Rapport de mission - Washington

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Contributions Auteurs

Ivan Beltran Julie Charron-Latour Arthur Claire Matthieu De Nadai Ludovic Deumaga Caroline Dietrich Yahya Diallo Marie-Pier Dufort LÊa Faggio Isabelle Fotsing Alexandre Jumelle-Kouakou François Marcoux Camille Matte Lucas Picci David St-Jacques Benoit Thibault Ilias Tihani Guillaume Vergne

Mise en Page

Julie Charron-Latour

Page de couverture Benoit Thibault

Photographes

Marie-Pier Dufort Ivan Beltran Guillaume Vergne


« C’est toujours plus compliqué. » Thierry Warin

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Merci Ă nos commanditaires


Guide de lecture L’équipe d’édition a essayé autant que possible de respecter les règles et les recommandations de l’Office québécois de la langue française. Tout écart est involontaire et voudra bien être pardonné par le lecteur.

Des «isolements» tels que celui-ci soulignent l’importance de certains passages dans le texte. Les informations rapportées proviennent des différentes conférences. Les textes ont été préalablement envoyés aux conférenciers pour que les informations soient validées. Dans certains cas précis, les informations ont été obtenues par d’autres sources et celles-ci ont été mentionnées. C’est principalement vrai pour certaines bulles théoriques. Finalement, l’ensemble des photographies de ce rapport ont été prises par des membres de l’équipe de PolyFinances. Elles ont été obtenues dans tous les cas avec l’accord des personnes qui y figurent.

Voici une bulle théorique C’est ici que seront développées de manière concise certaines notions supplémentaires pour faciliter la compréhension générale du texte. Elles seront situées à proximité du paragraphe où la notion est évoquée. Lorsque le terme expliqué dans la bulle est présent dans le texte, celui-ci est écrit dans une police différente.


Remerciements Depuis sa création, il y a trois ans maintenant, PolyFinances est parvenu à dépasser les attentes de ses étudiants et ce, grâce aux efforts de ceux-ci. Cependant, rien de cela n’aurait été possible sans le soutien constant de Polytechnique Montréal. Toute l’équipe de PolyFinances tenait à remercier particulièrement Polytechnique Montréal, pour son appui dans les activités et le développement de ce projet. Je tiens tout d’abord à remercier, le directeur du département de mathématiques et de génie industriel, M. Pierre Baptiste, pour son appui dès la première édition de PolyFinances et également pour sa volonté de développer ce comité. Je veux également remercier Mme Line Dubé pour son aide quant au développement des relations externes ainsi que pour son appui à l’interne pour PolyFinances. Je veux aussi remercier la présidente du Conseil d’administration de la Corporation de l’École Polytechnique de Montréal Mme Michèle Thibodeau-DeGuire et le personnel de la Fondation de Polytechnique. Je veux aussi remercier le directeur général de Polytechnique Montréal, M. Christophe Guy. Je tiens à remercier Mme Denise Girard, sans qui l’équipe PolyFinances aurait également bien du mal à assurer sa communication au sein de Polytechnique Montréal. Je tiens particulièrement à remercier la professeure du département de génie industriel Mme Nathalie De Marcellis-Warin qui nous a accompagnés tout au long de ce projet. Son implication est une des raisons du développement de PolyFinances aujourd’hui. L’équipe PolyFinances 2014 tient à remercier également M. Thierry Warin pour l’énergie qu’il aura déployée dans la construction de PolyFinances et son aide dans l’organisation du campus de Washington. L’équipe PolyFinances 2014 n’oublie pas ses commanditaires : la Caisse de dépôt et placement du Québec, le CIRANO, Finance Montréal, LOJIQ, et bien entendu Polytechnique Montréal et le département de Mathématiques et Génie Industriel (MAGI). Un grand merci à toutes les institutions et firmes qui ont reçu PolyFinances à Montréal et à Washington : les membres de PolyFinances ressortent grandis d’avoir échangé avec des sources de savoir privilégiées. Ce rapport est le fruit des rencontres de l’équipe PolyFinances 2014 avec tous les intervenants rencontrés. PolyFinances n’oublie pas ses lecteurs hebdomadaires dont le nombre grandit d’année en année, vous êtes une des raisons qui motivent l’équipe à écrire des notes sectorielles meilleures de semaine en semaine. Pour terminer, je tiens à remercier spécialement chacun des membres de l’équipe PolyFinances 2014 pour leur contribution au succès de PolyFinances. Il convient aux prochaines générations de Polyfinancier(e)s de continuer à faire vivre ce magnifique projet. Soyez certains que nous garderons un œil bienveillant sur les exploits futurs de ce comité.

Ivan Beltran, Coordonnateur de PolyFinances 2013-2014

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Table des matières 12 PolyFinances...à la découverte du monde de la Finance international 14 Introduction à la thématique 2014 18 Montréal, place financière Un réseau de rencontres pour PolyFinances

22 Risque systémique et réglementations Peterson Institute avec Nicolas Véron

26 Visite de la banque centrale À la table du Conseil des gouverneurs

32 The Brookings Institution

À la rencontre du «Think tank» le plus influent

36 Savoir répondre à la crise

Discussion avec un membre du Groupe des Trente

42 Stabilité financière américaine U.S. Securities and Exchange Commission

46 Réduire son risque par l’assurance Rencontre avec la division Wells Fargo Assurance


50 Fonds monétaire international Soutenir les économies mondiales

54 The World bank group Son rôle et ses mécanismes

58 La crise et l’Union Européenne

La délégation de l’Union Européenne aux États-Unis

64 Impact de la crise : une vision mondiale Rencontre à l’Institut International de la Finance

68 Développons l’Amérique Latine Banque interaméricaine de développement

72 Ambassade du Canada

Soutenir les échanges avec les États-Unis

76 Prochains défis des États-Unis

Rencontre avec un correspondant de Yahoo News

82 Campus 2015

L’univers du capital de risque ici et ailleurs

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Polyfinances

PolyFinances a été fondé en 2011 conjointement par le professeur Thierry Warin et par un groupe d’étudiants au baccalauréat et à la maitrise à Polytechnique Montréal.

PolyFinances a été mis sur pied pour permettre de faire le pont entre les compétences de l’élèveingénieur et les secteurs industriels dans lesquels ses compétences s’exprimeront.

En se basant sur des concepts d’économie industrielle, ils étudient des méthodes d’évaluation des entreprises menant à la gestion d’un portefeuille d’actions boursières d’entreprises technologiques.

PolyFinances contribue à former une nouvelle génération d’ingénieurs : au sommet de leur art en ingénierie, ils seront aussi capables d’analyser les forces et faiblesses d’une entreprise dans son environnement économique et commercial.

Après deux campus à New York, PolyFinances souhaite désormais changer de destinations régulièrement. En 2014, la ville de Washington D.C. a été choisie par le conseil d’administration et la nouvelle équipe.

Les ingénieurs ou futurs ingénieurs souhaitent aussi mettre la technologie au service de la finance. Une équipe d’étudiants de PolyFinances a d’ailleurs remporté un prix lors du Forum Fintech 2013 organisé par Finance Montréal.


Rapport PolyFinances 2014 - Avant-Propos

Le comité

De gauche à droite à partir du dernier rang : Guillaume Vergne, Ludovic Deumaga, Marie-Pier Dufort, François Marcoux, Isabelle Fotsing, Yahya Diallo, Lucas Picci, Benoit Thibault, Caroline Dietrich, Arthur Claire, Ilias Tihani, Léa Faggio, Matthieu De Nadai, Alexandre Jumelle-Kouakou, Camille Matte, Ivan Beltran, Julie Charron-Latour et David St-Jacques

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PolyFinances à la découverte du monde de la Finance internationale Depuis 4 ans que PolyFinances a été fondée, nous pouvons voir que l’engouement des étudiants pour compléter leur formation d’ingénieur en participant au projet PolyFinances ne s’est pas arrêté. Bien au contraire ! Les cohortes qui se succèdent montrent que le projet attire d’excellents étudiants, passionnés par le génie et la technologie et qui souhaitent explorer les horizons de la Finance. Les notes sectorielles qui ont été publiées en 2013-2014 par les étudiants de PolyFinances sont de grande qualité. C’est un plaisir de voir nos étudiants analyser les stratégies des entreprises technologiques dans leur environnement en alliant leur expertise en génie et leurs connaissances toute nouvellement acquises en économie industrielle et en analyse financière industrielle. J’en profite pour remercier Robert Normand, chercheur au CIRANO qui enseigne le cours d’Analyse financière industrielle et qui anime l’atelier sur la gestion de portefeuille. En effet, 20132014 c’est aussi l’année des premiers ordres de bourse avec un portefeuille en dollars sonnants et trébuchants. Je vous conseille de surveiller de près nos génies de la Finance ! Les nombreuses rencontres effectuées à Montréal ont permis aux étudiants de bien appréhender le rôle de Montréal comme place financière. Je remercie tous les conférenciers qui ont pris de leur temps pour rencontrer nos étudiants, parfois bien au-delà du temps prévu… Je remercie aussi nos membres du CA de PolyFinances qui nous aident dans ces démarches en nous ouvrant leur carnet de contacts. La participation de nos étudiants lors de conférences qui se déroulent à Montréal qui sont invités par Finances Montréal et par la Fondation de

Polytechnique est aussi très appréciée. De belles occasions de réseautage ! Enfin, le Campus Washington 2014 a été succès ! Des visites au-delà des attentes. Une découverte du monde de la finance internationale, une meilleure compréhension de la crise de 2008, une démystification de la notion de risque systémique et des rencontres avec des acteurs de haut calibre au cœur des décisions. De belles rencontres et une expérience extraordinaire pour nos étudiants de PolyFinances ! Je remercie notre conseiller spécial pour cette mission Thierry Warin, fondateur de PolyFinances sans qui cette mission n’aurait pas pu atteindre de tels sommets ! Et je veux finir en félicitant nos étudiants de la cohorte 2013-2014. PolyFinances c’est aussi un groupe d’étudiants en génie qui excellent en gestion de projet, en financement de projet, en logistique et en optimisation ! Leur esprit d’équipe et leur professionnalisme ont aussi été des conditions du succès de la mission. Avec ce projet offert sur une année à Polytechnique Montréal, les « PolyFinanciers » seront d’excellents candidats pour les entreprises technologiques, de génie-conseil, les banques d’affaires ou les banques d’investissement. Je souhaite donc beaucoup de succès à cette nouvelle génération d’ingénieurs ! Respectueusement,

Nathalie de Marcellis-Warin, PhD Professeure agrégée, Département de Mathématiques et de Génie Industriel, Polytechnique Montréal Vice-Présidente du CIRANO, Groupes Risques et Développement durable


Rapport PolyFinances 2014 - Avant-propos En 2014, cela fait déjà 6 ans que le monde traverse une crise. Et pas n’importe laquelle. La crise de 2008 est en effet souvent comparée à celle de 1929. Il y a certes des points de ressemblance, mais il y a aussi des différences fondamentales. La première ressemblance est qu’il s’agit d’une crise financière. En revanche, les différences sont nombreuses. La crise financière est en réalité la première crise de la finance moderne avec la gravité qu’on lui connaît. C’est en effet la première fois que la finance moderne, qui a démarré avec la mise en application des théories de Markowitz, Sharpe, ou Lintner, fait face à un crise massive. Cette crise financière s’est transformée en une crise des dettes souveraines alors que les États se sont mis à soutenir leur industrie financière et leurs économies nationales à travers les stabilisateurs automatiques. Ce terme «industrie» est d’ailleurs particulièrement intéressant. En effet, la finance est un peu comme la physique nucléaire. Les modèles financiers sont des modèles purs, très beaux mathématiquement et donc très convaincants. En revanche, il faut ensuite traduire ces modèles théoriques en produits financiers, comme il faut traduire la théorie nucléaire en électricité. Cette traduction se fait au sein d’une industrie, c’est-à-dire au sein de banques commerciales ou d’investissement, à travers des agences de notation, des agences d’information financière, des banques centrales, et des régulateurs. Cette industrie peut avoir une structure plus ou moins concurrentielle, et va développer des stratégies pour s’écarter de ses concurrents. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de réaliser que les modèles et la réalité sont deux choses disctinctes. Et alors que le prix Nobel d’économie vient juste d’être conféré au professeur Jean Tirole pour son travail sur les réglementations optimales des industries, il est intéressant de constater la ponctualité du thème d’étude de Polyfinances : le risque systémique. En effet, il y a quand même un problème avec les modèles théoriques qui alimentent l’industrie financière : il faudrait intégrer le risque systémique

aux côtés des risques déjà identifiés de risque spécifique et de risque systématique. Le risque systémique n’est pas présent dans les modèles originels. Son absence mène à des conclusions erronées sur la largeur et la profondeur des marchés financiers. En effet, dans le cadre analytique orthodoxe de la finance moderne, le principe de diversification justifie une plus grande largeur et profondeur des marchés financiers. Une conséquence a été la fin du Glass-Steagal Act aux Etats-Unis par exemple. La réglementation était vue comme un frein à la profondeur des marchés et donc réduisait les avantages du principe de diversification. L’industrie financière était donc supposée moins risquée dans un contexte d’allègement des réglementations. La crise de 2008 est venue nous rappeler qu’il fallait vraiment repenser les modèles de risque. Avec cette métaphore sur la physique nucléaire, il est aisé de comprendre que des élèves-ingénieurs soient parfaitement équipés pour comprendre la logique industrielle derrière les modèles financiers. En effet, l’objectif de Polyfinances est de contribuer à l’industrie financière non pas en proposant de se répliquer mais en lui proposant des profils complémentaires. Polyfinances a été créée alors que l’on réfléchissait aux leçons de la crise. Former une nouvelle génération d’ingénieurs afin qu’elle aille offrir des perspectives différentes sur les marchés financiers semblait être une évidence. Avec cette troisième cohorte et ce campus exceptionnel à Washington D.C., là où les réglementations sont faites et défaites, Polyfinances n’a jamais été aussi pertinente. Bonne lecture et longue vie à Polyfinances.

Thierry Warin, Ph D. Professeur agrégé, HEC Montréal Fondateur de Polyfinances Conseiller spécial de la mission à Washington D.C.

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Introduction à la thématique 2014 À ce jour, la bourse a beau atteindre de nouveaux sommets chaque mois, les efforts du gouvernement américain pour soutenir l’économie sont toujours considérables et les taux d’intérêts sont toujours au plancher. Les conséquences de la crise sont encore omniprésentes, difficile de les ignorer. C’est pourquoi, dans la continuité de l’édition précédente, la cohorte 2014 de PolyFinances se concentre sur l’étude des risques systématique et systémique : une nuance étymologique qui fait toute la différence. La compréhension et la mesure du risque systémique s’avérant plus complexe, nos efforts s’y consacreront. Derrière lui se cache l’effet domino qui fit sombrer l’économie mondiale suivant la crise des subprimes aux Etats-Unis. Ainsi, afin de mieux comprendre comment les économistes en sont venus à définir ce risque systémique, les étudiants du groupe PolyFinances ont tenté d’en analyser l’historique. La théorie du risque systémique apparaît à la fin du 19ème siècle quand les États-Unis commencent à développer des lois afin de briser les monopoles en vigueur. Le tout est marqué par le Sherman Anti-Trust Act (1890). Cette loi avait pour but de limiter les comportements anticoncurrentiels des entreprises monopolistiques. Cette initiative du sénateur John Sherman avait aussi comme objectif de sanctionner les ententes illicites entre deux géants d’un secteur concernant les prix affichés et les actes relevant de l’abus d’une position dominante. Ensuite, la théorie moderne du portefeuille, élaborée par Markowitz en 1952, vient révolutionner les modèles financiers. L’hypothèse principale de cette théorie attribue une valeur au marché représentative de la valeur réelle de l’entreprise.


Rapport PolyFinances 2014 - Introduction à la thématique 2014 William Forsyth Sharpe rend cette théorie un peu plus réaliste et développe un second modèle en 1990, rajoutant à celui de son prédécesseur une variable supplémentaire, epsilon, qui prend en compte les variations et les erreurs imprévues du premier modèle. Ainsi, on introduit au modèle de Markowitz le risque systématique, qui correspond au risque non diversifiable. Il manque encore au modèle théorique le risque systémique qui correspond au danger que le système financier entier s’effondre dû à l’interaction opaque entre les différents acteurs du système et rend ainsi l’hypothèse de Markowitz plus réaliste. Ce risque est élevé si la profondeur de marché, définie comme étant le degré de diversification des activités ou des titres bousiers à l’intérieur d’une firme, est trop faible ou trop élevée. Il y a donc une profondeur de marché optimale qui permet de minimiser le risque total. Pour s’approcher de ce minimum, il convient d’établir une régulation cohérente pour positionner les marchés financiers. (Warin & Prasch, 2013) Voilà justement un des points qui a fait défaut; la dérèglementation des structures financières, essentiellement les banques et les activités qu’elles étaient en mesure de pratiquer, amorcée dans les années 80-90 aux États-Unis. Une période d’euphorie économique américaine culminant en 1999 avec l’abolition du Glass-Steagall Act de 1933, principale mesure prise dans le sillon du krach de 1929, qui forçait la dissociation des banques de dépôt, des banques d’investissement et des compagnies d’assurance. D’où l’apparition de méga-groupes bancaires : Citigroup, JP Morgan-Chase-Bank One, Bank of AmericaFleet Boston. Maintenant plus libre que jamais d’investir les épargnes des particuliers, les banques ont emmené le marché vers des profondeurs inexplorées. L’homogénéité des croyances et des comportements des dirigeants, issus des mêmes écoles, a laissé peu de place au scepticisme. Ensuite, la propagation de la crise vers l’Europe s’explique par la structure oligopolistique du système bancaire européen, aussi piégé par leurs investissements massifs dans les produits dérivés américains. Une fois contaminée, l’Europe était condamnée, de nombreux pays ayant en

leur possession la dette de leurs voisins. Les positions ambigües de l’Union Européenne quant au sauvetage de ses membres les plus en difficulté comme la Grèce, ont eu comme conséquence l’explosion des taux d’intérêts et des dettes émises par ces pays. En effet, les pays européens ont été très hésitants avant d’agir durant la crise, les gouvernements ont cru que le système financier serait assez fort pour se relever de lui-même sans y apporter quelconque modification. Ce n’est qu’en 2011, soit trois ans après la crise, qu’une meilleure coordination internationale s’est implantée au sein de l’Europe et que des prêts ont été autorisés aux pays en difficulté. En somme, si l’explication de la crise de 2007-08 devait être réduite à un seul mot, autre que «nature humaine», notre choix s’arrêterait sur «dérèglementation». Évidemment, de cette catastrophe financière ont découlé certaines réformes, notamment le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act aux ÉtatsUnis en 2010, simultanément aux Accords de Bâle III à l’international. C’est avec cet aperçu de la situation, étayée par une année de théorie et de conférences, que notre équipe s’est envolée vers Washington, de l’enthousiasme plein les bagages.

Définitions selon Markowitz Le risque spécifique est relié à un titre unique et se contrôle avec la diversification du portefeuille. En effet, si un titre se porte mal, il sera compensé par d’autres qui se portent mieux. Le risque systématique, un risque exogène qui touche tout le monde, est non assurable. C’est le risque associé à des évènements qui toucheront l’ensemble de l’économie ou d’une industrie, par exemple les catastrophes naturelles. La diversification n’y change donc rien.

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Campus Washington Washington, dominée par une architecture monumentale et homogène, traversée par ses axes obliques profonds, n’a rien à envier aux intimidants gratte-ciels de la capitale financière du pays, New York. Tout comme la pertinence de ce campus n’a rien à envier aux précédents, le besoin de variété ne pesant rien dans une balance décisionnelle écrasée par tout ce que Washington avait à offrir.

Certains surdoués, oui, mais tous curieux, intéressés à être dans le feu de l’action, ambitieux de toujours mieux comprendre leur domaine pour servir l’humanité. En rencontrer certains ne devraient que nourrir notre besoin de dépassement de soi, intellectuel et professionnel, et offrir un aperçu des multiples chemins pour mettre à profit notre potentiel au sein du monde.

D’abord, notre thème, précédemment introduit: les risques systémiques et systématiques, dont le premier attire particulièrement l’attention, car il explique la propagation de la plus récente crise financière. Sept ans plus tard, les indices boursiers ont beau avoir retrouvé leur sommet pré-crise, les mesures de la FED et d’autres banques centrales pour stimuler l’économie demeurent importantes. Dans cette reprise, Washington tient un rôle crucial, à la fois analytique, décisionnel, législatif et diplomatique, alors cette destination nous permet d’apprécier le travail de plusieurs régisseurs de la finance et de l’économie mondiale.

