ARKUCHI #51 SEPTEMBRE/OCTOBRE 25

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Dans le Rétro… Dans le Viseur

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C DANS L’AIR

Karavel voit toujours grand !

Tous les enjeux du monde à Sens Interdits

Michael Mann, 17e prix Lumière

.20

Faites du bruit ! 20 ans d’Épicerie Moderne, La Machinerie & Bizarre, Rues Sonores

.22

FORME & FONCTION

Rendez-vous à La Cascade

.30

MICMACS DE SAISON(S)

Saison 25.26

Envies de théâtre, cirque, musiques

.42

Hors Champ Hafsia Hersi : filmer les âmes et les visages

.10

TÊTE D’AFFICHE

ENTRE-TEMPS

Le grand retour de Philippe Decouflé

.12

Bêtes de Scènes

Milo Rau, Marc Lainé, Clara Hédouin, Amadoca, Marco da Silva Ferreira, L’Éventail de fer, Biclou, Sébastien Vion

.18 À LA MOULINETTE

Miss Rose aka Caroline Amoros

Caroline Amoros & Raphaël Helle © Jean Vermeulen ©

.24 FOKUS

Camille Noyon toujours à cœur battant

.26

FESTIVALS

Rhino Jazz(s), Nouvelles Voix, Biennale de la danse, Belles Journées, IF, Optimisme Ambient

.44

Lettres & Ratures

.45

Street Musée du Mois

.46

Popote(s) & Jugeote

#51 Sept. / Oct. 25

Gratuit • Toutes les 6 semaines

Diffusion : plus de 450 lieux

Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes

Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon

Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97

Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro

Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain Doussau, Trina Mounier, Enna Pator, Victoria Reddok, Florence Roux, Carmen S., Gallia Valette Pilenko.

Illustration de couverture : Camille Noyon

Publicité : mag.arkuchi@gmail.com

06 13 07 06 97

Conception et mise en page

Impression : FOT

Tirage : 15 000 ex.

Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387

Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés.

ABONNeMeNt 7 num./an = 35 eur.

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BÊTES DE SCÈNES

Beats incisifs et flows rageurs boostés par une vraie batterie et une énergie incroyable : les papys résistants de Cypress Hill ont régalé aux Nuits de Fourvière. Entre hip-hop, latino, punk, metal, ça jumpe et ça slamme. Gros kif pour aficionados en joie.

Pas pareil

Du beau monde à La Bâtie-Festival de Genève (CH) comme toujours. Avec une prog’ qui sort des sentiers battus. Chaignaud, Monteiro Freitas, Charmatz, Rodriguez, Chien Bleu, Acher, Gravel, Meatbodies… Demandez vite le programme !

28 AOÛT > 14 SEPT.

LES

TUPINIERS

RATTRAPAGE

Arles 2025, ça continue en septembre. Avec le Brésil à l’honneur, On Country, Louis Stettner, Nan Goldin, la Sicile de Letizia Battaglia, Claudia Andujar, Raphaëlle Péria et tous les autres.

JUSQU’AU 05 OCT. Letizia Battaglia ©

HA pp Y BIR t HDAY

! L’Atelier Galerie de la rue Sala Autour de l’Image fête 30 ans de création, de rencontres et de regards artistiques avec une expo collective de 32 artistes dans un accrochage foisonnant. Avec Dorothée Richard, Mathieu Iquel, Cara Mia, ERELL, Aurélie Foussard, Pascal Baudry, Jean Lambert... On y va. 27 SEPT. > 24 DÉC.

REBOURS

AAgréable surprise pour ce film catastrophe qui bascule en une leçon de vie étonnamment apaisante. On commence par la fin dans Life of Chuck de Mike Flanagan. Inspiré d’un roman du maître du fantastique Stephen King, ce récit dans le désordre et en trois actes narre la vie d’un héros ordinaire. EN SALLE DEPUIS LE 11 JUIN

dans les oreilles

Quiet Life → Shame Pagan Ways → Lebanon Hanover So Far Gone → Black Lips

Clap de fin pour la Biennale du Design de Saint-Étienne 2025 . Bravo à la créativité effervescente de la petite Arménie ! On a adoré ces photos d’abribus aux formes débridées, l’épure quasi spirituelle des tenues d’Ariga Torosian tout comme les énigmatiques recherches typographiques de Sargis Antonian. Belle surprise.

A chaud

INVITATION AU VOYAGE Voyagez avec Le Porteur d’Histoire d’Alexis Michalik (2 Molières). Il vous transporte d’Avignon en Algérie, des croisades à aujourd’hui sans jamais vous perdre à la poursuite d’un mystérieux trésor. Haletant !

03 SEPT. > 01 NOV. Théâtre Comédie Odéon

ICÔNE FÉMINISTE De l’instit à la furie punk ? Si vous aimez Peaches, direction le Marché Gare pour vous replonger, avec The Teaches of Peaches (docu, 2024), dans vingt ans de carrière de la performeuse trash canadienne. À coups d’images d’archives, de captations live, de travellings dans les coulisses et d’anecdotes de ses amis. Juste pour le plaisir.

24 SEPT. Marché Gare

ONE WOMAN SHOW Béatrice Venet est une comédienne sensible et discrète dont les créations enchantent. La nouvelle J’y vais mais j’ai peur traite avec délicatesse de la solitude et des angoisses de l’acteur. Sûrement nourrie d’autobiographie…

01 > 04 OCT. Théâtre des Clochards Célestes

IL ÉTAIT UNE FOIS… Après LACRIMA, Caroline Guiela Nguyen continue dans un registre où elle excelle, celui du drame sur fond d’injustice sociale avec Valentina. Une Roumaine atteinte d’un cancer et sa fille sont confrontées aux dures réalités de la vie. Un récit touchant.

08 > 12 OCT. Théâtre des Célestins

ÉLECTROCHOC L’ex-directeur de l’Odéon – Théâtre de l’Europe, Stéphane Braunschweig, met en scène une version écologique de La Mouette de Tchekhov, versant collapsologue. La métaphore est l’occasion d’un numéro de trapèze poétique.

09 > 11 OCT. Comédie de Saint–Étienne (42)

COMÉDIE ABSURDE Dans son dernier spectacle à tendance philosophico-sociale, Melancolikea [Comment meubler sa peine], Maïanne Barthès met en avant le pouvoir de l’imaginaire pour oublier le désespoir du consumérisme. Une fable originale.

14 > 15 OCT. Comédie de Valence (26)

Àvos agendas

Vite fait, quelques dates à cocher. Le chant incendiaire de Jehnny Beth (17/10), l’énergie survoltée de Shame (05/11), les furies Nova Twins (01/10), la release party de Zëro (18/11), le rock indus des Young Gods (21/10), le punk déglingué de Gogol Bordello (07/10), Kae Tempest et son spoken word tranchant (23/10), le brassband barré Gallowstreet (18/12)… On réserve ?

L’ART

AU FÉMININ

Britt, La Dactylo, Adventis, Laureth Sulfate, Oja et Sori font le buzz en septembre à la Holy Street Gallery, le spot street art du 5e Vernissage le 04 septembre. 04 > 27 SEPT.

COMPAGNIES

EMBLÉMATIQUES VERSUS NOUVELLES TÊTES, LA FINE FLEUR DU HIP-HOP HEXAGONAL SE RETROUVE DÈS LE 24 SEPTEMBRE AU FESTIVAL KARAVEL. PIÈCES CHORÉGRAPHIQUES – DONT CINQ CRÉATIONS EN PREMIÈRE –, SHOWS ET BATTLES, IL Y EN A POUR TOUS LES GOÛTS. ENTREZ  DANS LA DANSE, VITE !

une danse libre, plurielle et connectée à son époque

L’élan hip-hop

MFESTIVAL

algré une conjoncture morose (pour ne pas dire pire), Karavel affiche sereinement ses dix-neuf printemps et propose comme à son habitude une ribambelle de spectacles. Cultivant ses fidélités aux artistes invités régulièrement (Mazelfreten, Dyptik, Stylistik…), le festival n’hésite pas non plus à faire confiance à de jeunes compagnies pour donner à voir de nouvelles écritures (Noé Chapsal, Dexter…). Cinquante d’entre elles vont essaimer, dans la métropole et en région (puisque Karavel irrigue maintenant la région de Clermont-Ferrand), et « transformer le territoire en un vaste terrain d’expression artistique ». Le public pourra également s’éclater en suivant les battles Can You Rock ?!

et Waacktober (waacking), le All Star Kontest ou encore la finale des Hip Hop Games désormais inscrite dans le paysage, qui clôture le festival avec sa closing party au Transbordeur. Au rayon nouveauté, rendez-vous au HippoH Dance Bar x Moovance à la Commune (un nouveau lieu du festival, destiné à être le QG festif) : le concept lancé à Paris par Jimmy Yudat consiste en une scène ouverte non compétitive. Sans oublier la soirée de lancement avec son Défilé chorégraphique (imaginé par son directeur Mourad Merzouki) dans la chapelle de la Trinité, soit dix danseurs triés sur le volet qui se défient sur un catwalk accompagnés en live par les musiciens du Concert de l’Hostel Dieu sur des partitions de Jean-Sébastien Bach. Un événement inédit qui célèbre la rencontre du hip-hop et de la musique baroque !

PAR GALLIA VALette-pILeNKO
Julie Cherki ©
KARAVEL 2025 [MODÈLE : MAHAUT VITALIS]

Des bobines & des hommes

FESTIVAL LUMIÈRE

11 > 19 OCT. Lyon et métropole festival lumiere.org

Après Isabelle Huppert, Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Jane Fonda… le Festival Lumière honorera cette année le réalisateur américain Michael Mann, en lui remettant le 17e prix Lumière. Pour les amoureux du 7e art, pouvoir échanger avec cet immense artiste de 82 ans, et revoir ses films dans des conditions idéales, est l’occasion de balayer plus de quarante ans de cinéma. Un pied dans la tradition hollywoodienne, l’autre dans une approche très personnelle de la mise en scène, Michael Mann a toujours abordé ses réalisations avec un souci du détail obsessionnel. Parmi ses chefs-d’œuvre, le festival servira sur un plateau Le Dernier des Mohicans (1992), grand succès populaire porté par Daniel Day-Lewis et Madeleine Stowe, l’incontournable Heat (1995), thriller aux allures de fresque qui réunit pour la première fois à l’écran Al Pacino et Robert De Niro, et bien sûr Révélations (1999), nommé sept fois aux Oscars. Lors de sa master class aux Célestins, le cinéaste évoquera sans doute ses débuts comme scénariste à la télévision, son rôle de producteur exécutif de Miami Vice, ou encore le roman Heat 2 écrit avec Meg Gardiner, qui sera son prochain long métrage. Le reste de la programmation réserve aussi de belles surprises, comme la grande rétrospective consacrée au réalisateur Martin Ritt, pour revoir certains films devenus introuvables, tel Norma Rae (1979) pour lequel Sally Field décroche un Oscar. Une autre rétrospective passionnante revisitera l’œuvre de Louis Jouvet, tandis que deux ciné-concerts mettront à l’honneur Victor Sjöström, l’un des pionniers du cinéma muet. Enfin, c’est sous la halle Tony Garnier que résonneront les plus grand fous rires du festival, avec la projection géante de Kung Fu Panda (2008), orchestrée par Manu Payet, et l’intégrale de la série Astérix et Obélix : le Combat des chefs (2025) en présence de l’inénarrable Alain Chabat. Vivement octobre !

Une danse

explosive

Marion Alzieu n’aime rien tant que les défis. Danseuse chez Amala Dianor (elle danse dans M&M que le public pourra voir à Genas, 09 oct.)

