TOPO_54

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LE MONDE DÉCRYPTÉ en bande dessinée

JE SUIS GAY, t’as un problème ?

KARDASHIAN, empire plastique

Comment les médias racontent GAZA

BIEN LE BONJOUR !

Hmm... Il y a quelque chose de changé chez toi…

C’est parce que j’ai MÛRI .

Du coup, je porte un veston et je dis des trucs comme « bien le bonjour ».

C’est l’été qui t’a transformé ?

Non, c’est le nouveau TOPO !

Il grandit !

I l va encore plus loin dans les sujets de fond.

Avec des dossiers complets.

Il affirme toujours plus ses valeurs engagées, aussi.

Il passe en trimestriel, avec 16 pages supplémentaires pour encore plus de plaisir.

Le logo changera régulièrement de couleur aussi.

Comme les cheveux d’un footballeur.

Bref, je suis comme TOPO : je suis à la fois jeune et deep, mec !

Et le cintre qui dépasse de ton veston, c’est aussi un hommage au nouveau TOPO ?…

Euh non, mais j’ai cru comprendre que le nouveau TOPO gardera aussi son sens de l’humour.

Al léluia.

Dessin de couverture : Hippolyte Jacquet 54 #

4

34

TOPO FAIT SON NUMÉRO

Look du jour

Vous l’avez entre les mains, TOPO est tout nouveau.

38 WTF

Regarder Gaza en face

Depuis deux ans, les Palestiniens sont des victimes sans visage.

TÉMOIGNAGES Des histoires d’orientation (sexuelle)

Des récits qui nous rappellent qu’être soi, dans un monde loin d’être idéal, demande parfois plus de courage qu’il ne faudrait. 32

66

Je n’aime pas mon corps

40 Le corps qu’on a, les corps qu’on voit

42

Le K du corps

Sculptés, photoshopés, opérés… Comment les corps des Kardashian dictent la norme esthétique mondiale.

76 La croix et la bannière

Que nous raconte la pochette du dernier album de Benson Boone ?

78

Le « male gaze », c’est quoi ?

Le regard des hommes façonne le monde (et il est temps que ça cesse).

90

DE LA TÊTE AUX PIEDS En première ligne

Un défilé, c’est la marque, le style, les mannequins et surtout… les invités.

96

WTF

La loi ne serait pas la même pour tous ?

De plus en plus de politiques rejettent l’État de droit.

C’est grave, docteur ?

98

SANS FILTRE

Louis Sarkozy

100

ET SI ON LE FAISAIT ? Manger moins de viande

L’avenir de la planète se joue aussi dans nos assiettes.

110

TÉMOIGNAGE

Complètement perché

Il escalade les plus hautes tours du monde à mains nues, défie la gravité sans corde. Alexis Landot est un phénomène.

08

128

C’EST QUOI, CE TRAVAIL ? Auteur de bande dessinée

138 Jamais trop d’art

140

So Me, électro libre !

Tout commence par une fête, ensuite la musique et Netflix. Demain ? Il verra bien.

1 50

Les méchants

Les jeux vidéo sont presque des histoires comme les autres. Eux aussi, ils ont besoin de bons méchants.

Et aussi

156 TOPO coulisses

158 Chut…

160 #Moi

JOAN 15 ans

LUCIE 17 ans

JUSTINE 18 ans

THÉO 20 ans

LUCAS 19 ans

orientation (sexuelle)

17 ans

17 ans

19 ans

LUCIEN
VIERGENA
JOANNA

Des histoires...

Lucien, 19 ans, étudiant en histoire à Lorient (56)

J’ai toujours été scolarisé dans des écoles catholiques. Le proviseur de notre lycée avait refusé qu’on ouvre un espace de discussion autour du genre et de la sexualité sans un membre de l’équipe éducative.

Il disait que ces sujets devaient être abordés avec l’aval des parents. Mais pour beaucoup de familles en Vendée, où j’ai grandi, c’est encore tabou.

Mes parents sont agriculteurs et très pratiquants. Je suis le petit dernier de six frères et sœurs, et j’ai tout cumulé baptême, confirmation, communion et même enfant de chœur !

Ma mère faisait souvent des remarques blessantes sur l’homosexualité, et j’ai grandi avec un sentiment d’homophobie intériorisé.

Je ne voulais tellement pas admettre que j’étais gay, que je grossissais le trait je répétais que ça me dégoûtait, que jamais de la vie je ne pourrais ressentir ça.

J’avais compris que si j’avais des sentiments pour un garçon, j’étais dans la sauce.

dès la primaire, j’ai surtout eu des amies filles. J’ai mis du temps à savoir quel lien ça pouvait avoir avec ma sexualité. Mais je me dis aujourd’hui que comme je ressentais déjà de l’attirance pour les garçons, traîner avec des filles garantissait l’absence d’ambiguïté pour moi.

Gabrielle Richard, sociologue du genre, autrice de « Hétéro, l’école ?* »

« Une société qui place l'hétérosexualité comme une norme, mais aussi comme l'idéal vers lequel chacun devrait tendre fait comprendre aux jeunes gays comme Lucien que leurs sentiments sont inappropriés. En “grossissant le trait” comme il dit, il s’adapte en quelque sorte au regard négatif porté par son entourage sur l’homosexualité, et anticipe le rejet en se rejetant lui-même. »

* éditions du Remue-Ménage, 2020

Fatigué de refouler ce que je ressentais, j’en ai parlé à une amie de ma sœur, ouvertement lesbienne. Elle a super bien réagi et m’a envoyé des messages qui m’ont bouleversé.

En parallèle, j’avais découvert une appli de rencontres gays. Je savais que ça pouvait être un espace dangereux : des hommes de 50 ans envoient des dick pics* et il y a un culte du corps et du sexe très intense.

Puis j’en ai parlé à quelques amis, mais pas à n’importe qui. Ainsi qu’à mes s�urs, avec qui ça s’est très bien passé.

En rentrant, ma mère m’a accusé de disparaître des heures sans prévenir. Pris de peur, j’ai désinstallé l’appli et coupé court à la relation. J’avais une immense angoisse de tomber sur des gens que je connaissais, et que ça se sache.

Mais moi ça me permettait de rencontrer plein de gays de mon âge et de parler. C’était rassurant. à 16 ans, je suis allé dans un parc retrouver un garçon avec qui j’échangeais via l’appli.

* des photos de leur pénis

C’est vraiment à la fac que j’ai découvert la vie et que j’ai commencé à m’émanciper.

J’ai finalement décidé d’écrire une lettre à mes parents.

J’étais en colère, je sentais que c’était inutile d’attendre qu’ils changent d’avis d’eux-mêmes sur l’homosexualité.

J’ai beaucoup pleuré en la rédigeant, mais ça me faisait du bien.

tu sais, Lucien, t’es notre fils, on t’aime énormément.

J’ai prévenu mes sœurs que je m’apprêtais à faire mon coming out à distance. Elles ont toutes déboulé dans la maison familiale pour accompagner la réaction des parents. De mon côté, après avoir envoyé la lettre, je suis parti me baigner dans l’océan.

Le soir même, j’ai reçu un message vocal de ma mère. C’était super beau. Il y avait plein de trucs hyper maladroits.

mais au fond, ce qu'elle disait, c’est

C'était hyper positif, j'étais étonné.

Depuis, j’ai presenté Mathias, mon copain, à mes parents. Mathias est vraiment rassurant pour eux, car ils voulaient quelqu'un de stable dans ma vie.

Tout le monde l’adore dans la famille.

Lucie, 17 ans, Les Lilas (93)

J’étais très timide et pas du tout à l’aise avec mon corps. Je souffrais d’anorexie. Je n'avais pas vraiment d'autres amis et j’étais harcelée au collège à cause de mon physique.

J’ai toujours parlé vraiment librement de ma sexualité.

Quand j'avais 12 ans, je suis tombée amoureuse d'une amie qui, elle, était déjà ouvertement lesbienne.

Elle était extravertie et sociable, et elle m'a toujours soutenue face à ça.

Je suis restée secrètement amoureuse d'elle pendant trois ans.

mon attirance pour les filles ne faisait aucun doute. ça ne me dérangeait pas du tout.

Je savais que ça existait, alors ça n'a pas été un choc.

Je me souviens de mon coming out à ma mère. Je sortais du collège, on était dans la voiture. Je lui parlais de mes notes et puis d'un coup, j'ai dit

en fait, j’aime les filles.

Comme ça.

pour mon père et mes trois grands frères, pareil.

Ils l'ont tous accepté.

ma famille a toujours été hyper ouverte, c'était rien de grave, quoi.

Après une première pro Accompagnement, Soins et Services à la Personne (ASSP), j’ai quitté l’école. J’avais besoin d’une pause. pour le moment, je m’occupe de mes animaux, c’est ma passion.

je revis, je profite de ma vie, de ma jeunesse.

Je me ressource auprès d’amis LGBT. On se comprend mieux.

Je lis beaucoup de thrillers et de romances gays, et j’adore la série « Young Royals ». Les acteurs qui jouent dedans sont gays et je les suis sur les réseaux.

Les réseaux peuvent aussi être un outil pour faire des rencontres. Les gens mettent leur drapeau lgbt dans leur bio, c’est pratique, car dans la vraie vie on n'a pas de drapeau sur la tête !

Surtout que moi, je suis plutôt féminine, j’ai l’impression d’être moins reconnaissable en tant que queer. Après, ça m’arrive quand même de me faire emmerder pour ça.

Un jour, je faisais un câlin à une amoureuse dans le métro, et on nous a dit de dégager, qu’on était bizarres.

Un autre jour, un mec m’a balancé des miettes de pain car j’avais mon sac arc-en-ciel.

il me regardait trop mal ! ce sont des trucs qui arrivent un peu tout le temps. Ça ne m’a pas découragée d’utiliser mon sac, mais je fais quand même attention.

J’ai déjà vécu une vague de haine en ligne.

J’avais juste fait un Tiktok à propos de la mort accidentelle d’un de mes chats, pour faire de la sensibilisation.

Et je ne sais pas pourquoi, ma vidéo a buzzé, il y a eu des millions de vues et des centaines de milliers de commentaires, hyper violents.

Puis certains de ces haters ont remarqué que j’étais LGBT, et c’est devenu un sujet de menaces. Ça m’a beaucoup angoissée.

Entre amis LGBT, les liens sont plus profonds et on ne prend pas le risque d’être ami avec quelqu’un susceptible de rejeter notre identité.

Viergena, 17 ans, terminale professionnelle à Pantin (93)

Au lycée, j'ai rencontré mon meilleur ami, qui est gay.

C'est une trop belle personne.

Tout au long du collège, j'étais dans le déni. Je me disais que ce n'était pas possible, que ce n'était pas réel. et Puis les gens me disaient qu'ils me voyaient plus avec un mec qu'une meuf. En 3e, je suis tombée amoureuse d'une amie, et ça a été un déclic.

Il m'emmène dans des soirées à Paris avec plein de personnes LGBT. C'est beau parce qu'on sent que tout le monde se kiffe, il n'y a pas les garçons d'un côté et les filles de l'autre.

Avec eux, je suis moins dans ma grotte, je n'ai pas peur d'être jugée.

même si J’ai du mal à accorder ma foi chrétienne avec ma bisexualité.

J’aimerais en parler à mon pasteur, mais j’ai peur d’être reniée.

Depuis deux ans, j’assume être bi.

Hé, Viergena, t'es LGBT ?

Au lycée, les filles de ma classe m’ont grave jugée quand elles ont vu que j’avais un drapeau arc-en-ciel dans ma bio Instagram.

Alors, déjà, je ne suis pas lesbienne, bi, gay, et trans en même temps.

Et, oui, je suis bi.

mais t'inquiète, je ne vais pas t'aimer, toi.

« Sex Education », c'est une série qui m'a beaucoup apporté, car il n'y a pas juste deux lesbiennes à un moment, il y a des bis, des personnes transgenres... C'est réel, quoi.

On les voit s'épanouir, être dans leur univers, tout le monde se respecte. Ça donne l'impression que tout est possible.

Je me suis pas mal identifiée au personnage d'Éric, car même s’il est d'origine nigériane, et moi haïtienne, Comme lui, je n'arrive pas à dire à mon pasteur que je suis « dans le péché », mais que je m’ouvre quand même à Dieu.

Son personnage m'a poussée à me dire que ma sexualité ne m’éloigne pas forcément de Dieu. Mon lien à la foi est important. J’ai grandi là-dedans, ça m'a toujours plu d’aller à l’église.

Je kiffe trop. C'est un moment important pour la communauté haïtienne.

On parle, on mange ensemble. Mais j’ai peur d’être reniée, ou qu’on me voie différemment.

Parfois, quand je regarde une fille passer... ... des filles de ma classe me disent « elle est hétéro, hein ! »

Ça fait super mal de voir des gens changer de vision sur moi à cause de ça.

Avec mon meilleur ami, un jour, on était posés à Pantin, et une meuf de ma classe a appelé plein de gens pour qu'ils viennent voir le "zemel*".

Quand je suis avec lui, parfois j'ai peur qu'à tout moment il puisse se faire frapper.

Au lycée, je n'ai pas vraiment fait de coming out. Juste en traînant avec "le """« gay du lycée », ils m'ont mise dans le même sac.

Pour moi, le coming out, ce n'est vraiment pas une obligation. Je l'ai dit à mes deux grandes sœurs, qui me soutiennent, mais pas à ma mère.

* Mot dérivé de l’arabe qui désigne de manière injurieuse un homosexuel

Un jour, quand ma copine est venue à la maison, ma mère a cru que c'était juste une amie, et elles se sont bien entendues !

J'ai l'impression qu'elle se doute de quelque chose, mais qu'elle est dans le déni.

On n'a jamais été proches elle et moi, alors j'ai du mal à me confier.

je pense que je vais attendre de ne plus habiter avec elle pour lui en parler.

C'est vraiment une mère à l'ancienne. Par exemple, pour elle, 20 heures, c'est tard.

Toutes mes ex, je les ai connues grâce aux réseaux. je mets les hashtags wlw (woman love woman), LGBT, et Paris, Et je tombe sur des personnes qui me correspondent. Il y a aussi des groupes instagram avec des personnes LGBT.

Au lycée, j'ai rencontré une surveillante lesbienne avec qui je sens que je peux parler librement. C'est génial de connaître quelqu'un de plus âgé, avec plus d'expérience et qui s'assume à 100 %.

Plus j'avance et plus j’ai l’impression de remarquer les autres personnes LGBT. Parfois, avec des inconnues, on échange des regards complices dans la rue.

« Longtemps, l’homosexualité était soit absente des fictions, soit représentée exclusivement sous le prisme de la douleur et du rejet vécus par le ou la protagoniste. Aujourd’hui, on retrouve plus facilement (mais c’est encore rare !) des personnages dont l’orientation sexuelle est un pan de leur vie, parmi d’autres. Dépeindre différents groupes d’amis, de religions, d'origines, différents styles de vêtements et de passions permet aux jeunes gays, bis et lesbiennes de mieux se projeter. Plus il y aura de récits diversifiés de l’homosexualité, moins les clichés homophobes seront tenaces. »

Justine, 18 ans, étudiante à Rennes (35)

j’étudie à Sciences Po Rennes et je voudrais me spécialiser en droit de l'environnement.

À partir de la 5e, j'ai commencé à dire que j'aimais bien les meufs.

À l'époque, j'étais fan du groupe Indochine, C'est un vieux groupe, mais j'ai découvert que leur jeune fanbase était extrêmement queer !

J'ai commencé à faire des rencontres en ligne avec des filles, et à réaliser que je développais des sentiments. Ça coulait de source j'aimais les meufs.

Quand je m’en suis rendue compte, je me suis mise à arpenter Netflix pour regarder tous les potentiels films lesbiens !

J’avais besoin d’imaginaire.

Dans mon collège privé de campagne, les personnes queers n'étaient pas encouragées à exister.

Puis en 4 e, je suis tombée amoureuse d'une fille de mon collège. Elle avait un an de plus, et je n'avais pas les clés à l'époque pour le voir, mais elle avait une vraie dégaine de lesbienne.

Mais j’y ai rencontré une fille qui allait devenir ma meilleure amie. Elle avait grandi dans un milieu très à gauche, très ouvert.

Sa mère, pour parler de ses potentiels partenaires, précisait toujours

Il ou elle.

Ma mère l'a très bien pris.

Mon père m'a dit qu'il ne me rejetait pas, mais que ce n'était pas tout à fait ce qu'il voulait pour moi.

C'est elle qui est venue vers moi, car elle a senti que je l’étais aussi.

Et même si ça n'a pas marché entre nous, elle a beaucoup compté, car c'est cette relation qui m'a décidée à en parler à mes parents.

Il avait besoin de temps pour digérer l'information. Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux.

Une fois arrivée à Rennes pour les études, mon identité s'est déployée davantage. Il y a beaucoup plus d'espaces où on se sent en communauté LGBT. J'en avais besoin. j'ai toujours été à la recherche de représentations, de supports pour me projeter.

J'écoute des podcasts comme « amicalement gouine » ou « lesbien .nes au coin du feu ».

