OUTRE-MER grandeur Nature n°21 _ mars-avril 2024

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ÉDITO | C élia de l avergne , ministère de la t ransition é Cologique MAYOTTE | le vol C an sous - marin sous haute surveillan C e N.-CALÉDONIE | le lan C ement du « d igital e arth P a C ifi C » SOMMAIRE 2 édito
actu outre-mer
Saint-Pierre-et-Miquelon 10 Saint-Martin 11 Saint-Barthélemy 16 Martinique 22 Guadeloupe 28 Guyane 34 Île de La Réunion 42 Mayotte 50 TAAF 56 Polynésie française 60 Nouvelle-Calédonie 64 Wallis-et-Futuna OcéIndia grandeur Nature OUTRE-MER UNE n°21 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT MARS | AVRIL 2024 SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON | L’ARCHIPEL SUBARCTIQUE VU DU CIEL
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ÉDITO

PAR CÉLIA DE LAVERGNE, DIRECTRICE DE L’EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ AU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES (MTECT)

En tant que directrice de l’eau et de la biodiversité, je suis très honorée de porter les politiques publiques liées à la préservation et à la restauration de la nature, de nos milieux, de nos ressources, du vivant. Les territoires d’outre-mer ont à cet égard une résonnance toute particulière.

Deux actions majeures vont guider nos politiques publiques pour les années à venir, et elles concernent au premier plan les outre-mer.

La première est relative à la ressource en eau avec l’annonce par le président de la République le 30 mars 2023 du plan d’actions pour une gestion résiliente et concertée de l’eau avec 53 mesures phares. Certaines mesures sont spécifiques aux territoires d’outre-mer et viendront renforcer le Plan eau DOM, initié en 2016, notamment avec 35 M€ de financements supplémentaires par an pour aider les collectivités à investir.

L’eau est indispensable à l’homme, à nos écosystèmes, à notre économie, mais est de plus en plus en tension. Le récent épisode de crise à Mayotte en est la parfaite illustration. C’est pourquoi nous devons collectivement nous inscrire dans des trajectoires de sobriété en mobilisant tous les acteurs. Nous devrons également élargir la disponibilité de la ressource et répondre aux crises que connaissent fort bien les outre-mer. C’est la raison pour laquelle des leviers règlementaires relatifs aux eaux dites non conventionnelles ont récemment été adoptés. Ils permettront de davantage optimiser l’usage de l’eau, véritable opportunité en outre-mer. Enfin, nous aurons une attention toute particulière sur la qualité de l’eau, tant celle pour les usages domestiques que celle rejetée dans des milieux naturels fragiles.

La deuxième action concerne la préservation et la restauration de la biodiversité. Les territoires ultramarins se situent au cœur de la Stratégie nationale biodiversité 2030 présentée par la Première ministre le 27 novembre 2023, qui a pour objectif d’inverser la trajectoire du déclin de la biodiversité.

La préservation de la biodiversité constitue en effet un enjeu majeur pour les outre-mer qui représentent 80 % de la biodiversité française. Avec ses outre-mer, la France possède le deuxième espace maritime au monde, mais aussi 10 % de la surface des récifs coralliens mondiaux qui risquent de disparaître.

De nombreuses espèces sont en danger d’extinction, très souvent en raison de l’activité humaine. L’orpaillage illégal avec ses conséquences sur les milieux et la vie des populations nous préoccupe au premier plan. Les proliférations d’espèces exotiques envahissantes menacent le fonctionnement de nos écosystèmes, mais représentent aussi des menaces pour nos activités économiques ou notre santé.

Dans le cadre de la territorialisation de cette stratégie, il s’agira de prendre en compte les enjeux locaux et de prioriser les actions afin d’avoir un impact direct sur la vie des citoyens.

Les territoires d’outre-mer sont des véritables atouts au niveau national et peuvent constituer des exemples de réussite tant dans la préservation de leur ressource en eau que dans la protection de leur remarquable biodiversité.

Célia de Lavergne

grandeur Nature 2 OUTRE-MER
Couverture : l’unique forêt boréale française, à Saint-Pierre-et-Miquelon. © Jean-Christophe Paulau | Célia de Lavergne.

LA FIN DU PROJET LIFE BIODIV’OM :

SIX ANS D’ACTION POUR LA BIODIVERSITÉ ULTRAMARINE

Life BIODIV’OM est un projet européen mis en place de 2018 à 2024 dans cinq territoires ultramarins. D’un montant total de plus de 5,5 millions d’euros, ce projet piloté par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a servi à améliorer l’état de conservation d’espèces menacées et d’habitats rares en outre-mer.

À Mayotte, la restauration de sites d’alimentation et de reproduction du crabier blanc a permis de quadrupler les effectifs de ce petit héron trapu. En Guyane, 65 % des savanes ont été préservées contre un arbre envahissant (Acacia mangium) qui rend impossible la survie des espèces présentes au sein des savanes. À Saint-Martin, une démarche de concertation avec les acteurs de la pêche a été mise en œuvre pour protéger le mérou géant. En Martinique, un dispositif de contrôle des prédateurs a participé à la sauvegarde du moqueur gorge-blanche, dont la reproduction a été grandement améliorée. Enfin, à La Réunion, le projet Life BIODIV’OM a soutenu la mobilisation des populations locales pour protéger l’échenilleur de La Réunion, couramment appelé « tuit-tuit », oiseau en danger critique d’extinction menacé par les rats principalement et les chats à l’état sauvage.

ACTU OUTRE-MER

LE CEREMA OUVRE UNE AGENCE ANTILLES EN GUADELOUPE

Déjà présent en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) renforce sa présence auprès des collectivités d’outremer en ouvrant une agence « Antilles ».

Créée au 1er février 2024 et dirigée par Yannis Cerasin (ci-dessus), cette agence va couvrir la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Le Cerema apporte aux acteurs territoriaux un appui en termes d’ingénierie et d’expertise technique dans un contexte de transition écologique et d’adaptation au changement climatique des territoires ultramarins.

L’établissement public poursuivra ainsi au cœur des Antilles ses projets tels que le déploiement des énergies renouvelables marines en Martinique, une analyse des mobilités à Saint-Barthélemy pour une réflexion de mise en place de navettes, ou encore l’accompagnement de communautés d’agglomération guadeloupéennes sur le programme national ÉcoQuartier et sur la résorption des décharges littorales.

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+ d’info ici : https://www.lifebiodivom.fr
+ d’info ici : L’ouverture d’une agence aux Antilles
Séminaire de clôture du projet en février 2024 à La Réunion et visite des falaises de Petite-Île. © Colors Island Productions

80 ANS D’EXPÉRIENCE POUR L’IRD

L’Institut de recherche pour le développement (IRD) fête ses 80 ans en 2024. Cette année de célébration va être ponctuée d’événements, en France et à l’étranger, autour des enjeux de la coopération scientifique internationale au service du développement durable. Des temps forts seront organisés dans les outre-mer, notamment en Guyane, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Davantage d’informations seront diffusées sur le site internet de l’IRD.

« La célébration des 80 ans incarne l’engagement continu de l’IRD pour un monde meilleur, sa détermination à contribuer de manière significative à la compréhension des grands enjeux globaux, à mettre la science au service de l’action, à accompagner la transformation des sociétés vers des modèles sociaux, économiques et écologiques plus justes et durables », met en avant l’IRD dans son communiqué de presse.

« Si les 80 années passées ont été riches et intenses, l’atteinte des 169 cibles des Objectifs de développement durable (ODD) a pris du retard. Nous devons donc résolument nous tourner vers l’avenir afin de corriger le tir, avec comme priorités pour l’IRD le renforcement de notre mission d’appui aux politiques publiques et à l’action diplomatique de la France, la formation et la consolidation des ponts entre science et société et les enjeux de transition écologique, prioritaires à l’IRD avec des chantiers majeurs en cours », précise Valérie Verdier, présidente-directrice générale de l’IRD.

+ d’info ici : https://www.ird.fr/

MISSION NATURE, LE NOUVEAU JEU DE GRATTAGE POUR PROTÉGER LA BIODIVERSITÉ

Lancé en octobre 2023 par la Française des jeux et l’Office français de la biodiversité (OFB), Mission Nature est un jeu de grattage qui donne aux citoyens la possibilité de soutenir des projets ambitieux en faveur de la biodiversité. En effet, pour chaque ticket acheté, une partie de la somme est versée à l’OFB en vue de financer des programmes de restauration écologique. Ces projets sont sélectionnés partout en France, y compris en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Ils contribuent à préserver des sites exceptionnels sur terre comme en mer, à sauvegarder des espèces en déclin et à protéger leur habitat. Après le succès du jeu en 2023, l’OFB lance un nouvel appel à projets « Mission Nature » pour identifier les actions qui seront soutenues lors de la deuxième édition du jeu, dont la commercialisation est prévue à l’automne 2024. Le montant de la subvention reversée par l’OFB par projet est de 50 000 euros à un million d’euros 1. La date de fin des dépôts de candidatures est fixée au 24 mai 2024.

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© FDJ / OFB
d’info ici : https://www.ofb.gouv.fr/actualites/ appel-projets-mission-nature-2024 1 Sous réserve de l’éligibilité des dépenses et du plafond de subvention.
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SAINT-PIERREET-MIQUELON

LES BEAUTÉS DE L’ARCHIPEL VUES D’EN HAUT

A rrivé en 1995 d A ns l ’ A rchipel , J e A n - c hristophe p A ul A u est inform Aticien et pA ssionné d ’ im Agerie pA r drone s ur s A pAge f A cebook « s A int - p ierre et m iquelon vu d ’ en h A ut », il offre un nouve A u reg A rd sur le petit territoire fr A nç A is d ’A mérique du n ord .