Serge-Aimé Coulibaly, elle se lance dans la chorégraphie en 2014 avec le solo Ceci n’est pas une femme blanche qui tourne neuf ans durant. Elle rafle plusieurs prix dans les concours internationaux. Le duo Hold Fast est sa dernière création (2024), elle y mêle sa propre gestuelle à celle du krump, une danse qui la fascine et qu’elle découvre avec Mickaël Florestan, l’interprète qu’elle a choisi pour l’accompagner. Dans Hold Fast (« tenir bon » en anglais), elle hybride les danses pour interroger la rage et ce qu’elle produit. Généreuse et engagée, Marion Alzieu est une artiste à suivre de près. GV-P

21.10

Théâtre Astrée

Villeurbanne compagniema.com

organique

Coup de cœur de Mourad Merzouki au concours Sobanova, Manon Bouquet débarque à Lyon pour la première fois. La Grande Vie est la troisième pièce de cette jeune chorégraphe, venue de l’univers des comédies musicales, de la télévision et de la publicité. Danseuse pour les tournées de Angèle et Louise Attaque, interprète chez Marion Motin ou encore habituée des shows de marques (Dior, Chanel…), elle plonge dans les émotions (vécues ou observées) provoquées par la vie. Dans cette pièce en six tableaux, elle met en scène dix interprètes de divers horizons pour incarner la solitude, l’amitié, les relations familiales, le couple et brosser des instants de vie. Elle propose de faire un pas de côté pour mettre à distance ses sensations et mieux les comprendre. GV-P

09.10

Pôle en Scènes Bron @ciemanonbouquet

manifeste

Spécialiste du waacking mais pas seulement, la Florentine Viola Chiarini crée sa deuxième pièce Furiosa à Karavel. Forte de ses expériences en danse-thérapie, notamment auprès de femmes victimes de violences, Furiosa traverse la colère née des oppressions systémiques et brutales infligées aux femmes par le patriarcat. Persuadée que la danse est un « outil de narration, capable de transformer une idée en une expérience visuelle puissante », elle compose un spectacle où chaque mouvement s’impose par sa nécessité vitale et devient un acte de libération et d’affirmation. Une sorte de manifeste pour la dignité retrouvée et la place affirmée du féminin dans nos sociétés. Un geste fort ! GV-P

15.10

Université Lumière Lyon 2 Bron chiarini.dancecompany

FESTIVAL SENS

INTERDITS

10 > 31 OCT. Lyon et métropole sensinterdits.org

un

espace de parole pour ceux et celles que les guerres et les tyrannies veulent invisibiliser

Le monde en pièce(s)

SENS INTERDITS ANNONCE UNE NEUVIÈME ÉDITION DE TRANSITION, SANS SON FONDATEUR PATRICK PENOT (UNE PREMIÈRE), QUI A PASSÉ LA MAIN À UNE NOUVELLE ÉQUIPE CONSTITUÉE DE COLLABORATEURS DE TOUJOURS. PAS DE SOUCI : LE COURAGEUX (ET RÉSILIENT) FESTIVAL LYONNAIS CONTINUE SUR SA LANCÉE, DANS LA FIDÉLITÉ À SES ENGAGEMENTS.

Le premier des engagements de Sens Interdits est d'oser regarder le monde les yeux grand ouverts afin d’offrir un espace de parole à ceux que les guerres et les tyrannies veulent invisibiliser. Il existe pléthore d’exemples à notre indignation, à notre compassion et aussi, à notre réflexion active.

Treize spectacles dont cinq créations pour cette édition 2025 qui doit faire avec des moyens limités. On plonge dans la programmation, avec un fil rouge qui s’impose dès la lecture de certains titres de spectacles : celui de la mémoire. Le plus paradoxal est sans doute Gaza, ô ma joie (16 et 17 oct.), tant ce territoire écrasé sous les bombes depuis des mois nous semble aux antipodes de la notion de joie. Plus qu’un spectacle, Gaza, ô ma joie est l’œuvre de la poétesse palestinienne Hend Jouda qui partage l’interprétation avec la Marocaine Soukaina Habiballah pour la traduction française. Cet oratorio de femmes contre la guerre dit l’obligation de la joie, la nécessité de se souvenir pour espérer. Hewa Rwanda, Lettre aux absents (17 oct.) qui rappelle en musique les heures sombres du génocide ou encore Reminiscencia, celles de la dictature chilienne, se situent dans une démarche

parallèle. Mais à y regarder de plus près, d’autres pièces font aussi œuvre de mémoire : c’est le cas de l’artiste argentin Tiziano Cruz qui ressuscite dans Wayqeycuna (10 et 11 oct.) le peuple quechua et aymara, dont il a été éloigné par la brutalité néolibérale et coloniale. Un seul en scène qui mêle histoire autobiographique, travail documentaire et poésie. Et bien sûr celui de I’m Fine (14 au 25 oct.), nouvelle création d’une des premières découvertes de Sens Interdits, Tatiana Frolova et son Teatr KnAM, exilés en France depuis la guerre en Ukraine – ils sont artistes associés des Célestins. Une pièce « sur les racines et notre mémoire », où la metteuse en scène pointe la difficulté de reconstruire une vie dans un univers avec lequel on doit se familiariser. L’édition 2025 ouvre, nouveauté, avec trois concerts spectacles, à découvrir du côté d’Oullins : ÄKÄ, Free Voices of Forest qui donnera vie aux polyphonies du peuple pygmée Aka ; le trio Malqa et son mix de sons bruts, d’électro et d’influences contemporaine et traditionnelle jusqu’à la transe ; Marée enfin, pièce radiophonique d’Alizée Bingöllü (lire p. 30) pour se plonger dans le quotidien d’une famille au cœur d’une des plus grandes favelas de Rio.

PAR tRINA MOUNIeR
Matias Gutierrez
WAYQEYCUNA, TIZIANO CRUZ

Le temps des copains

PAR BLANDINe DAUVILAIRe

PHILIPPE DECOUFLÉ ET SA COMPAGNIE

DCA SONT DE RETOUR AVEC LE SPECTACLE

ENTRE-TEMPS, QUI EST L’UN DES ÉVÉNEMENTS DE LA BIENNALE DE LA DANSE.

LE CHORÉGRAPHE LÈVE LE VOILE SUR CETTE NOUVELLE CRÉATION COLLECTIVE.

Vous avez créé Entre-Temps avec neuf danseurs et un musicien, de quoi s’agit-il ?

PHILIPPE DECOUFLÉ C’est une série de variations sur la notion de temps, avec plusieurs points de vue. L'écriture s'est faite de manière collective, j'avais envie de retrouver une forme de complicité avec des gens de mon âge, avec lesquels j'ai vécu beaucoup de choses. Tous ont créé de nombreux spectacles. Il y a Dominique Boivin auprès de qui j'ai commencé ma carrière, Michèle Prélonge que j'ai rencontrée quand on dansait ensemble chez Régine Chopinot, mais aussi Yan Raballand… C'est merveilleux de se retrouver en famille après tout ce temps. Quand on danse encore après 50 ans, c'est vraiment qu'on aime ce métier. Tout le long de la création, on a été dans une démarche d'entraide, jamais de critique. On s'est tous poussés vers le haut pendant deux ans, c'était une belle expérience.

Quel est votre rapport au temps ?

PD Il n’est pas très net et ça ne s'est pas arrangé ! Je suis toujours en retard, je perds facilement la notion du temps, c'est très élastique chez moi. Pour ce spectacle, j'ai travaillé sur plusieurs manières de penser le temps, sur la répétition et le fait qu'on revit des choses presque identiques, dans un contexte totalement différent. Je trouve ça très troublant. J'ai aussi travaillé sur les temps simultanés, d'après le film Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, qui m'a beaucoup marqué. Ces temps de vie différents qui se désynchronisent, se resynchronisent, se croisent, etc. Il y a également le temps du rêve, le temps d'être ensemble…

L’un des tableaux d’Entre-Temps fait appel à un groupe d'amateurs…

PD Dans chacune des villes où nous jouons, nous formons un groupe d'amateurs le week-end qui précède les représentations. L'idée est de faire avec eux des choses qui sont très importantes pour le spectacle et pas dures techniquement. On est plutôt dans la force du groupe. J’essaie de leur transmettre le plaisir d'être sur scène et d'en profiter au maximum, parce que c'est tellement bien !

Vous souhaitiez créer un spectacle joyeux et très visuel.

PD À chaque fois, j’essaie de faire quelque chose de totalement différent. Dans Entre-Temps, on est à la limite de la danse et du théâtre, dans quelque chose de très intime parfois. Il y a une écriture chorégraphique puissante. Je n’avais pas envie de projection d'images, je voulais des corps réels, j'avais les spectacles de Pina Bausch dans la tête et l’envie d’utiliser la force de caractère des artistes. C’est une pièce qui joue beaucoup sur l'humanité des gestes et des personnes.

Vous avez aussi utilisé les souvenirs des danseurs…

PD Je les ai interviewés, puis le montage de leurs voix est devenu une sorte de musique. Nous avons travaillé sur ces évocations du passé pour donner une autre lecture à ce que l’on voit, avec une recherche d'universalité mais sans nostalgie.

ENTRE-TEMPS
à

la limite de la danse et du théâtre, dans quelque chose de très intime

Les costumes et les décors sont recyclés ?

PD Oui, les costumes, les décors, mais aussi les danseurs et les mouvements. Je ne voulais pas inventer de nouveau mouvement pour ce spectacle, nous avons, tous les dix, étudié tellement de techniques de danse différentes que nous avons un bagage énorme. Dans notre monde de surconsommation, je trouvais que ça avait du sens de réutiliser des éléments de ce bagage pour construire quelque chose d’universel. Et paradoxalement, c'est quand même une œuvre personnelle, parce que je l'ai fait avec des gens que j'aime, que je parle de choses qui me touchent et qui toucheront, je l’espère, les spectateurs. C'est bien de montrer que la beauté n'est pas forcément dans la jeunesse, la fougue et la rapidité. Que la grâce et la poésie peuvent sortir de toutes sortes de corps. Les personnes avec lesquelles j’ai travaillé pour Entre-Temps sont mûres pour la plupart, mais ce sont des gamins dans l'âme. Quand on fait ce métier, on garde une part d'enfance qui est énorme, on a parfois l'impression d'être dans une cour de récré alors qu'on a 60 ans. C'est troublant.

Jean Vermeulen ©

LA CHAMBRE DE L’ÉCRIVAIN

02 > 05 OCT.

Théâtre des Célestins Lyon 2

16 > 17 OCT.

Malraux Scène nationale

Chambéry (73)

04 > 08 NOV.

La Comédie de Valence (26)

NOS PAYSAGES

MINEURS + EN FINIR AVEC

LEUR HISTOIRE

23 > 27 SEPT.

Théâtre des Célestins Lyon 2

12 > 14 NOV.

Bonlieu Scène nationale

Annecy (74)

L’insaisissable

CRÉATEUR PROLIFIQUE ET ARTISTE PROTÉIFORME, MARC LAINÉ S’IMPOSE DÉSORMAIS

DANS LA CATÉGORIE POIDS LOURDS DES HOMMES DE THÉÂTRE (IL EST À LA FOIS AUTEUR, METTEUR EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHE). IL EST EN PASSE DE DEVENIR INCONTOURNABLE DANS LES PROGRAMMATIONS.

Ses œuvres énigmatiques, tentaculaires, sont difficiles à raconter tant leurs ramifications sont importantes, parfois souterraines et éblouissantes de beauté et d’intelligence. Marc Lainé est une sorte de magicien qui aime jouer du clairobscur, des double-sens et du collage. Il travaille comme le rêve par associations d’idées, ruptures chronologiques et spatiales : il nous faut donc lâcher la bride à la “folle du logis” C’est alors l’émerveillement. Ajoutons qu’il fonctionne souvent comme dans les séries avec plusieurs épisodes indépendants qui constituent une suite et donc une globalité. Et que d’un cycle à l’autre, certains thèmes sont récurrents, comme l’enfance, la séparation des parents, les déchirures sociales…

Sur la piste des loups

Pour se familiariser avec cette œuvre, et comprendre les fils qui la traversent, saluons l’initiative des Célestins de montrer l’ensemble du Cycle Liliane et Paul, sa dernière trilogie. On y retrouve les obsessions de l’auteur avec une touche plus ouvertement autobiographique. L’artiste ne s’en cache plus : il est le fils de Pascal Lainé, prix Goncourt 1974 pour La Dentellière. Mais on aurait tort de ne voir dans ce troisième volet, La Chambre de l’écrivain (création aux Célestins), que le fantôme du père du metteur en scène. Marc Lainé aime superposer les époques, brouiller les pistes… Que de filtres a-t-il mis pour nous propulser dans la fiction, loin des autobiographies narcissiques qui s’étalent sur les rayons ! Allez donc voir sa trilogie, laissezvous ensorceler et retrouvez un bout de vous-mêmes.

