Le Journal du Palais n°14. Mars - mai 2021

N °14

MARS - MAI 2021

EXPOSITION

CE QUI S'OUBLIE ET CE QUI RESTE

P.4 AU MUSÉE : DÉBATS FRANCE ÉTATS-UNIS

P.11 UN NOUVEAU DIRECTEUR À L'AQUARIUM

P.13 EN LICE POUR LE PRIX LITTÉRAIRE

01

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C’EST AU PALAIS QUE ÇA SE PASSE !

L'Envers du décor, une 4e édition 100 % numérique, du 6 au 28 février 2021. — 01 Décor / à corps #1 de Lucie Lastella, William Meas et Irvin Anneix — 02 Cartographie en suspension de Jérémie Bernaert — 03 & 06 La vigne rouge de Latifa Medjdoub (aka Laftmonk) et Hélène Combal-Weiss — 04 La visite de Wanjiru Kamuyu et Tommy Pascal — 05 Décor / à corps #3 de Dalila Khatir, Murat Arslan et Jefry Lopalanga.

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À revoir sur https://envers.palais-portedoree.fr

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ÇA GAZOUILLE

Vos meilleures photos du Palais sur les réseaux sociaux

@lisaaandre_

@caloniedouardvincent

@arnaudxrv

@ada_hop_studio

3 LE JOURNAL DU PALAIS

Telle pourrait être la maxime de votre Palais préféré en cette période de fermeture forcée.

Car la soif de connaissance et de culture ne connaît ni confinement ni couvre-feu. Alors, pour vous, le Palais se réinvente sur internet. À l’heure de la sortie de ce journal, vous êtes déjà plus de 15 000 à avoir visité le site

LES ACTUS DU PALAIS

DOSSIER

de L’Envers du décor et nous vous espérons aussi nombreux pour découvrir en ligne notre nouvelle exposition Ce qui s’oublie et ce

qui reste, avant la réouverture (prochaine)

4 LES ACTUS DU PALAIS

France – USA : irréconciliables ?

6 DOSSIER

du Musée. Quant aux conférences Le Musée

Ce qui s’oublie et ce qui reste

part en live, elles se poursuivent une fois

11 PORTRAIT

par mois sur notre page Facebook avec une

Charles-Édouard Fusari

nouvelle thématique France - États-Unis.

12 LE PALAIS VU PAR...

Encore un peu de patience, on se revoit (en

13 DU CÔTÉ DES LIVRES

Stéphane Ly-Cuong

En lice pour le prix littéraire

vrai) bientôt !

14 VU & ENTENDU AU PALAIS

Le Palais croqué par Laurence Le Chau

OURS

Présidente du conseil d’administration : Mercedes Erra Président du conseil d’orientation : François Héran Directeur général : Pap Ndiaye Directeur du développement, des publics et de la communication : Benjamin Bechaux

Responsable de la communication : Thibaud Giraudeau Rédactrice : Elodie de Vreyer Maquette : Sandy Chamaillard Illustration 4e de couv : Laurence Le Chau

PHOTO EN COUVERTURE : BADR EL HAMMAMI, THABRATE, 2018.

COLLECTION DE L’ARTISTE © ADAGP, PARIS, 2021.

PHOTO : © ANNE VOLERY.

© ANNE VOLERY

qui viendra à toi !

© PEXELS

Si tu ne viens pas au Palais, c’est le Palais

SOMMAIRE

LE PALAIS CONNECTÉ

ACTU DU PALAIS

LE JOURNAL DU PALAIS 4

AU PALAIS

© PEXELS

PAP NDIAYE © D.R.

PAP NDIAYE

Depuis le 1er mars, Pap Ndiaye, universitaire, spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis, et particulièrement celle des minorités, est le nouveau directeur général du Palais de la Porte Dorée.

AU PALAIS

DES TUTOS POUR LES PETITS Un tableau découpé inspiré du jardin du Palais, des poissons porte-clefs ou des voitures cathédrales inspirées par l’artiste Thomas Mailaender, le Palais se décline en tutos pour le jeune public. À regarder sur notre site et notre chaine Youtube. www.palais-portedoree.fr/fr/les-tutosdu-palais

FRANCE – USA IRRÉCONCILIABLES ?

