ARKUCHI#36 ÉTÉ 2023

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art culture architecture #36 gratuit ÉTÉ 23

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Dans le Rétro... Dans le Viseur

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À L’AFFICHE

• Mathieu Pernot, objectif réel

• Les trésors d’Artissima

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FOKUS

Anne-Laure Étienne

L’infinité des possibles

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Forme & Fonction

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Micmacs de saisons

Saison 23/24 : premiers coups de cœur

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Lettres & Ratures

On lit quoi cet été ?

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Le Street Musée du mois

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Popote(s) & Jugeote

FLAMMES, CAMP DE MÓRIA, LESBOS, 2020

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Success Story

Arles toujours plein cadre

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FESTIVALS

POINTU FESTIVAL

Festival d’Avignon, Montpellier Danse, Nuits de Fourvière, Printemps des Comédiens, Jazz à Vienne, Festival de Marseille, 7 Collines, Chalon dans la Rue, Foreztival, Street Art Fest!, utoPistes, Les Météores, CosmoJazz, Nuits de Machy…

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À la Moulinette

Irène Drésel

• Le jardin Rosa Mir : joyau atypique

• Balade à Firminy-Vert

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7 e Art Échappées belles au cinéma

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Déambulations Arts visuels

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ADN

Alix Boillot : l’obsession du bleu

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TÊTE D’AFFICHE

Tiago Guedes sur tous les fronts

contact.arkuchi@orange.fr

Mensuel gratuit

Diffusion : plus de 400 lieux

Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes

Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon

Direction de la publication ‑ Rédaction en chef

Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97

Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro

Martin Barnier, Guillaume Bouvy, Frédéric Bruckert, Blandine Dauvilaire, Fooddenou, Graphull, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie

Legrain Doussau, Trina Mounier, Irène Rigaldiès, Florence Roux, Carmen S, Gallia Valette Pilenko

Illustration de couverture : Anne Laure Étienne

Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97

Conception et mise en page

Impression : FOT

Tirage : 15 000 ex.

Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387

Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés.

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ArKuchi

N 36
N°36
ARKUCHI #35 AVRIL | MAI 23
Gaelle Beri ©
Gregory Batardon © SIDI LARBI CHERKAOUI
Mathieu Pernot / ADAGP 2023 ©

ABYME

DUO DE CHOC

Girls and Boys commence comme une comédie très drôle et finit en tragédie d’aujourd’hui. Une descente aux enfers haletante, Bénédicte Cerutti est bouleversante. Vu à la Célestine.

En 50 minutes chrono, Sarah Murcia et Fanny de Chaillé désossent et réinventent le mythique Transformer de Lou Reed. Jubilatoire. Merci le TNG !

ILLUSIONS PERDUES

LES ANNÉES 1970 À MADAGASCAR, SOUS LE REGARD DÉPASSIONNÉ D’UN PETIT FRANÇAIS, TÉMOIN DU CRÉPUSCULE DU COLONISATEUR. L’ÎLE ROUGE, LE NOUVEAU (ROBIN) CAMPILLO, S’IMPOSE, SIX ANS APRÈS, EN DIGNE HÉRITIER DU SAISISSANT 120 BATTEMENTS PAR MINUTE. EN SALLE DÈS LE 31 MAI

I’M KATE MOSS Gros plateau indé au Transbo labellisé TRANSFER. Avec, entre autres, les Belges culte de dEUS, l’ovni Koudlam ou les bruyants "petits nouveaux" de Brighton, DITZ. Ça va envoyer.

03.06 Transbordeur

NOISY PLANANTE LAS ROBERTAS passe par le Sonic avec ses guitares noisy et la voix planante de Mercedes Oller. Quelque part entre Jefferson Airplane, Allah-Las et Slowdive, tout un programme.

03.06 Sonic Lyon

POP D’INTELLO Le duo existe depuis 2013, un bail. Balladur persiste avec une musique exigeante et dansante qui butine tous azimuts, de la pop africaine à la new wave frelatée. Et des lives explosifs. Chouette.

16.06 Le Périscope

HIGH LEVEL

MANIFESTA FINIT LA SAISON EN BEAUTÉ AVEC LA GALERIE CLÉMENTINE DE LA FERRONIÈRE.

DANS SES BAGAGES : LE GÉNIAL MARTIN PARR ET SES CLICHÉS SOLAIRES PRIS SUR LE VIF, JAMES BARNOR ET SES ÉTONNANTS PORTRAITS DE FEMMES, MARCO BARBON OU FLORE. À VOIR. MANIFESTA • LYON 1 > 24 JUIL.

WORLD SPIRIT Du rébétiko brûlant des bas-fonds grecs avec le bouzouki de Vasilas ou le chant volcanique de la furie flamenco andalouse Inés Bacán ? Entre les deux on ne balance pas, surtout dans le cadre intimiste de l’Odéon. On en a déjà des frissons.

Nuits de Fourvière

24.06 (Grigoris Vasilas) 13.07 (Nuit flamenca)

FOLK SHAMANIQUE Le retour des sœurs Casady aka CocoRosie, c’est au Radiant-Bellevue. Les revoilà avec un 4e opus (Grey Oceans) et leurs ambiances de strange folk guimauve toujours un peu barrées. Parfait pour les amoureux du genre. 01.07 Radiant Bellevue

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DANS LE RÉTRO...
PAR ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, IRÈNE RIGALDIÈS
A chaud
Martin
©
Parr
TENBY, WALES, 2018

ÇA PULSE !

Vu aux Célestins cette Cerisaie version tg STAN. Le collectif d’acteurs qui n’a pas froid aux yeux décortique Tchekhov comme personne. Un grand moment !

toute la beauté du monde

Le festival des cabanes invite à repenser notre rapport à la nature. Partez donc en quête de ces installations intrigantes en bois naturel qui parsèment les alentours du lac d’Annecy. Retour aux sources.

Faverges & environs

JUIL. > OCT.

dernier must

Effet waouh à la Cité des Halles qui ouvre une méga terrasse d’été. Du vert, de la pétanque, un village de créateurs, des transats et des parasols avec une carte haute en couleurs, on y va ?

124, rue Jean-Jaurès

Lyon 7

saga

Le Musée Jean Couty revisite trente ans d’art moderne, de 1951 à 1982, avec ses grands maîtres. Buffet, Braque, Van Dongen Picasso, Couty, Utrillo et bien d’autres. Et des œuvres inédites et peu exposées.

Buzz.

DE MATISSE À CHAGALL > 28 JAN. 24

Théâtre dans les vignes

Le Théâtre en pierres dorées rempile à Theizé. 12e édition avec La Fontaine, Tchekhov et une création maison Terre et toi signée Clément Morinière.

Château de Rochebonne, Theizé 16 > 18 JUIN

Prélude à la poésie

En pleine nature, le château de feu Paul Claudel accueille toujours les Rencontres de Brangues. Claudel, Siméon, Électre, des débats et des lectures très littéraires pour public poète mais pas que.

Château de Brangues, Morestel 23 > 25 JUIN

5 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 ... DANS LE VISEUR
Koen Broos ©
ADAGP, Paris 2023
©
BERNARD BUFFET, FEMMES DÉSHABILLÉES, FEMMES ASSISES, 1965, COLLECTION FONDS DE DOTATION BERNARD BUFFET EXPO Fanchon Bilbille ©

Cartes d’exils

PAR FLORENCE ROUX

DEPUIS UNE DIZAINE D’ANNÉES, MATHIEU PERNOT ACCOMPAGNE

SES PHOTOGRAPHIES DES IMAGES

OU DES RÉCITS QUE LUI CONFIENT

SES SUJETS : UNE FAMILLE ROM, DES MIGRANTS, OU DES DÉTENUS. À LYON, L’EXPOSITION L’ATLAS EN MOUVEMENT RACONTE AINSI, À PLUSIEURS VOIX, UNE HISTOIRE DES MIGRATIONS. À LA FOIS HUMBLE ET AMPLE.

Comment est né L’Atlas en mouvement , qui associe vos photos avec divers documents ?

MATHIEU PERNOT Le travail s’est construit au fil de rencontres depuis un peu plus de dix ans. Depuis 1995, je photographie la famille tzigane des Gorgan, à Arles, et j’avais déjà utilisé leurs propres photos. En 2012, j’ai publié Les Migrants, avec mes photos et les récits de deux Afghans. Plus tard, en 2016, au Mémorial du camp de Rivesaltes près de Perpignan, j’ai proposé à d’autres personnes de tracer la carte de leurs voyages et de raconter leur exil dans un cahier d’écolier. Et là, un jeune Érythréen utilise une écriture que je ne connais pas, le tigrinya (récit présenté dans l’exposition, ndlr). Cela renversait la perspective : il devenait possible de ne plus seulement raconter les migrants mais, avec eux, de dire une histoire plus vaste, de convoquer dans cet atlas des savoirs communs à l’ensemble de l’humanité.

D’où l’exposition ?

MP Oui. Et en 2018, ma rencontre au Collège de France avec Ali et Marwan, astrophysicien et botaniste émigrés, m’a conforté dans mon idée : j’ai décidé de construire un atlas avec mon travail et celui des autres, dans un éclatement des points de vue et des

6 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 À L’AFFICHE
Bibliothèque municipale de Lyon ©

formes : photographies et cartes du ciel ou des mers, empreintes de mains, récits dans des cahiers d’écolier, encore, planches anatomiques et œuvres d’artistes en exil. Autant de façons de déployer le récit – les cartes ou les cahiers pourraient évoquer de vieux manuscrits qu’on aurait retrouvés dans la mer Morte – et de poser les questions auxquelles l’humanité fait face lorsqu’elle doit s’exiler : que voit-on dans le ciel le soir où l’on part ? Qu’estce que prendre la mer? Qu’est-ce qu’avoir un corps dans l’exil ? Quelle nature nous environne ?...

En quoi l’exposition présentée à Lyon diffère-t-elle de celle créée l’an dernier au Mucem, à Marseille ?

MP Ici, j’ai trouvé intéressant de confronter L’Atlas aux objets de la collection lyonnaise, des portulans – ces vieux livres avec des cartes de la Méditerranée –, ou avec d’anciens récits de voyages, par exemple. Quand on parle des migrants, on est souvent dans l’actualité tragique, croyant que ce que l’on vit aujourd’hui est exceptionnel. Or ce dialogue avec des documents anciens nous montre que les migrations, les frontières et les routes maritimes sont présentes dans toute l’histoire de l’humanité. Cela ouvre la perspective.