C’est un euphémisme de dire que Clara Hédouin aime sortir des sentiers battus. Après sa série des Trois Mousquetaires, une épopée de huit heures jouée dans des lieux incongrus – un lycée, un château, des immeubles (à Villeurbanne) – et sa déambulation théâtrale du roman culte Que ma joie demeure de Jean Giono, voici que cette brillante intellectuelle (diplômée de l’ENS et autrice d’une thèse sur le renouvellement épique dans le théâtre contemporain) se lance dans l’adaptation d’un essai. Cheminant depuis longtemps avec les écrits du philosophe Baptiste Morizot, la comédienne et metteuse en scène avait déjà approché ses textes par une lecture à deux voix du recueil Sur la piste animale. Elle y revient avec son ouvrage le plus connu, Manières d’être vivant (2022), et va tenter de relever « le défi de rendre nécessaire et vivant ce déploiement de la pensée au théâtre ». Essayer d’entretenir un dialogue entre dedans (la boîte noire) et dehors (les espaces naturels), lancer des ponts entre action et pensée, et rendre palpable l’invisible : c’est le projet de Clara Hédouin et de toute sa troupe. On est impatient. GV-P

NOS PAYSAGES MINEURS (PHOTO DE RÉPÉTITION, 20/09/21)
PAR tRINA MOUNIeR

LES CRÉATIONS DE MILO RAU NE LAISSENT JAMAIS INDIFFÉRENT. CET ARTISTE SINGULIER, D’ORIGINE SUISSE, EST AUJOURD’HUI DIRECTEUR DU THÉÂTRE DE GAND, EN BELGIQUE. IL Y POURSUIT UN TRAVAIL DOCUMENTAIRE EXIGEANT ET ENGAGÉ. À LYON, ON A VU HATE RADIO, FAMILIE ET ANTIGONE IN THE AMAZON. À LA RENTRÉE, LE THÉÂTRE DU POINT DU JOUR ACCUEILLE LA LETTRE, PIÈCE CRÉÉE À AVIGNON  CET ÉTÉ.

passion d’acteurs

Ce spectacle moins politique semble différent des autres. MILO RAU C’est une petite forme populaire, sans effets, simple à partager (à Avignon, elle a joué dans différents quartiers). Je me suis coulé dedans. À l’inverse de mes autres spectacles qui reposent sur une technologie très complexe, ici pas de technique, pas de visio, pas de surtitre, c’est une comédie existentielle qui inclut le public, invité à participer, et cherche à créer de l’intimité entre deux jeunes acteurs qui racontent ce qu’est le théâtre pour eux. Arne De Tremerie a souvent joué avec moi, il part de l’histoire de sa grand-mère, une présentatrice de radio très connue qui est morte sans avoir pu jouer le rôle de ses rêves, celui de Nina dans La Mouette. On a recréé le personnage de la grand-mère avec l’IA.

Olga Mouak est une jeune actrice noire d’Orléans obsédée par Jeanne d’Arc. Isabelle Huppert et Anne Alvaro prêtent leurs voix à Sainte-Marguerite et aux juges de Jeanne. Le spectacle repose

sur le croisement de ces deux histoires très intimes, ces deux questionnements d’acteurs qui se demandent pourquoi ils sont ainsi hantés.

La problématique de la réalité et de la fiction traverse toujours vos spectacles… MR Là, entre ce jeune acteur flamand et cette actrice, il se passe des choses presque privées. Vous savez, les personnages ne m’intéressent pas, mais pas du tout. Seuls les acteurs m'intéressent. Par exemple, je n’aurais jamais eu l’idée de monter La Mouette ou un sujet sur Jeanne d’Arc. Ce qui me passionne, c’est ce qui se passe entre Arne et Olga, leur façon de vivre, de raconter sur le plateau. Pour exprimer cette passion qui est la leur, j’utilise une dramaturgie universelle que tout le monde peut comprendre, vous, moi. Je suis plutôt un médiateur là-dedans. Je trouve ça beau.

Une danse insoumise

C’est l’un de nos chouchous ! Marco da Silva Ferreira – parmi les artistes associés du projet MAD – présente, pour notre plus grand plaisir, sa dernière création F*cking Future pendant la Biennale de la danse. Il reprend aussi la pièce tout-terrain Fantasie Minor (2022), commande du CCN de Caen en Normandie. Le grand talent de ce danseur inventif, très engagé : une réelle ouverture sur le monde et une attention aux idées et courants qui infusent. Formé à la danse en autodidacte, il pose sur la chorégraphie un regard neuf et mêle de façon ludique et sensible les gestuelles, du hip-hop à la danse traditionnelle portugaise en passant par le clubbing. On en redemande. GV-P

F*CKING FUTURE

18 > 20 SEPT. Les Grandes Locos La Mulatière

FANTASIE

LA LETTRE
Christophe Raynaud de Lage Festival
d'Avignon ©
PAR tRINA MOUNIeR
01 > 03 OCT.
Théâtre du Point du Jour Lyon 5 pointdujourtheatre.fr

02 > 05 OCT. TNG ‑ Vaise Lyon 9 tng‑lyon.fr

entre deux mondes

ŒUVRE IMMERSIVE CRÉÉE ENTRE LA FRANCE ET TAIWAN, L’ÉVENTAIL DE FER EST À LA CROISÉE DE LA TRADITION ET DU CONTEMPORAIN, DE L’IMAGINAIRE ET DU RÉEL. ELLE CONTE AUSSI L’HISTOIRE D’UNE FILLETTE DE DIX ANS.

Joris Mathieu quitte en fin d’année le Théâtre Nouvelle Génération (TNG), remplacé par Odile Grosset-Grange. Il offre à son public une dernière création avec L’Éventail de fer, coconçu dans le cadre d’une résidence croisée à Taïwan, entre Joris Mathieu et Nicolas Boudier du TNG et la GuoGuang Opera Company. La pièce, créée à Taïpeh le 1 er août, promet un mariage magique immersif, combinant les danses et costumes quasi hypnotiques de l’opéra traditionnel chinois, renouvelé par la compagnie taïwanaise, et les images projetées du théâtre optique que cultivent Joris Mathieu et Nicolas Boudier dans leurs spectacles. L’œuvre entremêle fable traditionnelle taïwanaise et fiction hyper contemporaine. Face aux potentiels dangers du monde, Olivia, dix ans, se réfugie dans sa chambre et dans la littérature. Elle demande à sa mère de lui raconter un épisode de son histoire préférée, La pérégrination vers l’Ouest, écrite par Wu Cheng’en au XVIe siècle, dans laquelle Wu-Kong, singe immortel, affronte la princesse à l’éventail de fer… Mais voilà que les personnages investissent sa chambre, l’entraînant dans une expérience fantastique initiatique. Se tisse alors un autre dialogue, entre réalité et illusion, jeu de miroirs dont Nicolas Boudier, Joris Mathieu et la compagnie Haut et Court sont devenus experts au fil de leurs productions… De la série Des anges mineurs d’après Antoine Volodine (2006 à 2010) jusqu'à Cornucopia (2024), ils poursuivent un même mouvement qui tend à l’universalité des récits.

PAR FLOReNce ROUX

scriptum

Ode au vélo

Biclou, qui ouvre la saison du Théâtre des Célestins, est le projet un peu fou de Nicolas Ramond Joué sur la place devant le théâtre et pensé entièrement autour de la… bicyclette ! L’idée est partie d’une photo de Robert Doisneau, Le vélo de Tati : elle met en scène le réalisateur habillé en facteur et posant devant un vélo désossé. À partir de là, Nicolas Ramond a imaginé un spectacle, avec le comédien Pierre-Jean Étienne, où le vélo tient une place centrale, tout comme son réparateur, le Mécano, accompagné d’un poste de radio. À tel point que la tournée est prévue pour se faire à vélo, autant que possible, avec trois bicyclettes tirant une remorque avec tout le matériel nécessaire. Profondément réjouissant ! GV-P

20 > 21 SEPT.

Théâtre des Célestins Lyon 2

Osez Joséphine !

Pour son premier cabaret dans la grande salle, la Maison de la danse ressuscite Bashung ! Idée de la compagnie Le Skaï et l’Osier, Madame ose Bashung est née chez Madame Arthur. Emmené par Corrine alias Sébastien Vion, Patachtouille et Brenda Mour, cet hommage à l’artiste disparu en 2019 est un splendide tour de chant et une déclaration d’amour irrévérencieuse au créateur de Fantaisie militaire. C’est une expérience de voir son répertoire plongé dans les paillettes et les plumes, comme une folle cavalcade dopée au burlesque.

GV-P

08 > 09 OCT.

Maison de la danse Lyon 8

plein cadre

Difficile de traîner vos ados dans les musées ? Alors, courez au Radiant voir Hector Obalk, grand historien de l’art, ancien commissaire d’exposition et critique doublé d’un comédien emballant dans son formidable stand-up, Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures. Il réussit le tour de force de vous attraper en quelques minutes et de ne plus vous lâcher. Vous en connaissez un rayon ? Il vous apprend à dénicher des trésors insoupçonnés, à fouiller dans les détails, comme un détective à la poursuite de la vérité avec une insolence incroyable. C’est formidable, passionnant et très drôle. TM 19 SEPT. Radiant Bellevue Caluire 11 OCT.

Théâtre Jean Vilar Bourgoin Jallieu (38)

Mémoire à vif

11 > 24 OCT. TNP Villeurbanne tnp‑villeurbanne.com

VOICI UN SPECTACLE RARE, DONT LA PROXIMITÉ AVEC LE FESTIVAL SENS INTERDITS EST RÉVÉLATRICE DES DRAMES QUI HANTENT NOTRE CONSCIENCE D’EUROPÉENS AUJOURD’HUI.

Amadoca est un spectacle sur l’Ukraine, écrit par la romancière qui vit à Kyiv, Sofia Andrukhovych, joué en français surtitré ukrainien – fait rare : il s’adresse donc aussi à la diaspora exilée. Mais Amadoca n’est pas seulement du théâtre politique, c’est une véritable histoire avec des personnages excessivement touchants. Dans un hôpital de Kyiv, un soldat gravement blessé est veillé par une femme. Sa femme, dit-elle. Qui pour le confirmer ? Pas Bohdan qui est amnésique. Mais Romane a choisi de lui faire recouvrer la mémoire en lui montrant des photos, en lui racontant leur vie antérieure, leur amour passé… Elle ne s’arrête pas là. La voilà partie à lui raconter son enfance à lui, chez sa grand-mère. Occasion pour l’autrice et le metteur en scène, Jules Audry, de revenir sur des épisodes oubliés (cachés ?) de l’histoire ukrainienne. Notamment ceux liés à la mort de sa grand-mère. Mais ce n’est pas innocent de faire revenir la mémoire, on ouvre aussi la brèche à des souffrances, à des épisodes tus, oubliés. Romane provoque ainsi chez Bohdan des réminiscences hallucinées, cauchemardesques, hantées par l’écho des guerres, de l’Holocauste sous l’occupation allemande. Ces remontées d’un monde disparu, effacé, nous permettent de mieux comprendre ce qui s’y passe aujourd’hui. Amadoca est le premier volet d’un diptyque dont la seconde partie sera créée en 2026 en Ukraine.

Pierre Martin Oriol ©
AMADOCA (RÉPÉTITION)
PAR tRINA MOUNIeR

Miss Humanité

LA SCÈNE ANVERSOISE A FAÇONNÉ LA PERFORMEUSE CAROLINE AMOROS.

POURQUOI “PRINCESSES PELUCHES” ?

PARCE QUE LES PRINCESSES PELUCHENT !

EN 1997, ELLE CRÉE PRINCESSES PELUCHES À VITROLLES, ALORS ADMINISTRÉE PAR LE FN. DEPUIS, ELLE INCARNE PARTOUT DANS LE MONDE CINQ MISS POUR PARLER IDENTITÉ, CHANGEMENT CLIMATIQUE, PAUVRETÉ… MISS ROSE (LA PREMIÈRE) NOUS DONNE RENCARD À VILLEURBANNE ! carolinea‑artist.com ROSE

C’EST QUOI UN "ARTISTE CORPOREL" ?

L’IMAGINATION EN ÉVEIL, UN LANGAGE DU CORPS DOUX ET SILENCIEUX.

QUELS SONT VOS GUIDES ?

LE MIME JAN RUTS, LA CLOWN LAURA HERTS, WILLIAM TURNER, YOKO ONO, LE MOUVEMENT FLUXUS…

QUE

VOUS ÉVOQUE LE MOT IDENTITÉ ?

