“ Tu es avec nous. ” Il bougeait son pied. Ce n’était pas une coïncidence : il nous parlait en bougeant son pied ! Puis les visiteurs ont dû patienter dans une salle thérapeutique où les gens, trois par trois, pouvaient ensuite le voir, après au moins deux ou trois heures d’attente… Moi, j’ai vécu alors comme dans une transe, je ne savais pas d’où venait la force qui était en moi. J’avais même la pêche, c’était incroyable ! Malgré les circonstances, il y avait tant d’amour qu’on se sentait tous apaisés, c’était incompréhensible… »
Photos :
Nicolas Rosès – DR Jean-Luc Fournier
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OR NORME N°32 Toujours
Texte :
Le samedi soir, Dorota a quitté son fils et pour la première fois depuis quatre jours, elle est rentrée chez elle, trop épuisée. Dès son retour le dimanche matin, elle se blottit contre lui : « Je lui ai chanté des berceuses » dit-elle, des larmes plein les yeux. « J’ai mis ma tête sur son cœur et là, je n’ai pas entendu le même battement que les jours précédents. J’ai entendu que son cœur se déchirait, j’ai entendu que son cœur criait, comme s’il pleurait. J’ai compris que mon fils allait partir, qu’il ne pouvait plus résister plus longtemps. J’ai vécu ces moments-là toute seule avec lui. Puis le médecin est entré dans la chambre et m’a dit : “ Madame, on ne peut pas continuer
comme ça plus longtemps. Il faut couper… ” Et moi, pour la dernière fois, je lui ai dit : “ Non. Il ne faut pas couper parce que je suis sûre que le cœur de mon fils ne va pas continuer à battre très longtemps. ” Ça, je l’ai caché à ses amis qui continuaient à venir. Je suis restée jusqu’au bout de mes forces. Puis je suis descendue dans la salle en bas, où des amis patientaient. Vers 18 heures, on m’a dit que son cœur avait lâché. Dans cette salle, ils ont encore continué
‘‘ J’ai entendu que son cœur criait, comme s’il pleurait. ’’ à chanter, puis ils se sont mis à parler de Bartek. Longtemps… Et ils ont fait circuler une feuille pour que chacun y inscrive ses coordonnées car tous ne se connaissaient pas avant de se rencontrer là… Mais moi, alors que j’étais seule avec le corps de mon fils près de moi, c’est bizarre, mais je pensais déjà à la maison de Bartek. Nous l’appellerons l’ambassade d’Amour… »
LA MAISON DE BARTEK
Bartek, formidable « étincelle, propulseur d’idées, connecteur de gens et de projets, moteur de changement » comme l’écrit si joliment sa maman dans le descriptif du projet qu’elle souhaite mettre en œuvre, avait déjà en lui l’idée d’ouvrir une auberge linguistique.
formant les citoyens à la gestion des déchets. Dorota prévoit un jardin extérieur où on pourra cultiver des légumes en permaculture, avec un espace de repos agencé au bord d’un petit point d’eau. Elle ajoute : « Je souhaite que la maison de Bartek devienne un emblème de Strasbourg, un lieu de paix, d’accueil et d’amour. Elle sera un lieu de rencontre où chacun pourra venir pour se détacher à un moment ou à un autre de son quotidien… » Nawel Elmrini, adjointe au Maire de Strasbourg, soutient ce projet et a mobilisé ses services pour dénicher la maison idéale. Ce serait formidable que ce projet voit le jour très vite.
Elle sera intégrée dans la « maison de Bartek ». On y trouvera aussi un espace d’hébergement qui accueillera les journalistes parlementaires lors des sessions et hébergera Radio Europhonica et toutes les radios auxquelles collaborait Bartek. Un espace bien-être accueillant des ateliers et des conférences liés au bien-être corporel et spirituel, un espace restauration organisant notamment des ateliers culinaires mettant à l’honneur toutes les cuisines du monde, un espace culturel (musique, spectacles, danse), et une galerie de l’art du recyclage créatif organisant des expos et
Bartek était Strasbourg. « Il était cosmopolite, fédérateur, ouvert sur les autres cultures. Il était l’incarnation de la mentalité strasbourgeoise. » a dit de lui Luc Arbogast. « Bartek, ce cher apôtre du bien, était l’exact opposé de celui qui l’a tué, qui lui a envoyé cette fichue balle » a écrit Lionel Wurms, avec qui Bartek avait fondé Strasbulles, le festival de festival de bande dessinée, une des innombrables initiatives strasbourgeoises qui garderont très longtemps le souvenir de ce garçon à l’humanité et la générosité confondantes…
Dorota Orent, la maman de Bartek, a puisé dans ses forces pour nous raconter la tragédie qui a bouleversé sa vie en décembre dernier. Mais, peu après la fin de son récit, elle nous a parlé du magnifique projet dans lequel elle s’est lancée à corps perdu depuis la disparition de son fils.