Un cycle de débats pour croiser les points de vue sur les sociétés des deux pays. Objectif : sortir des clivages médiatiques et des clichés.

Le personnage de David Palmer, président noir de la série 24h chrono dans les années 2000, a-t-il contribué à l’élection de Barack Obama ? Le modèle français, centralisé et universaliste et son pendant américain, racial et négligeant la question sociale, sont-ils en crise ? Comment évoquer l’histoire de la diversité dans les musées ?

Jusqu’en juillet, en partenariat avec l’ambassade des États-Unis d’Amérique, le Musée organise un débat à la fois riche et apaisé entre les deux pays.

Frédéric Callens, chef du service des Ressources, en a eu l’idée après l’onde de choc causée par la mort de l’Américain Georges Floyd, en mai 2020. « La mobilisation très forte d’une partie de la jeunesse française

sensibilisée aux enjeux d’égalité et de lutte contre le racisme suite à cet évènement dramatique, son traitement médiatique opposant parfois de manière caricaturale ou idéologique les modèles français et américains, nous ont amenés à proposer ce cycle avec l’ambassade ». Avec l’ambition de démêler le vrai du faux en confrontant les points de vue mais aussi de mesurer dit-il « les influences réciproques et les circulations entre ces deux grands pays d’immigration, ce qui les rassemble et les distingue hier et aujourd’hui ».

Retransmis en direct sur la page Facebook du Musée, les débats associent chercheurs, écrivains, directeurs d’institutions scientifiques et culturelles ou encore activistes.

Dominic Thomas, directeur du Département de langues européennes et d'études transculturelles à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), en assure l’animation.

Des points communs, il y en a, assure ce fin connaisseur des deux pays. À commencer par « une expérience historique commune beaucoup plus proche que ce qui est dit » : l’esclavage, la politique impériale, la tradition d’immigration. France et

États-Unis ont aussi en commun un engagement militant « décalé de 20 ans au moins, mais qui irrigue des débats finalement proches dans nos sociétés ».

Et une rupture générationnelle donc, avec une jeunesse très attentive aux discriminations mais aussi de plus en plus, « aux questions environnementales, et de justice sociale ».

Le 10 février, le cycle démarrait avec un débat sur la circulation, incessante, des idées et des mobilisations entre les deux pays.

Le prochain sera consacré au traitement des discriminations, « un domaine dans lequel la France, longtemps mobilisée sur la seule question du racisme, a pris beaucoup de retard », commente Frédéric Callens.

On parlera de soft power, le 9 juin, avec une rencontre sur l’influence des séries et des films américains. Enfin la dernière sera consacrée à la représentation de la diversité au sein des musées et à la politique des publics.

Pratique : L’idéal démocratique à l’épreuve de l’égalité ? Le 21 avril à 18h Cinéma et séries : une jeunesse sous influence ? Le 9 juin à 18h Les défis de la diversité dans les musées ? Le 7 juillet à 18h

ZOOM

ACTU DU PALAIS

LE CHIFFRE CLÉ PAPA © ANNICK KAMGANG

6,9

AVEC MIKA, LE PALAIS S’AFFICHE DANS PARIS Ou plutôt, le Palais revu par la dessinatrice de presse et bédéiste Annick Kamgang. Elle est l’une des neuf artistes du projet « Redonner des couleurs à Paris ».

Leurs affiches colorées occupent durant tout ce mois de mars les abribus et colonnes Morris. « Ça fait de Paris la plus grande galerie éphémère du monde», s’enthousiasme le chanteur Mika, à l’origine du projet. Il en a eu l’idée fin décembre face à ces supports d’affichage inoccupés. « Je me suis dit qu’il y avait une opportunité de remettre de l’émotion, de la couleur ».

Mika (qui cosigne une affiche), sa sœur Paloma et le directeur du musée des Arts décoratifs Olivier Gabet ont donc donné carte blanche à Annick Kamgang.

Papa, est un hommage à son père Hubert, figure du panafricanisme, disparu en 2020. Une année « marquée par l'histoire que mon père m'a transmise sur la décolonisation du Cameroun qui n'est racontée dans aucun manuel scolaire et à laquelle il a participé enfant, quand le pays était sous administration française », commente l’artiste. Elle a choisi de représenter le Palais, témoin de l’histoire coloniale, en arrière-plan « et de réinterpréter quelques détails de sa façade pour les mettre au service de l’histoire que mon regretté père m’a racontée ».