Je me demande souvent comment on vieillit quand on est queer ? J'ai l'impression de voir très peu de personnes de plus de 50 ans qui ne sont pas hétéros.

je suis d’abord tombée sur le film « La vie d'Adèle », qui ne m'a pas trop plu.

Mais après, j'ai lu la BD*, qui était formidable.

« Le Portrait de la jeune fille en feu » m’a beaucoup marquée.

L'engagement de son actrice Adèle Haenel m'inspire dans mon militantisme féministe.

Aujourd'hui, je suis dans mon microcosme où les gens sont OK avec ça, mais si j'ai envie de retourner habiter à la campagne ?

Ça m'angoisse d'avoir une relation longue avec une meuf, de passer par des étapes comme avoir un appart', un taf, un enfant...

... et d'envisager de devoir tout le temps m'imposer en rupture, car je ne pourrai pas juste suivre les schémas qu'on m'a transmis.

* « le bleu est une couleur chaude », éditions Glénat, 2010

Théo, 20 ans, étudiant en communication à Reims (51)

J’étudie Le jour et je passe mes nuits à organiser des soirées queer. La scène LGBT est quasi inexistante en Champagne, alors on a un grand espace de création.

j'ai des souvenirs en primaire où je savais de façon innée que j'étais attiré par les garçons. J'ai compris que c'était un enjeu seulement au moment où on me l'a foutu en pleine tronche.

Je suis fan d’hyperpop. Ce style musical émane de personnes queer, qui, même au sein de la communauté, sont considérées comme chelous, mais qui l’assument.

Cette musique offre aux personnes queers un espace pour explorer leur identité en modulant leur voix, ils et elles bouleversent les normes de genre qui leur sont assignées.

Certains m’ont pointé du doigt, m'accusaient d'être « bizarre ». C'est fou, je me souviens de l'assumer totalement, d'être fier de répondre aux questions, content de mettre, moi aussi, des mots dessus.

Et en même temps, j'avais toujours cette volonté de rentrer à tout prix dans le moule.

Des histoires...

J'ai l'impression d'avoir été out toute ma vie ! à 12 ans, mon père a surpris ma correspondance sur facebook avec Florent.

C'était mon premier petit copain, et pour discuter avec lui, j'utilisais l'ordi familial. mon père a attendu que ma mère rentre du travail et m'a forcé à avouer. c'était horrible !

Il m’a insulté, m’a dit que j’étais malade, qu’il fallait que je voie un médecin...

Je pleurais et Ma mère, impassible, ne prenait pas ma défense.

Après ça, silence radio. Ils ne me regardaient plus, ne me parlaient plus. C'était hyper violent.

Dans le même temps, j’ai subi une vague de harcèlement au collège, des insultes, des menaces, des bousculades...

Un jour, j'ai eu peur de me faire tabasser, alors je suis allé voir l'infirmière, avec qui on a pu régler ça.

au fond de moi, je n'arrivais pas à comprendre leur acharnement.

« Les violences homophobes en milieu scolaire sont très répandues. Les injures peuvent cibler non seulement les jeunes en cheminement sur leur sexualité, mais aussi les autres, car elles se basent avant tout sur un soupçon d’homosexualité. Ce qui est problématique, c'est que les adultes considèrent souvent que c'est une affaire de jeunes entre eux. Or, des programmes scolaires de lutte contre les discriminations, ainsi que des adultes vigilants et à l'écoute au sein de l'école sont clés pour lutter contre ces violences. »

Quelques années plus tard, ma mère m’a proposé de rouvrir le sujet pour que je puisse le présenter avec mes propres termes.

Après une full dépression au collège, Je me suis inscrit à un atelier d'écriture slam, où j'ai composé un texte pour me moquer des normes dans les couples.

Le titre était : « qui doit payer le premier rendez-vous ? »

J'ai parlé d'alcool, de sexe gay, alors que j'avais 14 ans !

Je pense qu’elle s’en était fait une raison, même si elle ne l’acceptait pas vraiment.

mais Le climat devenait brutal à la maison, mon père m’insultait, et s’est mis à me frapper. il m'a foutu à la porte. j’ai été à la rue Pendant deux mois.

à la fin de l'année, j'ai pu présenter mon texte devant un parterre d'élèves et de parents, mais l'école avait coupé quelques mots, par peur de choquer.

ça a été mon introduction au militantisme.

Les années lycée ont marqué un tournant. J'ai commencé à aller dans plein de manifs, surtout dans des cortèges féministes. Je me suis aussi investi longtemps à Amnesty International.

Je me rends compte que malgré tout ce qui m’est arrivé, j’ai toujours ressenti de l’espoir et de la fierté pour qui j’étais. Alors, c’est important pour moi d'offrir un espace de fête safe aux personnes comme moi.

J'en avais trop marre d'encaisser, je me disais simplement « j e suis queer et je vous emmerde ! »

Pourtant, je déteste faire la fête ! Trop de bruit, trop de gens. Mais quand je suis en coulisses, je suis tellement épanoui que c'est comme un espace safe que je me crée pour moi.

Joan, 15 ans, en classe de première générale à Parempuyre (33)

ma mère est d'origine irakienne...

Tout au long du collège, j'étais dans le déni.

Je me suis même forcé à sortir avec une fille !

Je ne me sentais pas seul.

Dans mon collège, en plus de tous les refoulés, il y avait plusieurs autres gays et lesbiennes.

... et mon père est français. En primaire, j’ai ressenti pour la première fois de l'attirance pour un garçon de ma classe.

Mais c'était compliqué, je ne lui ai jamais parlé de ce que je ressentais.

J’ai fait mon premier coming out, sur un coup de tête, à ma meilleure amie Alice, en 3e.

Oui, je m'en doutais, et, tu sais, je m'en fous un peu !

Une fois out, j'ai commencé à parler avec eux, Mais la plupart étaient emos et fans de mangas, et je ne m'identifiais pas trop à tout ça. En fait, on n’avait rien en commun à part le fait de ne pas être hétéros.

Des

Ensuite, j’en ai parlé à ma mère. Elle m'a dit qu'elle était fière de moi, qu'elle m'aimait quoi qu'il arrive. Pour une maman arabe, c'est rare, je trouve !

Aujourd'hui en première, J’ai un groupe d'amis qui me correspond bien. Ça matche bien, on aime les mêmes dessins animés et les mêmes délires, comme Hello Kitty.

En revanche, j’aime attirer les regards avec mes outfits. J'aime impressionner avec les accessoires. Pour moi, c'est ce qui fait toute la tenue.

Du côté de mon père, l’échange n'a pas été aussi bienveillant. Il est dans le déni. Il est bizarre, il m'ignore.

Mais, qu'ils soient hétéros ou LGBT, je ne me confie pas trop sur ma vie sentimentale.

Quand J’ai voulu me procurer le livre « Heartstopper* », mon père me l’a interdit. Je lui avais dit que c’était très hétéro, mais il ne m’a pas cru, il s’était renseigné.

Je n'y vois pas trop d'intérêt, et puis si j'en parle trop en détail à n'importe qui, j'ai peur qu'on me porte l'œil.

Pour le moment, je ne cherche pas à séduire. Une fois, un mec a demandé mon insta à ma pote, et on a commencé à se voir un peu. Mais j'ai l'impression qu'il s'attendait à ce qu'on couche ensemble, et ça ne me disait pas.

* À l’origine de la série, qui raconte la rencontre de deux garçons

Lucas, 19 ans, vendeur chez Zara à Paris, habite à Drancy (93)

très jeune, j’ai eu droit à des réflexions, comme "« pourquoi tu t'habilles en rose ? » ou « pourquoi tu écoutes ça ? », « pourquoi tu joues avec des poupées ? »...

ça me rend ouf !

Mes parents sont homophobes, alors avec eux je tente de passer inaperçu. Quand je rentre à la maison, je cache les manches de mon crop top en résille qui dépassent de mon t-shirt et je retire mon piercing à l'oreille.

Ça fait un an ou deux que je m’exprime vraiment niveau look.

toute ma garde-robe est au rayon filles, Surtout les pantalons. je kiffe, parce que ça fait un sacré boule !

Quand je me suis retrouvé en première pro de mécanique, ça a été un peu dur, il n'y avait que des machos. Heureusement, la seule fille de la classe est devenue une super pote, ça m’a aidé.

J'ai pris l'habitude de facilement créer des masques. Les seuls moments où je n'en mets pas, c'est avec mes copines.

Seul, je n’aurais jamais pu montrer ma sexualité et ma personnalité aussi librement.

Des histoires...

dès que j'ai commencé à parler, les adultes disaient que je faisais des manières, que je criais trop dans la rue pour un petit garçon.

Mon homosexualité s'est confirmée à la puberté, quand j'ai découvert le porno.

Les gens projetaient des trucs sur moi.

« Bah ouais, je suis gay, t'as un problème ? »

Au collège, on me faisait déjà pas mal de remarques, et, au fur et à mesure, j'ai commencé à répondre

Je savais bien que, pour eux, un garçon devait être avec une fille, mais je ne m’y retrouvais pas.

Une fois sur les sites, je me dirigeais exclusivement vers le porno gay.

Et d'un coup, ils ont fermé leur gueule.

Les remarques se sont intensifiées en première pro de mécanique, où un groupe de mecs avait vraiment pris l'habitude de m'insulter.

Mais j'ai été super bien accompagné. Un jour, une prof de français les a vus et m'a proposé d'en parler avec la CPE.

Elles ont été super attentives, et m'ont dit « ça ne va pas se passer comme ça. » Avec les surveillants, elles ont sorti tous les dossiers des élèves et m'ont aidé à retrouver qui c'était.

Puis je suis allé déposer une main courante contre ces lycéens au cas où. Tout le monde m'a dit que j'étais courageux, mais je trouve ça hyper normal.

Tout ce harcèlement m’a rendu particulièrement méfiant.

Sur mes réseaux, j’ai très peu d’abonnés que mes amis proches. Je ne veux pas risquer de recevoir des insultes dans les commentaires.

C'est mon safe space. J’utilise très peu Grindr, surtout depuis que j'ai entendu parler des guets-apens homophobes. Ce sont des tarés qui vont sur des applis de rencontres gays, et qui donnent des rendez-vous pour aller frapper la personne, c'est horrible !

Des histoires...

Joanna, 17 ans, étudiante en Arts plastiques à Paris, vit à Pantin (93)

Quand j’étais petite, je posais tout le temps des questions.

J’ai grandi en Guyane, et suis arrivée en France au début du collège. Petite, j’avais un corps de garçon, j’aurais aimé être plus féminine.

Dans le ventre de ma mère, j’avais un jumeau, mais il est mort in utero.

jusqu’à aujourd’hui, je me demande ce que ça veut dire. Est-ce que ça a influencé le fait que je ne sois pas hétérosexuelle ?

J'étais musclée du dos, des bras, des jambes. En même temps, je kiffais le sport : je faisais du foot, du badminton...

Dans mon groupe de copains, j’étais la seule fille. Je rentrais tout le temps pleine de taches à la maison. mes parents étaient furieux, ils disaient que je me prenais pour un garçon. du volley... du tennis... du basket... de la boxe... de l'escrime... de la danse... de l'athlétisme.

À la fête de l'école en fin de primaire, J'avais prévu de venir avec le masque de la série « Casa de Papel ».

Au même moment, je me suis sentie grave proche d’une fille de ma classe.

Mais ma mère m’a imposé de m’habiller en princesse Jasmine ! Ce qui m'a le plus dégoûtée, c'est de voir le regard de mes amis garçons changer à ce moment-là.

Un événement traumatique m’a rajouté plein de questions. Un cousin dont j'étais assez proche m'a violée quand j'avais 10 ans, alors qu’il en avait 15.

Je me suis dit que je détestais les hommes. Je me demandais « est-ce que je ne serais pas plus attirée par les filles que par les garçons ? »

Je les ai sentis se dire « ah ouais, mais c'est une fille, elle peut être belle. » Moi, je voulais être leur égale, et là, ils me considéraient comme une potentielle amoureuse. Je voulais éviter ça à tout prix.

On se tenait tout le temps la main. Elle avait des mains archi fines ! Et moi, des grosses mains de mec. Ça nous faisait rire.

Mais en vrai, ça m'a surtout dégoûtée. je ne me voyais pas coucher avec qui que ce soit après.

Des histoires...

Au collège, j’ai rencontré Victoria. On était tout le temps ensemble et j'ai commencé à avoir des sentiments pour elle.

J'essayais de m'en dissuader, mais on est quand même sorties ensemble.

Ça a duré un petit temps, puis elle m'a brisé le cœur !

les filles, plus jamais !!

Ensuite, j’ai eu un crush sur un garçon. J'ai vite réalisé qu'il était gay.

mais ça ne me dérangeait pas du tout.

En 3e, Grâce aux réseaux sociaux, j'ai appris plein de différents termes, comme pansexuelle, et je m’y suis identifiée tout de suite.

ça voulait dire que je pouvais aimer n'importe qui, quel que soit son genre ou sa sexualité.

J’ai aussi découvert la multitude de drapeaux qui existent.

un jour, je vois quelqu'un comparer l’homosexualité à la zoophilie, sur x.

Direct, je fais des recherches et je comprends que c’est juste les homophobes qui font le rapprochement, mais ça n’a rien à voir avec nous. eux, c'est des zinzins !

Quand ma mère est tombée sur mon historique...

Heu... c'est pour un DM de SVT.

Avant d'être out au lycée, je m'habillais de manière plus féminine, je mettais du make-up alors que je détestais ça, et je me rapprochais des garçons.

C'est drôle car, avec mes meilleurs potes, on s'est juste rapprochés au feeling.

ce n'est que plus tard qu'on a capté qu'on était tous les trois pas hétéros. On a eu un fou rire les pédés* se retrouvent !

Dans chaque lycée, il y a un compte « crush » sur instagram, où des personnes partagent leurs crushs de manière anonyme. On a vu qu'il y avait plein de gays cachés.

Au point qu’on m'a prise pour une grosse dragueuse !

Mais je ne voulais pas que les gens sachent que je n'étais pas hétéro. à partir du moment où j'ai rencontré Léo, qui était le seul mec gay de ma classe, j'ai pu me laisser aller, m’habiller comme je voulais. Je me sentais moins seule.

comment c'est possible ?

Est-ce que notre lien était dû à ça dès le départ ?

Ça m'a motivée à plus me montrer. je me suis dit qu'en assumant ma sexualité, peut-être que d'autres le feraient aussi.

* Utilisé dans ce contexte, « pédé » n’est pas une insulte, mais un retournement de stigmate.

BOUFFONS

Pour concurrencer le marché du snacking, les ostréiculteurs ont développé de nouvelles gammes d’arômes pour LES HUÎTRES :

À Paris, afin de mettre en avant le patrimoine gastronomique, les stations de métro vont être rebaptisées avec des NOMS D’ALIMENTS.

Tu prends le métro à Fromage, tu changes à Merguez et là, tu prends la ligne Haricot, et tu descends à Flageolets.

Si personne n’avait consommé de viande de vache, les hommes l’auraient chassée jusqu’à son extinction. Partant du constat que la consommation d’une espèce provoque sa croissance, un groupe industriel austro-hongrois est parvenu à sauver les éléphants de l’extinction en bâtissant des élevages pour en faire des GROS STEAKS.

Les premières fermes d’organes sont en cours d’ouverture en France.

Elles sont tenues par des ÉLEVEURS PORCINS en raison de leur connaissance de la charcuterie.

Aux États-Unis, le nom de LA VILLE DE PERSIL, en Origan, vient de la plante le persil. Tout comme la mayonnaise, qui vient de la Mayonne, en France.

QUEL EST LE POURCENTAGE D’ORANGE DANS LE JUS ?

A. Il n’y en a pas.

B. Pourcent.

C. Du jus d’citron !

D. La réponse D.

PALABRES

Les oiseaux descendent des dinosaures. De récentes études sur des crânes ont prouvé que les puissants TYRANNOSAURUS REX du crétacé pouvaient, à l’instar des perroquets, imiter la voix humaine.

La technologie est parvenue à décrypter LE LANGAGE DES ARBRES : ils ne parlent que de la pluie et du beau temps.

VICTOR HUGO ne connaissait pas une seule de ses poésies par cœur. Quand il devait les réciter, il avait toujours avec lui un complice qui lui soufflait ses textes.

Casey Thomson, l’homme le plus riche du monde, a en permanence à ses côtés un employé qui s’attribue LES FLATULENCES de son employeur.

C’EST DOMMAGE

Il y a plein de gens qui s’appellent Romain, mais personne ne s’appelle Gaulois, et je trouve que C’EST DOMMAGE.

À cause de la pollution, les oiseaux ont tendance à perdre leur bec, et je trouve que C’EST DOMMAGE.

LES TRISTOONS sont les Toons apparus pendant la Grande Dépression des années 1930.

DIVERS

À l’aide d’algorithmes, on peut désormais calculer le degré de CONFIANCE à accorder à nos amis. Pour info, la valeur médiane en France est seulement de 19 %

À cause du trou dans la stratosphère dû à LA FRACTURE NUMÉRIQUE, l’eau s’écoule par gouttes de la taille d’un pixel hors de la surface de la Terre vers l’espace, et on ne trouve AUCUNE SOLUTION pour la retenir !

