Pas 6 : Demeurer dans le Christ

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Avis Juridique

Cité du Vatican - 3 décembre 2019 (Révision mars 2023)

Saint-François-Xavier - 175 ans de l'Apostolat de la Prière

CHERS AMIS DANS LE SEIGNEUR

Le Chemin du Cœur est l'itinéraire spirituel proposé par le Réseau Mondial de Prière du Pape C'est la boussole de notre mission, une mission de compassion pour le monde Il s'inscrit dans la démarche initiée par le pape François avec Evangelii Gaudium, "La joie de l'Évangile"

C'est le résultat d'un long processus impulsé par le père Adolfo Nicolás, alors supérieur général de la Compagnie de Jésus Au tout début, avec une équipe internationale dirigée par le père Claudio Barriga SJ, une ébauche avait été rédigée, appelée ici « Cadre de référence » Nous avons présenté cet itinéraire au pape François qui l’a approuvé en août 2014 ; puis nous l’avons publié dans un document intitulé : « Un chemin avec Jésus, en disponibilité apostolique » (décembre 2014) Ce document présentait une nouvelle manière de comprendre la mission de l'Apostolat de la Prière, dans une dynamique de disponibilité apostolique, comme c’était le cas au commencement

Le Chemin du Cœur est essentiel pour la recréation de ce service ecclésial, aujourd’hui Réseau Mondial de Prière du Pape Il s 'agit d'un approfondissement de la tradition spirituelle de l'Apostolat de la Prière pour aujourd'hui, et il articule de manière originale les éléments essentiels de ce trésor spirituel avec la dévotion au Cœur de Jésus Il peut être considéré comme une adaptation des Exercices Spirituels de saint Ignace Le Chemin du Cœur est la clé d'interprétation de notre mission Le commentaire écrit en 2017 souhaitait aider les équipes nationales du Réseau de Prière du Pape à approfondir chaque pas du Chemin du Cœur et à entrer dans sa dynamique interne, afin qu 'elles puissent proposer, avec leur propre créativité, des matériaux adaptés à leur contexte local Nous trouvons ce texte dans chaque livre sous le titre "Dynamique interne du pas "

Nous avons vite compris qu’il était important d’aider les équipes nationales à approfondir davantage Le Chemin du Cœur, sans lequel il serait difficile d’avancer dans le processus de recréation de cette œuvre pontificale C’est pourquoi nous avons commencé à écrire en 2018, avec une équipe internationale, 11 livres Cette équipe était coordonnée par Bettina Raed, aujourd’hui Coordinatrice Internationale du Chemin du Cœur C'est depuis la terre du pape François, avec le soutien de plusieurs compagnons jésuites et des laïcs, que nous avons mené à bien ce labeur En 2020 nous avons publié ce travail en espagnol, sous forme de site internet avec 86 vidéos, 86 podcasts et plusieurs centaines de fiches de présentation: wwwcaminodelcorazonchurch

Vous trouverez ici la traduction française des livres du Chemin du Cœur Une traduction est toujours limitée, et nous laissons à vos soins de l’adapter localement Nous espérons que ce matériel vous aidera à proposer cette mission de compassion pour le monde avec créativité (retraites spirituelles, sessions de formation, réunions du Premier vendredi du mois, etc ) C'est le fondement de notre mission Notre façon propre d'entrer dans la dynamique du Cœur de Jésus.

Original espagnol

P Frédéric Fornos, S J

Directeur International

Boussole pour orienter ce PAS

Mot-clé : VIVRE EN LUI

Objectif : Demeurer avec Jésus.

Attitude clé : Être docile à la vie de l’Esprit. Voir Jésus, écouter Jésus.

Ce que nous recherchons – Fruit : la familiarité et l’intimité avec le Cœur de Jésus

Dynamique interne du PAS : Entrer dans la Vie de l'Esprit qui nous ouvre à une

Vie en abondance

Cadre de référence

Dans son immense amour pour nous, Dieu désire habiter dans nos cœurs. C'est la promesse étonnante que le Christ a faite à ses amis avant de mourir. Dieu veut établir sa demeure en chacun de nous. Saint Paul en témoigne en disant que ce n 'est plus lui qui vit, mais le Christ qui vit en lui (Épître aux Galates, chap. 2, 20). C'est l'horizon ultime vers lequel l'Esprit souhaite conduire le chrétien : une identification totale avec le Christ C'est ce que nous désirons et demandons chaque jour, avec un cœur humble, sachant que l'atteindre ne sera jamais le fruit de nos propres efforts Nous croyons que cette identification avec le Christ nous est accordée de manière privilégiée dans l'Eucharistie Lui-même vient à nous en son Corps et son Sang et nous façonne intérieurement selon son Cœur, afin d’être et d’agir comme Lui

Dynamique interne du PAS

Voici la dynamique interne de cette étape : comme disciples de Jésus, ce qui nous revient, c ’est de demeurer en Lui, au plus proche de son Cœur.

Prière et Parole de Dieu

Demeurer en Lui n ’est possible qu ’ en demeurant dans la Parole de Jésus « Si quelqu'un m’aime, il observera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure » (Évangile selon saint Jean, chap 14, 23) « Demeurez en moi, demeurez dans mon amour », dit-il encore (Évangile selon saint Jean, chap 15, 4 9)

Méditer sa parole, le voir et l’écouter dans les Évangiles n ’est pas seulement nécessaire pour être au plus proche de son Cœur, mais essentiel pour demeurer profondément en communion avec Lui, comme le sarment sur le cep, et nous laisser transformer par Lui.

Oui, il s ’agit de demeurer dans sa Parole pour le connaître de tout notre cœur, pour entrer dans son Amour et reconnaître sa voix au milieu de tant de bruits qui envahissent notre cœur Combien de temps prenons-nous chaque jour pour prier, pour être avec Lui et méditer sa Parole ? Celui qui mange sa Parole, qui médite les Écritures, la Bible, entre dans toute la hauteur, la largeur, et la profondeur de son Amour

Naître à la vie dans l’Esprit

Pour demeurer dans le Christ et que Lui demeure en nous, au point de pouvoir dire avec saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c'est Christ qui vit en moi » (Lettre de saint Paul aux Galates, chap 2, 20), nous devons entrer dans la vie de l’Esprit

Vous souvenez-vous de l’homme qui vient demander à Jésus de « recevoir la vie éternelle en partage ? » (Évangile selon saint Marc, chap 10, 17-21) Jésus, après avoir regardé avec amour cet homme qui observe tous les commandements depuis sa jeunesse, lui dit : « ‘Une seule chose te manque ; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi.’ » Jésus invite cet homme qui observe la loi de Dieu, la Torah avec fidélité, à passer de l’obéissance à la loi à la vie dans l’Esprit Être fidèle à la loi de Dieu est certainement une bonne chose, mais il s ’agit d’aller plus loin La loi, les commandements, risquent toujours de se figer Penser qu’il suffit d’observer à la lettre la Loi pour entrer dans la vie risque de nous faire croire que nous pouvons maîtriser ma vie, que nous pouvons y arriver par nos propres forces. Or, Jésus invite à aller plus loin. Il nous invite à le suivre.

Où donc ? Il ne le dit pas. Il nous invite simplement à le suivre. « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Évangile selon saint Jean, chap. 3, 8). Suivre Jésus, c ’est entrer dans la vie de l’Esprit C’est laisser le port pour avancer en eaux profondes, laisser la sécurité pour l’inconnu, la stabilité pour le mouvement, la vie est mouvement

« Suis-moi », dit Jésus Mais où donc ? « Le Fils de l’homme n’a pas où poser la tête » (Évangile selon saint Luc, chap 9, 58-59) Il s ’agit de se mettre en chemin sans savoir où Il s ’agit de se rendre docile à l’Esprit Saint sans chercher à maîtriser sa vie Je peux le faire avec confiance parce que j’ai découvert dans ma vie qu’Il était fidèle Être disciple de Jésus-Christ, c ’est se rendre docile à l’Esprit pour discerner sans cesse, dans des contextes différents, comment être fidèle à l’Évangile

Nous pensons parfois y arriver à force de volonté, mais la vie spirituelle nous conduit à la vie lorsque nous consentons à devenir vulnérables, à nous abandonner à l’action de l’Esprit Saint, sans chercher à vouloir dominer ou contrôler

En effet, comme dit Jésus à Nicodème (Évangile selon saint Jean, chap 3, 3 7) : il s ’agit de « naître de nouveau », « naître d’en haut » Nicodème est un homme de la Torah Il connaît la sagesse de la Loi, mais même en ayant beaucoup de savoir, il est dans la nuit Car accéder au « Royaume de Dieu », au monde nouveau, n 'est pas une affaire d'observance ou de connaissance, mais de naissance. Il ne suffit pas de pratiquer telle ou telle vertu, ou d’obéir à la Loi ou aux commandements, pour accéder pleinement à la vie spirituelle, mais de grandir en familiarité avec notre vie intérieure et peu à peu d’apprendre à la déchiffrer pour nous rendre dociles à l’Esprit.

Cela demande d'être à l'écoute Souvent, nous vivons en extériorité, dans le faire, dans l'agitation constante, dans le bavardage intérieur, mais nous n'écoutons pas ce qui se passe en nous Or, nous le savons, l'Esprit Saint nous parle à travers le retentissement affectif en nous des événements et des rencontres que nous vivons Tout ce que nous vivons produit quelque chose en nous : paix, joie, ou tristesse, enfermement Comme l'homme riche qui « s'assombrit et s'en alla tout triste » en entendant l'invitation de Jésus C'est à travers tout cela que l'Esprit du Seigneur cherche à nous parler et qu'il s 'agit de discerner

Celui qui entre dans la vie de l'Esprit apprend à se disposer pour accueillir ces mouvements, il grandit en familiarité avec sa vie intérieure et parvient peu à peu à déchiffrer, discerner, et ainsi reconnaître la voix d'un Autre qui cherche à lui parler. On dit que saint Ignace « suivait l’Esprit, il ne le précédait pas, il ne savait pas où… il le suivait sagement ignorant, son cœur livré avec simplicité au Christ » (Jérôme Nadal SJ)

L’Esprit Saint nous conduit au plus proche du Cœur de Jésus.

Je peux m’interroger : est-ce que ma vie intérieure est plus grande que ma vie extérieure ? Suis-je comme Nicodème, avec beaucoup de sagesse et de connaissances mais dans la nuit ? Est-ce que je me laisse vraiment conduire par l’Esprit Saint, dans la confiance ?