6,9 millions, c’est la somme dont va bénéficier le Palais dans le cadre du plan de relance pour la rénovation énergétique des bâtiments publics.

Ce financement exceptionnel de l’État permet, dans un délai serré (d’ici fin 2023), de mener à bien quatre chantiers majeurs, à commencer par le raccordement des chaudières au chauffage urbain, réduisant de moitié la facture pour chauffer les lieux, ainsi que le remplacement de 352 fenêtres en toiture.

L’amélioration de la ventilation des salles d’exposition et la modernisation de l’éclairage du parcours permanent du Musée sont aussi prévues.

PALAIS

YSEULT AU PALAIS Les trois autres spectacles

Never Twenty One, de Smaïl Kanouté (Cie Vivons) : en référence au hashtag #Never21 créé par le mouvement Black Lives Matter, ce spectacle de danse donne corps à des récits de vie récoltés entre New York, Rio de Janeiro et Soweto.

1er mai Notre Histoire de Stéphane Schoukroun et Jana Klein : une pièce de théâtre qui interroge l’antisémitisme et nos multiples identités à travers l’histoire d’un couple. En septembre, date à venir.

Manifeste : l’art de l’éloquence ! par la compagnie For Happy people & Co. Cette pièce de théâtre documentaire met en scène les paroles de jeunes lycéens sur les enjeux qui les mobilisent.

En septembre, date à venir.

5 LE JOURNAL DU PALAIS

L'ANIMAL STAR

L’HIPPOCAMPE INSOLITE !

Drôle d’allure, drôles de mœurs : l’hippocampe fascine toujours… En grec, son nom signifie « cheval courbé ». Non seulement ce poisson a une tête de cheval, des yeux de caméléon et une queue de singe mais en plus, il ne nage presque pas ! Adepte des eaux peu profondes, il préfère rester accroché à une algue ou une plante aquatique, attendant le passage de petites crevettes qui font son régal. Et quand arrive le temps des amours, c’est le mâle qui porte dans sa poche ventrale les oeufs déposés par la femelle. La médecine traditionnelle asiatique lui prêtant des vertus non vérifiées, l’hippocampe est victime de trafics. Il est pourtant inscrit comme une espèce menacée et protégée par la convention internationale de Washington (CITES).

Envie d’en savoir plus ? Si les conditions sanitaires le permettent, rendez-vous en mai à l’Aquarium, qui rouvre après travaux. Jusqu’au 5 septembre, avec Hippocampes ? Vous découvrirez les secrets de l’animal, les autres membres de sa famille, les Syngnathiformes (en forme de tube), et les moyens de les protéger.

L’artiste engagée lauréate des dernières Victoires de la musique donnera le 11 mai un concert piano-voix.

Sa prestation a été l’une des plus émouvantes des dernières Victoires de la musique, d’où elle est repartie avec le trophée « Révélation féminine de l’année ». En quelques mois, l’auteure-compositrice interprète Yseult est devenue une égérie du droit à la différence, contre les racistes, les sexistes et les grossophobes.

L’artiste à la voix pure et puissante sera au Palais le 11 mai, pour un concert assis piano-voix dans le Forum. Ce sera la seule date parisienne de cette tournée nationale.

La jeune chanteuse était attendue en mars, pour le Grand Festival.

Suite à l’annulation de l’événement, quatre spectacles labellisés par la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT), partenaire du Grand Festival, sont proposés jusque fin septembre.

C’est Yseult qui ouvre la danse.

Mardi 11 mai à 20h30, sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire. Tarif : 19,80 €.

Réservation sur le site de la FNAC.

LE JOURNAL DU PALAIS 6

DOSSIER

CE QUI S’OUBLIE ET CE QUI RESTE EN ATTENDANT LA RÉOUVERTURE AU PUBLIC, CETTE EXPOSITION EST À DÉCOUVRIR SUR www.histoire-immigration.fr/ce-quis-oublie-et-ce-qui-reste

Que transmet-on de son passé ou de sa culture ?