INTERVIEW

JEAN-CHRISTOPHE PAULAU, PHOTOGRAPHE AMATEUR SPÉCIALISÉ DANS L’IMAGE AÉRIENNE PAR DRONE

• Comment êtes-vous arrivé sur l’archipel ?

Cela fait 28 ans que je vis ici, sur un presque malentendu ! J’avais le choix entre 10 mois en caserne pour mon service militaire, ou bien la chance de partir 16 mois outre-mer en volontariat. Je rêvais déjà de Polynésie quand au ministère des Outre-mer, on m’a proposé Saint-Pierre-et-Miquelon. Au départ, j’ai dit non car j’avais une méconnaissance et un a priori plutôt négatif de l’archipel qui représentait pour moi un petit point perdu, froid. Mais un échange téléphonique a

influencé ma décision et j’ai intégré la station RFO de Saint-Pierre comme informaticien. J’ai alors découvert un territoire agréable et un climat moins rude que ce qu’on en pense de l’extérieur. Puis j’ai rencontré la femme de ma vie.

• Quelle est votre démarche photographique ?

- J’avais envie de présenter les îles sous un angle différent de ce que les gens ont l’habitude de voir. J’étais un des seuls pilotes autorisés quand j’ai commencé à faire du drone il y a cinq ans. La popularité de SaintPierre-et-Miquelon est montée crescendo car le fait de diffuser de l’image permet de donner une idée plus précise des lieux, un petit rayonnement voire même l’envie de s’y installer. Ici un enjeu de la Collectivité est l’attractivité du territoire. La population est vieillissante, presque en déclin, les jeunes reviennent assez peu après leurs études. Nous sommes moins de 6 000 habitants, ce n’est pas assez pour l’équilibre économique.

Ma démarche est spontanée, je photographie aussi bien la ville que la nature – celle-ci est beaucoup plus présente à Miquelon et Langlade qu’à SaintPierre – en quête d’esthétique, de lumières éphémères qui peuvent être électriques, roses, violettes, flamboyantes... Quand la visibilité est bonne, on voit jusqu’à Terre-Neuve ! Je ne suis qu’un observateur passif de l’environnement. En la matière, ce que j’ai pu observer, c’est la montée des eaux sur l’isthme et des hivers moins neigeux, beaucoup plus venteux et avec des saisons qui me semblent moins marquées.

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Ci-dessus : illustration digitale. © Jean-Christophe Paulau Rédaction et interview : Stéphanie Castre
: ©
Portrait
Dominique Palanchier
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| Les
|
de neige. © Jean-Christophe Paulau
De haut en bas : l’isthme de Miquelon-Langlade dont la route est fragilisée par l’érosion côtière. | Vue sur la forêt boréale, unique en France. doris, embarcations traditionnelles de l’archipel.
La
plage de Savoyard recouverte de son manteau

DÉCOUVREZ SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON VU DU CIEL sur la page Facebook développée par Jean-Christophe Paulau :

https://www.facebook.com/spmvuduciel

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 7 Isthme de Miquelon-Langlade vu d’avion. | Étang au lieu dit « le Diamant » au coucher du soleil.| Paysage sur le même site.| L’Observatoire du Grand Barachois est ouvert à tous. Des phoques se prélassent au premier plan. | Vue hivernale de Saint-Pierre. © Jean-Christophe Paulau

LE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL DE L’OFB AUX ANTILLES NOUS PRÉSENTE SES MISSIONS

l’office frAnçAis de lA biodiversité (ofb) est implAnté Au plus près des territoires, notAmment dA ns les outre - mer , où il A ssure ses missions vi A différents services , dont les délég Ations territori A les ( dt ). r encontre Avec f A bien b A rthel At , délégué territori A l A ux A ntilles

INTERVIEW

FABIEN BARTHELAT, DÉLÉGUÉ

TERRITORIAL DE L’OFB AUX ANTILLES

• Pouvez-vous nous parler du rôle de la direction territoriale de l’OFB aux Antilles françaises ?

- L’OFB aux Antilles déploie ses cinq missions essentielles pour la préservation de la biodiversité : la gestion des aires protégées avec le Parc naturel marin de Martinique et le Sanctuaire Agoa ; l’acquisition de connaissances grâce à l’Unité techniques et connaissance (UTC) ; ainsi que la police de l’environnement dans les services départementaux. En plus de ces trois missions, depuis 2020, les délégations territoriales (DT) fournissent un appui aux politiques publiques et encouragent la mobilisation citoyenne.

La DT Antilles, ce sont cinq personnes implantées en Guadeloupe avec un objectif principal : assurer la cohérence entre les services de l’établissement, avec les acteurs locaux et les politiques publiques. Nous aspirons à intégrer la biodiversité au cœur de la vie quotidienne de nos îles.

« LA RECHERCHE DE COHÉRENCE ENTRE LES ACTEURS LOCAUX EST AU CENTRE DE NOS PRÉOCCUPATIONS »

• Quels sont les principaux enjeux de la biodiversité aux Antilles ?

- Les défis sont multiples. Nous devons particulièrement veiller à la conservation des espèces endémiques, notamment des reptiles et de la flore, menacées en partie par les EEE et les espèces domestiques réensauvagées. De plus, la qualité des eaux est un enjeu crucial, avec des systèmes d’assainissement défaillants entraînant une pollution chronique des cours d’eau et des milieux littoraux. Enfin, la coordination des actions entre les nombreux acteurs reste un défi central.

« LES POLLUTIONS BIOLOGIQUES DUES AU MAUVAIS TRAITEMENT DES EAUX USÉES COMPTENT PARMI LES FACTEURS LES PLUS IMPORTANTS DE LA DÉGRADATION DES RÉCIFS CORALLIENS »
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Atelier d’appui au montage de projets organisé par la DT dans le cadre du programme européen BESTLIFE2030. © OFB

• Pouvez-vous nous décrire quelques actions concrètes conduites par votre équipe ?

- Notre rôle est de passer de la connaissance scientifique à la conservation, notamment pour les espèces endémiques. Par exemple, à la suite de travaux menés par l’UTC et nos partenaires, nous travaillons au lancement d’un projet pilote aux Saintes visant à gérer les espèces animales divagantes pour restaurer les écosystèmes locaux. L’implication des communes constitue un facteur de réussite incontournable.

Par ailleurs, face à la régression des récifs coralliens, notre stratégie est d’œuvrer pour stopper les facteurs de dégradations. Ainsi, nous déployons nos forces en finançant des infrastructures d’assainissement : c’est notre budget d’intervention le plus important.

« LA CONSERVATION, C’EST L’ESSENCE DE NOTRE MÉTIER. NOUS DEVONS EN PREMIER LIEU AGIR SUR LES PRESSIONS CAUSANT LA PERTE DE BIODIVERSITÉ »

Nous déployons également des dispositifs tels que les Atlas de la biodiversité communale (ABC), qui rencontrent un vif succès aux Antilles, ou les aires éducatives à destination des écoles et collèges. Par exemple à Saint-François, grâce à la mobilisation des élus, des enfants et leurs instituteurs, mais aussi des associations, le site de la pointe Gros-Bœuf est passé de l’état de décharge sauvage à celui d’espace naturel valorisé.

• Comment votre travail s’articule-t-il avec celui de l’Agence régional de biodiversité (ARB) ?

- L’ARB des îles de Guadeloupe (ARBiG), active depuis environ trois ans, est le fruit d’un partenariat entre la Région, l’OFB et l’État. Elle renforce les actions de l’OFB avec une plus grande capacité d’action et une proximité directe avec le territoire.

Ainsi, nous collaborons étroitement pour le déploiement des dispositifs comme les aires éducatives ou « Territoires engagés pour la nature » (TEN). L’ARB propose aussi une offre en ingénierie de projet et travaille à la préfiguration d’un Conservatoire botanique et d’un Observatoire national. En Martinique, le processus de création d’une ARB a été lancé.

« LA VRAIE FORCE DE L’ARBig, C’EST SON ANCRAGE LOCAL FORT : AVEC ELLE NOUS RENFORCERONS LES SYNERGIES ENTRE ACTEURS DU TERRITOIRE »

• Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Antillais ?

- Des financements sont disponibles pour agir dès aujourd’hui concrètement en faveur de notre patrimoine naturel si précieux. Associations, collectivités, entreprises : venez frapper à la porte de l’OFB et nous saurons vous accompagner !

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Rédaction et interview : Romy Loublier 9
Aire éducative à Saint-François en Guadeloupe. © DR | Projet de restauration MobBiodiv’ à Sainte-Anne. © OFB | La couresse des Saintes (Alsophis sanctonum), un reptile endémique et en danger d’extinction. © OFB | Séminaire avec des acteurs locaux sur les ABC. © OFB

SAINTMARTIN

ÉTANGS ET MANGROVES DE L’ÎLE, DES JOYAUX

À PRÉSERVER

Z ones tA mpons entre terre et mer , les étA ngs et m A ngroves A brités pA r l A r éserve n Aturelle n Ation A le de s A int - m A rtin sont essentiels à l ’ équilibre écologique . l ors du pA ss Age de l ’ our Ag A n i rm A en 2017, les m A ngroves ont été presque intégr A lement r AvAgées . l e pro J et « b iodiversity n ursery » pA rticipe à leur régénér Ation progressive .

Lauréat de la palme IFRECOR en novembre 2022, le projet Biodiversity Nursery, de 200 050 euros , est financé à hauteur de 88 % par la Fondation de France, 7 % par le Rotary et 5 % par l’association de gestion de la Réserve naturelle de Saint-Martin (AGRNSM).