Le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, la Security and Exchange Commission, la Banque InterAméricaine de Développement, le Peterson Institute, The Brookings Institute, la Réserve Fedérale, l’Ambassade canadienne, la délégation québécoise à Washington, Wells Fargo Insurance, Institute of International Finance, la délégation de l’Union Européenne aux États-Unis, un correspondant à la Maison Blanche, le groupe des 30… 14 conférences inestimables dont vous découvrirez le contenu à la lecture de ce rapport.

Pour encadrer et essayer de maîtriser cette bête complexe qu’est la finance, les institutions internationales présentes à Washington doivent posséder une expertise pointue dans plusieurs domaines, de quoi faire de la capitale le lieu de résidence de nombreux experts internationaux.

Washington offre une concentration d’expertise, en plus du Congrès, des Ministères et d’universités de renom (Georgetown, Georges Washington et John Hopkins pour ne nommer que celles-là), qui contribue à attirer les entreprises et leurs armées de lobbyistes, qui, même à une époque où la technologie facilite l’accès à l’information, ne sous-estiment pas l’importance d’une proximité physique. Nous non plus, la page Wikipedia de Janet Yellen ne nous informait pas du doux parfum imprégné dans le coussin de sa chaise !


Rapport PolyFinances 2014 - Introduction à la thématique 2014

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Montréal, place financière

Un réseau de rencontres pour PolyFinances Tout au long de l’année, nos visites, d’une diversité et d’une richesse incroyable, nous ont permis de découvrir le Montréal de la finance et ses atouts. Montréal dispose d’un grand nombre d’institutions financières dynamiques et bénéficie d’une pépinière de start-up et d’une source d’innovation intarissable grâce à un domaine universitaire extrêmement prolifique et diversifié. Tous ces facteurs font de Montréal un lieu attractif de la finance canadienne dont nous souhaitons faire partie grâce à notre fonds d’investissement. Dans les années à venir, nous souhaitons capitaliser sur les liens que nous avons tissés au fil de ces rencontres et en créer de nouveaux afin d’étendre notre réseau et parfaire notre compréhension de la finance et du fonctionnement des marchés financiers. Montréal ayant récemment été promue au rang de 16ème place financière mondiale, nous espérons pouvoir compter sur ce développement certain de la finance dans les années à venir pour y faire prévaloir notre approche d’ingénieur manager et nos outils d’analyse fondamentale.

FIERA CAPITAL Nous avons eu la chance de rencontrer M. Jean-Guy Desjardins, fondateur de Fiera Capital. Après nous avoir expliqué son parcours hors-norme, M. Desjardins nous a mentionné l’importance des politiques monétaires et financières pour les entreprises. Ils nous a également partagé l’importance des groupes académiques (Think Tank) pour le milieu économique. Nous étions alors encore plus convaincus de l’importance de rencontrer à Washington des groupes comme le Peterson Institute ou le Brookings Institution.


Rapport PolyFinances 2014 - Montréal, place financière

THIERRY WARIN

RDA CAPITAL Nous avons eu le privilège de rencontrer, M. Magny, le PDG de RDA Capital, un « hedge funds » québécois. Démystifiant le sujet, ce dernier nous a permis dans un premier temps de mieux saisir les principes de la gestion alternative mais également de combattre certaines idées préconçues. En effet, loin d’être le domaine le plus risqué de la finance, ces fonds alternatifs permettent avant tout à leurs clients de diversifier leur portefeuille. En lien avec notre thématique annuelle, notre conférencier a orienté sa présentation sur l’évolution de la gestion alternative depuis de la crise 2008 en abordant les nouvelles réglementations sur les pratiques dans le domaine des produits dérivés. Alors que RDA Capital a été créé en 2009, ils ont su profiter de la vague positive du marché.

HILLARY CLINTON Nous avons eu la chance d’assister à la conférence de Mme Hillary Clinton organisée par la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain.

Professeur au HEC Montréal et viceprésident du groupe Stratégie et économie internationales au CIRANO, Thierry Warin a su nous présenter les différentes théories entourant le risques spécifiques, systématiques, et systémiques, Une belle introduction qui nous a outillés dans le but de comparer les perceptions des acteurs rencontrés autant à Montréal qu’à Washington.

MCKINSEY & CO Le cabinet de conseil McKinsey & Co nous a accueilli pour traiter de l’impact de la crise de 2008 sur la gestion des risques au sein des banques et des institutions financières. Le marché a alors été forcé de constater son erreur : avoir relégué au second rang l’utilisation des outils de mesures du risque au dépend de la rentabilité. Collés à la réalité des institutions financières, les intervenants expérimentés ont su nous informer sur l’évolution des pratiques en commençant par les nouvelles règlementations telles que Bâle III et le Dodd Frank Act. Ainsi, nous étions davantage outillés pour rencontrer de grandes institutions américaines comme la SEC (voir page 42).

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20 ROBERT PANETRAYMOND TERALYS CAPITAL M. Jacques Bernier, associé principal de la compagnie Teralys Capital et membre du CA de PolyFinances, a débuté son échange en nous partageant son expérience d’entrepreneur. Sa carrière flamboyante lui permet aujourd’hui de diriger le plus grand fonds de fonds en technologie au Canada (1,2 G$). L’entreprise s’est donnée comme politique d’investir dans l’entreprenariat et l’innovation de façon substantielle au Québec. M. Bernier nous a ainsi fait découvrir le rôle des fonds de capital-risque dans le démarrage de jeunes entreprises. Il nous a également permis de réaliser le potentiel de Montréal pour les investisseurs. En effet, avec un domaine étudiant extrêmement riche, Montréal est, selon lui, un incubateur horspair pour l’innovation et la création de start-up.

Membre de plusieurs conseils d’administration, Robert Panet-Raymond a su partager avec pédagogie un cas concret : une acquisition horizontale par une entreprise agroalimentaire québécoise. Cette discussion, ponctuée d’anecdotes, nous a permis de connaître l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise de décision. Un ingénieur se confine souvent à la technologie, mais il ne doit pas oublier que la gestion, les ressources humaines et la finance sont aussi des dimensions primordiales pour la dynamique d’une entreprise.

MAPLES FUNDS Le groupe Maple Funds est un fournisseur de services pour l’administration de fonds d’investissements. Son expertise se situe principalement sur deux points : la technologie associée au fonds d’investissement ainsi que la gestion des processus opérationnels. Ces services s’adressent à tous les types de fonds, que ce soit des fonds alternatifs («hedge funds»), fonds de fonds alternatifs («funds of hedge funds»), des investisseurs institutionnels ou privés.


Rapport PolyFinances 2014 - Montréal, place financière

KPMG Chez KPMG, un cabinet de conseil renommé, les intervenants rencontrés ont démystifié les différents types de risques : opérationnels, financiers, stratégiques et de réputation. Puis, ils ont abordé l’importance d’avoir une vision globale de ceux-ci dans le cadre d’une gestion intégrée des risques. Finalement, ils ont abordé les différents moyens pour mesurer ces risques en considérant l’impact et la probabilité d’occurrence.

BOURSE DE MONTRÉAL La Bourse de Montréal nous a invités à deux reprises dans ses locaux. Au cours de cellesci nous avons pu dans un premier temps aborder l’histoire de la Bourse de Montréal, mais également son fonctionnement quotidien et sa structure organisationnelle. Dans un second temps nous avons abordé l’architecture informatique de la Bourse et les différents produits que TMX Group offre à ses clients.

CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT Acteur majeur de la finance canadienne, la Caisse de Dépôt et Placement du Québec gère un portefeuille de plus de 200 G$ CAN. Les différents intervenants nous ont éclairés sur les différentes structures organisationnelles, sur les méthodes de gestion des risques et sur les politiques de placement. L’élément clé de la visite fut la visite du centre de «trading» où les employés nous ont présenté les outils informatiques les plus pertinents à leur travail.

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Risque systémique et réglementations Peterson Institute avec Nicolas Véron David St-Jacques Finissant au baccalauréat Génie mécanique Nicolas Véron Nicolas Véron, co-fondateur et chercheur au Bruegel, un Think tank européen, ainsi que chercheur au Peterson Institute for International Economics, se spécialise dans la recherche et l’étude des systèmes financiers internationaux ainsi que sur les réformes qui sont parvenues à changer significativement ces systèmes. Plus particulièrement, il participe à la mise en valeur des initiatives de règlementations de l’économie globale et aux récents développements de l’Union Européenne. Ses dernières publications ont pour objet la gouvernance des firmes de notations, la supervision des banques, la gestion de la crise économique internationale et bien plus. En septembre 2012, Bloomberg a inclus M. Véron dans sa liste des 50 personnes les plus influentes de la finance internationale.

Peterson Institute for International Economics L’équipe de PolyFinances a rencontré M.Véron à Washington au Peterson Institute, un prestigieux Think tank à but non lucratif et non partisan qui se spécialise dans la recherche sur le développement et les répercussions des politiques économiques internationales. Depuis 1981, cette institution publie des analyses objectives et des solutions concrètes aux problèmes qui ont des impacts sur l’économie mondiale. En 2008, le Peterson Institute a reçu le prix du meilleur Think tank, décerné par la BBC.


Rapport PolyFinances 2014 - Risque systémique et réglementations

Les nouvelles réglementations adoptées au lendemain de la crise ontelles permis de stabiliser l’environnement macro-économique? Le groupe PolyFinances est allé chercher des éléments de réponses auprès du Peterson Institute. M. Véron, notre conférencier, a une opinion modérée sur ce sujet. L’implantation de nouvelles règlementations ne garantit pas à coup sûr une bonne santé macroéconomique pour l’avenir. La mutation après 2008 se fait de manière lente et les initiatives du G20 ainsi que celles du Financial Stability Board (FSB) restent encore une expérimentation, leurs effets secondaires n’ayant pas encore été observés. Les lectures effectuées par les membres de PolyFinances indiquent d’ailleurs que, à titre d’exemple, les Accords de Bâle III obligeront les banques à réduire leur effet de levier (fonds propres sur le total des actifs) à un rapport inférieur à 33:1 seulement en 2018. Ce rapport permet encore aux banques de faire des investissements à haut risque. La réduction des effets de levier et l’augmentation du capital dans les banques sont des mesures prises sur la base de choix relativement arbitraires et ils relèvent davantage d’une logique d’essai-erreur. Aussi, il faudra donc attendre la prochaine variation importante des marchés pour avoir une confirmation claire que les dernières mesures prises pour contrer le risque sont bel et bien adéquates. De plus, les règlementations sur la méthodologie des agences de notation ne sont pas garantes de l’élimination totale de leurs erreurs. Il restera toujours une part de jugement, et donc d’incertitude, dans l’adoption de la valeur du risque d’une firme en bourse. De ce fait, M. Véron aborde donc la nécessité d’avoir une meilleure organisation mondiale pour la surveillance de certains segments de marchés tels que les agences de notation, une ambition difficile mais pas impossible à réaliser selon

Bâle III Bâle III est un ensemble de mesures de réglementations développées à partir de 2010. Ces mesures ont pour but de renforcer la réglementation et la gestion des risques dans le secteur bancaire. Ainsi, Bâle III vise à améliorer les pratiques des banques principalement sur deux points leurs fonds propres ainsi que leurs liquidités. Dès lors, ces réglementations ont pour ambition d’améliorer la gestion des risques, la transparence, et ainsi renforcer le secteur bancaire en cas de nouveaux chocs. La mise en place de ces réglementations est néanmoins longue et complexe, et nécessite une mise en place graduelle au niveau des taux à respecter. La force du secteur bancaire canadien pose le Canada comme meneur concernant la mise en place des normes définitives. L’Union Européenne et les Etats-Unis ont quant à eux adopté définitivement les règles de Bâle III en juillet 2013.

Agence de notation Le principal rôle des agences de notation est d’évaluer le risque de non-remboursement d’une dette souveraine, d’une collectivité, d’une entreprise ou d’une opération financière (emprunt par exemple). Malgré le fait que ces agences soient rémunérées par le demandeur de notation, la cote attribuée est indépendante de toute influence externe. Alors qu’en 1975 il y avait plus de 45 agences de notation, aujourd’hui il en reste moins de dix dont trois étant surnommées le « Big Three ». Formé des agences Standard & Poors, Moody’s ainsi que Fitch Ratings, le « Big Three » détenait plus de 95% des parts du marché en date de 2012. Les agences de notation sont surveillées de près par les marchés financiers et suite à la publication de Bâle II, elles doivent adhérer aux principes de transparence, objectivité, information du public, objectivité, crédibilité ainsi que détenir un niveau de fonds suffisant pour mener à terme leurs activités. Alors que les agences de notation occupent un rôle très important au niveau de la mesure du risque spécifique, leur pertinence a été contestée lors de la crise financière de 2008 ainsi que lors de la crise de la dette grecque de 2010.

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24 lui. M. Véron mentionne l’existence d’un cadre international comparativement éprouvé dans le domaine de la sûreté nucléaire. La comparaison n’est pas anodine, car elle se poursuit sur la gestion du risque.

L’État – autrement dit la société – est l’assureur de dernier ressort qui devra assumer les conséquences d’un accident nucléaire ou d’une crise financière grave. Ainsi, l’État doit donc s’outiller efficacement en termes de gestion de risques pour pouvoir profiter de la production d’énergie nucléaire ou des rendements du système financier. Les principaux arguments pour la construction d’organismes mondiaux proviennent du fait que les flux monétaires se font de plus en plus sans égard aux frontières et suivent les élans de la mondialisation. À titre d’exemple, des échanges entre les États-Unis et l’Europe sont basés sur différentes règlementations dues à différentes structures bancaires. Cela peut donc mener à des interprétations différentes de l’échange entre les deux acteurs. Ces interprétations différentes peuvent prendre la forme d’une philosophie différente à adopter tant qu’aux règlementations financières à instaurer pour éviter de retomber rapidement dans une autre récession. M. Véron explique d’ailleurs qu’à toute fin pratique, la base des philosophies règlementaires entre les ÉtatsUnis et l’Europe sont similaires. Cependant, les centres d’intérêts et le rôle des acteurs influents (y compris les lobbys américains et européens) vont finir par apporter des différences au niveau des décisions finales. La présence d’organismes mondiaux pourrait réduire ces différences, et donc le risque, lors de la prise de décision qui touche l’ensemble de l’économie mondiale. Enfin, est-il possible de contrôler ou d’éliminer complètement le risque systémique? Existe-til même un modèle mathématique fiable pour le

mesurer? M. Véron pense que non. Le risque systémique, par définition, comprend un facteur humain et social. Les modèles mathématiques de gestion du risque ne peuvent pas couvrir entièrement tous les types de risques. Autrement dit, on lutte contre le risque systémique, mais impossible de le faire disparaître, car même à l’échelle nationale il persiste, alors même un gouvernement mondial ne pourrait parvenir à l’éliminer complètement.

M. Véron mentionne par analogie que le cerveau humain est moins bien compris par la science médicale contemporaine que le reste du corps humain. De manière similaire, les économistes comprennent moins bien le système financier que l’économie dans son ensemble. De plus, il existe toujours une différence de mentalité entre les analystes de données économiques et les décideurs de politiques publiques et économiques. Ces deux mondes semblent ne pas pouvoir totalement s’imbriquer à cause de la différence des intérêts, des mentalités, de la nécessité pour les gouvernements de répondre à l’opinion publique, et de l’influence des lobbys. En somme, la difficulté au niveau de la transition et de la traduction des informations entre le monde de la finance, de la politique, de l’académique et du public représente en soi un risque systémique. C’est d’ailleurs ce qui explique l’image négative de la finance dans l’opinion publique. On remarque entre autres que l’opinion publique se rabat sur des acteurs qui ne sont pas nécessairement coupables de la dernière crise financière. Ce public peut donc finir par perdre complètement confiance dans le système financier. De ce fait, les règlementations doivent prendre en compte le fait que les institutions bancaires jouent un rôle clé dans le maintien de la confiance dans nos sociétés. La transparence et le rôle de tous les acteurs qui ont un impact sur la balance de l’économie devront donc être mis à


Rapport PolyFinances 2014 - Risque systémique et règlementations

l’avant-plan dans la construction des prochaines règlementations financières. Pour conclure, en connaissant la nature du risque systémique et les impacts possibles, comment un gouvernement peut-il se préparer à affronter une future crise économique? Sur ce sujet, M. Véron propose de concevoir des modèles pour différents types de crises possibles. Ces modèles seraient fondés sur l’analyse des impacts macroéconomique mondiaux de différents facteurs de crise. Ces modèles auraient donc un thème de macro-prudence. Ce terme de macro-prudence se définie comme une méthode visant à assurer une sécurité générale au niveau de la gestion des systèmes financiers par l’entremise d’une modélisation à plusieurs niveaux. Pour arriver à ces modèles, l’analyse et la simulation en temps réel des flux bancaires seraient une première source de données intéressantes. De plus, l’implantation des règlementations au sein des systèmes bancaires semble aider à l’atténuation des impacts de la crise, sans toutefois en être complètement à l’abri. À ce propos, le Canada est d’ailleurs un paradoxe. Le système bancaire canadien est composé d’un très petit nombre de grandes banques à travers

le pays. Dans le jargon de la finance, les banques canadiennes représentent donc des institutions qui sont «Too Important to Fail». Au niveau des ÉtatsUnis, ce genre de banques a été pointé du doigt comme étant responsable de la crise financière. Comment expliquer le fait qu’avec le même genre de banques - peu de banques qui contrôlent le marché entier-, le Canada ait réussi un peu mieux à sortir de la crise que son voisin du Sud? Les quelques banques canadiennes sont fortement règlementées et il ne leur est pas permis de prendre certains risques. La règlementation des banques canadiennes apporte donc une confiance plus élevée de la part des contribuables envers leur système bancaire. Enfin, une plus grande stabilité et un risque moindre en général en résultent au sein des activités bancaires.

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Visite de la banque centrale À la table du Conseil des gouverneurs François Marcoux Finissant au baccalauréat Génie biomédical

Ivan Beltran Étudiant à la maitrise Génie industriel

Ludovic Deumaga Finissant au baccalauréat Génie informatique

Le conseil des gouverneurs Le Conseil des gouverneurs est l’organisme situé à la tête de la Réserve fédérale des ÉtatsUnis. Composé de sept membres nommés par le président américain et approuvés par le Sénat, le Conseil des gouverneurs a deux fonctions principales : • Maximiser le nombre d’emplois aux ÉtatsUnis ; • Minimiser l’inflation aux États-Unis (typiquement la maintenir en dessous de 2%). Le contexte économique étant en perpétuelle

fluctuation, le Conseil des gouverneurs doit utiliser des solutions en constante évolution. Suite à la crise économique de 2008, les méthodes conventionnelles de gestion de l’économie, comme la réduction du taux d’intérêt directeur, sont actuellement utilisées à leur plein potentiel. En plus de ces dernières, d’autres nouvelles méthodes, dites non conventionnelles, sont aujourd’hui utilisées par la Réserve fédérale pour gérer les effets de la crise financière : • La « forward guidance » • L’assouplissement quantitatif ou «quantitative easing »


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Figure 1 : Organisation de la Réserve fédérale américaine

La « forward guidance » Une Banque Centrale possède un contrôle relativement limité sur les taux d’intérêts. En effet, elle ne fixe que le taux court-terme d’une économie donnée. En conséquence, lorsque ce taux atteint un minimum, peu d’options conventionnelles demeurent à sa disposition. C’est à ce moment que la « forward guidance » entre en jeu. Suite à la crise économique de 2008, cet outil de « forward guidance » fut le premier à être utilisé par la Réserve fédérale américaine pour relancer l’économie. Sommairement, la «forward guidance» consiste en une plus grande transparence de la part de la Banque Centrale. Dans les années qui ont suivi la crise, plusieurs conférences, discours et présentations faits par la Réserve fédérale ont eu lieu afin de présenter les prochaines actions de celles-ci. Aussi, le Federal Open Market Committee (FOMC), composé du Conseil des Gouverneurs et des présidents des banques de la Réserve, est devenu beaucoup plus ouvert concernant ses politiques et ses intentions. Le FOMC est entre autres responsable de fixer les taux d’intérêts régis

par la banque centrale et de contrôler l’apport en liquidité dans l’économie.