Que cache-t-on ? Le Musée national de l’histoire de l’immigration explore la notion de transmission avec cette nouvelle exposition. L’occasion de découvrir 18 artistes du continent africain et de ses diasporas aux démarches très diverses, dans un projet monté en collaboration avec le Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden (MACAAL) de Marrakech.

Face à face, le regard gêné, elles se tournent vers la vidéaste, en quête d’une traductrice. L’une parle arabe, l’autre anglais. La grand-mère et la petite-fille ne se comprennent pas. Trois générations auront suffi pour couper ce lien. Mother Tongue, de Zineb Sedira, fut la première acquisition d’art contemporain du Musée national de l’histoire de l’immigration. Cette œuvre, illustrant à la fois la richesse et la fragilité de la transmission orale a inspiré Meriem Berrada, directrice artistique du MACAAL et commissaire générale de l’exposition : « elle a été le point de départ de ma proposition ». Ce qui s’oublie et ce qui reste s’inscrit dans la programmation de la saison Africa2020 .

COMMANDE DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DU PALAIS DE LA PORTE DORÉE – MNHI. PHOTO : © ANNE VOLERY

7 LE JOURNAL DU PALAIS

AMINA AGUEZNAY, CURRICULUM VITAE, 2020-2021.

Un projet présidentiel invitant à découvrir partout en France la création et l’innovation contemporaines africaines dans des domaines aussi divers que les arts, les sciences, l’entreprenariat ou l'économie. Une invitation à « regarder et comprendre le monde d’un point de vue africain », résume l’architecte N’Goné Fall, la commissaire générale d’Africa2020.

Les institutions françaises étaient donc invitées à venir en appui de projets pilotés par des opérateurs africains. Ainsi est née la collaboration entre le Musée national de l’histoire de l’immigration et le Macaal. Le projet d’une exposition consacrée à la transmission s’est rapidement imposé. « Qu’on soit né à Paris, Bangkok ou Cotonou, que faiton de ces croyances, de ces traditions, de ces savoir-faire qui nous sont transmis ? La transmission, c’est ce qui nous rapproche », explique Meriem Berrada. À l’heure de la communication, des réseaux sociaux mais aussi de l’individualisme, qu’en est-il

de la transmission ? Que restet-il des souvenirs, des gestes, des rituels et savoir-faire confiés à ceux qui nous succèdent ?

Que choisit-on de garder ou au contraire de cacher ou d’oublier ?

EMO DE MEDEIROS, …NOTWITHSTANDING THE FORCES AT HAND, 2017.

et cheffe du service des collections et expositions au Musée. Si certaines œuvres sont au cœur du débat contemporain, en interrogeant par exemple l’histoire coloniale française, le parcours

Des œuvres à mille lieux des clichés encore tenaces d’un art africain « naif, primitif, figuratif et coloré ».

L’exposition aborde ces questions à travers les œuvres de 18 artistes africains ou issus de la diaspora.

De la vidéo au textile, de la peinture aux performances, la diversité est au rendez-vous. On est à mille lieux des clichés encore tenaces d’un art africain « naïf, primitif, figuratif et coloré », insiste Meriem Berrada. « Les œuvres se déploient ici dans toute leur polysémie, leur singularité, leurs facettes et leur complexité », poursuit Isabelle Renard, sa commissaire associée

comprend beaucoup de productions allégoriques ou poétiques.

Dans un style proche du documentaire, quelques artistes ont choisi d’immortaliser des traditions : pratiques de sorcellerie marocaine (Btihal Remli) ou préparation traditionnelle de la semoule avec Ymane Fakhir. La Marocaine Amina Agueznay a choisi quant à elle d’aller à la rencontre des mâalmates, tisserandes traditionnelles de tapis.

Elle signe Curriculum Vitae, l’une des deux œuvres spéciale-

ment commandées par le Musée. Cette pièce de textile est suspendue au-dessus des coursives du Hall Marie Curie, où se déroule l‘exposition. Sur un fond blanc, les tisserandes ont tissé en noir les symboles traditionnels qu’elles connaissaient et en blanc ceux qu’elles utilisaient sans en connaître la signification. Une œuvre qui pointe la rupture possible d’une transmission, quand un geste traditionnel devient privé de sens.