VITROLLES, 97/98. L’IDENTITÉ À TRAVERS LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION. SOMMES-NOUS OBJET OU SUJET ?

Villeurbanne dans la ville ateliers‑frappaz.fr

QUEL SOUVENIR DE MISS KRISTIN INFILTRÉE DANS LA CAMPAGNE D’OBAMA ?

UNE ARTISTE BÉNÉVOLE M’A SAUVÉE DU FBI EN DISANT QUE J’ÉTAIS AVEC EUX !

J’AI CRÉÉ CE SOLO LE JOUR DU DÉCÈS DE LADY DIANA (31/08/97). VOTRE MANTRA ?

SI VOUS ÉTIEZ UN LIEU PUBLIC ?

UNE GRANDE PISCINE (ÉCOLOGIQUE).

CE QUI VOUS POUSSE DANS LA RUE ?

LA LIBERTÉ. LA DIVERSITÉ DES ESPACES, DES CULTURES, LES RENCONTRES

QUI RENDENT CHAQUE PERFORMANCE UNIQUE.

POURQUOI RACONTEZ-VOUS DES HISTOIRES ?

POUR L’UTOPIE. IMAGINER UN MONDE HUMANISTE EMPLI D’ESPOIR, DE RIRES ET DE POÉSIE…

QUELLE FIN À "CRÉER, JOUER, …" ?

RÊVER. ÊTRE SURPRIS PAR LA NOUVEAUTÉ, ENTRER DANS L’INATTENDU, DANS LE NON-FORMALISME.

Vingt ans à vibrer

26 > 27 SEPT. L’Épicerie Moderne Feyzin epiceriemoderne.com

Deux décennies que L’Épicerie Moderne remplit ses rayons de pépites indé dont certaines sont aujourd’hui têtes de gondole ! Souvenonsnous : Zaho de Sagazan a foulé cette "petite" scène de l’Est lyonnais dédiée aux musiques actuelles en avril 2023, quelques jours seulement après une couverture de Télérama qui la mettra définitivement sur orbite. C’est bien le meilleur que souhaite Grégoire Potin, directeur du lieu depuis 2022, à tous les artistes programmés entre ses murs. C’est à eux qu’il rend hommage en célébrant vingt ans « d’audace musicale et de curiosité partagée ». « On a souhaité faire écho aux artistes et aux usagers ainsi qu’un clin d’œil à cette direction artistique qui est l’empreinte du lieu », explique-t-il. À l’opposé de « la mass culture », l’EM revendique « l’accueil de chaque spectateur, une expérience d’humain à humain ». Et un parti pris, en s’affichant sans vergogne comme l’un des meilleurs plateaux en matière de son. 18 000 personnes en ont profité l’an passé. À vingt ans, la salle s’autorise à faire la fête durant toute la saison, avec comme baseline : “Tout est chaos”. Belle promesse ! Première étape fin septembre pour deux soirées réunissant quinze groupes et DJs entre glam-rock, post punk et darkwave. Un plateau plutôt régional, « comme une tribune au futur, avec des artistes en plein travail », défend son directeur. Aux côtés des Lyonnais de Second Major et Johnnie Carwash, des Stéphanois de Monika – accompagnés l’an passé dans le cadre de La Raffinerie –, on élargira nos horizons avec les Parisiens de Lulu Van Trapp, et encore au-delà grâce aux Californiens de Meatbodies ou le folk de Dope Lemon. Quant à la satire electropunk de Droges, elle confirme que l'eau tiède n’est pas près de couler à l’Épicerie Moderne. Longue vie à elle !

La tendance est à l’hybridation du côté de La Machinerie à Vénissieux, avec un savant entremêlement des programmations entre le Théâtre et Bizarre. « Une saison à l’écoute du monde grâce à une diversité de récits », résume sa directrice Duniému Bourobou, qui entend aussi mettre en évidence « comment les cultures hip-hop ont influencé d'autres cultures et artistes ». Démonstration en est faite avec un début de saison aux couleurs plutôt rap. Le line-up est de belle facture : international avec des soirées ouvertes au rap algérien (la star Flenn et le jeune UVA, dorénavant installé à Montélimar), puis bruxellois avec le touche-à-tout Krisy. C'est une chance de voir sur scène ce beatmaker plutôt adepte du studio ! La soirée du 17 octobre est à cocher, avec un affriolant plateau français dont les deux figures du label parisien 75e Session, Jeune Mort et Zinée. Le premier (ex-Zoonard du Bohemian Club) brille en solo depuis 2022. Un univers orageux, entre désenchantements et bad trip. Mais on en redemande ! La seconde décolle elle aussi, la jeune Toulousaine passée par le Dojo parisien (le fameux studio d’enregistrement du label) pose sa voix craquante sur des textes qui mêlent résilience et vulnérabilité. Surprise, enfin, porte bien son blaze : ça chille, ça plane, ça susurre… L’artiste de 20 ans hypnotise !

FLENN + UVA

27 SEPT.

JEUNE MORT + ZINÉE + SURPRISE 17 OCT.

Bizarre (M*B) Vénissieux lamachinerie venissieux.fr

MEATBODIES Meatbodies ©
FLENN DR ©

PAR ANNe HUGUet

Un air de fête

Bon nombre de salles se mettent en quatre pour lancer leur saison, en extérieur et dans l’espace public, avec de vrais moments de fête. Une manière d’impliquer différemment le spectateur ou d’aller toucher ceux qui ont peur (encore) de pousser les portes des théâtres. Une ode au vélo sur la place des Célestins, le TNP qui prend l’air avec un récital classique, le Bazarophone Mobile à Villefranche ou les Rues Sonores à Oullins : les exemples se multiplient. On le sait, les Rues Sonores sont l’un des marqueurs forts de la saison du théâtre de la Renaissance. Cette année, ce sont six spectacles qui vont jouer au détour d’une rue ou d’une place, sans oublier la carte blanche aux artistes associés (Noémi Boutin, Yuval Pick et la nouvelle promotion du Compagnonnage-Théâtre).

Le dansant Cheb in situ du musicien-chorégraphe Filipe Lourenço, une symphonie vibrante de 9 accordéons avec CoraSon, le foutraque Benoît Charpe qui enchaîne figures au monocycle et pirouettes virtuoses au trampoline sur fond d’histoire de moustique (Les Zèles d’Obus), la Renaissance a clairement sorti le grand jeu. Le collectif Jeanine Machine (vu à Chalon) débarque aussi avec son Pédé, pièce déambulatoire frondeuse entre manif et documentaire, qui mêle l’actualité et l’intime. Sans parler des Josianes avec leur cirque-danse énergique, leur militantisme et un humour mordant pour raconter la résistance au féminin. Elles seront aussi à Corbas où le Polaris lance sa saison dans l’espace public (04 et 05 oct.).

Avec les acrobates fous de Puéril Péril (Kontact) et le tout-terrain Human Flots du collectif Stylistik.

Camille
Nomade ©
JOSIANES OU L'ART DE LA RÉSISTANCE

Au nom du cirque

PAR ÉMILAND GRIÈS

CLA VIE N’EST PAS TOUJOURS UN LONG FLEUVE TRANQUILLE, MÊME POUR LES BÂTIMENTS ! EN ARDÈCHE, UN ANCIEN COUVENT FRANCISCAIN ACCUEILLE DES HÔTES UN PEU PARTICULIERS : LES CIRCASSIENS DE LA CASCADE, PÔLE DE FORMATION ET DE CRÉATION ENTIÈREMENT DÉDIÉ À LEUR ART.

onstruit à partir de 1863 par des moines récollets dans le quartier artisanal de la Tourne à BourgSaint-Andéol, l’édifice est organisé autour d’un cloître, adossé contre sa chapelle. Assez rapidement en sous-effectif, le monastère passe en 1881 entre les mains des Frères des Écoles Chrétiennes et devient un internat pour garçons. Le bâtiment s’étend peu à peu, il est rehaussé d’un étage. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la chapelle est réquisitionnée pour héberger les réfugiés affluant de l’Europe entière. Après le bombardement de la ville, elle devient même une cantine. L’institution religieuse ferme ses portes en 1998, mais l’histoire de l’édifice, pleine de rebondissements, ne s’arrête pourtant pas là !

9 av. Marc Pradelle Bourg Saint Andéol (07) lacascade.org atelier3a.com

Sous l’impulsion des clowns des Nouveaux Nez, installés dans la ville depuis les années 1990 et rejoints par les acrobates funambules des Colporteurs au début des années 2000, l’idée d’un lieu ardéchois dédié au cirque fait son chemin dans les esprits. Les institutions nationales et locales relèvent le défi pour que BourgSaint-Andéol devienne l’un des premiers pôles français des arts du cirque (il y en a une dizaine). Le bâtiment désaffecté reprend alors vie grâce à une rénovation soignée et rouvre ses portes en 2008.

Le cloître retrouve son statut de cœur battant du lieu, propice aux échanges, au travail et aux représentations.

Sa galerie périphérique aux arcades en plein cintre et les circulations qui la surplombent dans les étages, desservent accueil, foyer, administration, vestiaires, réserves et logements des circassiens qui se relaient en résidence, tout en présentant des expos permanentes et temporaires. Le décor des sols en carreaux de ciment et terres cuites ne correspond plus au nouveau cloisonnement. Mais qu’importe ! Ces décalages, volontairement assumés, racontent l’histoire de l’édifice et ajoutent à son charme et à sa poésie.

Le cloître distribue également deux extensions qui flanquent de part et d’autre le bâtiment d’origine. Bardées de bois et de métal, leur écriture contemporaine tranche volontairement avec la sobre architecture patrimoniale. Très hautes sous plafond, elles sont à la fois lieux de répétition et de spectacle.

CIE PUÉRIL PÉRIL (AVANT RÉNOVATION)
Daniel Michelon ©

La chapelle Saint-Joseph avait été la grande oubliée de cette première phase de rénovation. Les architectes de 3A, implantés au Teil tout proche, se sont vu confier en 2022 sa transformation en salle d’entraînement. Ils l’ont libérée des aménagements parasites pour restituer l’intégralité et la pureté de son haut volume intérieur. Ils ont ensuite capitonné ses voûtes d’un épais flocage assurant l’isolation thermique et acoustique, puis dessiné quatre structures métalliques noires de 10 mètres de haut. Se détachant nettement dans l’espace clair et lumineux qu’elles révèlent, elles supportent trapèzes et autres cordes volantes. Des ancrages renforcés au sol et sur les murs permettent l’installation de toutes sortes d’autres agrès. L’impressionnante hauteur de la salle offre ainsi la possibilité d’acrobaties avec bascule ou une roue Cyr. Le projet revêt également une dimension urbaine souhaitée par la ville : les démolitions d’un cinéma et d’une salle de musique attenants ont désenclavé la chapelle. Cet atypique gymnase est désormais longé par un cheminement piétonnier végétalisé, sur lequel s’ouvrent de grandes baies cintrées, sortes de "pignon sur rue" pour les artistes en répétition. Une belle et simple façon d’afficher la présence du spectacle vivant dans le quotidien des habitants.

FAIR e DU c IRQU

Depuis 2008, La Cascade, associée depuis ses débuts à Alain Reynaud et ses Nouveaux Nez, fait partie des 14 Pôles nationaux cirque – en attendant la Cité internationale des arts du cirque à Vénissieux (projet emmené par Mathurin Bolze, pour 2028). Avec plusieurs missions : être à la fois lieu de création, de diffusion (avec des temps forts comme le festival d’Alba ou La Nuit du Cirque), de transmission et de formation, d’entraînement. Une soixantaine de compagnies et d'artistes (internationaux et nationaux, régionaux, émergents) sont accueillis chaque année en résidence de création. On a repéré les Puéril Péril avec Kontact ou Les Josianes avec No(s) Façades. Cette saison, place à Galapiat Cirque, à Olivier Debelhoir ou aux Lyonnais de Lapsus qui préparent leurs prochaines pièces. Entre autres. On retrouve aussi le Collectif TBTF (pluridisciplinaire) – soit 20 jeunes circassiens sortant d’écoles –associé pour deux ans à La Cascade. Au fil de la saison, divers rendez-vous rythment les rencontres avec le public. Ça démarre avec des Impro’fil (18 au 21 sept.), avant la fameuse Nuit du Cirque (15 nov.). AH

Mondes habités

On a déjà invité Camille Noyon. On avait aimé sa générosité pour partager des clichés très personnels, à l’univers fort. Effet anniversaire (voir AKC#50), sa couv’, la fameuse langue poulpe, a été plébiscitée. La revoilà pour lancer cette 8e saison, entre flous, mondes intérieurs et photomontages surréalistes. Telle cette main avec sa fleur bleue enracinée dans ses chairs… « J’ai une fascination pour les veines. Pour moi, elles ressemblent un peu à des racines. Avec une symbolique d’espoir… » Premiers shootings publicitaires en vue, une série test de photos de famille en foyer d’accueil (« J’ai besoin de m’investir dans des causes qui me touchent, un enjeu pour moi »), la jeune photographe a aussi envie de laisser de côté l’autoportrait pour saisir des « gueules », des personnes qui l’inspirent par leur physique et leur personnalité. « Plutôt quelque chose de très contrasté et coloré… » Avec ce même besoin de mise en scène, à la fois instinctive, « au ressenti et au mood », expérimentale, sensible et poétique. En quête de l’image parfaite ? Peut-être, sans doute…

@camillenoyon_photographie

PAR ANNe HUGUet PHOTOS cAMILLe NOYON

Les animaux sont porteurs de sens

J’aime les gueules assez marquées

À la cool

CET AUTOMNE, ÇA GROOVE SUR TOUS LES TONS AU RHINO JAZZ(S) !