Ainsi, au lieu de seulement exercer son contrôle sur le taux d’intérêt, une Banque Centrale qui utilise la « forward guidance » va aussi indiquer la période de temps pendant laquelle le taux d’intérêt se maintiendra à ce niveau. Cette période de temps est définie par plusieurs critères et seuils qui déclencheront un changement lorsqu’ils seront atteints. On retrouve parmi ces critères les taux de chômage et d’inflation. Cette méthode plus transparente permet donc aussi aux entreprises de prévoir les changements éventuels. En conséquence, la banque centrale espère convertir un taux d’intérêt court-terme bas en un taux d’intérêt longterme bas. En toute logique, cette méthode non conventionnelle va encourager les banques à prêter de l’argent à un taux d’intérêt long-terme plus bas

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28 grâce à l’assurance des taux d’intérêt court-terme bas. La « forward guidance » a aussi un effet sur la période pendant laquelle les taux d’intérêt courtterme bas augmentent. À ce niveau, la « forward guidance » a été très efficace pour repousser la date de décollement des taux d’intérêts court-terme bas en plus de diminuer l’ampleur de l’augmentation attendue. Aussi, l’incertitude liée aux politiques futures de la Banque Centrale américaine a pu être diminuée grâce à l’application de la « forward guidance ». De fait, l’incertitude actuelle concernant les taux de l’année à venir sont à un creux historique. Les acteurs importants de la Réserve fédérale pensent présentement que les taux d’intérêts se maintiendront jusqu’en 2015, pour ensuite augmenter légèrement en 2016 tout en restant inférieurs à 2%.

L’assouplissement quantitatif

L’assouplissement quantitatif est la seconde méthode non conventionnelle utilisée par la Réserve fédérale américaine afin de relancer l’économie. Comme pour la « forward guidance », cette approche vise à diminuer les taux d’intérêt longterme. Par contre, elle diffère quant aux moyens utilisés pour atteindre cet objectif. Plus précisément, l’assouplissement quantitatif se caractérise par un programme de rachat de valeur mobilière. En réduisant la quantité de tels actifs sur le marché, la Réserve fédérale espère diminuer le risque supporté par les investisseurs, pousser les taux d’intérêts long-terme vers le bas et augmenter la valeur de ces valeurs mobilières et actifs longterme. Il s’agit donc d’un moyen indirect d’injecter de l’argent dans les banques et d’augmenter leur liquidité. La Réserve fédérale a mis en place l’assouplissement quantitatif en plusieurs étapes. La première, LSAP I (« Large-Scale Asset Purchases I»), a été appliquée en novembre 2008 et

représentait initialement 500G $US d’hypothèques et 100G $US de dettes d’agences. À cela ont été ajouté 750G $US d’hypothèques, 100G $US de dettes d’agences et 300G $US de valeurs mobilières détenues par le Département du Trésor des États-Unis en mars 2009. Le programme LSAP I a réussi à diminuer les taux des bons du trésor et les taux privés, avec un effet plus marqué sur ces derniers (tableau 1). Tableau 1 : Les effets du LSAP I sur les taux d’intérêt long-terme 2 ans

5 ans

10 ans

20 ans

Trésorerie

-0.63

-1.06

-1.08

-0.76

AA

-0.63

-1.14

-1.27

-0.97

A

-0.87

-1.29

-0.98

-0.98

BBB

-0.49

-0.78

-0.96

-0.82

Aussi, LSAP I semble avoir diminué les inquiétudes autour des risques financiers liés à l’inflation, favorisant ainsi une relance économique. Le programme LSAP II a été lancé en novembre 2010 et s’est terminé en juin 2011. Suite aux programmes LSAP, la Réserve fédérale a mis en place le MEP (« Maturity Extension Program »), dont l’achat principal a été 400G $US en bons du trésor long-terme. Contrairement à LSAP I qui a eu un effet en forme de cloche sur les taux d’intérêt, MEP a eu un impact plus important à l’extrémité distante des taux d’intérêt. Le dernier programme de rachat d’actifs mis en place par la Réserve fédérale est le « FlowBased Purchase Program ». Il a été lancé en septembre 2012 et est encore d’actualité. Beaucoup moins radical que ses prédécesseurs, le programme s’apparente davantage à la politique monétaire standard de la règle de Taylor. Ces nombreux programmes de rachat d’actifs suscitent aussi beaucoup d’inquiétudes.


Rapport PolyFinances 2014 - Visite de la Banque centrale

Premièrement, les réserves excédentaires de la Réserve fédérale ont explosé depuis 2008 (Graphique 1). À titre comparatif, la légère hausse en 2001 représente les effets des événements du 11 septembre 2001.

Graphique 1 : Réserves excédentaires aux États-Unis

Plusieurs pensent que cette réserve excédentaire pourrait entraîner certains problèmes lorsque l’économie redécollera, comme par exemple une forte inflation. Toutefois, les recherches effectuées par la Réserve fédérale soutiennent qu’un tel scénario ne devrait pas arriver puisque les taux d’intérêt actuels sont à un niveau extrêmement bas. Deuxièmement, les programmes de rachat d’actifs compliquent la stratégie de sortie de la Réserve fédérale. En effet, une réserve excédentaire

L’équipe de PolyFinances au CIRANO avec le professeurs Thierry Warin, octobre 2013

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30 trop élevée pourrait se montrer problématique à gérer s’il faut maintenir un bas taux d’inflation. Troisièmement, l’assouplissement quantitatif pourrait aussi créer une bulle spéculative autour des prix des emprunts plus risqués. Cette bulle éclaterait lorsque les programmes de rachat d’actifs cesseraient. Finalement, la réaction prononcée du marché suite aux changements de politiques de la Réserve fédérale démontre l’importance des attentes du marché par rapport à la banque centrale, plutôt que par rapport aux mécanismes de l’offre et la demande. Les programmes de rachat d’actifs ont atteint leurs objectifs, qui sont de diminuer les taux d’intérêt long-terme, de supporter le marché immobilier et d’améliorer les conditions financières du marché. Ainsi, une relance économique est favorisée et l’inflation est, jusqu’à présent, maintenue en dessous de 2%.

Conclusion La fonction principale de la Réserve fédérale en temps de crise est de soutenir l’économie américaine. Alors qu’en temps normal il est possible de prévoir les variations du marché et d’agir en conséquence, en temps de crise des actions concrètes sont nécessaires. Ainsi, ces actions prennent forme via la « forward guidance » et l’assouplissement quantitatif. Grâce à ces mesures, la crédibilité de la Réserve fédérale a été augmentée. Ce qui lui confère aujourd’hui une plus grande influence sur le marché.

Taux d’intérêt directeur Le taux directeur – ou taux cible de financement au jour le jour – est le taux d’intérêt moyen auquel les banques se prêtent des fonds les unes aux autres pour la couverture de leurs transactions journalières. Il est fixé par la Banque Centrale dans le cadre de sa politique monétaire, de façon à maintenir un équilibre entre la stimulation de la croissance économique (taux directeurs bas) et l’inflation (taux directeurs élevés). Source : Banque du Canada, http://www.banqueducanada.ca/wpcontent/uploads/2010/11/taux_cible_financement_sept2012.pdf



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The Brookings Institution À la rencontre du «Think Tank» le plus influent Julie Charron-Latour Étudiante à la maitrise Génie industriel

Camille Matte Finissante au baccalauréat Génie industriel

Donald Kohn Donald Kohn est un économiste reconnu aux États-Unis. Il a entre autres occupé le poste de vice-chairman sur le conseil des gouverneurs de la Réserve Fédérale américaine. Il a occupé ce poste d’importance de 2008 à 2009 où il travaillait alors avec le chairman précédent, Ben Bernanke. Après quarante ans de service, M. Kohn a quitté l’institution en septembre 2010. Depuis, il est membre de la Brookings Institution où il publie régulièrement sur une variété de sujets principalement en lien avec les nouvelles politiques monétaires adoptées depuis la crise économique mondiale de 2008. PolyFinances a été très privilégié de rencontrer cet homme considéré comme l’un des économistes les plus importants pendant la crise financière et ce, directement dans les bureaux du Brookings Institute.

The Brookings Institution Le Brookings Institution est souvent considéré comme le plus influent « Think tank » dans le monde. Cette renommée lui provient du fait qu’il s’agit de l’institution de ce genre la plus souvent citée par les politiciens américains et par les médias. Elle a été fondée en 1916 et est devenue la première institution privée et non partisane analysant les différentes politiques publiques américaines en considérant les aspects économiques, de gouvernance et les impacts sur les affaires internationales.


Rapport PolyFinances 2014 - The Brookings Institution

L’expression “Bigger is the recession, stronger is the rebound” (Plus une récession est importante, plus forte sera la reprise) n’a pas semblé s’appliquer suivant la forte récession de 2008. Cette fois-ci, c’est le nouveau modèle de système financier, bâti dans les années soixante, qui a montré ses limites. Les banques se sont écroulées et le tout a mené à un environnement insécurisant pour les investisseurs. La rencontre avec M. Kohn nous a permis de mieux comprendre les différents évènements suivant la crise ainsi que la dynamique qui s’est bâtie entre les institutions et le gouvernement.

Contexte de crise Aujourd’hui, le marché hypothécaire en place avant la crise est considéré comme un marché très irresponsable. En effet, les législations qui entouraient l’emprunt à long terme étaient très souples. Par exemple, un couple pouvait emprunter pour payer l’intérêt sur son hypothèque de départ. Cette situation était viable puisque la croissance du prix des maisons n’avait jamais été remise en question dans le passé. Les banques étaient prêtes à supporter le risque en se disant que dans les pires des cas, si l’un de leurs clients ne parvenait pas à rembourser leur emprunt, il s’agirait d’une série de cas isolés éparpillés sur le territoire américain. Le marché des hypothèques s’est donc retrouvé avec plusieurs prêts hypothécaires à risques (souvent appelés “subprime”). Autrement dit, les banques ont prêté de l’argent à des clients ayant un pauvre historique de crédit et qui conséquemment auraient de la difficulté à rembourser leur emprunt dans les termes de leur contrat. Au même moment, ces hypothèques risquées étaient divisées, selon leur exposition aux risques, pour créer de nouveaux produits dérivés. Les agences de notation, comme Moody’s, étaient, et le sont toujours, responsables d’évaluer ces produits et de leur attribuer une note (A, AA, AAA,

etc.). De cette manière, les investisseurs sont informés du risque des produits d’investissement qui les intéressent. Malheureusement, vu qu’à la base les prêts étaient accordés trop facilement, les risques ont souvent été sous-évalués et les produits dérivés, par le fait même, surévalués. M. Kohn a mentionné plusieurs problèmes liés à ce processus de notation : d’abord, il est difficile d’utiliser la même échelle pour tous les produits et deuxièmement, les investisseurs ont tendance à regarder seulement la note et la possibilité de retour sur investissement sans se questionner sur le réel contenu de ces produits dérivés. Ces problématiques rejoignent en quelques sortes celles proposées par M. Véron au Peterson Institute. Même si quelques économistes prévoyaient l’arrivée d’une nouvelle récession, ils pensaient pour la plupart que celle-ci serait due à un manque de capital national. En d’autres mots, il s’imaginait que la cause proviendrait de la difficulté de rembourser les dettes une fois que le taux d’intérêt commencerait à augmenter. Malheureusement, même avec les taux d’intérêts bas, les emprunteurs éprouvaient déjà des difficultés à les rembourser. C’est alors que le marché américain a montré des signes de faiblesses et que tout le système s’est écroulé.

Le risque systémique n’est plus seulement un simple concept théorique, c’était désormais la réalité. Dans les faits, les banques avaient trop emprunté les unes aux autres et, puisque les clients étaient incapables de rembourser, elles ont elles-aussi commencé à éprouver des difficultés à respecter leurs différents contrats. C’est alors que les banques européennes, qui détenaient une partie de la dette des banques américaines, ont commencé à craindre de nouveaux échanges avec celles-ci. Résultat, beaucoup moins de capitaux ont transigé sur les marchés boursiers. Pour réparer la situation, les banques américaines ont d’abord tenté de renforcer leurs conditions de prêts, ce qui n’a eu comme effet que de réduire une fois de plus le flux

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34 de capitaux. Le tout a donc entrainé les banques et tout le système financier dans un malheureux cercle vicieux.

Les actions du gouvernement face à la crise Durant l’été 2007, Ben Bernanke était alors à la tête de la réserve fédérale américaine (FED). M. Kohn, qui travaillait avec lui depuis quelques années, nous l’a décrit comme un leader serein. Ce dernier était déjà très outillé et ouvert aux nouvelles idées. Certaines réalisations antérieures l’ont aidé à manager la situation. En effet, celui-ci avait étudié des cas similaires dans le cadre de son doctorat portant sur les apprentissages des récessions précédentes. Il connaissait donc l’importance, dans de telles circonstances, de miser la circulation de capitaux pour rebâtir un système économique viable. Ayant le tout en tête, il a d’abord cherché à trouver des moyens pour aider les banques à continuer d’offrir des services à la population. Il propose alors, dès le départ, que celles-ci empruntent directement à la banque centrale toujours dans le but de favoriser la circulation de capitaux. Malheureusement, l’idée n’a pas plu au Congrès américain qui, à cette époque, pensait que ce n’était pas de la responsabilité du gouvernement que de protéger Wall Street. C’est pourquoi le Congrès a plutôt proposé des modifications aux rôles de la « Federal Deposit Insurance Corporation » (FDIC), une agence indépendante. De cette manière, le Congrès souhaitait sécuriser la population face aux systèmes banquiers en y permettant des dépôts bancaires de 250 000$ et moins. Toutefois, cette première intervention n’a pas su calmer le marché. C’est alors que le président de l’époque, George W. Bush, a créé le « Troubled Asset Regulation Program » (TARP). Celui-ci autorisait des prêts allant jusqu’à 700 M$ par la Réserve Fédérale aux banques. De cette manière, ils sont parvenus à stabiliser le système financier en éliminant peu à peu les «actifs toxiques». Néanmoins, ce programme ne s’est pas avéré suffisant. C’est pourquoi, en décembre 2008, le gouvernement a décidé de réviser les politiques monétaires, cette fois-ci en révisant à la baisse

les taux d’intérêts, allant jusqu’au taux minimal de 0%. C’est seulement par cette mesure que les investisseurs ont été suffisamment confiants pour emprunter de nouveau à long terme. Le marché commençait alors à reprendre son allure normale et les différents joueurs savaient davantage à quoi s’en tenir. La Réserve Fédérale a alors commencé à bâtir des « forward guidances ». Telles que mentionnées dans la visite à la FED, celles-ci informent les investisseurs des conditions nécessaires pour que les taux soient remontés plutôt que de donner une date précise. L’indicateur principal demeure encore le taux de chômage aux États-Unis. De son côté, le Canada a vécu une crise beaucoup moins importante. Celui-ci a seulement conservé ses taux d’intérêts à 0% pendant une année. Néanmoins, autant le Canada que le reste de la planète demeure toujours très attentif aux informations fournies par la Réserve Fédérale, particulièrement pour connaître quand est-ce que les taux d’intérêts seront augmentés.

Les prochains défis M. Kohn nous a présenté plusieurs défis qui, selon son point de vue d’économiste, s’en viennent pour les Etats-Unis.

Le premier défi consiste à prévoir l’impact sur le marché de retirer peu à peu les mesures du gouvernement américain. Pour l’Europe, M. Kohn questionne davantage les moyens qui seront mis en oeuvre pour stimuler l’économie. Ils mentionnent également l’importance de rendre le marché plus stable et responsable. Par exemple le Dodd Frank Act lui semble un pas dans la bonne direction. Il maintient également la proposition de revoir le système de notation des agences. Le dernier défi et non le moindre, sera d’évaluer l’impact des mesures sur le faible taux d’inflation depuis les dernières années. Finalement, M.Kohn a conclu l’échange en affirmant que les épargnants seront ceux qui seront les plus


Rapport PolyFinances 2014 - The Brookings Institution avantagés dans les prochaines années sachant qu’une fois les taux d’intérêts revenus à la normale, ils auront fait des gains importants.

Dodd Frank Act Le « Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act » est un ensemble de lois visant à promouvoir la stabilité financière des ÉtatsUnis et à protéger les contribuables américains et les clients des institutions financières. Pour cela, la règlementation a pour objectif d’améliorer la transparence du système financier et de le responsabiliser. De plus, le Dodd-Frank cherche à mettre un terme à la logique du « too important to fail ». L’imposant projet de loi de 848 pages a été adopté par le Congrès des États-Unis le 5 janvier 2010. Son application est toutefois très lente à cause de l’étendue du champ d’application de la loi qui nécessite le travail de concert de cinq agences fédérales. Source : The New York Times, http://dealbook.nytimes. com/2013/11/17/pressure-builds-to-finish-volcker-rule-on-wall-stoversight/?_php=true&_type=blogs&_r=0 U.S. Securities and Exchange Comission, https://www.sec.gov/about/ laws/wallstreetreform-cpa.pdf

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Savoir répondre à la crise

Discussion avec un membre du Groupe des 30 Julie Charron-Latour Étudiante à la maitrise Génie industriel

Camille Matte Finissante au baccalauréat Génie industriel

Stuart P.M. Mackintosh Notre conférencier, Mr. Stuart P.M. Mackintosh, est le directeur exécutif du Groupe des Trente. Au delà de superviser tous les aspects du plan annuel d’études fait par les membres de l’organisme, il supervise le développement des projets, la planification des évènements et les collectes de fonds annuelles. Avant d’occuper ses fonctions pour le G30, M. Mackintosh était un économiste et le responsable du risque pays pour Mitsubishi International Corporation à Washington. Auparavant, il était chef de cabinet et écrivait les discours de nombreux politiciens au Parlement Européen.

Groupe des 30 («Group of Thirty» ou G30) Né en 1978, le Groupe des 30 est un organisme privé sans but lucratif qui regroupe les représentants des secteurs privés, publics et académiques. Paul Volcker, Jacob A. Frenkel, Jean-Claude Trichet et Geoffrey L. Bell sont les leaders de ce groupe. Ensemble, ils débattent de différents sujets pouvant avoir un impact sur les décisions du gouvernement et du marché privé et ainsi, créer des opportunités ou des choix intéressants pour ceux-ci.


Rapport PolyFinances 2014 - Savoir répondre à la crise Après la Seconde Guerre Mondiale, un système économique capitaliste très réglementé (le Glass Steagall Act (1933), les institutions de Bretton Woods (1945), etc.) a été mis en place. Le niveau de réglementation des marchés et des économies était d’ailleurs considéré comme étant trop strict et au fil des années, des pressions ont été faites pour que la législation entourant le système financier soit relâchée. Petit à petit, le système fut déréglementé et, en 1999, le Gramm-Leach-Bliley Act était voté. La frontière entre les activités bancaires et financière venait de tomber, ce qui mena à un système interdépendant, beaucoup plus sensible et intégré. Plus que la stabilité ou le contrôle, l’efficience des marchés est ce qui primait sur tout. La crise de 2008 fut toutefois si sévère qu’elle força les leadeurs du monde politique et de la finance à réviser la réglementation qui avait été adoptée par le passé. Toutes les institutions dirigeantes ont par ailleurs été revues à la suite de la crise: le G20 a remplacé le G7 sous l’impulsion de George W. Bush, le Fonds Monétaire International (FMI) a été recapitalisé et un consensus général a été atteint pour concentrer les efforts sur la mitigation de la crise. Le principal changement a été la création du Conseil de Stabilité Financière (plus connu comme le Financial Stability Board ou FSB), dérivé du Forum sur la Stabilité Financière (FSF). Contrairement à son prédécesseur le FSF, qui avait seulement un rôle d’observateur et aucun réel pouvoir, le Conseil de Stabilité Financière (CSF) prend des décisions sur la réglementation à l’échelle mondiale et se rapporte directement au G20. La crise de 2008 a amené un nouveau niveau de compréhension de l’économie et du système financier mondial, qui est beaucoup plus important qu’un assemblement d’institutions nationales et ne tient pas compte des frontières. Cela a été une occasion unique pour un changement de paradigme dans l’approche de la réglementation qui encadre le système financier et la preuve qu’une institution d’ordre mondial était nécessaire pour contrôler ce système. En 2008, le FMI était la seule institution multilatérale existante qui aurait pu jouer le rôle de régulateur international.