Au plus proche du Cœur de Jésus

L’Esprit Saint nous aide à discerner ce qu ’est vraiment l’Amour : jusqu’à l’amour des ennemis et le pardon des offenses Il nous conduit ainsi au plus profond du Cœur de Jésus Il en est son interprète Cette démesure de l’Amour trouve son expression la

plus haute dans la croix de Jésus « Devant la Croix nous avons à nous laisser transformer par la force de l’amour qui s ’exprime dans cette mort offerte et dans le pardon donné aux bourreaux C’est dans cette folie d’amour que nous avons à puiser la force de suivre fidèlement les appels de l’Esprit dans la vie » (Michel Rondet s j , Laissez-vous guider par l’Esprit, Ed Bayard)

« Ce n ’est pas pour rien que le Cœur de Jésus transpercé pour notre salut est le symbole de l’Amour Saint Paul ne s ’est-il pas écrié après sa conversion fulgurante : “Le Fils de Dieu m ’ a aimé et s ’est livré pour moi” (Galates 2, 20) ? » – Dany Dideberg (Le Cœur de Jésus, source de vie). Le « cœur » est le symbole par excellence de l’« amour ».

« Personne ne peut connaître à fond Jésus-Christ, s’il ne pénètre pas dans son Cœur, c ’est-à-dire à l’intime de sa Personne divine et humaine » (Saint Jean-Paul II, 20 juin 2004)

« Il n ’est possible d’être chrétien que le regard tourné vers la Croix de notre Rédempteur, vers Celui qu’ils ont transpercé » (Benoît XVI, 15 mai 2006)

« Le Cœur du Bon Pasteur n ’est pas seulement le Cœur qui a de la miséricorde pour nous, mais il est la miséricorde elle-même Là resplendit l’amour du Père ; là je me sens sûr d’être accueilli et compris comme je suis ; là, avec toutes mes limites et mes péchés, je goûte la certitude d’être choisi et aimé En regardant ce Cœur, je renouvelle le premier amour : la mémoire du moment où le Seigneur m ’ a touché dans l’âme et m ’ a appelé à le suivre, la joie d’avoir jeté les filets de la vie sur sa Parole (cf. Évangile selon saint Luc, chap. 5, 5) » (Pape François, 3 juin 2016).

Le disciple bien-aimé, nous dit l’Évangile selon saint Jean, parce qu’il connaissait bien le Cœur de Jésus, reposant au plus près de lui (Évangile selon saint Jean, chap. 13, 23-25), a été le premier à reconnaître Jésus Ressuscité sur le rivage du lac de Galilée (Jean, chap 21, 7) Être au plus proche du Cœur de Jésus, nous aide à sentir ses joies et ses souffrances pour les hommes, les femmes et enfants de ce monde, à reconnaître sa présence aujourd’hui comme hier à l’œuvre dans le monde

« “Où est Dieu ?” Où est Dieu, si dans le monde il y a le mal, s’il y a des hommes qui ont faim, qui ont soif, sans toit, des déplacés, des réfugiés ? Où est Dieu, lorsque des personnes innocentes meurent à cause de la violence, du terrorisme, des guerres ? Où est Dieu, lorsque des maladies impitoyables rompent des liens de vie et d’affection ? Ou bien lorsque les enfants sont exploités, humiliés, et qu ’ eux aussi souffrent à cause de graves pathologies ? Où est Dieu, face à l’inquiétude de ceux qui

doutent et de ceux qui sont affligés dans l’âme ? ( ) Et voici la réponse de Jésus : “Dieu est en eux ” , Jésus est en eux, il souffre en eux, profondément identifié à chacun Il est si uni à eux, presque au point de former “ un seul corps ” » (Pape François, 29 juillet 2016)

Plus nous sommes proches du Cœur de Jésus, moins nous sommes indifférents à ce qui nous entoure, mais nous nous sentons poussés à notre tour à nous engager avec Lui au cœur du monde, de ce monde, au service de sa mission

Entrée depuis la perspective biblique

En tant qu 'amis, nous avons tous fait l'expérience que les liens se cultivent avec le temps : du temps passé ensemble, à partager, à se consacrer à l'ami. Ce temps nous permet avant tout de nous connaître, de découvrir qui nous sommes, ce que nous aimons, ce que nous espérons, ce qui nous passionne, ce qui fait vibrer notre cœur en profondeur Plus nous partageons, plus nous entrons dans la connaissance profonde de l'existence de l'autre, et nous apprenons à l'aimer tel qu'il est, et non comme nous l'imaginions Les amitiés mûrissent avec le temps, dans la connaissance et l'acceptation de l'autre L'amitié grandit en étant avec l'ami, en partageant son existence Dans ce partage, l'une des expériences les plus profondes que nous puissions faire est de réaliser que dans le cœur de l'ami résonnent profondément nos croyances, nos désirs les plus profonds, ce qui nous fait vibrer En reconnaissant que nos sentiments les plus profonds battent vivement dans le cœur de l'ami, l'amitié gagne en profondeur

De la même manière, nous ne pourrons approfondir notre expérience d'amitié avec Jésus que dans la mesure où nous passerons du temps avec lui, en apprenant à Le connaître, en prenant le temps d'observer et de contempler son style de vie, ses actions, ses décisions, ses choix. Nous connaissons Jésus à travers les récits des communautés qui ont écrit sur sa vie dans les Évangiles.

Tout au long des Évangiles, nous entrons dans cette vie de familiarité et d'intimité que Jésus et ses disciples ont construite « Les disciples s’approchèrent et lui dirent : “Pourquoi leur parles-tu en paraboles ?” Il répondit : “Parce qu’à vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, tandis qu’à ceux-là ce n’est pas donné”» (Évangile selon saint Matthieu, chap 13, 10-11)

« Jésus se retira avec ses disciples au bord de la mer » (Évangile selon saint Marc, chap 3, 7) « Il monte [ensuite] sur la montagne et il appelle ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher » (Évangile selon saint Marc, chap 3, 13-14)

Jésus n ' a pas seulement choisi ses disciples, Il les a formés, accompagnés, et a mis en place avec eux le style et la manière de réaliser le projet du Royaume de son Père. « Il fait venir les Douze. Et il commença à les envoyer deux par deux, leur donnant autorité sur les esprits impurs » (Évangile selon saint Marc, chap. 6, 7). Dans cette relation d'amitié, ceux qui le suivaient revenaient vers Jésus pour ses conseils, son accueil, pour lui confier leur cœur, à la recherche d’une main amie qui sache les

apaiser et leur donner du repos sur le chemin « Les apôtres se réunissent auprès de Jésus et ils lui rapportèrent tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné » (Évangile selon saint Marc, chap 6, 30) « Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres disciples et les envoya deux par deux devant lui dans toute ville et localité où il devait aller lui-même » (Évangile selon saint Luc, chap 10, 1) «Les soixante-douze disciples revinrent dans la joie, disant : “Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom” » (Évangile selon saint Luc, chap 10, 17) « Il était un jour quelque part en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit : “Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples” » (Évangile selon saint Luc, chap. 11, 1). Et Jésus a enseigné à ses disciples à prier comme il priait son Père... « Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié... »

Dans de nombreux récits évangéliques, nous constatons qu ’après une journée d'activité intense, Jésus se retirait auprès de ses amis les plus proches, ses disciples, avec lesquels il partageait des moments de solitude et de profonde amitié, pour «être ensemble et partager » Des moments qui auront sûrement marqué leurs vies à jamais Ainsi, après avoir nourri la foule affamée avec quelques pains et poissons, Saint Marc nous raconte que Jésus « les renvoya ; et aussitôt il monta dans la barque avec ses disciples et se rendit dans la région de Dalmanoutha » (Évangile selon saint Marc, chap 8, 10) « Prenant les Douze avec lui, Jésus leur dit : “Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l’homme” » (Évangile selon saint Luc, chap 18, 31)

Le fait d’être et de vivre dans l’intimité avec Jésus a façonné la vie et le style de ses disciples. Nous pouvons imaginer les discussions amicales, les longs repas, les rires, le travail et les voyages avec leur Maître. Des expériences qui les ont imprégnés du style de Jésus, jusqu'à ce qu'ils en arrivent à se sentir comme leur Maître, à goûter ce qu’Il aimait, à faire et à choisir comme Lui. Cette identification au Christ a conduit l’apôtre Paul à s ’exclamer dans son Épître aux Galates : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi » (Épître aux Galates, chap 2, 20) « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur, qui est Esprit » (Deuxième Épître aux Corinthiens, chap 3, 18)

Dans ses adieux, Jésus demandera à ses amis de ne pas s’éloigner de son Amour, de rester fidèles à l’Amour qu’ils ont partagé : « Demeurez en moi comme je demeure en vous ! (...) Demeurez dans mon amour. » (Évangile selon saint Jean, chap 15, 4-9 )

Tout comme il l’a fait avec ses disciples, Jésus nous invite à être avec Lui, à partager sa Vie, son style, sa manière de procéder Jésus désire être avec nous plus que nous

ne désirons être avec lui Il souhaite compter sur nous, nous accompagner sur le chemin, nous voir adopter son style, l’aider à construire le Royaume de son Père, nous configurer à lui dans une nouvelle naissance qui vient d’en haut, comme il l’a proposé à Nicodème

Passez du temps avec les Évangiles, arrêtez-vous et imaginez les récits de la vie de Jésus, faites en sorte que votre cœur s’imprègne de ces images Marchez avec Lui, parlez avec Lui, posez-Lui des questions, entrez dans les différents moments de la vie de Jésus. C’est une parole vivante et efficace, toujours actuelle. En d'autres termes, ce sont des moments de l’histoire de Jésus sur terre qui ont aujourd’hui un message renouvelé pour notre vie, et à travers lesquels le Christ parle à notre cœur. Tombez amoureux et tout prendra un sens nouveau.

● « En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous » (Évangile selon saint Jean, chap 14, 20)

● « …nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure » (Évangile selon saint Jean, chap 14, 23)

● « Demeurez en moi comme je demeure en vous ! Demeurez dans mon amour » (Évangile selon saint Jean, chap 15, 4 et 9)

● « Je vis, mais ce n 'est plus moi, c 'est le Christ qui vit en moi » (Épître aux Galates, chap 2, 20)

● « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (Première Épître aux Corinthiens, chap 3, 16 )

● « S’il demeure en vous, le message entendu dès le commencement, vous aussi, vous demeurerez dans le Fils et dans le Père » (Première Épître selon saint Jean, chap. 2, 24).