« Quelques semaines après le passage d’Irma, la végétation commençait à repartir. Notre objectif était de lui donner un coup de pouce pour l’aider à reprendre des forces plus vite. Les étangs et la mangrove sont des écosystèmes interdépendants essentiels pour la survie de nombreuses espèces végétales et animales, mais aussi pour l’homme. Aujourd’hui, ils sont menacés par les activités humaines, les espèces exotiques envahissantes (EEE) et le réchauffement climatique », nous explique Vincent Oliva, responsable pédagogique à la Réserve. Pour maintenir ou améliorer l’état écologique des étangs, trois actions phares existent.

UNE PÉPINIÈRE DE PALÉTUVIERS

Située en bordure de l’étang des Salines d’Orient, la pépinière permet de récolter un maximum de graines, de les faire germer, pour ensuite repiquer les plants dans la mangrove. En 2023, 3 121 graines de palétuviers blancs ont ainsi été récoltées. « Le but étant de remettre la mangrove dans son état naturel et qu’elle puisse reprendre ses droits », précise Vincent Oliva.

REVÉGÉTALISER LA ZONE

La deuxième action consiste à remettre la zone en eau et à la revégétaliser. « Nous travaillons en partenariat avec des aires marines éducatives et des établissements scolaires. Les élèves replantent les palétuviers qui ont poussé dans notre pépinière. Ils travaillent également en amont sur la partie théorique. Cela permet de leur faire comprendre l’importance de ces écosystèmes pour qu’ils aient envie à leur tour de les protéger. »

UN SENTIER SUR PILOTIS

La troisième action porte sur la création d’un sentier de découverte sur pilotis et d’une plateforme d’observation des oiseaux ouvert au public. « Nous allons construire une salle de classe pour faire de l’éducation en plein air, sans perturber la zone. Le projet devrait voir le jour début 2025 », conclut Vincent Oliva.

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Rédaction : Sandrine Chopot
La classe AME (Aire marine éducative) de 6ème du collège Roche Gravée participe aux plantations dans la mangrove. © V. Oliva
© AGRNSM
L’étang aux Poissons, l’un des 16 étangs de la partie française de l’île.

L’hôtel Manapany, ecoresort de luxe cinq étoiles, est l’un des bénéficiaires du Fonds Tourisme Durable à Saint-Barthélemy.

SAINTBARTHÉLEMY

FONDS TOURISME DURABLE : UN COUP DE POUCE VERS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

d epuis 2021, l A c h A mbre économique multiprofessionnelle de s A int - b A rthélemy est missionnée pA r l ’A deme , qui pilote le fonds , pour A ider les A cteurs de l ’ hôtellerie et de l A restA ur Ation de l ’ île à entreprendre ou A ccélérer leur tr A nsition écologique

Ce dispositif mis en place dans le cadre de France Relance se poursuit en 2024 à Saint-Barthélemy, où la Chambre économique multiprofessionnelle (CEM) a déjà accompagné une dizaine d’établissements dans la démarche. « Nous souhaitons qu’elle se poursuive ! Accompagner les entreprises dans leurs initiatives et innovations énergétiques en faveur de l’environnement reste un enjeu et une priorité pour la CEM », rapporte Lise Perrin, chargée de mission Pêche, agriculture et Fonds Tourisme Durable à la CEM. Le fonds a vocation à proposer aux établissements d’hébergement touristique et de restauration un financement pour acquérir des équipements moins impactants pour l’environnement, mieux gérer les ressources en eau et en énergie, former le personnel, installer des panneaux photovoltaïques en autoconsommation ou encore réaliser des études d’ingénierie pour réduire les émissions de carbone.

+ d’info ici : Fonds tourisme durable

L’hôtel Manapany travaille aussi sur un projet de production d’électricité solaire via la pose de panneaux photovoltaïques, qui permettra de passer d’une autoconsommation de 7 à 10 %.

TÉMOIGNAGE

AMINE FARES, DIRECTEUR TECHNIQUE DE L’HÔTEL MANAPANY

« Labellisé Clef Verte, l’hôtel Manapany a été entièrement rénové en 2017 dans une démarche écologique, que le Fonds Tourisme Durable nous a permis de compléter. Grâce à ce soutien de l’ADEME, dont l’équipe ici est très réactive et efficace, nous avons pu installer des lave-linges économiques de classe A, effectuer le bilan énergétique de l’hôtel, ou encore ajouter une signalétique en bois sensibilisant nos clients aux économies d’eau. Notre ecoresort est une référence sur l’île en matière écologique, tout a été conçu en ce sens, nous nous engageons à tous niveaux. Par exemple, le Manapany est le seul grand hôtel de Saint-Barth à ne pas avoir de climatiseurs dans ses espaces communs et 80% de sa production d’eau chaude est solaire. Un hôtel de luxe tout en étant écolo, ça marche ! »

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Photos : © Hôtel Manapany

INTERVIEW

• Quels travaux le Fonds Tourisme Durable a-t-il permis d’effectuer à l’hôtel Christopher ?

- Tout d’abord, nous sommes très bien épaulés par les représentants de l’ADEME à Saint-Barthélemy. Lise Perrin connaît parfaitement les démarches à effectuer

et nous aide énormément dans le montage des dossiers. Ce fonds nous a permis de réaliser des investissements que nous n’aurions pas pu faire aussi vite sans aide financière. Je peux citer par exemple les panneaux solaires que nous avons fait installer sur l’un de nos bâtiments et pour lequel nous avons bénéficié d’une aide de l’ADEME à hauteur de 70 % des dépenses engagées. C’est très conséquent et incitatif 1

Nous avons aussi fait poser des films UV sur les baies vitrées des chambres, pour garder un maximum de fraîcheur et éviter le recours aux climatiseurs. Nous avons également refait nos joints de réfrigérateurs afin d’améliorer l’isolation de ces équipements.

• À Saint-Barthélemy, qui est une île dépourvue de cours d’eau, comment répondez-vous aux besoins en eau de votre clientèle ?

- Vous savez, nous sommes sur une toute petite île, Saint-Barth, c’est 21 km 2 seulement ! Nous devons essayer de gagner en autonomie, c’est pourquoi nous avons notre station de désalination d’eau de mer. Pour transformer cette eau impropre à la consommation en eau potable, l’hôtel Christopher s’est équipé en 2023 du système AQUAchiara, qui produit l’eau que

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1 Les aides de l’ADEME peuvent financer jusqu’à 80 % des projets en fonctions des actions choisies, de 5 000 € à 200 000 € de prise en charge.
Ci-dessus : l’hôtel Manapany propose 43 chambres et suites aménagées face à l’océan. Le réseau d’eau de l’ecoresort, autonome dans son approvisionnement et son traitement, ne rejette aucune eau usée dans la nature ni la mer. © Hôtel Manapany

Ci-dessus : l’hôtel Christopher, sur la pointe Milou à Saint-Barthélemy. Dans cet hôtel de luxe situé « les pieds dans l’eau » comme d’autres complexes touristiques de l’île, des efforts sont fournis pour limiter les impacts sur l’environnement. Photos de la page : © Hôtel Christopher

nous vendons à table à nos clients dans des flacons en verre réutilisables. Par ailleurs, nous récupérons les eaux de pluie dans des citernes situées sous l’établissement. Grâce à ces initiatives, durant l’année 2023 nous n’avons pas du tout consommé d’eau de ville.

• La dimension environnementale occupe-t-elle une place vraiment importante dans un hôtel de luxe comme le Christopher ?

- Absolument, car nous souhaitons limiter l’impact lié à notre activité touristique. Nous sommes fiers d’être, depuis 2021, le seul hôtel de Saint-Barthélemy labellisé Green Globe, un programme international de certification dont les critères d’attribution sont réellement exigeants en termes d’émission de gaz à effet de serre, de gestion de l’eau, de protection de la biodiversité, de gestion des déchets, d’économies d’énergie, de gestion du bruit, de qualité de l’air... Ces nombreuses démarches respectueuses de l’environnement répondent d’ailleurs aussi à une demande de notre clientèle. Enfin, nous sommes constamment en recherche d’améliorations dans ce domaine. Par exemple, nous travaillons en ce moment même à trouver une solution pour produire davantage d’électricité via l’énergie solaire.

L’hôtel Christopher s’est associé à AQUAchiara, société leader en France, pour utiliser l’eau de son usine de désalinisation impropre à la consommation et la transformer en une eau de qualité microfiltrée. Avec cette solution, l’eau arrive directement au restaurant Rivyera, sans emballage plastique ni émissions de CO2 rejetées par le transport. Rédaction

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Stéphanie
et interview :
Castre

DES PLANS NATIONAUX D’ACTIONS POUR PROTÉGER LES ESPÈCES MENACÉES

l e ministère de l A t r A nsition écologique et de l A cohésion des territoires ( mtect ) porte une politique forte de protection des espèces men A cées , notA mment grâce à un outil str Atégique opér Ationnel : le pl A n n Ation A l d ’ A ctions ( pn A), qui intègre d A ns son él A bor Ation et s A mise en œuvre l A pA rticipAtion d ’ une multitude d ’ A cteurs

Les plans nationaux d’actions (PNA) sont des documents stratégiques opérationnels qui définissent les actions nécessaires à la conservation et à la restauration des espèces de faune et de flore sauvages menacées ou faisant l’objet d’un intérêt particulier.

Cet outil de protection de la biodiversité est mobilisé lorsque les autres politiques publiques environnementales et sectorielles incluant les outils réglementaires de protection de la nature sont jugées insuffisantes pour aboutir à cet objectif.