Glass Steagall Act Le Glass-Steagall Act (GSA) est une loi américaine adoptée en 1933 et abrogée par la suite en 1999, qui dans son essence visait la séparation des activités des banques commerciales – spécialisées dans les opérations de dépôts et prêts – de celles des banques d’investissements, spécialisées notamment dans la titrisation (securization) . Le GSA intervient pendant la crise économique qui suit le krach de 1929. Les activités spéculatives des banques sont alors considérées comme cause principale de la faillite généralisée du système : d’une part, la possibilité de se prémunir des risques – et de faire des profits – par l’émission de titres agit comme un incitatif à la prise de risque ; d’autre part, l’accès aux fonds des particuliers constitue un accès à des fonds quasi-illimités et induit un risque généralisé pour l’économie. Le GSA apporte plusieurs réformes majeures au système, avec notamment l’interdiction d’activités de titrisation aux banques commerciales, la mise sur pied du système fédéral d’assurance des dépôts bancaires (FDIC) et le plafonnement des taux d’intérêt. La loi permet dans un premier temps de restaurer la confiance dans le système bancaire, mais s’accompagne également de quelques revers, dont la baisse de la profitabilité des banques commerciales et la non compétitivité des institutions américaines relativement aux institutions internationales non soumises à la réglementation. Le GlassSteagal Act est abrogé en 1999 et remplacé par le Gramm-Leach-Blilely Act qui ré-autorise l’affiliation des compagnies de services financiers. Les discussions sur la nécessité du GSA sont toutefois remises à l’ordre du jour avec la crise financière de 2008. Source : Investopedia, http://www.investopedia.com/ articles/03/071603.asp, http://www.slideshare.net/coryhelene/a-briefhistory-of-the-glasssteagall-act-2898254

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38 Toutefois, le Fonds Monétaire International avait alors perdu en importance à la suite d’un très long cycle économique prospère durant lequel peu de pays empruntèrent et avait vu sa crédibilité souffrir de certaines de ses interventions antérieures.

La création du Conseil de Stabilité Financière (CSF) Quand le CSF fut créé en 2008 sous la gouverne de Mario Draghi (lequel l’a présidé de 2008 à 2011, lorsqu’il fut nommé Président de la Banque Centrale Européenne), celui-ci était dirigé par un petit nombre de pays d’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest. Cette concentration du pouvoir dans les mains des économies avancées a été critiquée, mais l’organisme semble s’ouvrir peu à peu à la diversification des voixs. En effet, de plus en plus de pays émergents ont rejoint le Conseil ces dernières années : la Chine, la Russie et l’Inde y sont par exemple désormais représentés. Leur influence réelle est toutefois encore limitée, ces pays ayant pour l’instant choisi une position d’observateur plutôt que de participant actif dans le processus de prise de décision. Par ailleurs, le fait que tous les membres initiaux du Conseil partageaient un point de vue similaire sur la réglementation financière n’est pas un hasard : il est plus facile d’atteindre un consensus et de prendre des décisions rapidement sur comment agir avec des gens qui partagent des idées similaires. D’un autre côté, le CSF est encore aujourd’hui considéré comme un groupe très opaque, qui ne se rapporte à personne quant à son mode de fonctionnement et n’a pas à discuter avec les autres joueurs du système financier. Ce manque de transparence a été identifié à plusieurs reprises, entre autres par le Brookings Institute dans un de leurs rapports. Une des conséquences de cette situation est qu’il est difficile d’apporter des arguments

La structure du Conseil de Stabilité Financière (CSF) Le CSF est composé d’un petit nombre de gouverneurs de banques centrales et de leurs conseillers; ainsi c’est cette structure (surtout à sa création) qui lui permet d’être réactif et flexible, donc très adapté à une situation de crise. La lourde et complexe structure du FMI est d’ailleurs une des raisons qui explique que l’institution n’ait pas été une partie prenante importante dans le processus de résolution de la crise de 2008 : le Fonds est trop lent à réagir en situation de crise. Le CSF est divisé en quatre branches: Comptabilité, Banque (responsable de Bâle III), Assurance et Valeurs mobilières. Il n’a pas d’autorité légale, toutefois les pays membres sont engagés à mettre en application la réglementation prescrite. Ceci est particulièrement important, car un des objectifs principaux de l’organisme est la coordination et l’homogénéisation des politiques nationales. En général, les pays ont d’ailleurs été très proactifs dans l’application des recommandations émises. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse par exemple, les banques centrales ont décidé d’appliquer une réglementation encore plus stricte que le minimum recommandé dans Bâle III.


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ou de défendre une décision si vous ne savez pas sur quelle base elle a été prise. Une autre des critiques qui est faite au CSF est sa lenteur à s’ouvrir aux pays émergents, ce qui pourrait avoir des conséquences à long terme. Si ces pays ne participent pas à la création de ces nouvelles réglementations, ils pourraient être réticents à les adopter. Or ces pays devenant de plus en plus importants au sein de l’économie mondiale, ne pas les intégrer au système global de réglementation compromettrait la stabilité du système entier. La plupart du temps, il est difficile de voir tous les pays s’entendrent sur la réglementation à mettre en place, le CSF peut donc promouvoir des règles ou des principes. Évidemment, les règles sont plus difficiles à faire accepter par les gouvernements et les institutions. Dans le cas des principes, on définit les objectifs et le pays est libre de choisir la façon de les implémenter.

En termes de moyens, les gouvernements et les institutions disposent de deux types d’outils: la taxation ou l’interdiction formelle. Par la taxation, on limite les digressions en imposant un coût supplémentaire, tandis que le Glass-Steagall Act est un exemple du second type. Toutefois, les régulateurs internationaux ont largement rejeté de revenir à une loi comme Glass Steagall, avançant qu’il s’agissait d’un moyen trop radical, et le CSF a opté pour la taxation dans l’édiction de ses règles (Bâle III s’appuie par exemple sur la taxation). Ceci est toutefois un moyen qui laisse place à certains contournements et à de l’arbitrage.

Difficultés rencontrées Dans la plupart des pays (si ce n’est tous), les banques centrales ne peuvent pas directement appliquer les nouvelles régulations émises. Elles doivent passer à travers un processus politique souvent long et complexe : l’écriture d’un projet de loi, son approbation et sa mise en application. Selon

le pays, c’est un processus plus ou moins facile, mais récemment, ce type de changement politique a été particulièrement difficile aux États-Unis où tous les projets de loi importants sont bloqués au Congrès. Au sein même du CSF, les consensus ne sont pas faciles à atteindre. Par exemple, aucune recommandation n’a pu être faite sur la taille maximale ou optimale des banques : certaines voies se sont élevées pour dénoncer le fait que les grandes banques présentaient un risque plus grand que les petites parce que leurs actions impactent plus de gens et d’institutions. D’autres les défendent en affirmant qu’elles sont plus efficientes et qu’elles sont autant en mesure que les banques de petites tailles de contrôler leur risque. Cependant, il se pourrait que la pensée «Too-Important-ToFail» soit davantage idéologique qu’autre chose, au fur et à mesure de la croissance d’une banque, celle-ci perd de la visibilité sur ce qui se fait dans chacune de ses branches. Les grandes banques ont d’ailleurs reçu une grande part du blâme en 2008 et elles ont également été accusées d’être devenues trop importantes pour être gérées ou encore poursuivies pour leurs erreurs. Isoler les banques dans un secteur d’activité a déjà été une solution afin de limiter les conséquences des faillites. Cette fois, on a plutôt choisi de mitiger le risque en augmentant le niveau requis minimum de capitaux et de liquidités, mais rien n’a été fait pour réduire concrètement le risque systémique. Évidemment, les institutions financières et les banques sont réticentes à adopter ces nouvelles régulations. Régulièrement, elles ont déposé des plaintes et fait des demandes de révisions auprès du CSF, toutefois ce n’est que récemment que Mark Carney, l’homme à la tête du Conseil, a décidé de changer la relation entre son organisation et les autres joueurs du système financier en mettant en place un processus qui leur permet d’exprimer leur point de vue. Les institutions peuvent maintenant présenter formellement leurs plaintes au CSF en présentant des exemples de problèmes rencontrés avec la nouvelle régulation et elles ont accès à un processus de médiation. Il était important que le CSF instaure un tel processus pour avoir une vue complète de la situation et que tous les

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40 acteurs soient consultés dans la reconception du système financier. Les OTC (transaction « Overthe-counter», qui sont faites directement entre deux partis et ne transigent pas sur les marchés boursiers) de produits dérivés sont un exemple de contentieux avec les banques, qui ne veulent pas que le CSF touche au sujet. Elles déclarent entre autres que ce sont des produits financiers trop complexes pour être régulés, toutefois les évènements de 2008 ont montré que de tels produits complexes peuvent entraîner des crises complexes (par exemple, les titres adossés à des hypothèques sont un des facteurs derrière la crise) et que même si c’est une tâche difficile, les prix et risques de chaque produit doivent être évalués afin de pouvoir les comparer avec d’autres. Pour leur part, les pays du G20 se devaient de calmer les marchés afin d’enrayer la chute.

Lorsqu’ils se sont rencontrés à Londres en avril 2009, leurs dirigeants se sont entendus pour un programme de 1 trilliard $US dont 500 G$ seraient consacrés à recapitaliser le FMI afin de fournir des prêts aux économies en difficultés. Ces prêts ont eu l’effet escompté et les marchés se sont effectivement calmés, toutefois l’économie mondiale ne s’est pas encore totalement relevée. Ici et là, le chômage est encore très élevé, spécialement chez les jeunes Européens. Aux États-Unis, la stagnation des salaires est aussi un problème et pourrait mener à une autre crise. Les problèmes dans l’immobilier à l’origine de la dernière crise ne sont eux aussi pas complètement effacés et on espère que dans le cas d’un nouvel effondrement, les marchés ne soient cette fois pas synchronisés. Mais le vrai problème maintenant que la crise a été stoppée et que la situation est stable sera d’assurer la croissance à travers le monde.

Conclusion En réaction à la crise, les leaders économiques ont réalisé qu’il manquait un organisme responsable de superviser la régulation financière à l’échelle internationale. L’émergence de la crise a fait comprendre aux experts l’importance des interactions entre les économies et les systèmes financiers qui dépassent largement le cadre des frontières nationales. C’est ce qui a mené à la création du Conseil de Stabilité Financière, qui était une réponse appropriée en temps de crise, mais qui est aujourd’hui remise en question à cause du manque de représentation de certaines économies. Le Conseil rencontre également certaines difficultés à faire appliquer la régulation à cause d’un manque de pouvoirs légaux. En conclusion, les crises et les situations extrêmes sont souvent nécessaires pour réussir de grands changements, mais une fois la crise passée, il est important de continuer à revoir la structure en place et à faire les ajustements nécessaires.


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«Too-Important-To-Fail» Selon les professionnels du Fonds Monétaire International, Too-Important-To-Fail est un terme plus approprié que Too-Big-To-Fail, car il implique non seulement la taille des organisations, mais aussi d’autres attributs tels que la croissance en termes de concentration et d’interconnexion des banques. Comme beaucoup de lecteurs le savent, ce concept tient une grande place dans l’arrivée de la crise. Donc, il est accepté que «nous n’aurons pas réellement réussi à répondre à cette crise si nous ne nous attaquons pas entièrement à résoudre la racine du problème» (Ben S. Bernanke, président du conseil de la Réserve fédérale, le 20 Mars, 2013). Le concept de TITF a été fortement médiatisé au cours de la crise, cependant il est connu depuis longtemps. Comme illustré à la figure 1, le ratio des actifs bancaires totaux par rapport au PIB a augmenté considérablement alors que le nombre de banques a diminué.

Figure 1 : Déclin du nombre de banques et croissance de la taille du secteur bancaire. Source : GFSR, Avril 2014, FMI

Le lecteur peut noter que le cas observé dans la Figure 1 n’est pas une situation isolée ; on la retrouve également au Royaume-Uni, au Japon et dans de nombreux pays émergents. Plus important encore, en parallèle avec la diminution du nombre de banques il y a une augmentation de leur concentration dans plusieurs pays. Enfin, il peut être noté que les «Grandes Banques» comme Barclays, HSBC ou JPMorgan explosent en terme d’actifs comme l’illustre la figure 2. L’aide apportée par les gouvernements et les banques centrales en 2008 peut expliquer ce phénomène Figure 2 : Total des actifs des des «Grandes-Banques». En fait, ces derniers ont fourni de grandes quantités de fonds pour soutenir les banques «Grandes Banques» Source : GFSR, Avril 2014, FMI en difficulté et pour préserver la stabilité financière. Par conséquent, les actifs des trois plus grandes banques représentent entre 40 et 60% du total des actifs disponibles respectivement dans les économies de marché avancés et émergents. Un risque systémique élevé dérive donc de ce degré de concentration. Par conséquent, apprendre à contrôler ou prévoir le phénomène du Too-Important-To-Fail est une nécessité. Source : La visite du FMI (voir page 50)

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Stabilité financière américaine U.S. Securities and Exchange Commission Marie-Pier Dufort Finissante au baccalauréat Génie industriel

Benoit Thibault Finissant au baccalauréat Génie civil

U.S. Securities and Exchange Commission Parmi les institutions fédérales américaines qui influencent l’élaboration des politiques financières, la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) occupe plusieurs rôles importants pour la stabilité financière américaine. En raison de son autorité fournie par le Congrès américain, cette organisation est en charge de la rédaction et l’interprétation des lois fédérales ainsi que leur mise en application pour protéger le marché financier américain. Cependant, l’organisation agit à titre indépendant du gouvernement puisque que c’est le Congrès qui vote les lois qui seront interprétées par la Commission par après. L’agence est également responsable de la surveillance des marchés financiers et de la collecte de rapports financiers sur les entreprises cotées en bourse, les fonds d’investissement et autres institutions financières. La SEC est composée de cinq divisions principales qui comprennent la division de poursuites judiciaires, la division des sociétés financières, la division des transactions & marchés, la division de la gestion des placements et enfin la division économique et analyse des risques. Cette dernière fournit des analyses économiques pour soutenir les autres divisions. PolyFinances a eu la chance de rencontrer des représentants de quatre des bureaux de la SEC: le conseil exécutif, le contentieux économique, la recherche quantitative, et l’évaluation des risques et des données interactives. En fait, ces bureaux travaillent en étroite collaboration afin de réaliser les objectifs de l’agence, dont l’importance a été renforcée à la suite de la crise financière de 2008.


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La division DERA La DERA, l’expertise de la division économique et l’analyse des risques, est principalement axée sur l’analyse de données. Elle emploie une gamme d’économistes, d’analystes de risque, de programmeurs ainsi que des avocats. Par conséquent, les analyses économiques fournies par ce bureau sont centrées sur trois thèmes principaux, soient 1) l’élaboration de la régulation financière, 2) le soutien aux litiges, 3) l’évaluation des risques concernant les transactions et les échanges de titres. Par conséquent, l’allocation des ressources humaines et matérielles est cruciale pour cette division, car elle doit superviser un nombre important de courtiers en valeurs mobilières et de leurs représentants, avec un nombre variant de 5000 à 6000 aux États-Unis. Même si la quantité de ressources est limitée, la rigueur de la surveillance est très importante afin d’identifier des candidats à risque. Cette division a connu une augmentation importante du nombre de ses employés suite à la crise financière de 2008 et continuera d’augmenter ses effectifs durant les années à venir. Cette conférence a permis aux membres de PolyFinances de mieux comprendre les différentes fonctions du bureau ainsi que de démystifier le rôle de la SEC durant les différentes étapes de la crise.

Bureau du conseil exécutif (« Chief Council Office ») Comme mentionné précédemment, l’autorité de l’organisme est déterminée par la loi. Compte tenu du rôle de cette agence, la transparence et la divulgation de l’information sont des éléments sous-jacents de ses actions. La direction de cette agence est représentée par la Commission, dont le Président américain nomme cinq commissaires pour un mandat de 5 ans. Le bipartisme est démontré par le fait que seulement trois commissaires peuvent provenir du même parti politique. Par conséquent, les rôles de la Commission sont :

1) l’interprétation des lois 2) la supervision et la coordination des régulateurs à différents niveaux (international, par état ou local). Pour commencer, le mandat d’interprétation des lois est très important, car il permet à la Commission d’adapter les lois adoptées par le Congrès à la réalité des marchés financiers ainsi que l’intégration de la rétroaction du public concernant le projet de régulation. En effet, après le dévoilement du concept de la régulation proposé, le grand public a la possibilité de fournir des observations concernant le projet de régulation.

De manière générale, le nombre de commentaires reçus sert à indiquer l’impact sur la population générale, les petites et grandes entreprises, ainsi que sur les institutions financières. Ce nombre de commentaires peut aller de 5 à 1000 en fonction de la règle proposée. La proposition de régulation intègre différentes sections telles que les options et considérations politiques, l’analyse économique, les alternatives possibles et les effets sur les petites entreprises. Ensuite, la règle finale comprendra les commentaires fournis par le grand public ainsi que la réponse de la SEC vis-à-vis de ces commentaires dans un souci de transparence. Pour terminer, voici des exemples de lois importantes qui ont été adoptées récemment : le Dodd-Frank Wall Street Reform et le Consumer Protection Act , le Glass -Steagall Act et la loi sur la réforme des agences de crédit. Pour continuer, il faut comprendre que ces règles ne sont applicables que pour les marchés financiers américains, jusque dans une certaine mesure. Ainsi, les organismes fédéraux comme la FED, le Trésor américain ainsi que le ministère de la Justice doivent travailler en étroite collaboration afin de respecter l’espace limité qu’il leur a été attribué et de travailler vers un objectif commun. Toutefois, en raison de la nature hautement

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44 intégrée des marchés financiers, la coordination entre les organismes de régulation internationaux est essentielle afin d’éviter la création d’espaces entre les régulations, et ainsi donner la possibilité de choisir entre les régulateurs. Cette situation peut avoir un grand impact sur l’efficacité des marchés et influer sur les comportements de marché. En raison de l’importance de la taille des marchés financiers américains, la SEC occupe habituellement un rôle important dans la coordination de la régulation internationale. En rétrospective de plusieurs des conférences auxquelles les membres de PolyFinances ont participé, l’importance de la coordination internationale est donc affirmée de nouveau en regardant le succès obtenu par le Conseil de stabilité financière (FSB). Suite à la crise de 2008, la coopération entre les régulateurs financiers a permis une réponse accélérée aux conséquences de la crise.

Bureau du contentieux économique (« Litigation Economics Office ») En appui à la Division de l’application, ce bureau est chargé de fournir des rapports économiques, des déclarations ainsi que des avis d’experts.

Comme le nombre de poursuites a considérablement augmenté entre 2009 et 2012, le bureau du contentieux économique est désormais composé de plus de 1000 employés, dont 14 économistes. Puisque le processus de règlement des litiges peut être assez long pour un certain nombre de cas, le Bureau bénéficie d’une variété d’outils analytiques pour accélérer le processus. Encore une fois, parce que les ressources sont limitées et le nombre de poursuites est très important, ce bureau travaille également en étroite collaboration avec le ministère de la justice américain, dans le cas où il y aurait également une poursuite au

pénal. Ceci est dû au fait que la SEC a seulement une légitimité civile. Aujourd’hui, le principal objectif du bureau est de cibler de nouveaux produits structurés (ou les produits conçus pour échouer (« engineered-to-fail »)), ainsi que de continuer à poursuivre les crimes rencontrés typiquement tels que les fraudes comptables, les délits d’initiés, les fausses déclarations de fonds alternatifs, etc.

Bureau de l’évaluation des risques et des données interactives (« Office of Risk analysis and data interactive ») Le rôle de ce bureau est de soutenir les autres divisions ainsi qu’apporter l’expérience de professionnels des marchés financiers et de différents secteurs industriels. Ceci permet une approche plus qualitative pour appuyer le bureau de recherche quantitative, soit le bureau qui est chargé de fournir des analyses approfondies d’une série de paramètres économiques. Par exemple, les variables utilisées pour ces analyses comprennent l’exposition, les actifs, l’effet de levier et la liquidité. Ces variables sont ensuite corrélées au rendement de la stratégie d’investissement utilisée. En construisant plusieurs graphiques, le bureau de la recherche quantitative est capable d’identifier les valeurs aberrantes, ce qui par la suite permet d’aider le bureau d’évaluation des risques à identifier les entreprises ou les fonds frauduleux. Pour poursuivre, le bureau d’évaluation des risques et de données interactives a reçu beaucoup de publicité pour leur nouveau modèle de qualité comptable (AQM), nommé « Robocop» dans les médias. En réponse à de grandes fraudes financières telles que le système de Ponzi de 65 G$ commis par Bernard Maddoff, ce modèle statistique a été créé pour aider à prévoir et à détecter les activités frauduleuses. Avec cet outil, les informations financières transmises par les entreprises sont analysées avec une série d’indicateurs afin d’identifier des situations à haut risque. La SEC opère désormais dans une ère post-Maddoff, car l’importance de la vigilance a été


Rapport PolyFinances 2014 - Stabilité financière américaine

accrue afin d’éviter d’autres scandales financiers d’une telle ampleur. À cet égard, le système de déclaration d’information & de plaintes a également été créé afin de mieux capter les plaintes et l’information historique dans une base de données centralisée. Ceci permet l’agrégation des plaintes et des informations du profil de l’entreprise visée (stratégie d’investissement, profil de gestionnaire, les prix historiques) pour aider à mieux identifier l’information utile pour faciliter la poursuite future. Par exemple, après la réception d’une dénonciation anonyme, ce bureau est en mesure d’analyser le cours de l’action de la société cible et d’analyser les données quantitatives de la société pour détecter de manière plus rapide si des activités frauduleuses ont été commises. Parce que les déclarations des entreprises doivent respecter un format de données structuré nommé le « XBRL », l’information peut être plus facilement analysée et les entreprises de différents secteurs industriels peuvent être comparées.

notée concernant un certain nombre des activités de la SEC afin de mieux servir les entreprises américaines et les institutions touchées.