LE NOMBRE DE « HA » dans les rires varie selon les régions du monde.

CHINE FRANCE SÉNÉGAL MEXIQUE

Look du jour

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LE NOUVEAU TOPO ! PLUS DE PAGES, UN GROS DOSSIER ET TOUJOURS AUSSI BEAU !

Par Émilie Valentin et Pochep

… JE PENSAIS AUX TOPITOZ, OU AUX TOMETTES.

LES TOPOTOS ?

TUTUTUT. THOMAS. ON EN A DÉJÀ PARLÉ. CETTE NOUVELLE FORMULE, C’EST QUOI, CONCRÈTEMENT ?

J’ME DISAIS, ÇA SERAIT COOL DE DONNER UN NOM À NOTRE COMMU DE LECTEURS, NOTRE FANDOM, NON ?

TOMETTES, ÇA FAIT SURTOUT FANS DE THOMAS. ET, ACCESSOIREMENT, FANS DE REVÊTEMENT DE SOL EN ARGILE FERRUGINEUSE.

COMME LES ARMYS DE BTS, LES SWIFTIES DE TAYLOR SWIFT OU LES BELIEBERS DE JUSTIN...

ON SORT TOUS LES TROIS MOIS AU LIEU DE TOUS LES DEUX MOIS. BON.

ET ON A DES QUESTIONS PLUS URGENTES À RÉGLER.

OUI, MAIS C’EST CE CONCEPT DE NOUVELLE FORMULE, JE NE LE SENS PAS !

AUTOMNE
PRINTEMPS

CE QUI NOUS PERMET D’AVOIR 16 PAGES EN PLUS DANS CHAQUE NUMÉRO.

ET CELA SE REFLÈTE PAR UNE PAGE DE COUVERTURE COMME

CELLE QUE NOUS AVONS DEVANT NOUS : CLAIRE ET ENGAGEANTE. DANS CE NUMÉRO-CI : LE CORPS.

CES PAGES NOUS OFFRENT

L’OPPORTUNITÉ DE CONSTRUIRE UN DOSSIER THÉMATIQUE DANS LEQUEL DÉVELOPPER UN MÊME SUJET À TRAVERS PLUSIEURS ARTICLES.

ET, BONNE NOUVELLE, ACCROCHEZ-VOUS LES TOPITOZ : UN HORS-SÉRIE PAR AN !

RIEN DE RENVERSANT, TU VOIS BIEN. ET PUIS JE VAIS TE DIRE : LE CHANGEMENT, THOMAS, TOI ET MOI, ON SAIT QUE ÇA PEUT ÊTRE POUR LE MIEUX. PAS VRAI ?

TONY N’AIME PAS SES OREILLES.

LAISSEZ-MOI VOUS RACONTER UNE HISTOIRE. CELLE D’UN GARÇON, QUE NOUS PRÉNOMMERONS THO… TONY !

AH. ET IL SE PASSE QUOI, APRÈS ?

IL EST PERSUADÉ QUE LA SEULE SOLUTION EST DE LES PLANQUER DANS L’OMBRE DE DEUX RIDEAUX CAPILLAIRES

TOMBANT MOLLEMENT DE PART ET D’AUTRE D’UNE MORNE RAIE AU MILIEU. RÉSULTAT, TONY DÉTESTE LE VENT. IL DÉTESTE LES MOUVEMENTS BRUSQUES. ET IL DÉTESTE SA COIFFURE. QUI LE LUI REND BIEN.

UNE NOUVELLE COIFFEUSE PROPOSE À TONY… UNE COUPE EN BROSSE.

EH BIEN… JE LAISSE TONY VOUS RACONTER. THOMAS ? C’ÉTAIT COMMENT ? EH BIEN, TONA, EUH… TOMY SE LAISSE CONVAINCRE. ET ALORS ? ET ALORS ?

C’ÉTAIT FORMIDABLE ! CETTE AUDACE A CHANGÉ MA, EUH… SA VIE !

ET VOILÀÀÀ ! BON, ON S’Y COLLE À CETTE NOUVELLE FORMULE ? IL Y A DES TOMETTES ET DES TOPITOZ QUI COMPTENT SUR NOUS !

Au moins 54 000 morts, plus de 10 000 disparus, 125 000 blessés* et la famine qui menace deux millions de personnes déplacées. Autant d’êtres humains absents de la plupart des médias.

epuis deux ans, les bombardements israéliens – débutés au lendemain des attaques terroristes perpétrées par le Hamas, le 7 octobre 2023 –se poursuivent dans une logique génocidaire terrifiante. Pourtant, sur les chaînes d’info, dans la plupart des médias de masse, aussi appelés « mainstream » , pas un nom, pas un visage, pas un portrait consacré aux victimes de Gaza : une déshumanisation choquante des Palestiniens. Les victimes palestiniennes – hommes, femmes, enfants, familles entières – n’existent qu’à travers un chiffre, celui des tués par Israël, qui augmente chaque jour, parfois par centaines. Elles sont une masse indistincte, sans visage et sans histoire : déshumanisée, invisible.

Leur invisibilisation se traduit aussi dans le choix des personnes à qui les médias audiovisuels

(mais pas que) tendent le micro. Alors que nous avons vu et entendu les familles des otages et des victimes du Hamas dans la foulée du 7-Octobre, quelle voix a été donnée à la tristesse, à la colère des parents palestiniens ayant perdu leurs enfants ? Au désespoir des orphelins livrés à eux-mêmes par dizaines de milliers sous les bombes de l’État hébreux ?

Q uelles voix palestiniennes entend-on sur les ondes ? À part celle de la députée européenne francopalestinienne de La France insoumise, Rima Hassan (moins invitée que commentée et critiquée), aucune ou presque… La différence de traitement médiatique est flagrante si l’on compare, par exemple, la présence sur les plateaux de l’ambassadeur israélien en France, Joshua Zarka, et celle de l’ambassadrice de Palestine, Hala Abou-Hassira.

Fin octobre 2023, l’éditorialiste Caroline Fourest assénait sur BFM-TV : « On ne peut pas comparer le fait d’avoir tué des enfants délibérément comme le Hamas, et le fait de les tuer involontairement, en se défendant, comme le fait Israël. » Une insupportable hiérarchisation des victimes qui contribue à déshumaniser un peu plus les Palestiniens, fussent-ils des enfants.

De même, une suspicion permanente pèse sur le peuple palestinien, désigné comme complice du Hamas, voire comme coupable. L’État hébreu accuse systématiquement celles et ceux qu’il tue d’être des terroristes. Peu importe qu’ils soient soignants, humanitaires,

journalistes. En mars 2025, Tsahal tuait 15 secouristes et membres du Croissant-Rouge (l’équivalent de la Croix-Rouge)

à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. L’armée israélienne affirmait avoir visé des « véhicules suspects » de « terroristes ». Des vidéos diffusées plus tard montraient des véhicules clairement

indirectes (liées au manque de médicaments, de soins, de nourriture, etc.).

D’autres mécanismes contribuent plus insidieusement à cette déshumanisation.

identifiables circulant tous gyrophares allumés. Mais la propagande avait opéré et avait été reprise par la voix d’éditorialistes – peu regardants mais très écoutés – sur les plateaux français.

Ces accusations, sur lesquelles Israël s’appuie pour tuer femmes, enfants, photographes ou travailleurs humanitaires, visent également les personnalités qui dénoncent les massacres : au printemps 2025, le médecin Raphaël Pitti s’est ainsi vu accusé d’être antisémite et pro-Hamas, après un passage sur France 2 où il alertait sur la situation humanitaire à Gaza.

Par ailleurs, de nombreux médias semblent souvent mettre en doute – voire minimiser – les bilans des victimes fournis par les autorités de Palestine, en précisant que les chiffres proviennent du « ministère de la Santé du Hamas » Pourtant, les ONG et l’ONU les considèrent comme fiables, voire sous-estimés, étant donné qu’ils ne comptabilisent pas les disparus coincés sous les décombres ou les morts

Parmi eux : la décontextualisation. En faisant démarrer les événements au 7 octobre 2023 (via l’utilisation de termes comme « réponse » ou « représailles ») sans contextualiser ce qui peut éclairer – sans pour autant les justifier –ces massacres, certains médias relaient la rhétorique d’Israël (et « son droit à se défendre ») et confèrent une légitimité à ses bombardements. Cette « déshistoricisation » tait la colonisation, le régime d’apartheid (dénoncé par Amnesty International) qu’Israël impose aux Palestiniens des territoires occupés, ou le blocus

que l’État hébreux fait subir aux habitants de la bande de Gaza depuis 2007.

Cette tendance, on la retrouve dans la qualification « guerre Israël-Hamas », largement utilisée dans les médias, et qui colle aux éléments de langage d’Israël : l’objectif est d’« anéantir le Hamas », les victimes civiles sont des « dommages collatéraux » , l ’armée fait « tout pour les éviter »

Les chiffres de l’ONU rapportent précisément le contraire : 70 % des victimes à Gaza sont des femmes et des enfants.

« La photojournaliste Fatima Hassouna et dix de ses proches ont été tués par un missile qui a frappé leur maison » , déclarait en mai 2025 l’actrice Juliette Binoche, en ouverture du 78 e Festival de Cannes. Comme si les missiles tombaient seuls du ciel.

Cette déshumanisation des Palestiniens s’explique aussi par un racisme systémique, conduisant à une identification plus forte aux Israéliens, que le gouvernement israélien a d’ailleurs vivement encouragée en comparant systématiquement le Hamas à Daech et le 7-Octobre aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Et que dire de l’impact du black-out médiatique imposé par l’État hébreu ?

Israël a interdit tout accès à Gaza aux reporters étrangers, et l’armée israélienne a tué plus de deux cents journalistes depuis le 7 octobre 2023.

Heureusement, de nombreux médias indépendants (ou de grands médias comme Le Monde) œuvrent à réhumaniser les Palestiniens, à diffuser leurs visages, leurs histoires, alors que, comme l’affirmait Amnesty International en avril 2025, « le monde assiste sur ses écrans à un génocide en direct ». * Au moment où nous écrivons ces lignes, fin juin 2025.

De multiples procédés linguistiques participent également à cette déshumanisation. La voix passive (« ont été tués ») et ses équivalents (« sont morts ») sont souvent utilisés pour rapporter les massacres de Palestiniens. Volontairement ou pas, on ne dit pas qui tire, qui tue (or, c’est Israël qui tue des Palestiniens).

Nous l’occupons et il nous occupe. Nous voudrions ne pas être résumé à son apparence, mais nous la travaillons. Au cas où. Il est exigeant, fragile, surprenant. Il change, grossit ou maigrit. Nous le nourrissons, nous le sculptons, nous le laissons aller, nous n’y pensons plus ou nous ne pensons qu’à lui. Nous regardons ceux des autres avec envie, désir ou dégoût. Le sujet est vaste, culturel, économique, intime. Des Kardashian à notre miroir, de nos muscles à notre regard, qu’est-ce qui se joue derrière le corps ?

Par Constance Vilanova et Leïla Courtillon

Le 14 octobre 2007, sur la chaîne E! Entertainment, les États-Unis découvrent le quotidien d’ultra-riches de Los Angeles qui montrent tout, sans pudeur.

Je meurs de faim.

T’as pas un shooting demain ?

Arrête de manger !

Je crois... ... que Kim a pris des fesses ! Du coup...

...

Haha !

Kim a toujours eu du boule. Tu crois que ça vient d’où, maman ?

Elle n’a pas fait assez de cardio !

elle roule du cul !
Hahaha !
KHLOÉ
KRIS
ROB
KYLIE
BRUCE
KIM

LES KARDASHIAN

Portrait de famille :

D’abord il y a Kris Jenner, la mère. De son premier mariage avec le célèbre avocat Robert Kardashian naissent ses trois premières filles et son fils.

LA MOMAGER (maman manager)

Kris Jenner veut à tout prix être célèbre. Elle transmet cet appétit pour la notoriété à ses enfants.

En 1991, Kris se remarie avec Bruce Jenner, un athlète de haut niveau, champion olympique de décathlon et trois fois recordman du monde de la discipline. De cette union naissent deux filles.

Bienvenue dans ma famille !

Comment expliquer qu’une émission de téléréalité soit consacrée aux Kardashian-Jenner ? Grâce à Kim (ou à cause d’elle).

Je crois que Kim devrait faire une couverture de « Playboy ».

Bien sûr ! Comme ça, tu auras tes 10 %.

Encouragée par sa mère dès l’adolescence, la deuxième de la fratrie a un désir irrésistible de gloire.

Quelqu’un peut filmer ça ?

Comme ça, on pourra me voir quand je serai vieille et célèbre, et se souvenir de cette jolie fille.

L’argent a toujours été l’objectif, mais j’étais aussi obsédée par la célébrité, obsédée de manière embarrassante.

KIM, FILMÉE PAR SON PÈRE, ROBERT KARDASHIAN, EN 1994.
KIM, DANS « VOGUE ARABIA », 2019.
KHLOÉ KOURTNEY

Au début des années 2000, Kim a 20 ans. Elle fait quelques apparitions dans l’ombre de Paris Hilton, une célèbre héritière à l’affiche de sa propre émission de téléréalité « The Simple Life ».

Tu prévois d’y aller ?

J’adore ce dressing, il est trop bien !

Ça, c’est un ensemble pour si jamais un jour je vais en Inde.

En octobre 2002, en voyage au Mexique, Kim et son petit ami se filment pendant un rapport sexuel. Quatre ans plus tard, la vidéo intime est diffusée à leur insu.

C’était avec mon petit ami, avec qui j’ai été pendant trois ans, et dont j’étais vraiment amoureuse.

KIM, DANS LA SAISON 1 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN* ».

Peu importe ce qu’on fait dans notre vie privée, c’est notre vie privée.

Kim revend finalement la sextape pour 5 millions de dollars en 2007 et signe sa première saison de téléréalité avec la chaîne E! Entertainment. Depuis, sa vidéo a généré plus de 50 millions de dollars de revenus.

Quand j’ai entendu parler de la sextape de Kim, en tant que mère, je voulais la tuer.

Mais en tant que sa manager, je savais que j’avais un job.

C’est donc dans la foulée de la vente de ces images intimes qu’est lancée l’émission « L’Incroyable Famille Kardashian ».

Kim tire des bénéfices de son corps nu et exposé malgré elle.

Kim devient connue parce qu’elle est connue.

* Titre français de la série de téléréalité « Keeping up with the Kardashians »

Et ce que je voulais vraiment pour elle, c’était qu’elle avance.

Oui !
PARIS
KIM

Le corps

Les Kardashian forment un clan, un matriarcat (l’inverse du patriarcat, dans lequel les hommes dominent). Ici, les femmes fixent les règles et les hommes s’effacent.

Vous devez vous réveiller, croire en vous, y travailler. Soyez intelligent et authentique et toutes les choses que vous voulez être.

C’est Kris, la mère, qui est cheffe de famille. Pas le père. Le frère, Rob, est quasi inexistant dans l’émission et les médias.

Pour les 67 ans de Kris, ses filles lui ont organisé une fête surprise dont le thème est... Kris.

Hey, girls !

Oh, mon Dieu !

Mon Dieu ! Oh, arrêtez !

Je n’aurais jamais imaginé marcher vers des dizaines de versions de moi!

EXTRAIT DE L’ÉPISODE 7 DE LA SAISON 3 DES « KARDASHIAN ».

MARY JO
KHLOÉ KRIS
KENDALL KYLIE KOURTNEY
KRIS
KRIS
KYLIE
KRIS
KHLOÉ KYLIE
KOURTNEY
KIM
KRIS
(LA MÈRE DE KRIS)

Depuis presque vingt ans, la famille dévoile son intimité dans un programme de téléréalité (« L’Incroyable Famille Kardashian », puis « Les Kardashian »). En tout, déjà 26 saisons, où la famille montre tout...

On est prêts à dévoiler le sexe du bébé ! Ici, c’est la tête.

. de la grossesse de Kourtney à la transition de genre du père, Bruce, qui devient Caitlyn Jenner.

Tu vas changer des trucs sur ton visage...

Oui, ce sera de plus en plus difficile de faire semblant.

À l’aube des années 2010, un nouvel objet s’incruste dans les mains de toute la famille : le smartphone.

Tu sais ce qui me ferait plaisir ?

Ce serait des vacances comme celles d’avant...

Sans portable !

Sans lire ses messages !

J’ai le droit de parler avec des gens ! Je veux que Kim soit dans le moment présent, avec la famille !

Sans parler à ses collègues ou checker ses mails.

Cette révolution numérique va renforcer la « kardashianisation » du monde.

Kim, tu veux bien arrêter de te prendre en photo ?

Dans chaque épisode, désormais, les sœurs enchaînent les selfies avant de les publier sur une application dernier cri: Instagram, lancée le 6 octobre 2010.

KRIS SCOTT
KOURTNEY KIM KYLIE
KYLIE
KENDALL BRUCE ROB
KRIS KIM
KENDALL
CAITLYN KYLIE
KOURTNEY
KRIS
KIM
KRIS
KIM

Le 20 février 2012, Kim Kardashian poste sa première photo sur Instagram : un baiser envoyé à ses fans.

kimkardashian

My first Instagram pic... Kisses for Instagram!

sirjoseph322

Queen K

nurlovesdollar

Love!!