● « Que le Père fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi » (Épître aux Éphésiens, chap. 3, 17).

● « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image » (Deuxième Épître aux Corinthiens, chap 3, 18)

Entrée

depuis la perspective de la foi

En Christ, avec le Christ, en mission

« Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement, et l’être » (Livre des Actes des Apôtres, chap. 17, 28).

Qu'est-ce qui est à l'origine de notre existence ? Quelle force vitale nous anime ?

Sommes-nous le fruit de notre propre construction ou recevons-nous constamment une force de vie qui nous habite ? Ou les deux ?

Nous pourrions diviser notre vie en deux parties : active et passive Généralement, nous privilégions la partie active, car elle est souvent plus agréable et visible

Pourtant, la partie passive est infiniment plus vaste et profonde

Il nous semble si naturel de grandir que nous ne distinguons pas souvent notre action des forces qui la soutiennent, ni des circonstances qui favorisent son succès Pourtant, honnêtement, qu ' avons-nous que nous n ' ayons pas reçu ? L'Écriture dit que l'Homme ne peut ajouter une seule coudée à sa taille Et encore moins peut-il influencer le rythme fondamental qui régule la maturation de son esprit et de son cœur En fin de compte, la vie fondamentale, la vie naissante, nous échappe totalement.

Face à l'angoisse, au vertige ou à la peur que peut provoquer ce « non-contrôle » de la vie qui s'écoule et nous échappe, résonnent avec force les paroles du Seigneur : «

Ne crains rien car je suis avec toi » (Livre d’Isaïe, chap 41, 10) C'est Lui qui est à l'origine de cette impulsion, c ’est Lui qui vivifie mon existence par son omniprésence

Dans la vie qui jaillit en nous, dans l'univers qui nous soutient, nous trouvons quelque chose de mieux encore que les dons du Seigneur, nous Le trouvons Lui-même ; Lui qui nous fait participer de son Être et qui nous façonne en même temps de ses mains Ce qu'il y a de plus divin en Dieu, c 'est que nous ne soyons rien, de manière absolue, en dehors de Lui Il s 'est révélé en Jésus-Christ pour que nous soyons habités en plénitude par Lui Le Fils nous révèle à nous-mêmes, fils à la manière du Fils Être habités par le Christ, demeurer en Lui Habités par le Christ pour naître à nous-mêmes

Dans la partie active de notre vie nous voyons que Dieu, fidèle à sa promesse, nous attend réellement en toutes choses, quand Il n ’est pas déjà sorti, en toute hâte, à notre rencontre. Saint Paul exprime clairement que tout ce que nous faisons, si nous le faisons au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, est sanctifié.

L'Église déclare que toute la vie humaine est sanctifiée, dans toutes ses nuances, des plus spirituelles aux plus humaines, « soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez ( ) », dit saint Paul (Première Lettre aux Corinthiens, chap 10, 31) En vertu de

l’Incarnation du Verbe, notre âme est totalement livrée au Christ, centrée sur Lui

Dieu, notre Père, ne se lasse pas d’être accessible dans la totalité de notre action

Dans ce qu 'elle a de plus vivant et incarné, Il n 'est pas loin de nous, hors de la sphère du tangible, mais nous attend à chaque instant dans l'action, dans l'œuvre du moment On pourrait dire, sans se tromper, qu'Il se trouve à la pointe de mon stylo, de ma pioche ou de ma pelle, de mon pinceau, de mon aiguille, de mon cœur et de ma pensée En portant à leur ultime achèvement naturel mes activités, comme le trait de mon stylo, le coup de ma pioche ou le point de couture de mon aiguille, j'appréhenderai la Fin ultime vers laquelle tend ma volonté profonde.

Demeurer dans le Christ, être habités par le Christ, implique également un « être avec Lui ». Une relation intime qui conduit à une connaissance intérieure de sa personne. Or, cette intimité, cette relation personnelle et profonde, ne doit pas nous induire en erreur en croyant qu’il s ’agit seulement d’une intimité passive, au contraire, il s ’agit d’une révélation pour la mission : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes » (Épître à Tite, chap 2, 11), c ’est-à-dire, qu 'elle ne reste pas enfermée dans un intimisme, mais qu 'elle soit le moyen par lequel les hommes puissent être enrichis par les grâces de la rencontre avec le Christ Être avec Jésus, implique une connaissance intérieure, un degré d'identification tel, que nous en venons à avoir les mêmes sentiments que le Christ, qui n ' a pas retenu le fait d'être l’égal de Dieu, mais s 'est vidé Lui-même, prenant la condition de serviteur (Philippiens 2, 6-7) ; qui nous invite à Le servir dans les autres, désireux de nous rencontrer dans les autres

La grâce d'une connaissance intérieure ou vitale du Christ, qui pour nous s 'est fait homme, par laquelle nous pouvons en venir à avoir les mêmes sentiments que Lui, est une connaissance donnée par l'Esprit, qui pénètre profondément, elle n 'est donc ni purement intellectuelle, ni sentimentaliste. Cette connaissance intérieure est l’Amour, qui se manifeste plus dans les œuvres que dans les paroles. Si nous considérons Jésus à travers le prisme unique de son mystère de Mort et de Résurrection, nous pouvons le comprendre de manière plus complète et indivisible à chaque moment de sa vie Tout ce qu'il dit et fait dans n'importe quelle situation révèle pleinement son intériorité, sa nature divine et humaine infinie, et son total engagement à la mission confiée par le Père, au-delà des mots Ce monde intérieur du Christ est celui auquel nous sommes invités à accéder et à manifester

Dieu ne crée rien de fini ; il permet à chaque chose de s 'accomplir progressivement Tout au long de sa vie terrestre, l'homme réalise son âme ; simultanément, il participe à une œuvre qui le dépasse infiniment, allant bien au-delà de ses capacités individuelles de succès : l'achèvement de la Création

Grâce à notre collaboration, que Dieu suscite en nous, le Christ atteint sa plénitude à travers chaque créature Saint Paul nous l'affirme Nous pourrions penser que la Création est terminée depuis longtemps, mais c 'est une erreur, car elle continue de se parfaire Nous contribuons à cette œuvre, même par les tâches les plus modestes de nos mains

Dans toutes nos actions, nous sommes des instruments de la Création du monde et de la manifestation de la plénitude du Christ Jésus Notre passion pour ce travail, devant Dieu, est l'art de notre fidélité Conscients de ce lien intime avec le Christ qui habite en nous, en agissant, nous faisons un avec Lui et Le rencontrons dans ce que nous accomplissons.

Entrée depuis la perspective spirituelle

La vie dans l’Esprit

Le disciple de Jésus-Christ est appelé à entrer dans la vie de l'Esprit, à discerner comment suivre Jésus dans le monde d'aujourd'hui Comment discerner la voix du Seigneur parmi les nombreuses voix qui aujourd'hui nous assourdissent et se confondent avec la sienne ?

Saint Jean nous dit dans une de ses lettres : « Mes bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu ; car beaucoup de prophètes de mensonge se sont répandus dans le monde. À ceci vous reconnaissez l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui divise Jésus n’est pas de Dieu » (Première Épître de saint Jean, chap. 4, 1-3).

Ainsi, entrer dans la vie de l'Esprit, c 'est se mettre à l'écoute de la Parole et discerner son écho en nous, en la distinguant des autres voix Le discernement demande de contempler Jésus, la Parole faite chair, faite vie sur terre De Lui provient tout discernement de la volonté du Père en nous En regardant Jésus et en écoutant sa parole, nous pouvons reconnaître le vrai visage de Dieu Il est allé, au prix de sa vie, jusqu'au bout de l'amour, jusqu'à l'extrême, là où on ne peut aimer davantage, pour nous libérer des fausses images de Dieu En Jésus-Christ, « Dieu sort du Temple, de l'enceinte sacrée où il avait été enfermé Il nous libère du poids de la religion et du sacré avec toutes les terreurs qui lui sont attribuées et toute la servitude qui en découle » (J Moingt SJ) pour « adorer le Père en esprit et en vérité » C'est un Dieu qui se révèle à nous en Jésus, qui aime la vie et désire le bonheur de l’humanité Un Père qui désire que nous devenions comme son Fils, des hommes et des femmes profondément libres, dans le souffle de « la liberté des enfants de Dieu »

Qui est ce Dieu qui se révèle à nous en Jésus ? À quel Dieu nous adressons-nous ? Un Dieu qui aurait tracé de toute éternité le chemin auquel il faudrait se soumettre ? Un Dieu qui aurait décidé à ma place ce qui me convient dans la vie et dans l'Église ?

Non, ce n ’est pas le Dieu qui se révèle en Jésus. Le Dieu qui appelle, dont nous sommes appelés à écouter et distinguer la voix parmi d’autres voix, est le Dieu qui renvoie toujours l’homme à son propre désir : « Que cherchez-vous ? », « Qui veut me suivre ? », « Si tu veux entrer dans la vie », « Quiconque veut être mon disciple », et ainsi de suite Chercher et trouver sa volonté consistera à aller au plus profond de nous-mêmes, au plus profond de notre désir La volonté de Dieu n ’est pas étrangère à notre vie, elle n ’est pas à chercher « au loin, au-delà des mers où nous ne pourrions

l’atteindre » (Psaume 139 [138]), mais elle nous rejoint au plus profond de notre désir, dans notre cœur, pour que nous puissions la réaliser et la mettre en pratique Nous ne découvrons pas la volonté de Dieu comme dans une « chasse au trésor » Sa volonté est que tout homme soit pleinement heureux et pleinement vivant Dieu ne nous rend pas heureux sans nous, malgré nous Il ne fait rien à notre place, il ne nous remplace pas C'est pourquoi, toute décision qui nous rend plus vivants, qui nous fait grandir en liberté et qui nous met en communion avec les autres, rejoint le dessein de Dieu et de l’Évangile

Jésus demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Pour que la personne puisse exercer sa liberté, son désir doit pouvoir s ’exprimer. « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvrira » (Évangile selon saint Matthieu, chap 7, 7-8) Exprimer ce que nous désirons nous permet de reconnaître notre vrai désir, et c 'est Dieu lui-même qui vient le rejoindre Reconnaître ce désir, c ’est comme trouver le trésor dont parle l’Évangile (Matthieu, chap 13, 44) Nous ne découvrons pas ce trésor caché à force d’introspection, mais il s ’agit d'un désir qui est forgé dans la réalité de l’existence, dans l’action et le service rendu aux autres

Se déterminer pour le Christ

Ceux qui désirent suivre le Christ, pour l’aimer et le servir davantage, sont appelés à se déterminer pour Lui. Jésus nous pose la question : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? Pour vous, qui suis-je ? » Se décider par rapport au Christ, c ’est se décider à vivre l’Évangile, avec toutes ses implications : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive » (Évangile selon saint Matthieu, chap 16, 24) C’est pourquoi devenir véritablement disciples de Jésus, vivre selon l’Évangile, ne peut que nous faire entrer dans un combat spirituel C’est même un critère de fidélité à Jésus, car « un serviteur n’est pas plus grand que son maître » (Évangile selon saint Jean, chap 13, 16) Nous en faisons tous l’expérience En nous, il y a une connivence avec le mal, avec le mensonge, avec tout ce qui est le refus de la vie, mais le Christ ne nous laisse pas seuls Il a envoyé l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, qui procède du Père, pour démasquer l’adversaire et nous donner la possibilité de choisir la vie Être disciples du Christ c ’est se rendre dociles à l’Esprit, en discernant sans cesse les tromperies de l’ennemi et comment, dans des contextes différents, rester fidèles à l’Évangile.