Une collection bellissima

> FIN OCT. 23 (fermé en août) Le Moulin

673, chemin de la Plage, Rochetaillée sur Saône artissima.com collection_artissima

Difficile d’imaginer en arrivant à Rochetaillée-sur-Saône que ce vaste bâtiment entouré de guinguettes renferme une telle collection d’art contemporain. Baptisé Artissima, le lieu privé imaginé par François et Michelle Philippon entrouvre désormais ses portes au public. Entrepreneur dans le BTP, François a découvert l’art il y a quarante ans et ne s’en est jamais remis. Sa passion est devenue dévorante, au point de posséder aujourd’hui 600 œuvres, dont un peu moins de 200 sont exposées par roulement sur 1 800 m². Soyons clair, il ne s’agit pas de coups de cœur qui s’accumulent, mais d’une collection constituée de pièces fortes et d’artistes que l’on croise dans les plus beaux musées du monde. Le ton est donné dès l’entrée avec deux œuvres de Giuseppe Penone, un tableau de Pierre Soulages et une sculpture en bronze blanc de Wang Du. Le spectacle ne fait que commencer. Dans la première salle, une grande toile de Djamel Tatah dialogue avec une œuvre poétique de Chiharu Shiota et une autre d’Antoni Tàpies. La montée d’escalier accueille des photos de Gilles Caron et William Klein. À l’étage, un superbe paysage de Yan Pei-Ming voisine avec un autoportrait de Gérard Garouste, une fresque de The Kid qui revisite l’histoire américaine, et quatre jeunes gens sculptés par Jitish Kallat. On pourrait poursuivre le name dropping en citant Claude Viallat, Daniel Buren, François Morellet, Kehinde Wiley, Tania Mouraud, Ousmane Sow, Christian Boltanski, Daniel Firman et même Kubra Khademi. Mais ce sont surtout la pertinence et la puissance de chaque œuvre qui fascinent. Autre point fort, la visite commentée alterne données artistiques et anecdotes personnelles. Une collection extraordinaire.

7 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 À L’AFFICHE L’ATLAS EN MOUVEMENT > 01 JUIL. Bibliothèque municipale de la Part Dieu Lyon 3 bm lyon.fr mathieupernot.com L’ATLAS EN MOUVEMENT. PHOTOGRAPHIES DE MATHIEU PERNOT, BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE LYON
PAR BLANDINE DAUVILAIRE Collection Artissima ©

Plein cadre

la croisée des chaos du monde et de l’art du temps, la 54e édition des Rencontres de la photographie d’Arles explore tous les genres, sans éluder les sujets brûlants. À commencer par l’écologie et les menaces qui pèsent sur le territoire camarguais, dont témoignent les photos de Mathieu Asselin, Tanja Engelberts, Sheng-Wen Lo et Yohanne Lamoulère. Parmi la trentaine d’expositions, Søsterskap concentre les regards acérés que posent 18 femmes photographes de la scène scandinave, sur le "modèle nordique". Le septième art est également à l’honneur avec les photos de la ville de Sète prises par Agnès Varda ; les polaroïds réalisés par Wim Wenders sur le tournage de L’Ami américain (1976) ; l’œuvre poétique et politique de Gregory Crewdson, qui utilise des techniques cinématographiques pour composer ses images ; et les plus beaux scrapbooks (mélange d’album photo et journal intime) de cinéastes comme Stanley Kubrick, Pedro Costa ou Jim Jarmusch. Le festival célèbre aussi les grands maîtres de la photographie, en présentant les assemblages artistiques de Saul Leiter, et, pour la première fois, l’ensemble de l’œuvre de Diane Arbus, dont des inédits. Autre moment fort, les paysages fascinants de grottes préhistoriques immortalisés par Juliette Agnel, sont exposés dans les cryptes situées sous l’hôtel de ville. Ce nouveau lieu du parcours résonne fortement avec l’œuvre de l’artiste. Enfin, à l’occasion des cinquante ans de Libération, l’Abbaye de Montmajour sert d’écrin aux photos emblématiques du journal. Arles est une fête !

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SUCCESS STORY
LES RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE D’ARLES 03 JUIL. > 24 SEPT. rencontres‑arles.com
PAR BLANDINE DAUVILAIRE
GREGORY CREWDSON, STARKFIELD LANE, SÉRIE AN ECLIPSE OF MOTHS, 2018-2019. AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DE L’ARTISTE. Gregory Crewdson ©
À
WIM WENDERS, L’AMI AMÉRICAIN EN PERSONNE. AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DE L’ARTISTE / FONDATION WIM WENDERS. Wim Wenders ©

FESTIVALS

PETIT POUCET RÉSISTANT

07.06 > 14.06.23

20 ans, le bel âge pour Au Cœur de tes oreilles qui invite à pousser les portes du Vinatier pour changer le regard porté sur l’hôpital. Ateliers, concerts, hip hop, contes rythment cette semaine de festivités artistiques. Temps fort 2023, une déambulation poétique avec « poèmes en chœur » et origami emmenée par Angélique Cormier. Le rendez-vous au « p’tit café d’antan » de la compagnie U Gomina, le Moustache Quartet, le drôle de duo the CocoRhinos et l’expo Corps en plis vous attendent de pied ferme. AH

Ferme du Vinatier Bron ch le vinatier.fr/ferme

SÉANCES ANIMÉES

11.06 > 17.06.23

Les fans de cinéma d’animation iront se presser au Festival d’Annecy. Des centaines de films essaiment partout dans la ville et 23 longs métrages concourent en sélection officielle. Cette année, le Mexique est à l’honneur avec neuf propositions d’une belle diversité : des prémices de l’animation mexicaine à la très réputée École de Guadalajara, en passant par des sujets sociétaux, de la poésie et du conte. Prix, rencontres, avant-premières : les studios Walt Disney préparent pour leurs 100 ans un riche menu de festivités. À noter la thématique « Animation, fiertés et diversité » avec quatre programmes de courts métrages. En parallèle se déroule le Marché international du film d’animation (MIFA). GB

Dans toute la ville Annecy (74) annecyfestival.com

PLEIN LES MIRETTES

> 02.07.23

Du beau monde annoncé au Street Art Fest! avec Erre et ses murals vibrants, les autruches funky de Stel, Deih et ses ambiances futuristes, les fanas d’anamorphoses Mural Studio, les mandalas hypnotiques d’Hoxxoh, les images fragmentées de Vesod, Lonac, Spear et les autres. Outre les quelque 35 fresques monumentales attendues, expos (dont Neo Musty et Otist), visites en tous genres et conférences, trois street art runs, un escape game et autres happenings festifs rythmeront cette 9e édition. AH Grenoble & périphérie (38) streetartfest.org

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DÉAMBULATIONS
PAR GUILLAUME BOUVY, ÉMILAND GRIÈS, ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, ÉLISE TERNAT LA BANDE À TYREX Pierre Barbier © Andrea Berlese © AN ONEROUS EMBRACE BEAU STANTON 2022

HUIS CLOS BRÛLANT

27.06 > 08.07.23

L’amour du théâtre et du lieu, le château de Machy, ont réuni les artistes de la compagnie La Première Seconde qui en ont fait la Maison-Théâtre. Pour fêter leurs trente ans, ils invitent Yves Beaunesne à les mettre en scène dans La Maison de Bernarda Alba, la dernière pièce de Federico García Lorca. Une histoire d’amour et de mort, de violence faite à des jeunes femmes par leur mère, qui les condamne à rester enfermées le temps d’un deuil de huit ans. Une échappée belle sous les tilleuls qui ne se refuse pas. TM

LES SOIRÉES D’ÉTÉ DE MACHY Château de Machy Chasselay lapremiereseconde.fr la maison theatre de machy

ÇA VA DÉCOLLER

23.06 > 09.07.23

Vingt-neuf éditions au compteur pour le festival des 7 Collines qui s’éparpille dans une vingtaine de lieux. Cirque, danse, musique, déambulations et performances se partagent une foisonnante affiche qui puise aussi bien dans l’ultra local avec la danse ludique et improvisée de la compagnie R/Ô, qu’à l’international avec des créations venues tout droit d’Ukraine et d’ailleurs. Les Finlandais de Race Horse Company débarquent avec leur cirque capillotracté (première nationale), tout comme les acrobates fous du Circus Baobab (Yé!). À découvrir aussi les clowneries proprement absurdes des Belges de Squadra Sua (Across) ou les rythmes afro-soul-punk de BCUC. Plus proche mais non moins réjouissante, voilà La Bande à Tyrex avec son ballet pour neuf vélos. On y court ! ET

Saint Étienne et sa métropole (42) festivaldes7collines.com

SONS COSMIQUES

22.07 > 29.07.23

Allier musique et montagne, randonnée et concerts en altitude : quelle belle idée a eu André Manoukian lorsqu’il lance le Cosmojazz en 2010. Depuis, le festival a grandi et la musique résonne du matin au soir – le Off revient en 2023 – dans la vallée de Chamonix. Côté programmation (pas encore bouclée) : l’ovni Guillaume Perret – « une nucléaire d’émotions » dixit l’exigeant John Zorn, sacré compliment –, l’irrésistible pop fusion des Balkans signée Ladaniva, la soul jouissive des Lyonnais Buttshakers, les harmonies métissées de Foehn ou la musique intrigante du oudiste Dhafer Youssef. Rendez-vous au pied des falaises minérales, au creux des séracs, au milieu des pâturages et, surtout, face au majestueux Mont-Blanc. On est fan. AH

Vallées de Chamonix (74) et de Trient (CH) cosmojazz.com

DOCS EN STOCK

20.08

> 26.08.23

Aficionados du genre ou simples curieux, guettez le programme de la 35 e édition des États généraux du film documentaire. En août, le petit village ardéchois de Lussas (re)devient la Mecque du Doc, vibrant au rythme de près de 150 films du monde entier, pour la plupart projetés en avant-première et en plein air. Expériences inoubliables au rendez-vous, où tranches de vie – jamais ordinaires – balancées en pleine figure résonnent longtemps dans la tête. Les autres, c’est pas toujours l’enfer ! EG

Plein air Lussas (07) lussasdoc.org

11 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 DÉAMBULATIONS
COSMOJAZZ DAN TEPFER Christophe Boillon © ÉTATS GÉNÉRAUX DU FILM DOCUMENTAIRE, 2022 Emmanuel Le Reste 2022 ©

FESTIVALS

Promenades dans des lieux habités

VOILÀ L’ÉTÉ ET LA PÉRIODE DES FESTIVALS.

LE THÉÂTRE N’EST PAS EN RESTE AVEC

DEUX RENDEZ-VOUS INCONTOURNABLES : AVIGNON BIEN SÛR, EN JUILLET, ET LE PRINTEMPS DES COMÉDIENS QUI LANCE LES HOSTILITÉS

DÈS LE 1ER JUIN. LAISSEZ-VOUS GUIDER PAR NOTRE SÉLECTION ET LES COUPS DE CŒUR DU METTEUR EN SCÈNE LYONNAIS, MICHEL RASKINE.