LA 47E ÉDITION INVITE À UNE QUARANTAINE DE CONCERTS DE TOUS HORIZONS, GÉOGRAPHIQUES ET MUSICAUX. QUASIMENT TOUS MARQUÉS DU JOYEUX SCEAU DU GROOVE.

Fil rouge de ce 47e Rhino Jazz(s), le groove, ce rythme qui file une irrésistible envie de danser, pourrait bien endiabler une trentaine de lieux dans la Loire, et même Lyon ou Caluire. Une fois les hostilités lancées par les cuivres enflammés des Danois de Sunbörn (25 sept.), il ne reste qu'à trouver groove à son pied parmi les 42 concerts de l'édition… Sélection en quatre temps, subjectivité garantie ! Féroce envie de blues ? Terrie Odabi, venue d’Oakland en Californie (28 sept.), fait preuve d'une puissance hors du commun à faire frissonner corps et âme. Formée à l’art lyrique, cette reine de la scène a longtemps chanté du jazz avant de revenir au blues, comme on rentre à la maison. Mais l’autrice-compositrice (quatre nominations aux Soul Blues Music Awards) ne se contente pas de célébrer Aretha Franklin, Chaka Khan ou

Natalie Cole. Sa musique s’ancre dans le présent du monde, des guerres, de la politique ou de la ville, dans tout ce qui la touche et qu’elle fait vibrer. On est aussi curieux d'entendre simplement un autre Californien, le vertigineux saxophoniste Donny McCaslin (14 oct.). Il revient au Rhino dans la même formation qu’en 2017 – Mark Guiliana à la batterie, Tim Lefebvre à la basse et Jason Lindner aux claviers –, avec laquelle il avait rendu un hommage à l’ultime opus de Bowie, Black Star, dont il avait été le directeur artistique. Huit ans après, l’ombre du caméléon de la pop sera sans doute moins présente, mais pas la fougue du quartet en fusion, toute de virtuosité et de force vitale.

En quête d’ailleurs, elle aussi, la chanteuse et pianiste estonienne Kadri Voorand (17 oct.), ici en duo avec le contrebassiste Mihkel Mälgand, se joue des styles formatés. Avec une époustouflante maîtrise, cette musicienne d’exception peut

s’élancer dans des ballades bien planantes, habiller sa voix de toutes les couleurs, faire des bruits, embrasser le jazz, la pop ou l’électro, avec un sens “bien barré” de la scène. Et tant qu’à s’adonner au groove, on se réserve pour The Brooks (03 oct.), groupe canadien de Montréal annoncé comme « la bombe groovy du fun le plus hédoniste ». Soit une vraie machine à danser à huit têtes, réunies autour de son noyau dur – Alan Prater, chanteur et tromboniste, Alex Lapointe, bassiste et Maxime Bellavance, batteur –, qui aurait hérité de James Brown, Herbie Hancock, Isaac Hayes ou Fela Kuti… Entre autres. Et d’une joie de jouer, à la cool.

Félix Renaud © THE BROOKS
PAR FLOReNce ROUX

Double dose

Les Belles Journées à Bourgoin-Jallieu fêtent leurs 10 ans et n’ont pas à rougir des têtes d’affiche alignées en une décennie, de IAM à Catherine Ringer en passant par La Femme. Cette année, la programmation invite Rilès, classé hâtivement dans le rap alors que le producteur franco-algérien aime flirter avec le Rn’B, le gospel, le reggaeton… Rilès, deux albums au compteur, est souvent là où on ne l’attend pas, adepte des défis en tout genre postés sur les réseaux sociaux. Si BigFlo & Oli sont la grosse affiche du lendemain, prêtons aussi une oreille à Olympe Chabert, musicienne qui s’est fait connaitre par des covers de rap avant de signer… sur le label du duo toulousain. La jeune fille chante avec talent les tourments de sa génération comme les siens. EB 05 > 06 SEPT. bellesjournées.fr

Lâcher prise

Outre les travaux qui démarrent en septembre, le spot du quai Saint-Vincent perd son directeur Stéphane Malfettes au 1er octobre, qui file à Genève s’occuper du festival de La Bâtie. En attendant, place à la 5e édition d’Optimisme Ambient qui lance comme toujours la nouvelle saison des SUBS. Une édition qui mixe danse (avec la Biennale) et musique live. Avec Simon Leborgne, le « petit génie qui monte » : le danseur s’amuse à déconstruire ce qu’il a appris pour inventer sa propre voie. Autre solo attendu, celui de la performeuse belge Mercedes Dassy, avec une création plus proche d’un concert dansé. Côté son, c’est Odalie qui s’y colle avec son electronica texturée sensible. On retrouve aussi le duo franco-chilien Nova Materia et ses sonorités brutes. AH

10 > 14 SEPT. les‑subs.com

troisième round

Fort de son succès, IF (pour Illustration Festival), qui a accueilli environ 9 000 visiteurs en 2024, remet le couvert aux SUBS avec une invitation à 30 illustrateurs et illustratrices venus des quatre coins du monde et aux styles très différents – dont les locaux Piment Martin et Simon Roussin ou la Murcienne Ana Galvañ. Au programme de cette troisième édition, une expo Live où les artistes dessinent en direct, le marché d’objets illustrés faits main, des talks, des jeux, des tattoos et la désormais incontournable "baston dessinée". GV-P

27 > 28 SEPT. illustration festival.com

Des voix qui portent

08 > 19 OCT. theatredevillefranche.com

Déjà la vingt-et-unième session pour Nouvelles Voix, festival orchestré par le théâtre de Villefranche. La formule ne change pas dans son ADN – éclectique, défricheuse, paritaire – mais évolue au gré des nouveautés. Cette année, le festival conquiert deux nouveaux lieux, l’Auditorium de Villefranche qui accueille Vaslo, et la commune de Theizé où se produiront les sœurs du duo Malaka. Notoriété oblige, Nouvelles Voix a attrapé dans ses partitions Yoa et Solann, parmi les belles promesses (presque) déjà sous les feux de la rampe. D’autres artistes moins connus méritent eux aussi un tour en Calade. Il y a Sam Sauvage, poète au charisme eighties et à la voix brute qui donne envie de le découvrir sur scène. Le même soir (pratique !), Asfar Shamsi propose son cocktail doux-amer de rap, électro et chanson, la demoiselle passant de l’un à l’autre avec aisance. Des filles toujours, avec Copycat, deux cousines venues du punk et de la folk. Derrière la belle harmonie vocale et un son pop rock efficace, la révélation rock des iNOUÏS du Printemps de Bourges 2025 promet un concert survitaminé ! On a hâte aussi de découvrir l’ovni Candeur Cyclone, duo belge qui a rencontré le succès sur les réseaux sociaux avant de sortir son premier album fin 2024, Teenage Dirtbag. Au menu : rock, rap, techno et des textes entre colère sociale et message d’espoir. Enfin, pour se faire du bien, on réserve la talentueuse Savanah dont la voix cristalline et les mélodies à la Beach House vont assurément envoûter le public caladois.

Hugo Lardenet ©
SAM SAUVAGE
PAR eMMANUeLLe BABe
FESTIVAL NOUVELLES VOIX

c ap au Brésil

Saison France-Brésil oblige, la Biennale de la danse 2025 propose de plonger dans la nouvelle création de ce pays grand comme un continent. Huit artistes vivant et œuvrant là-bas, ou issus de la diaspora, présentent leurs derniers travaux, presque trente ans après la 7e Biennale, Aquarela do Brasil. Sur scène et dans la rue, les chorégraphes brésiliens vont nous ébouriffer le crâne et les neurones ! À commencer par Lia Rodrigues, justement découverte en France en 1996, qui, inlassablement, puise aux racines de son pays pour donner à voir des pièces fortes et engagées telle Borda, sa dernière pièce qui ouvre la Biennale. Autre artiste déjà repéré, Volmir Cordeiro – le public lyonnais l’a vu en juin aux SUBS comme interprète de Robyn Orlin, dans le cadre de Camping –, performe son solo Rue (2015) sur quatre places lyonnaises. Tandis que Clarice Lima installe son monumental Woods/Bosque, place des Terreaux (entre autres), engageant une réflexion poétique sur la survie de la forêt, le cycle de la nature et la résistance des corps. Côté salles, le public pourra découvrir le chorégraphe Alejandro Ahmed – il est le nouveau directeur du Balé da Cidade de São Paulo, invité en octobre à la Maison de la Danse – et son Grupo Cena 11 : sa dernière pièce Eu Não Sou Só Eu Em Mim (littéralement “Je ne suis pas seulement moi”) - annoncée comme très techno ! - questionne l’identité. Le duo Davi Pontes & Wallace Ferreira explore, quant à lui, le mouvement comme moyen d’auto-défense et comme stratégie de résistance à l’oppression. Deux danseurs intégralement nus tentent de « libérer la pensée, repousser les limites imposées par la société et d’offrir des stratégies d’auto-défense pour imaginer un futur délivré de la violence. » On voudra y croire !

BIENNALE DE LA DANSE 06 > 28 SEPT. labiennaledelyon.com

Fleur
Mulder ©
WOODS BOSQUE, CLARICE LIMA

retrouver tous ces spectacles ?

Théâtre des Célestins

Théâtre de la Croix-Rousse

Théâtre du Point du Jour

TNP Villeurbanne

Radiant-Bellevue

Le Toboggan

La Machinerie - Vénissieux

Théâtre Théo Argence

Théâtre de La Renaissance

Théâtre de Villefranche

Théâtre de Bourg-en-Bresse (01)

Comédie de Valence (26)

TJV Bourgoin-Jallieu (38)

MC2: Grenoble (38)

Comédie de Saint-Étienne (42)

Espace des Arts (71)

Bonlieu Scène nationale Annecy (74) etc.

LA

VOYAGEUSE

Issue du GEIQ-Théâtre, la formation en alternance mise en place par l’ex-NTH8, Alizée Bingöllü a fait un bon bout de chemin, entre théâtre et chant (avec son groupe Ödland), s’appuyant sur les amitiés fidèles de Gilles Pastor ou de Sylvie Mongin-Algan. Ceci explique sans doute l’attirance qu’exerce sur elle le Brésil : elle monte Marée, pièce d’un auteur brésilien sur les descentes policières dans une favela, reprend Des vagues avec (entre autres) Jean-Philippe Salerio à Voiron et part en tournée au Brésil avec Lula de Gilles Pastor. Sans oublier qu’elle joue dans Où nul ne nous attend de Pauline Laidet.