Se rendre dociles à l’Esprit

Pour entrer dans cette docilité à l'Esprit, la relecture de la journée est d'une grande aide Dans un premier temps, cette relecture nous apprend à reconnaître parmi les événements du jour ce qui nous ouvre à la vie, à la joie, à la paix, dans les événements et les rencontres de la journée, pour devenir reconnaissants et rendre grâces au Seigneur L'Écriture dit que ce qui nous oriente vers la vie nous oriente vers Dieu Jésus dit en effet : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Évangile selon saint Jean, chap. 10, 10). C'est la boussole du discernement.

Dans un second temps, nous pouvons repérer, comme un simple constat et sans jugement de notre part, les moments où nous nous sommes sentis enfermé, divisés, lorsque nous sommes entrés dans la désolation Si avons péché, nous demandons pardon au Seigneur

Enfin, nous confions au Seigneur le jour suivant, en demandant de l'aide pour choisir la vie et écarter les obstacles qui nous empêchent d'être fidèles à son Évangile

Entrer dans les voies de l’Esprit suppose de considérer la vie spirituelle à partir de l’attention au retentissement affectif en nous des événements et des rencontres que nous vivons Dans la vie spirituelle il s ’agit de « sentir », de « reconnaître », et de « prendre position » « Sentir », c ’est-à-dire, se laisser affecter : sentir le goût, la paix, la douceur, etc Mais il ne suffit pas de sentir, il faut pouvoir « reconnaître », c ’est-à-dire, distinguer, nommer, interpréter, ce qui relève du discernement Enfin, cela nous conduit à prendre position, car nous découvrons en nous des « pensées », des « mouvements intérieurs » qui nous ouvrent à la vie et d’autres, mortifères, qui nous ferment à la vie. C’est ainsi que nous pouvons discerner les tromperies de l’ennemi et choisir la vie.

L’amour en actes

Entrer dans la vie de l'Esprit nous conduit à nous rendre toujours davantage disponibles, afin que le Seigneur prenne place dans notre réalité, à travers nos décisions La décision de Dieu de prendre chair dans notre humanité, dans notre existence quotidienne concrète, attend notre propre décision Aucune vie ne grandit sans prendre le risque d'une décision, qu ’elle soit grande ou petite Passer du désir à la réalité est un risque Il peut y avoir beaucoup d'amour et de générosité, mais s'ils ne s'inscrivent pas dans une décision, ils restent vides Cependant, si cet amour et cette générosité s'inscrivent dans une décision, si petite soit-elle, elle peut faire basculer le monde entier C'est le mouvement même de l'incarnation Le « oui » de Marie nous a

ouvert le salut Car ce sont les petites décisions qui donnent progressivement à nos existence un style, l’allure même de Jésus, le rythme de l'Évangile Pour Ignace de Loyola, « la décision évangélique, c 'est-à-dire la décision qui s ' ouvre à la vie, qui humanise, selon l'Esprit du Christ, est le lieu même de l'union à Dieu »

Notre sensibilité définit notre cheminement spirituel

Nous avons expliqué que pour entrer dans la vie de l'Esprit, il est essentiel d'écouter la voix du Seigneur, de l'accueillir en nous et de prendre position en fonction de ce qu 'elle inspire dans notre cœur. Cependant, il est important de rester vigilant et de ne pas se laisser tromper par nos propres illusions. Il est possible de croire que nous suivons la voix du Seigneur alors que nous ne faisons que répondre à nos propres désirs Pour éviter cela, il est essentiel d'apprendre à percevoir la réalité comme le Seigneur la voit En adoptant sa manière de voir, d'écouter, de ressentir, de toucher et de goûter, nous pouvons nous rapprocher des autres et des événements à la manière de Jésus, rendant ainsi notre parcours plus authentique Cela peut nous aider à juger, penser et nous situer face à la vie à la manière de Jésus-Christ, c ’est-à-dire, prendre des décisions et faire des choix comme Il le ferait lui-même

Vivre selon le style du Seigneur n 'est pas le résultat d'un effort de volonté, mais une grâce que le Seigneur accorde Cela ne peut être que reçu C'est un chemin où l'on se laisse transformer par Lui Nous devons nous y préparer par la prière, en contemplant la vie de Jésus et en apprenant sa manière d’être, afin qu’il nous la communique

Pour nous aider dans ce cheminement, Saint Ignace de Loyola propose une méthode de prière dans ses Exercices Spirituels : l'application des cinq sens. Cette méthode vise à éduquer notre sensibilité pour qu 'elle devienne plus semblable à celle de Jésus.

Notre sensibilité influence notre manière de suivre le Seigneur, car elle détermine comment nous percevons la réalité Nous avons notre propre manière de regarder, d’écouter, d’apprécier ou de rejeter certaines choses, d’accueillir ou de refuser situations et des personnes selon le sens que nous donnons Pour suivre Jésus authentiquement, pour vivre selon son style et faire les choix qu’il a fait, notre sensibilité doit être transformée pour ressembler à la sienne

Cette transformation ne se fait pas par des idées ou des sentiments, mais par l'expérience concrète des réalités qui pénètrent nos sens : ce que nous voyons, touchons, sentons, écoutons et goûtons Nous avons besoin de transformer notre sensibilité à la manière de Jésus C'est pourquoi nous vous proposons « d'appliquer

les cinq sens », c 'est-à-dire d'utiliser votre imagination pour entrer en contact avec les événements de la vie de Jésus dans les récits de l'Évangile En regardant, goûtant, touchant, sentant, écoutant comme si vous étiez présent dans les scènes de l’Evangile, avec et comme Jésus Ainsi notre sensibilité s ’ajustera progressivement sur la sienne

Par exemple, imaginez-vous dans une scène évangélique, touchant la main de la belle-mère de Pierre lorsque Jésus la guérit : « il s’approcha et la fit lever en lui prenant la main : la fièvre la quitta » (Évangile selon saint Marc, chap. 1, 31). Ressentez la compassion de Jésus lorsqu'il touche le lépreux : « un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : “Si tu le veux, tu peux me purifier.” Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. (…) À l’instant, la lèpre le quitta et il fut purifié » (cf Évangile selon saint Marc, chap 1, 40-42) En vous immergeant ainsi dans chaque récit, par la prière, vous pouvez commencer à percevoir avec les sens de Jésus

Je pourrai me demander comment toucher, sentir, regarder, écouter, goûter avec l'imagination, comment cela se fait-il ? C’est une expérience où nous cherchons à être présents dans la scène, à percevoir avec notre imagination ce qui s ' y passe Ce n ’est pas un effort de notre volonté Nous demandons au Seigneur la grâce de ressentir à sa manière, d’être avec lui, de voir, d’écouter, de percevoir comme lui La transformation de notre sensibilité, plus ajustée à la sienne, définira tout, changera tout, et rendra notre suite du Christ plus authentique, avec une manière de procéder plus semblable à la sienne

Pour approfondir cette pratique, nous vous proposons de prier avec une prière du P. Pedro Arrupe, jésuite. Prenez le temps de prier et de contempler l’Évangile, en entrant dans cette méthode d'application des cinq sens, à votre rythme et avec sérénité. C’est ainsi que le Seigneur transformera votre sensibilité.

➔ Pour approfondir. Ressources. Annexe 1 - Prière du Père Arrupe : « Seigneur, apprends-moi ».

➔ Pour approfondir. Ressources. Annexe 2 - « Notre manière d’être ».

Entrée

à partir des paroles du Pape

Dans La joie de l’Évangile, le Pape François éclaire le point où nous en sommes : « Dans tous les baptisés, du premier au dernier, agit la force sanctificatrice de l’Esprit qui incite à évangéliser Le Peuple de Dieu est saint à cause de cette onction qui le rend infaillible “in credendo” dans l’acte de croire Cela signifie que quand il croit il ne se trompe pas, même s’il ne trouve pas les paroles pour exprimer sa foi L’Esprit le guide dans la vérité et le conduit au salut Comme faisant partie de son mystère d’amour pour l’humanité, Dieu dote la totalité des fidèles d’un instinct de la foi – le sensus fidei – qui les aide à discerner ce qui vient réellement de Dieu La présence de l’Esprit donne aux chrétiens une certaine connaturalité avec les réalités divines et une sagesse qui leur permet de les comprendre de manière intuitive, même s’ils ne disposent pas des moyens appropriés pour les exprimer avec précision. »

« En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Évangile selon saint Matthieu, chap. 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation ; car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n ’ a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples-missionnaires” Si nous n ’ en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : “Nous avons trouvé le Messie !” (Évangile selon saint Jean, chap. 1, 41.) La Samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de Samaritains crurent en Jésus “à cause de la parole de la femme” (Évangile selon saint Jean, chap. 4, 39) Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, “aussitôt se mit à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu” (Livre des Actes des Apôtres, chap 9, 20) Et nous, qu ’attendons-nous ? »