PAR TRINA MOUNIER

Montpellier tient son rang

C’est le Printemps des Comédiens qui frappe les trois coups avec un programme de très haute volée. Les propositions, parfois arides, y sont toujours enthousiasmantes. Avec des metteurs en scène exigeants qui s’attaquent à des sujets épineux traités par des auteurs majeurs et qui donnent à réfléchir, à s’émouvoir. Le Belge Ivo van Hove ouvre le feu avec un diptyque paradoxal : Après la répétition/Persona, Thomas Bernhard versus Ingmar Bergman. D’un côté l’isolement d’un metteur en scène tout occupé à son art, de l’autre celui d’une actrice qui l’abandonne au profit de la vie. Avec, notamment, Emmanuelle Bercot et Charles Berling… Très attendu car toujours inventif, Julien Gosselin, dorénavant à la Volksbühne, se penche sur le cœur de l’Europe du début du XXe siècle, en ces années qui précèdent la guerre, avec Extinction, fresque-fleuve sans doute dérangeante et passionnante. « Chez lui, rappelle Michel Raskine, les acteurs sont toujours au premier plan. L’une des pièces très courues de l’été ! » On retrouve le grand metteur en scène russe Kirill Serebrennikov avec Der Wij (première nationale), une pièce vibrante inspirée de Gogol et de l’actualité de la guerre en Ukraine. Georges Lavaudant, quant à lui, met en scène le singe kafkaïen qui apprend des hommes pour mieux s’en sortir dans Rapport pour une académie (à voir aussi aux Nuits de Fourvière). À toutes ces problématiques semble répondre

L’Esthétique de la résistance de Sylvain Creuzevault d’après le roman de Peter Weiss. On prévient : du lourd et du long avec des pièces de plus de trois heures… !

Lyon : place à la jeunesse

À Fourvière, parmi la dizaine de spectacles, on attend particulièrement 4,7 % de liberté du duo Métilde Weyergans et Samuel Hercule. Parce qu’on adore leur travail baroque, intelligent et hors des sentiers battus. Ils dirigent les élèves fraîchement sortis de l’ENSATT. Et, comme c’est toujours un bonheur de voir ce que les jeunes artistes sont capables de faire, on ira applaudir les lauréats du festival parisien Impatience, Le beau monde et Trigger Warning. Au TNP et aux Célestins, le meilleur de la jeune création régionale est aussi en lice pour le prix très convoité du festival Incandescence. Avec Logan de Carvalho et Margot Thery pour ne citer qu’eux.

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COUR D’HONNEUR, FESTIVAL D’AVIGNON 2021 Christophe Raynaud de Lage ©

Avignon, festival de création

Venons-en au Festival d’Avignon, le plus important en termes de spectacles, de public, de lieux… « Je crois que j’y suis allé à chaque édition depuis les années 1970 ! J’ai vécu ce festival du dedans (programmé quatre fois) comme du dehors », se souvient Michel Raskine. Sa richesse tient à sa durée, aux lieux merveilleux et au choix d’être un festival de création. Les artistes se renouvellent, les formes évoluent. » On s’est amusé à lui demander ses coups de cœur de cette 77e édition. L’homme de théâtre est aussi un spectateur passionné au regard aiguisé. En un clin d’œil, il cite Morin, Quesne, Gosselin, Deliquet et, en danse, la reprise d’En attendant d’Anna de Keersmaeker. « L’une des plus grandes chorégraphes vivantes. Tous des artistes que je connais bien et que j’admire. [...] Julie Deliquet possède un art immense de raconter le réel, les groupes, tout en mettant en scène des individualités. Elle s’attaque toujours à des textes tout à fait inattendus : ainsi Welfare est inspiré du documentaire de Wiseman. Gwen (Gwenaël Morin, ndlr) me secoue ; il questionne extraordinairement la chose théâtrale. Sur certains textes, il a des intuitions fulgurantes. Avec Philippe Quesne, qui est un plasticien avant tout, on ne sait jamais à quoi s’attendre. J’ai envie de voir son univers de petits bonhommes et de petits animaux rigolos confrontés à l’immensité de la carrière de Boulbon. Chez tous, le plaisir de voir jouer est fondamental. » On rajouterait bien à ces propositions la création de Lupa dont on ne se lasse pas (Les Émigrants), la pièce de Pauline Bayle sur Virginia Woolf (Écrire sa vie) ou Antigone in the Amazon parce que Milo Rau bouleverse et nous éclaire toujours. Mais aussi Tim Etchells (L’Addition) avec ses performances qui font tordre de rire et Alexander Zeldin autour de l’amour comme principe émancipateur (The Confessions). Le théâtre, quel bonheur !

NUITS DE FOURVIÈRE

31 MAI > 28 JUIL. nuitsdefourviere.com

PRINTEMPS DES COMÉDIENS

01 > 21 JUIN printempsdescomediens.com

FESTIVAL D’AVIGNON

05 > 25 JUIL. festival‑avignon.com

13 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 FESTIVALS
4,7 % DE LIBERTÉ
DR ©

LES FESTIVALS DÉROULENT LEURS PROGRAMMATIONS ESTIVALES. COMME LES AUTRES ARTS DE LA SCÈNE, LA DANSE INVESTIT LES PLATEAUX ET ESSAIME DE MONTPELLIER À CHALON, EN PASSANT PAR SAINT-ÉTIENNE ET UZÈS.

à CORPS

DANSANTS

Les festivités commencent dans la petite cité gardoise avec cinq jours de découvertes assurées. Pour ne citer qu’elle, on vous conseille la reprise de Dime a Dance du regretté Merce Cunningham par deux de ses anciens interprètes. La pièce créée en 1953 se construit comme un jeu entre les cinq partenaires. Puis on file direct à Marseille pour s’éclater avec la nouvelle création de Bintou Dembélé (complet à Avignon), G.R.O.O.V.E, une déambulation festive sur le site de la Belle de Mai, sans oublier d’éplucher le programme qui contient d’autres pépites (comme The Bacchae de la grecque Elli Papakonstantinou, Waka Criée de la compagnie Shonen ou l’artiste cairote Salma Salem). On pourra faire quelques allersretours entre la cité phocéenne et Montpellier Danse qui régale tout autant avec la reprise de 10 000 gestes de Boris Charmatz, un hymne éblouissant à la danse. Ou celle de Palermo Palermo de la grande Pina Bausch, pièce pivot dans l’œuvre de la chorégraphe allemande, créée en 1989 à Palerme. Sans oublier la création Œ

lamaison‑cdcn‑fr festivaldemarseille.com montpellierdanse.com festivaldes7collines.com festival avignon.com chalondanslarue.com

de Pierre Pontvianne : l’artiste stéphanois creuse une écriture singulière en soutenant réellement la notion de collectif et s’inscrit à bas bruit dans le paysage chorégraphique français. Ni celle de Mathilde Monnier : Black Lights, inspirée de la série d’Arte H24, est une « pièce-série-manifeste » pour huit interprètes (danseuses, chanteuses et comédiennes) qui s’appuie sur une dizaine de textes (dont Alice Zeniter, Lola Lafon...), à retrouver également à Avignon. Le festival de la cité des Papes est plutôt avare, cette année, en matière d’art chorégraphique, avec seulement huit propositions. Ainsi Trajal Harrell, le trublion américain installé à Zurich depuis quelque temps, revisite à sa façon le personnage et le mythe de Roméo dans la Cour d’honneur. Assurément déconcertant. À l’instar du Swan Lake Solo de la jeune danseuse et chorégraphe Olga Dukhovnaya, avec une interprétation très personnelle du célébrissime Lac des cygnes : à découvrir au festival stéphanois des 7 Collines, toujours défricheur. Pour finir, on ira faire un saut de puce à Chalon dans la rue pour la dernière production du collectif lyonnais A/R, We love catastrophe.

14 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 FESTIVALS
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
FESTIVAL UZÈS DANSE 07 > 11 JUIN FESTIVAL DE MARSEILLE 17 JUIN > 09 JUIL. FESTIVAL MONTPELLIER DANSE 20 JUIN > 04 JUIL. FESTIVAL D’AVIGNON 05 > 25 JUIL.
Alex Kat ©

CHALON DANS LA RUE

19 > 23 JUIL. Partout en ville Chalon sur Saône (71) chalondanslarue.com

résistance poétique

Fidèle à la tradition, le cœur de Chalon va battre cet été au rythme de son festival avec la première édition de sa directrice, Nathalie Cixous. Arrivée en juillet dernier, elle impulse d’ores et déjà une dynamique rassembleuse et profondément sensible autour de ce qui nous (re)lie à l’espace public. La preuve avec une programmation qui se vit et se partage à l’année, à l’image de Végétale Vallée signée GK Collective. Cette performance utopique créée in situ interroge notre rapport au vivant depuis plus de quatre mois, bien en amont du festival. Dans le In, la question du dépassement de soi par-delà la maladie sera à l’honneur avec À 2 mètres, pièce « sous oxygène » des Belges ADM, vus dans le Off en 2022. À noter le retour des grandes formes avec Arrêt d’urgence, concerto acrobatique mené tambour battant par Akoreackro, ou le gang des Oposito avec Peaux Bleues contre le délit de sale gueule. Côté locaux, La Méandre présente Fantôme, ciné-concert hybride entre arts numériques, musique et théâtre d’objets. On verra dans le Off le Collectif du Prélude qui adapte Littoral de Wajdi Mouawad. L’esprit de fête ne sera pas en reste avec la nouvelle création de parti Collectif (Fête Fête). Enfin, il y aura de quoi réjouir les aficionados avec quelques fidèles tels Fred Tousch, les désopilantes clowneries d’Okidok, le Théâtre de la Toupine ou encore le collectif 3 x Rien. Et en prime, de nombreux lieux de convivialité pour se retrouver au creux des parcs de la ville.

Drôle de cocottes !