Conclusion Pour conclure, cette visite fut très instructive pour mieux comprendre les différents rôles que la Securityde and Exchange Commission des États-Unis L’équipe PolyFinances au CIRANO avec le professeurs Thierry Warin, octobre 2013 occupe ainsi que sa participation dans la prévention de futures crises financières. L’intégration de ses divisions et de ses bureaux est cruciale afin d’occuper ses rôles de shérif et législateur, soit des fonctions qui peuvent être contradictoires. Un autre point d’intérêt pour les membres de PolyFinances a été la nécessaire collaboration entre les organismes fédéraux américains, puisque chacun d’entre eux possède des pouvoirs limités individuels. Cette conférence a également permis de mieux comprendre le processus de prise de décision concernant la législation financière au niveau fédéral. En outre, l’équipe a été informée des retards possibles qui peuvent être causés par les diverses parties prenantes lors de l’écriture des lois. Ceci a donc démontré que la SEC occupe un rôle limité en cas de crise, car ses actions affectent principalement la stabilité financière à long terme. Enfin, l’importance de la transparence a été

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Réduire son risque par l’assurance

Rencontre avec la division Wells Fargo Insurance Marie-Pier Dufort Finissante au baccalauréat Génie industriel

Benoit Thibault Finissant au baccalauréat Génie civil

Wells Fargo Assurance La plus grande banque du monde, en terme de capitalisation boursière, Wells Fargo, gère certaines de ses activités d’assurances à Washington. Lors du campus, nous avons été reçu par Scott V. Lockman, Vice-président sénior de Chesapeake Partnership Property and Casualty Practice et ancien Vice-président chez Marsh. Étant dans l’assurance depuis plus de 20 ans, sa conférence était une excellente opportunité d’être introduit à la philosophie du secteur, dans lequel Wells Fargo agit comme 5e courtier le plus important (2G$ en revenus en 2012), dans un marché dominé par Aon et Marsh, avec environ 10G$ de revenus chacun. Considérant la taille du groupe, la division « Wells Fargo Insurance » bénéficie du reste des activités de la banque pour augmenter sa clientèle. En effet, l’assurance n’est qu’un seul des 90 services dans l’offre intégrée de Wells Fargo. La filière assurance profite aussi de cette taille pour agir comme courtier d’assurance plutôt que comme assureur. Autrement dit, la division est un intermédiaire entre leurs clients et des compagnies d’assurance locale ou régionale. Leur offre de service regroupe la gestion du risque et des conseils sur la gestion du capital humain, et s’adresse aussi bien au secteur de l’aviation, des risques environnementaux, des contrats gouvernementaux, des retraites ou aux contrats de sous-traitance.


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Gestion du risque Un de leurs objectifs est d’analyser le transfert de risque, en d’autres mots, identifier les éléments à assurer à l’externe versus les éléments dont on devrait assumer les risques soi-même. Toutefois, à long terme, la majorité des clients finissent par payer l’équivalent de 100% des dépenses encourues par leurs accidents.

Cela ne diminue pas la pertinence d’un assureur, car dès le jour 1, il fournit les réserves financières pour couvrir les accidents de toutes tailles, évitant ainsi aux entreprises de maintenir de grandes liquidités, de faire la gestion de cet argent, ou de s’inquiéter d’un accident plus important que leurs paiements cumulés jusqu’à ce jour. Un programme d’assurance permet donc d’uniformiser les dépenses de l’entreprise, une des clés de la stabilité - Business continuity -, dont l’importance a été maintes fois répétée durant ce campus. N’étant pas familier avec le monde de l’assurance aux entreprises, nous aurions pu croire à un effet de masse : un transfert monétaire entre les entreprises « malchanceuses », dont la fréquence d’accidents est plus élevée, et les entreprises à fréquence réduite d’accidents et cela malgré les ajustements graduels de primes. Le discours de M. Lockman insistait bien plus sur l’importance de définir le profil de risque spécifique à chaque entreprise et un ajustement systématique des primes en fonction du risque : une diminution de prix, c’est une diminution du risque. L’entreprise travaille donc en collaboration avec l’assureur pour identifier les sources de risque et implanter des mesures pour les éliminer. Un exemple flagrant et contextuel est celui d’un ancien client, la Banque Mondiale. Leur édifice, où nous avons justement mis les pieds durant ce

séjour à Washington (voir page 54), abritait leur actif le plus important au sous-sol, l’information de tous leurs dossiers, à la fois les versions originales et les copies numériques. Sachant qu’une conduite municipale d’alimentation d’eau de quatre mètres de diamètre sous pression coule dans la rue adjacente, en l’absence d’une procédure rapide de fermeture par la ville en cas de rupture, les archives complètes seraient détruites. Évidemment, la situation a été réglée, et cela a permis de réduire le risque global de l’institution.

Un second exemple de risque auquel les entreprises doivent se préparer, les possibles incursions dans leur système informatique, comme ce fût le cas pour Target en 2013, alors qu’ils se sont fait dérober les informations de millions de cartes de crédit. L’utilisation de ces informations par les voleurs reste limitée, l’implication financière pour Target se trouve plutôt dans l’importante campagne pour informer les clients affectés. Justement, l’industrie de la sécurité informatique est assez active dans la capitale américaine, présentée d’ailleurs comme une bonne occasion d’affaires par la délégation du Québec (voir page 75).

Gestion financière Pour revenir sur la gestion des réserves financières, les revenus des assureurs (ou des courtiers) ne proviennent pas exactement d’où on s’y attend. Les primes ne sont pas majorées pour s’offrir une marge de profit, mais l’accumulation des primes entre les réclamations permet aux assureurs de percevoir des intérêts sur leurs réserves de capital. Les assureurs deviennent pratiquement des gestionnaires de fonds, sans vraiment de dépenses en opération. Une fois ce rôle pris en considération, il faut introduire la notion de «hard market» et de «soft market», respectivement une augmentation et une diminution des prix des produits d’assurance.

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48 Cette situation dépend de la concentration d’évènements majeurs, faisant fluctuer les réserves des assureurs, qu’ils doivent maintenir dans des limites précises pour respecter la règlementation américaine. De l’avis de notre conférencier, ce sont les trois dernières décennies qui peuvent être considérée comme «soft». Même l’une des plus grandes catastrophes, telle Katrina, n’a coûté que 3 à 4 G$ aux assureurs.

Crise de 2008 Des politiques d’investissement très conservatrices ont aidé les compagnies d’assurance à éviter la crise hypothécaire, où il faut interpréter la déconfiture d’AIG comme l’exception qui confirme la règle, eux qui ont volontairement mis en place une structure limitant la supervision du risque. Ces lignes directrices ne sont pas l’initiative des compagnies d’assurance, il s’agit de règlementations imposées pour éviter leur faillite, se traduisant entre autres par des provisions élevées sur les produits d’assurance.

À l’opposé, les produits financiers ont été progressivement dérégularisés, contribuant à la crise. Répété à plusieurs reprises durant le campus, certains produits furent soumis à la réglementation financière, plus souple, alors que leur fonction était bien plus similaire à des produits d’assurance. Cette frontière mal définie entre les deux catégories a été exploitée par la complexité des nouveaux produits, difficile à décortiquer par les autorités du marché. De plus, le mauvais contexte économique depuis la crise a eu un impact sur le comportement des clients : en quête de revenus additionnels, ils font des réclamations pour des anciens accidents, mettent en scène des accidents, réclament les moindres incidents, ou au contraire, étendent leur

couverture. Dans les deux cas, cela ajoute du travail aux compagnies d’assurance, alors que leurs revenus diminuent, car bien souvent, leur frais sont calculés en fonction du profil de risque et chargés pour chaque tranche de 1000$ de revenue du client.

Le contexte politique aussi affecte l’industrie de l’assurance, notamment le débat fortement polarisé autour du Affordable Care Act, mieux connu sous son surnom péjoratif, ObamaCare, tentative démocrate de couvrir toute la population d’une assurance santé. Cet enjeu a d’ailleurs fait l’objet d’une discussion approfondie avec Olivier Knox, de Yahoo News, autre conférencier de ce campus. M. Lockman a abordé la séquence de mise en place des différentes mesures de cette réforme, mais n’était pas optimiste sur le dénouement pour la population et les employeurs, donnant l’exemple des amendes à la fois pour des couvertures trop réduites, ou trop grandes. L’interprétation difficile de la loi limite jusqu’à présent l’appui des entreprises à cette noble cause.

Réassurance Cette introduction rapide au domaine de l’assurance nous mène vers la réassurance, qui consiste à assurer les possibles manques de capitaux des assureurs en cas de grande réclamation, garantis par des spécialistes de la réassurance tels : Munich Re, Swiss Re ou Lloyd’s et Berkshire General Re aux États-Unis. Leur nombre limité et l’inévitabilité de se rallier à l’une d’elles augmente l’interconnectivité du secteur, le fragilisant du même coup face au risque systémique. La relation ne s’arrête pas là, les réassureurs se protègent entre eux, un processus appelé rétrocession, et les compagnies de réassurance sont souvent détenues par des grands groupes d’assurance. Certaines études ont justement montré l’effet négatif d’une décote


Rapport PolyFinances 2014 - Réduire son risque par l’assurance d’un réassureur sur les compagnies d’assurance rattachées. La pertinence pour les assureurs de se couvrir découle des catastrophes majeures, qui dépasseraient leurs réserves en capital et les pousseraient vers la faillite, le plus souvent suite aux colères de Dame Nature, mais aussi des tragédies comme le 11 septembre 2001 ou Fukushima. Avec le réchauffement climatique, la fréquence et l’intensité de ces évènements devraient augmenter, d’autant de raisons de se tourner vers la réassurance. Mais l’histoire montre qu’aucun système n’est parfait – la finance, le nucléaire, l’assurance – et la société, d’abord par les ressources gouvernementales, agira toujours comme dernier recours.

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Fonds monétaire international Soutenir les économies mondiales François Marcoux Finissant au baccalauréat Génie biomédical

Ivan Beltran Étudiant à la maitrise Génie industriel

Ludovic Deumaga Finissant au baccalauréat Génie informatique David Vannier, Paul Mathieu et Kenichi Ueda David Vannier, Paul Mathieu et Kenichi Ueda sont respectivement, responsable des communications du FMI, directeur de la division monétaire et du marché des capitaux et économiste senior de la division des marchés de capitaux et liquidité. Ce dernier a notamment contribué à la publication du dernier rapport sur la stabilité financière (GFSR).


Rapport PolyFinances 2014 - Fonds Monétaire International

Le Fonds Monétaire International (FMI) est une organisation internationale fondée en juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods. La constante dévaluation de la monnaie ainsi que de nombreuses décisions politiques unilatérales ont contribué à la grande dépression de 1930. Ainsi, à l’époque la mission principale du FMI était d’assurer la stabilité du taux de change à l’intérieur d’une marge de 1%. Pour ce faire, un système de coopération internationale a été implanté. Cependant, en 1976, l’Accord de Jamaïque a mis fin au système Bretton Woods. Actuellement, l’objectif du Fonds Monétaire International est de se concentrer sur les problèmes macroéconomiques à court terme des États membres en fournissant des services de consultation et de coopération. Afin d’y parvenir, différentes voies sont empruntées : • Promouvoir internationale ;

la

coopération

monétaire

• Faciliter l’expansion et la croissance des échanges internationaux, favoriser la croissance économique et la création d’emploi, réduire la pauvreté ; • Promouvoir la stabilité des taux de change ; • Fournir une assistance financière aux pays qui éprouvent des difficultés monétaires dans leur balance des paiements.

«L’impact de la crise ne se mesure pas qu’en terme de liquidité perdue, mais en terme de personnes et en décennie...Beaucoup de gens n’ont pas pu manger correctement comme ils avaient l’habitude de le faire... Chez les jeunes enfants, un manque d’alimentation contribue à un faible développement physique mais principalement à un mauvais développement cognitif… Par conséquent, ces personnes sont et seront affectées toute leur vie par cette crise car ils ne seront pas en mesure de profiter pleinement de leur vie telle qu’elle l’aurait été sans l’existence de cette crise.» - Réflexion proposée par les conférenciers du FMI

En 1945, le Fonds Monétaire International était constitué de 44 membres officiels alors qu’ aujourd’hui 188 états font partie de l’organisation. Le système de «quota share» utilisé par le FMI détermine la contribution des différents membres au sein de l’organisation. Il associe à chaque État un poids, calculé en fonction de leur PIB (50%), le degré d’ouverture de leur économie (30%), les changements économiques (15%), un «facteur de

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52 compression» permettant de réduire la dispersion des quotas calculés pour tous les États membres et finalement les réserves étrangères officielles (5%).

Informations concernant les quotas: • Enregistrement : chaque pays désirant être membre du FMI doit payer un montant minimal en fonction de la part qui lui est attribuée au sein de l’organisation. • Financement : la part attribuée détermine le montant maximal de l’assistance financière pouvant être perçue par chaque État membre. Chaque pays peut emprunter jusqu’à 200% de ses parts annuelles jusqu’à concurrence d’un emprunt équivalent à 600%. • Pouvoir de voter : un pays ayant davantage de parts possède une plus grande influence sur les décisions prises par le FMI.

Le conseil exécutif : Le conseil exécutif, dans lequel les 188 paysmembres sont représentés, est la tête du FMI. C’est par ce dernier que toutes les décisions du Fonds sont prises. Les décisions sont présentées lors des rassemblements du conseil, puis elles sont votées par les représentants. Toutefois, il est à noter que la représentation des pays membres ne se base pas sur une règle de proportionnalité. En effet, seuls huit pays (Allemagne, Arabie Saoudite, Chine, France, Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni et Russie) sont représentés par un seul membre. Les 180 autres pays-membres sont quant à eux représentés par 16 directeurs exécutifs. De plus, chaque paysmembre possède son propre pouvoir de vote basée sur la quote-part qu’il détient. Le Tableau 1 illustre la disproportion des quotes-parts au sein des pays-membres. Les Etats-Unis en sont l’exemple le plus flagrant avec plus du double de quotes-parts détenues par le deuxième pays-membre. L’écart est d’autant plus évident avec les 180 autres pays-membres noninscrits au tableau. Rappelons que le pouvoir de vote («voting power») est relié à la quote-part détenue par chaque participant. Ainsi, l’analyse de ce tableau fait apparaître un fait important : il y a une sous-représentation et une surreprésentation

de certains des pays-membres vis-à-vis du résultat provenant de la formule des quotes-parts. Par exemple, la Chine (détenant 3.81% des quotesparts) et les Etats-Unis (16.75%) sont sousreprésentés alors que l’Arabie-Saoudite (2.80%) et le Canada (2.56%) sont surreprésentés. En toute logique, les quotes-parts devraient représenter la tendance économique actuelle, pourtant ces dernières n’ont pratiquement pas bougé depuis la création du FMI, à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Malheureusement, la probabilité qu’un réajustement soit fait est très mince. L’explication est simple : afin de valider une décision, adopter une loi ou une nouvelle règlementation au sein du FMI, il est nécessaire de recueillir un minimum de 85% des votes. Or, les Etats-Unis détiennent actuellement 16.75% du pouvoir de vote. Accepter un réajustement des quotes-parts reviendrait à renoncer au droit de veto dont il est le seul pays à disposer ! Tableau 1 : Distribution des quotes-parts – 2007

Voici les avantages détenus par les membres du FMI : • Surveillance : le FMI analyse les situations économiques ainsi que le développement économique et financier au niveau national,


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régional et mondial afin d’être en mesure de conseiller les pays membres; • Assistance technique : les pays membres reçoivent un entrainement afin d’améliorer leur habilité à concevoir et implémenter des nouvelles politiques économiques; • Assistance financière. Une comparaison entre le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale a été réalisée par notre conférencier. Ce dernier explique que le travail réalisé par ces deux entités n’est pas identique, mais complémentaire :

« Le FMI est le banquier du dernier recours ; paradoxalement, il agit davantage comme une banque alors que la Banque mondiale agit davantage comme un fonds». Un pays peut emprunter de l’argent à la fois à la Banque mondiale ainsi qu’au FMI. Toutefois, tel que mentionné précédemment, le FMI est considéré comme un banquier de dernier recours, celui que l’on va voir lorsque toutes les portes se sont fermées. Un pays qui s’est vu refuser un prêt par la Banque mondiale pour quelle raison, que ce soit pourrait l’obtenir par le FMI. Les ressources du FMI sont généralement mises à disposition sous forme d’«arrangement» en fonction du type de prêt utilisé, des politiques économiques spécifiques au pays et des mesures que le pays s’est engagé à mettre en œuvre pour résoudre son problème de balance des paiements. Tous les pays qui empruntent de l’argent doivent remplir leurs engagements en matière de remboursement.

La Stabilité Financière Globale : Le Conseil des Gouverneurs de la Réserve fédérale a mis en œuvre plusieurs méthodes non conventionnelles pour apporter la stabilité au système financier mondial suite à la crise de 2008. Ainsi, des approches comme la « forward guidance » et le « quantitative easing » conçues afin de stimuler l’économie ont atteint leur objectif (voir page 26). Par conséquent, la Réserve fédérale

américaine a commencé à appliquer le « tapering» sur le programme du « quantitative easing » en décembre 2013 pour diriger le système financier mondial vers une plus grande stabilité. Depuis, peu de normalisations de la politique monétaire des États-Unis ont été mises en œuvre. En fait, plutôt que de resserrer la politique monétaire, le «tapering» vise à faire la transition entre un marché dirigé par les liquidités et une croissance autoentretenue. Ce n’est que lorsque ce changement aura eu lieu que le système financier mondial sera en mesure de trouver la stabilité. Afin de comprendre l’état actuel de la stabilité financière, M. Paul Mathieu a présenté à l’équipe de PolyFinances le dernier Rapport sur la Stabilité Financière Mondiale (Global Financial Stability Report – GFSR). Selon le GFSR, la stabilité financière s’est grandement améliorée au sein des économies avancées, Toutefois, les marchés émergents ont connu l’effet inverse. Pour reprendre la situation actuelle, les «pousses vertes» (ou « green shoot ») aux États-Unis ont eu pour effets d’assouplir le « tapering », de rendre les banques appartenant à la zone euro plus fortes et d’améliorer leur ratio des capitaux propres. Par la même occasion, les marchés émergents (EM) ont vu leurs sorties de capitaux contenues, malgré le fait qu’ils ajustent constamment leurs politiques en réponse de la vulnérabilité macroéconomique et des conditions financières et politiques externes.

Conclusion: La crise a durement touché l’économie américaine avant d’endommager les autres économies avancées comme la zone euro. Même si les marchés émergents ont été moins affectés que prévu par cette crise financière, ils sont indirectement touchés par les différentes politiques monétaires adoptées par leurs différents partenaires économiques.

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The World bank group Son rôle et ses mécanismes Caroline Dietrich Étudiante à la maitrise Génie industriel

Guillaume Vergne Étudiant à la maitrise Génie industriel

Jonathan Rotschild Jonathan Rotschild est conseiller auprès du directeur exécutif pour le Canada, l’Irlande et les Caraïbes. Avant de prendre son poste à la Banque mondiale (juillet 2010), il a travaillé́ neuf ans pour l’Agence Canadienne de Développement International, en tant qu’économiste sénior.

Qu’est-ce que le groupe de la Banque mondiale ? Le groupe de la Banque mondiale est une institution multilatérale publique dont les actionnaires sont les États membres. Il est constitué de cinq institutions. La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) a été la première institution fondée (1944) pour aider à la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Elle a ensuite évolué vers le soutien au développement des pays en difficulté. Depuis le début des années 2000, le focus est mis sur la gouvernance et la lutte contre la corruption.

Les autres institutions sont l’Association Internationale de Développement (AID), la Société Financière Internationale (IFC), l’Agence Multilatérale de Garanties des Investissements (MIGA) et le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (ICSID). La Banque Mondiale poursuit trois objectifs: • Lutter contre la pauvreté extrême en faisant passer le taux de personnes vivant avec moins de 1.25$/jour dans le monde de 20% à 3% d’ici 2030; • Promouvoir une prospérité partagée en favorisant une croissance qui bénéficie à l’ensemble des classes sociales; • Poursuivre les objectifs du millénaire pour le développement d’ici 2015. Pour atteindre ces objectifs, l’institution utilise trois leviers : (1) financier (prêts, investissements, garanties), (2) les connaissances de ses experts et (3) la participation à des partenariats mondiaux comme le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.