134975 likes 20 février 2012

Bouche en cul de poule Filtre épais Yeux fermés

Kim s’appuie sur cette nouvelle plateforme pour développer sa puissance. Des marques la repèrent. Elle fait ses premiers placements de produit et développe une nouvelle profession : influenceuse.

Hey, tout le monde ! Aujourd’hui, je suis avec Kim Kardashian et je vais vous montrer comment vous maquiller en utilisant seulement des produits de pharmacie !

EXTRAIT D’UN TUTO VIDÉO AVEC SON MAQUILLEUR MARIO DEDIVANOVIC, EN 2015.

Avec les 356 millions d’abonnés de Kim et les presque 400 millions d’internautes qui suivent sa sœur Kylie, la famille Kardashian a fortement contribué au succès de l’application.

Sans les Kardashian, pas d’Instagram, et sans Instagram, pas de Kardashian.

KIM
KYLIE KYLIE
KYLIE

Très vite, avec les filtres, mais aussi la médecine esthétique, les visages des sœurs commencent à se ressembler.

Les pommettes hautes, les lèvres gonflées, les sourcils dessinés.

Comme si elles ne formaient plus qu’un visage et qu’un corps, devenu leur instrument de travail.

Leurs silhouettes se modifient au fil des clichés et selfies. Elles s’uniformisent, tout en fixant des nouveaux standards de beauté dans le monde.

KOURTNEY, KHLOÉ ET KIM À LA SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA SAISON 2 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN », À HOLLYWOOD, EN 2008.

KOURTNEY, KHLOÉ ET KIM LORS DE LA PROMOTION DE LEUR PARFUM DIAMONDS, EN 2019.

KIM

Le corps

Le 30 avril 2022, l’association des correspondants de la Maison-Blanche organise son dîner annuel à Washington, en présence du président des États-Unis, Joe Biden.

Sur le tapis rouge : Kim Kardashian. L’influenceuse pose. Les photographes hurlent son nom pour décrocher un regard.

Elle se retourne dans sa robe argentée. La photo innonde Twitter et Instagram, et les internautes deviennent fous. Tous s’interrogent :

Mais où sont passées les fesses de Kim Kardashian ?

Depuis 2014, Kim Kardashian a fait de son fessier sa marque de fabrique. Elle le montre en maillot de bain très échancré, en legging cycliste, en pantalon moulant. Elle lance même sur son site de produits dérivés une bouée gonflable à l’image de ses fesses.

Pour obtenir ce derrière rebondi, l’influenceuse a subi un brazilian butt lift ou BBL, une opération de chirurgie esthétique très lourde.

Il s’agit de prélever de la graisse dans une partie du corps, souvent les cuisses ou le ventre, pour l’injecter dans les fesses.

Cette pratique est l’une des plus dangereuses en chirurgie, avec une patiente sur 3 000 qui meurt. Le risque : une embolie. La graisse pénètre le système sanguin, bloque une veine et donc l’oxygénation.

En plus d’être très risquée, cette pratique est très douloureuse et très chère. Il faut compter entre 3 500 et plus de 10 000 euros.

KIM !
KIM !
KIM !
AVANT BBL APRÈS BBL

Le corps de Kim est tellement influent que, selon plusieurs magazines américains, 2014 devient « l’année des fesses ». Rapidement, ses sœurs Kourtney, Khloé et Kylie suivent le mouvement.

Dans les cabinets de chirurgie, les patientes veulent toutes la même silhouette que les sœurs Kardashian. Une étude de 2018, publiée par la Société américaine de chirurgie plastique, indique que les procédures d’augmentation du fessier ont bondi de 256 % depuis 2000.

En 2018, Nabilla, célèbre candidate de téléréalité française et influenceuse aux 9,5 millions d’abonnés, se serait rendue à Miami pour bénéficier d’un brazilian butt lift réalisé par Simon Ourian, le même chirurgien qui a opéré Kim Kardashian. En 2020, elle s’explique en live sur Instagram :

Je vous ai déjà dit : j’avais fait des injections il y a très longtemps.

Alors, je voyais des commentaires sur mes fesses.

Je me suis dit : « Les gens, ils ne veulent vraiment pas se mêler de leur cul ! »

Et c’est tout, en fait. Depuis, rien n’a changé.

Les chanteuses Nicki Minaj et Jennifer Lopez passent aussi par la case BBL. Mais cette obsession pour les fesses mène aux pires dérives.

Je ne comprends pas pourquoi vous faites les choqués.

KHLOÉ
KYLIE
KIM KOURTNEY

En mai 2021, pendant une fête à Dubaï, Luna Skye, ex-candidate de téléréalité alors âgée de 25 ans, se fait injecter par un chirurgien reconnu 40 seringues d’acide hyaluronique dans chaque fesse. La promesse de cette intervention : le même effet qu’un BBL, mais sans opération.

@Lunaskye

Quelques mois plus tard, dans une blouse de l’hôpital Tenon à Paris, Luna raconte le parcours du combattant qui a suivi.

@Lunaskye

J’ai passé la nuit à essayer d’aller mieux pour ne pas venir aux urgences, mais là, j’ai trop, trop mal.

SNAPCHAT LIVE, OCTOBRE 2021

Victime d’un staphylocoque et d’une septicémie, celle qui habitait Los Angeles a d’abord passé trois mois dans un hôpital américain, avec un séjour en réanimation, avant de se faire rapatrier en France.

Aux États-Unis, j’ai frôlé la mort, j’ai l’impression d’avoir été un cobaye. On a testé plein de traitements, et dès qu’on les interrompait je refaisais une infection. Je suis devenue dépendante à l’oxycodone.

Cet antidouleur très puissant est responsable d’une grande vague d’addiction aux États-Unis.

Chaque jour, elle décrit l’avancée de son infection en story sur Instagram. En France, elle multiplie les opérations douloureuses. Mais le produit reste dans le muscle et ne se résorbe pas.

Je suis à l’hôpital, j’ai dû prendre je ne sais combien d’anxiolytiques pour arrêter mes crises d’angoisse.

Je fais la forte, mais je suis humaine et j’ai aussi peur.

On m’a demandé de montrer un peu plus ce qu’il se passe... C’est pas rigolo, mais c’est la vérité.

Émilie Amar, ex-candidate de téléréalité, est suivie dans une chambre voisine. Elle aussi a reçu des injections du même chirurgien. En pleurs, elle explique en story sur Instagram s’être fait injecter 33 seringues du produit.

Je ne suis pas la seule, on est quatre dans ce cas-là.

Bon, alors j’essaie d’en parler.

Depuis le mois d’août, je suis à la troisième récidive

11 DÉCEMBRE 2021

d’une grosse infection due à une bactérie qui serait un staphylocoque doré.

On n’a pas de solution, car la bactérie se loge certainement dans le produit, et le produit met deux ans à se résorber.

Finalement sauvées, les deux jeunes femmes restent traumatisées. Les fesses de Luna ne retrouveront jamais leur forme originelle.

J’ai toujours pensé que mon corps n’était qu’une enveloppe, que je pouvais en faire ce que je voulais. Cette impulsivité, je la remets en cause.

ÉMILIE
LUNA

Kim n’est pas la seule à standardiser les corps.

La cadette, Kylie, a transformé les visages du monde entier.

En avril 2015, le hashtag #KylieJennerLipChallenge s’empare d’Instagram. En photo et vidéo, des adolescentes montrent des lèvres incroyablement gonflées, prêtes à exploser.

Le principe : placer un verre ou une bouteille sur sa bouche et aspirer. Avec l’afflux de sang, les lèvres grossissent. Problème : cette pratique peut déclencher des douleurs et des hématomes. Parents et experts s’inquiètent.

Okay, alors je vais utiliser un verre comme ça.

Et attendre quinze minutes.

Si ces jeunes internautes prennent ce risque, c’est pour ressembler à leur idole Kylie Jenner. Aperçue dans les premières saisons de « L’Incroyable Famille Kardashian », elle est d’abord la mal-aimée des réseaux sociaux, où elle est comparée à ses sœurs.

Si tu veux être mannequin, tu dois avoir une bonne alimentation.

Un book ? Avant qu’on regarde, tu veux bien demander à ta sœur comment s’est passée son audition, aujourd’hui ?

Ah ! Coucou, ma chérie.

J’ai fait un book de photos !

Elle essaie de voler mon moment de gloire !

Tu peux te concentrer sur mon book ? Comme tu l’as fait pour Kendall ?

On moque le « vilain petit canard », jamais assez jolie, jamais assez mince, surtout comparée à Kendall, qui commence sa carrière de mannequin et défile pour les plus grandes maisons de haute couture.

Alors, entre 2013 et 2015, les lèvres de l’adolescente se mettent à gonfler.

Le visage de la lycéenne se métamorphose.

LE STREAMER SPEED SUR SA CHAĵNE TWITCH.
KENDALL MAMAN! KRIS
DANS LA SAISON 4 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN ».
KYLIE

Sur ses réseaux ou en interview, elle nie toute intervention esthétique... Comme ici, sur E! Entertainment, en 2015.

Tout le monde se demande : Kylie, comment vous faites pour avoir ces lèvres incroyables ?

Tout le monde pense que c’est parce que j’utilise une couleur particulière, mais j’utilise genre six couleurs différentes.

Elle parie même sur la polémique pour lancer sa marque de maquillage : Kylie Cosmetics, qui propose un kit spécial avec un rouge à lèvres liquide et un crayon. Lancés en mars 2016 sur Internet, ces Kylie Lip Kits à 26 euros sont épuisés en quinze minutes.

Kylie Jenner est sa propre publicité. Son corps et son visage sont une marque à eux seuls. Une marque qui la rendra milliardaire à 19 ans. En mai 2016, elle révèle s’être fait injecter des « fillers » temporaires dans les lèvres, lors d’une émission dérivée de « L’Incroyable Famille Kardashian ».

Oui, je me suis fait injecter des « fillers ». C’est juste une insécurité dont je souffre. Mais avant, je n’étais pas prête à parler de mes lèvres à la presse.

Les « fillers » ou « produits de comblement » sont des substances injectables, généralement de l’acide hyaluronique ou du botox. Cette technique de rajeunissement ou de remodelage ne nécessite ni chirurgie ni anesthésie. Il s’agit de médecine esthétique.

La plus grosse idée fausse à propos de moi, c’est que j’étais une enfant fragile et que j’ai eu recours à la chirurgie pour refaire tout mon visage.

C’est faux. J’ai seulement fait des injections et je ne veux pas que ça fasse partie de mon histoire. J’aimerais que les gens s’aiment tels qu’ils sont.

Juste après la diffusion de l’épisode, les demandes de clientes pour la même procédure ont explosé. Au Royaume-Uni, des médecins ont raconté avoir reçu en 24 heures 70 % de demandes supplémentaires.

2023, DANS LA SAISON 4 DE L’ÉMISSION « LES KARDASHIAN ».

Le corps

À 19 ans, Kylie se fait refaire la poitrine. Elle est aussi soupçonnée d’avoir, comme sa sœur, remodelé ses fesses. Modèle pour des millions d’adolescentes, elle devient un produit d’appel, une publicité pour les cabinets de chirurgie esthétique du monde entier. Sur Instagram, des chirurgiens postent des avants-après sur Kylie Jenner pour lister toutes les interventions auxquelles elle aurait eu recours. L’objectif : interpeller des fans de l’influenceuse et leur faire franchir le cap de la chirurgie.

Qu’a fait Kylie ?

Elle continue de s’injecter des fillers dans les lèvres, et possiblement du botox au niveau du front. La partie haute des joues apparaît plus pleine, c’est probablement dû à un filler.

Les Kardashian-Jenner ressemblent à des filtres Instagram, et tout le monde veut leur ressembler. Sur leurs photos : impossible de savoir ce qui relève du maquillage, des retouches ou des filtres qui, eux aussi, restructurent le visage et boostent le tracé des lèvres.

En 2018, des chercheurs de l’unité de dermatologie de l’université de Boston théorisent « la dysmorphophobie Snapchat » : les filtres pour nos selfies, renforcés par des applications de retouches, déforment la façon dont on se perçoit.

En 2019, pour la première fois, les 18-34 ans ont davantage eu recours à la chirurgie et à la médecine esthétiques que les 50-60 ans. Cette hausse vient de l’évolution du secteur : les techniques sont moins invasives et comportent moins de risques qu’avant.

La faute aussi à une « kardashianisation » des standards de beauté.

DOCTOR GARY LINKOV, SUR YOUTUBE, EN 2025.
DOCTOR YOUN, SUR YOUTUBE, EN 2023.

Certaines jeunes femmes n’ont pas les moyens d’atteindre les idéaux de beauté fixés par les Kardashian-Jenner et vont se tourner vers des « fake injectrices », de fausses professionnelles, sans diplôme, qui proposent des injections d’acide hyaluronique beaucoup moins chères qu’en clinique.

Sur les réseaux sociaux, ces escrocs promettent des interventions à moitié prix avec, parfois, des codes promo relayés par des influenceuses.

Aujourd’hui, je vois des patients et des patientes qui arrivent défigurés, déformés, avec des effets secondaires.

Parce qu’ils ou elles se sont fait injecter, traiter, ou fait faire du laser par des gens qui ne sont pas médecins.

DOCTEUR JÉRÉMY ALLAFORT SUR YOUTUBE, EN 2025.

Fin 2021, Feliccia, révélée dans « Les Princes et les Princesses de l’amour », propose à ses abonnés un jeu pour gagner des injections aux fesses d’une valeur de 2 000 euros.

Même si les pratiques des fake injectrices sont illégales, leurs comptes sont omniprésents sur Instagram, TikTok et Snapchat. Leurs victimes aussi...

Des jeunes femmes défigurées, qui n’osent pas porter plainte, honteuses de s’être fait avoir.

Le corps

Comme si, à grands coups de séances de sport et de pinceaux à maquillage, il était possible d’avoir ce corps et ce visage ultra lisses.

Je l’ai dit de nombreuses fois : je n’ai pas fait de chirurgie, je n’ai pas eu d’implants aux fesses, les gens écrivent juste ce qu’ils veulent.

KIM, EN 2011, DANS LA SAISON 6 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN ».

Les sœurs Kardashian-Jenner restent volontairement floues sur le nombre d’interventions esthétiques auxquelles elles ont eu recours.

Ce manque de transparence leur permet aussi de vendre des produits qui portent leur nom et la promesse de leur ressembler.

Comme les rouges à lèvres Kylie Cosmetics, qui laissent espérer d’avoir la même bouche que la petite dernière sans passer par les injections.

Ou les gaines et la lingerie de la marque Skims, lancée par Kim, qui promettent d’affiner la taille et de réhausser la poitrine sans passer par le bloc opératoire.

Les sœurs passent d’une silhouette et d’un visage à l’autre en l’espace d’un événement mondain.

KYLIE

Au milieu des années 2010, le concept d’appropriation culturelle se développe. De nombreuses personnalités sont montrées du doigt dans les milieux artistiques.

Comme le créateur japonais Junya Watanabe pour sa collection printemps-été 2016 appelée « African », où des mannequins, tous blancs, défilent avec des cornrows ou des cicatrices traditionnelles des Karamojong, une population qui vit au nord-est de l’Ouganda.

Ou comme Madonna qui porte une coiffe et une tenue traditionnelle berbère, en août 2018, à la soirée des MTV Video Music Awards.

Coiffe de la tribu Aït Baâmrane Vêtements et bijoux imazighen

En 2018, Kim Kardashian pose avec des tresses. Elle s’approprie tellement cette coiffure que le hashtag #KimBraids (#TressesDeKim) envahit les réseaux sociaux.

Kim Kardashian s’est approprié une coiffure millénaire répandue dans de nombreuses communautés afro-descendantes, et ses fans pensent qu’elle l’a inventée.

* Autrice de « Selfie : comment le capitalisme contrôle nos corps », éditions Stock, 2023.

Le corps

Kim n’est pas la seule de la famille à se faire épingler pour appropriation culturelle. Le 6 mars 2020, Kylie Jenner poste une photo sur Twitter (depuis devenu X).

@KylieJenner

BEYONCÉ

@jupitergirl

POURQUOI TU TE DÉGUISES EN BEYONCÉ ????

@mariah

Rends sa perruque à Beyoncé immédiatement.

Le problème ? Sa peau : foncée par du maquillage et des retouches. Et ses cheveux : elle porte une longue « wig », une perruque, un accessoire qui a toujours fait partie de la culture des personnes afro-descendantes.

En utilisant des artifices pour jouer sur une ambiguïté raciale alors qu’elle est blanche, l’influenceuse est accusée de « blackfishing ».

Le blackfishing consiste à se faire passer pour une personne noire pour en tirer des bénéfices, mais sans vivre les discriminations que les personnes noires subissent.

Ces dernières années, Instagram est devenu un terreau fertile pour les femmes blanches qui souhaitent tirer parti de l’usurpation d’identité de femmes métisses ou noires à des fins monétaires et sociales.