De bonnes raisons d’aller faire un tour à La Basse-Cour ? D’abord, la chance de pouvoir fouler (enfin) cet amphithéâtre des Trois Gaules. Puis l’idée de siroter un verre dans ce cadre assez magique, tout en découvrant des artistes en devenir, est plutôt tentante. On a coché en juin Cyrano Bis, performance théâtrale à huit pour revisiter le texte de Rostand de manière révolutionnaire. AH

> 21.06

Amphithéâtre des Trois Gaules Lyon 1 leniddepoule.com

Ballet graphique

Après Balestra à Parilly, le festival utoPistes s’installe aux Célestins avec une pièce délicate et onirique de Baro d’evel, qui ne ressemble à aucune autre. Tout en noir et blanc, Là – premier volet du diptyque formé avec Falaise – joue des contrastes et des concordances avec une exigeante volonté graphique. À la croisée du cirque, de la danse, du théâtre et du mime, il tisse la métaphore. Camille Decourtye à la voix sublime et le clown-acrobate Blaï Mateu Trias avec son micro-pinceau partagent le plateau avec le corbeau pie Gus, qui n’en fait qu’à sa tête. Et composent un tableau à haute valeur sensible. TM

13 > 17.06

Théâtre des Célestins Lyon 2

Les yeux au ciel

La Mouche remet le couvert et invite les arts du cirque à s’installer tous les mardis dans les quartiers, places et parcs de Saint-GenisLaval. Ambiance ! De la grimpe urbaine et du parkour avec La Horde dans les pavés et ses « lâchés d’acrobates », les Belges fous de 15Feet6 qui s’envolent à la barre russe, des Marocains volants faisant feu de tout bois (enfin, agrès !) ou une chorégraphie canine avec jongle au diabolo : on va en prendre plein les mirettes ! AH

LES MÉTÉORES

27.06 > 25.07

En ville

Saint Genis Laval

15 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 FESTIVALS
PAR ÉLISE TERNAT
TELEXxxxxxxx
ARRÊT D’URGENCE, AKOREACRO PAR ANNE HUGUET & TRINA MOUNIER
Niels Benoît ©

Hot spots

Hot spots Hot spots FESTIVALS

nuitsdefourviere.com musiquesenstock.fr pointufestival.fr laroutedurock.com rockenseine.com

On a bien épluché les programmations musicales de l’été, et on reste grave sur sa faim. Même les salles lyonnaises font grise mine avec trop peu de dates entre juin et septembre. Du coup, on se précipite au Marché Gare pour (re)voir l’ovni A Place To Bury Strangers (6/6) : le trio combinant à merveille post-punk, shoegaze et expérimentations bouscule les esprits et monte le son jusqu’à la transe, gros kif. Tandis que d’autres iront headbanger sur le punk hardcore de Touché Amoré (3/7, Kao). Mais parlons festivals. Évidemment la venue des QOTSA à Fourvière agite les fans car Josh Homme et sa bande déplacent les foules avec leur rock stoner bien carré. La veille, toujours aux Nuits, The Black Keys, duo tout aussi emblématique, débarque pour lâcher ses riffs poisseux et sa ribambelle de tubes addictifs (I’m a lonely boy). On file ensuite sur les bords du lac du Bourget à Musilac. Iggy Pop, 77 piges et soi-disant assagi, donne toujours tout sur scène avec des sets électrisants qui n’oublient jamais les vieux morceaux (I Wanna Be Your Dog). On est fan. Autre agité du bocal, The Murder Capital, brut de décoffrage, ouvrira le bal

L’appel du Forez

avec son post punk abrasif. Arctic Monkeys, Franz Ferdinand ou Shaka Ponk et leurs gimmicks tubesques sont attendus de pied ferme mais on préfèrera jeter une oreille aux Temples, les kings du psych-rock, et au heavy metal mongol, The HU. À quelques encablures de là, vallée de l’Arve, Musiques En Stock remonte le son au cœur du village de Scionzier. Line ups plutôt rock indé et ambiance cool pour ce petit festival gratuit qu’on affectionne particulièrement. Les infatigables et excellents The Stranglers, la flamboyante Anna Calvi (toujours grande activiste chez Peaky Blinders), le jeu rugueux de la farouche Émilie Zoé ou la cold

Rap, rock, électro, dub, chanson : pourquoi choisir au Foreztival ? Comme d’habitude, le festival, planté au beau milieu des champs, invite une ribambelle d’artistes de tous horizons. Shaka Ponk (attention, tournée d’adieu), La Femme, Mass Hysteria ou encore Wax Tailor se hissent en tête de cette 19e édition. Et les autres ? Ils sont nombreux à occuper le terrain. On est curieux de découvrir le nouveau Disiz (ex-La Peste), rappeur phare des 90’s devenu chanteur pop, ou encore Hamza qui compte l’Américain Offset, s’il vous plait, parmi ses featurings ! Reggae et dub sont (toujours) bien représentés, du grand Tiken Jah Fakoly au jeune collectif stéphanois Green Tingz. Et les filles ? Aux platines, pour certaines : la perle Romane Santarelli, l’Ivoirienne Asna ou encore la sauvage Kaynixe promettent des sets explosifs ! EB

16 ARKUCHI
ÉTÉ 23
#36
PAR ANNE HUGUET
POINTU FESTIVAL 2022
FOREZTIVAL 04 > 06 AOÛT Trelins, 42 foreztival.com

hypnotique des Genevois de Raskolnikov méritent largement le détour. Pour les mordus absolus de rock indé, direction le Sud et l’île de Gaou, le Pointu Festival laisse pantois avec une affiche classieuse, et à prix presque décent (27€ par soir). Idles, Viagra Boys, Kurt Vile, The Brian Jonestown Massacre, que du beau monde bruitiste et méchant, du genre à vous mettre des grosses claques avec riffs crasseux, voix éraillées, batteries bourrines, fuzz, éructations, tatouages et ce panache inclassable. Le gang de Joe Talbot s’offre aussi une virée au Montreux Jazz Festival (pas si loin), la classe. Avec, en prime, le duo girly Wet Leg. Par contre, sortez la monnaie ! On balance pour boucler ce périple indé entre la Route du Rock et le rutilant Rock en Seine. D’un côté les féroces Gilla Band, les méchants Viagra Boys, le post punk désincarné de Dry Cleaning, l’hyperactif Osees, l’art punk de Bodega et les anguleux Sorry sont plus que tentants, à SaintMalo en prime. Parc de Saint-Cloud, la programmation est un peu trop popisante et tendance. Reste que la punkette australienne d’Amyl and The Sniffers, la tornade Karen O des revenants Yeah Yeah Yeahs, les rarissimes The Strokes ou les déflagrations de Turnstile pourraient bien pousser mémé dans les orties. Et vous, vous faites quoi cet été ?

17 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 FESTIVALS
Gaelle Beri ©
Pauvres de nous zélateurs du vieux dieu rock’n’roll, l’été sera chiche !

Le jazz dans tous ses états star addiction

JAZZ À VIENNE

28 JUIN > 13 JUIL. jazzavienne.com

Jazz à Vienne sort le grand jeu cet été et aligne quelques pépites qui devraient attirer la foule des grands jours dans l’écrin magique de son théâtre antique. 190 concerts en 15 jours – dont bon nombre gratuits – et une programmation qui fait le grand écart entre pointures internationales (Dee Dee Brigdewater…) et émergence fringante. Et des femmes à l’honneur ! Bravo. En amoureux des voix d’or soul, on se réjouit de revoir Lee Fields, l’un des derniers monstres sacrés, avec ses vestes à paillettes, sa voix rocailleuse, et ce charisme brut qui touche au cœur. Autre nom qui fait rêver, Mavis Staples, grande dame des freedom songs : elle fait partie de ces voix puissantes qui ont grandi dans le terreau du gospel, collaborant avec les plus grands (de Curtis Mayfield à Nick Cave, de Prince à Bob Dylan).

À quatre-vingt-trois ans, elle chante toujours le blues et la soul comme personne. Mythique. Côté jeunes pousses, Big Freedia aiguise notre curiosité. La diva-rappeuse queer cartonne avec sa bounce music déjantée. Avec Cimafunk, en prime, pour une orgie de rythmes très tentante. Dans la série, la poétesse Sampa The Great envoie la sauce avec son rap conscient. Et les grooves mutants du falsetto (entre autres) Liniker, la transe afro-funk détonante d’Ajate ou les petits jeunes DOMi & JD BECK ont aussi tout pour faire parler d’eux. À bon entendeur…

Jazz à Vienne comme les Nuits de Fourvière font une large place à un florilège de stars séduisantes dans un cadre prestigieux et chargé d’histoire. Ainsi Vienne invite Pat Metheny, onze ans après son passage dans la cité iséroise. Le guitariste défendra son dernier album Side-Eye NYC (V1.IV) qui sonne comme un retour vers le futur. Un album enregistré en trio, avec une équipe renouvelée composée de Chris Fishman (piano, orgue, claviers) et de Joe Dyson à la batterie. À soixante-huit ans, le natif du Missouri creuse un peu plus profondément le sillon qu’il a tracé dès ses débuts en faisant le grand écart entre la relecture de ses grands classiques et de nouvelles compositions. Un concert très attendu par un jazzman des plus imprévisibles.

À Fourvière, le flamboyant Cri du Caire épaulé du trublion jazz Médéric Collignon, puis Avishai Cohen et son Banda « Iroko » feront tanguer le public entre folklore soufi, délires orientaux, jazz israélien et musique afro-caribéenne. Le contrebassiste qui fit les beaux jours du sextet Origin de Chick Corea continue de porter un regard éclairé sur la scène musicale afro-cubaine new-yorkaise. En compagnie d’Abraham Rodriguez Jr, chanteur et joueur de congas portoricain, et d’une poignée de jeunes musiciens cubains des clubs de la Grosse Pomme, Avishai Cohen signe un nouveau projet intitulé « Iroko » nourri musicalement et spirituellement des traditions yorubas. La "Avishai-mania" devrait une fois encore électriser les foules !

18 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 LINIKER FESTIVALS
PAR FRÉDÉRIC BRUCKERT
PAT METHENY 12 JUIL. Jazz à Vienne AVISHAI COHEN BANDA « IROKO » 17 JUIL Nuits de Fourvière
DR ©

Irène et ses machines

NE PAS S’ARRÊTER À SA BEAUTÉ CLASSIEUSE : IRÈNE DRÉSEL BOUSCULE NOS TEMPOS INTÉRIEURS À COUP DE BEATS ENTRE FIÈVRE ET ALLÉGRESSE. À FOURVIÈRE, LA FINE FLEUR DE LA TECHNO DÉPLOIERA AUSSI SA SCÉNOGRAPHIE FÉÉRIQUE. ATTENTION AU DÉCOLLAGE.

TA EXPÉRIENCEPREMIÈRETECHNO ?

UNE SOIRÉE DANS DES CATACOMBES, J’AVAIS SEIZE ANS.

LES ARTISTES QUI T’INSPIRENT ?

SLAGSMÅLSKLUBBEN. SINON

J’AIME LA FOUGUE DE GRIMES ET L’EXTRÊME LIBERTÉ DE MR. OIZO.

LE TABLEAU DANS LEQUEL TU AIMERAIS VIVRE ?

LES IMPRESSIONS SUBSTRAT DE THOMAS RUFF. BIEN PSYCHÉ !

LE SON QUI TE REND DINGUE ?

TWO OF US DE SUPERMAYER.

LA SPIRITUALITÉ

T’IMPORTE : UN LIEU

POUR TE RECUEILLIR ?

UNE PIÈCE IMMACULÉE

COMME L’INSTALLATION ONE MORE NIGHT DE TANIA MOURAUD.

À QUOI PENSE IRÈNE QUAND ELLE COMPOSE ?

AU PUBLIC QUI VA SE PRENDRE UNE DÉCHARGE POUR PASSER UN BON MOMENT.

TU TE SENS MUSICIENNE OU PLASTICIENNE ?