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La création de la Banque mondiale découle lui aussi des accords de Bretton Woods. Son système de gouvernance est donc semblable à celui du Fonds Monétaire International ; les États membres possèdent un droit de vote proportionnel à leur participation financière dans la Banque mondiale. Les mécanismes de prêts et de soutien de la Banque mondiale

Les mécanismes de prêts et de soutien de la Banque mondiale Jonathan Rotschild nous a expliqué les mécanismes financiers utilisés par quatre des cinq institutions formant le groupe de la Banque Mondiale pour aider les pays à se développer. Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement – BIRD Les membres de la Banque mondiale déposent de l’argent à la BIRD qui s’en sert comme base pour émettre des obligations sur les marchés à des taux faibles (grâce à la note AAA de la Banque mondiale). Selon le risque associé au pays à aider, la BIRD va ensuite majorer le taux auquel elle a emprunté pour à son tour prêter de l’argent au pays. Les pays qui ont recours à cette forme de prêts sont les pays à revenus moyens qui arrivent ainsi à financer des projets à des coûts plus faibles que ceux du marché. Les prêts servent à financer des projets qui auront un impact sur le long terme, donc ils ont généralement une durée de 30 ans.

La Banque mondiale parmi les institutions du campus Située à quelques pas de Blanche et en face du FMI, mondiale est en plein cœur d’influence mondiale. Elle a été même temps que le FMI lors des Bretton Woods en juillet 1944.

la Maisonla Banque d’un pôle fondée en accords de

Il s’agit d’une institution multilatérale, c’est-à-dire que ses actionnaires sont des gouvernements des pays membres. Pendant le Campus 2014, une autre institution multilatérale a été visitée : la Banque Interaméricaine de Développement (voir page 68). Les autres banques de développement (des Caraïbes, Asiatique, Africaine, …) qui viennent en aide aux pays en voie de développement fonctionnent toutes sur ce même principe. Jonathan Rotschild a souligné que la Banque mondiale est le seul de ces organismes dans lequel plus de la moitié du capital de l’institution est détenue par des pays qui n’empruntent pas à celleci. Les autres banques possèdent une action plus régionale que la Banque mondiale, et proposent en général des solutions proches de la culture du pays. L’étendue des missions de la Banque mondiale lui permet d’avoir une expertise globale et ainsi de véhiculer les meilleures pratiques.

Il est fréquent pour la Banque mondiale de devoir intervenir plus intensément lors des crises économiques. Lors de la dernière crise financière, l’accès au crédit de nombreux pays s’est dégradé. Le montant annuel des prêts de la BIRD est ainsi passé de 10 G$ avant la crise à 40 G$ aujourd’hui. Association Internationale de Développement – AID Les pays à faibles revenus peuvent quant à eux se tourner vers l’AID qui fournit des prêts de 40 ans avec 10 ans de grâce pour le remboursement. Leur taux est également beaucoup plus faible puisqu’il oscille entre 0% et 0,5%. Le financement de l’IDA est

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56 fait entièrement à partir de dons provenant des états membres. Les pays qui ont recours aux prêts de l’IDA sont des pays pour lesquels l’accès au crédit via le système privé est quasiment impossible. La Banque Mondiale agit en ce sens comme prêteur de dernier recours. Société Financière Internationale – IFC La Banque mondiale aide la croissance dans les pays en développement. L’IFC identifie les sociétés qui ont un potentiel de croissance, mais qui manquent de financement. Agence Multilatérale Investissements – MIGA

de

Garanties

des

Le MIGA assure les investisseurs étrangers dans les pays en développement contre les risques politiques lorsque les assureurs privés refusent de prendre le risque. Le plus grand risque que rencontrent les investisseurs est la nationalisation sans compensation de leurs moyens de production. Avec ces quatre institutions, la Banque mondiale facilite l’accès au crédit des États et des entreprises et assure les investisseurs étrangers afin qu’ils puissent investir dans les pays à faible et moyen revenu. Elle dispose en plus d’une agence qui offre des moyens d’arbitrage et de conciliation visant à régler les mésententes relatives aux investissements entre les États membres : l’ICSID. La gestion des « mauvais payeurs » Jonathan Rotschild nous a expliqué qu’emprunter à la Banque mondiale est toujours assorti de conditions strictes que les États doivent s’engager à respecter (notamment sur la transparence des flux d’argent). Si la Banque mondiale ne dispose pas de l’autorité pour contraindre les pays à respecter leurs engagements, elle s’assure néanmoins que les pays enclenchent les réformes nécessaires en distribuant ses financements par tranche. À chaque tranche correspond un ensemble de critères qui doivent être remplis avant de recevoir le paiement. Le versement par tranche permet également d’assurer l’aboutissement des projets longs termes. En effet, les gouvernements en place ne sont pas

tentés de détourner les fonds pour renforcer leur popularité avec des mesures courts termes. Il arrive de temps en temps que certains pays préfèrent ainsi se passer de l’aide de la Banque mondiale pour ne pas avoir à respecter les conditions de prêt (environnementales, sociales, de développement durable, etc.). Selon le droit international, la Banque mondiale et le FMI doivent être les premiers créanciers remboursés. Malgré sa vigilance, il est arrivé par le passé que certains pays ne remboursent pas la Banque mondiale. Cela concerne principalement les États qui connaissent une forte corruption et dans lesquels l’argent n’atteint pas forcément le projet. Ces dernières années, la Banque mondiale a procédé à des annulations de dettes dans ce type de pays. La Banque mondiale ou le FMI interviennent quand les États n’ont pas d’autres alternatives pour se financer. Ne pas rembourser ces institutions reviendrait à se priver de deux aides financières conséquentes, les États ont donc tout intérêt à honorer ce type de dettes.


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Comparaison Banque mondiale et FMI La Banque mondiale et le FMI sont deux institutions du système de Bretton Woods qui ont une structure de gouvernance semblable. Pour devenir membre du FMI, un pays doit être membre de la Banque mondiale. Étant représentées dans l’un et l’autre des conseils, les deux institutions possèdent des outils d’action distincts qui leur permettent de collaborer sur des projets d’assistance aux pays membres. Chaque État membre détient des actions de la Banque mondiale et du FMI dont la valeur est proportionnelle à sa capacité économique. Traditionnellement, le Président de la Banque mondiale est choisi par le gouvernement des États-Unis tandis que le Directeur Général du FMI est proposé par les pays européens. En avril 2008, une importante réforme de la représentation des pays a été adoptée, afin d’ajuster les quotes-parts des pays à leur situation économique actuelle, jusqu’alors basée sur celle de 1944. Les droits de vote différent légèrement des quotes-parts, un minimum de droit de vote étant attribué à tous les pays. Il est fixé dans la Constitution de 1944 que la supermajorité – permettant la modification de sa charte – est de 85% des voix. Le seul pays qui possède historiquement ce droit de veto est les États-Unis, avec une présence dans l’actionnariat de 15.83%. Le conseil d’administration de la Banque mondiale doit approuver tous les prêts accordés aux États ; il se réunit deux fois par semaine – les mardis et jeudis – en alternance avec les réunions de celui du FMI – les lundis, mercredis et vendredis. Dans les deux institutions, 188 gouverneurs représentent les États membres, mais seuls 25 administrateurs représentent les pays ou groupes de pays au conseil d’administration de la Banque mondiale, et 24 au FMI. Chaque administrateur représente en moyenne 4% du capital des pays membres. Le ministre canadien des Finances, Joe Oliver, représente donc au Conseil des Gouverneurs à la fois le Canada, l’Irlande et des pays de la région des Caraïbes. Les deux organismes possèdent des outils d’action qui diffèrent l’un de l’autre. D’un côté, la Banque mondiale se concentre principalement sur le développement économique et social de moyen à long terme. Elle différencie les pays à revenus moyens et élevés (Hongrie, Brésil, Chine, Turquie, Italie, Grèce, Qatar…) des pays à bas revenus (Afghanistan, Rwanda, Somalie, RDC, Haïti…) en leur proposant des prêts à durées et taux différents. En plus de l’aide financière, la Banque mondiale fournit aussi une assistance technique et un conseil analytique au travers de son travail économique et sectoriel. De l’autre côté, le FMI se charge des problèmes macroéconomiques à court terme, qui sont souvent les conséquences de politiques fiscales, monétaires et de taux de change unique. Les prêts accordés par le FMI sont à court terme (environ 5 ans) et servent d’assistance aux pays éprouvant des besoins urgents en matière de balance des paiements, par exemple à la suite de chocs sur le prix des produits de base, de catastrophes naturelles et de fragilité politique.

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La crise et l’Union Européenne

La délégation de l’Union Européenne aux États-Unis Matthieu De Nadai Étudiant à la maitrise Génie industriel

Léa Faggio Étudiante à la maitrise Génie civil

Valérie Rouxel-Laxton Valérie Rouxel-Laxton est à la tête du département Économie et Finance de la délégation de l’UE à Washington DC. Elle est responsable de l’analyse et des rapports sur les évolutions macroéconomiques au niveau des économies américaines et européennes, et représente l’Union européenne sur les questions économiques aux États-Unis.

Délégation de l’Union européenne aux États-Unis La délégation de l’Union européenne aux États-Unis est une mission diplomatique à part entière qui travaille en relation étroite avec l’ambassade des États membres de l’Union européenne. Sa mission est de promouvoir les actions et les politiques de l’UE ainsi que l’importance des relations de ceux-ci avec les États-Unis. La délégation participe également à divers événements pour sensibiliser aux questions et préoccupations de l’UE et livre à Bruxelles un rapport sur la situation politique, sociale et économique aux États-Unis.


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Petite histoire de l’Union européenne Le traité de Paris lança l’entente qui deviendra finalement l’Union européenne : la Société Européenne du Charbon et de l’Acier. On remarque ainsi que dès ses débuts, l’Europe fut fondée sur la vision d’une économie commune. Depuis ce jour, l’Europe n’a cessé d’œuvrer vers une plus grande intégration économique. L’Acte unique européen de 1986 a ouvert la voie vers un marché commun en éliminant les barrières douanières et a mené à la signature du traité de Maastricht en 1992 et à l’annonce officielle de l’Euro en 1999. Dàs lors, les membres de l’Union européenne sont inclus dans un marché unique basé sur quatre principes : pas de droit de douane interne sur les biens, l’harmonisation des régulations, la libre circulation des citoyens européens au sein de la zone et finalement les États membres doivent garantir la libre circulation de l’argent entre les pays. En acceptant de progresser vers une plus grande intégration, les États membres de l’Eurozone ont également resserré leurs liens et lorsque la crise économique atteignit l’Europe, ils durent faire front ensemble pour gérer cette situation.

De quelle manière la crise économique a-t-elle affecté l’Union européenne?

Banque centrale européenne La banque centrale européenne a été créée en 1998, c’est l’une des sept institutions européennes définies dans le traité de Maastricht. Actuellement présidé par Mario Draghi, le directoire est en charge de l’implémentation des décisions du conseil des gouverneurs. Le directoire est composé du président de la BCE Mario Draghi, son viceprésident Vítor Constâncio et de quatre autres membres choisis par les États membres sur recommandation du conseil des gouverneurs. La BCE réunie les gouverneurs des banques centrales des États membres ainsi que les membres du directoire au sein du conseil des gouverneurs dont le rôle est de définir la politique monétaire de l’Europe. Il existe un troisième organe de décision : le conseil général qui est en charge des questions liées à l’adoption de l’euro telles que la fixation des taux de change des devises qui seront remplacées par l’euro. La BCE a plusieurs missions, la première étant de maintenir la stabilité des prix au sein de la zone euro afin d’éviter l’inflation. L’outil principal à la disposition de la BCE pour influencer l’économie est le pilotage des taux d’intérêts. La BCE doit également définir la politique monétaire de la zone euro, elle gère également les autorisations des États membres quant à l’impression de billets en euro et s’occupe des réserves de change.

La crise financière débuta aux États-Unis par l’explosion de la bulle spéculative sur le logement en août 2008. Alors que le marché américain dans son ensemble sombrait, les banques européennes qui détenaient des actifs aux États-Unis furent affectées et la crise se propagea ainsi en Europe. La crise financière se transformant en crise économique et l’argent des contribuables détenu par les banques étant en danger, les banquiers centraux des ÉtatsUnis et de l’UE décidèrent de répondre par un stimulus économique, en renflouant les banques et en abaissant les taux d’intérêts. Ces actions extrêmes menèrent à une hausse de la dette des gouvernements ce qui conduit certains pays plus affaiblis économiquement à une crise de la dette

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60 Union Européenne et la zone euro La série de traités de l’Union économique et monétaire établit deux espaces en Europe. La zone la plus vaste est l’Union européenne qui compte actuellement 28 États membres qui partagent un marché commun avec la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux. La zone plus réduite est l’Eurozone, elle comprend 18 états membres qui adoptèrent l’euro comme devise à partir de 1999. Les membres de l’UE qui ne font toujours pas partie de l’Eurozone sont de deux types : ceux qui faisaient déjà partie de l’UE lors de l’adoption de l’euro et ceux qui arrivèrent plus tard dans l’UE. Les premiers, le RoyaumeUni et le Danemark décidèrent de ne pas faire partie de l’Eurozone avec pour arguments la volonté de conserver la souveraineté sur leur politique monétaire ainsi que des cycles économiques non synchronisés avec ceux des pays de l’Eurozone. Les seconds tels que la Pologne ou la République Tchèque ne sont pour leur part pas encore prêts. Ayant toujours une inflation ainsi que des taux d’intérêts importants, des mesures, telles que l’adoption de l’euro, pourraient être néfaste pour leur économie qui pourrait ne pas supporter la concurrence interne à la zone.

souveraine. Ce stress économique, de pair avec un certain ralentissement de l’économie en Europe, a mis en avant certains disfonctionnements de la régulation européenne ce qui a accru le besoin de réformes du système bancaire et des politiques économiques afin de résoudre les problèmes apportés par la crise et de s’assurer que ses causes étaient éliminées. Valérie Rouxel-Laxton nous a expliqué que la crise de 2008 est différente des récessions traditionnelles que l’Europe avait connues après la guerre en cela que l’Europe avait eu une longue période d’expansion avant la crise. Celle-ci avait mené à une accumulation excessive de risques qui rendirent le choc bien plus violent.

Avec l’abaissement des taux d’intérêt et l’absence de supervision européenne, les pays ont eu tendance à emprunter de l’argent ce qui mena à un surendettement que certain pays n’étaient plus en mesure de rembourser lorsque les taux remontèrent. De plus le système financier dans son ensemble était en proie à la crise, ce qui ajoutait un problème de liquidité à la fois dans le secteur des banques d’investissements et commerciales et dans celui des banques centrales. Un des effets de la crise financière qui mena à la crise des dettes souveraines est la hausse très importante des taux d’intérêts pour les pays les plus endettés tels que la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne (voir graphique 1). Cela les empêchait de lever des fonds afin de stimuler leur économie sans voir leur dette crever le plafond. Sur le graphique ci-dessous, on peut noter deux évènements très importants. Premièrement, l’adoption d’une monnaie commune qui conduisit à une convergence des taux d’intérêts des obligations d’état au sein de la zone euro ainsi qu’à leur diminution globale. Ce mécanisme facilita l’accès des pays plus pauvres aux liquidités. En 2008 on voit d’abord que les taux d’intérêts divergèrent à nouveau en raison du manque de préparation de l’Europe face à la crise. Puis, du doute est né quant à


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la capacité des pays les plus pauvres à rembourser leur dette et ce, en plus du manque de soutien entre les États membres ce qui les rendait plus risqués pour les investisseurs. Bien qu’ils partagent un marché commun, il existe encore des disparités entre les États membres. Les États du «cœur» qui fondèrent l’Europe, qui ont bénéficié d’une économie plus mature, sont en meilleures conditions économiques que les états de la «périphérie». D’où le fait que leur approche vis-à-vis de la consolidation financière doive être différente. Les pays du «cœur», moins touchés, doivent soutenir leur croissance économique et maintenir le contrôle de leur budget tout en faisant face au vieillissement de leur population et aux problèmes liés à la diminution de leur force de travail et à l’augmentation des pensions de retraite. Tandis que les pays de la «périphérie», qui ont perdu de leur compétitivité, doivent la regagner en augmentant leurs exportations et en réduisant leurs coûts. La crise a mis en exergue l’incapacité de l’Union européenne à faire respecter les mesures

fiscales qu’elle prenait. Il y avait un manque global d’outils à la disposition de l’UE afin de superviser les institutions financières européennes, gérer les déséquilibres macroéconomiques et aider les états membres en difficulté.

La réponse européenne Valérie Rouxel-Laxton a mis en évidence le fait que, consciente du besoin de réforme, l’Union européenne a pris un large panel de mesures. L’idée principale est de s’attaquer à chaque aspect de la boucle de rétroactions négatives qui ont aggravé la situation pendant la crise. Trois aspects inter-reliés sont concernés : la stabilité financière, les dettes souveraines et la croissance économique. La stabilité financière est assurée par la recapitalisation des banques affaiblies et les prêts à taux très bas fixés par la Banque centrale européenne (BCE). La question des dettes souveraines sera réglée avec de la discipline fiscale et protégée par le Mécanisme européen de stabilité (MES), une institution capable de lever des fonds pour soutenir les pays et les banques afin de mitiger les risques d’explosion des taux d’intérêts.

Graphique 1 : Fluctuation des taux d’intérêt dans les pays de l’union européenne sur une période de 10 ans (source : Thomson Reuters Datastream)

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62 Finalement la croissance économique sera acquise avec des réformes structurelles et une amélioration des finances publiques. Comme décrit précédemment, chaque pays présente ses caractéristiques propres en termes d’économie et dans quelle mesure la crise l’a affecté, d’où le besoin de solutions sur mesure pour chaque pays vulnérable.

Par exemple, alors que la Grèce a besoin d’aide afin d’atteindre une certaine stabilité financière et rembourser sa dette, l’Espagne nécessite pour sa part des mesures pour renforcer son secteur financier et diversifier son économie actuellement trop centrée sur l’immobilier. Ces actions sont supportées par des institutions régionales et internationales telles que le Fond Monétaire International (FMI) et le Mécanisme européen de stabilité qui fournissent des prêts à des taux préférentiels à ces pays. Mme Rouxel-Laxton nous a montré de quelle manière la BCE a joué un rôle majeur dans le rétablissement de l’économie européenne. La mesure standard de la BCE a été de piloter ses taux d’intérêts afin de les garder bas et d’assurer la circulation des capitaux dans la zone euro.

En addition à ces mesures, la BCE a également pris des mesures non-standards pour soutenir la transmission de la décision concernant les taux d’intérêt en fournissant des «Long Term Refinancing Operations» (LTRO) qui sont des prêts à long terme à taux très faible pour les banques ayant un accès limité au marché interbancaire afin de leur permettre de continuer leurs activités. Pour restaurer la confiance dans le marché européen, Mario Draghi, le président de la BCE, a déclaré que «la BCE fera(it) tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro». De nouvelles institutions ont été créées afin de fournir à l’UE une meilleure vision des systèmes économique et financier. Le Système européen de supervision financière comprend : le Conseil européen du risque systémique, l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l’Autorité européenne des marchés financiers. À côté des institutions de supervision, une union bancaire a été mise en place afin d’établir un guide de régulation pour les banques opérant dans la zone euro. Au niveau des États membres, un cycle annuel de surveillance a été créé afin d’évaluer le budget des États membres par la Commission européenne qui donne alors des recommandations et des lignes directrices. Cinq ans après la crise, l’économie européenne montre des signes de reprise. Le taux de chômage est encore haut à 11.8%, mais a commencé à diminuer, l’inflation reste basse et les


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taux d’intérêts des obligations d’état à long terme convergent à nouveau. Ils diminuent notamment de plus en plus pour les pays les plus touchés par la crise alors qu’ils bénéficient des opérations monétaires sur titre (OMT) de la BCE et que certains sortent avec succès de leur programme de redressement. La surveillance par l’UE du budget des États membres les a amenés progressivement à aligner leurs dépenses avec leurs revenus.

et financiers des secteurs privés et publics et a accru sa capacité à faire respecter ses décisions. Le travail n’est pas terminé, mais un pas en avant a été accompli et l’Union européenne doit continuer sa réforme pour assurer sa stabilité économique et se doter d’un système financier pérenne.