Avec des remplissages de lèvres, des bronzages foncés et des tentatives de manipulation de la texture de leurs cheveux, les femmes blanches portent les traits des femmes noires comme un déguisement.

WANNA THOMPSON, JOURNALISTE, « PAPER MAGAZINE », 2018.

En appliquant du fond de teint plus foncé que leur peau naturelle ou en se tressant les cheveux, les internautes pensent ainsi copier les Kardashian plutôt que les communautés noires.

Kylie et Kim sont aussi épinglées pour avoir augmenté la taille de leur fessier grâce à la chirurgie.

Les grosses fesses étaient cool bien avant que les personnes blanches décident qu’elles l’étaient.

LA JOURNALISTE WHITNEY ALESE

DANS UN BILLET DE BLOG.

Entre 2014 et 2022, Kim Kardashian est en couple avec le rappeur noir Kanye West, avec qui elle a quatre enfants : North, Saint, Chicago et Psalm.

Jennifer Padjemi préfère parler de « ».

Sa relation avec Kanye West et le fait d’avoir des enfants métis a permis à Kim de se présenter dans un look plus streetwear. On ne savait plus si elle était blanche ou métisse.

Pendant des années, elle n’a pas usé de son influence pour défendre les communautés afro. Si Kim a des origines arméniennes par son père, Kylie Jenner a deux parents 100 % américains et blancs.

Et c’est ça, le race fishing, c’est le lundi choisir d’être un peu métisse, le mercredi latina, le jeudi se dire que c’est moins à la mode et revenir à sa première identité de femme blanche occidentale.

C’est choisir ce qui n’est pas de l’ordre du choix chez d’autres.

KANYE
CHICAGO
KIM
NORTH
PSALM
SAINT
KIM
KYLIE

Le corps

En perdant plusieurs kilos, et en « enlevant leurs fesses », Kim et ses sœurs se sont aussi trouvé des petits amis plus blancs que blancs.

L’humoriste Pete Davidson pour Kim.

L’acteur Timothée Chalamet pour Kylie (après être sortie avec deux rappeurs noirs, Tyga et Travis Scott).

Leur corps et leurs copains ne sont que des accessoires.

Après Kim qui apparaît au dîner des correspondants de Washington en 2022 avec des fesses moins volumineuses, Kylie Jenner dévoile à son tour une silhouette beaucoup plus fine sur TikTok, en mars 2024.

La même année, Khloé Kardashian, qui a enchaîné les régimes, pose en lingerie rose sur Instagram.

Après l’âge d’or des grosses fesses et du teint foncé, les Kardashian apparaissent sur les tapis rouges plus maigres que jamais.

Selon les experts, c’est le retour de la silhouette « » du début des années 2000. Un corps maigrissime.

Les Kardashian passent d’une silhouette à l’autre.

On injecte, on enlève selon la tendance.

KYLIE KENDALL
KHLOÉ
NAOMI CAMPBELL KATE MOSS

Par Martine Abat et Félix Auvard

LE « MALE GAZE », C’EST CE REGARD MASCULIN QUI IMPRÈGNE LE CINÉMA, LES MANGAS, LA PUB, LES JEUX VIDÉO OU LA TÉLÉ. CELUI QUI SEXUALISE LE CORPS DES FEMMES ET EN FAIT UN OBJET DE DÉSIR.

L’EXPRESSION EST NÉE EN 1975 DANS L’ARTICLE « PL AISIR VISUEL ET CINÉMA NARRATIF »* , ÉCRIT PAR LAURA MULVEY, CRITIQUE ET RÉALISATRICE ANGLAISE.

TRÈS ENGAGÉE DANS LES MOUVEMENTS POUR LES DROITS DES FEMMES DANS LES ANNÉES 1970, ELLE S’EST MISE À REGARDER LES FILMS HOLLYWOODIENS SOUS LE PRISME DU GENRE, C’EST-À-DIRE EN AYANT À L’ESPRIT LES INÉGALITÉS ENTRE LES SEXES. ET CETTE DÉMARCHE EST TOUT À FAIT NOUVELLE.

ELLE PREND ALORS CONSCIENCE DU FAIT QUE LES FEMMES NE SONT PAS FILMÉES COMME LES HOMMES. LEUR APPARENCE, LEUR CORPS ET LEUR SEXUALITÉ SONT MIS EN AVANT, SOUVENT AU DÉTRIMENT DE LEUR PERSONNALITÉ ET DE LEUR RÔLE NARRATIF.

Pitoyable, l’écriture du perso féminin…

Y avait un perso féminin ?

ELLES DEVIENNENT DES OBJETS ÉROTIQUES.

AVEC, PAR EXEMPLE, DES TRAVELLINGS DES PIEDS À LA TÊTE, LA CAMÉRA DÉSHABILLE LES FEMMES ET SE MET AU SERVICE DU DÉSIR DES HOMMES HÉTÉROSEXUELS.

Le langage cinématographique est utilisé pour activer le voyeurisme du personnage masculin et le transmettre au public.

Les spectateurs et spectatrices partagent cet instinct voyeuriste.

UNE FAÇON DE POSSÉDER LES FEMMES PAR LE REGARD.

LAURA MULVEY

ON CONNAÎT LA SCÈNE EMBLÉMATIQUE DE « SEPT ANS DE RÉFLEXION » (BILLY WILDER, 1955)

OÙ LA ROBE DE MARILYN MONROE SE SOULÈVE SUR LA BOUCHE D’AÉRATION DU MÉTRO AVEC LA CAMÉRA QUI SE CONCENTRE SUR SES JAMBES, SA CULOTTE EXHIBÉE EN PUBLIC.

Hihhiii Richard ! T’es un gros porc, mais je n’ai comme seule personnalité que celle d’être sotte, alors ça me va !!!

SON PERSONNAGE, BEAUTÉ BLONDE UN PEU NAÏVE, N’A MÊME PAS DE NOM. LE HÉROS, QUI PROFITE DES VACANCES DE SA FEMME ET DE SON ENFANT POUR FANTASMER SUR LES FEMMES QU’IL RÊVE DE SÉDUIRE, LUI ARRACHE DES BAISERS.

DANS « MEURS UN AUTRE JOUR » (LEE TAMAHORI, 2002), QUAND L’ACTRICE HALLE BERRY APPARAîT, C’EST D’ABORD VIA LES JUMELLES DE JAMES BOND QUI L’ESPIONNE.

C’est bon, James ? Tu t’es bien rincé l’œil, ça va ?

MÊME PRATIQUE POUR NOMBRE DE MANGAS ET JEUX VIDÉO.

NAMI dans « ONE PIECE » (1997)

MOMO YAOYOROZU dans « MY H ERO ACADEMIA » (2014)

LARA CROFT dans « TOMB RAIDER » (1996)

LE MALE GAZE, C’EST LE REGARD DU RÉALISATEUR, DU HÉROS, DES PERSONNAGES MASCULINS,

MAIS AUSSI LE NÔTRE, SPECTATEURS ET SPECTATRICES QUI SUIVONS LE MOUVEMENT DE LA CAMÉRA.

IL ORGANISE L’HISTOIRE, LES RÔLES ET LES REPRÉSENTATIONS.

LES PERSONNAGES MASCULINS AGISSENT ET SONT AU CENTRE DE L’INTRIGUE.

Je dois sauver le monde, cela est ma destinée, je suis le SEUL à pouvoir y arriver grâce à ma PUISSANCE D’HOMME.

Force à toi, beau gosse !

LES PERSONNAGES FÉMININS SONT DE PETITES CHOSES PASSIVES, SANS DÉFENSE, QUE L’HOMME DOIT PROTÉGER COMME DES ENFANTS. ELLES SONT INCAPABLES DE PRENDRE DES DÉCISIONS.

Merci d’avoir sauvé le monde car je vis également dedans, hihi ! En plus, t’es vraiment pas mal…

Tu veux aller boire un verre, maybe ?

Sinon, je peux faire ta vaisselle, chépas…

QUESTIONNER LE MALE GAZE, C’EST ÊTRE ATTENTIF À LA MANIÈRE DONT ON REPRÉSENTE LES RÔLES DE CHACUN DANS LA SOCIÉTÉ, CAR IL PARTICIPE À LA CONSTRUCTION DES INÉGALITÉS DE GENRE.

Attends, c’est tout ? Ça finit comme ça ?

Elle a juste attendu dans dans son coin pendant tout le film ?

On ne sait même pas, vu qu’on ne l’a pas suivie pendant que l’autre guignol sauvait le monde…

LES RÉCITS SONT SOUVENT CENTRÉS SUR LES DÉSIRS, LES PEURS ET LES FANTASMES MASCULINS.

J’ai vraiment peur à l’idée d’aller seul au BAL DE PROMO…

LES JAMES BOND GIRLS EN SONT L’ARCHÉTYPE !

Moi aussi MEC… J’espère que JESSICA ne va pas me mettre un RÂTEAU…

LES FEMMES ONT PEU DE RÉPLIQUES, ELLES NE FONT PAS AVANCER L’ACTION, ELLES EN SONT LE BUT.

Tu es tellement sexy Jessica, tes yeux, tes cheveux et tes énormes nénés…

C’est absolument dégueulasse de dire ça. Laisse-moi finir.

Je disais : tes énormes nénés…

MÊME SI ELLES ONT BEAUCOUP ÉVOLUÉ DANS LES DERNIÈRES AVENTURES DU CÉLÈBRE AGENT OO7, QUI LUI-MÊME A COMMENCÉ SA DÉCONSTRUCTION.

LES JAMES BOND GIRLS AUSSI VONT SE TRANSFORMER.

Je… je peux AGIR ???

Oui, mais soyez quand même un peu plus nulle qu’un homme, SVP !!!

AINSI QUAND DANIEL CRAIG REPREND LE RÔLE, DANS « CASINO ROYALE », SORTI EN 2006, IL EST MIS EN SCÈNE DANS UN REMAKE TRÈS FIDÈLE DE LA SCÈNE DE SORTIE DE L’EAU DE HALLE BERRY DANS « MEURS UN AUTRE JOUR », QUATRE ANS PLUS TÔT.

Bonne baignade, James ?!

D’UN COUP, PAR CE PIED DE NEZ, ON COMPREND QU’ON A CHANGÉ D’ÉPOQUE.

L’AGENT 007 CESSE DE LES AGRESSER SEXUELLEMENT, COMME LORSQU’IL ÉTAIT INCARNÉ PAR SEAN CONNERY DANS LES ANNÉES 1960 ET 1970. ET, MIRACLE ! IL N’EN EST PAS MOINS VIRIL !

C’est quand même cool de pouvoir buter des gens et pas uniquement d’attendre que vous rentriez à l’hôtel pour me sauter dessus…

On peut faire les deux, vous savez…

Vous êtes relou, James…

SI L’HOMME EST SUJET, LA FEMME, ELLE, EST OBJET.

ON A AUSSI PARLÉ DE SYNDROME DE LA SCHTROUMPFETTE POUR DÉSIGNER CES SCÉNARIOS

OÙ LA NARRATION EST PORTÉE PAR UNE PLURALITÉ D’HOMMES, UN GROUPE D’AMIS, UNE BANDE DE LASCARS, QUI ONT CHACUN LEUR PERSONNALITÉ PROPRE, LEUR PASSÉ, LEUR SECRET, LEUR MISSION À ACCOMPLIR.

TANDIS QU’UNE FEMME, LA SCHTROUMPFETTE SI FRAGILE, SEULE, NOYÉE AU MILIEU DE CE BEAU MONDE, N’EXISTE QU’EN TANT QUE FEMME. C’EST LA FEMME STÉRÉOTYPÉE. À LA FOIS FIGURE IMPOSÉE ET OBJET.

CETTE FEMME STÉRÉOTYPÉE ET CETTE FAÇON SEXISTE D’ENVISAGER LES PERSONNAGES FÉMININS, SE RETROUVENT AUSSI DANS DE NOMBREUX MANGAS.

UNESEULEMEUF DANSL’ÉQUIPE!

COMME TOUS LES MODES D’EXPRESSION, ILS SONT LE RÉVÉLATEUR DE LA SOCIÉTÉ.

« MY H ERO ACADEMIA » (KOHEI HORIKOSHI, 2014)

ET LA SOCIÉTÉ JAPONAISE (COMME D’AUTRES) EST RESTÉE TRÈS CONSERVATRICE SUR LE RÔLE DES FEMMES.

CERTES, LES FEMMES HYPER SEXUALISÉES QUI Y SONT REPRÉSENTÉES SONT AUSSI PARFOIS DES FEMMES DE GRAND POUVOIR QUI SE DÉBROUILLENT TRÈS BIEN SANS LES HOMMES !

BON… DONC, PAS TOUJOURS FACILE DE S’Y RETROUVER !

Le corps

LE MALE GAZE CHARRIE TOUS LES PROBLÈMES DONT IL EST LE FRUIT. AINSI, LE CONSENTEMENT N’EXISTE TOUJOURS PAS ET LA CULTURE DU VIOL S’ÉPANOUIT.

ON SE RÉJOUIT QUE LE DERNIER AVATAR DE L’ESPION AIT APPRIS À DEMANDER, VOIRE À S’AUTORISER DES SENTIMENTS.

I love you, bébé d’amour.

T’as dit quoi ?

Euh, je dois TUER le méchant… Ah oui, oui !

DANS LES PREMIERS JAMES BOND, LES FEMMES N’AVAIENT SOUVENT PAS TROP LE CHOIX, ELLES ÉTAIENT CONTRAINTES DE CÉDER À JAMES.

DANS LE PREMIER ÉPISODE DE LA SÉRIE « GAME OF THRONES » (2011), LA PRINCESSE DAENERYS, 13 ANS, EST MARIÉE DE FORCE À KHAL DROGO, UN PUISSANT SEIGNEUR DE GUERRE.

LA NUIT DE NOCES EST TRAGIQUE : TERRIFIÉE, EN PLEURS, ELLE EST DÉSHABILLÉE PAR SON MARI, QUI FAIT MINE DE NE PAS ENTENDRE SES PROTESTATIONS, ET LA VIOLE.

DANS LES ÉPISODES QUI SUIVENT, DAENERYS APPREND À « DOMESTIQUER » LA SEXUALITÉ DE SON MARI ET À S’ÉPANOUIR DANS SON COUPLE.

Pas bien, Khal ! S…Sumimasen !

UNE REPRÉSENTATION PAS DU TOUT RÉALISTE, QUI BROUILLE LES PISTES QUANT À LA RECONNAISSANCE DU VIOL.

LES REPRÉSENTATIONS CONSTRUISENT NOTRE REGARD ET ELLES PEUVENT AUSSI INFLUENCER NOTRE RAPPORT AU RÉEL, NOS COMPORTEMENTS.

Tu ne trouves pas qu’on ferait un super couple ?

Comme Daenerys et Khal Drogo dans « Ga me of Thrones » !

ARRIÈRE

LES IMAGES FAÇONNENT NOS IMAGINAIRES ET NOS VIES. ELLES INFLUENCENT LA MANIÈRE DONT LES FEMMES SONT PERÇUES ET SE PERÇOIVENT ET DONT ELLES SONT TRAITÉES DANS LA SOCIÉTÉ.

C’EST COMME ÇA QUE LE MALE GAZE CONTRIBUE À PERPÉTUER LES NORMES PATRIARCALES ET LES STÉRÉOTYPES SUR LE RÔLE DES FEMMES.

LES NORMES DE BEAUTÉ VÉHICULÉES SONT SOUVENT IRRÉALISTES ET PAS DU TOUT DIVERSIFIÉES. CE QUI CONTRIBUE À ACCENTUER LES COMPLEXES DES FEMMES,

DÉSORMAIS, EN AYANT CONSCIENCE DU MALE GAZE, ON PEUT PLUS FACILEMENT ANALYSER CE MALAISE QU’ON ÉPROUVE PARFOIS DEVANT CERTAINS FILMS.

C… c’est normal, ça ?

MAIS AUSSI CEUX DES HOMMES.

JUGER LES IMAGES POUR CE QU’ELLES SONT PARFOIS : LA PERPÉTUATION DES INÉGALITÉS DE GENRE.

POUR AUTANT, IL FAUT GARDER CETTE GRILLE D’ANALYSE COMME UN OUTIL. CERTAINS FILMS S’AMUSENT D’AILLEURS AVEC SES CODES POUR OPPOSER AU MALE GAZE UN « FEMALE GAZE* » INATTENDU. COMME « PROMISING YOUNG WOMAN » D’EMERALD FENNELL (2021), OÙ UNE ÉTUDIANTE VEUT SE VENGER DU VIOLEUR DE SA MEILLEURE AMIE.

UNE SATIRE SUR LE CONSENTEMENT, LE HARCÈLEMENT, LA CULTURE DU VIOL OU LA MASCULINITÉ TOXIQUE.

* Regard féminin.

CE FILM FÉMINISTE, RÉALISÉ PAR UNE FEMME, A ÉTÉ RÉCOMPENSÉ PAR L’OSCAR DU MEILLEUR SCÉNARIO.