JE FAIS DE LA MUSIQUE COMME ON FERAIT DE LA PEINTURE, DONC… PEINTRE DE MUSIQUE ?

LE POUVOIR MAGIQUE DONT TU RÊVES ?

JOUER DE LA MUSIQUE ÉLECTRONIQUE SANS MACHINES, NI CÂBLES NI CLAVIER (HAHA).

UN CONSEIL POUR PROFITER DE TON SET ?

VENIR LÉGER… !

19 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 À LA MOULINETTE PAR EMMANUELLE BABE
KINKY DOGMA Room Records 2021 NUITS DE FOURVIÈRE 22 JUIL. nuitsdefourviere.com Xiangyiu Liu ©

NATURE POP

Avant de pratiquer l’autoportrait, Anne-Laure Etienne a beaucoup photographié les autres. Dès l’adolescence, avec le numérique de sa sœur, elle mitraille joyeusement la famille, les enfants que garde sa mère, les copains bien sûr. À l’université, son tableau de chasse s’enrichit de ses amis musiciens.

« C’était pour rire, je faisais de la musique donc je m’amusais à prendre des bands en photo », raconte la trentenaire. Une rigolade qui a fini par durer : aujourd’hui, elle réalise des covers, des photos de scène, des clips pour des artistes de la scène émergente (Claire Days, MPL, Oscar les vacances…).

L’autoportrait est arrivé assez vite. « Parfois je n’avais rien ou personne à me mettre sous la dent, j’ai commencé ainsi, confie Anne-Laure. J’aimais déjà me déguiser, me mettre en scène. » De retour dans l’Ardèche de son enfance après des études lyonnaises et quelques escapades, elle enrichit désormais la série Tissue & Bones ouverte en 2016. Dans un décor naturel choisi au gré

FOKUS
PAR EMMANUELLE BABE PHOTOS ANNE-LAURE ETIENNE
On peut deviner une émotion à travers un corps

de ses balades – montagnes, prairies, chemins forestiers –, elle se photographie « accessoirisée », vêtue d’une combinaison en tulle multicolore, recouverte d’un tissu en lin sur lequel est peint un ciel de nuages… Visage toujours caché, Anne-Laure adopte des poses contemplatives ou se place comme en suspens, épousant les éléments naturels. Tout est fait maison dans ces tableaux à la fois pop et poétiques, car « la fabrication, le bricolage, j’adore ça ! Ce qui m’intéresse, ce sont les étapes qui précèdent la prise de vue ». L’expérimentation guide son travail. Son parcours de formation a, plus ou moins consciemment, servi cette ambition : en bac pro, elle s’est essayée à tous les genres –docu, mode, reportage, pub – avant de partir à Liège étudier le graphisme. « Là, j’ai surtout appris à beaucoup épurer mes images. Avant je pensais qu’il fallait y mettre beaucoup de choses pour être compréhensible. » La photo d’architecture et un peu d’urbex (voir les dualismes de la série éponyme et de Berlin) lui permettront « de mettre en images » le travail des lignes et des « horizons » qui lui font tant apprécier aujourd’hui les espaces naturels. En vraie bricoleuse, elle s’amuse aussi avec des lots de pellicules périmées et d’appareils défectueux, simplement curieuse du résultat. Et voici la série Le ciel est de cristal, comme un shooting sur Mars ! L’autoportrait apporte aussi son lot de surprises. La photographe aime les contraintes de la méthode : les allers-retours au trépied pour choisir le bon cadrage, parfaire la mise au point, régler l’intervallomètre pour programmer le nombre de déclenchements. « Je fais généralement des séries de dix images. Selon les résultats, la séance est rapide… ou très longue ! Sur l’autoportrait, il y a une vraie recherche ; je décline les idées à l’infini. » Avec Tissue & Bones, elle a l’impression d’avoir trouvé ce qu’elle cherchait : « le contraste, la lumière naturelle, l’expression du mouvement, ce qui provoque l’étonnement. Cette combinaison me plait. »

ELLE AIME

La Belle et la Bête (Jean Cocteau), Viviane Sassen, Francesca Woodman, René Magritte, Jessica Lisse, Aldous Harding, Kevin Morby…

TISSUE AND BONES

> 01 JUIL.

L’Épicerie moderne Feyzin epiceriemoderne.com

PRÉSENCE(S) PHOTOGRAPHIE

> 18 JUIN

Montélimar & environs (26) presences photographie.fr

EXPOSITION DANS LA RUE

15 JUIN > OCT. Les Vans (07)

annelaure‑etienne.com @etienne.annelaure

JARDIN DES DÉLICES

JARDIN ROSA MIR

OUVERT LE SAMEDI D’AVRIL À OCTOBRE 87 grande rue de la Croix Rousse Lyon 4 lyon.fr

Jardin Rosa Mir

EN DEVENANT TERRE D’ASILE D’UN MIGRANT FUYANT AVEC FEMME ET ENFANTS LA DICTATURE FRANQUISTE ESPAGNOLE, LYON A HÉRITÉ D’UN JOYAU ATYPIQUE, LE JARDIN ROSA MIR, DONT

L’EXOTISME RIVALISE AVEC UNE MAESTRIA TEINTÉE DE NAÏVETÉ QUE SEULES LES ÂMES SIMPLES (AU SENS NOBLE DU TERME) SAVENT PRODUIRE.

Le plus petit espace vert public de la Ville de Lyon – à peine 500 m² – se cache dans une arrière-cour de la grande rue de la Croix-Rousse, derrière un immeuble que rien ne différencie des autres dans le paysage urbain canut. Émouvant témoignage d’amour filial à une mère dont il porte le nom, le jardin Rosa Mir a été lentement réalisé en un quart de siècle (1957-1983) par un homme, que seule la mort arrêta. Jules Senis nous laisse en héritage cette œuvre qui

mêle inextricablement maîtrise prosaïque de la maçonnerie, foi populaire – le jardin est également dédié à la Vierge Marie à laquelle l’homme attribua sa rémission d’un cancer – et interprétation toute personnelle de l’art des jardins orientaux hérité d’Al-Andalus. Et il y a en plus quelque chose du Barcelonais Gaudi dans ce lieu. Le mystère de sa conception, qui a transformé une anonyme cour d’immeuble en un jardin fantastique, reste entier, car cet entremêlement de colonnades, pergolas, édicules,

22 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23
FORME & FONCTION
Muriel Chaulet © PAR ÉMILAND GRIÈS

FIRMINY-VERT

Site Le Corbusier (42) sitelecorbusier.com

Le Corbu, droit au brut

PAR ÉMILAND GRIÈS

En écho avec les rendez-vous de l’été (la Coupe du monde de rugby, ça vous dit quelque chose ?), le site corbuséen de Firminy-Vert dans la Loire expose Ça bouge en ville ! Sport et architecture pour demain*.

Occasion rêvée d’un road-trip aux portes du Massif central pour (re)découvrir ce morceau de ville conçu dans les sixties par l’architecte qui a fait de la modernité une utopie réalisée. Pour ceux qui ne connaissent pas, Firminy-Vert est un ensemble de bâtiments comprenant une unité d’habitation – quasi jumelle de la "maison du fada" (surnom de la Cité radieuse) à Marseille –, une église en forme de gigantesque cône tronqué sur plan carré, une Maison de la Culture à la couverture arquée vers le ciel et, enfin, un stade et sa tribune. Bien que réalisés dans un béton brut de décoffrage, les aplats de couleurs primaires et le jeu des ombres et de la lumière sur leurs parois apportent une indéniable magie poétique aux lieux. Le Corbusier, à l’automne de sa vie, manie ici son art avec une finesse et une virtuosité infinies.

* Jusqu’au 14 jan. 24

vasques, rocailles et mosaïques a été réalisé sans plans ni dessins préparatoires. La rigueur géométrique minérale des ouvrages y est parfaitement tempérée par le recours à des matériaux naturels qui tapissent sols et parois, mais également par une pléthore de petites plantes méditerranéennes formant un ensemble unique, miraculeusement poétique et équilibré. Galets de rivières, pierres aux nombreuses teintes naturelles ramassées sur les chantiers, coquillages de toutes sortes récupérés chez les poissonniers – dont de très nombreuses coquilles Saint-Jacques à forte charge symbolique – sont assemblés avec soin et parsemés de joubarbes, succulentes et autres agaves dans une mise en scène mélant subtilement les règnes minéral et végétal. Le caractère exceptionnel et original de l’endroit, soutenu par une association d’admirateurs toujours bien vivace, a été rapidement remarqué. Quatre ans après la mort de son créateur, le jardin est racheté par la Ville de Lyon et classé Monument historique par l’État.

Fragilisé par l’intensité des visites, le jardin Rosa Mir a été rénové avec minutie par l’architecte paysagiste Frédéric Reynaud entre 2013 et 2016.

Rosa Mir, ou comment voyager loin en restant chez soi. Mais aussi comment découvrir l’imaginaire créatif et flamboyant d’un simple immigré qui trouva refuge chez nous.

23 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 FORME & FONCTION

Voyage

HUMER L’AIR DU VIEUX-QUÉBEC, DÉAMBULER DANS ROCHEFORT, SE PERDRE DANS LES ÎLES GRECQUES : FILMS ET SÉRIES INVITENT DEPUIS TOUJOURS À PARCOURIR LE MONDE SUR LES TRACES DE LEURS HÉROS. PETIT FLORILÈGE EN FORME D’INVITATION AU VOYAGE.

LES CYCLADES

de l’écran au bout

LES VACANCES DE MONSIEUR HULOT Jacques Tati 1953

LA LOI DU SILENCE Alfred Hitchcock 1953

LES DEMOISELLES DE ROCHEFORT Jacques Demy 1967

AFTERSUN

LES

SUR

L’été se profile et avec lui les échappées belles. On en profite pour revoir avec délectation quelques vieux films et partir, pourquoi pas, sur les traces de Jacques Tati à la découverte de l’hôtel de la plage de Saint-Marc-sur-Mer, époque Les Vacances de Monsieur Hulot (1953). L’établissement est toujours là, avec son restaurant et la même sonnerie de téléphone qui rappelle certaines scènes du film et les maladresses à répétition de Monsieur Hulot. On s’en régale toujours ! Plus au sud, direction Rochefort pour se replonger dans l’ambiance des Demoiselles de Rochefort (1967). Les jumelles « nées sous le signe des gémeaux », interprétées par Catherine Deneuve et Françoise Dorléac, sœurs à la ville comme à l’écran – sont en quête de l’amour idéal dans une ville de province tourneboulée par l’arrivée de forains. En musardant dans le centre de Rochefort, on retrouve la plupart des lieux du film de Jacques Demy. Seules les couleurs pastel des façades et volets – repeints à l’époque par le décorateur Bernard Evein – ont disparu.

