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LES LOTISSEMENTS PRIVÉS

Les lotissements portés par des particuliers émergent au Mans dès le xviie siècle. Ces acteurs, issus de différents milieux sociaux, façonnent l’espace faubourien de la ville. Ils acquièrent des terres agricoles, les morcèlent, les lotissent et participent ainsi à la fabrique urbaine qui s’intensifie à la Révolution. Ils créent dans un premier temps des pans de ville privés : voirie, foncier, etc. Mais ces nouveaux espaces, peu à peu pleinement intégrés au Mans, sont rapidement captés par les pouvoirs publics locaux qui tentent d’encadrer cette expansion. Pourtant, l’implication des particuliers se poursuit jusqu’après la Seconde Guerre mondiale bien que les politiques et les structures publiques jouent un rôle incontournable dans la constitution des lotissements.

Les « mancelles »

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Traditionnellement, la maison locale du Mans est appelée « mancelle ». Cette dénomination vient du gentilé du Mans – manceau/mancelle –, repris pour désigner une architecture domestique au même titre que la « maison angevine » ou la « maison nantaise ». L’appellation « maison mancelle » apparaît sur les permis de construire dès 1908, mais elle est présente dès les prémices de l’urbanisation faubourienne, entre 1820 et 1840. La maison mancelle est en effet caractéristique de la maison de faubourg et peut se décliner en deux catégories principales. La « petite mancelle » se développe en rez-de-chaussée avec un étage de comble pouvant être percé d’une lucarne. Les jouées de la lucarne sont, dans la première moitié du xixe siècle, en bois —1 et —2 puis travaillées en pierre —3 et —4. La façade alignée sur la rue est percée d’une fenêtre et d’une porte piétonne —5. Celle-ci ouvre sur un couloir traversant où prend place l’escalier tournant. Deux pièces composent le rez-de-chaussée et le niveau de comble. Une aile en retour dans le jardin arrière abrite les pièces de service. Chaque pièce est pourvue d’une cheminée, et un placard est aménagé sur le même mur.

La « grande mancelle » reprend les mêmes principes avec un étage carré supplémentaire —6. Les premières maisons au volume plus large présentent un larmier au-dessus de chaque fenêtre et une corniche à denticules. Ces éléments disparaissent vers 1850.

Les formes architecturales des grandes et des petites mancelles sont similaires. Les encadrements des ouvertures en arc segmentaire ou à linteau droit sont en pierre, avec une agrafe généralement traitée en pointe de diamant. Un bandeau bombé continu sépare les niveaux en élévation. Une corniche à entablement souligne la toiture. À partir de 1880, les formes s’adaptent parfois à un style issu des immeubles parisiens. La modénature est alors sculptée, des crossettes et des bossages sont agencés en façade —7.

Paysages Et Ressources

Le grès roussard, utilisé jusqu’à la Révolution, résulte d’une transformation en grès ferrugineux des sables de sommet après le retrait de la mer au Crétacé. Ces sables, riches en fer, sont appelés sables du Maine. Des affleurements de grès roussard se retrouvent au nord (La Bazoge) comme au sud du Mans (Allonnes) —4. L’exploitation des calcaires blancs est également attestée dès l’Antiquité. La carrière de Bernay, sur la commune de Ruillé-en-Champagne, donne des calcaires roussâtres sur les trois premiers bancs, blancs à grains fins ou moyens coquillés sur les trois bancs les plus profonds. En fonction des bancs, disposés horizontalement sans irrégularités, le calcaire offre des teintes variant du gris au jaune. Le répertoire des carrières de pierre de taille exploitées en 1889, publié par le ministère des Travaux publics, confirme la continuité de son usage à la période contemporaine. Les maisons et immeubles manceaux du xixe siècle présentent cette pierre en particulier pour les encadrements des ouvertures et les corniches. Les quelques rares exemples de tuffeau, présents en façade, rappellent tout de même l’insertion géologique des caractéristiques physiques de l’Anjou-Touraine dans le sud Sarthe.

Le bois est utilisé en structure de murs de manière quasi-systématique jusqu’au xviie siècle. La présence de massifs forestiers importants, dont Perseigne et Bercé, permet une exploitation de cette ressource en architecture et pour l’approvisionnement des hauts-fourneaux depuis le Haut-Empire. Bien que la pierre remplace majoritairement le bois en élévation, certains édifices à vocation agricole reflètent la persistance de cette pratique structurelle jusqu’au xixe siècle. En revanche, les pièces de charpente, de plus ou moins grande taille en fonction de la typologie des édifices, sont en bois —2. Certaines charpentes ont fait l’objet d’analyses dendrochronologiques. Celle de l’ancien presbytère de Saint-Georges-du-Plain, dont les bois ont été abattus à l’automne-hiver 1572-1573, rejoint le type de charpente « à pannes sous chevrons porteurs » présent en Anjou, sud Sarthe et sud Mayenne —1. Les charpentes, de la seconde moitié du xixe siècle jusqu’en 1914, présentent des traces de scie mécanique indiquant une industrialisation de l’exploitation des bois dans les forêts sarthoises.

La présence de tuile plate en couverture, sur des bâtiments datés au plus tard du xviiie siècle témoigne de gisements d’argile dans les environs du Mans. La concurrence avec l’ardoise se manifeste à partir du xviiie siècle, bien que des exemples soient attestés dès le xive siècle. Son omniprésence au xixe siècle confirme la reprise et la mécanisation d’une exploitation qui s’industrialise dans la région. Les ardoisières de Trélazé et de Rénazé complètent la production plus locale de Saint-Georges-le-Gautier.

La standardisation des modes de construction, dans la seconde moitié du xix e et au xx e siècle, entraîne l’émergence de nouveaux matériaux. Dans un premier temps, ils s’intègrent à des techniques de construction locales. La brique se trouve aux encadrements d’ouverture ou sur la corniche, avant d’être utilisée en parement selon des formes normalisées —5 . L’arrivée puis l’avènement du béton marquent les faubourgs du Mans au xxe siècle. Ils reprennent des procédés constructifs développés par des ingénieurs à l’échelle nationale, voire internationale comme sur le chantier de la ZUP des Sablons —3.

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