inépuisables. Le tout est émaillé de reproductions d’œuvres d’artistes talentueux du monde entier.

Cette collection vise à rendre la gravure accessible à tous, grâce à la description minutieuse des procédés classiques, mais aussi de ceux plus expérimentaux. Basés sur l’étude méticuleuse du « faire » et sur l’expérience d’artistes internationaux œuvrant dans différents domaines de la gravure, ces ouvrages vous apporteront toute l’assurance et les connaissances nécessaires pour assouvir votre soif de créer.

Olivier Dekeyser s’est formé dans plusieurs académies et écoles d’art (dont Saint-Luc, à Bruxelles) et a appris la gravure à l’École des arts de Braine-l’Alleud (Belgique). Cet insatiable toucheà-tout, qui a travaillé sur différents continents, est auteur de livres pédagogiques et de romans, dessinateur,

Le premier titre de la collection Les techniques de l’estampe par

Olivier Dekeyser

La gravure en taille directe consiste à réaliser dans une plaque toutes sortes de griffures et sillons sans l’aide de produits mordants ni de vernis. Les outils traditionnels de la taille directe sont la pointe sèche et le burin, mais n’importe quel objet pouvant griffer, creuser, sillonner, peut être employé. Les encres, le papier et la presse interviennent ensuite pour créer une œuvre destinée à être reproduite plusieurs fois. On obtient ainsi les fameuses estampes.

Après une présentation des principaux outils et des grandes étapes de travail, ce manuel décortique, à travers des pas à pas photographiques complets, les techniques classiques de la gravure en taille directe. Il aborde ensuite des méthodes de gravure plus contemporaines et l’utilisation de matrices autres que métalliques.

Il se propose également de vous initier à la gravure en couleurs, en détaillant notamment la trichromie.

Quel que soit votre degré de familiarité avec la gravure, vous découvrirez dans cet ouvrage tout un pan de cette discipline aux possibilités inépuisables. Le tout est émaillé de reproductions d’œuvres d’artistes talentueux du monde entier.

Sommaire

La gravure à la pointe sèche • La gravure au burin • La gravure à la manière noire • L’impression en trichromie • Le mélange des techniques classiques • La gravure à la sableuse • La gravure au papier abrasif • La gravure à la disqueuse • L’impression Chine collé • La gravure sur plastique • La gravure sur Tetra Pak • L’impression à la machine à pâtes • La gravure sans presse

Pratiquer la gravure en creux, taille directe

Pointe sèche, burin, manière noire, disqueuse, etc.

Auteur(s) : Olivier Dekeyser Éditeur(s) : Eyrolles

Collection : Les techniques de l’estampe Parution : 1 sept. 2022 Édition : 1re édition

Nb de pages : 128 pages Format : 21 × 29,7

Couverture : Broché Prix de vente : 20 €

Olivier Dekeyser
PRATIQUER LA GRAVURE EN creux, taille directe PRATIQUER LA GRAVURE EN creux, taille directe Pointe sèche, burin, manière noire, disqueuse, etc. EN creux, taille directe Couverture Studio Eyrolles © Éditions Eyrolles Photographies de couv © Olivier Dekeyser dans l’atelier de Mélanie Geray (1 de couv) et dans l’atelier de Georges Amerlynck (4 de couv) Œuvre Georges Amerlynck, Arrêt de travail, pointe sèche sur plaque de zinc 20 E Code éditeur G0100422 ISBN 978-2-416-00422-3 La gravure en taille directe consiste à réaliser dans une plaque toutes sortes de griffures et sillons sans l’aide de produits mordants ni de vernis. Les outils traditionnels de la taille directe sont la pointe sèche et le burin, mais n’importe quel objet pouvant griffer, creuser, sillonner, peut être employé. Les encres, le papier et la presse interviennent ensuite pour créer une
GRAVURE
coloriste BD, créateur d’objets, infographiste, publicitaire et admirateur inconditionnel de tout ce qui a trait à l’art et à la littérature.
Olivier Dekeyser
La gravure à la pointe sèche La gravure au burin La gravure à la manière noire L’impression en trichromie Le mélange des techniques classiques La gravure à la sableuse La gravure au papier abrasif La gravure à la disqueuse L’impression Chine collé La gravure sur plastique La gravure sur Tetra Pak L’impression à la machine à pâtes • La gravure sans presse La collection Les techniques de l’estampe Plus de dix pas à pas, de la gravure à l’impression ! les techniques de l'estampe
EXPOSITIONS LIBRAIRIE

Tarifs 2023

Abonnements, frais de port compris Belgique Europe Monde

1 an, 4 numéros plus 1 gratuit 100 € 120 € 150 € 2 ans, 8 numéros plus 2 gratuits 180 € 200 € 280 € de tête, avec une estampe par numéro 1 an, 4 numéros plus 1 gratuit 300 € 320 € 370 € avec gravures signées et numérotées 2 ans, 8 numéros plus 2 gratuits 580 € 600 € 700 € avec gravures signées et numérotées

Pour vous abonner, il vous suffit de virer le montant sur le compte : BE39 0689 0083 8219 BIC : GKCCBEBB avec en communication : abonnement à Actuel votre nom, votre adresse et votre numéro de téléphone. Ou, sur le site www.actueldelestampe.com

ISBN 978-2-930980-48-5 9 782930 980485 > 20 euros

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