UNE AUTRE GRILLE DE LECTURE DES FILMS EST VENUE PROLONGER CELLE INITIÉE PAR LE CONCEPT DE MALE GAZE. ET CETTE GRILLE D’ANALYSE EST VENUE D’UNE BD !

Comme quoi, la BD peut être vectrice de RÉFLEXION ET DE DÉCOUVERTE !

Hein ? Pas vrai ?

ALISON BECHDEL EST UNE AUTRICE AMÉRICAINE. EN 1985, ELLE PUBLIE UNE BD INTITULÉE « LESBIENNES À SUIVRE »*, QUI TRAITE D’HOMOSEXUALITÉ FÉMININE AUX ÉTATS-UNIS.

NOUS SOMMES DANS LES RUES DE NEW YORK, DEUX FEMMES PASSENT DEVANT UN CINÉMA. À L’AFFICHE, « RAMBO » ET « CONAN LE BARBARE ». ELLES ÉCHANGENT :

Tu veux aller voir un film et manger du pop-corn ?

Hm, je ne sais pas trop… J’ai une règle, tu vois : je ne regarde que des films qui répondent à trois exigences.

Un : qu’il y ait au moins deux femmes. Deux : qu’elles dialoguent l’une avec l’autre. Et trois : qu’elles parlent d’autre chose que d’un homme.

Plutôt strict, mais c’est une bonne idée.

Tu parles ! Le dernier que j’ai pu voir comme ça, c’était « Alien »

CE DIALOGUE EST DÉSORMAIS DEVENU UN OUTIL DE CLASSEMENT DES ŒUVRES SELON LE DEGRÉ D’ATTENTION QU’ELLES PORTENT AUX PERSONNAGES FÉMININS ET AU SEXISME DE L’INTRIGUE.

Ce semestre, on va étudier « Le Rouge et le Noir », de Stendhal.

Alors, pas du tout…

Il ne passe pas le test de Bechdel, madame…

Donc, c’est mort.

Mais…

Je propose « Hunger Games », de Suzanne Collins.

Oh, de ouf.

Un bon Virginia Woolf, sinon… Pas mal, ça !

LE MALE GAZE PERMET D’ANALYSER TOUT TYPE D’EXPRESSION CULTURELLE, CAR TOUS SONT SUSCEPTIBLES DE TOMBER DANS SES TRAVERS.

OBS, LE DIFFUSEUR OFFICIEL DES JEUX OLYMPIQUES DE PARIS 2024, A DEMANDÉ FORMELLEMENT À SES CAMERAMEN (MAJORITAIREMENT MASCULINS) DE FILMER LES ATHLÈTES DE LA MÊME MANIÈRE, QU’IL S’AGISSE D’HOMMES OU DE FEMMES.

Il y a un biais inconscient qui pousse les cadreurs à montrer plus de gros plans de femmes que d’hommes, d’une manière stéréotypée et sexiste.

YIANNIS EXARCHOS, PATRON D’OBS

Pourtant, les femmes athlètes ne sont pas là parce qu’elles sont attirantes ou sexy.

Elles sont là parce qu’elles sont des athlètes de haut niveau.

LE POINT DE VUE FÉMINISTE IMPOSE UNE AUTRE VISION. DE PLUS EN PLUS DE FILMS, DE SÉRIES, DE MANGAS MONTRENT LES FEMMES AUTREMENT, EN MOUVEMENT, RÉFLÉCHISSANT ET AGISSANT, S’EXPRIMANT AVEC HUMOUR, INTELLIGENCE ET PERTINENCE.

DES RÉALISATEURS ET DES RÉALISATRICES PRODUISENT UN CINÉMA QUI S’AFFRANCHIT DES CONVENTIONS DE GENRE ET LIBÈRE LE REGARD. UNE AUTRE CULTURE VISUELLE APPARAÎT.

ATTENTION

! IL Y A TOUJOURS EU, PLUS OU MOINS, UNE AUTRE PROPOSITION, UNE AUTRE MANIÈRE DE RACONTER LES HISTOIRES. LA DIFFÉRENCE AUJOURD’HUI, C’EST QUE LA CULTURE POPULAIRE, MAINSTREAM – CONSCIENTE DU FAIT QUE LE PUBLIC EN A ASSEZ DES CLICHÉS ET DES STÉRÉOTYPES –, EST PLUS ATTENTIVE.

On va voir un film et manger du pop-corn ?

C’EST LOIN D’ÊTRE PARFAIT, MAIS ON PROGRESSE !

Le corps

IRIS BREY, CRITIQUE DE CINÉMA, MILITE POUR LE FEMALE GAZE.

Les femmes pendant des décennies n’ont pas eu de mal à s’identifier aux héros masculins. Il est temps que les hommes s’intéressent aux films centrés sur des femmes et valorisent l’expérience féminine.

« WONDER WOMAN » (PATTY JENKINS, 2017)

Quand Diana se transforme en Wonder Woman, son apparition est filmée d’une manière opposée à une James Bond girl.

Pas de panoramique de haut en bas, elle sort de terre et entre dans le cadre par sa propre force.

Les gros plans montrent son lasso et ses bottes, pas ses fesses.

POURTANT UNE FEMME PEUT FAIRE UN FILM EMPREINT DE MALE GAZE ET UN HOMME RÉALISER UN FILM QUI EN SOIT TOTALEMENT DÉNUÉ. IL FAUT DONC CONTINUER À RÉFLÉCHIR À UN NOUVEAU LANGAGE SYMBOLIQUE EN DEHORS DU PATRIARCAT.

Je rejette l’idée qu’un regard féminin soit simplement un regard masculin inversé.

LAURA MULVEY, EN 2024

Nous devons créer d’autres formes de regards féminins, qui n’ont rien à voir avec le fait d’être un homme ou une femme.

Mais pour cela, nous avons aussi besoin de plus de femmes derrière la caméra et dans tous les métiers du cinéma.

Les femmes peuvent raconter des histoires que la conscience masculine n’aurait jamais racontées et que la culture patriarcale n’aurait pas trouvées intéressantes.

Zaho de Sagazan
« Mon corps » , La Symphonie des éclairs (2023)

Ce matin de janvier 2023, au premier rang du défilé haute couture de Schiaparelli, s’alignent cinq célébrités.

Enfin, la star de téléréalité Kylie Jenner dans une robe noire relevée d’une (fausse) tête de lion.

Les plus de 60 a ns reconnaissent l’actrice Marisa Berenson, le visage lifté, très chic en tailleur blanc.

Les cinéphiles identifient Diane Kruger et Rossy de Palma.

Au centre, la rappeuse américaine Doja Cat est méconnaissable, rouge et recouverte de cristaux de la tête aux pieds.

En quelques minutes, cette photo atteint des dizaines de millions de vues : c’est dire si, dans la mode, le premier rang peut être puissant…

Par Valentin Pérez et Joyce Colson

Tout commence environ six s emaines avant le jour J. Les attachés de presse d’une marque évaluent d’abord le nombre d’invités et de rangs possibles.

Qui positionner à quel endroit ?

Le «« s eating »», comme on appelle cet art, est une affaire délicate et de première importance !

C ertains fabriquent un simulateur en ligne. D’autres préfèrent bricoler une maquette en 3D à l’aide de Post-it.

Sur chaque siège, ils disposent les noms des invités : se ront conviés, outre la famille du créateur et le propriétaire de la maison, des journalistes, des acheteurs de grands magasins, des influenceurs et des célébrités.

Bref, des gens influents dont les critiques ou les posts sur les réseaux sont susceptibles d’avoir un impact sur de futurs clients de la collection.

De la tête aux pieds

Les organisateurs des défilés préfèrent toujours les grands espaces.

Ils peuvent y installer les chaises sur une seule ligne. Ainsi, tout le monde est au premier rang.

Si la salle, au contraire, n’est pas longue, les voilà contraints d’ajouter plusieurs rangs et de manœuvrer.

Avant de faire passer la pilule en expliquant que «« le seating est très restreint cette saison »» et que les gradins, surélevés, garantiront une bonne vision.

Il arrive que des maisons, pour ne fâcher personne, préviennent certains invités l’avant-veille du défilé par SMS : «« C hère XXX, tu seras au cinquième rang. »»

C’est à partir de la deuxième moitié des années 1960 que le premier rang devient un enjeu d’image. Jusque-là, les défilés se tenaient dans des salons de couture, à l’abri des appareils photo.

Le défilé Yves Saint Laurent printemps-été 1967 parvient, par exemple, à rassembler les actrices Elsa Martinelli et Catherine Deneuve, la chanteuse Françoise Hardy et la danseuse Zizi Jeanmaire, des superstars pour l’époque.

Le cliché de cette ribambelle reste aujourd’hui mythique.

Mais c’est vraiment au début des années 2010 que le «« front row »» mute.

On commence à diffuser le défilé en ligne, et de nouveaux invités y font leur apparition : les blogueuses (qui écrivent des articles sur leurs blogs personnels), puis les héroïnes de téléréalité à la Kim Kardashian et les influenceuses, comme Léna Situations.

De la tête aux pieds

Pour donner de l’écho à un défilé, les marques font en sorte de faire venir des stars afin qu’elles postent sur les réseaux ou se laissent photographier.

Ce n’est pas un hasard si, chaque saison ou presque, Victoria Beckham installe bien en évidence, au premier rang de ses shows, son très populaire footballeur de mari avec leurs enfants : succès garanti sur Instagram !

Les griffes qui n’ont pas d’époux célèbres s’assurent, elles, de signer des contrats d’ambassadeur imposant une présence aux défilés.

Elles peuvent aussi payer les stars pour les attirer. Il faut compter, selon le niveau de notoriété et les talents de négociation de l’agent, entre 10 000 et 100 000 euros la venue !

Mais attention à ne pas commettre d’impair dans le seating !

En 2014, lors d’un défilé Valentino, les organisateurs avaient transpiré à grosses gouttes en voyant Anna Wintour, la puissante patronne du magazine Vogue, s’asseoir au…

Il faut s’assurer que le voisin d’une Rihanna ne l’importunera pas, qu’une rédactrice importante ne sera pas assise à côté d’une rivale, que le critique d’un grand quotidien verra correctement les vêtements…

Anna Wintour n’a pas piqué de colère en public. Elle a néanmoins fait savoir qu’elle avait été conviée au premier rang, mais que les sièges étaient si resserrés qu’ils étaient inconfortables…

… deuxième rang ! Sacrilège ! Sa façon à elle de dire : votre seating laisse à désirer !

Nul n’est au-dessus des lois. En France, tout le monde – même ceux qui représentent l’État, du président de la République au simple agent de police – est censé respecter la loi. L’État ne fait pas ce qu’il veut : c’est ce que l’on appelle l’État de droit.

’idée sent bon l’esprit de la Révolution de 1789, l’abolition du pouvoir absolu du roi et des privilèges.

On pourrait croire ce principe – garant de notre égalité devant la loi – irrévocable, puisqu’il est une condition de notre démocratie. Et pourtant… beaucoup de nos ministres et députés n’hésitent plus à se lamenter sur tout ce qu’ils pourraient faire si l’État de droit ne constituait pas un frein à leurs idées : comme pouvoir se glisser dans un téléphone portable, en activer le micro ou la caméra à distance, sans en informer son utilisateur, ou incarcérer toutes les personnes fichées S, même si elles n’ont commis aucun acte délictueux.

À peine nommé ministre de l’Intérieur, fin septembre 2024, Bruno Retailleau a ainsi utilisé

comme prétexte le meurtre d’une jeune femme par un étranger sous OQTF* survenu quelques jours plus tôt pour asséner dans

qui ont suivi. Du point de vue médiatique, le « premier flic de France » a réussi son coup. Il a fait le buzz et laissé planer dans l’opinion l’idée que nos libertés et leur protection sont des entraves à l’action politique, policière ou judiciaire, et qu’elles devraient donc pouvoir être remises en cause – quitte à piétiner les droits des citoyens.

les colonnes du JDD que l’État de droit ne serait « ni sacré ni intangible » . Bien sûr que le droit évolue (car les besoins et les intérêts de la société évoluent), mais ces modifications doivent respecter notre texte juridique suprême : la Constitution. Or, ce que le ministre a en tête, c’est de faire passer des mesures antiimmigration… contraires à la Constitution . Peu importent les molles remontrances politiques

Les dérives possibles de ce poison démagogique sont faciles à imaginer. Alors, répétons-le : il n’y a pas de démocratie moderne sans un respect solide de l’État de droit. C’est lui qui nous protège de la tyrannie de la majorité et de l’abus de pouvoir.

On a vu comment les circonstances exceptionnelles de la pandémie du Covid 19 nous avaient conduits à accepter de réduire notre liberté d’aller et venir, du jour au lendemain.

Nawrocki en Pologne n’ont de cesse de défier le droit et de s’attaquer à ceux qui en sont les garants : les juges. Comme Marine Le Pen qui, au printemps 2025, après sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, s’en est ainsi prise à la justice, qui n’avait pourtant qu’appliqué le droit

Si la justification – protéger notre santé – était pour le moins convaincante et la durée limitée, ce type de décision doit nous inviter à la vigilance tant les discours vantant moins de droits et moins de libertés se banalisent.

au nom de l’égalité devant la loi. Qu’adviendra-t-il si elle, ou une autre figure d’extrême droite, entrait à l’Élysée en 2027 ?

Q uelles que soient nos opinions politiques, une arrivée au pouvoir

Notre époque est marquée par la radicalisation de certains responsables politiques, qui rêvent de remplacer les mots de notre devise républicaine : « Liberté, égalité, fraternité », par d’autres comme « autorité » , « sécurité » ou « identité ». Cela s’illustre ailleurs par l’élection de chefs d’État et de gouvernement qui ne jurent que par cette valeur : l’autorité. Pas celle de la loi… mais la leur. Le dirigeant doit avoir les mains libres de dérouler son programme, et qu’importe si ce dernier s’en prend aux principes fondamentaux de la République ou aux droits humains.

La tendance est lourde : Trump aux États-Unis, Modi en Inde, Milei en Argentine, Netanyahou en Israël, Orbán en Hongrie, Erdogan en Turquie ou, récemment,

de l’extrême droite représente une menace pour l’État de droit. Car ses représentants ont en commun de s’attaquer aux droits et aux libertés, à celles et ceux qui les défendent – les juges –, mais aussi à tous les contre-pouvoirs, comme les associations de défense des droits humains. Rappelons que dès 2014 Steeve Briois, fraîchement élu maire Front national (devenu Rassemblement national) d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, avait privé la Ligue des droits de l’homme de ses locaux et de sa subvention. En Moselle, le maire d’Hayange, Fabien Engelmann,

du même bord politique, s’attaquait, lui, au Secours populaire, jugé « trop politisé par des militants » .

S’en prendre à l’État de droit, c’est en somme s’en prendre au socle même de la République, ouvrir la porte à l’arbitraire, tourner la page de l’égalité et de la liberté. Qui est pour ? Le glissement peut être très rapide, même si cela semble parfois difficile à croire dans des pays aux institutions solides. L’actualité en Europe – où Victor Orbán, en Hongrie, a restreint le droit d’avorter ou de manifester et tenté d’interdire la Marche des fiertés – comme aux États-Unis – où les personnes trans perdent leurs droits et où des milliers d’étrangers ont été illégalement arrêtés puis expulsés – nous rappelle que pour passer d’un État de droit à un État autoritaire, il ne faut parfois que quelques mois. La démocratie n’est rien sans la vigilance de ses citoyens. Mariage pour tous, droit au logement, à la libre disposition de nos corps – de l’avortement au port du voile – libertés des personnes LGBT : défendons nos droits et nos libertés… tant que nous les avons encore.

* Obligation de quitter le territoire français

Cher Louis,

Difficile désormais d’échapper à ton visage barbu, à tes chemises cintrées à mort et aux phrases châtiées où tu glisses parfois un : « J ’en ai rien à foutre. » Ça te donne un style aristo-canaille, qui émoustille un peu plus la presse. Je crois qu’elle t’aime. Très fort même. À la télé, on t’interroge sur tous les sujets. La politique, la guerre, l’immigration. Parfois, tu te surpasses. En évoquant l’Algérie sur LCI, tu as laissé libre cours à ton inspiration : si tu étais « aux manettes » , tu aurais… « brûlé l’ambassade » Pour moins que ça, des gens ont été bannis du débat public, déjà si compliqué. Mais toi, c’est différent. Tu es le fils de Sarko, l’ancien président. C’est si drôle ! En République, te voilà traité, à 28 ans, tel un prince Martin Bouygues, à qui LCI appartient, est ton parrain. T’a-t-il au moins grondé ?

On ne choisit pas ses parents, son parrain ou encore le poids de son livret A . Tu es né privilégié et pourquoi pas ? D’autant que tu assumes, sans jouer l’affreuse comédie de ces riches qui voudraient qu’on les plaigne. Tu as passé ton enfance dans la soie et joué aux Lego à l’Élysée. Ton bac à sable, c’était le ministère de l’Intérieur où papa a officié. Comme on t’offre beaucoup de temps dans les médias, on a des détails à gogo. De ton propre aveu, tu fus jadis un petit gars bouboule et réservé. Et longtemps, tu n’as accordé ton amitié qu’aux policiers d’élite qui protégeaient ta famille.