Les artistes vivants entre leur pays d’origine et l’Europe, ou enfants d’immigrés sont nombreux dans l’exposition. Que transmet-on quand on est soit même issu de deux cultures, hormis une « impalpable nostalgie de l’exil » ? Pour Malik Nejmi, la transmission passe aussi par celle d’objets, le coussin et le foulard de sa grand-mère Aïcha, qu’il a donnés au Musée national de l’histoire de l’immigration, après les avoir confiés à ses propres enfants. Des objets prétextes à l’évocation de l’aïeule, à un voyage nostalgique sur ses pas au

COLLECTION MACAAL / FONDATION ALLIANCES © ADAGP, PARIS, 2021.

© ADAGP, PARIS, 2021. COURTESY DE L’ARTISTE.

M’BAREK BOUHCHICHI, SÉRIE LES POÈTES DE LA TERRE, 2019.

ZINEB SEDIRA, MOTHER TONGUE, 2002.

© VOICE GALLERY, MARRAKECH.

ANUAR KHALIFI, TROPHY ROOM, 2017.

© GALERIE SHART CASABLANCA, CASABLANCA – MAROC.

ABDESSAMAD EL MONTASSIR, AL AMAKINE, 2016-2020.

COLLECTION MUSÉE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION. © ADAGP, PARIS, 2021.

LE JOURNAL DU PALAIS 8

MESCHAC GABA, 2006, SÉRIE DES PERRUQUES ARCHITECTURE.

Maroc. L’exposition montre aussi l’hybridation des techniques, des cultures, des pensées. Ainsi les perruques architecture de Meschac Gaba, évoquant de célèbres monuments occidentaux et africains. Une façon pour l’artiste de revendiquer la modernité de son pays, tout en se jouant des stéréotypes – la coiffe traditionnelle, le tressage – attachés à son pays.

La démarche est aussi celle du franco-béninois Emo de Medeiros avec ses Surtentures. Réinterprétant une ancestrale technique textile, l’appliqué, il imagine des tableaux très colorés parsemés de motifs divers. Pictogrammes contemporains, motifs empruntés à des artistes admirés, références à l’actualité... Une forme nouvelle d’écriture est proposée, qui fait le lien entre passé, présent et futur et que le visiteur peut décoder grâce à un système de puces électroniques. Des technologies « par essence transculturelles, et qui me permettent de puiser dans la richesse de mes deux héritages », explique l’artiste. Autant qu'à une Europe de la liberté, je m'identifie à une Afrique et à une diaspora africaine du temps présent, de l'innovation ».

La complexité et la nuance de ces transmissions se retrouvent finalement dans l’installation textile commandée à l’artiste malgache Joël Andrianomearisoa.

En aplomb du hall d’honneur In memory of all, A la mémoire de tous, accueille les visiteurs de

© COLLECTION DU MUSÉE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION.

9 LE JOURNAL DU PALAIS

3 QUESTIONS À MERIEM BERRADA COMMISSAIRE GÉNÉRALE DE L’EXPOSITION DIRECTRICE ARTISTIQUE DU MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN AFRICAIN AL MAADEN (MACAAL) DE MARRAKECH

Le MACAAL est l’un des rares musées dédié à l’art contemporain sur le continent africain. Pouvez-vous nous en parler ?

Il s’agit d’un musée privé né de la volonté d’un couple de mécènes marocains Alami et Farida Lazraq, initiateurs de la Fondation Alliances. Ils ont souhaité partager ce qui était, au départ, une passion très personnelle. L’enjeu depuis l’ouverture, en 2016, est de faire découvrir l’art contemporain au plus grand nombre de nos concitoyens marocains. Mais l‘objectif du MACAAL, c’est aussi de montrer la richesse créative et la diversité des artistes africains, bien au-delà des clichés, par un programme d’expositions et de médiations.

Nous nous inscrivons dans la dynamique croissante lancée par la Fondation Zinsou (Bénin), des biennales (Bamako, Dakar et plus récemment, Kampala, Lubumbashi), des fondations privées. Car le musée est un modèle occidental. Il y a aussi d’autres façons de diffuser l’art à imaginer !