Un PNA est coconstruit avec l’ensemble des acteurs d’un territoire – associations, gestionnaires, conservatoires botaniques nationaux, collectivités territoriales, secteur économique... – et son pilotage est réalisé par les services déconcentrés de l’État. Il s’articule autour d’un état des lieux initial, de la définition d’une stratégie et de fiches actions concrètes visant à moyen ou long terme – cinq à 10 ans – la conservation ou le rétablissement des populations des espèces concernées.

En 2016, la loi sur la reconquête de la biodiversité a prévu une priorisation des espèces endémiques les plus menacées 1, orientant les nouveaux PNA principalement vers des espèces de flore et en outre-mer. Il existe aujourd’hui 70 plans nationaux d’actions dont près d’un tiers dans les territoires ultramarins, et la Stratégie nationale biodiversité 2030 prévoit le lancement de 20 nouveaux PNA d’ici 2030.

Ces dernières années, les moyens financiers du MTECT sont en augmentation avec, durant l’année 2023, 8,7 millions d’euros consacrés aux plans nationaux d’actions et 20 millions d’euros supplémentaires mobilisés pour des projets territoriaux de mise en œuvre des PNA via le Fonds vert.

Par exemple, l’iguane des Petites Antilles (ci-dessus) et le crabier blanc (ci-dessous) ont bénéficié de plans nationaux d’actions.

LA SUCCESS STORY DU PNA EN FAVEUR DU CRABIER BLANC

1 Il s’agit des espèces classées en danger ou en danger critique d’extinction sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

« Le PNA en faveur de ce petit héron qui niche à Mayotte, Madagascar et sur les îles Europa et Aldabra dans l’océan indien a été lancé en 2019 pour une durée de cinq ans. La population de cet oiseau à Mayotte est passée de 182 couples en 2018 à 545 couples en 2023, la surveillance et le suivi des sites de reproduction dans le cadre du PNA ayant permis d’améliorer la situation de l’espèce », se réjouit François Lengrand, adjoint au chef de bureau de la chasse, de la faune et de la flore sauvages au MTECT.

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Photos : iguane des Petites Antilles. © Anaïg Dantec / ONF | Crabier blanc. © GEPOMAY

INTERVIEW CROISÉE

BRUNO LAZZARINI, CHEF DU PÔLE BIODIVERSITÉ NATURE ET PAYSAGES –DIRECTION DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’AMÉNAGEMENT ET DU LOGEMENT (DEAL) ET IRAÏS LOISEAU, CHARGÉE D’ANIMATION DES PNA FLORE

AU CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DE MARTINIQUE

• Comment sont déployés les plans nationaux d’actions (PNA) en Martinique ?

Bruno Lazzarini - La première espèce végétale qui a bénéficié d’un PNA (2021-2025) sur l’île – et aussi à l’échelle des Antilles françaises – est l’estrée de Saint-Pierre, une plante qu’on ne retrouve malheureusement plus à l’état sauvage en Martinique. Nous avons souhaité ensuite nous consacrer à des espèces menacées vivant dans des milieux mésophiles 2, qui sont des habitats vraiment très dégradés par l’activité humaine. Nous sous sommes ainsi concentrés sur deux espèces endémiques de Martinique qu’on observe sur des secteurs similaires : le cerisier montagne et l’ananas-bois, pour lesquels un PNA de rétablissement a été déployé pour cinq ans (2022-2026). La DEAL Martinique pilote ce plan, qui est rédigé et animé par le Conservatoire botanique national de Martinique (CBNMq), en collaboration avec tous les acteurs concernés du territoire.

Pour le prochain PNA, nous nous intéresserons à des espèces floristiques de ripisylves, ces forêts qui bordent les rivières, l’enjeu étant au-delà de la protection de certaines espèces endémiques, d’œuvrer en faveur d’un milieu spécifique, et donc de préserver d’autres espèces moins menacées à ce jour.

De gauche à droite : le cerisier montagne (Eugenia gryposperma) et l’ananas-bois (Aechmea reclinata), réunis dans un même PNA.

• Quelles actions sont menées sur le PNA dédié au cerisier montagne et à l’ananas-bois ?

Iraïs Loiseau - Nous travaillons sur quatre axes principaux : l’amélioration des connaissances, la conservation des espèces, la restauration des habitats pour les remettre dans un état écologique soutenable et enfin la valorisation et la communication, auprès du grand public ou des acteurs du territoire : formation des gestionnaires d’espaces naturels à la reconnaissance du cerisier montagne et de l’ananas-bois...

L’action phare réalisée à ce stade a été le travail de concertation avec la mairie du Vauclin qui a permis de proposer un dossier de mise en arrêté préfectoral de protection de biotope de la montagne du Vauclin et du sommet du morne Firmin, en cours d’étude. Nous avons bon espoir que ces actions de concertation, protection des habitats, gestion des espèces exotiques envahissantes, réintroduction des cortèges floristiques originaux améliorent, à terme, l’état conservatoire du cerisier montagne et de l’ananas-bois.

La montagne du Vauclin est l’un des très rares sites à abriter ces deux espèces végétales endémiques strictes de la Martinique. Rédaction

+ d’info ici : PNA cerisier montagne et ananas-bois

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 15
interview
Lucie Labbouz 2 La forêt mésophile, qui s’élève au-delà de 200 mètres d’altitude, est un écosystème de transition entre la forêt sèche et la forêt humide.
et
:
Photos ci-dessus : © CBNMq

MARTINIQUE

LA REVÉGÉTALISATION SYNTROPIQUE, SOLUTION À L’ÉROSION LITTORALE ?

victimes de l ’érosion, les plAges de lA commune de sAinte-luce ont depuis peu intégré un A mbitieux pl A n de revégétA lis Ation porté pA r les élus de l A municipA lité , Avec l ’ A ppui de pA rten A ires techniques o u comment les solutions fondées sur l A n Ature pourr A ient être un élément clé des politiques de protection des littor A ux .

Julie Giboyau, chargée de projet Aménagement et Développement à la mairie de Sainte-Luce l’annonce d’emblée : nul besoin d’être un spécialiste de la géodynamique pour constater le recul du trait de côte sur le littoral de la commune. Ce constat a d’abord été fait par les anciens et les usagers des plages, puis a été attesté par la comparaison de photos satellites. La mer grignote les plages, les racines des trop rares arbres sont mises à nues et certaines falaises s’effondrent. Avec le sol, ce sont des activités qui menacent de disparaître, mais aussi la préservation des écosystèmes qui est en jeu.

À la suite d’une première revégétalisation mise en œuvre en 2022, dans le cadre du projet Waliwa porté par Matthieu Norden, la municipalité a lancé une nouvelle phase de plantations en 2023, grâce à un financement du Fonds vert. L’objectif : renforcer la couverture végétale et le système racinaire sousterrain afin de mieux retenir le sol et limiter les effets de l’érosion. Et pour ce faire, c’est le concept de syntropie qui a été mobilisé, c’est-à-dire l’association de plantes diverses en forte densité pouvant occuper toutes les strates végétales et ainsi favoriser la biodiversité pour recréer des niches écologiques.

DES MICROFORÊTS SUR LES PLAGES ?

Accompagnée par la pépinière EARL Syntropique, la municipalité a mobilisé les publics scolaires pour la création d’enclos et la plantation de grands arbres, arbustes, herbacées, plantes à papillons, couvre-sol et lianes.

Le mot d’ordre était de s’appuyer uniquement sur des essences locales adaptées au milieu côtier pour recréer les couverts végétaux d’antan. Plus de 900 plants et plantes auxiliaires ont ainsi pu être mis en terre, sur neuf zones couvrant une surface de près de 3 000 m ²

La patate bord de mer par exemple, pour sa capacité à tapisser le sol ; l’olivier bord de mer comme haie brise-vent ; les robustes « poiriers-pays » et gommiers rouges pour leur résistance aux éléments marins ; et le cassia alata (Senna Alata), la verveine Caraïbes (Stachytarpheta jamaicensis) ou encore la pomme diliane (Passiflora foetidae), ces plantes à papillons destinées à attirer les pollinisateurs qui serviront aussi de proies aux espèces du milieu, participant ainsi à l’équilibre de l’écosystème.

Ci-dessus : Julie Giboyau nous présente le site, où les corridors et espaces ont été conservés pour permettre aux activités habituelles de se poursuivre. Un club d’aviron occupe l’une des anses de la plage de Gros Raisin, également fréquentée par les plagistes ainsi que des campeurs. Sans oublier les tortues marines, pour lesquelles cette plage constitue un précieux lieu de ponte. © Axelle Dorville

grandeur Nature OUTRE-MER 16

TOUS MOBILISÉS

Depuis la création des premiers enclos, les différents usagers de la plage sont intégrés au projet de revégétalisation et le seront encore davantage, élément essentiel à l’acceptation de ces changements dans leur environnement.

Le restaurateur voisin d’un enclos recycle déjà ses eaux propres en eau d’arrosage sur le premier patch revégétalisé. Quant aux agents des services techniques de la mairie, ils vont être formés à la reconnaissance et au soin des espèces plantées, mais aussi à la création de paillage pour l’amendement et la reconstitution du sol grâce à la coupe des déchets verts.

Il est également prévu d’engager des mutations dans les modes d’entretien des plages, notamment par la préservation de la laisse de mer. Une brigade citoyenne de sentinelles composée de membres d’associations et de particuliers se baladant sur le littoral devrait par ailleurs être créée, pour le suivi des plants et l’entretien des enclos.

Autre point important : la communication sera renforcée par une signalétique littorale invitant les visiteurs à découvrir les espèces présentes dans le milieu afin de permettre à chacun de s’approprier le projet et de prévenir les comportements négatifs.

Et toujours, la participation des élèves, avec l’ambition que chaque classe lycéenne adopte et gère son propre enclos. De belles perspectives pour les prochaines phases du projet, prévues entre 2024 et 2027, qui impliqueront encore davantage les partenaires techniques et institutionnels du territoire.