Tu as goûté très tôt à ce doux breuvage qu’on appelle immunité. Ado, tu as visé une policière avec une tomate et un pistolet à billes. Elle n’a pas déposé plainte, évidemment. Tu es le Prince ! Ça passe comme une ânerie de cour de récré. Et pourquoi pas ? N’a-t-on pas le droit de commettre des erreurs ? Néanmoins, tu imagines si tu avais été un minot des quartiers populaires ? (Si tu as imaginé cramer une ambassade, ce n’est pas très compliqué.) Des chaînes d’info – comme LCI – auraient rassemblé des éditorialistes zélés et des amis de ton père pour fustiger les parents démissionnaires, l’autorité en berne et l’influence néfaste de l’immigration. Toujours en quête de solutions, ils auraient proposé un référendum pour interdire les tomates dans les cités.

Par Ramsès Kefi et Aline Bureau

Lorsque tes parents ont divorcé, tu es parti avec ta mère aux États-Unis, où tu as étudié dans les grandes écoles et suivi une instruction militaire – l ’armée te fascine. Là-bas, tu as travaillé pour une banque, lancé une marque de mocassins, vanté l’œuvre de Trump et récemment écrit un livre sur Napoléon, l’empereur. Cela fait quelques mois que tu es de retour chez nous, chez toi, ici. D’Amérique, tu as rapporté quelques idées, que tu distilles tel du gros sel lors de tes apparitions sur nos écrans. Comme si nous n’avions pas assez d’ennuis, tu préconises le port d’arme pour tous. Et comme tu es le Prince, des journalistes te demandent si tu te sens de sauver la droite française, dont tu te réclames. Ton projet a l’avantage d’être simple. Un breuvage d’immunité à volonté pour les puissants, un majeur (voire deux) pour les autres et l’extrême droite comme copine.

Au printemps, il paraît que tu cherchais une mairie où te présenter et commencer ta carrière politique. Le Roi l’avait débutée à Neuilly-sur-Seine, à deux pas de Paris. Toi, ce sera peut-être Menton, cette jolie ville du Sud-Est où tu as ta propriété. À certains de mes confrères gagas de toi, tu as d’abord précisé que tu aimais la moto et le soleil. Puis tu as laissé planer le suspense. De toute façon, tu feras ce que tu veux, car tu es le Prince .

Cher Louis, ne vois dans ces mots aucune attaque personnelle. À la vérité, nous devrions te remercier. Ton traitement médiatique raconte tout un système qui fait le poirier, où des politiques aux prises avec la justice (tu en connais) prônent la tolérance zéro. Des scientifiques émérites, des artistes ou des militants pour de nobles causes n’auront jamais un millième de ton exposition. Certains sont même sur liste noire pour des prises de position bien moins radicales qu’un projet d’incendie d’ambassade.

Bien à toi, le Prince Ramsès

PS : Au fait, te rappelles-tu d’Aboubakar Cissé, assassiné dans une mosquée dans le Gard ? Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur que tu apprécies tant, n’a pas trouvé une minute pour rencontrer ses proches endeuillés. Il a prétexté un agenda serré comme un café, difficile à bouger en raison de réunions et autres engagements. Malgré tout, Bruno avait dégagé du temps pour toi et ton podcast. Vous avez discuté de votre amour pour la France, de littérature et, bien sûr, de pouvoir. Un podcast de prince

Manger moins de viande

Par Cécile Cazenave et Pierre Thyss

L’Académie française, dont la mission est de contribuer au perfectionnement et au rayonnement des lettres, s’efforce aussi de s’adapter à l’esprit du temps. Consciente que la langue se renouvelle sans cesse pour mieux refléter son époque, elle a demandé à TOPO une liste des mots nouveaux les plus employés. Ceux-ci feront leur entrée dans le prochain dictionnaire de l’Académie. Voici en exclusivité les mots élus et leurs définitions.

ACCROBBITE n. m. Se dit d’une personne obsédée par les hobbits du Seigneur des anneaux. « Il suffisait à cet accrobbite d’entendre “Bilbo” pourqu’il devienne Gollum. » (Boris Cyriknul, 2019)

BUGUETTE n. f. Québécisme. Phénomène informatique inattendu et comique, bug mineur souvent survenu lors d’un événement numérique. « Lesystèmeaffichaunebuguette siabsurdequ’ellefitéclaterderiretouslesdéveloppeurs, provoquantlelicenciementdel’équipeaucomplet. » (Xavier Gnole, 2025)

ANTOINER v. t. Du prénom Antoine utilisé comme verbe transitif. « Marine s’était bien fait antoiner. » (Michel Houellebranque, Idylle High-Life, 2025)

CALEMBROUTE n. m. Spécialité fromagère enrobée dans du PQ. « Lorsdudîner,l’arrivéeducalembroutedécouragea passablement l’assemblée. » (Philippe Escabèche, 2016)

BOULOMANIE n. f. (fam.) Besoin excessif de boule, obsession pour l’activité boulique, assimilable à une addiction. « Atteintdeboulomanie,ilculpabilisaitdèsqu’ils’accordait un instant de repos, comme si chaque minute sans boule étaitdutempsperdu. » (Emmanuel Ferrari, 2017)

CROÛTTION n. m. État d’une croûte après une longue série de grattage et de recroûtage. « Ma chute datait de six mois, etunabominablecroûttionm’empêchaitdeplierlegenou avec souplardise. » (Kevin Mbotté, 2023)

CLODOCRATIE n. f. Système de gouvernance dans lequel des décisions sont confiées aux gens les plus pauvres.

« Ilnousfautéviteruneclodocratieaveugleoùdespauvres décideraientdubiencommunànotreplace. » (François Filou, 2019)

ÉCHAPADE n. f. Fuite légère et joyeuse d’un pet involontaire et inattendu. « Jecommisalorsuneéchapade qui nous fit oublier la grisaille urbaine quelques minutes. » (Homer Ci, 2018)

POULPITO n. m. Petit poulpe domestique terrestre de la taille d’un chat et revêtu d’un duvet doux. « Un poulpito, c’est un cœur avec du poil autour. » (Biiba, 2016)

GROUÊTTE interj. Mot apparu en 2022, en France. Sans nulle autre trace dans aucun écrit précédent, il se définit comme le parfait synonyme de « areumg » « Grouêtte! » (Anonyme, 2022)

NÉCROBSESSION n. f. Définit l’obsession de voir un cadavre au moins une fois dans sa vie. « Habitéeparunevéritable nécrobsession,elleécumaitleshôpitauxetlesautoroutes. » (J. G. Balourd, 1973 – trad. 2021)

INTERGAMBADE n. f. État d’excitation extrême où la raison cède la place à une frénésie exaltée. « Acculé, le Premier ministre entra en intergambade nerveuse, rapidement contenue par les agents. » (Le Figaro, 2025)

AREUMG interj. Terme ayant fait son apparition dans l’Hexagone il y a trois ans, sans que nul n’ait jamais pu retrouver d’occurrence antérieure. Il est décrit comme ayant exactement la même signification que le mot « grouêtte » « Areumg! » (Anonyme, 2022)

MAMY-FOOT n. m. Le baby-foot des femmes matures.

« Enzo et Dylan feraient volontiers un mamy-foot avec Martine et Françoise. » (Florence Abenos, 2018)

TITTRUC n. m. Définit un objet indéfini de petite taille. « Kevin a sorti son machin, c’était vraiment un tittruc. » (Kaylis de Merangal, 2025)

VACHQUIRISME n. m. Thérapie consistant à martyriser des vaches pour réduire le stress et favoriser le bien-être, ainsi qu’à boire leur sang afin de rajeunir. « En pratiquant le vachquirisme, certains citadins en burn-out retrouvent un sourire au contact du troupeau. » (Madame Loïc, 2023)

Complètement perché

MAIS IL EST COMPLÈTEMENT FOU ! Q U’EST-CE QU’IL FAIT ?!

I NCONSCIENT !

J E RÊVE OU JE VIENS DE VOIR UN TYPE GRIMPER SU R LES VITRES ?

MA IS ARRÊTE AVEC TES BÊTISES…

S ’IL TOMBE, IL MEURT, C’EST SÛR !

FORÊT DE FONTAINEBLEAU, 2004

AVANT MÊME DE SAVOIR LIRE ET ÉCRIRE, JE VOULAIS GRIMPER.

PARTOUT OÙ J’ALLAIS, JE RESSENTAIS CE BESOIN DE M’ÉLEVER.

ATTENTION, ALEXIS.

PLUS HAUT J’ÉTAIS, MIEUX JE ME PORTAIS.

ATTENTION, ALEXIS.

OUI, ALLÔ ? ÉC OUTEZ, VOTRE FILS EST ENCORE EN TRAIN DE GRIMPER SUR LES MURS… !

JE VOULAIS TOUJOURS M’ISOLER ET ÊTRE LOIN DES AUTRES. JE DÉTESTAIS LES GROUPES. PAR EXEMPLE, LES CENTRES AÉRÉS ÉTAIENT UN CAUCHEMAR POUR MOI. JE NE VOULAIS PAS FAIRE COMME TOUT LE MONDE. GRIMPER ME PERMETTAIT DE M’ÉCHAPPER ET D’ÊTRE MOI-MÊME.

AU BOUT D’UN MOMENT, MES PARENTS M’ONT INSCRIT À LA SALLE D’ESCALADE. ÇA M’A FAIT DU BIEN, ÇA CANALISAIT MON ÉNERGIE ET J’ARRÊTAIS DE SALIR LES MURS. JE POUVAIS Y PASSER DES HEURES ET NE PENSER À RIEN D’AUTRE.

ENFANT, J’AVAIS BESOIN DE CES INSTANTS PARCE QUE J’ÉTAIS TRÈS…

TRÈS…

ANXIEUX.

J’ÉTAIS TERRIFIÉ À L’IDÉE DE ME RETROUVER DANS UNE SITUATION DANGEREUSE OU FATALE DANS LAQUELLE JE NE POURRAIS AVOIR AUCUN LEVIER D’ACTION. LES ACCIDENTS DE VOITURE OU D’AVION, MES PARENTS QUI TOMBAIENT MALADES, DES TRUCS COMME ÇA.

C’ÉTAIT MALADIF. JE PASSAIS BEAUCOUP DE TEMPS À PENSER À TOUT CE QUI POUVAIT ARRIVER DE MAL.

13 e ARRONDISSEMENT DE PARIS, 2008

UN JOUR, JE SUIS TOMBÉ SUR UN FILM QUI A CHANGÉ MA VI E : « MISSION IMPOSSIBLE 2 ».

CE QUI ÉTAIT DINGUE, C’EST QU’IL N’Y AVAIT PAS UNE SEULE CORDE POUR RETENIR TOM CRUISE.

L’IMPUISSANCE ME TOURMENTAIT COMME PAS POSSIBLE. JE CROIS QUE J’AI DÛ PENSER À CE GENRE DE CHOSES TROP SOUVENT ET TRO P JEUNE. ÇA M’EMPÊCHAIT VRAIMENT DE VIVRE PAR PÉRIODES.

ALAIN ROBERT, C’EST LA LÉGENDE ABSOLUE DE LA GRIMPE U R BAINE EN FREE SOLO. ÇA VEUT DIRE QU ’IL GRIMPE DES GRATTE-CIEL AUX QUATRE COINS DU MONDE SANS CORDE DE SÉCURITÉ POUR LE RETENIR EN CAS DE CHUTE. EN GROS, S’IL TOMBE, IL MEURT.

FO RCÉMENT, ÇA A TOUJOURS FASCINÉ LES JOURNALISTES, QUI ONT ÉCRIT DES CENTAINES D’ARTICLES SUR LUI ET RÉALISÉ ÉNORMÉMENT DE FILMS. ET MOI, JE PASSAIS DES H EURES À TOUT REGARDER ET LIRE. ALAIN ROBERT ÉTAIT MON HÉROS.

DE CHEZ MA MÈRE, JE POUVAIS VOIR LE HAUT DE LA TOUR ALBERT, LE PREMIER GRATTECIEL CONSTRUIT À PARIS, À LA FIN DES ANNÉES 1950.

INSPIRÉ PAR ALAIN ROBERT, JE RÊVAIS DE L’ESCALADER UN JOUR.

AU BOUT D’UN MOMENT, JE POUVAIS IDENTIFIER LES PRISES ET IMAGINER LE CHEMIN QUE JE PRENDRAIS PO UR ARRIVER AU SOMMET.

DURANT L’ADOLESCENCE, EN ESSAYANT DE ME TROUVER, JE ME SUIS PLUTÔT PERDU.

J’AVAIS OUBLIÉ MES RÊVES D’ENFANCE ET MIS EN PAUSE CE QUI ME RENDAIT VRAIMENT HEUREUX…

J’AI COMMENCÉ LE PARKOUR, UN SPORT QUI CONSISTE À FRANCHIR DES OBSTACLES PO UR SE RENDRE D’UN POINT A À UN POINT B AUSSI RAPIDEMENT QUE POSSIBLE.

MAIS CE N’ÉTAIT PAS VRAIMENT MA PASSION. CE N’ÉTAIT PAS MOI.

JE L’AI BEAUCOUP PRATIQUÉ SUR LES TOITS DE PARIS, UN PEU COMME DANS ASSASSIN’S CREED.

JE VOULAIS ÊTRE CAPABLE DE ME SERVIR DE MON CORPS COMME JE LE SOUHAITAIS, POUVOIR COMPTER SUR LUI.

JANVIER 2019

UN JOUR, À 18 ANS, J’AI DÉCIDÉ D’Y ALLER.

JE N’AI PRÉVENU QUE DEUX AMIS, QUI M’ONT ACCOMPAGNÉ, MAIS JE LEUR AI DEMANDÉ DE RESTER LO IN ET DE NE PAS ME PARLER POUR NE PAS ME DÉCONCENTRER.

J’AVAIS DE L’ADRÉNALINE ET DU CORTISOL* PLEIN LE CORPS, MON CŒUR BATTAIT À TOUTE ALLURE.

MES JAMBES ÉTAIENT LOURDES, MES MAINS MOITES, TOUT MON CORPS ME DISAIT DE NE PAS Y ALLER.

* LES HORMONES DU STRESS

J’AI COMMENCÉ PAR GRIMPER UN MÈTRE, LE CORPS TOUJOURS INONDÉ D’HORMONES. J’AI REGARDÉ UNE FOIS VERS LE BAS, PUIS VERS LE HAUT…

ENSUITE, C’ÉTAIT PARTI.

J’AI TROUVÉ MON RYTHME ET JE ME SUIS SENTI BIEN.

MIEUX, JE SAVAIS QUE J’ÉTAIS À MA PLACE.

JE NE PENSAIS QU’À MES PRISES…

… PAS AU RISQUE DE CHUTE.

CE N’ÉTAIT PAS UNE GRIMPE

DIFFICILE, N’IMPORTE QUI AVEC UN BON NIVEAU EN ESCALADE AURAIT PU LE FAIRE.

À MI-CHEMIN, J’AI COMMENCÉ À ME DIRE QU’IL ME FAUDRAIT QUELQUE CHOSE DE PLUS DIFFICILE PO UR LA PROCHAINE FOIS…

JE L’AI ANNONCÉ

À MES PARENTS PEU DE TEMPS APRÈS. ILS N’ÉTAIENT PAS VRAIMENT SURPRIS.

MAIS JE PENSE QU’ILS ESPÉRAIENT QUE ÇA ALLAIT ÊTRE LA S EULE ET UNIQUE FOIS.

PARIS, MARS 2020

MAIS JE NE LÂCHAIS PAS MON VRAI OBJECTIF.

MES PROJETS ONT ÉTÉ QUELQUE PEU INTERROMPUS PAR LE DÉBUT DU PREMIER CONFINEMENT.

MAIS DÈS LE DÉCONFINEMENT, J’AI DÉCIDÉ DE M’ACTIVER. JE NE ME SENTAIS PAS ENCORE PRÊT PO UR M’ATTAQUER À LA TOUR MONTPARNASSE. J’AI DONC COMMENCÉ PAR DES TOURS PLUS PETITES ET SURTOUT, PLUS FACILES À GRIMPER.

CERTAINES NUITS, JE ME RENDAIS, EN CACHETTE ET MALGRÉ LE COUVRE-FEU, AU PIED DE LA TOUR POUR M’ENTRAÎNER DESSUS.

JE GRIMPAIS ET REDESCENDAIS 240 FOIS LES TROIS PREMIERS CARREAUX. CELA ÉQUIVALAIT À GRIMPER DEUX FOIS LA HA UTEUR TOTALE DE LA TOUR. AU BOUT DE VINGT NUITS D’ENTRAÎNEMENT, JE ME SUIS SENTI PRÊT.

J’ÉTAIS TÉTANISÉ AU DÉBUT. MAIS UNE FOIS LES PREMIERS CA RREAUX SURMONTÉS LA PEUR A DISPARU.

PLUS JE GRIMPAIS, PLUS LES BRUITS DE LA VILLE PARAISSAIENT LOINTAINS ET PLUS JE RENTRAIS DANS MA BULLE. C’ÉTAIT CETTE BULLE QUE JE VENAIS CHERCHER ICI. J’ÉTAIS DANS UN ÉTAT MÉDITATIF. RIEN NI PERSONNE NE POUVAIT M’ATTEINDRE.