Ce qui s’oublie et ce qui reste, comment est née l’idée de l’exposition ?

L’un des cinq thèmes proposés par Africa2020 était l’archivage d’histoires imaginaires. Quand le Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI) m’a sollicitée pour monter une exposition dans ce cadre, j’ai d’abord cherché un

l’exposition. D’un noir profond quand on entre dans celle-ci, le textile se révèle coloré quand on en sort. Démarche essentiellement plastique, écho à l’histoire coloniale du lieu : libre à chacun

sujet qui fasse écho à nos deux musées, si différents de par leur objet et leur histoire mais qui ait une résonnance avec le Palais de la Porte Dorée et ses représentations coloniales.

La transmission est inhérente à notre humanité. Mother tongue, une œuvre de la collection du MNHI, met en exergue la perte des repères identitaires alors même qu’elle parle d’une famille multiculturelle.

Avec la commissaire associée, Isabelle Renard, nous avons ensuite travaillé une sélection d’œuvres qui évoquaient à la fois cette notion de transmission et celle des circulations, de migrations.

Certains pays comme le Maroc et le Bénin sont très représentés dans l’exposition. Y a-t-il des pays dont l’histoire, la culture, induisent un plus fort intérêt pour ces sujets ?

Non, ils intéressent les artistes des 54 pays d’Afrique, parfois c’est vrai avec des prismes différents. Beaucoup d’artistes nigérians et sud-africains travaillent par exemple sur les histoires cachées. La sorcellerie et l’occulte inspirent un certain nombre d’artistes.

La sélection présentée ici a été pensée pour le Palais : si l’exposition devenait itinérante, j’adapterais la sélection des œuvres au pays et au contexte d’accueil. Ici, en France, le choix a été fait de privilégier des artistes vivant entre l’Afrique et l’Europe.

d’y voir ce qu’il voudra, insiste l’artiste. « Je n’ai aucune réponse aux grandes questionnements de notre vie, je suis plutôt dans l’alchimie de l’émotion ». Chacun est invité à repartir avec une

affiche imaginée par l’artiste, « une œuvre à emporter comme un fil tissé entre le musée et les visiteurs, le passé, le présent et les enjeux mémoriels », concluent les commissaires.

CHARLES-ÉDOUARD FRUTRASI - PHOTOS : © D.R.

PORTRAIT

11 LE JOURNAL DU PALAIS

CHARLES-ÉDOUARD FRUTRASI - PHOTOS : © D.R.

RENCONTRE AVEC CHARLES-ÉDOUARD FUSARI C’est un plongeur en smoking qui offre un plateau de choux de Bruxelles à des tortues marines. Chercher CharlesÉdouard Fusari sur internet, c’est voir remonter ces images de l’aquarium Sea Life de Londres, où il travaillait alors comme soigneur.

Son premier poste outreManche, en 2011, avant une rapide montée en grade dans un autre établissement, le zoo de la capitale anglaise.

Passionné initialement par la reconstitution minutieuse des environnements aquatiques, ce diplômé en biologie marine et en aquariologie a découvert à Londres la prééminence des enjeux de conservation des espèces. « Les aquariums, les zoos sont devenus hélas des refuges pour des espèces en danger d’extinction. Les aquariums publics ont la légitimité et les compétences pour cela ».

Début mars, avec femme et bébé, il a quitté l’Angleterre, son groupe de musique metal et son poste de responsable de la collection de poissons au Zoo de Londres pour prendre la direction de l’Aquarium tropical. Il y succède à Dominique Duché, parti en retraite.

Le nouveau directeur connaît bien l’établissement.

Tout juste diplômé, il y a travaillé quelques mois comme soigneur, en 2007, « suffisamment pour connaître la qualité des collections et les compétences des aquariologistes ».

Charles-Édouard Fusari

Après une carrière londonienne, il prend en mars la direction de l’Aquarium tropical. Charles-Édouard Fusari veut en renforcer les missions de conservation et le rayonnement.

souhaite renforcer la sensibilisation du public et les actions de conservation des espèces initiées par son prédécesseur.