Rédaction : Axelle Dorville

Sur les conseils de l’EARL Syntropique créée par l’association Les jardins partagés de Gaïac, les plants sont protégés par des lattes de bambou pour prévenir l’arrachage manuel ou mécanique et assurer leur croissance. Un suivi est réalisé par l’équipe. © Axelle Dorville

Le mangle médaille ou sang-dragon (Pterocarpus officinalis), aux capacités dépolluantes, a été planté le long d’un écoulement d’eau provenant d’une bouche d’évacuation d’eau usée se déversant sur la plage. Malgré l’assaut des crabes, les plants se développent. © A.Dorville

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 17

LA VULNÉRABILITÉ DES RIVIÈRES DE MARTINIQUE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

l A ressource en e A u pour l A popul Ation du territoire m A rtiniqu A is est prélevée à 95 % des rivières. en 2022, l ’office de l ’eAu mArtinique se lAnce dAns une étude sur lA vulnérAbilité des rivières A u ch A ngement clim Atique r etour sur cette étude et le premier sémin A ire « e A u & c h A ngement clim Atique » de l A m A rtinique , org A nisé pA r l ’ ode

En tant que territoire insulaire tropical, la Martinique est particulièrement exposée au changement climatique et certaines réalités en témoignent déjà : carême marqué (exemple du carême de 2020), érosion du littoral, montée des eaux, multiplication des ouragans de catégories 4 et 5. Aujourd’hui, la hausse des températures, les vagues de chaleur, les irrégularités de la pluviométrie et d’événements extrêmes sont ressenties par la population et les écosystèmes aquatiques. Dans ce contexte, la question de l’impact du changement climatique sur les rivières de Martinique, principale ressource en eau, devait être posée.

UNE ÉTUDE INÉDITE EN MARTINIQUE

Au-delà de la sécurisation de l’alimentation en eau potable, la question de la vulnérabilité des rivières pour l’ensemble des usages – eau potable, agriculture et industrie – doit être appréhendée en considérant le changement climatique et ses impacts qui se font déjà ressentir sur la quantité de cette ressource, sur sa qualité et sur la biodiversité qu’elle abrite.

La production de cartes de vulnérabilité des rivières de Martinique au changement climatique est une première étape vers l’élaboration d’un plan concret d’adaptation « eau & climat ». L’objectif est d’éclairer les choix de politiques publiques notamment en matière d’aménagement ou de gestion de la ressource. Ces travaux se situent dans la continuité du modèle de gestion de la ressource en eau – le MGR – qui a été élaboré par l’ODE en 2022. Ces travaux livrent des outils d’aide à la décision aux instances. Cela s’inscrit dans les missions de l’ODE de connaissance et d’assistance technique.

Cette étude sur la vulnérabilité des rivières de l’île au changement climatique s’est appuyée sur trois volets :

• des cartes de vulnérabilité par enjeu des masses d’eau des rivières de Martinique ;

• l’identification des problèmes principaux à aborder en Martinique en rapport avec le changement climatique : vulnérabilité des territoires du bassin, qualité de l’eau et biodiversité aquatique ;

• des propositions d’actions.

grandeur Nature OUTRE-MER 18 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Photos de l’article : ODE Martinique
Ci-dessus, de gauche à droite : Jean-François Mauro, directeur régional Martinique de l’ADEME (Agence de la transition écologique). | Près de 130 personnes ont répondu présentes pour échanger lors du séminaire « Eau & Changement climatique » organisé le 29 février 2024 par l’ODE Martinique à Schœlcher, près de Fort-de-France.

Ci-dessus : un événement relayé par la presse locale. | L’étude a été conduite par les bureaux d’études ACTERRA, Nature & Développement et IREEDD. | Mélanie Hertemann, de Nature & Développement, a présenté la méthodologie utilisée et les résultats des travaux.

Ces cartes de vulnérabilité des rivières ont été établies sur une méthodologie déjà éprouvée en France hexagonale, mais adaptée à nos particularités tropicales. Il s’agit de croiser l’exposition d’un territoire aux facteurs climatiques à sa sensibilité pour obtenir la vulnérabilité, et ce pour un enjeu précis.

DES RÉSULTATS NUANCÉS

La vulnérabilité au changement climatique doit être évaluée selon des indices sur le bassin Martinique. Ils doivent correspondre à autant d’enjeux majeurs pour la gestion de l’eau face au changement climatique. Les enjeux pour les cours d’eau de Martinique qui ont été traités sont : la disponibilité de la ressource, la qualité des rivières et la biodiversité des cours d’eau. L’étude a démontré que la vulnérabilité des rivières varie en fonction des enjeux et des rivières.

M ichéla Adin, directrice générale de l’ODE Martinique. | Gilbert Couturier, maire du Gros-Morne, a présenté le projet de valorisation des rivières du Nord porté par CAP Nord.

Ces différents résultats sont présentés dans une synthèse consultable depuis le lien ci-dessous.

DES TRAVAUX COCONSTRUITS

L’étude a été pilotée par un comité local incluant des experts issus d’institutions partenaires : Météo-France, le BRGM, la DEAL et les collectivités locales. Un atelier des acteurs s’est réuni le 6 juin 2023 et a permis de valider ces cartes – en s’appuyant sur l’expertise et l’expérience des acteurs du territoire – et de dégager un plan d’actions locales prioritaires

UN SÉMINAIRE

« EAU & CHANGEMENT CLIMATIQUE »

Le 29 février 2024, s’est tenu à Schœlcher, près de Fort-de-France, le premier séminaire portant sur l’eau et le changement climatique, et plus précisément sur la vulnérabilité des rivières martiniquaises.

Plus de 130 personnes se sont réunies pour échanger autour de cette problématique majeure pour le territoire. Le séminaire s’est articulé en trois parties : la présentation contexte climatique du territoire, les résultats de l’étude et les exemples d’actions concrètes menées sur le territoire. Élus, acteurs, experts, usagers, étudiants et agents des collectivités ont pu prendre part aux discussions.

Ces initiatives continuent ainsi de démontrer que la Martinique s’engage sur le chemin de la résilience.

Rédaction

:

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 19
Mathilde
+ d’info ici : Synthèse des résultats de l’étude de vulnérabilité au changement climatique des rivières de Martinique Minoton / ODE Martinique
Edmont-Mariette

SORTIR DE L’INDIVISION POUR

RELANCER LES PROJETS FONCIERS EN OUTRE-MER

i nterco ’ o utre - mer s ’ implique concrètement sur le su J et de l ’ indivision . e n effet , en r A ison de successions non réglées , une pA rtie des terres d ’ outre - mer reste bloquée en indivision , souvent depuis plusieurs générAtions ces situAtions qui semblent inextricAbles génèrent leurs lots de dégr A dAtions pAys Agères , conséquences s A nitA ires et pollutions de l ’ environnement

Les territoires d’outre-mer subissent fortement les effets d’indivisions que l’on peut qualifier de « complexes ». Il s’agit principalement d’indivisions de nature successorale pour lesquelles le règlement s’avère compliqué, soit du fait d’une absence de titres prouvant la propriété ; soit du fait de difficultés comme les indivisions qui se superposent et se perpétuent, de confits entre coindivisaires, d’obstacles dans l’identification ou pour retrouver les coindivisaires… « Le problème de l’indivision nous appelle à poursuivre une réflexion commune, profonde, argumentée et efficace pour résoudre cette question difficile, mais incontournable », déclare Lyliane Piquion-Salomé, présidente d’Interco’ Outre-mer. Une indivision qui fonctionne mal peut porter atteinte à l’environnement et au paysage : enfrichement des parcelles non entretenues, multiplication de dents creuses ; biens à l’abandon favorisant l’insalubrité, maisons fermées ou dégradées...

Dans la commune de Sainte-Marie en Martinique, la parcelle 0270 illustre bien le phénomène de l’indivision avec une multitude de constructions sur un même terrain, certainement sans permis de construire. © DR

Ainsi il est rare de voir une commune d’outre-mer qui ne présente pas de situation foncière dégradée ayant pour cause une indivision. Dans un autre registre, l’indivision va freiner la production de logements et le développement urbain alors que, particulièrement dans les outre-mer, les besoins sont énormes.

Chacun peut amener sa pierre à l’édifice. La participation des différents acteurs est cruciale et Interco’ Outre-mer plaide pour des rencontres régulières entre offices notariaux et collectivités, de façon à partager les éléments du désordre foncier dans le territoire. Certaines intercommunalités, à l’instar de l’Espace Sud Martinique, mènent des actions concrètes et ciblées pour tenter de sensibiliser les administrés et les inciter à accélérer le règlement des indivisions par le biais des outils existants. Si les adaptations au droit commun ont permis des avancées, les enjeux fonciers sont tels qu’il faut aller plus loin sur plan législatif soit en innovant, soit en se rapprochant d’adaptations existantes sur d’autres territoires comme la Corse ou la Polynésie française. C’est tout le travail que mène actuellement Interco’ Outre-mer en rassemblant ses adhérents autour de propositions et de temps de travail en commun, en faveur du règlement de l’indivision dans les outre-mer.

QU’EST-CE QUE LA LOI LETCHIMY ?