« Assurément, nous sommes tous appelés à grandir comme évangélisateurs En même temps employons-nous à une meilleure formation, à un approfondissement de notre amour et à un témoignage plus clair de l’Évangile En ce sens, nous devons

tous accepter que les autres nous évangélisent constamment ; mais cela ne signifie pas que nous devons renoncer à la mission d’évangélisation, mais plutôt que nous devons trouver le mode de communiquer Jésus qui corresponde à la situation dans laquelle nous nous trouvons Dans tous les cas, nous sommes tous appelés à offrir aux autres le témoignage explicite de l’amour salvifique du Seigneur, qui, bien au-delà de nos imperfections, nous donne sa proximité, sa Parole, sa force, et donne sens à notre vie Ton cœur sait que la vie n ’est pas la même sans lui, alors ce que tu as découvert, ce qui t’aide à vivre et te donne une espérance, c ’est cela que tu dois communiquer aux autres. Notre imperfection ne doit pas être une excuse ; au contraire, la mission est un stimulant constant pour ne pas s’installer dans la médiocrité et pour continuer à grandir. Le témoignage de foi que tout chrétien est appelé à donner, implique d’affirmer, comme saint Paul : “Non que j’aie déjà obtenu tout cela ou que je sois déjà devenu parfait ; mais je m’élance pour tâcher de le saisir” (Épître aux Philippiens, chap 3, 12-13) » (Pape François, La joie de l’Évangile, nos 119 à 121 )

Entrée depuis la perspective de la prière

Demeurer dans son amour

Il n ' y a rien que désire plus une personne amoureuse que d'être avec celui qu 'elle aime. Celui qui aime souhaite être en présence de la personne aimée, partager sa vie avec elle, écouter ses paroles, ses rêves et ses projets

Dire à quelqu'un « je t'aime » n 'est pas seulement une déclaration théorique, mais l'expression de la façon dont je veux vivre avec elle : en demeurant en sa présence Aimer est à la fois une action et une décision C'est une action qui nous pousse à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre de l'autre, et une décision, car c 'est l'expression ultime de la liberté de choisir à qui offrir tout ce que je suis

Aimer implique de prendre soin des gestes, des mots et des attitudes Personne ne peut prétendre aimer véritablement une autre personne s'il néglige ces expressions qui manifestent l'amour qu'il lui porte Il est vrai que nous pouvons enfermer le mot « amour » dans des formalités et « vider de contenu mon je t'aime » comme le dit une chanson (« En mi Getsemaní", Eduardo Meana), et c 'est pourquoi nous devons être conscients que l'amour requiert une décision quotidienne.

La grande tentation à laquelle nous sommes confrontés dans l’Église est de « nous assurer » le salut par des formules et pratiques religieuses que nous accomplissons, mais sans beaucoup de sens Les pratiques religieuses sont intimement liées aux gestes d'amour envers Dieu Si nous vidons nos pratiques spirituelles de leur amour, nous aurons corrompu une partie de notre foi Demeurer dans son amour ne signifie pas rester piégé derrière le formalisme religieux, mais se nourrir de l'Évangile

Comment est-il possible de demeurer dans l'amour auprès de Jésus ? Nous ne devons jamais oublier que c 'est Jésus-Christ qui est venu à notre rencontre, Lui qui nous a trouvés et invités à le suivre Il l'exprime ainsi quand il dit « Ce n 'est pas vous qui m ' avez choisi ; c ’est moi qui vous ai choisis » (Évangile selon saint Jean, chap 15, 16-18) Son AMOUR nous a choisis Ce ne sont pas nos mérites qui nous ont rapprochés de Jésus, mais l'amour gratuit du Père « Lui, le premier, nous a aimés » (Première Épître de saint Jean, chap. 4, 19). C'est pourquoi nos pratiques religieuses ne doivent pas devenir une quête égocentrique de la reconnaissance de Dieu, mais l'expression du désir de demeurer dans son amour, en sa présence. Prier avec la Parole de Dieu est une manière de demeurer dans son amour.

Se donner du temps pour prier est une décision concrète du désir d'être avec Jésus et de demeurer dans son amour Rarement nous nous « offrons » du temps pour

ajuster notre cœur, purifier notre âme et notre esprit par la méditation de la Parole de Dieu Peut-être que le manque de temps pour être avec soi-même et approfondir sa propre vie, sur le fondement de son existence, est l'une des plus grandes pauvretés qui frappe l'humanité Puis-je espérer qu ' une autre personne soit à l'aise avec moi, si je ne peux pas moi-même passer du temps seul avec celui que j'aime ? Lorsque nous ne pouvons pas consacrer du temps pour nous immerger dans la prière et entrer dans notre monde intérieur, et, comme le recommande Jésus, entrer dans la chambre de notre cœur et fermer la porte, nous ne pourrons pas entendre la voix du Père Et ainsi, nous n 'apprendrons pas à connaître et à distinguer les pensées et sentiments qui habitent notre intérieur, ce qui est si important pour acquérir l’art du discernement spirituel. La justesse de nos décisions dépend beaucoup de la connaissance de la diversité des mouvements spirituels qui surgissent en nous.

Notre désir de demeurer dans l'amour de Jésus nous conduit à grandir dans le discernement spirituel Une manière de gérer notre vie pour la vivre pleinement est d'apprendre à discerner entre les voix qui existent en nous, quelles sont celles du bon et du mauvais esprit et vers où elles nous conduisent, et quelles sont les voix propres qui surgissent de notre propre liberté Parfois, on rencontre des personnes qui sont déconnectées d'elles-mêmes Elles sont incapables de comprendre ce qui se passe en elles La réflexion personnelle, la méditation ou la prière sont une manière de communiquer avec nous-mêmes en Dieu, d'approfondir notre propre existence et relation filiale avec le Seigneur Cela nous aide à apprécier les réussites et à les célébrer, à profiter du travail accompli, et cela nous donne aussi une grande capacité à reconnaître nos erreurs et à les corriger Quand nous manquons de la capacité à reconnaître la voix de Dieu, que nous offre la méditation ou la prière, nous devenons des inconnus pour nous-mêmes. Notre cœur devient une maison occupée, habitée, usurpée par des locataires intrus et indésirables. Lorsque vous communiquez avec Jésus-Christ à l'intérieur de votre cœur, vous entrez en contact avec la source de Sagesse qui habite en tout être humain. La réflexion, la méditation ou la prière nous aident à trouver de nouvelles idées ou perspectives qui nous qui nous enrichissent en tant que personnes Sans communication intérieure, nous traversons la vie comme des aveugles

La prière et le discernement spirituel nous rapprochent du Cœur de Jésus, nous permettant de reposer notre tête, comme le disciple bien-aimé, sur la poitrine du Maître Le psychiatre autrichien Viktor Frankl a déclaré : « Il y a beaucoup de sagesse dans les mots de Nietzsche : celui qui a un pourquoi pour vivre peut supporter presque n'importe quel comment » La proximité du Cœur de Jésus donne un sens à notre vie Pour beaucoup, la vie semble s 'arrêter une fois qu'ils ont atteint leurs objectifs ou réalisé leurs buts immédiats Sans un motif qui transcende le temps et

l'espace, ou sans la capacité du cœur à « ressentir et savourer » la vie avec les autres, la vie elle-même devient fade et lourde Lorsque nos raisons de vivre s'harmonisent avec le dessein de Dieu et s 'accordent avec le Cœur de Jésus, quelque chose de différent se produit La foi nous offre une perspective de la vie plus large que les objectifs immédiats et nous permet de visualiser la réalité de manière créative Pour créer, il faut croire Dans le Cœur de Jésus, nous entendons les désirs, les rêves, les supplications, les cris d'aide et de liberté d'une humanité en quête d'amour et de compassion La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, si présente dans notre foi, n 'est pas une invitation à une prière immobile ou intimiste, mais un appel à la mission. En écoutant le Cœur de Jésus, nous ne pouvons rester indifférents à ce qui habite son cœur. Demeurer dans l'amour signifie écouter sa Parole, discerner sa voix et se mettre en mouvement pour collaborer avec Lui dans sa mission de compassion pour le monde

➔ Pour approfondir. Ressources. Annexe 3. « Adoration ».

Exercice

Nous vous invitons à réaliser l'exercice suivant Prenez le temps de revenir sur les moments de cette sixième étape « Demeurer dans le Christ », afin de découvrir les paroles, phrases ou images qui résonnent dans votre cœur Ce qui a continué à résonner Imaginez-vous en face de Jésus-Christ lui-même qui vous appelé « Devant le Cœur de Jésus je peux m’interroger : “Vers où est orienté mon cœur ? Vers où pointe-t-il, quel trésor cherche-t-il ?” Parce que, dit Jésus – “où est ton trésor, là aussi sera ton cœur” (Évangile selon saint Matthieu, chap 6, 21) » (Pape François, 3 juin 2016)

Pratique de la relecture thématique

Près du Cœur de Jésus

Nous vous proposons une expérience « de cœur à Cœur », pour apprendre à rester proche du Cœur de Jésus C'est une pratique pour entrer dans le silence du cœur et être à l'écoute de la voix du Seigneur Cela ne s 'acquiert pas instantanément, mais avec Sa grâce et avec votre disposition personnelle, vous pourrez certainement progresser Apprendre à demeurer auprès de Lui, c ’est apprendre à être là, avec Lui, par amour Afin de cultiver « le silence du cœur » qui favorise cette rencontre, voici quelques recommandations Mettez-les en pratique et relisez-les à chaque fois, afin de voir comment vous progressez dans leur mise en œuvre

Demeurer dans la Parole de Dieu

Le disciple est celui qui marche derrière, celui qui suit le Maître, mais également celui qui reste fidèle à la Parole du Maître Le disciple savoure cette Parole, il la mâche jour et nuit, jusqu’à s ’ en laisser transformer et devenir comme Lui Prenez le temps de savourer cette Parole, de la goûter, sans chercher à tout prix à la comprendre, laissez-la simplement résonner en vous Il se peut que rien ne se passe, que rien n’illumine votre cœur et que vous ne ressentiez rien, mais restez près de Lui, par amour.