En développant notamment la constitution des « populations de secours », l’élevage d’espèces en danger pour une future réintroduction en milieu naturel. « Cela nécessite de renforcer les partenariats européens et internationaux. Pour

répondre aux grands enjeux environnementaux, il faut se coordonner », poursuit le nouveau directeur. Il rappelle l’extrême fragilité des milieux d’eau douce, menacés par les besoins de l’agriculture, la déforestation et la pollution. « Nous sommes très dépendants de ces écosystèmes.

Les lacs et rivières ne représentent qu’1% de la surface terrestre mais elles abritent

12% des espèces animales et végétales ».

Inspiré par son expérience anglaise, le nouveau directeur souhaite aussi associer l’Aquarium à des missions de terrain. Dans ses bagages, ce fan de plongée, de randonnées en haute montagne et d’apnée ramène notamment le projet Fish Net Madagascar, initié à Londres. Tous les ans, il se rend dans le nord-est de l’Île Rouge pour participer à la restauration d’une rivière dégradée. « Certaines espèces menacées qui y vivaient sont élevées au zoo de Londres.

Le moment venu, les connaissances des aquariologistes seront précieuses pour la réintroduction dans le milieu naturel ».

L’autre mission de conservation vouée à se développer, c’est celle des coraux. Avec le réchauffement climatique, la mort d’une grande majorité des récifs est presque inéluctable selon le dernier rapport du GIEC (1). Les aquariums doivent accélérer leur coordination pour la reproduction, l’identification des espèces les plus résistantes, mais aussi, conclut Charles-Édouard Fusari, « pour garder quelques spécimens et ainsi constituer une arche de Noé de tous les coraux ».

1. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

VU PAR

LE JOURNAL DU PALAIS 12

LE PALAIS VU PAR STÉPHANE LY-CUONG « J’ai découvert le Palais il y a cinq ou six ans, lors d’une soirée de courts-métrages où était projeté mon film Feuilles de printemps. J’y suis retourné pour le suivant, Allée des jasmins. J’en garde le souvenir de débats passionnants avec un public très intéressé par la question des migrations, des réfugiés et du déracinement. Cela m’a confirmé que nos histoires avaient besoin d’être représentées, que le public avait envie de les vivre et de les partager. D’ailleurs, je suis très touché par le fait que le Musée national de l’histoire de l’immigration présente des objets donnés par des anonymes issus de l’immigration. C’est fort symboliquement, cela montre que nos histoires ont le droit d’entrer dans les musées.

Cette année, je parraine la résidence de création Frontières, un partenariat du Musée et du GREC (Groupe de recherches et d’essais cinématographiques), qui a soutenu mon premier film. Nous avons retenu Hugo Dos Santos pour Transit, consacré à l’immigration portugaise, assez rarement évoquée. J’espère que la situation sanitaire permettra d’organiser ateliers et rencontres avec lui ».

Scénariste et réalisateur

STÉPHANE LY-CUONG ® D.R.

SON ACTU Scénariste et réalisateur, Stéphane Ly-Cuong explore dans ses films les problématiques de la diaspora vietnamienne. Il finalise actuellement l’écriture d’un long-métrage. Dans la cuisine des Nguyen aborde les thématiques de la double culture et de la représentation de la diversité.

Il est également auteur et metteur en scène de théâtre.

24H CHRONO À chaque numéro du Journal, un membre de l'équipe nous emmène dans les coulisses du Palais 9h 15

CAMILLE PETITFRÈRE Diplômée en design d’espace et en histoire de l’architecture, Camille Petitfrère a rejoint le Palais comme chargée de maintenance et d’exploitation. Elle y déploie et administre la GMAO (Gestion de la maintenance assistée par ordinateur). L’outil gère et planifie les nombreuses interventions techniques sur le bâtiment.

La journée de Camille commence par un coup d’œil sur son ordinateur. Besoin d’un électricien pour l’Aquarium, dysfonctionnement d’un photocopieur… La GMAO permet de visualiser toutes les demandes d’intervention émises par les services ainsi que leur planning.

Ce jour-là, 79 requêtes sont en cours de traitement.

11 h Camille accompagne le prestataire chargé de contrôler les armoires électriques. Elle lui rappelle la liste des tâches

prédéfinies, du dépoussiérage à la vérification des connexions. Plus de 830 équipements techniques sont référencés dans la GMAO. L’outil permet aussi de mettre en évidence les dysfonctionnements récurrents. À terme, ces données seront précieuses pour la gestion et le renouvellement des équipements en place.