La Loi du silence (I Confess) d’Alfred Hitchcock (1953) nous téléporte de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada. Tous les plans extérieurs ont été tournés

dans le Vieux-Québec, où tout est préservé. On imagine bien Montgomery Clift se faufilant en soutane dans les vieilles ruelles ! La salle de bal du Château Frontenac, où se déroule l’une des scènes finales, n’a pas changé. On devine d’ailleurs la silhouette de l’imposant château-hôtel dans de nombreuses séquences du film.

Autre époque, mais paysages de rêve avec Les Cyclades sorti en 2023 : la comédie légère de Marc Fitoussi nous promène d’île en île en mer Egée. Laure Calamy et Olivia Cote, amies d’enfance que tout oppose, composent un duo irrésistible pour ce périple joyeux au milieu des paysages époustouflants des îles grecques. On s’y voit déjà. Restons en Méditerranée avec Charlotte Wells, dont le film s’inspire de ses propres souvenirs. Les plages turques d’Ölüdeniz deviennent un lieu d’oubli dans Aftersun. Le soleil brûlant et les hôtels all included cachent mal le désespoir d’un jeune père, remarquablement incarné par Paul Mescal. Mélancolie du film mise à part, la plage du Lagon bleu fait très envie.

Enfin, dans un tout autre style, on peut se lancer Sur les chemins noirs, adapté du livre éponyme de Sylvain Tesson, et retrouver le goût des randonnées et de l’effort. Bel été et bons films !

24 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 7 E ART PAR MARTIN BARNIER ET VALÉRIE LEGRAINDOUSSAU
Charlotte Wells 2023
CYCLADES Marc Fitoussi 2023
LES CHEMINS NOIRS Denis Imbert 2023
Chloe Kritharas ©

ARTS VISUELS

ÇA DÉMÉNAGE > 09.07.23

Sur la thématique du corps, le Musée d’art contemporain de Lyon se paie le luxe de trois expos, une par étage, avec des partis pris très différents. On démarre au premier avec, sorties des collections, des captations de performances historiques – et parfois extrêmes – de Marina Abramovic & Ulay, Yoko Ono, Bruce Nauman, et des acquisitions récentes, comme cette aquarelle d’Edi Dubien ou des photographies de Delphine Balley. Le deuxième étage tranche avec le décoiffant duo suédois Nathalie Djurberg et Hans Berg, qui développe un univers à la fois enfantin – par son médium, l’animation en stop-motion – mais trash par son propos. Ça peut déranger ! Au troisième, Jesper Just nous fait plonger dans les émotions que traverse Matt Dillon écoutant Mahler, son cerveau scanné par une IRM. Expérience. GV-P

MAC Lyon Lyon 6 mac lyon.com

MAN RAY, CE GÉNIE

01.07 > 05.11.23

Cap sur Évian et son Palais Lumière pour plonger dans l’incroyable univers d’Emmanuel Radnitsky dit Man Ray (1890-1976). Grâce aux 500 œuvres réunies (sur les 30 000 qui lui sont attribuées !), on découvrira toutes les facettes, ou presque, de cet artiste surdoué. Il y a bien sûr ses photographies, dont certaines comme Noire et Blanche ou Le Violon d’Ingres sont devenues des icônes. Durant cinquante ans, Man Ray a immortalisé le Tout-Paris. Il a été adulé pour ses photos de mode et ses nus féminins. Mais l’exposition présente aussi des dessins, des peintures, des lithographies, des assemblages d’objets, des films, des textes… Nourri de dadaïsme et de surréalisme, proche de Marcel Duchamp, cet inventeur génial, pionnier de l’art moderne, ne s’est jamais rien interdit. Cette déambulation artistique bercée par sa voix et ses images, est une démonstration étourdissante de son imaginaire sans limite. BD

MAN RAY (1890-1976), MAÎTRE DES LUMIÈRES

CORPS EN PHOTO

23.06 > 01.10.23

Portrait(s), le rendez-vous photographique estival de Vichy, revient pour sa 11e édition partout dans la ville. Le principe : plonger dans l’univers photographique de figures reconnues mais aussi d’artistes émergents ou jamais exposés en France (ainsi du Belge Jacques Sonck et sa street photographie en noir et blanc). Neuf expositions sont au programme, avec la mécanique des corps comme fil rouge. Entre autres, on pourra découvrir le travail subtil du photographe néerlandais Erwin Olaf avec ses images très stylisées aux teintes crépusculaires. L’expo collective Lambert Lambert et les clichés fantasques de Letizia Le Fur font aussi très envie. GB

Divers lieux Vichy (03)

DÉAMBULATIONS
PAR EMMANUELLE BABE, GUILLAUME BOUVY, BLANDINE DAUVILAIRE, ANNE HUGUET, GALLIA VALETTE-PILENKO Palais Lumière Évian (74) PalaisLumiereEvian Lionel Rault / Adagp, Paris, 2023 ©
Letizia Le Fur ©
INCARNATIONS, LE CORPS DANS LA COLLECTION, ŒUVRE D’HENRY UGHETTO LETIZIA LE FUR QUADRILLE, DOMINIQUE

FRESH ART > 30.07.23

À Lyon, AiRT DE FAMILLE s’installe jusqu’en juillet dans l’hôtel de Villeroy devenu Musée des Tissus. Dédié à l’économie circulaire participative, le festival a été créé en 2022 par Omart – incubateur artistique – et METRONOMI

bureau de conseil et de création – pour mettre en valeur la jeune création tout en sensibilisant aux questions environnementales. Surfant sur la vague de l’upcycling, le projet réunit 25 artistes lyonnais (dont Myet, Charlotte Pilat, Shab…). À partir d’objets déposés par des particuliers, ils ont travaillé cinq semaines in situ, projetant leurs univers (une pièce, un artiste) sur les 2 000 m². Chaque salle, bluffante, est comme un tableau en 3D, reflétant des sujets actuels (environnement, écoféminisme…). Bougrement rafraîchissant ! GV-P

À CIEL OUVERT

08.07

> 24.09.23

Envie d’une escapade inspirante entre lac et montagne ? C’est parti pour Annecy Paysages et une virée dans la riante bourgade haut-savoyarde transformée en musée à ciel ouvert avec plus d’une trentaine œuvres – pour la plupart pérennes – monumentales, artistiques ou paysagères qui habillent et habitent ruelles, places, jardins et son bord de lac. Idéal pour se connecter à la beauté du monde qui nous entoure. AH

ANNECY PAYSAGES

Annecy (74)

annecy.paysages.com

ENTRE

SACRÉ ET PROFANE > 01.09.23

Créée en 2021 au MAMC de Saint-Étienne, l’oeuvre de Lionel Sabatté* composée de fragments de peau humaine, Le Tissu, se donne à voir dans le monastère de Brou, dans le cadre des cent ans de son musée. Un étrange carré suspendu dans l’église, à découvrir en variant les perspectives. De loin, cela ressemble à un tissu aérien qui laisse passer la lumière, en écho aux vitraux ; en hauteur, l’objet montre tout autre chose : ces fragments de peaux tissent une matière diaphane, comme un « tissu social recomposé ». Saisissant ! GV-P

contemporain

Monastère royal de Brou Bourg en Bresse (01) monastere de brou.fr

EFFET MIROIR > 17.09.23

En tissant des liens poétiques, sensibles ou formels, la nouvelle exposition du Musée Paul-Dini a l’excellente idée de réunir une soixantaine d’œuvres issues de sa propre collection et de celle du FRAC Auvergne, le fonds régional d’art contemporain. Dans deux espaces distincts, l’exposition crée habilement le dialogue, des troublants visages de l’enfance par Tabouret et Raysse à la peinture « plastique » façon Wolle et Maris, en passant par la photographie mémorielle de Manigaud et Allouche. La mise en résonance fonctionne tellement bien qu’elle affirme la singularité de chaque création. Pari réussi. EB

LE TOUCHER DU MONDE

Musée Paul Dini Villefranche sur Saône musee paul dini.com

27 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 DÉAMBULATIONS
Musée des Tissus Lyon 2 airtdefamille.fr
Undo Art ©
AIRT DE FAMILLE, GASPARD MARIOTTE *En résonance avec l’expo Faire avec, H2M, Espace d’art

BIEN AVANT

L’INSTALLATION DE BLEU AUX SUBS, ALIX BOILLOT A

DÉCLINÉ CETTE COULEUR COMME UN FIL ROUGE. UNE IDÉE FIXE ? ELLE ÉVOQUE

SON TRAVAIL DE MISE À DISTANCE DE LA REPRÉSENTATION

AVEC, NOTAMMENT, LE BLEU POUR SUPPORT… MAIS AUSSI LE SOUVENIR DE LA MER.

La voie du bleu

Petite, j’étais fascinée de voir tout le monde s’asseoir devant des gens qui faisaient semblant d’être des rois ou des princes… Alors que ce n’était pas si évident ! » De ses premiers souvenirs de théâtre, Alix Bouillot, plasticienne qui vient de créer Bleu aux Subsistances, se rappelle son étonnement face à cette dynamique de la représentation… Cela n’empêche pas la jeune fille, née à Paris en 1992, de dessiner ou de « bricoler » des pièces avec son frère. En 2010, lorsqu’elle rejoint l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, à Paris, elle choisit la scénographie et se familiarise avec les artistes qui, justement, « questionnent l’idée de théâtre et de représentation, comme Jérôme Bel et Philippe Quesne. » Elle adopte le bleu cinq ans plus tard, pour son travail de fin d’études, en adaptant une Alice aux pays des merveilles sur le plateau vidéo bleu de l’EnsAD. Chez elle, pas d’effets spéciaux. Son Alice est un comédien chauve et un texte projeté explique qui est qui ainsi que l’histoire. Le bleu de l’écran devient support pour « inviter

> 08 OCT.

Les SUBS Lyon 1 les subs.com

le public au simulacre, à projeter ses propres images ». Après ses études, Alix alterne collaborations scénographiques et recherches, sans lâcher le bleu. Elle crée, entre autres, des jeux bleus avec Scénographies potentielles, des formes patatoïdes bleues dans lesquelles se projette ce que l’on veut, objet, paysage ou nuage. Ou rien. Une autre fois, dans Adieu Beauté (2021), elle sculpte dans la neige les restes d’une colonne antique. Et puis il y a Bleu, l’œuvre qu’accueillent les SUBS. Dans la grande cour, elle a installé une scène et du mobilier bleu où l’on peut s’asseoir, donner spectacle, se retrouver, écouter à l’ombre le gargouillis d’une des trois fontaines où l’eau s’écoule de vases Médicis en sel, qui fondent. « J’ai voulu faire une place publique, dit-elle. La fontaine invite à se sentir transporté dans un jardin près de la Méditerranée, un endroit où l’on est oisif, où l’on rêve. » En septembre, l’artiste se rapprochera d’ailleurs de cette Méditerranée : à la Villa Médicis à Rome, elle poursuivra ses recherches sur l’eau, ses contenants et ses débordements…

ADN PAR FLORENCE ROUX
Flous Furieux
28 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23
alixboillot.com Gregory Rubinstein / Collectif Des
©

De la danse pour tous

DEPUIS SEPTEMBRE DERNIER, TIAGO GUEDES EST À LA TÊTE DE LA MAISON DE LA DANSE, MAIS AUSSI DE LA BIENNALE DE LA DANSE DONT IL VIENT DE PRÉSENTER DONT IL VIENT DE PRÉSENTER LA 20E ÉDITION (9 AU 30 SEPTEMBRE). LE 6 JUIN, IL LÈVE LE VOILE SUR SA « PREMIÈRE VRAIE PROGRAMMATION » À LA MAISON DE LA DANSE. ENTREVUE À L’ARRACHÉ AVEC UN DIRECTEUR SUR TOUS LES FRONTS.