La clé de la vie spirituelle est de « se rendre disponibles »

Si nous nous précipitons pour méditer un texte de l’Évangile, pour parler au Seigneur ou pour prier, nous courons le risque de nous retrouver seuls avec nous-mêmes, comme dans un monologue intérieur : nous/le texte/nous Nous devons avant tout nous « disposer », c ’est-à-dire, préparer notre corps et notre cœur à cette rencontre Si nous ne prenons pas le temps d’être présents à nous-mêmes, nous courons le risque de ne pas être présents à l’Autre Nous devons d’abord prêter attention à notre position corporelle, à notre présence corporelle, en respirant lentement et profondément, et ainsi nous éveiller progressivement à une autre Présence

Passer de la tête au cœur

En effet, le problème est que nous sommes tellement pleins de nous-mêmes, de notre bavardage intérieur et de nos pensées, et que nous avons tellement envie de bien faire, que nous en venons à vouloir contrôler la prière elle-même et nous accumulons les obstacles. Heureusement, rien n ’arrête ni le Saint-Esprit, ni l’amour ! Cependant, « se rendre disponibles » peut nous aider.

Il s ’agit de descendre de la tête au cœur pour que nos pensées disparaissent et que le silence s’installe Le « cœur » est le centre de l’être humain Non seulement des émotions et des relations affectives, mais c ’est le centre de la vie, le centre d’où vient toute vie spirituelle et où converge toute vie spirituelle En d’autres termes, « le cœur » est l’être humain dans sa profondeur

Afin de « passer de la tête au cœur », nous devons prêter attention à notre position corporelle Nous devons trouver, en effet, une position corporelle qui nous aide et qui nous permette de trouver ce que nous cherchons et désirons Le but n ’est pas de trouver une position confortable ou qui nous permette d’oublier notre corps afin de

méditer, mais plutôt de trouver une position corporelle qui nous rende présents à Celui qui est la source de la vie, à savoir le Seigneur

Entrer en silence

Demeurer dans le silence nous permet d’entendre ce que nous n ’entends plus : tout ce que nous passait jusqu’alors inaperçu, tout ce qui nous entoure, toutes ces petites choses qui semblent sans importance, et néanmoins à travers lesquelles un Autre vient me parler. Car, dans la tradition spirituelle chrétienne, silence et écoute vont ensemble. Il s ’agit en effet de laisser creuser en nous le silence jusqu’à la naissance de la Parole d’un Autre. Le silence c ’est toujours la promesse d’une rencontre.

Les Pères du désert n’insistent pas uniquement sur le silence extérieur, le silence des mots, mais sur le silence intérieur, le silence du cœur Le silence nous rend présents au présent Et peu à peu il nous éveille à un silence plus profond, un silence qui nous est donné par Celui qui est là et désire nous rencontrer Or, nous en faisons souvent l’expérience, il suffit de se taire pour que des pensées nombreuses s ’agitent en nous

Alors que faire ? Pour nous aider à entrer dans le silence intérieur les maîtres spirituels insistent sur la perception Il s ’agit en effet d’entendre, de voir, de toucher, de sentir et de goûter « ce qui est » pour entrer dans la Présence de « Celui qui est » Prier n ’est pas penser à Dieu, nous le savons, s ’est se rendre présent à Celui qui nous cherche et désire se communiquer à nous Dans le désert l’accessoire disparaît et l’essentiel se révèle C’est la perception et non la pensée discursive qui sont chemin de rencontre avec Celui qui est à la source de la vie. Nous vous invitons à refaire cet exercice. Faites une promenade, en prêtant attention à votre respiration, à votre corps, à vos sens, et restez simplement là, dans la perception. Si vous percevez certaines pensées, n ’ ayez aucune crainte, revenez simplement à votre perception. Écoutez le silence ! Même au milieu du bruit, le silence est audible Découvrir le silence du cœur, c ’est découvrir la clé de la rencontre

Ressources

Annexe 1

La prière du Père Pedro Arrupe : « Seigneur, apprends-moi » 1

Seigneur, en méditant sur « notre manière d’agir », j’ai découvert que l’idéal de notre manière d’agir était ta manière d’agir Aussi vers toi je tourne mon regard (Épître aux Hébreux, chap 12, 2), le regard de la foi, et je contemple ton lumineux visage tel qu’il apparaît dans l’Évangile Je suis comme l’un de ceux auxquels saint Pierre écrivait de Jésus Christ : « Vous l’aimez sans l’avoir jamais vu ; vous croyez en lui, bien que maintenant encore vous ne le voyiez pas ; et vous tressaillez d’une joie ineffable et pleine de gloire » (Première Épître de saint Pierre, chap 1, 8)

Seigneur, tu nous as dit toi-même : « Je vous ai donné l’exemple pour que vous m’imitiez » (Évangile selon saint Jean, chap 13, 15) Je veux t’imiter jusqu’au point de pouvoir dire aux autres: « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ » (Première Épître aux Corinthiens, chap 11, 1)

Bien que je ne puisse le dire aussi concrètement que saint Jean, je voudrais pouvoir annoncer, au moins avec la force et la sagesse que tu me donnes, « ce que j’ai entendu, ce que j’ai vu de mes yeux et ce que mes mains ont touché du Verbe de Vie ; car la Vie a été manifestée et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignage » (Première Épître de saint Jean, chap. 1, 1-2 ; cf. Évangile selon saint Jean, chap. 20, 25 27 ; chap 1, 14 ; Évangile selon saint Luc, chap 24, 39 ; Évangile selon saint Jean, chap 15, 27)

Donne-moi surtout le sensus Christi [le « sens du Christ »] (Première Épître aux Corinthiens, chap 2, 16) que possédait Paul : que je puisse ressentir tes sentiments, les sentiments de ton Cœur par lesquels tu aimes le Père (Évangile selon saint Jean, chap 14, 31) et les hommes (Évangile selon saint Jean, chap 13, 1) Jamais personne n ’ a montré de plus grand amour : tu as donné ta vie pour tes amis (Évangile selon saint Jean, chap 15, 13), jusqu’à l’anéantissement total par ta mort sur une croix (Épître aux Philippiens, chap 2, 7-8) Je veux t’imiter en cette suprême offrande de toi-même, et aussi dans ta vie de chaque jour, en agissant, dans la mesure du possible, comme Tu le faisais.

1 Pedro Arrupe s j , « Prière à Jésus-Christ, notre modèle », dans les Écrits pour évangéliser –Collection Christus n ° 59, Paris, DDB, 1985 p. 433-436.

Enseigne-moi ta manière de te comporter avec les disciples, avec les pécheurs, avec les enfants (Évangile selon saint Luc, chap 18, 16), avec les Pharisiens, ou avec Pilate et Hérode Et encore avec Jean Baptiste avant sa naissance (Évangile selon saint Luc, chap 1, 31-45) et plus tard au bord du Jourdain (Évangile selon saint Matthieu, chap 3, 17) Enseigne-moi comment tu agissais avec tes disciples, surtout avec les plus intimes : avec Pierre (Évangile selon saint Matthieu, chap 10, 2 12 ; Évangile selon saint Marc, chap 3, 16) Jean, chap 20, 15-23), avec Jean (Évangile selon saint Jean, chap 19, 26-27) et aussi avec le traître Judas (Évangile selon saint Jean, chap 13, 26 ; Évangile selon saint Luc, chap. 22, 48). Communique-moi la délicatesse avec laquelle tu leur as préparé à manger au bord du lac de Tibériade (Évangile selon saint Jean, chap. 21, 9), ou leur as lavé les pieds (Évangile selon saint Jean, chap. 13, 1-20).

Que j’apprenne de Toi, comme l’a fait saint Ignace, ta manière de manger et de boire (Évangile selon saint Marc, chap 2, 16 ; chap 3, 20 ; Évangile selon saint Jean, chap 4, 8 31-33), comment tu prenais part aux repas de fête (Évangile selon saint Jean, chap 2, 1-2 ; 12, 2), quel était ton comportement quand tu avais faim et soif (Évangile selon saint Matthieu, chap 4, 2 ; Évangile selon saint Jean, chap 19, 28-30), quand tu ressentais la fatigue après les voyages, quand tu avais besoin de repos et de sommeil (Évangile selon saint Jean, chap 4, 6 ; Évangile selon saint Marc, chap 4, 38)

Enseigne-moi à souffrir avec ceux qui souffrent : avec les pauvres, les lépreux, les aveugles, les paralytiques (Évangile selon saint Matthieu, chap 9, 36 ; chap 14, 14 ; chap 15, 32 ; chap 20, 34 ; Évangile selon saint Luc, chap 7, 13) Montre-moi comment tu témoignais de tes émotions très profondes quand tu en vins à verser des larmes (cf. Évangile selon saint Luc, chap. 19, 41 ; Évangile selon saint Jean, chap. 11, 33-38) ou quand tu as ressenti cette angoisse mortelle qui te fit suer du sang et qui nécessita la consolation d’un ange (Évangile selon saint Matthieu, chap. 26, 37-39 ; Évangile selon saint Luc, chap. 22, 43). Et surtout je veux apprendre la manière dont tu as témoigné cette extrême douleur sur la croix, lorsque tu t’es senti abandonné par le Père (Évangile selon saint Matthieu, chap 27, 46)

Telle est ton image que je contemple dans l’Évangile : une personne noble, sublime, aimable, exemplaire ; une personne qui témoigne d’une parfaite harmonie entre sa vie et son enseignement ; une personne qui fait dire à tes ennemis : « Tu es sincère et tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité, tu ne fais pas acception de personnes » (Évangile selon saint Matthieu, chap 22, 16) ; une personne à la conduite virile, dure pour elle-même (Évangile selon saint Matthieu, chap 8, 20), mais pleine de bonté pour les autres, d’amour et de désir de les servir (Évangile selon saint Matthieu, chap 20, 28 ; cf Épître aux Philippiens, chap 2, 7)

Tu étais sévère, il est vrai, avec les gens malintentionnés Mais il est vrai aussi que ta bonté attirait les multitudes au point qu ’elles oubliaient de manger (Évangile selon saint Matthieu, chap 14, 15 20) ; que les malades étaient sûrs que tu aurais pitié d’eux (Évangile selon saint Matthieu, chap 9, 36) ; que ta connaissance de la vie quotidienne te permettait de parler en paraboles à la portée des gens simples ; que ton amitié s’étendait à tous (Évangile selon saint Jean, chap 15, 15), mais avec une spéciale attention pour certains, comme Jean (Évangile selon saint Jean, chap 13, 23 ; chap 19, 26), ou Lazare, Marthe et Marie (Évangile selon saint Jean, chap 11, 5 36) ; que tu savais emplir d’une joie sereine une fête de famille, à Cana par exemple (Évangile selon saint Jean, chap. 2, 1).