Le Palais évolue en fonction des attentes nouvelles et dans le respect bien sûr de sa valeur patrimoniale.

16 h Combien de mètres carrés de moquette à aspirer, de vitres à astiquer ? Pour renouveler le marché de nettoyage et d’entretien, les données de la GMAO sont bien utiles. Retenus dans le cadre des marchés publics, une trentaine de prestataires interviennent 14 h45 Télémètre laser en main, régulièrement. Électriciens, plomelle mesure les pièces d’un des 349 espaces référencés. Cet ancien biers, maçons, peintres, ils assurent appartement va être transformé en au quotidien la bonne marche bureaux ; elle en redessine les plans. du Palais.

DU CÔTÉ DES LIVRES

13 LE JOURNAL DU PALAIS

EN LICE POUR LE PRIX LITTÉRAIRE

MAUVAISES HERBES

Dima Abdallah, Sabine Wespieser (2020)

RACHEL ET LES SIENS Metin Arditi, Grasset (2020)

BOZA !

Ulrich Cabrel e t Etienne Longueville, Philippe Rey (2020)

MARSEILLE 73

Dominique Manotti, Les Arènes (2020)

Le prix littéraire de la Porte dorée sera décerné le 22 mai.

Découvrez les ouvrages sélectionnés.

Marseille, la guerre du Liban, l’indépendance de l’Ile Maurice. Des ouvrages d’inspiration autobiographique et un roman policier. Les sept titres sélectionnés pour le prix littéraire de la Porte dorée reflètent la richesse de la production littéraire du moment.

Doté de 4000€, il récompense un roman ou un récit écrit en français et ayant pour thème l’exil, l’immigration et leurs conséquences. Le comité de lecture interne, qui a effectué la sélection, a lu pas moins de 75 titres parus en 2020.

L’écrivain et réalisateur Mehdi Charef, lauréat l’an dernier, préside le jury de cette 12e édition, composé de neuf membres d’horizons divers, universitaires, libraires, lycéens…

Avec Mauvaises Herbes, un premier roman, Dima Abdallah évoque son enfance durant la guerre du Liban et la figure protectrice de son père, son « géant ». Arrive l’exil à Paris sans le père. Une blessure d’exil persistante pour la fillette, devenue grande.

Rachel et les siens, de Metin Arditi, raconte sur plus de 50 ans l’histoire d’une jeune juive de Jaffa, née au temps où juifs et arabes du MoyenOrient vivaient en bon entente.

Contrainte à l’exil, Rachel va devenir une célèbre dramaturge, organisant sur scène un monde à son idée, plus tolérant.

Avec Cinq dans tes yeux, Hadrien Bels livre un portrait amoureux du quartier marseillais

du Panier. Stress et ses copains y font les 400 coups dans les années 1990. Vingt ans plus tard, Stress ne reconnaît plus son quartier cosmopolite où bobos et touristes ont chassé les habitants.

Autre adolescent, Petit Wat est le héros de Boza !, d’Ulrich Cabrel et Etienne Longueville. Le roman raconte le périple de ce jeune Camerounais intrépide, décidé à rejoindre l’Europe.

Les passeurs, la traversée du désert et celle de la mer, les démêlés administratifs…

La discrétion, c’est celle de Yamina, l’héroïne du dernier roman de Faïza Guène. L’auteure y raconte la vie de cette mère courage, née dans l’Algérie coloniale, contrainte d’épouser un homme qu’elle n’a pas choisi

et de venir vivre en France.

L’histoire d’une famille tiraillée entre deux cultures, deux pays.

Avec Rivage de la colère, Caroline Laurent évoque un épisode historique méconnu, l’exil imposé aux habitants de l’archipel des Chagos, rattaché à l’île Maurice, dans les années 1970.

Marseille 73, polar de Dominique Manotti, évoque les crimes racistes qui frappèrent les Algériens au début des années 70, surtout dans le sud de la France.

Relents de la guerre d’Algérie, montée du chômage, naissance de groupuscules néofascistes : dans ce contexte explosif, le commissaire Daquin mène l’enquête.

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