La biennale, que va-t-on y voir ?

maisondeladanse.com

TIAGO GUEDES Une biennale de transition, une partie de la programmation ayant été décidée par Dominique Hervieu. On retrouve des artistes déjà venus (comme Sidi Larbi Cherkaoui, (LA)HORDE, Fouad Boussouf…) et pas mal de nouvelles têtes. C’est aussi l’ADN de la biennale, la découverte ! Montrer toute la diversité de la danse contemporaine : dans ses esthétiques, ses formats… À découvrir absolument, la chorégraphe québécoise Catherine Gaudet avec Les jolies choses, pièce sur l’effort, sur comment tenir jusqu’au bout dans nos vies d’aujourd’hui. Ou Marco da Silva Ferreira, l’un des jeunes prodiges de la chorégraphie européenne qui présente le duo Fantasie Minor avant

Carcass en octobre à la Maison de la danse. Il est l’un de nos artistes associés. Comme Lia Rodrigues : la chorégraphe brésilienne installée dans la grande favela de Maré vient avec Encantando, une pièce très engagée sur les thèmes sociétaux et la survie de la planète. Ou encore Phia Ménard qui s’attaque, avec ART.13, à la libre circulation des individus et à la notion de frontière. Ce sont deux pièces extrêmement chorégraphiées avec un propos politique fort. Voilà un des marqueurs évident de cette biennale.[...] Fagor sera encore le lieu emblématique de cette édition. Au programme : créations in situ dans ses grandes halles (dont celle avec 70 amateurs de Tamara Cubas ou Liberté Cathédrale de Boris Charmatz pour sa première

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TÊTE D’AFFICHE
ANNE HUGUET
PAR
labiennaledelyon.com
TMP Teatro Campo Alegre © GUINTCHE, MARLENE MONTEIRO FREITAS

pièce au Tanztheater Wuppertal), expo (Still Bodies) et installations autour du corps, immersion dans la culture hip hop et la scène Ballroom (avec battles, workshops…), puis le grand club Bingo, carrément nouveau, pour danser jusqu’au bout de la nuit les vendredis et samedis soir.

Vous ouvrez la Maison et la biennale aux artistes associés, que pouvez-vous en dire ?

TG On imagine un parcours sur trois ans avec neuf artistes associés. On ne les retrouve pas tous à la biennale ni à la Maison, par contre ils seront tous avec nous à un moment donné. Ils sont sept associés à la biennale pour cinq à la Maison. La nouveauté : chaque saison, on va proposer à deux d’entre eux une carte blanche pluridisciplinaire avec leur propre programmation (concerts, performances…), l’occasion de découvrir les artistes avec lesquels ils sont connectés et de faire se croiser les publics. François Chaignaud et Jan Martens pour cette saison.

Un petit avant-goût de votre programmation 23/24 ?

TG Ma première saison 100 % Tiago ! Il y aura des grands ballets, des découvertes, les fameuses cartes blanches, du cirque qui reste un marqueur important pour la Maison de la danse, des ouvertures régulières du Studio pour des artistes émergents, des projections et aussi des soirées pour danser avec des DJs. Je veux qu’on puisse prolonger l’expérience d’être à la Maison de la danse, avant et après. On va expérimenter en proposant du cabaret qui mélange par essence les disciplines (théâtre, danse, chant…). On sort aussi la danse de la Maison en multipliant les complicités : Mathilde Monnier aux SUBS, le duo portugais Jonas&Lander au Théâtre de la Renaissance ou le nouveau partenariat avec le festival Sens Interdits autour de deux artistes magnifiques, Dorothée Munyaneza et Zora Snake.

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TÊTE D’AFFICHE
Je veux qu’on puisse prolonger l’expérience d’être à la Maison de la danse.

Woman power

LOIN DE L’AUSTÉRITÉ REDOUTÉE (ET VOULUE PAR UNE RÉGION AUVERGNE-RHÔNE-ALPES QUI GOÛTE

PEU LA LIBERTÉ DE TON COMME L’INVENTION DE NOUVELLES FORMES), LA SAISON À VENIR REGORGE DE PROPOSITIONS ARTISTIQUES. UNE DES PREMIÈRES ÉVIDENCES ? LA PRÉSENCE EN FORCE DES FEMMES, À LA FOIS DANS LES PROGRAMMES, SUR LES PLATEAUX ET DANS LES THÉMATIQUES DÉPLOYÉES, MÊME SI LA DIRECTION DES THÉÂTRES RESTE MAJORITAIREMENT

L’APANAGE DES HOMMES. PREMIER PASSAGE AU CRIBLE DES PROGRAMMATIONS 23/24 CONNUES À L’HEURE OÙ NOUS ÉCRIVONS.

Les femmes, donc, investissent les plateaux, sujets comme objets des spectacles. C’est un phénomène relativement nouveau : les héros sont souvent des hommes, chez les Anciens comme chez Koltès, Erdman, Hugo ou Molière – Dom Juan, le plus prestigieux d’entre eux, continue de séduire les metteurs en scène. Regardons de plus près. Au TNP, Isabelle Lafon revient avec Je pars sans moi, une traversée de la folie à partir des Impressions d’une hallucinée, manuscrit de la fin du XIXe siècle. Jean Bellorini reprend Vie et mort de Mère Hollunder (certes incarnée par l’auteur lui-même, Jacques Hadjaje), souvenirs très habités d’une vieille femme hongroise du début du XXe siècle, et Carole Thibaut affirme ses partis pris dans Ex Machina, seule en scène qui interroge

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PAR TRINA MOUNIER DÉSOBÉIR, JULIE BERÈS

La musique en grand

La saison prochaine, l’AO (Auditorium Orchestre national de Lyon) propose 184 concerts, dont 9 gratuits, dans des genres très différents. On aime les formats courts à midi et en afterwork qui permettent de découvrir la musique symphonique, guidé par un spécialiste. Les ciné-concerts réservent aussi quelques surprises, notamment la venue du groupe Tindersticks qui accompagne live les extraits des dix films de Claire Denis auxquels ils ont collaboré. Parmi les temps forts, le retour à Lyon du violoniste Pinchas Zukerman et de la pianiste Maria João Pires, sous la direction de Nikolaj Szeps-Znaider, laisse présager de belles soirées. Désormais membre du réseau ECHO (European Concert Hall Organisation), l’AO accueille huit "Rising Stars", de jeunes artistes prometteurs qui voient leur carrière boostée par ce coup de projecteur. Les amateurs de musique baroque retrouveront Jordi Savall avec joie. Plus audacieux, Julien Chauvin et son Concert de la Loge revisitent Les Quatre Saisons de Vivaldi en conviant sur scène les danseurs de Mourad Merzouki, avec Coline Serreau à la scénographie. Enfin, la programmation laisse une jolie place aux musiques actuelles, du monde et du jazz avec Gilberto Gil, Bertrand Belin, Mariza, Cécile McLorin Salvant ou encore Toumani Diabaté. Vivement la rentrée.

auditorium lyon.com

la domination masculine. Nasser Djemaï, quant à lui, pose un regard affûté et malicieux sur la vieillesse et les relations familiales avec cinq comédiennes au plateau pour incarner ses Gardiennes. Autre portrait de femmes fortes au Théâtre de la Croix-Rousse avec Les Forteresses et trois sœurs iraniennes en prise avec l’histoire. Des témoignages toujours avec Saïgon : ce récit choral nostalgique brasse des parcours de vie dans un petit restaurant parisien. La Langue de mon père – vu aux Clochards Célestes – de la jeune Sultan Ulutas Alopé s’interroge sur l’identité et le racisme. Bouleversant.

Remparts de la mémoire

C’est une guerrière qui ouvre la saison de la Comédie de Valence : Phia Ménard y présente, en tant que chorégraphe associée, Art.13, en référence à l’article de la

theatredescelestins.com croix rousse.com pointdujourtheatre.fr radiant bellevue.com tng lyon.fr tnp villeurbanne.com theatre‑bourg.fr comediedevalence.com

33 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 MICMACS DE SAISONS
Philippe Remond © PAR BLANDINE DAUVILAIRE

Déclaration des droits de l’homme sur la libre circulation des personnes, dans lequel une femme se bat pour faire respecter le droit international. Elle y reprend aussi L’Après-midi d’un foehn (à voir aussi à la Biennale de la Danse) et créera O.V.N.I.… Metteuse en scène associée, Ambre Kahan prépare une pièce-épopée d’après le magistral L’Art de la joie de Goliarda Sapienza, dont le personnage principal Modesta traverse le XXe siècle en refusant joyeusement tous les préjugés. À retrouver aussi aux Célestins aux côtés de Tatiana Frolova qui apporte une fois de plus son éclairage lumineux (et souvent émouvant) sur le travail de la mémoire avec Nous ne sommes plus. La Libanaise Chrystèle Khodr, autre fidèle du Festival Sens Interdits, présentera Ordalie, une réflexion politique sur l’état de son pays. Très attendue, Chloé Dabert réunit, dans Firmament, treize comédiennes autour du procès d’une meurtrière. Tandis qu’ils seront trois à donner vie aux personnages du roman de Delphine de Vigan, Les Gratitudes. Sans oublier le retour de Marc Lainé avec le fantastique En travers de sa gorge et son triangle amoureux. Toujours aux Célestins, citons au rayon des gourmandises Gloria, Gloria, le Prix Incandescences 2022, Le Mandat de Nicolaï Erdman par Patrick Pineau et sa bande de haut vol et Avant la terreur, où Vincent Macaigne explore la lignée des rois horrifiques de la vieille Angleterre. Avant le bain de fraîcheur bienvenu de 20 000 lieues sous les mers et ses grands fonds, « une odyssée maritime merveilleusement ciselée », annonce La Terrasse ! Mais direction Oullins, le théâtre de la Renaissance fête le retour de Christophe Perton et de son Bel indifférent d’après Cocteau, avant une Andromaque musicale signée Yves Beaunesne. On n’oublie pas les quatre nanas explosives de Désobéir, ni le trio gagnant de La Maison avec Dernière frontière. Côté jeunesse

qui n’a pas froid aux yeux, on note le Sirène 2428, Prix ARTSCENA 2020, de la jeune Adèle Gascuel (TNG) et À tout rompre des trublions Alice Vannier et Sacha Ribeiro associés à un duo de voltigeurs. Toujours au Théâtre du Point du Jour, Catherine Marnas s’attaque à l’hermaphrodisme avec Herculine Barbin ou l’archéologie d’une révolution. Enfin, Bourg-enBresse vaut le détour pour le génial Hen de l’iconoclaste Johanny Bert, pour le poétique Ne pas finir comme Roméo et Juliette des surdoués de La Cordonnerie, et pour Olivier Masson doit-il mourir ?, étude de cas passionnante par le prolifique François Hien. Que du bon !