L’Union européenne a montré durant la crise qu’elle était capable de s’adapter et de trouver des solutions pour supporter l’économie. L’UE a fait face à une tourmente qui l’a rendue consciente de ses faiblesses et qui a réaffirmé l’idée que les États membres devraient suivre la voie vers une plus grande intégration. L’Union européenne a désormais les outils et les institutions capables de définir des législations communes, de fournir une analyse et une vision des systèmes économiques

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Impact de la crise : une vision mondiale Rencontre à l’Institut International de la Finance Matthieu De Nadai Étudiant à la maitrise Génie industriel

Léa Faggio Étudiante à la maitrise Génie civil

Paul Ticu M. Ticu a plus de 12 ans d’expérience dans le milieu des marchés financiers et de la gestion globale des investissements à travers différentes classes d’actifs. Plus récemment, M. Ticu était responsable de la gestion de portefeuille chez Tiberius Asset Management où il a géré 1.6 G$ au travers de portefeuilles mondiaux multi-actifs. Avant de travailler chez Tiberius Asset Management, il a été directeur général chez Morgan Stanley Investment Management dans le groupe Global Macro and Asset Allocation.

Felix Hüfner M. Hüfner a rejoint l’IIF en avril 2012. Il est responsable des prévisions macroéconomiques mondiales, de la publication mensuelle du Global Economic Monitor ainsi que du rapport sur les flux de capitaux vers les économies émergentes. Avant de rejoindre l’IIF, M. Hüfner a été économiste principal et il a été à la tête du bureau représentant l’Allemagne et la République Slovaque à l’OCDE. M. Hüfner a également été économiste pour la Bundesbank, la BCE et le Centre de recherche économique européenne (ZEW) et a travaillé pour la Deutsche Bank.


Rapport PolyFinances 2014 - Impact de la crise : une vision mondiale

Institut International de la Finance (IIF) L’Institut International de la Finance (IIF) est l’association mondiale de l’industrie financière. La mission de l’IIF est de soutenir l’industrie financière au niveau de la gestion des risques; d’élaborer de nouvelles pratiques et de plaider en faveur de nouvelles politiques réglementaires, financières et économiques qui sont dans l’intérêt général de ses membres et qui favorisent la stabilité financière mondiale ainsi qu’une croissance économique durable. L’association compte près de 500 membres et collabore principalement avec les industries et les groupes privés tels que les banques commerciales et d’investissement (JP Morgan, BNP Paribas, etc), les gestionnaires d’actifs (BlackRock, etc), les compagnies d’assurance (MetLife, etc), les fonds souverains, les «hedge funds», les banques centrales et les banques de développement (Banque mondiale, etc.). Fondé en 1983, l’Institut travaillait alors essentiellement sur l’économie des pays en développement et sur la sortie de la crise de la dette des années 1980. Une institution telle que l’IIF était alors nécessaire pour surveiller et évaluer la dette des pays en développement, les données et analyses réalisées par les institutions officielles, notamment la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et le Fonds Monétaire International (FMI), étant souvent confidentielles et non disponibles pour le secteur privé. Tout au long de son histoire, l’Institut a aidé ses membres à naviguer dans un paysage financier de plus en plus complexe principalement en fournissant de solides analyses économiques, des recherches spécifiques sur les pays à un niveau global, régional et national ainsi que par la mise en place d’un forum afin de leur permettre d’identifier les meilleures pratiques se faisant dans l’industrie. L’Institut s’efforce également de créer des consensus entre les institutions réglementaires, telles que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, et ses membres et formule une voix commune en collaboration avec le secteur officiel sur les questions de politique (G20, FMI, les gouvernements souverains), en mettant l’accent sur la restructuration de la dette souveraine (IIF Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring) et sur la politique des marchés émergents. L’IIF a joué un rôle majeur ces cinq dernières années en réponse à la crise financière mondiale de 2008, principalement en prenant un rôle de premier plan dans le traitement de la crise de la dette en Europe et en développant ses outils d’analyse aux recherches économiques, aux politiques des marchés financiers et des marchés émergents, mais également par le développement et la diffusion de la réglementation financière mondiale et des pratiques de l’industrie afin de promouvoir des politiques de prévention et de résolution de crises adaptées.

Les conférenciers, M.Ticu et M. Hüftner, ont abordé l’impact de la crise financière mondiale sur les pays développés et sur les pays émergents, en analysant les différents changements qui se sont produits entre 2007 et 2012 tout en tenant compte des opportunités et des contraintes à venir.

Avant la crise: le monde est en pleine évolution

Mis à part certaines crises locales au niveau des pays émergents telles que les crises asiatiques et russes, une croissance similaire a pu être observée pour les économies avancées et émergentes jusque dans les années 2000. Après cette période, les économies émergentes ont commencé à avoir un taux de croissance beaucoup plus élevé que celui des économies avancées, en particulier après la crise financière de 2008/2009 qui a fortement ralenti la croissance des pays les plus développés.

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66 Durant la crise: le monde est à l’envers Suite à la crise financière, l’accès au crédit s’est resserré et toute l’économie mondiale a ralenti de 2007 à 2012 contribuant à l’amplification de la crise des dettes souveraines et affectant particulièrement la croissance des pays européens. Pour les économies avancées, les banques centrales ont fait face à cette crise en diminuant fortement les taux d’intérêts. À l’opposé, les pays émergents ont profité de bonnes conditions financières, favorables au crédit, pour se développer plus rapidement.

Après la crise: le monde a changé La croissance mondiale a continué à ralentir en 2012 et l’économie mondiale a dû faire face à de nombreuses difficultés, principalement en raison de l’affaiblissement croissant des économies des pays développés. La croissance du PIB de ces derniers est en effet passée de 1.4% en 2011 à 1.2% en 2012. La zone euro, qui a été particulièrement affectée, a d’ailleurs replongé dans une légère récession à la fin de 2011.

Toutefois, en 2013, une reprise de l’économie des pays développés a pu être observée, principalement dûe à la politique de relance offerte par les banques centrales et les gouvernements, notamment par le biais de politiques monétaires. Tout comme à la conférence à la Délégation de l’Union européenne aux États-Unis, Felix Hüfner nous a également rappelé les propos du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, lors que celui-ci, à la mi-2012, a souligné que son institution ferait «tout ce qui est en son pouvoir pour préserver l’euro». En ce qui concerne les ÉtatsUnis, plusieurs programmes d’assouplissement quantitatif ont permis de garder les taux d’intérêts à long terme à des niveaux très bas, ce qui a permis de stabiliser le marché du logement et dès lors de

supporter la demande.

En revanche, la croissance des pays émergents a été décevante, passant de 6,1% en 2011 à 4,8% en 2012, notamment en Amérique latine. Ce ralentissement est dû à un certain effet cyclique. Les pays émergents ont emprunté de l’argent auprès des pays développés durant la crise, profitant de taux d’intérêts très bas. Cependant, par la suite ils ont dû rembourser cet argent à des taux d’intérêts beaucoup plus élevés, compromettant leur capacité à maintenir leur croissance dans le futur. De plus, certains pays ont également dû faire face à un certain vieillissement de leur population.

Perspectives En 2014, la croissance mondiale semble être dominée par les économies avancées, principalement en raison de politiques monétaires favorables, comparativement aux pays émergents, et ce même si les taux d’intérêts demeurent encore très bas; ces derniers étant inévitablement amenés à croître. - En Europe, les défis demeurent nombreux pour être en mesure de revenir à des perspectives de croissance plus durables. Le début de l’année a connu une certaine reprise économique et les prévisions annoncent à la fois une augmentation de la croissance du PIB et de l’emploi. - Aux États-Unis, la Réserve Fédérale devrait arrêter de poursuivre sa politique d’assouplissement quantitatif fin 2014. Leur stratégie, basée sur le taux de chômage, est de parvenir à augmenter les taux d’intérêts au cours de l’année 2015, taux d’intérêts qui sont actuellement à zéro pour cent. Une augmentation des bonds du trésor américains sur 10 ans est donc attendue. - Les flux de capitaux vers les pays émergents ont récemment été relativement volatiles, malgré


Rapport PolyFinances 2014 - Impact de la crise : une vision mondiale

une certaine reprise depuis 2009, les conditions sur les marchés financiers étant moins favorables depuis 2013. Toutefois, les pays émergents représentent un ensemble de pays très diversifié et peuvent être classés en plusieurs catégories différentes : certains pays souffrent de l’inflation, ce qui les pousse à augmenter leurs taux d’intérêts, d’autres sont confrontés à des difficultés pour attirer les investisseurs en raison de problèmes politiques, alors que certains pays présentent de meilleures perspectives, notamment les pays qui exportent principalement dans les pays développés et qui n’ont pas des besoins de financement externe trés élevés.

sont-ils désormais mieux préparés pour faire face à une nouvelle crise hypothétique? Si une nouvelle crise éclate, quels pays seraient les plus impactés, les pays émergents ou les pays développés? L’IIF est sans aucun doute l’organisme le mieux placé pour aborder ce genre de questions.

Conclusion La crise financière mondiale, et en particulier la crise de la dette souveraine, a fait prendre conscience à l’IIF de l’importance de la gestion des risques, en particulier dans les économies matures. Elle a été un rappel de la nécessité, pour tous les acteurs de la finance mondiale de mieux identifier, surveiller et atténuer les sources potentielles de risque systémique. En même temps, la croissance rapide des économies émergentes et le risque de l’apparition de nouvelles crises dans certains marchés émergents vont créer de nouveaux défis dans les années à venir. Felix Hüfner a ainsi conclu sur le fait que cette nouvelle dynamique soulevait de nouvelles problématiques: les pays développés

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Développons l’Amérique Latine Banque interaméricaine de développement Alexandre Jumelle-Kouakou Finissant au baccalauréat Génie civil

Yahya Diallo Finissant au baccalauréat Génie civil

Hugo Ñopo Afin de comprendre les impacts de la crise pour les pays en voie de développement, particulièrement en Amérique latine et aux Caraïbes, l’équipe a eu le privilège de rencontrer M. Hugo Ñopo, économiste en chef pour la recherche en éducation au sein de la Banque interaméricaine de développement (BID). M. Ñopo, originaire du Pérou, s’est établi au siège social de la BID à Washington DC, suite à son départ de Bogota en Colombie où il y occupait le même poste. Auparavant, il a œuvré pour le département de recherche de la BID comme Professeur Adjoint au Middlebury College et au Groupe pour l’Analyse du développement (GRADE) comme chercheur affilié. Il s’est beaucoup investi dans le domaine de l’éducation dans son pays d’origine comme professeur d’université et comme interlocuteur dans de nombreuses conférences. Son domaine de recherche se concentre sur le développement de la petite enfance, les inégalités raciales dans le système de l’éducation et dans le marché de travail, ainsi que l’évaluation de l’impact de la politique publique. Cet humaniste, sensible au développement des pays en voie de développement possède une vision valorisant l’acquisition de connaissances chez les jeunes afin que ces derniers soient en mesure d’aider à l’auto-développement de leur pays.


Rapport PolyFinances 2014 - Développons l’Amérique latine

Établie en 1959 sous l’initiative du Président Kennedy, la BID est la première banque régionale pour les pays en voie de développement en Amérique Latine. Pour y parvenir, la BID fournit des subventions, de l’assistance technique et un programme de recherche. Ce dernier vise à trouver des solutions afin de réduire la pauvreté et les inégalités. Par conséquent, elle joue un rôle similaire à celui de la Banque mondiale à l’exception qu’elle se focalise sur les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes. Ces processus, mis en place pour effectuer des changements et atteindre des résultats concrets, sont réalisés pour accroître l’intégrité, la transparence et la reddition de comptes. Les responsabilités éthiques de la BID les obligent à adopter des mesures qui favorisent l’intégrité et la transparence. D’ailleurs, les employés de la Banque adhèrent à un code déontologique strict établi depuis 2012. En effet, dans les pays en développement, la corruption est omniprésente. Par conséquent, un système anti-corruption a été mis en place et permet à la banque de contrôler les investissements par l’intermédiaire des agents qui supervisent le suivi du projet. La BID se compose de 48 pays, dont 26 en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces derniers sont éligibles à l’appui de la BID (monétaire ou support technique). Les autres pays qui composent la BID comme le Canada, les États-Unis, sont évidemment ceux qui fournissent les fonds ou les services. Pour devenir un membre régional, un pays doit faire partie de l’Organisation des États américains (OEA). D’autre part, les membres non régionaux doivent d’abord être membres du FMI. L’an dernier, la BID a déboursé plus de 14 G$ en prêts et subventions aux gouvernements centraux,

aux provinces, aux municipalités, aux entreprises privées et aux organisations non-gouvernementales (un montant peu significatif face au 40 G$ distribués par la BIRD de la Banque mondiale). Pour bâtir le fonds qui finance les pays en développement, la BID amasse les fonds provenant de tous les membres. En effet, chaque membre doit s’acquitter de frais annuels s’il désire conserver son titre de membre du conseil d’administration. Par la suite, la BID se finance sur les marchés des capitaux notamment par l’émission d’obligations. En finançant ainsi ses fonds, la BID est en mesure d’offrir des prêts à faible intérêt. Tout comme le FMI et la Banque Mondiale, la BID a un rôle humanitaire important. À la différence des autres instances, la BID est plus spécifique à la culture latine ainsi qu’aux défis entourant la région. Ceci dit, ces trois instances collaborent afin d’être en mesure de répondre aux besoins qui dépassent les capacités de la BID. La BID et la Banque mondiale ont des mandats communs et la coordination se fait soit selon les secteurs (les divisions concernées communiquent), soit selon les pays.

La BID coordonne ses activités avec plusieurs autres institutions mondiales ayant des projets similaires. Par exemple, la BID s’est liée au Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies (WFP) qui s’occupe des enfants ayant une déficience alimentaire ainsi que de leur éducation, ce qui, selon M. Ñopo, est la clé du développement.

L’importance du savoir La présence financière de la BID est importante dans les pays en voie de développement. « We do a mission », nous dit Hugo Ñopo, « La Banque amasse des fonds à la bourse (principalement Wall Street) afin d’aider les pays à se développer ». En fait, lorsqu’octroyée à des entrepreneurs locaux afin de financer des projets, la liquidité est offerte sous forme de prêt avec un

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70 Graphique 1 : Chili 1992-2003, Taux horaire selon le genre (femme ou homme), dans les secteurs urbains

faible taux d’intérêt. Il est très important de rappeler que les enjeux de ces investissements ne sont pas fondés sur la finance ou le support technique. Le développement se fera en tenant compte de la culture et de son importance, ce qui fournira les connaissances. Dans les années 1990, dans les pays latinoaméricains, comme le spécifie M. Ñopo, le salaire des travailleurs est proportionnel à leur niveau d’étude. Aujourd’hui, cette relation existe encore, cependant, le salaire a diminué. Pendant des années, le nombre d’écoles et d’universités a augmenté, ce qui a également augmenté le nombre d’individus sur le marché du travail; ceci a eu pour conséquence une diminution des salaires des pays de la région entre 1992 et 2002. Par ailleurs, les recherches de M. Ñopo ont révélé une différence selon le sexe des employés. Comme le montre le graphique 1, l’exemple du Chili montre que même si le salaire a augmenté, les hommes obtiennent un salaire plus élevé de 50% par rapport à celui des femmes, et ce, à éducation égale. De plus, il est à noter qu’avec la croissance de la population, le système éducatif s’est développé en volume, mais pas en qualité. Il est clair que les gouvernements latinoaméricains ne s’investissent pas assez afin

d’améliorer leur système éducatif. Du moins, c’est la conclusion du rapport du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), publié en 2012, qui mesure l’aptitude d’un demi-million d’étudiants âgés de 15 ans dans le monde (65 pays).

Ce rapport révèle que les pays d’Amérique latine sont les pires au monde en mathématiques, sciences et lecture : les pays de la région sont classés dans la tranche inférieure de 10%. C’est l’un des faits exposés par M. Ñopo pour illustrer pourquoi l’éducation est la priorité dans le processus de développement dans la région.

La crise financière de 2008 et les pays en voie de développement En 2008, la crise financière frappe le monde entier. Alors que la crise a eu un impact considérable sur les pays développés, les pays en voie de développement en furent moindrement


Rapport PolyFinances 2014 - Développons l’Amérique latine

affectés. La principale raison de cette observation est que ces pays ne sont pas intégrés dans l’économie mondiale en raison de leur faible niveau de développement. Toutefois, afin de réduire l’impact de la crise et de minimiser le fait que les pays développés ne peuvent pas fournir autant d’aide financière, certains pays en voie de développement ont intensifié leur coopération réciproque. C’est le cas, par exemple, des pays de la CARICOM (Communauté Caribéenne). Pour conclure, nous pouvons nous demander à partir de quel niveau de développement un pays commence à intégrer l’économie mondiale et y prendre une part assez significative pour être impacté par ses fluctuations.

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Ambassade du Canada

Soutenir les échanges avec les États-Unis David St-Jacques Finissant au baccalauréat Génie mécanique

Ilias Tihani Finissant au baccalauréat Génie industriel

Jérôme Pischella Monsieur Jérôme Pischella nous a fait l’honneur de nous recevoir à l’Ambassade du Canada à Washington. M. Pischella a 15 ans d’expérience auprès des bureaux des affaires internationales. Avant de rejoindre les affaires internationales, M. Pischella a travaillé 7 ans auprès d’Exportation et Développement Canada. Aussi, il a travaillé 2 ans à Rabat, Maroc en tant que délégué commercial et directeur de la section du commerce. L’intervenant est conseiller en sciences et technologies depuis 4 ans à l’Ambassade du Canada à Washington.

La conférence a débuté avec une présentation du rôle d’une Ambassade. L’Ambassade du Canada compte quatre sections principales. La première étant la section politique, assure la pérennité des bonnes relations diplomatiques entre les deux pays. Elle s’occupe notamment de quelques sujets pouvant être source de potentiels désaccords comme les relations en Arctique, dossiers nucléaires etc. Aussi, la section politique se doit d’être présente lors des votes de lois aux EtatsUnis ; elle doit en faire le suivi afin de s’assurer qu’aucune loi protectionniste ne désavantage les compagnies canadiennes. Les fonctions de cette section politique ne se limitent pas qu’à étudier l’impact des lois, mais également des réactions politiques qu’elles pourraient engendrer. La deuxième section est la section consulaire.

Cette section, qui couvre le district de Columbia et les trois états avoisinants, offre des services de protection aux citoyens canadiens. Aussi, il existe une section immigration mais qui a été fermée depuis deux ans. Quant à la section de la défense canadienne, elle est représentée par 120 personnes. Finalement, la dernière section est la section commerciale, dont fait partie notre conférencier. Cette section est chargée des politiques économiques et du développement d’affaires. Le rôle majeur est d’aider les compagnies canadiennes dans leurs démarches pour étendre leurs activités au marché américain. Une tâche complexe à cause de la difficulté de pénétration du marché. Ce service gratuit offert par l’Ambassade assiste environ 500 entreprises par année pour une totalité de 750 interventions pour le district de Columbia, la Virginie Occidentale et le Maryland ; à l’échelle du pays, on compte plus de 3 500


Rapport PolyFinances 2014 - Ambassade du Canada interventions par année aux Etats-Unis, réparties entre l’Ambassade, les consulats et les bureaux commerciaux. Avant de contacter l’Ambassade, l’entreprise canadienne doit en théorie avoir un plan d’affaires détaillé, explicitant ses objectifs et ses besoins, que ce soit pour un établissement, un partenariat, soustraitance et autres. L’appui proposé est varié et comporte plusieurs éléments dont les suivants : • Solutions de financement : l’Ambassade ne finance pas directement les entreprises mais aide ces dernières à explorer toutes les possibilités pour sa levée de fonds. • Recherche de partenaires scientifiques : Certaines entreprises ont besoin d’une expertise approfondie dépendamment de leurs domaines d’exploitation. L’Ambassade joue dans ces cas le rôle d’intermédiaire avec des instituts de recherche pour créer une collaboration bénéfique aux deux parties. • Réseautage : Parfois, il suffit de communiquer à l’entreprise une liste de contacts de candidats pour une collaboration potentielle. L’Ambassade dispose d’une large banque de données d’entreprises, de professionnels ainsi que des associations et regroupements industriels. • Recherche proactive de contacts clés : Dans des cas plus avancés, M. Pischella accompagne la compagnie canadienne pour rencontrer des personnes clés, ciblées non seulement par secteur d’intérêt, mais jugées pertinentes pour la compagnie en question. • Disputes commerciales : l’Ambassade n’intervient jamais dans les cas de disputes commerciales pures, pour des raisons diplomatiques. Les parties prenantes du litige doivent trouver un autre recours pour la résolution du problème. En revanche, l’Ambassade intervient quand il s’agit de résolution de problèmes que peuvent rencontrer les entreprises comme un blocage douanier ou encore des mesures déloyales de protectionnisme. • Soutien et conseils : grâce à son expérience,

M. Pischella peut conseiller les entreprises sur l’élaboration de leurs plans d’affaires, le potentiel et la difficulté du marché. Aussi, il est possible de donner accès à des études provenant de la base de données de l’Ambassade. Subséquemment, l’Ambassade est, grâce aux services cités, d’une très grande utilité aux entreprises canadiennes. Une partie des entreprises qui ont recours à l’Ambassade cherchent à baisser leurs coûts trop élevés ou augmenter leurs ventes après une période de crise. Les objectifs atteints pour ces petites et moyennes entreprises sont généralement la continuation de la compagnie et un second souffle pour les livres comptables.