Un agenda bien chargé. TM compagnielestroishuit.fr

Le théâtre est vivant

LA CULTURE EST MALMENÉE, C’EST UNE RÉALITÉ. PARTOUT, DANS LES GROSSES INSTITUTIONS BIEN SÛR (CERTAINES DÉMISSIONS ONT ÉTÉ SPECTACULAIRES) MAIS SURTOUT DANS LES PETITES. NÉANMOINS QUAND ON REGARDE L’OFFRE DE SPECTACLES, ON PEUT NE RIEN REMARQUER TANT ELLE EST OPULENTE ET DE GRANDE QUALITÉ. ESPÉRONS QUE LES EFFETS DE LA RIGUEUR N’ATTENDENT PAS LEUR HEURE…

LA GUERRE N'A PAS UN VISAGE DE FEMME, JULIE DELIQUET
PAR tRINA MOUNIeR

L’AUDACIEUSE

Le prix Incandescences est un sérieux coup de main pour les jeunes compagnies lauréates. En témoigne Lucile Lacaze qui l’a remporté avec brio en 2024 avec Mesure pour mesure, adaptation gonflée de la tragédie de Shakespeare en une heure, pour quatre comédiens (en tournée). La voilà sur les grandes scènes de la région cette saison, tandis qu’elle prépare une version personnelle tout aussi politique du Mariage de Figaro de Beaumarchais, rebaptisé La Folle Journée, avec six interprètes (création aux Céléstins). La jeune comédienne et metteuse en scène, sortie de l’ENSATT en 2020, a un sens très aigu du découpage nécessaire à l’adaptation : c’est vif, intelligent, drôle mais aussi fidèle à l’auteur qu'elle sert en le dépoussiérant si bien ! TM compagnielagrandepanique.fr

Une magnifique rentrée se profile donc, avec de formidables propositions dans l’ensemble des programmations. Si l’avenir est sombre, les créatifs ont plus de mordant que jamais. Et les directeurs de théâtre une ambition sans égale de nous montrer des merveilles.

Un critère de choix est sans doute l’importance de l’international. En effet, on a rarement la possibilité de (re)voir les spectacles qui traversent les frontières. C’est donc cette année ou jamais pour découvrir deux coproductions franco-asiatiques : L’Éventail de fer de la GuoGuang Opera Company avec Joris Mathieu et Nicolas Boudier, un opéra traditionnel « augmenté par du théâtre optique » (lire p. 15) Inattendu pour le moins. Et dans un autre style, Le Petit Prince issu de la collaboration de Jean Bellorini et du Yang Hua Theatre : après la réussite des Misérables, on peut y aller sans barguigner !

Il ne faut pas rater, c’est sûr, l’horrifique Richard III de l’Israélien Itay Tiran (à Grenoble), ni le bijou du théâtre flamand Face à la mère par Guy Cassiers (au TNP), ni les trois créations venues de Suisse (et passées par Avignon) : La (belle) LETTRE de Milo Rau, Le Sommet loufoque de Marthaler ou Absalon, Absalon ! mis en scène par l’orfèvre Séverine Chavrier, la directrice de la Comédie de Genève. Sans oublier la dizaine de compagnies qui viennent à l’occasion de Sens Interdits, dont la Libanaise Chrystèle Khodr.

Christophe Raynaud de Lage ©
Lou Morel ©

LE TOUCHEÀ-TOUT

Mais ce sont les très grands auteurs et metteurs en scène qui font la renommée et la grandeur du théâtre français. Au premier rang desquels on trouve Jean-François Sivadier, accompagné de son superbe acteur fétiche Nicolas Bouchaud. Il présente trois pièces, très différentes : Ivanov d’après Tchekhov, Tout est calme dans les hauteurs de Thomas Bernhard, et surtout Portrait de famille, une histoire des Atrides (à voir aux Célestins), qu’on attend avec impatience. Le sujet (les histoires maudites de la mythologie) et les retours excitent notre curiosité ! Citons aussi le maître du festival d’Avignon Tiago Rodrigues et son rassembleur By Heart, « par cœur » (à la Croix-Rousse), ou encore Georges Lavaudant qui revient avec un Misanthrope incarné avec force par Éric Elmosnino. La pièce créée au Printemps des Comédiens 2025, et saluée par la critique, va beaucoup tourner cette saison (Caluire, Saint-Priest, Bourgoin-Jallieu…). Il sera sans doute intéressant de le comparer au Misanthrope de Simon Delétang, de retour aux Célestins. Côté créateurs prolifiques, le grand Joël Pommerat s’attaque aux Petites Filles modernes (titre provisoire), une histoire sur l’amour, sur l’amitié et les zones sombres de l’enfance (au TNP), et à Marius, le héros malheureux de Pagnol, qu’il met en scène, entre autres, avec d’anciens détenus. Quant à Stanislas Nordey, il porte au plateau deux œuvres radicalement différentes, L’Hôtel du Libre-Échange de Feydeau créé à la MC2: Grenoble en mars dernier, et Voyage dans l’Est, le roman autobiographique bouleversant de Christine Angot. Stéphane Braunschweig monte La Mouette de Tchekhov et Andromaque de Racine. Au rayon des classiques, Benoît Lambert de la Comédie de Saint-Étienne devrait nous offrir des Femmes savantes au verbe haut ! Et puis, il y en a dont on attend toujours avec impatience les créations parce qu’ils sont si personnels, attachants, singuliers. Emmanuel Meirieu est de ceuxlà : il imagine dans Monarques une rencontre improbable entre les magnifiques papillons du même nom et des migrants. Toujours aux Célestins, Julie Deliquet met en scène un très opportun La guerre n’a pas un visage de femme de la journaliste (et Prix Nobel de Littérature) Svetlana Alexievitch. Et on n’oublie pas Chloé Dabert qui monte Marie Stuart d’après Schiller, ni le très présent Emmanuel Noblet qui dirige François Cluzet dans Encore une journée divine, tandis que Christophe Perton s’attaque à Scènes de la vie conjugale, d’après Bergman avec Stanislas Nordey (comme interprète cette fois) et Romane Bohringer... On pourra bien sûr (re)voir, si on les a manqués la saison dernière, le superbe et glaçant Ring de Katharsy signé Alice Laloy (à Saint-Étienne), l’hilarant Blanche-Neige, histoire d’un Prince de Michel Raskine (du côté de Vénissieux), deux pièces immanquables. Et, en vrac, alors que chacun(e) mériterait un développement, Jeanne Candel et Samuel Achache, le Turak, Charles Berling, Nathalie Béasse ou encore Tamara Al Saadi, à découvrir sur les plateaux… Oui, le théâtre est toujours bien vivant !

Il écrit des livres (plutôt autobiographiques), les met en scène, joue (beaucoup, c’est son ADN), collabore avec ses petits camarades de la Comédie de Saint-Étienne. Difficile de faire le tour de Logan de Carvalho. Essayons tout de même. Cette saison, il reprend [RAKATAKATAK] C’est le bruit de nos cœurs, épopée dystopique (prix Incandescences 2023) et crée Nelvar – Le royaume sans peuple, de l’heroic fantasy sur le mythe du vivre-ensemble (avec une belle tournée). Une manière très jeune de faire du théâtre. On retrouve aussi sa patte dans L’art d’avoir toujours raison, aux côtés de Sébastien Valignat, et dans Où nul ne nous attend (MC2 et ailleurs), qu’il co-signe avec Pauline Laidet. Chapeau ! TM lesgrandsecarts.com

Louise Quignon ©
Jean Louis Fernandez ©
ENCORE UNE JOURNÉE DIVINE, EMMANUEL NOBLET

L’Opéra porte beau !

DE LA DANSE [De Keersmaeker, Dassy, Andreou] 08 > 13 SEPT. opera‑lyon.com

EN MARS DERNIER, LE DIRECTEUR DE L’OPÉRA DE LYON, RICHARD BRUNEL, A DÉVOILÉ

UNE NOUVELLE SAISON ENGAGÉE AUSSI EXIGEANTE SUR LA QUALITÉ QUE DIVERSIFIÉE

SUR LES PLANS DES REGISTRES ET DES FORMATS.

Côté lyrique, on trouve ce qu’il faut d’œuvres de référence, pour certaines absentes depuis longtemps de l’affiche lyonnaise : Boris Godounov de Moussorgski, Manon Lescaut de Puccini (avec Emma Dante à la mise en scène) ou Le Couronnement de Poppée de Monteverdi. Les contrastes seront accentués, des plaisants Contes d’Hoffman d’Offenbach au troublant Billy Budd de Britten, ou encore entre l’oubliée Louise de Charpentier (Gustave, pas Marc-Antoine !) et une Traviata revisitée (par Benjamin

Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla). Toutefois l’Opéra de Lyon sera privé de la baguette de Daniele Rustioni, invité la prochaine saison au MET de New York. Un départ regrettable, tant l’ampleur de sa palette musicale servait une grande diversité d’œuvres, mais qui offre l’opportunité de découvrir, notamment lors des concerts, de nouvelles têtes.

La féminisation des directions d’orchestre compte d’ailleurs parmi les aspects à saluer de la prochaine saison. À noter la présence significative de la Russie, tant au niveau des auteurs (Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Prokofiev…) que des interprètes ou chefs, ce qui ne peut que

renforcer la confiance dans la musique pour contrer la déraison politique. En danse, on retrouve certains chorégraphes chéris du Ballet – De Keersmaeker, Childs, Forsythe… – et des pièces désormais fameuses, comme Canine Jaunâtre 3, mais on assiste aussi à des entrées au répertoire (House de Sharon Eyal) et à des créations (We Need Silence de Katerina Andreou).

Le festival d’opéras 2026, quant à lui, s’intitulera « Parier sur la beauté ».

Et, au sous-sol, l’Opéra Underground continue son inlassable travail de sape des conventions stylistiques et des frontières musicales. Avec la Biennale de la danse pour lancer la saison.

BIENNALE
Marc Domage ©
CANINE JAUNÂTRE 3, MARLENE MONTEIRO FREITAS & BALLET DE L'OPÉRA DE LYON

Musique, maestro !

Éclectique, ambitieuse, ponctuée d’une multitude de grands noms, la saison qui s’ouvre à l’Auditorium Orchestre national de Lyon s’adresse à un large public. D’abord grâce au thème de l’amour qui traverse une grande partie de la programmation, de Tristan et Isolde à Don Giovanni en passant par Scylla et Glaucus, pour ne citer qu’eux. Ensuite, par la variété des propositions. On passe d’une soirée symphonique avec Zaho de Sagazan à une biennale d’orgue qui se passionne pour les enjeux écologiques, des folk songs du groupe Cocoon aux concertos de Tchaïkovski et Bartók, interprétés par les musiciens de l’ONL avec Marie-Ange Nguci au piano… Sans oublier le retour sur scène du chanteur malien Salif Keïta avec un album intimiste (So Kono sorti en avril sur le label No Format!), l’inégalable Youn Sun Nah ou encore la venue pour la première fois à l’Auditorium de Jean-Paul Gasparian. Autres stars du piano attendues avec impatience à Lyon, Rudolf Buchbinder et András Schiff vont émouvoir nos oreilles. Cette saison est aussi l’occasion de (re)découvrir le répertoire polonais et ses virtuoses actuels, telle la jeune cheffe Marta Gardolińska qui dirigera l’ONL et le violoniste Thomas Zehetmair. Parmi les incontournables, signalons le Stabat Mater de Pergolèse par le Concert d’Astrée, dirigé par la claveciniste Emmanuelle Haïm. Sans oublier Gustav Mahler et Richard Strauss, mis à l’honneur par l’ONL emmené par Nikolaj Szeps-Znaider, son directeur musical. Que du bonheur !

Seung
Yull Nah ©
YOUN SUN NAH

PLAISIR DE LA DANSE

Grosse actualité pour Amala Dianor ! Cet ancien danseur d’Abou Lagraa et de Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou est aujourd’hui un chorégraphe reconnu. Trois de ses pièces sont sur les routes dès octobre, dont le duo au féminin M&M et le collectif Level Up avec onze jeunes virtuoses. Gesualdo Passione, qui vient d’être créé à la Philharmonie de Paris, est l’autre projet du moment, dans une collaboration inédite avec l’ensemble Les Arts Florissants (à la Maison de la danse en 2026). Il met en scène et en danse six chanteurs et quatre danseurs autour de la Passion du Christ du sulfureux compositeur italien Carlo Gesualdo. Une première pour cet artiste autodidacte à l’écriture singulière et une éclatante reconnaissance de son talent. GV-P amaladianor.com

Bienvenue à la Maison !

LA NOUVELLE SAISON DE LA MAISON DE LA DANSE FAIT PLAISIR À VOIR ! MÊME SI ELLE N’A RIEN DE RÉVOLUTIONNAIRE, ELLE EST TOUT À FAIT RÉJOUISSANTE.