La loi Letchimy du 27 décembre 2018 facilite la sortie de l’indivision afin de relancer la politique du logement en outre-mer 1. En effet, grâce à cette loi, dans le cadre des successions bloquées depuis plus de 10 ans, l’unanimité n’est plus requise pour vendre ou partager un bien. Dorénavant, la majorité suffit pour procéder à un acte de vente ou de partage chez son notaire. Cette loi permet aussi de conclure des actes patrimoniaux pour les personnes détenant au moins 51 % des droits indivis.

grandeur Nature OUTRE-MER 20 PUBLI-COMMUNIQUÉ

INTERVIEW

MAÎTRE SÉBASTIEN TRIPET, NOTAIRE EN MARTINIQUE

• Quel regard portez-vous sur les indivisions en Martinique et notamment sur leurs impacts environnementaux ?

- Ici dans certaines communes, plus de 70 % des habitants n’ont pas de titre de propriété ! L’île compte par exemple de nombreux terrains dont les anciens propriétaires sont décédés il y a très longtemps et qui n’avaient pas d’héritiers, ou bien dont les héritiers ne sont pas identifiés. Si personne ne revendique

ces parcelles en friche, qui causent des dégradations du paysage, on ne peut rien faire. D’autres terrains en indivision sont occupés par plusieurs maisons construites sans aucun titre de propriété et peut-être même sans fosses septiques, avec des eaux usées qui se déversent directement dans les ravines... Les contrôles en matière d’assainissement sont certes réalisés par les quatre intercommunalités de l’île au moment des ventes, mais par la suite peu de contrôles sont effectués. Les impacts sont écologiques mais aussi sanitaires. Il est fréquent par exemple en Martinique de voir le long des routes des maisons à l’abandon faites en fibres-ciment et dont le lent délabrement est susceptible de disperser de la poussière d’amiante.

• Qu’en est-il des outils pour régler l’indivision ?

- Il existe des outils en effet, mais c’est là où le bât blesse. Depuis 2018, la loi Letchimy 1 permet les partages et les ventes à la majorité des indiviseurs. Mais comment voulez-vous réaliser ces partages et ces ventes en l’absence de titres de propriété et si les héritiers ne sont pas connus ? Au-delà de cette loi, il faudrait effectuer des recherches poussées sur les titres de propriété, avec le concours de généalogistes, de géomètres, de notaires... Pour cela, le groupement d’intérêt public (GIP) « Sortie de l’Indivision et Titrement Martinique » a été créé en 2022. Or un unique dossier a été traité aux Antilles depuis. Il n’y a pas eu de mise en place concrète de cette organisation.

• Comment alors, selon votre expérience, tenter de trouver une solution à l’indivision ?

- On ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif... L’indivision profite à beaucoup de gens, qui échappent ainsi à la taxation foncière notamment. Il faut un changement global d’état d’esprit. Les notaires sont à la disposition des personnes, qui doivent venir les plus nombreuses possibles – parfois il y a 60 héritiers ! L’information obtenue devant son notaire peut être un fait déclencheur pour convaincre les autres héritiers de sortir d’un conflit et de régler la situation. Car disposer d’un titre de propriété permet de vendre, d’avoir un prêt bancaire, etc. Il faut communiquer surtout sur la transmission aux enfants, pour ne pas leur laisser en héritage toutes ces difficultés. Maisons à l’abandon sur des terrains

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 21
La loi Letchimy, du nom de Serge Letchimy, ancien député martiniquais et actuel président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, s’applique dans les départements et régions d’outre-mer, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
1
en indivision. © S. Tripet
Rédaction et interview : Caroline Cunisse | Stéphanie Castre

GUADELOUPE

30 ANS D’ACTION POUR LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DE L’ARCHIPEL DE GUADELOUPE

Massif de la Soufrière. © Fabien Salles /Parc national de la Guadeloupe

e n 1992, le p A rc n Ation A l de l A g u A deloupe recev A it le l A bel r éserve de b iosphère de l ’ unesco , re J oign A nt A insi le rése A u fr A nç A is qui compte A u J ourd ’ hui 16 r éserves en h ex Agone et en outre-mer. à lA veille de lA demAnde de renouvellement décennAle de ce lAbel en 2024, rencontre Avec ferdy louisy, président du pArc nAtionAl de lA guAdeloupe.

INTERVIEW

FERDY LOUISY, PRÉSIDENT DU PARC NATIONAL DE LA GUADELOUPE

• Que représente ce label pour l’archipel de Guadeloupe ?

- Les Réserves de Biosphère ont pour ambition d’expérimenter des pratiques de développement durable, à l’échelle de leur territoire, basé sur le rapport Homme/Nature. Un tel label constitue ainsi une reconnaissance internationale de notre volonté de placer le Guadeloupéen au centre de sa nature, et la nature au centre de son quotidien. La Guadeloupe s’inscrivait déjà dans une démarche d’encadrement voire d’interdiction de certaines activités humaines

dans son cœur de parc. La Réserve de Biosphère est venue en complément pour toucher les zones de l’archipel placées en dehors du cœur de parc.

• Sur quelles grandes missions le Parc national de la Guadeloupe s’est-il concentré ?

- En tant qu’animateur du label au sein de l’archipel, le Parc national de la Guadeloupe a accompagné les acteurs du territoire vers une plus grande durabilité des activités humaines, à travers des actions reconnues et préconisées par l’UNESCO. Il s’agissait dans un premier temps de créer du lien avec les secteurs économiques traditionnels tels que l’agriculture et la pêche, afin d’accompagner leur développement durable. Cela a par exemple abouti à une convention de partenariat avec le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Îles de Guadeloupe ou encore, côté agriculture, à l’attribution d’une marque de confiance au café Vanibel.

L’éducation à l’environnement a aussi été un chantier essentiel du fait de la pratique d’activités de loisirs en milieux naturels. Une charte de comportement en plongée sous-marine a notamment été conçue, ainsi que la promotion des visites palmées des fonds marins, pour une meilleure protection des coraux.

Autre point particulièrement important : la lutte contre les pollutions liées aux décharges sauvages par le biais de la police de l’environnement assurée par le Parc national.

grandeur Nature OUTRE-MER 22

Ci-dessus : pour ses 30 ans, la Guadeloupe a reçu une délégation des 16 Réserves de Biosphère françaises. Des sujets majeurs ont été abordés comme la préservation des zones humides, l’agroforesterie et le tourisme durable. | À droite : les fruits et légumes de Josy et Stéphane Diomar exempts de produits chimiques de synthèse, ou encore le miel récolté en zone de mangrove de Ma Fabrik Agro-Eco sont estampillés « Esprit Parc ». © Parc national de la Guadeloupe

Enfin, il était indispensable d’accompagner les associations locales par le financement d’initiatives dans le cadre de l’appel à projets Laliwondaj qui soutient des actions comme : le Terra Festival, festival du film de l’environnement de Guadeloupe, la Journée des oiseaux endémiques ou encore le Noël traditionnel « Nwèl Kakado » de Vieux-Habitants

• Quel bilan peut-on faire de ces 30 années de détention du titre Réserve de Biosphère ?

- Les actions sont là ! En un peu plus de 30 ans, nous avons réussi à mobiliser beaucoup de public et pas uniquement le secteur non marchand mais également les entreprises, ce qui a permis un maillage de l’ensemble du territoire. Nous avons travaillé avec toutes les communes relevant du Parc national, avec la Région, le Département, l’État, les associations et organisations patronales, la Chambre d’agriculture, les associations naturalistes, le Comité des pêches, le Cluster maritime…

Ce sont 300 projets qui ont ainsi été accompagnés depuis 2010, pour près de 1,3 million d’euros de financement accordé. En 2022, Geneviève Francius a été lauréate des trophées nationaux du MAB, pour son gîte Kotési à Pointe-Noire, qui propose un écomusée et une aire terrestre éducative. Un programme scolaire de découverte des écosystèmes marins à Basse-Terre ou les ateliers Gwajéka de fabrication de jeux traditionnels en bois font partie des projets précédemment récompensés.

On peut par ailleurs citer la mise en place sur le territoire de la marque nationale Esprit Parc, qui a permis de labelliser des produits locaux fabriqués dans le respect de l’environnement et des cultures traditionnelles. Notre ambition affichée aujourd’hui est le renouvellement de la labellisation avec l’objectif de mobiliser davantage la jeunesse dans le combat de la Terre. Dix jeunes Guadeloupéens ont pu participer au Forum des jeunes des Réserves de Biosphère de la Caraïbe en 2022. Notre seconde ambition est de passer à une échelle supérieure en classant toute la Guadeloupe en Réserve mondiale de Biosphère. C’est le cas de 21 communes sur 32 aujourd’hui. Nous travaillerons encore et toujours à ce que tous les Guadeloupéens intègrent cette démarche d’écoresponsabilité de l’archipel de la Guadeloupe.

Rédaction et interview : Axelle Dorville

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 23
1 Programme « MAB » (Man and the Biosphere) de l’UNESCO.
La Golconde, forêt marécageuse des Abymes, fait depuis 2016 l’objet d’un programme de réhabilitation. Il s’agit de lutter contre la progression du typha, espèce florale invasive qui met en danger les zones humides, par la replantation d’arbres. Plus de 8 000 arbres produits en pépinière in situ ont déjà été replantés. L’objectif est d’atteindre 1,6 hectare de forêt plantée par année. © Parc national de la Guadeloupe
grandeur Nature OUTRE-MER 24
ici l’îlet Fajou.
Réserve naturelle maritime depuis 1987, le Grand Cul-de-Sac marin est une vaste baie qui s’étend entre les deux îles principales de la Guadeloupe, sur près de 30 000 hectares (300 km2). Le site, véritable réservoir de biodiversité, est parsemé d’îlets comme
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 25
Parc national
la
2023
Il comprend également le plus long récif corallien des Petites Antilles (39 km) ainsi qu’un lagon occupé par d’importantes surfaces d’herbiers et bordé par la plus grande zone de mangrove intacte des Petites Antilles. © Laurent Juhel / Autrevue
-
de
Guadeloupe

MIEUX CONNAÎTRES LES FORÊTS

MÉSOXÉROPHILES DES ANTILLES

p A rticulièrement tr A nsformées pA r les A ctivités hum A ines , les forêts dites mésoxérophiles – c ’ est - à - dire croiss A nt dA ns des milieux secs , m A is s A ns résister toutefois A ux sécheresses extrêmes – des A ntilles font l ’ ob J et d ’ études de l A pA rt du c ir A d , A fin d ’ en A méliorer l A conn A iss A nce pour une meilleure gestion , vA loris Ation et protection .