Tes constantes relations avec le Père, dans une prière qui commençait avant l’aube et se prolongeait tandis que les autres s ’endormaient (Évangile selon saint Matthieu, chap 26, 36-41) ont été une consolation et une force pour annoncer le Royaume

Apprends-moi ta manière de regarder : comment tu as regardé Pierre pour l’appeler à ta suite (Évangile selon saint Matthieu, chap 16, 18) ou pour le relever après sa faute (Évangile selon saint Luc, chap 22, 61) ; ou comment tu as regardé le jeune homme riche qui ne s ’est pas décidé à te suivre (Évangile selon saint Marc, chap 10, 21) ; ou comment tu regardais avec bonté les foules qui se pressaient autour de toi (Évangile selon saint Marc, chap 10, 23 ; 3, 20 ; 5, 31-32) ; ou comment tu regardais avec colère les Pharisiens (Évangile selon saint Marc, chap 3, 5)

Je voudrais te connaître comme tu étais : ton image devant moi suffirait à me changer Le Baptiste est resté subjugué par sa première rencontre avec toi (Évangile selon saint Matthieu, chap. 3, 14) ; le centurion de Capharnaüm s ’est senti écrasé par ta bonté (Évangile selon saint Matthieu, chap. 8, 8) ; et un sentiment de stupeur et d’émerveillement envahissait ceux qui étaient témoins de tes miracles (Évangile selon saint Matthieu, chap. 8, 27 ; chap. 9, 33 ; Évangile selon saint Marc, chap. 5, 15 ; chap. 7, 37 ; Évangile selon saint Luc, chap 4, 36 ; chap 5, 26) Le même saisissement frappe tes disciples (Évangile selon saint Marc, chap 1, 27 ; Évangile selon saint Matthieu, chap 13, 54) ; et, au Jardin des Oliviers, la soldatesque terrorisée tombe à terre (Évangile selon saint Jean, chap 18, 6) Pilate se sent incertain (Évangile selon saint Jean, chap 19, 8), et son épouse est effrayée (Évangile selon saint Matthieu, chap 27, 19) Le centurion qui te voit mourir proclame ta divinité alors même que tu rends l’âme

Je voudrais te voir comme Pierre qui prend conscience devant toi de sa condition de pécheur, alors qu’il est frappé d’étonnement devant la pêche miraculeuse (Évangile selon saint Luc, chap 5, 8-9) Je voudrais entendre ta voix comme dans la synagogue

de Capharnaüm (Évangile selon saint Jean, chap 6, 35-59) ou comme sur le Mont des Béatitudes (Évangile selon saint Matthieu, chap 5, 2), ou quand tu t’adressais aux foules, « enseignant avec autorité » (Évangile selon saint Marc, chap 1, 22 ; Évangile selon saint Matthieu, chap 7, 29), une autorité qui ne pouvait te venir que du Père (Évangile selon saint Luc, chap 4, 22 32)

Fais que nous soyons ainsi tes disciples dans les choses les plus grandes et dans les choses les plus modestes, que nous soyons, comme toi, totalement voués à l’amour du Père et à l’amour des hommes, nos frères, nous sentant très proches de toi, car tu t’es abaissé jusqu’à nous, alors que nous étions si éloignés de toi, Dieu infini.

Donne-nous cette grâce : fais que le sensus Christi anime toute notre vie et nous apprenne à agir conformément à ton esprit – y compris dans les choses extérieures

Enseigne-nous ta manière d’agir pour qu ’elle devienne, aujourd’hui, notre manière et que nous puissions accomplir l’idéal d’Ignace : que nous soyons tes compagnons, que chacun de nous soit un alter Christus [un autre Christ], que nous collaborions à ton œuvre de rédemption

Je demande à Marie, ta très sainte Mère, de qui tu as reçu la vie, auprès de laquelle tu as vécu trente-trois ans, qui a tant contribué à modeler ta manière d'être et d’agir : qu 'elle modèle en moi et en tous les fils de la Compagnie beaucoup d'autres Jésus à ton image, d'authentiques jésuites

Pedro Arrupe SJ (18 janvier 1979)

Annexe 2

Notre manière d’être

« Jésus regarde Nathanaël qui venait à lui et il dit à son propos : “Voici un véritable Israélite en qui il n’est point d’artifice

— D’où me connais-tu ? lui dit Nathanaël.

— Et Jésus de répondre : Avant même que Philippe ne t’appelât, alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu.

Nathanaël reprit : Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël” » (Évangile selon saint Jean, chap 1, 47-49)

Être authentiques

Nous qualifions souvent une personne d'authentique ou de fausse lorsque ses

paroles sont en accord, ou non, avec ses actions Cependant, cette vision est très limitée Par exemple, quelqu'un pourrait dire qu'il approuve la consommation de drogue et en consommer effectivement Dans ce cas, il agit selon ses paroles, mais cela ne signifie pas qu'il est aligné avec ses valeurs profondes L'authenticité dont nous parlons n 'est pas seulement une cohérence extérieure, mais un processus intérieur : être véritablement soi-même aux yeux de Dieu, en tant que ses enfants, et vivre en accord avec cette identité

Dans une société où les fausses attentes des autres nous écrasent comme un poids lourd, essayer d'être « authentique » ou « soi-même » peut être un défi. Pourtant, c 'est ce à quoi nous sommes appelés. Nous ne sommes pas des produits standardisés, mais des êtres uniques. En fait, nous sommes à l’image de Dieu, destinés à Lui ressembler Une personne authentique possède un « charisme » unique et vit sans duplicité Pour être authentique, il est essentiel de se connaître et de s 'accepter soi-même

C'est pourquoi l'authenticité fait partie d'un cheminement spirituel où nous apprenons à « discerner et sentir, en quelque manière, les divers mouvements excités dans l’âme ( ) afin de les recevoir » (Saint Ignace, Exercices Spirituels n ° 313) Pour vivre de manière authentique, il est important d’acquérir, par le discernement spirituel, la capacité à reconnaître l'action de l'Esprit de Dieu en nous et à la suivre C'est un processus dynamique qui s 'acquiert en examinant nos « mouvements intérieurs », c 'est-à-dire en prenant conscience de nos pensées et de nos sentiments

Pourquoi est-il crucial de comprendre l'authenticité de cette manière ? Parce qu ' en cherchant à aider les gens à être « eux-mêmes » et à trouver « leur mission » dans la vie, on risque de croire à tort que l'authenticité consiste simplement à exprimer ses pensées et ses sentiments sans filtre, à dire tout ce qui nous passe par la tête ou le cœur sans discernement. Nous sommes tombés dans la tyrannie de la libre expression et de l'individualisme excessif, au détriment du bien commun Nous oublions qu ' une personne authentique est capable de prendre du recul par rapport à ses propres pensées et sentiments, de se libérer de ses opinions personnelles pour chercher et trouver la Volonté de Dieu qui, en tant que Père de tous, nous unit en tant que frères et sœurs

Être bienveillants

Il est vrai que nous vivons une époque où la bienveillance est appréciée de tous, cependant, le pouvoir semble primer Celui qui détient l'autorité et l'exerce avec force est considéré comme une personne forte et un leader, tandis que celui qui est bon et

doux est souvent perçu comme faible, fragile et même sans caractère

I Il n 'est pas facile d'être bienveillant dans un monde qui semble valoriser la « loi du plus fort » ou qui consacre la violence comme un moyen d'expression et de revendication Indépendamment de cette réalité, nous avons le choix de renforcer, par notre attitude, la dureté de la société avec un langage dur et blessant, ou de nous efforcer de la transformer par l'expression de la bonté qui vit en nous

La bonté n 'est pas une réalité éthérée, elle est étroitement liée à une capacité qui nous est inhérente et qui se développe en l'exerçant d'abord envers nous-mêmes. Comment ? Certaines personnes se traitent avec dureté, s'énervent très facilement, sont en constant « combat intérieur » avec elles-mêmes et se punissent sévèrement parce qu 'elles ne peuvent pas atteindre l'"idéal du Moi" qu 'elles se sont fixé

Cet idéal, construit sur les attentes que les autres ont placées en nous, nous pousse à adopter un comportement agressif lorsque nous ne parvenons pas à l'atteindre Pour développer la bonté qui est inhérente à notre nature, parce que nous avons été créés à l'image et à la ressemblance de Dieu, nous devons commencer par croire en la bonté qui est en nous, malgré nos erreurs, nos fautes et nos échecs Lorsque nous apprenons à être bons envers nous-mêmes, nous imitons la bonté de Dieu, qui ne juge pas, mais ouvre la voie à la réconciliation et à la conversion

Cette bonté que nous pouvons pratiquer envers nous-mêmes est ce qui nous permet ensuite de la manifester aux autres Il est essentiel de croire qu 'elle habite aussi chez les autres, malgré leurs défauts, leurs erreurs et leurs échecs. Il est vrai qu'il est difficile de la voir dans les actes et les paroles de ceux qui se comportent de manière blessante ou agressive, mais si nous considérons que nous agissons parfois de la même manière, nous pourrons percevoir au-delà des apparences la bonté des autres.

Lorsque nous parlons au cœur bienveillant qui existe en chaque être humain, parfois caché derrière une carapace d'indifférence et d'apathie, la personne prend conscience de sa bonté intérieure et lui donne une place Si je confronte ses erreurs, si je critique ses défauts, si je condamne ses fautes, nous ne ferons que renforcer notre dureté de cœur et l'autre trouvera suffisamment de raisons pour continuer à agir avec violence

Être empathiques

L'une des expériences les plus belles dans les relations humaines est de sentir, en parlant avec quelqu'un, qu'il vous écoute, vous comprend, et semble même se

mettre à votre place À l'inverse, l'une des expériences les plus frustrantes est de ne pas parvenir à se comprendre avec quelqu'un, même lorsque nous parlons la même langue

Grâce à l'empathie, nous nous plaçons bien au-delà de celui qui cherche à comprendre ce qu ' une personne essaie de dire Nous nous tenons au seuil de son mystère, à la porte de son âme, afin que notre être intime puisse écouter son être qui s 'exprime Lorsque vous vous tenez devant les autres simplement « en étant », sans chercher à jouer un rôle ou à endosser un personnage, l'être de l'autre trouve une porte ouverte pour exprimer son mystère avec clarté et beauté. L'empathie anime l'âme et la libère de la peur du jugement pour envelopper son mystère, qui, étant intime et personnel, porte toujours en lui une lueur de timidité, dans les mots appropriés

Pour être empathique envers les autres, il est essentiel d'être pleinement présent C'est la première condition Libéré de l'ego Pouvons-nous devenir une personne plus empathique ? Pouvons-nous apprendre à l'être ?

