Féminines | Or Norme #27

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Photos :

RMN Grand-Palais (musée d’Orsay), R-G Ojéda – Ohara Museum of Art, Kurashiki – Albright-Knox Art Gallery Jean-Luc Fournier

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OR NORME N°27 Féminin∙e∙s

OR SUJET

Texte :

EXPO TGV

GAUGUIN AU GRAND-PALAIS Le terroriste de la réalité « M. Gauguin, terroriste de la réalité, revendique toute licence de s’exprimer à son gré ». C’est un critique d’art qui a écrit ces mots en 1891. Il avait vu juste : l’obsession de se libérer de la tyrannie du visible a accompagné Paul Gauguin jusqu’à la fin de ses jours. Une belle expo au Grand-Palais à Paris rend hommage à l’Alchimiste. Quelle vie ! Né en 1848, quatre mois après la fin de la troisième Révolution française, Paul Gauguin avait à peine trois ans quand il dut fuir la France, avec tout le reste de la famille, après le coup d’État du futur Napoléon III. Six années passées en Amérique du Sud, l’Ailleurs, déjà… À son retour, trois années dans un séminaire puis le grand saut : il s’engage dans la marine marchande et parcourt les mers de

bien sûr où la petite ville de Pont-Aven, dans le Finistère, devint sous son influence le siège d’un véritable mouvement artistique, Arles où il rejoint Van Gogh pour une vertigineuse plongée dans la dépression, Paris de nouveau, puis la Belgique, le Danemark et enfin la Polynésie, l’ultime étape : à chaque fois, partout, une œuvre s’esquisse puis se réalise, gigantesque, toute entière tournée vers son obsession : « se risquer à un art autrement abstrait que l’imitation servile de la nature » écrira-t-il lui-même. Ne jamais oublier ; nous ne sommes là que dans les quinze dernières années du XIXe siècle, à une époque où l’académisme pictural est encore loin d’avoir rendu l’âme. Jusqu’à la fin, jusqu’à sa mort dans les îles à l’âge de 56 ans, ce révolutionnaire n’aura eu de cesse de pulvériser le visible pour mieux le triturer en explosions de couleurs et de formes. Il fut incontestablement le père de tous ceux qui, dans les premières décennies du XXe siècle, firent exploser les codes de la peinture. L’EXPLORATION SANS FIN…

« ‘Il décide de ne se consacrer qu’à la peinture et se jure que ce sera jusqu’à la fin de ses jours. » la planète. Une pause à son retour à Paris à l’âge de 24 ans : il exerce la profession d’agent de change, se marie et finit par se découvrir une vocation naissante pour la peinture qui ne se démentira jamais plus. Dix ans plus tard, c’est la passion qui l’emporte sur la sécurité bourgeoise : il décide de ne se consacrer qu’à la peinture et se jure que ce sera jusqu’à la fin de ses jours. Il devient alors comme un dément de l’art et part à la quête permanente de l’inconnu : Paris, la Bretagne

Il nous faudra revenir, à la fin de ce dossier, sur la teneur même de cette exposition « Gauguin, l’Alchimiste » qui se visite au Grand Palais jusqu’au 22 janvier prochain. Un peu plus d’une cinquantaine de toiles, dont beaucoup prêtées par le Musée d’Orsay voisin, cohabitent avec une profusion de céramiques, bois, gravures, le « bibelotage » de Gauguin comme l’avait écrit Camille Pissaro auprès de qui il travailla pendant cinq ans à Pontoise. Le tout illustre la manipulation permanente, l’association de matériaux les plus divers, la provocation de « l’accident artistique », toutes ces voies dans lesquelles Gauguin s’engagea résolument pour un voyage sans retour, sans cesse en quête du lieu idéal, définitif où il pensait pouvoir se trouver, exprimer son art dans la totale exaltation qu’il se souhaitait. Bien sûr, l’œil sera une fois de plus attiré par la magie des toiles « tahitiennes » qui magnétisent les regards. Pour autant, il faut s’intéresser à tout ce « bibelo-


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