INTERVIEW

JACQUES BEAUCHÊNE,

CHERCHEUR

EN SCIENCES DU BOIS, SPÉCIALISÉ EN ANATOMIE DU BOIS

• Dans quel état se trouvent les forêts sèches ?

- Les forêts sèches ou xérophiles des Antilles françaises regorgent d’une centaine d’espèces arborées –de diamètre supérieur à 10 cm – telles que le tendre à caillou (Parasenegalia muricata) ou le gommier rouge (Bursera simaruba).

Occupant les étages les plus bas des îles, ces forêts ont été très impactées par l’action de l’homme dans le passé, pour l’installation de cultures ou de pâturages. Certaines de ces forêts sont issues de friches agricoles qui ont environ 70 ans et qui, si elles ne sont plus autant exploitées, demeurent sensibles aux événements climatiques et notamment aux cyclones. Ma mission consiste à mieux valoriser la biodiversité ligneuse des Antilles, et de Guadeloupe en particulier.

• En quoi consiste votre travail dans ces forêts ?

- Pour ce faire, je réalise un travail de terrain destiné à mieux connaître toutes ces espèces, puis un travail de recherche pour comprendre l’histoire de leurs usages. De par leur proximité et leurs propriétés, les espèces des forêts sèches ont été régulièrement prélevées de façon à satisfaire les besoins de la vie quotidienne : l’agriculture, la construction, la pharmacopée et les petits métiers manuels.

À titre d’exemple, le gaïac vrai (Guaiacum officinale) a fait l’objet d’une surexploitation à l’époque de la colonisation, pour sa capacité à soigner la syphilis. Avant cela, les Amérindiens l’utilisaient également sous forme de poudre pour ses nombreuses propriétés médicinales. Nous allons réaliser un catalogue d’usages anciens et actuels de la forêt sèche, ainsi que des propriétés des espèces, afin d’améliorer les pratiques, voire de créer de petites filières.

C’est dans cette optique qu’il est également important pour nous de connaître les données technologiques

grandeur Nature OUTRE-MER 26 PUBLI-COMMUNIQUÉ + d’info ici : www.cirad.fr
de bois d’ébène (Rochefortia spinosa). © Cirad
Feuilles

LA VALORISATION DU BAMBOU PAR LE CIRAD ANTILLES-GUYANE

Objet d’un savoir-faire patrimonial pour la conception de chapeaux, nasses, paniers, instruments de musique et matériau de construction, le bambou (Bambusa vulgaris) est une espèce classée exotique envahissante aux Antilles qui engendre des dégâts dans les ripisylves – forêts bordant les cours d’eau – ou dans les forêts de crêtes. L’unité de recherche de Jacques Beauchêne au Cirad, ainsi que des chercheurs universitaires et des architectes cherchent à valoriser cette espèce pour l’exploiter de façon durable, sans pour autant inciter à sa reproduction. Un projet tant technologique que social, développé en partenariat avec le Parc national de la Guadeloupe. © Cirad

du bois de ces espèces, car mieux on connaît, mieux on utilise, mieux on gère et mieux on protège. Dans la pratique, nous effectuons des prélèvements en forêt dans le but d’analyser des paramètres tels que la durabilité ou encore la résistance mécanique du bois.

• La finalité est-elle aussi de partager ces données au niveau régional avec d’autres scientifiques ?

- Oui, nous travaillons avec les îles voisines de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO), dans le cadre du projet Interreg Caraïbes Biodiv 2D pour partager à la fois nos bases de données, les savoir-faire et le matériel d’étude. Après une année d’inventaires de la biodiversité forestière et agricole cultivée, une deuxième phase de trois ans permettra de caractériser génétiquement les espèces pour ensuite pouvoir partager des ressources génétiques.

Finalement, l’objectif de ces études est de conserver du lien avec ces espèces patrimoniales. Sur des territoires largement occupés par des forêts privées – qui représentent 50 % des surfaces terrestres en Guadeloupe et 66 % en Martinique – il semble primordial de sensibiliser les propriétaires à la richesse de leurs espaces forestiers, au-delà des services écosystémiques rendus, pour les inciter à les conserver.

Très dense mais relativement fragile, le bois d’ébène vert (Rochefortia spinosa) pousse sur les crêtes. Il a la capacité de résister aux cyclones en émettant de nouvelles tiges sur ou à proximité de la souche après que son tronc a été cassé. Jacques Beauchêne ambitionne de développer un projet de recherche fondamentale sur ses stratégies d’adaptation aux cataclysmes, en collaboration avec le CNRS. © Cirad

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 27
Rédaction et interview : Axelle Dorville

GUYANE

MARAIS TIGAMY : 385 NOUVEAUX HECTARES PROTÉGÉS !

m A ndAtée pA r le c onservAtoire du littor A l en 2020 pour être gestionnAire des terrAins de vidAl-tigAmy, l ’ AssociAtion kwAtA, qui Agit pour lA conservAtion de lA nAture en guyAne, gère l ’ espAce nAturel du mArAis tigAmy, une vAste Zone humide périurbAine qui s’étend sur l ’ estuAire du fleuve mAtoury. le point Avec le conservAteur du site et lA responsAble de l ’ Antenne de guyAne du conservAtoire.

INTERVIEW

BENOÎT DE THOISY, DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION KWATA ET CONSERVATEUR DU SITE

• Quel est le rôle de l’association Kwata ?

- Nous avons un double travail à mener. D’une part, à moyen et long terme, il s’agit de mettre en œuvre un plan de gestion. Cette feuille de route d’une durée de six ans – avec possibilité de reconduction automatique – doit fixer les orientations stratégiques de gestion partagées entre l’ensemble des parties prenantes. Elle comprendra un diagnostic du site pour définir les enjeux de gestion, les objectifs à atteindre et opérations à initier. Les programmes d’actions feront l’objet d’évaluations régulières par le comité de gestion. En périphérie immédiate du site, l’extension du Grand Port Maritime de la Guyane a entraîné une destruction importante de la mangrove, en particulier d’une mare de reproduction de deux espèces d’amphibiens pro-

tégés. En application de la doctrine ERC (Éviter-RéduireCompenser), le Grand Port s’est engagé à mettre en place des mesures compensatoires à travers un financement de 350 000 € sur 15 ans. Nous allons réaliser les actions identifiées dans ces mesures compensatoires.

D’autre part, à court terme, nous allons informer et sensibiliser le public à la protection du site. Nous avons aussi un rôle de « police de l’environnement ».

• Comment décririez-vous l’intérêt du site ?

- C’est un site complexe par sa taille, 385 hectares, avec des enjeux très forts car il se situe en périphérie de l’île de Cayenne, secteur fortement urbanisé. C’est un réservoir précieux pour la biodiversité. Dans le cadre des travaux d’extension du Grand Port, nous avons effectué des inventaires qui ont révélé la présence de caïmans noirs sur la zone, une espèce inscrite sur la Liste rouge des espèces menacées. Nous avons aussi identifié des bébés jaguars, des biches de palétuviers, des oiseaux, tels que des buses, perroquets, etc. Ce site revêt également un riche patrimoine historique : nous y avons découvert d’anciennes habitations coloniales. Des études sont en cours pour compléter les données archéologiques. Avec Vidal-Mondélice, puis Tigamy, Kwata est sortie de sa zone de confort. Désormais, elle gère un patrimoine naturel et culturel !

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L’association gestionnaire du site tire son nom du plus grand singe de Guyane, le kwata (Ateles paniscus).

Le tracé du petit cours d’eau qui serpente (on le devine ici en saison sèche) montre la continuité écologique entre les sites de Vidal et Tigamy.

TÉMOIGNAGE

CATHERINE CORLET, RESPONSABLE DE L’ANTENNE DE GUYANE DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

« La maîtrise foncière constitue le cœur du métier du Conservatoire du littoral. En Guyane, cela représente plus de 50000 hectares dont la gestion est confiée à des collectivités et/ou à des associations. Le 13 décembre 2023, 385 nouveaux hectares ont donc été acquis sur le marais Tigamy à Matoury, dont la gestion est assurée par l’association Kwata.

Cette acquisition sur l’île de Cayenne permet d’accroître la superficie déjà maîtrisée et d’avoir désormais un ensemble protégé d’un seul tenant de part et d’autre de la rivière Cabassou (crique Fouillée) entre les communes de Matoury et Rémire-Monjoly. Ce secteur est en train de fortement s’urbaniser avec la construction d’un écoquartier et deux opérations d’intérêt national. Des réflexions seront menées pour son ouverture au public dans le respect du site.