Le public aura sans doute grand plaisir à (re)voir le Balé da Cidade de São Paulo qui n’est pas venu depuis trente ans, avec un programme composé de deux pièces de deux chorégraphes inconnus chez nous, la nouvelle révélation brésilienne Rafaela Sahyoun et Alejandro Ahmed, le directeur du ballet (déjà présent à la Biennale). Il pourra réviser ses "classiques" avec la reprise des Applaudissements ne se mangent pas de Maguy Marin, pièce créée en 2002 pour la Biennale Terra Latina. Ou découvrir, enfin, le travail de Vincent Dupont, l’un des neuf artistes associés au projet de la Maison : le chorégraphe performeur présente sa dernière création, le duo I am here – première le 14 novembre au NEXT Arts Festival (Valenciennes). On retrouve aussi Thomas Lebrun, assez peu vu sur les scènes régionales malgré son immense talent, avec Sous les fleurs, une ode chatoyante aux

muxes (prononcer « mouché »), le troisième genre du peuple zapotèque. Rachid Ouramdane, dont on a vu Corps extrêmes en octobre 2022 et l’aérien Les Traceurs en clôture du Défilé de la Biennale 2023, revient avec Contre-nature, une pièce autour du souvenir et du deuil (création 2024 à Chaillot). Il ne faut surtout pas rater Nôt de Marlene Monteiro Freitas, une variation radicale sur Les Mille et Une Nuits qui a ouvert le festival d’Avignon cet été, ni l’œuvre de Damien Jalet et Kohei Nawa, Mirage, premier opus du chorégraphe belge en tant que directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève. On a également hâte de voir Jimmy, le solo de Pierre Pontvianne, notre régional préféré, Shiraz, opus mondialement salué du chorégraphe iranien Armin Hokmi ou encore Fampitaha, fampita, fampintàna de Soa Ratsifandrihana. Sans oublier de passer par la case cabaret, désormais bien inscrite dans le paysage lyonnais, par la voix (et le corps) de Olivier Normand avec son Vaslav.

Patrick
Imbert ©
CONTRE-NATURE, RACHID OURAMDANE
Jérôme Bonnet ©

c irque (s) en scène

ON VERRA BIEN DU CIRQUE SUR LES PLATEAUX, EN 2025, AVEC LE COME-BACK DE COMPAGNIES EMBLÉMATIQUES ET LA DÉCOUVERTE DE PETITS NOUVEAUX. DERRIÈRE CHAQUE SPECTACLE SE CACHENT DES DÉFIS, DES RÉVOLTES, DES QUESTIONNEMENTS EXISTENTIELS SUR L’ÉTAT DU MONDE ET COMMENT ON CONTINUE D’AVANCER. AVEC LE CORPS COMME PRINCIPAL MEDIUM. ZAPPING TOTALEMENT SUBJECTIF.

n commence avec la géniale Vimala Pons (MAD, juin 26).

Actrice vue au cinéma chez Mandico, Salvador, Peretjatko, Jodorowsky, Verhoeven (entre autres), circassienne manipulatrice et porteuse d’objets, musicienne (elle collabore avec Rebeka Warrior, excusez du peu), elle est surtout une incroyable performeuse. On se souvient encore de son Périmètre de Denver : une pièce inracontable où Vimala bibendum mène l’enquête façon Cluedo, changeant d’apparences au fil de scènes loufoques. Métamorphose, corps contraint, inconfort

(avec un rocher sur la tête, oui !), endurance physique, déséquilibre, elle finissait par dérouter entre vrai et faux, propre et figuré. La revoilà avec Honda Romance (création à Genève, 23 sept.), pièce pour 10 interprètes sur une bande-son de Rebeka Warrior (chouette). Le sujet ? Les émotions. Elle traverse 200 états émotionnels, dans un mouvement permanent savamment mentalisé, avec une réflexion sur le temps qui passe et l’impermanence de nos vies. Bien perché, on lui fait confiance ! Valeurs sûres, on retrouve les XY avec leur sixième opus Le Pas du Monde. Le collectif continue « de cultiver la question de la relation » (et donc de la confiance). Il s’interroge aussi sur le cycle de la vie et le lien entre mouvement et vivant. Vingt-deux acrobates au plateau avec des figures (pyramides et colonnes humaines, vols planés, sauts) qui font trembler. Mais ces fous volants mettent aussi en balance leur fragilité. Après le sublime Mobiüs, on risque d’être un peu exigeant mais on connait la vitalité, l’inventivité et la solidarité de cette troupe qui emmène avec elle. De l’aérien toujours et des danseurs-acrobates dans Contre-Nature de Rachid Ouramdane. Dans cette pièce qui parle du deuil, le chorégraphe poursuit sa quête autour de l’envol, avec des artistes aux « corps polyglottes ». On reste à la Maison de la danse : les Québécois des 7 Doigts de la main s’attaquent à Roméo et Juliette en mode ring et battle de cirque. Mât chinois, bascule, voltige aérienne,

breakdance ou hula hoop, les audacieux virtuoses sont réputés pour leurs spectacles punchy de haute volée. Autre continent avec les Australiens de CIRCA et leur cirque époustouflant qui pousse le curseur toujours plus loin dans le risque et la limite des corps. Dix interprètes puissants se collètent à ce Wolf pour sonder les zones d’ombre de la nature humaine, avec une réflexion sur les genres et l’interchangeabilité des rôles. À voir au Radiant. Comme les acrobates fortiches de Recirquel : les Hongrois placent la barre haut avec des prouesses aériennes et des contorsions assez bluffantes. Pas vus depuis longtemps à Lyon, les Suédois de Cirkus Cirkör passent par Saint-Priest. On se laissera (sur)prendre par la scénographie et les agrès délirants, la bande-son rock, les numéros hors normes et cette poésie de l’étrange.

Quant aux Bruxellois de Back Pocket, ils annoncent mélanger acrobaties grand format, prouesses techniques, satire du cinéma dans The Award, gala immersif. On est curieux de voir ça, c’est la Québécoise Brigitte Poupart aux manettes : grand show assuré ?

Retour à des formes plus intimistes et à la nouvelle création (SUBS, 20 nov.) du jongleur Martin Palisse, en compagnie de l’homme de théâtre David Gauchard – on a vu les deux à l’œuvre dans Brûler d’envies de la 36e promotion du CNAC au festival utoPistes. À ses côtés, le performeur Stefan Kinsman (roue Cyr) pour interroger l’héritage familial qui nous façonne. Ça jongle (aussi)

LE FORTICHE

Il fait partie de ces artistes qu’on suit de loin en loin. Basile Forest s’est formé au violon classique, a fait du théâtre puis beaucoup de cirque. Jonglage, main-à-main, acrobatie… À son actif une spécialité, le portique coréen (il est porteur), et quelques belles collabs – les XY, Le P’tit Cirk, Les Philébulistes… En 2022, il ose le solo Car tous les chemins y mènent, une forme légère qui fait se rencontrer violon et acrobatie, l’opéra de Bizet, l’amour, la sueur et le vivant. Avec sa partenaire de choc, la voltigeuse Marianna Boldini, ils préparent la suite. Catharsis s’annonce très musical (ambiance Balkans) et aérien, avec du cadre coréen, beaucoup d’envols, de sauts, de rattrape, de jeux risqués et de questionnements existentiels. Création en février 26. AH lescomplementaires.fr Aude

et ça slame dans Biographies de la compagnie Ea Eo (en tournée), qui embarque dans l’intimité mentale d’une jongleuse, Neta Oren. Elle jongle sans relâche tandis que lui lâche le flux de ses pensées. Un ballet physique et mental percutant, à ce qu’on en dit. Dans un autre genre, Jean-Baptiste André reprend à la MC2 sa pièce fondatrice, Intérieur nuit (2004), un solo hybride entre danse, contorsion et arts visuels plein de douce rêverie. Dans la série à (re)voir, Falaise des Baro d’evel passe par Saint-Étienne, un captivant ballet à huit en clair-obscur, avec pigeons et cheval. Une pièce sur la chute, mais « ça va bien se passer », dixit Camille Decourtye ! Enfin, sous chapiteau, on vous recommande le duo bougon et poète du Cirque Trottola et son Strano (à Valence), tout comme Hourvari des Rasposo (à Bourg) avec marionnettes, fildeféristes, voltigeurs dans une danse inattendue. Une saison sacrément cirque, on dirait !

retrouver tous ces spectacles ?

Les SUBS

Maison de la danse

Radiant-Bellevue

Le Toboggan

Théâtre Théo Argence

Théâtre de la Renaissance

La Mouche

Comédie de Valence (26)

TJV Bourgoin-Jallieu (38)

MC2: Grenoble (38)

Comédie de Saint-Étienne (42)

Bonlieu Scène nationale

Annecy (74) etc.

Mélissa Waucquier
LE PAS DU MONDE, COLLECTIF XY

THÉÂTRE DE LA RENAISSANCENOUVELLES TÊTES

Hugo Frison signe sa première "vraie" saison au Théâtre de La Renaissance avec un projet « plus exigeant, immersif, impliquant » et un fil rouge qui va creuser à « l’endroit des

identités culturelles des diasporas ». La programmation 2025/26 ose les artistes moins connus ou peu vus à Lyon, les projets confidentiels (ÄKÄ, Malqa avec l’oudiste Kamilya Jubran), donne sa chance à la jeune création avec du compagnonnage (ainsi de Cent ans de solitude signé Gabriela Alarcon Fuentes).

On y découvrira la nouvelle création du circassien Basile Forest, l’introspectif Newroz par l’acrobate-musicien Bahoz Temaux (un ancien XY), le seul en scène résistant de Mina Kavani, la gestuelle colorée de Soa Ratsifandrihana, les airs joyeux de Hatice Özer, la fable musicale OUT de Noémi Boutin ou les ambiances électro-soul-pop d’Erotic Market revisitées avec l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. AH

ABOUT LAMBADA 18 > 19.09

INTO THE SILENCE 23 > 24.09

programatons

THX

LES FEMMES EN FORCE

Le Théâtre de la Croix-Rousse (il faut dire THX maintenant !) poursuit son exploration des marges. Inclusion, luttes queer et féministes, histoire et mémoires oubliées du monde, sont les maîtres mots de la nouvelle saison. Une fois encore, Courtney Geraghty, la directrice des lieux, montre son engagement pour les causes qui lui tiennent à cœur et propose une ouverture sur le monde et les problématiques actuelles. Avec une attention toute particulière aux autrices et metteuses en scène puisque 60 % des spectacles sont portés (ou écrits) par des femmes. Ainsi Mélissa Zehner, l’une des deux artistes complices, est autrice, comédienne et metteuse en scène : le public l’a découverte avec La Nuit se lève lors du dernier Festiv.iel, l’un des temps forts de la saison. On y découvrira cette année l’écriture de Monique Wittig et La chair est triste hélas d’Ovidie, figure incontournable du féminisme aujourd’hui. Mais aussi Virginie Despentes, Mohamed El Khatib ou Eva Doumbia. GV-P croix‑rousse.com

Une
Pièce Sous Influence
• Virginie Meigné © / Fampitaha Fampita Fampitana
• Harilay Rabenjamina
/ La voix de ma grand-mère • Christophe Raynaud de Lage

THÉÂTRE JEAN MARAIS

TOUTES PREMIÈRES FOIS

Le Théâtre Jean Marais à Saint-Fons est un dénicheur de talents qui aime à les partager avec son public. Priorité aux jeunes artistes, donc, qui sont accueillis au TJM en résidence. Ainsi Shaeirat Project présente Gaza, ô ma joie, des poèmes en langue arabe (festival Sens Interdits). Raphaël Gautier crée La Détente, un spectacle engagé sur les risques liés aux centrales nucléaires. À découvrir également la jeune compagnie de l’Ingénu.e qui questionne les inégalités homme/femme. Il ne faudra pas louper la nouvelle création de la compagnie Le Bleu d’Armand, Thelma, Louise et nous. Ni la Confession d’un ancien président par Antonella Amirante avec Jean-Philippe Salerio. On se réjouit d’avance. TM

jean marais.com

LA MOUCHE PART SENSIBLE

Pour sa première saison à La Mouche, Ternat a misé sur une nouvelle identité visuelle et des coups de cœur personnels. Cela donne une saison qui attise la curiosité avec des noms inconnus sous nos latitudes comme Jubilä, avec sa vocaliste virtuose et drôle, ou le Groupe Merci, compagnie toulousaine qui se coltine les contes de Perrault version #MeToo. Très axée sur le cirque, la programmation offre des espaces à de jeunes compagnies comme Ea Eo et son spectacle Biographies mêlant jonglage et slam, ou le très épuré Ven par la jeune compagnie Si seulement, portée par deux anciens des 7 Doigts de la main. On vous recommande aussi Sans Faire de Bruit, solo ouaté tout en suggestion et prix du Jury 2024 du festival Impatience, ou le très beau Piste, piste, piste pour le jeune public.