Des stars aussi

Cette sélection thématique, volontairement partiale et partielle, ne peut donner qu’un aperçu de la palette de spectacles proposés. Pour faire un pas de côté, quelques événements à ne pas manquer : tout d’abord, Nanni Moretti mise sur le TNP pour ses premières armes au théâtre avec Diari d’amore, diptyque savoureux de Natalia Ginzburg sur l’enfer des relations de couple. À Villeurbanne encore, Christophe Rauck a choisi Micha Lescot pour interpréter un Richard II erratique et effrayant.

Enfin, deux stars en scène à Valence : Adama Diop compose et incarne Fajar, jeune poète sénégalais porteur du poids de l’histoire africaine. Et Nicolas Bouchaud prête sa voix à Serge Daney, le célèbre critique de cinéma, dans un monologue brillantissime, La Loi du marcheur. Un dernier pour la route avec À huis clos, avec Kery James et l’impeccable Olivier Werner, à voir au Radiant-Bellevue, entre autres.

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HERCULINE BARBIN, CATHERINE MARNAS Pierre Planchenault ©

L’opéra mord encore

La fin de saison a été pour le moins compliquée à l’Opéra de Lyon. Après des baisses de subventions (dont celle de la Région, nouvelle preuve de l’hypersensibilité de Wauquiez à l’entente du mot "culture"), l’annulation de plusieurs spectacles lors de la mobilisation sur les retraites l’a placé en situation budgétaire difficile. Conséquence : report du dernier opéra de la saison, On purge bébé, et annulation du festival du Péristyle. Espérons donc que la nouvelle saison lui permette de démontrer sa capacité de résistance à l’adversité. La programmation promet en tout cas des expériences étonnantes : consommation d’élixir de longue vie (L’Affaire Makropoulos), métamorphose d’une gazelle en femme (La Femme sans ombre) ou encore résurrection des anciennes épouses de Barbe-Bleue. On pourra aussi jouer aux cartes (La Dame de pique), explorer des mines d’or (La Fille du Far-West), se disputer avant de s’amouracher (Béatrice et Bénédict) et la musique finira par couvrir le son de l’orgue de barbarie de Brundibár. L’orchestre fêtera ses quarante ans avec ses anciens chefs Kent Nagano et Kazushi Ono et, entre autres chorégraphies, le ballet sort les crocs, sans complexe, avec Canine jaunâtre 3 en mars prochain. Quand l’opéra vous mord, il ne vous lâche plus. opera‑lyon.com

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PAR CARMEN S. EN TRAVERS DE SA GORGE, MARC LAINÉ Christophe Raynaud de Lage ©

LETTRES & RATURES

Cormac

is back !

LE PASSAGER STELLA MARIS

Cormac McCarthy Éditions de l’Olivier

TUER NOS PÈRES ET PUIS RENAÎTRE

Adrien Durand

Le Gospel

CE QUI VIT LA NUIT

LE RETOUR DU GÉANT MCCARTHY, LES PÉPITES

D’UN PETIT POUCET

CHANTANT NOMMÉ LE GOSPEL ET QUELQUES

BULLES SIGNÉES HARKHAM :

D’UN GENRE À L’AUTRE, VIVE L’ÉTÉ.

PAR MARCO JÉRU

Le corps d’une jeune fille abandonné dans la neige, l’épave d’un avion au fond des eaux, un homme en fuite hanté par sa mélancolie… Seize ans après La Route, Cormac McCarthy publie coup sur coup Le Passager et Stella Maris, deux romans pour narrer, en creux d’une passion incestueuse, tant les grands fantômes américains – la bombe atomique, le Vietnam, l’assassinat de Kennedy… –que le tragique de la condition humaine. À quatre-vingt-dix ans, au sommet de son art, l’écrivain conjugue avec audace styles littéraires, mystère et passion,

réflexions scientifiques et existentielles, humour désespéré et sérénité joyeuse. Mathématicien et physicien, son héros Bobby Western, sublime incarnation de l’homme occidental né « d’Auschwitz et d’Hiroshima, les deux catastrophes jumelles qui avaient scellé à jamais le destin de l’Occident », nous entraîne aux quatre coins du monde et des savoirs, sur la ligne de fuite qui est celle de son déracinement sans fin, sur les traces de la boîte noire d’un complot étatique comme sur celles d’Alicia, sa sœur perdue, héroïne du second opus. Une dérive allègre, expérimentale, la joyeuse autopsie d’une civilisation sans transcendance dont les seuls guides sont l’humanité et la tendresse.

La musique est la corde sensible du Gospel, jeune éditeur bordelais qui lorgne également vers l’étrange et le gothique. Preuves en sont deux romans "cultes" enfin traduits : Ce qui vit la nuit de Grace Krilanovich (2010), plongée hallucinée au sein de bandes d’ados junkies dérivant de concerts en braquages, ultimes rejetons des hobos et autres laissés-pour-compte de l’Amérique triomphante ; et L’Histoire secrète de Kate Bush (1983) par Fred Vermorel, bijou baroque à la gloire des fans de musique pop et manifeste situationniste

Grace Krilanovich Le Gospel BLOOD OF THE VIRGIN

Sammy Harkham Éditions Cornélius

sur l’underground anglais. Ils sont assortis de deux premiers romans français, Les Heures défuntes d’Alice Butterlin, sorte de féérie onirique où l’on croise Elliott Smith, Kierkegaard, la Process Church..., et Tuer nos pères et puis renaître d’Adrien Durand, drôle d’essai qui met le feu à la mythologie du rock.

Au rayon BD, à côté d’Animan d’Anouk Ricard et de La Couleur des choses de Martin Panchaud (primés à Angoulême), signalons Blood of the Virgin de Sammy Harkham, qui conte les tribulations de Seymour, 27 ans, juif d’origine irakienne, monteur dans le cinéma du Hollywood des années 1970, qui rêve de réaliser un film de loup-garou. Mais les rapaces de la production vont s’emparer de son idée, en même temps que son couple bat de l’aile… Une histoire attachante et subtilement construite à la fois dans le découpage, l’échange de points de vue et les digressions. Belles découvertes !

36 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23

LE STREET MUSÉE

37 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23
THE POP SUREALIST
STREET ART
KOIKTENDIZ MATT_TIEU
PAR GRAPHULL DU MOIS
BRIT TAMALET
KLINT’IN LASCO
& SEES MY STENCIL
FOUCH
MANOLA
TOKI

Tarte aux 3 couleurs

35 MINUTES

20 MINUTES

Les beaux jours sont là, temps béni des barbecues et des recettes légères qui fondent en bouche… En attendant la plage, invite le soleil à ta table avec cette alléchante tarte maison aux trois couleurs. On lance les cigales et c’est parti : commence par mélanger la farine, le beurre coupé en morceaux et le sel. On écrase, on masse, on pétrit… Une fois que la pâte a une belle consistance de sable qui glisse entre les doigts –ah, on s’y croirait, on the beach… –, verse un peu d’eau pour un résultat homogène et élastique. Toute chaude et bien malaxée, la voilà au repos bien au frais. De belle taille et bien fermes, les légumes attendent leur tour. À la sortie du bain (quel plaisir), un peu d’épluchage, et hop en fines rondelles. On allume le four, température idéale à 180°C, ça va taper ! Le plus dur est fait : place à l’habillage. La pâte toute fraîche ne demande qu’à s’étirer, étale-la dans son moule. Puis on la tartine de ricotta et moutarde, comme la Biafine sur un coup de soleil : en couches épaisses ! Avec les légumes, on forme une belle rosace aux chaudes couleurs, en alternant rondelles d’oignons et de courgettes. Quelques notes de sel, un filet d’huile d’olive et la belle tarte est prête à se dorer la pilule, 35 minutes sous le cagnard avant de s’exhiber brunie et fondante à souhait. On salive. Quelques herbes odorantes pour parfaire le tableau, à servir, chaude ou froide, avec une petite salade pleine de couleurs et de saveurs. C’est l’été avant l’heure dans l’assiette !

Horizontalement

1. Protègent des intempéries... et sont peut-être à Lourdes ? 2. Bien connue pour ses "fines". Tonton d’Amérique. 3. Ne sont pas toujours malignes. Poussé. 4. Plutôt chaleureuses. 5. Victimes de chinoiseries ! Sert à dupliquer. 6. Ni à toi, ni à moi. Toujours froid, mais pas toujours en gelée. 7. Protections urbaines sectorielles. 8. Qui n’y sont plus. Règle les derniers détails du spectacle ? 9. Peut accompagner le roulis. Engraisse le poulet. 10. Ne sont pas tous pro-Poutine.

solutions

arkuchi 35

Verticalement

A. Creusions le sujet. B. A sa place au Ciel ? On y commença le partage de l’Europe. C. Frontière flottante. Le "faire" augmente la vitesse à ski.

D. N’ont certes pas des salaires de ministre.

E. Tels certains textiles après nettoyage. Un douzième des fils de Jacob. F. Programme de lave-linge, ici disjoncté ! Joué. G. Écluser.

H. Réfléchi à l’envers. Muscle vertébro-fémoral.

I. Jour consacré à Dieu, ou au ménage, selon les pays ! Fait son petit blanc. J. Ne sont généralement pas sourds, sauf Beethoven.

38 ARKUCHI #36 ÉTÉ 23 jugeote PAR PONIA DUMONT POPOTE(S)
PAR FOODDENOU 2 COURGETTES JAUNES 2 COURGETTES VERTES 2 PETITS OIGNONS ROUGES 200 G DE FARINE (MIX 100 G DE FARINE DE SARRASIN + 100 G DE FARINE BLANCHE) 250 G DE RICOTTA 100 G DE BEURRE MOUTARDE
CAS) HUILE D’OLIVE
CAS) SEL, POIVRE
PERSONNES
(1
(2
4
C A N T A T R I C E A L I E N E E S U S L A L O M I O N S T U S M E N U E S I D D A R E M E L E G A L I S T E S L N L E T U E A T T I S E R A N N I L S O N D E E N C A S I T E M
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