BIEN SÛR, SI JE TOMBAIS JE MOURAIS. JE N’ÉTAIS PAS INCONSCIENT, JE SAVAIS TRÈS BIEN QU’IL Y AVAIT DES RISQUES. MAIS JE SAVAIS AU SSI QUE LES MAÎTRISER NE DÉPENDAIT QUE DE MOI.

J’AVAIS CONFIANCE EN MOI. JE N’AVAIS AUCUN DOUTE QUE J’ALLAIS Y ARRIVER. C’EST POUR ÇA AUSSI QUE JE N’AI PAS EM PORTÉ DE PARACHUTE OU DE MARTEAU BRISE-GLACE. LES EMPORTER, C’ÉTAIT ENVISAGER L’ÉCHEC, ET DONC PRÉVOIR UNE SORTIE DE SECOURS. JE TROUVAIS ÇA BEAUCOUP TROP DANGEREUX. QUAND JE GRIMPE, IL NE DOIT Y AVOIR QUE DEUX OPTIONS : J’ARRIVE EN HAUT O U PAS DU TOUT. COMME ÇA, JE SUIS OBLIGÉ D’Y ARRIVER.

JE COMPRENDS QUE ÇA PUISSE EFFRAYER. PARFOIS, J’AIMERAIS QUE LES GENS PUISSENT SE METTRE À MA PLACE, POUR COMPRENDRE QUE JE MAÎTRISE.

ALORS BIEN SÛR, JE PEUX ME TROMPER, UNE ERREUR ARRIVE. MAIS JE PRÉFÈRE MILLE FOIS PR ENDRE CE RISQUE CONSCIEMMENT ET SAVOURER TOUT LE PLAISIR QUI L’ACCOMPAGNE QUE PRENDRE MILLE PETITS RISQUES INCONSCIENTS SUR TERRE.

AU BOUT DE 49 MINUTES, J’AI ATTEINT LE SOMMET.

J’AVAIS PRÉVENU MON PÈRE, C’ÉTAIT DEVENU COMPLIQUÉ DE LE LUI CACHER.

COMMISSARIAT DU 14 e ARRONDISSEMENT DE PARIS

QUAND MÊME, JE DOIS ÊTRE LE SEUL PÈRE RASSURÉ DE SAVOIR SON FILS EN GARDE À VUE…

TOUR MONTPARNASSE
IL A RÉUSSI SA GRIMPE.

LES POLICIERS M’ONT EXPLIQUÉ QUE JE RISQUAIS UNE GROSSE AMENDE, MAIS ILS M’ONT LAISSÉ PARTIR RAPIDEMENT.

ENSUITE, TOUT S’EST ENCHAÎNÉ TRÈS VITE, LA PRESSE S’EST INTÉRESSÉE À MOI ET VOULAIT À TOUT PRIX SAVOIR POURQUOI J’AVAIS FAIT TOUT ÇA.

SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX AUSSI, ÇA A MARQUÉ UN TOURNANT.

PARIS, SEPTEMBRE 2021

J’AI RENCONTRÉ ALAIN ROBERT QUELQUES JOURS AVANT UNE GRIMPE DE LA TOUR TOTAL. AVEC DEUX AUTRES JEUNES, LÉO URBAN ET MARCIN BANOT, NOUS AVIONS COMMENCÉ À NOUS DISTINGUER APRÈS LE COVID. ALAIN A VOULU GRIMPER AVEC CETTE NOUVELLE GÉNÉRATION QU’IL AVAIT INSPIRÉE.

J’AVAIS L’IMPRESSION DE RÉALISER UN RÊVE…

DUBAÏ, NOVEMBRE 2023

QUELQUE TEMPS APRÈS, ON M’A PROPOSÉ D’ESCALADER LA TOUR BURJ KHALIFA AVEC ALAIN.

C’ÉTAIT UN PROJET PUBLICITAIRE POUR LA VILLE DE DUBAÏ ET, ÉVIDEMMENT, ON N’AVAIT PAS LE DROIT DE LE FAIRE EN FREE SOLO. ON ALLAIT DONC ÊTRE ATTACHÉS.

MÊME SI CE N’ÉTAIT PAS UNE « PERFORMANCE » DU POINT DE VUE SPORTIF, J’ÉTAIS QUAND MÊME EN TRAIN D’ESCALADER LA PLUS HAUTE TOUR DU MONDE* AVEC MON HÉROS D’ENFANCE.

JE N’EN REVENAIS PAS.

MON MOMENT PRÉFÉRÉ… C’EST LORSQU’ON A DANSÉ TOUT EN HAUT. INOUBLIABLE…

MAIS JE SUIS RENTRÉ À PARIS EN ME DISANT QUE GRIMPER À PLUSIEURS ET AVEC UNE CORDE N ’ÉTAIT PAS VRAIMENT CE QUE JE PRÉFÉRAIS.

C’EST NE POUVOIR COMPTER QUE SUR MOI.

PARIS, MARS 2025
MOI, CE QUE J’AIME…

Dis donc, Einstein, quand t’auras fini de faire mumuse, y a mon drone à réparer et t’oublieras pas mes exos de maths.

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Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, un nombre croissant de scientifiques américains sont contraints de fuir leur pays pour poursuivre leurs recherches. Leur offrir un refuge c’est d’abord contribuer au rayonnement de la France, pays des Lumières et de la liberté, mais c’est aussi donner une seconde chance à un scientifique de haut niveau, maîtrisant

généralement des techniques de pointe et capable de résoudre les petits problèmes du quotidien : panne informatique, réparation d’appareils électroménagers, soutien scolaire, cours d’anglais, demande-lui n’importe quoi, il ne pourra rien te refuser. Une modeste chambre d’amis, une cave ou un garage suffit pour commencer cette belle aventure.

auteur de bande dessinée

Dans la culture aussi, il faut séduire.

Le son électro français est souvent habillé par So Me (p. 140), pour titiller nos yeux avant de convaincre nos oreilles. Le jeu vidéo, lui, a surtout besoin d’un bon méchant (p. 150) . Dans le doute, un nazi.

Dessin: Lionel Serre

Paris, 2001, soirée hip-hop sur les Champs-Élysées.Il est précisément 23h47, SO ME ne le sait pas encore, mais il s’apprête à lancer sa carrière…

hey, dj pone ! mate la couverture du livre que je viens de dessiner !!

"Bienvenue dans un monde inutile", de Philippe Nassif

waouh ! trop cool !!

DJ PONE

Jamais trop d’art

Pour moi, la création s'est imposée très tôt.

déjà tout petit, je dessinais sans arrêt.

c'était mon point fort et ma passion !

À 5 ou 6 ans, si on me demandait ce que je voulais faire, je répondais…

Après le bac, j’ai intégré une école de graphisme et je me suis imprégné d’influences variées.

auteur de BD ! venez

dans mes yeux

(Mais j'ai préféré assurer mes arrières avec un bac général…)

images !

Mes influences se nourrissent d’un large spectre de références, où se croisent des esthétiques et des époques variées. Du graphisme des années 1960, marqué par Seymour Chwast et Push Pin Studios, au design psychédélique japonais de Tadanori Yokoo… Mon style s’est enrichi d’une multitude d’inspirations !

GEOFF McFETRIDGE

belles
PUSH PIN STUDIOS
TOM WESSELMANN
TADANORI YOKOO
TOMI UNGERER
JAMES JARVIS

Mais c’est aussi dans la bande dessinée que j’ai puisé un imaginaire unique…

il y a évidemment toutes celles qui ont bercé mon enfance ! hergé, goscinny, uderzo, peyo, franquin...

DANIEL CLOWES

"GHOST WORLD" JOE DALY "DUNGEON QUEST"

mais beaucoup d’autres aussi !

" le petit christian " de blutch m’a laissé une empreinte un peu plus forte que tout le reste !

CHARLES BURNS

"BLACK HOLE"

BLUTCH "LE PETIT CHRISTIAN" TOVE JANSSON "THE MOOMINS"

C’est donc lors d’une fête que tout bascule, quand je montre fièrement une de mes couvertures de livre à un pote, DJ PONE. Pedro Winter, qui n’est pas encore créateur d’Ed Banger, la remarque et il propose qu'on se revoie...

on s’est revus… et depuis, on ne s’est jamais quittés ! wow. c’est toi qui as fait ça ?!

bah, ouais ! tu fais quoi, demain ?

À l’époque, Pedro Winter est le manager de Daft Punk, figure de proue de la French Touch.

je vole, guy-man ! je vole !

Puis, un jour de 2003, Pedro m’annonce qu’il va monter un label (Ed Banger) et me confie deux premières missions :

C’est Pedro qui m’a donné ma chance. Je ne pensais pas que mon travail pouvait s’intégrer dans un univers aussi défini que la musique électro.

tu es digne de confiance, bertrand * !

Mes premiers boulots, c’était pour sa boîte de management d’artistes. On partageait le goût de l'esthétique DIY** ! J’ai donc fait le premier site Internet "dessiné à la main" !

Rapidement, le lien professionnel se transforme en une synergie créative.

Affaire pliée ! haha ! mortel ! une pochette !! et un logo !!

Après trois pochettes, je me décide…

bon, est-ce qu’on peut dire que je suis officiellement le directeur artistique du label ?

bah, ouais !

So Me, de son vrai nom Bertrand Lagros de Langeron.
"Do It Yourself", créations faites avec peu de moyens, souvent dans les milieux underground (punk, skate, graffiti…).
"Radar Rider / F.I.S.T." par Mr Flash, A Bass Day

Cette dynamique s’accélère lorsque je convaincs mes amis Xavier Dulong de Rosnay et Gaspard Augé, du groupe Justice, que j’ai présentés à Pedro Winter, de partager ma colocation.

on se retrouve tous les trois dans cet appartement qui devient un véritable laboratoire. c’est ici qu’ils feront leurs premiers maxis avant de créer leur studio !

gaspard et xavier y composent " waters of nazareth "

morceau emblématique qui pose les bases de leur son électro-rock !

de mon côté, je bosse sur les visuels et les pochettes !

XAVIER
GASPARD

Mes premières pochettes contribuent à créer une identité visuelle immédiatement reconnaissable, au croisement du pop art et du dessin animé.

Grâce à l’exposition rapide du label, les commandes affluent : T-shirts, collaborations visuelles, direction artistique… Tout s’enchaîne à une vitesse folle !!

Ed Banger Records devient rapidement le symbole de la French touch 2.0 et, pendant une décennie, les locaux font office de carrefour de rencontres et de créations.

tout le monde donnait son avis sur les projets des autres. travail et fêtes se mélangeaient.

parfois, je testais mes visuels à peine finis sur des t-shirts !

les groupes testaient leurs morceaux dans des sets improvisés ! c’était fou !

1. Boston Bun - 2. Justice - 3. SebastiAn - 4. FEADZ - 5. Breakbot (+Irfane) - 6. Busy P - 7. Vicarious Bliss 8. DJ Mehdi - 9. Uffie - 10. Cassius - 11. Mr. Oizo - 12. Borussia - 13. Krazy Baldhead

tous les artistes acceptaient de passer par ma " moulinette graphique " .

D’un point de vue technique :

un style coloré, dessiné, un peu naïf…

mes outils de prédilection ont toujours été la tablette graphique avec illustrator. je dessinais souvent directement à main levée, sans esquisse.

c'est pour ça que mes premiers visuels sont aussi crados et spontanés... les imperfections faisaient le style.

Mon défi était de créer une identité visuelle distincte pour chaque artiste, tout en gardant une cohérence globale.

Pour Justice, le côté rock s’est imposé naturellement, avec une imagerie puissante et sombre.

Uffie avait un univers plus pop.

DJ Mehdi incarnait le hip-hop old school, le beatmaking, ce qui m'amenait à des créations plus urbaines.

Mr. Oizo, fidèle à son style décalé, m’inspirait des visuels plus surréalistes.

Au-delà des pochettes, je me suis aventuré sur d’autres supports et j'ai élargi mon terrain de jeu. Clips, photographies, livres, expositions…

je détiens la force toutepuissante !

MAJOR LAZER "GET FREE"
DUCK SAUCE "BARBRA STREISAND"
KID CUDI "DAY 'N' NITE"
JUSTICE "A CROSS THE UNIVERSE"
PUSHA T "NUMBERS ON THE BOARDS"
JACKSON AND HCB "MEMORY"
DJ MEHDI "I AM SOMEBODY"

Aujourd’hui, je suis réalisateur. J’ai sorti un long-métrage intitulé "Banger". C'est l'adaptation d’un court que j’avais réalisé pour Canal+.

eeeeet... action

vincent * !

* Vincent Cassel

Face aux enjeux actuels, notamment l’essor de l’IA, je reste plutôt optimiste.

cette nouvelle technologie est fascinante !

Dernier conseil de So Me aux nouvelles générations :

savoir prendre son temps, c’est essentiel. avec les réseaux sociaux, il y a une course permanente !

wowowow ! c’est à moi que tu parles ??!

nan, mais tu sais qui je suis ??!

mon gars !

mais l’intuition, les clins d’œil ou l'improvisation ne peuvent pas être générés en ia.

ces " heureux accidents " , l’intelligence artificielle ne les produit pas encore.

attention à ne pas tomber dans le panneau...

il faut avant tout pratiquer et se perfectionner pour trouver sa voie !

scorpex

Ça se passe comme ça !

Des histoires… d’orientation (sexuelle)

Pages 4 à 31

« Le récit leur appartenait »

Léone Laali, journaliste : « Tout au long de mes entretiens avec les jeunes, le plus important pour moi était qu’ils sachent que le récit leur appartenait.

J’ai échangé avec chacun d’entre eux, après coup, afin qu’ils puissent enlever ou préciser des choses. Ils avaient la liberté de supprimer des passages entiers de leur témoignage s’ils ou elles en ressentaient le besoin. C’était essentiel pour créer un lien de confiance. »

« Les vidéos ne laissent transparaître que le danger »

Aton Stopler, journaliste : « J ’ai rencontré Alexis Landot en 2019. J’étais fasciné par sa passion, mais aussi par le regard que les autres portaient sur lui. Est-il fou ? Il est certain qu’il ne pense pas comme tout le monde, mais je trouve que ce qu’il fait nous invite à nous interroger sur notre société et notre rapport au risque. Le dessin transcrit sa philosophie de manière plus fine que les vidéos qui, souvent, ne laissent transparaître que le danger. » Constantin Zamfiresco, dessinateur : « Je me suis inspiré des photos et vidéos des ascensions d’Alexis, afin que l’on reconnaisse instantanément les lieux gravis, les prises utilisées, ainsi que les postures adoptées à chaque étape. Un véritable travail de documentariste : chaque élément dessiné devait avoir existé, même si j’ai parfois laissé place à de la réinterprétation. Moi qui ai davantage l’habitude de naviguer dans l’univers de l’imaginaire, cette expérience m’a profondément plu. Elle m’a offert l’occasion de me réinventer à travers cet outil d’une richesse infinie qu’est la bande dessinée. »

Complètement perché

Pages 110 à 126

Auteur de bande dessinée

Pages

« Il a mené son enquête et m’a démasquée avant la parution »

Joseph Safieddine, journaliste : « La première fois que j’ai croisé Pochep, c’était par hasard dans un festival de bande dessinée en 2011. Je m’extasiais sur ses planches quand je l’ai vu, une table plus loin, me sourire discrètement. Depuis, nous sommes amis. Alors quand on m’a commandé ce sujet, j’ai sauté sur l’occasion. Son boulot, ses envies, ses doutes : il a vraiment joué le jeu, s’est confié sans détour. C’était simple, sincère. Un vrai plaisir. »

É lisa Marraudino, dessinatrice : « Avec Pochep, nous sommes tous les deux fans du travail de l’autre. J’ai été très touchée que TOPO me demande d’illustrer sa vie. Ça devait être une surprise, j’ai trouvé ça très mignon. J’ai adoré mimer son trait, ça m’a fait progresser, et ça m’a donné envie de me lâcher davantage. J’ai aimé en apprendre plus sur sa vie que je ne connaissais finalement pas si bien. En bon impatient, Pochep a mené sa petite enquête et m’a démasquée avant la parution de la revue. Surprise ratée… »

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ISSN : 2495-0297

EAN : 9782487108066

Dépôt légal : août 2025

Cette revue contient un bulletin d’abonnement signé James Kaye et un ex-libris (tirage abonnés) signé Loïc Guyon.

Numéro

54

Automne 2025

Papier intérieur : Italie, 100 % PEFC, impact sur l’eau : 0,022 kg/tonne

Papier couverture : Espagne, 83 % PEFC, impact sur l’eau : 0,04 kg/tonne Taux de fibres recyclées : 0 %

Alexis Landot,

25 ans, grimpeur de tours, complètement PERCHÉ.

LE CLIMAT n’aime pas la viande !

Au cinéma, des héroïnes MÂLE filmées.

Notre corps, une OBSESSION qui en dit long.

Hailey Bieber, Anna Wintour, Timothée Chalamet : LES DÉFILÉS en mode premier rang.

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