À l’opposé, les grandes entreprises sollicitent fréquemment l’aide de l’Ambassade pour des cas de protectionnisme involontaire. Ainsi, il arrive que certains conseillers américains écartent les candidats canadiens dès l’appel d’offre pour favoriser leurs compatriotes. En effet, les lois sur le commerce international ne sont pas maitrisées de tous ; toutefois une simple conscientisation est généralement suffisante pour remédier à la situation. D’autres cas de litiges fréquents se retrouvent aux douanes. Que ce soit du côté américain ou canadien, il arrive que des biens se retrouvent bloqués aux frontières. Même si en principe l’Ambassade n’est pas supposée intervenir, elle essaye d’aider à accélérer les processus de traitement d’un envoi en règle vers le sol américain.

Secteurs économiques et échanges Canada-USA Au-delà des procédures administratives, l’accompagnement est très important à cause de la complexité du marché. Comme l’a fait remarquer notre conférencier, il est difficile voire impossible de parler d’un marché américain unique. Il y en a bien plus que 50 dans ce vaste pays qui compte la 3ème plus grande population mondiale. Chaque

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74 région et chaque secteur comporte une multitude de spécificités dont il faut tenir compte. Pour le secteur énergétique par exemple la disparité des ressources est flagrante, il en est de même pour la demande. Sachant que les États-Unis veulent devenir premier producteur mondial de pétrole et atteindre l’autosuffisance énergétique d’ici 2020, certaines opportunités et menaces sont à surveiller. La politique énergétique américaine prévoit de miser énormément sur le gaz de schiste : une « mine d’or» pour les compagnies de l’Alberta qui détiennent une forte expertise.

Selon Jérôme Pischella, en plus du secteur énergétique, d’autres secteurs en plein essor sont à surveiller pour l’épanouissement des entreprises canadiennes comme la biotechnologie, la nanotechnologie et la cybersécurité. À l’opposé, certains secteurs ont connu une récession plus accrue aux États-Unis qu’au Canada après la crise de 2008. La construction et la vente au détail en sont des exemples. Pareillement, d’autres secteurs sont en déclin, non pas à cause d’une baisse de la demande, mais à cause du manque de compétitivité, en particulier pour certaines matières premières. Pendant très longtemps, les compagnies canadiennes bénéficiaient d’une monnaie dévaluée par rapport à la monnaie américaine ce qui aidait considérablement l’export. Aujourd’hui les conséquences de la parité du dollar sont le manque de compétitivité au niveau des prix pour certains, et au niveau de la productivité pour d’autres à cause du manque en innovation. La clé de la réussite est l’innovation, la recherche et le développement. Finalement, l’Ambassade fait la promotion des possibilités d’investissement au Canada auprès de compagnies américaines. Les chambres de commerce, les partenaires provinciaux ou les regroupements d’industriels sont alors contactés afin d’identifier des destinations attrayantes et compétitives pour les potentiels investisseurs.

Conclusion La section du développement d’affaires est une excellente initiative pour ouvrir la porte du marché américain. Cependant, ceci ne représente que l’infrastructure et le cadre de la collaboration, le contenu des échanges est d’autant plus important. Les compagnies canadiennes doivent décoder les marchés américains et cibler les secteurs en croissance. Les changements d’administration -donc de règlementation-, le taux de change et l’état de l’économie régionale sont tous des facteurs extrêmement importants pour assurer le succès d’une implantation vers le voisin du sud. Une autre barrière à franchir, concernant davantage les compagnies francophones, est la barrière de la langue. Par conséquent, une gestion efficace de la différence et un effort d’adaptation s’impose pour les entreprises québécoises. Finalement, il est à noter que, de par sa proximité des institutions financières internationales et du secteur privé, l’Ambassade peut fournir des outils et recommandations suite à l’identification de certains besoins, mandats et appels d’offres pouvant intéresser les compagnies canadiennes. Cependant, le plus grand effort doit venir directement des entreprises en faisant graduellement des affaires entres provinces pour se familiariser avec les difficultés qui peuvent survenir. Ensuite, grâce à l’innovation, ces compagnies doivent se démarquer des produits et entreprises américaines afin d’être en mesure de pénétrer le marché américain.


Rapport PolyFinances 2014 - Ambassade du Canada

Délégation du Québec à Washington Au cours du campus, Polyfinances a eu la chance d’être reçu à la Délégation du Québec à Washington. Le bureau de Washinton a été ouvert en 1978 pour faire la promotion du tourisme dans notre province. Son rôle s’est toutefois peu à peu élargi vers la promotion (et la défense, dans certains cas) des intérêts du Québec auprès du gouvernement américain lors de la rédaction de projets de loi ou dans le développement de certains programmes qui pourraient avoir un impact sur notre province. Le bureau travaille également en partenariat avec la Délégation Scientifique du Québec pour créer des liens entre les instituts scientifiques et technologiques du Québec et des États-Unis. Elle profite d’ailleurs d’un positionnement stratégique dans la capitale américaine puisque le district de Columbia et ses environs sont un pôle majeur pour la recherche et le développement dans le domaine des sciences de la vie.

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Prochains défis des États-Unis Rencontre avec le correspondant de Yahoo News Arthur Claire Étudiant à la maitrise Génie industriel

Lucas Picci Étudiant à la maitrise Génie industriel

Olivier Knox Olivier Knox est le correspondant en chef à Washington de Yahoo! News. Auparavant, M. Knox a travaillé une dizaine d’années pour l’Agence France-Presse en tant que correspondant politique. Lors de sa carrière, il a été correspondant à la Maison Blanche pendant plus de 10 ans et a couvert plusieurs événements majeurs comme la campagne présidentielle d’Al Gore ou l’investiture du président Obama en 2009. Il a d’ailleurs participé à de nombreux déplacements officiels des Présidents George W. Bush et Barack Obama.

Yahoo! News Yahoo! News est une filiale de l’entreprise californienne Yahoo! née en 1994. Géant de l’internet américain, son site de nouvelles est le plus visité aux États-Unis avec plus de 70 millions de lecteurs par mois, devant notamment MSNBC et CNN et il offre des articles dans une dizaine de langues différentes. Depuis 2011, l’organisation met d’importants efforts dans le but de devenir une des plus importantes entreprises de média aux États-Unis. Dans cette optique, la firme a recruté plusieurs journalistes expérimentés, afin d’offrir à ses lecteurs un contenu journalistique pertinent. Pour obtenir des informations de première main en provenance du pouvoir américain, Yahoo! News a recruté le correspondant de l’AFP se dotant aussi, en février 2012, d’un correspondant officiel à la Maison Blanche : notre conférencier, Olivier Knox.


Rapport PolyFinances 2014 - Prochains défis des États-Unis

À la lumière de sa connaissance du système politique américain, notre conférencier, Olivier Knox, a pu nous donner sa vision quant aux enjeux actuels et futurs de la politique américaine et nous éclairer sur la réponse politique donnée à la crise de 2008. Élections Le prochain événement majeur du calendrier politique américain concerne les élections de mimandat, qui visent à renouveler l’intégralité des 435 membres du Congrès ainsi que 33 des 100 sénateurs. Ces élections s’annoncent critiques pour l’administration Obama qui risque de perdre le Sénat tandis que les républicains devraient conserver le Congrès. En effet, ces élections sont historiquement difficiles pour les présidents démocrates ; de plus la popularité actuelle relativement faible du président Obama (environ 40%) devrait confirmer cette tendance. Le succès mitigé du Patient Protection and Affordable Care Act devrait peser dans la balance lors du décompte des voix. Ce basculement immobiliserait encore davantage l’administration Obama et recentrerait donc le débat sur les élections présidentielles de 2016. D’après M. Knox, plusieurs sujets devraient être au cœur du débat de la prochaine présidentielle américaine.

Tout d’abord l’immigration, qui devrait faire son apparition dans les discussions puisque les oppositions sont marquées entre les discours des démocrates et des républicains à ce sujet. Les deux partis s’entendent sur le renforcement du contrôle des flux transfrontaliers. Cependant ils s’opposent sur le sort des 10 à 12

millions de personnes actuellement en situation irrégulière sur le sol américain. Les républicains souhaitent commencer par renvoyer ces derniers avant d’établir de nouvelles règles, alors que les démocrates proposent de les régulariser, avant de légiférer. L’emploi sera le thème de cette prochaine élection. Les américains ont conscience que leurs enfants n’auront pas le même accès à l’emploi qu’eux-mêmes ont eu par le passé, et s’en inquiètent. Dans cette optique, le parti démocrate devrait inscrire dans son programme l’instauration d’un salaire minimum au niveau fédéral. Mais à l’heure actuelle, la question est de savoir quels seront les candidats qui représenteront les deux partis lors des élections. En effet, que ce soit côté démocrate ou républicain, aucune personnalité politique ne s’est encore démarquée. Bien sûr, Hilary Clinton semble être la solution la plus évidente à la succession de Barack Obama, mais des outsiders -comme l’actuel vice-président Joe Biden- pourraient également gagner les primaires démocrates. C’est d’ailleurs ce qui s’était passé en 2008, quand Obama avait remporté les primaires démocrates, devant Hilary Clinton qui était déjà favorite.

Toutefois, l’approche envisagée par Hilary Clinton pour 2016 est différente : sa campagne est davantage axée sur des idées que sur sa capacité à remporter l’élection. C’est pourquoi le soutien de M. Obama à l’un des candidats pourrait changer la donne. Chez les républicains, les débats autour de l’identité politique du parti s’enchaînent et n’ont pas encore permis à un candidat de se détacher. Les candidats républicains traditionnels doivent faire face à la montée du Tea Party, dont la popularité s’est considérablement accrue au cours des dernières années, jusqu’à devenir aujourd’hui un des courants majeurs du parti républicain.

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78 Les deux partis, véritables machines à élections, peuvent néanmoins être aujourd’hui concurrencés par des politiciens sans étiquette, mais disposant d’un très large soutien financier. Notre conférencier a cité l’exemple de Michael Bloomberg, qui serait capable de lever l’argent nécessaire à une élection présidentielle. Néanmoins, la création d’un troisième parti sur l’échiquier politique américain semble peu réaliste aux yeux d’Olivier Knox, bien que le sujet soit régulièrement abordé à l’approche des primaires.

Économie Selon notre conférencier, l’économie sera au cœur des primaires des deux partis et des élections de 2016. Néanmoins, ce sujet sera abordé indirectement à travers des débats autour d’aspects plus spécifiques. Ceci s’explique notamment par un bilan économique des deux mandats d’Obama insuffisamment bon pour être mis en avant par les démocrates, ni assez décevant pour permettre aux républicains d’attaquer directement leurs opposants sur ce point.

Comme l’a rappelé à plusieurs reprises Olivier Knox, il n’y a pas une économie américaine, mais bien cinquante économies distinctes qui constituent un tout. En effet, les enjeux économiques sont bien souvent spécifiques à chaque État et même parfois contradictoires. Par exemple, les accords de libreéchange sont perçus favorablement par certains États exportateurs de biens à forte valeur ajoutée -comme l’Iowa-. A l’inverse, ces mêmes accords sont vus comme une menace par les Etats dont les industries souffrent face à la concurrence des pays émergents, comme notamment l’Ohio. La crise financière a eu un impact considérable sur la politique américaine d’aujourd’hui. À la suite de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, George W. Bush, alors dans son deuxième mandat, convoque les deux candidats à la présidentielle: John McCain

et Barack Obama, afin de réfléchir à la solution à apporter à cette crise. Obama cherchait à passer outre les différences idéologiques en tentant d’apporter une réponse unique à la crise, alors que McCain s’est enfoncé en annonçant qu’il suspendrait sa campagne. Notons qu’aujourd’hui, selon les sondages, George W. Bush apparait toujours aux yeux des américains comme le responsable de cette crise qui perdure. Nouvellement élu, Obama fait approuver par le Congrès en février 2009 un plan de relance économique de 787 milliards de dollars afin d’empêcher la récession aux États-Unis. Ce plan, appuyé par le Président de la Réserve Fédérale Américaine Ben Bernanke, est notamment composé d’investissements dans certains secteurs de l’économie américaine -énergies, transports et environnement- ainsi que d’une batterie d’allègements fiscaux. Ce plan de sauvetage s’oppose aux plans d’austérité européens. Ces derniers ne sont pas particulièrement plébiscités par l’administration américaine qui doute de leur capacité à relancer l’économie. Concernant la réglementation financière, Obama signe le Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act afin d’augmenter la transparence et la stabilité du système financier, qui ont fait défaut lors de la crise des subprimes. Cette réforme n’est pas au goût de certains démocrates et a donc été difficile à faire adopter au Sénat. En effet, au sein du parti démocrate, plusieurs visions s’opposaient, allant de laisser les régulations telles qu’elles jusqu’à la remise en place du GlassSteagall Act. Aujourd’hui, la réforme n’est pas encore en application du fait de sa taille importante et aussi de la difficulté pour les agences des réglementations de s’entendre sur l’interprétation de la loi, ainsi que sur leurs domaines de compétences respectifs.

Enjeux nationaux La politique énergétique est un des piliers majeurs de l’économie américaine. D’ailleurs ceci est encore plus marqué depuis que les États-Unis ont annoncé leur volonté d’atteindre l’indépendance


Rapport PolyFinances 2014 - Prochains défis des États-Unis

énergétique. Par conséquent, plusieurs discussions à ce sujet animent le débat politique et sont à la source de virulents échanges entre les représentants des deux partis. Il est possible de citer pour exemple le projet de pipeline Keystone XL, qui vise à acheminer le pétrole brut issu des sables bitumineux canadiens vers les raffineries du Golfe du Mexique, est en discussion depuis de longs mois. Ce dernier est devenu le symbole de la lutte des environnementalistes américains et le blocage du projet constitue un argument pour les républicains, qui accusent l’administration Obama de freiner un projet créateur d’emplois. Néanmoins, ce projet majeur dépasse le cadre traditionnel des partis : on retrouve des opinions diverses dans les rangs des deux formations politiques. Cependant, selon Olivier Knox, la réforme des normes sur les centrales électriques -et notamment les centrales existantes- présente des enjeux bien plus importants ; bien que moins médiatisée. Toutefois, les considérations écologiques sont reléguées au second plan face à la volonté des Etats-Unis à devenir indépendant énergétiquement. Autre sujet inévitable dans la politique interne: le Patient Protection and Affordable Care Act, plus connu sous le nom de « Obamacare ». Celui-ci oppose vigoureusement les représentants des deux partis. En effet, les républicains, en plus de rejeter depuis des mois cette loi, assurent qu’elle pénalise l’économie américaine. Toutefois, ce projet est

finalement très proche de ce qui était proposé par ces mêmes républicains pendant la présidence de Bill Clinton, comme l’analyse notre conférencier. Ainsi, les démocrates pourraient gagner en popularité à travers le succès d’une telle mesure sociale et les républicains cherchent donc à la contrer.

Politique étrangère La politique internationale des États-Unis fut également une des grandes thématiques abordées, notamment les relations sino-américaines mais aussi la dégradation des liens avec le gouvernement de Vladimir Poutine. Au moment du campus et depuis plusieurs semaines, la tension était palpable entre les Russes et les Américains à cause du désaccord face à la menace d’annexion de la Crimée par la Russie. Les États-Unis s’inquiètaient de la politique menée par M. Poutine, qui semble n’avoir que faire des sanctions économiques imposées à son pays par la communauté internationale en réponse à ses prises de position en Ukraine. La dégradation des relations entre les deux pays avait commencé lorsque le président russe avait offert l’asile politique à Edward Snowden, auteur des révélations sur le programme de surveillance de la National Security Agency, malgré la demande personnelle du président Obama. Cependant, M.

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80 Knox affirme qu’une situation similaire à celle de la Guerre Froide ne pourrait voir le jour. Il a d’ailleurs mis en évidence l’importance capitale de la Russie dans l’établissement du pont aérien qui permet aux troupes américaines de quitter l’Afghanistan, ce qui force les États-Unis à maintenir le dialogue avec la Russie. D’autre part, récemment considérée comme ayant dépassé l’économie américaine, la Chine est un sujet important. Dans les années 1990, c’est Bill Clinton qui avait débuté l’entretien de relations sérieuses avec la Chine, en tentant d’en faire un allié responsable. Cependant les problèmes de stabilité inhérents au modèle économique chinois tendent aujourd’hui à ternir cette relation. Par ailleurs, plusieurs états industriels américains perçoivent la croissance chinoise comme une menace, car elle vient leur grappiller des parts de marché.

Conclusion Il est indéniable que le modèle politique américain tire sa force dans sa capacité à réunir un pays d’une telle taille, avec autant de diversité dans sa population. Revers de la médaille, le paysage politique des États-Unis est peu varié, avec deux partis se partageant le pouvoir et dont les différences idéologiques sont parfois très minces, centrées autour de consensus. Bien que Président de la première puissance mondiale, Barack Obama est dépendant des résultats des démocrates aux élections de mimandat. Un changement de majorité dans la branche législative du pays entraînerait une perte d’influence certaine, car toutes les propositions de lois devraient passer par l’approbation des républicains. Dans tous les cas, aucun projet de loi majeur ne semble être inscrit au calendrier politique du président Obama, entraînant peu d’attentes sur ses deux dernières années de mandat. Pour conclure, nous pouvons dire que la crise financière de 2008 a eu un impact considérable sur la politique américaine. En effet, les décisions prises par le président Obama afin de relancer

l’économie et protéger les américains des effets de la crise sont toujours au cœur du débat. Ces thèmes opposeront démocrates et républicains dans les campagnes de mi-mandat et les primaires des présidentielles de 2016.

« Obama Care » Le Patient Protection and Affordable Care Act, souvent connu sous le nom de de Affordable Care Act (ACA) ou « Obamacare », a été instauré par le président Obama en 2010. Il s’agit d’une réforme du système de santé américain visant à faciliter l’accès à une assurance maladie, augmenter la couverture des politiques d’assurance existantes et à diminuer les coûts du système de santé. Depuis sa promulgation en 2010, l’ACA a fait face à de nombreuses oppositions de la part de groupes conservateurs, de petites entreprises et du Tea Party, qui croient que la loi n’amènera pas les bénéfices espérés, mais augmentera plutôt le déficit du système de santé. Essentiellement, l’ACA élimine des bases de discrimination autrefois utilisées par les assureurs, étend la couverture des politiques existantes et oblige tous les individus qui ne détiennent pas déjà une assurance maladie à s’en procurer une. Les individus aux revenus faibles reçoivent une subvention afin de respecter cette dernière exigence. L’ACA instaure aussi des marchés de politiques d’assurances (« health insurances marketplaces »), où les gens peuvent comparer et se procurer des plans d’assurances approuvés par le gouvernement. Aussi, les entreprises de plus de 50 employés doivent offrir des assurances maladie à leurs employés à temps-plein ou payer une pénalité fiscale. Cette dernière clause fait l’objet de nombreux débats et son instauration a été retardée à 2015.


Rapport PolyFinances 2014 - Prochains dÊfis des États-Unis

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Campus 2015 L’univers du capital de risque ici et ailleurs PolyFinances 2015 étudiera le thème : «capital de risque». En évolution permanente l’industrie du capital risque a pris son essor avec le développement du secteur des technologies de l’information et de la communication puis a rapidement intégré le secteur des sciences. L’expertise technique de l’ingénieur devient donc une compétence essentielle afin de participer au rigoureux processus de sélection de jeunes entreprises innovantes financées par le capital de risque. L’équipe PolyFinances 2015 aura donc l’opportunité d’acquérir de réels compétences en capital-risque en mettant en oeuvre la théorie enseignée au cours de l’année scolaire, en rencontrant des experts du milieu et en participant à un campus à l’étranger. Au moment de mettre en page ce rapport, la destination finale n’a pas été encore choisie. Boston ou San Francisco. À suivre...

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