GV-P la‑mouche.fr

THÉÂTRE THÉO ARGENCE

HAUTE VOLÉE

Belle programmation au Théâtre Théo Argence – TTA pour les intimes – exigeante et variée. On y trouve Catwalk, la nouvelle création de Mourad Merzouki en avant- première, du cirque (Ghost des Machine de Cirque), du hip-hop avec Karavel et Boxe Boxe des marionnettes, du stand up, de l’humour, de la musique, de la magie et, enfin, du théâtre. Et, là, des têtes de gondoles à faire pâlir d’envie les grandes salles, à commencer par Les gros patinent qui n’en finit pas de tourner, Le Misanthrope par Lavaudant avec un Éric Elmosnino bluffant dans le rôle-titre. Dans C’est si simple l’amour, Charles Berling met en scène une soirée qui dégénère vue par Lars Noren. Sandrine Bonnaire sera parfaite dans L’Amante anglaise de Duras et François Cluzet jouera Encore une journée divine sous la direction impeccable d’Emmanuel Noblet. TM theatretheoargence‑saint priest.fr

IDeNtItÉs

SeROISÉc

PAR MARtIN BARNIeR ET VALÉRIe LeGRAIN-DOUSSAU

RÉVÉLÉE À VINGT ANS PAR KECHICHE DANS LA GRAINE ET LE MULET (2007), L’AUDACIEUSE

HAFSIA HERZI* EMBRASSE SA CARRIÈRE DANS DES RÔLES À L’INTERPRÉTATION PUISSANTE

TOUT EN POURSUIVANT LA RÉALISATION. EN 2025, SON TROISIÈME FILM, LA PETITE DERNIÈRE, DANS LA COMPÉTITION CANNOISE, A VALU LE PRIX D’INTERPRÉTATION FÉMININE À SON

ACTRICE PRINCIPALE NADIA MELLITI.

Inspiré du roman autobiographique de Fatima Daas, La Petite Dernière retrace le parcours d’une jeune fille issue de l’immigration, qui grandit en banlieue parisienne. Musulmane pratiquante, homosexuelle, elle cherche le chemin pour concilier sa foi et ses désirs naissants.

Fan de Pagnol et de Renoir, grands portraitistes du cinéma, Hafsia Herzi aime filmer les âmes et les visages. Elle nous offre un film de l’intime. Avec de nombreux angles de prise de vue, elle resserre le cadre sur le visage de Fatima, interprétée avec beaucoup de justesse par Nadia Melliti. Le film est tout en nuances. Herzi a voulu un « film sensuel pour les scènes de nuit et lumineux le jour ». Les saturations de couleurs dans les séquences nocturnes révèlent le tumulte intérieur de Fatima. Le film reste cependant réaliste, sans jamais sombrer dans le maniérisme. De la même façon que l’émotion est filmée en évitant le pathos et en gardant une part d’humour. La réalisatrice nous fait suivre, sur une année, les dilemmes de la jeune femme. Le mot "lesbienne" déclenche son agressivité dans l’une des premières séquences du film. Fatima refoule très

* De nombreux prix et distinctions au fil de sa carrière, dont le César de la meilleure actrice, en 2025, pour son rôle dans Borgo de Stéphane Demoustier (2023).

violemment son homosexualité, en participant au harcèlement d’un élève gay. Elle va peu à peu s’émanciper, au fil de ses rencontres avec divers personnages, dans des séquences initiatiques qui sont autant de moments de vie : première verbalisation dans l’intimité d’une voiture avec une femme plus âgée, premier repas à l'université (avec Gabriel Donzelli, un fils de !), première soirée libérée. Et cet instant où se révèle son attirance pour Ji-Na, une infirmière coréenne incarnée par l’actrice et plasticienne française Park Ji-Min (vue dans Retour à Séoul, 2022). Cette scène déclenche un bouleversement intérieur (et une crise d’asthme) chez l’héroïne.

La plupart des comédiens sont non professionnels, au premier rang desquels Nadia Melliti, étudiante en STAPS et footballeuse, mais également la mère, le petit copain, le pneumologue spécialiste de l’asthme et l’imam que l’héroïne vient interroger, dans une scène bouleversante.

Ce film renverse les clichés sur les enfants de l’immigration, les banlieues, l’homosexualité, il ouvre le dialogue et rend libre.

On y court !

LA PETITE DERNIÈRE
LA PETITE DERNIÈRE
Hafsia Herzi Sortie : 22 oct. 25

DANS UNE RENTRÉE LITTÉRAIRE PLUTÔT

DRUE (484 ROMANS, SOIT 25 DE PLUS QU’EN 2024), LES ÉCRIVAINS RÉGIONAUX NE SONT PAS EN RESTE. VOICI DEUX D’ENTRE EUX (DEUX JULIEN), HISTOIRE D’ÉCHAPPER À LA PESANTEUR OU DE PLONGER DANS LES PROFONDEURS. À VOUS DE VOIR…

Quitter la gravité

Christa McAuliffe s’embarque en 1986 comme astronaute civile dans la navette Challenger et Adolphe Pégoud, premier as de la Grande Guerre, trompe la mort par des pirouettes. Une parapentiste est aspirée par un cumulonimbus gigantesque, un ex-éleveur de bétail millionnaire entreprend de réformer l’orthographe et Nicolas de Staël dévoile la face sombre de ses relations avec les femmes. Un athlète s’enfonce, un grimpeur trébuche, des oligarques russes tombent de leur balcon… Telles sont les météoritiques figures de Qui tombe des étoiles (Le Quartanier), livre-averse entrelaçant en un savant montage, entre cut-up et sampling, le destin de femmes et d’hommes ayant

QUI TOMBE

DES ÉTOILES

Julien d’Abrigeon

Le Quartanier

Sortie : 22 août

L’ÉPRIS LITTÉRAIRE

Julien Leschiera

Le Dilettante

Sortie : 27 août

RENTRÉE DES AUTEURS 2025 08 SEPT.

Théâtre Comédie Odéon Lyon 2 auvergnerhonealpes‑ livre‑lecture.org

ou céder à l’attraction ?

voulu échapper à tout ce qui les contraint en défiant les lois de la pesanteur. Né à Aubenas et enseignant à Dieulefit, poète-performer, créateur des sites T.A.P.I.N. (puis tapin²) et membre depuis 1997 du collectif lyonnais de poésie-action BoXoN, Julien d’Abrigeon défie au travers de ses récits kaléidoscopiques les lois de l’objet roman. Un auteur en quête de forme à suivre à plus d’un titre…

Après un premier roman burlesque en forme de feel bad book relatant les tribulations affectives d’un loser procrastinateur (Mes vies parallèles), Julien Leschiera revient avec L’Épris littéraire (Le Dilettante) à ses marottes dignes d’une pièce du Grand-Guignol. Dans un huis clos machiavélique qui n’aurait pas déplu à Luis Buñuel (L’Ange exterminateur) ou à Roman Polanski (Répulsion), le narrateur, au début candide et empathique

visiteur d’un clone de Marcel Proust vivant reclus avec Céleste – sa servante silencieuse, boiteuse et tatouée –, se trouve lentement mêlé à de curieux rituels, entre absurdes jeux de lettres et piégeux jeux de mains. Devenu l’amant de la coite servante, il est entraîné façon baïne dans un vicieux théâtre de cruauté, enchaîné au point de n’être plus que l’objet soumis d’un processus pervers. Ainsi que dans des sables mouvants, le simple visiteur perd inexorablement pied face à sa pitoyable et sadique bourrelle, qui dès lors ne lâchera plus sa proie, tel le boa engloutissant la chèvre. Jusqu’à faire disparaître en même temps récit et narrateur, victimes consentantes d’une dévoreuse psychologique. Une farce (autant qu’une fable) noire délicieusement retorse sur l’asservissement psychique d’un individu consentant… Bon appétit !

Le StReet MUSÉe DU MOIS

BRUSK
BIG BEN
KALOUF CHRYSTÈLL.T
PYX.COLLAGE
CAPPHI FREAKID
SOHAN STREET
GEORGES DE LOUP
PAR eNNA pAtOR & LeNDASKIN

Saladeà la grecque

20/30 MINUTES

500 G p  te S (AU c HOIX)

300 G HARI c O t S V e R t S 100 G t OMA te S c ONFI te S 1 c ON c OMBR e 16 t OMA te S ce RIS e 400 G F et A 2 c I t RONS JAUN e S

200 G OLIV e S D e KALAMA t A HUIL e OLIV e , S e L et p OIVR e SAU ce YAOUR t 500 G YAOUR t GR ec 2 c I t RONS (JUS et Z e S te ) 4 c ÀS MI e L M e N t H e FRAÎ c H e c ONDIM e N t F e NOUIL 2 F e NOUILS 1 p AM p L e MOUSS e 3 c I t RONS (1 JAUN e , 2 V e R t S) 1 ORANG e 4 c ÀS HUIL e OLIV e « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »… Tu parles ! Retour au bercail, l’âme en peine, avec le soleil grec gravé dans la peau et du sable encore plein la valise. Zou, on ne se laisse pas abattre et on prolonge les vacances avec la Sainte Trinité estivale olives-feta-citron. On plonge pâtes et haricots verts dix minutes dans deux casseroles d’eau frémissante salée, puis vite, on égoutte et on laisse refroidir. Juste le temps d’un grand verre d’anisette*, comme un air d’ouzo en plein meltem des Cyclades… Mais on ne se déconcentre pas. Dans un saladier, émiette grossièrement la feta sur les tomates confites, le concombre taillé en gros dés et les olives violettes de Kalamata. Mmm, on y est, ça embaume à nouveau l’été ! On finit avec les pâtes et les haricots verts bien frais avant d’arroser de jus de citron (2 jaunes) et d’huile d’olive. On accommode comme on aime. C’est au tour des fenouils : un petit coup de mandoline et les voilà en fines lamelles dans leur bol. On les mouille à gogo de jus de pamplemousse, d’orange et de citron (1 jaune, 2 verts), sans oublier quelques zestes et la bonne huile d’olive. Sel, poivre voire un soupçon de piment pour relever. La touche finale avec la sauce : on touille le yaourt, le miel, les feuilles de menthe fraîche bien ciselées, le jus de citron et hop au frais. Dans une assiette creuse : le condiment de fenouil maison, ta salade, quelques tomates cerise et une bonne rasade de sauce au yaourt. Mieux, on glisse tout ça dans un tupp’ et on file déguster cette madeleine de Proust sur la pelouse d’un parc pour profiter des dernières chaleurs. La valise et les lessives attendront bien un peu ! 4 PERSONNES

jugeote

* L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Horizontalement

1. Sans doute des émules de Bernard Palissy. 2. Sigle pour une république des Balkans. Mit fin à l’esclavage aux États-Unis. 3. Anti-héros d’un roman de Camus. 4. Un pieux du Tiers-Ordre de Saint-François. 5. Guide de la prière coranique. Peut-être même corrige. 6. Corps chimique ou sésame de la rébellion enfantine. Estuaires bretons. 7. Choisit de voyager en nomade. Ô combien précieux ! 8. Conjonction de "tous les possibles". Le five o’clock des Anglais. 9. Protège l’entrée du port. Chambre haute du bicamérisme. 10. On y boulonne dur, mais à l’envers. Répondent, pour Baudelaire, « aux couleurs et parfums ».

Verticalement

A. Profonde imbécilité qui n’est pas propre aux gens des Alpes B. Proclamée juste avant les résultats, certains dimanches soirs. C. Service hospitalier à éviter, même abrégé. Unité en Chine. D. De telles nouvelles ne sont pas bonnes. E. Conseiller politique, essayiste et chef d’entreprise contemporain. Piqueuse anglaise, grande ouverte en France. F. Avaleras. G. Perfides. H. Antichambres de la mort, avant d’entrer dans l’arène. L’antique Leucothée. I. Article espagnol. Dans une énumération négative. Sultanat islamique. J. Type de société très engageante pour ses membres. Légèrement acides.

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Victoria Reddock ©
PAR pONIA DUMONt

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