Certaines personnes sont naturellement empathiques, mais c 'est aussi une attitude que l'on peut acquérir Premièrement, il faut renoncer à juger les autres et ne pas tenir compte de leurs erreurs Deuxièmement, il faut choisir de voir la bonté dans le cœur des autres et croire qu ' en créant les bonnes conditions, leur potentiel se développera Troisièmement, il faut comprendre l'autre et savoir quand il est préférable d'aider et quand il vaut mieux laisser l'autre apprendre de ses propres expériences Ne cherchez pas à être indispensable ni à être au centre de l'attention. Quatrièmement, aidez sans chercher validation ou approbation, mais avec la conviction intérieure issue du discernement spirituel. Évitons de submerger les autres avec notre « aide » et libérons-nous de l'envie de résoudre les problèmes des autres, en sachant que nous ne sommes pas Dieu.

Annexe 3

L’adoration eucharistique

Voici une démarche de prière qui aide à demeurer auprès de Jésus : l’adoration. Elle se vit en particulier devant le Saint Sacrement exposé, – l’adoration eucharistique. Quand nous allons adorer Dieu dans l’hostie consacrée, nous exprimons un désir de donner priorité au Seigneur et à son Royaume Nous trouvons un fondement biblique à cette démarche dans l’exhortation de Jésus : « Observez les lis : ils ne filent ni ne tissent, et je vous le dis : Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu

comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi en pleins champs l’herbe qui est là aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi. Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît » (Évangile selon saint Luc, chap 12, 27-31)

L'adoration, c'est sanctifier le temps

Notre culture, dominée par les horaires, les agendas et les engagements, s 'est déconnectée de l'adoration comme attitude intérieure d'ouverture à la transcendance. Cette déconnexion a rendu notre quotidien très pragmatique, ainsi que nos relations et toutes nos actions Elle nous a rendus insensibles à la beauté La superficialité, conséquence de notre pragmatisme, nous a privés de profondeur

Nous pouvons nous demander sans honte : comment l'adoration peut-elle nous permettre de vivre une vie meilleure et plus épanouie ?

L'adoration est à la fois une invitation et une opportunité d'« être » Elle ouvre la possibilité pour que le Seigneur habite notre existence et remplisse notre vie de sens renouvelé Elle nous permet d'accéder à une compréhension différente des expériences de chaque instant

Face à la tendance actuelle à vivre dans la superficialité, l'attitude d'adoration nous apprend à sanctifier le temps. Elle offre la possibilité de découvrir la beauté dans les choses, les personnes et les événements. Chaque moment est chargé de signification. Il y a un appel particulier. Et c 'est en développant une sensibilité intérieure spéciale que nous devenons conscients de cette Voix qui résonne dans ce qui existe, permettant à notre regard de percer la surface de la réalité pour aller plus profondément et se connecter avec Celui qui est le créateur de toutes choses et le Potier de l'humanité

Quand notre vie est imprégnée de l'attitude d'adoration, elle cesse d'être une toile sur laquelle nous griffonnons nos conclusions sur notre vie et notre histoire, et laisse place à la lumière du Seigneur, qui nous aide à comprendre l'entrelacement des fils qui tissent l'histoire En reconnaissant que nos perceptions ont une limite temporelle, nous faisons de la place pour l'adoration, la contemplation, et pour nous lier à Celui qui nous transcende

L’adoration, c’est être libres de nous-mêmes

C'est une attitude primordiale à laquelle nous résistons souvent parce que nous aimons vivre en croyant que nous sommes maîtres et origine de tout Nous voulons décider de tout L’adoration n ’est pas une sorte de moyen pour demander ou obtenir quelque chose du Créateur Nous ne contrôlons pas Dieu L'adoration n ' a pas ce but, et nous ne cherchons pas à défier Sa volonté Dans l'adoration, nous nous prosternons devant Dieu parce que Dieu est le Seigneur Nous n ' avons pas non plus besoin de chercher quelque chose de « spécial » à travers l'adoration, ni de beaux sentiments, ni de sérénité, ni de calme. Dans l'adoration, je ne parle pas de moi ni de mes problèmes. Je me prosterne simplement devant Celui qui m ' a créé parce qu'Il est mon Seigneur, Il est mon Créateur. Pendant l'adoration eucharistique, « j'arrête de tourner autour de moi et de mes problèmes, et j'essaie de ne regarder que le Seigneur mon Dieu Je m 'oublie, car Il m ' a absorbé complètement, parce que Lui seul est important pour moi »

Ce qui est merveilleux dans l’attitude d’adoration, c ’est qu ’ en nous oubliant nous-mêmes, nous nous tenons face à Dieu, pleinement présents, pleinement authentiques, pleinement nous-mêmes Rien ni personne ne doit détourner de Lui Nous laissons Dieu nous remplir pleinement, nous inonder et nous habiter « Dans l'adoration se cache aussi un profond désir : être enfin libre de moi-même, libre des incessants retours sur moi-même, de l'envie de tout rapporter à moi, de vouloir avoir quelque chose pour moi partout En m 'oubliant, je suis complètement libre, Dieu m 'absorbe entièrement Mes problèmes ne sont plus importants, ni ma culpabilité, ni mon état psychique Lui seul compte »

S'accepter soi-même est une grâce merveilleuse, mais pouvoir s 'oublier soi-même, c 'est la grâce des grâces. En m 'oubliant de moi-même, je me libère de tout pour que le Créateur m'habite.

L’adoration est une relation exclusive avec Dieu

L'attitude d'adoration nous met en relation directe avec Dieu, avec son œuvre, avec sa transcendance et en même temps avec sa proximité et présence constante Face à un coucher de soleil, par exemple, je m 'oublie de moi-même parce que je me consacre à contempler On se sent tellement captivé par cette beauté, ému, absorbé par ses couleurs qu ' on en vient à l'oubli de soi

Il nous fait également du bien de ne plus être constamment la « référence » de tout, afin de prêter attention à Dieu et aux autres « Il y a en nous une aspiration à nous oublier, ne serait-ce qu ' une fois, et de nous prosterner devant quelque chose de plus

grand que nous ; de nous laisser entièrement émouvoir par Dieu, par la beauté de la Création, d'une image, d'un concert Adorer signifie s'incliner devant quelque chose de plus grand Et ce quelque chose de plus grand, nous le trouvons non seulement en Dieu, mais dans tout ce qui est beau, vrai et bon »

Lorsque nous laissons quelque chose nous émouvoir profondément, nous cessons de tourner autour de nous-mêmes Nous sommes simplement présents Et cette réalité, cette présence, ou cet événement que nous percevons à travers l'attitude d'adoration, est, en fin de compte, une relation profonde avec Dieu. « Je suis simplement là. C'est ce que signifie l'adoration : être simplement face à Dieu et en Dieu, mais dans une attitude de prosternation, de dévotion, qui ne pense à rien d'autre que ce qu 'elle contemple. »

L'adoration eucharistique aide à estomper les préoccupations et les problèmes qui m 'affligent Si nous parvenons à nous oublier, nous trouvons la paix Le va-et-vient des pensées et des sentiments s 'arrête Lorsque nous cessons de tourner autour de notre nombril, nous arrivons enfin là où nous avons toujours voulu être : en présence de Dieu C'est comme se sentir chez soi après une longue journée « L'adoration est l'expérience de se sentir chez soi Quand nous nous prosternons devant le mystère de Dieu, nous sommes vraiment arrivés Alors, notre âme se calme, nous ressentons que notre désir le plus profond a été comblé, que nous avons enfin trouvé quelque chose devant lequel nous pouvons nous incliner Et c 'est que l'homme cherche toute sa vie ce qui unit toutes ses forces et satisfait tous ses désirs et besoins »

Nous adorons avec tout notre corps

Quand nous adorons Dieu, nous nous inclinons, nous nous mettons à genoux ou nous nous asseyons devant Lui, en lui offrant notre âme et nos mains ouvertes. « L'adoration signifie que je suis entièrement tourné vers Dieu, qu'il n ' y a plus aucun espace privé en moi où je me retire pour me replier sur moi-même et rêver éveillé »

Certains chrétiens prient avec le cœur fermé et emprisonnent leur âme dans leurs réflexions et préoccupations Ils réduisent leur vie et leurs prières à leurs propres pensées, demandes, réclamations, etc « La rencontre avec Dieu dans l'adoration vise à ouvrir tous les espaces fermés en moi et à laisser entrer le regard aimant et vivifiant de Dieu »

« L'adoration ne semble pas être une attitude capable de changer le monde Et pourtant, c 'est précisément l'adoration, dans laquelle je m 'oublie, qui est le lieu où je peux regarder le monde avec de nouveaux yeux Cela devient évident dans l'adoration eucharistique, telle qu 'elle est pratiquée dans la tradition chrétienne Nous

contemplons l'hostie, le pain transformé dans lequel nous voyons le Christ lui-même En contemplant l'hostie, nous regardons le monde entier avec un regard neuf Tout est imprégné par le Christ »

« L'adoration, en tant que geste primitif de l'homme, ne caractérise pas seulement notre relation avec Dieu, mais aussi notre relation avec nous-mêmes, avec les autres et avec le monde C'est aussi l'attitude de laisser être Je laisse Dieu être Dieu, l'homme être homme, et la nature être nature Je cesse de tout évaluer ou de tout changer. En laissant l'homme être tel qu'il est, je lui permets de grandir, de devenir ce qu'il est par nature. En laissant la nature être, je lui permets de s'épanouir et de devenir une bénédiction pour moi. Ainsi, l'adoration est une attitude qui, précisément aujourd'hui, à une époque où nous exploitons et livrons tout à la tyrannie de l'argent, nous fait cruellement défaut L'adoration est l'attitude de la libération intérieure de nous-mêmes et de notre avidité à vouloir tout utiliser pour notre profit Si, dans cette attitude de liberté, nous allons à la rencontre des gens et de la Création, nous ne les vivrons pas seulement différemment Nous découvrirons aussi que tout s'épanouit autour de nous »

v 09/2024

Suite au livre suivant : le PAS 7 du Chemin du Cœur « Avec Lui nous donnons notre vie »

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