Par cette acquisition, le Conservatoire du littoral s’est engagé à favoriser l’accès du public aux vestiges du fort Trio, situés sur une parcelle enclavée de 1600 m2 dont la commune de Matoury est propriétaire. »

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

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Un dispositif de photo-piégeage a révélé sur le site la présence de ce jaguar juvénile, le plus gros félin des Amériques. © Association Kwata © Office de l’Eau de Guyane / Conservatoire du littoral
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les
cultivés ou périurbains. | Pécaris
blanches (Tayassu
| Martre à
grise (Eira barbara) surnommée « tayra ».
Double page : en Guyane, quelques espèces observées sur le site du marais Tigamy à Matoury, qui a fait l’objet d’une acquisition par le Conservatoire du littoral. Ci-dessus, de haut en bas : le serpent de la brousse ou liane coiffée (Thamnodynastes pallidus) fréquente parfois
espaces
à lèvres
pecari).
tête
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 31
Ci-dessus, de haut en bas : un suivi nocturne par caméra a permis de détecter le passage d’un puma. | Un jaguar juvénile a été aperçu de la même manière, autre représentant de la mégafaune des forêts guyanaises. | Le grand lophostome (Lophostoma silvicolum), une chauve-souris de taille moyenne aux oreilles très développées. | Le pic jaune (Celeus flavus). Photographies : © Association Kwata

AMÉLIORER LA GESTION DES DÉCHETS AU SURINAME, À LA FRONTIÈRE AVEC LA GUYANE

l’Agence frAnçAise de développement (Afd) A lAncé une étude de préfAisAbilité pour identifier les pr Atiques de gestion des déchets A u s urin A me et proposer des pistes d ’ A mélior Ation de l A filière , en termes de collecte et de tr A itement des déchets solides

Situé à l’ouest de la Guyane, le Suriname est un petit pays d’environ 600 000 habitants, recouvert de forêt tropicale. La gestion des déchets solides y est particulièrement problématique : on estime qu’environ 95 % de ces déchets sont concentrés en forêt, à l’extérieur des villes et villages, dans des décharges à ciel ouvert. À l’est du Suriname, de nombreux déchets sont par ailleurs déversés directement dans le fleuve Maroni, entraînant des pollutions des berges et du fleuve lui-même, ce qui vient impacter de manière directe la Guyane frontalière.

À la demande du gouvernement surinamais, l’AFD a été sollicitée pour réaliser une étude sur le développement de systèmes durables de collecte et de traitement des déchets solides à l’est du Suriname.

Consciente des enjeux environnementaux liés à la question des déchets et de l’impact d’une mauvaise gestion sur la santé, le climat, la biodiversité et les écosystèmes, l’Agence française de développement

intervient déjà dans le secteur de la gestion des déchets solides depuis le début des années 2000. De 2010 à 2020, plus de 60 projets ont ainsi été financés pour un moment total d’environ 500 millions d’euros. L’AFD soutient prioritairement la structuration des filières, tout en veillant à l’amélioration des conditions sanitaires, sociales et environnementales des populations locales.

Cette étude, financée par l’AFD à hauteur de 250 000 euros, est en cours d’élaboration et devrait être finalisée d’ici la fin de l’année 2024. Elle s’articule autour de deux grands axes : tout d’abord, une analyse de la situation actuelle pour connaître précisément les différents types de déchets et identifier les pratiques de collecte et de traitement existantes ; et une proposition de solutions pour mettre en place un système de gestion durable de déchets. Des ateliers de concertation avec les parties prenantes permettront de choisir une solution optimum ayant l’adhésion d’une majorité d’acteurs.

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L’AFD finance une étude pour
© AFD
améliorer la collecte et le traitement des déchets au Suriname qui partage sa frontière orientale avec la Guyane.

INTERVIEW

AVRIL JULIENNE, CHARGÉE DE PROJET À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT DU SURINAME

• Comment se déroule cette étude de l’AFD sur le terrain ?

- Une première mission a été réalisée fin 2023, dans le cadre de l’étude, pour échanger avec les acteurs institutionnels chargés de la gestion des déchets, dont les trois ministères surinamais concernés, ainsi qu’avec les acteurs du secteur privé et les ONG.de la filière. Nous avons alors pu définir le cadre institutionnel dans lequel s’inscrit notre travail.

En février, une seconde mission a eu lieu le long du fleuve Maroni, en coordination avec les partenaires guyanais. Ce déplacement de deux semaines a été utile pour identifier les déchets, les modes de collecte et de traitement dans les villages de Cottica, Benzdorp et Gakaba, qui se trouvent en bordure du fleuve. L’objectif global est d’avoir une vision des besoins en infrastructures de ce secteur frontalier avec la Guyane.

Petit pays situé sur le plateau des Guyanes, le Suriname génère un volume exponentiel de déchets. D’ici 2040, la population pourrait enregistrer une croissance de 25 % et générer 403 000 tonnes de déchets par an, contre 253 000 tonnes aujourd’hui. © AFD

• Quelle est l’articulation entre cette étude et celle de la Banque interaméricaine de développement (BID) ?

- L’AFD et la BID ont décidé de collaborer pour soutenir la création d’un système intégré de gestion des déchets solides dans l’est du Suriname. Chaque institution a financé sa propre étude, portant sur des aspects complémentaires. L’étude de la BID vise un renforcement institutionnel – en développant la mise en réseau des acteurs locaux par exemple – afin d’accompagner les politiques de gestion des déchets du Suriname. L’objectif étant d’instaurer sur place des normes et des lignes directrices pour réglementer le secteur. La coordination entre la BID et l’AFD va nous permettre d’acquérir une meilleure compréhension du secteur des déchets solides au Suriname.

+ d’info ici : Guide sur la gestion des déchets solides

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Rédaction et interview : Lucie Labbouz

ÎLE DE LA RÉUNION

LA BIOMASSE DANS LA CONVERSION DE L’ÎLE

AU 100 % RENOUVELABLE

Installation de production d’électricité élaborée à partir de la bagasse, résidu du broyage de la canne à sucre. © Albioma

en 2024, lA réunion devient le premier territoire frAnçAis à produire lA totAlité de son électricité viA les énergies renouvelAbles ! Aux côtés de l ’ hydrAulique et du solAire, l ’ utilisAtion de lA biomAsse reflète pArfAitement lA conversion opérée sur l ’île et les enJeux énergétiques à venir

DU FIOUL À L’HUILE DE COLZA

L’un des exemples les plus parlants de cette conversion est la centrale EDF PEI 1 de Port-Est. Après plus de deux ans d’intense préparation technique, les 12 moteurs de la centrale, qui étaient alimentés au fioul, fonctionnent désormais avec un combustible 100 % renouvelable : la biomasse liquide élaborée à partir d’huile de colza 2 . Il s’agit d’une première mondiale sur une centrale électrique d’une telle puissance, qui est de 212 mégawatts.

L’ambition principale de la filiale d’EDF étant la décarbonation au sein de tous ses sites, La Réunion avait été choisie pour débuter cette transformation après que la planification énergétique a été engagée il y a une dizaine d’années. En 2022, un essai grandeur nature opéré en Guadeloupe a confirmé avec succès que les centrales d’EDF PEI peuvent fonctionner à 100 % de charge avec de la biomasse liquide et fournir l’ensemble des services système nécessaires à la sécurité des réseaux. En couvrant en moyenne 40 % des besoins en production d’électricité de l’île, la centrale EDF PEI de Port-Est joue un véritable rôle de centrale test et ses retours d’expériences sont primordiaux pour les futures centrales bioénergie, comme celle du Larivot en Guyane, actuellement en construction et dont l’ouverture est prévue d’ici 2026. Ailleurs en outre-mer, les futures usines de biomasse liquide EDF PEI de Bellefontaine en Martinique et de Jarry en Guadeloupe devraient être quant à elles mises en service d’ici 2028.

TÉMOIGNAGE

ALEXANDRE SENGELIN, DIRECTEUR DE LA CENTRALE BIOÉNERGIE DE PORT-EST

« Chaque année, près de 200 000 tonnes d’huile sont acheminées par bateau depuis l’usine Saipol de Sète, spécialisée notamment dans la transformation de graines de colza d’import. En parallèle, EDF PEI accompagne le développement de filières locales de biomasse avec, par exemple, une utilisation possible d’huiles usagées. Le fonctionnement à la biomasse liquide permettra d’éviter d’émettre chaque année 500000 tonnes de CO2 et améliorera significativement la qualité de l’air du fait de l’absence d’émissions de soufre et d’une nette réduction des rejets de poussière ».

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1 Production électrique insulaire. | 2 Répondant aux critères de durabilité de la réglementation européenne Red II.

Adossée à la sucrerie de Bois-Rouge qui lui fournit, durant les campagnes sucrières, la bagasse nécessaire à son activité, la centrale de Bois-Rouge transforme la bagasse et les broyats verts en vapeur haute pression et en électricité. © Albioma / Drone Vidéo Production

DE L’ÉNERGIE RENOUVELABLE À L’AUTONOMIE ÉNERGÉTIQUE ?

Présent depuis une trentaine d’année, Albioma, expert en biomasse, s’est installé à La Réunion pour restructurer les usines de canne qui fermaient les unes après les autres et valoriser un résidu de canne à sucre, la bagasse, en électricité lors des campagnes sucrières qui ont lieu de juillet à novembre. L’usine de Bois-Rouge, alimentée par le charbon il y a encore deux ans en dehors des campagnes sucrières, fournit désormais de l’électricité grâce aux bois locaux et à des granulés importés d’Australie et du Canada. Les émissions de gaz à effet de serre ont pu, à la suite de cette conversion être réduites de 84 %, transport maritime de la biomasse compris.

Mais les importations étant encore trop importantes, l’idée est de rendre les centrales les plus indépendantes possibles et de créer un cercle vertueux local. Pionnière dans l’importance donnée à la biomasse, La Réunion doit faire face à des enjeux d’ordre logistique. Elle doit utiliser davantage les ressources locales pour éviter au maximum les importations lointaines et coûteuses et ainsi engager une indépendance énergétique. Outre la recherche de matières premières locales pouvant être valorisées, de nombreuses études vont dans ce sens pour parvenir à cette indépendance, à l’instar du projet « Piton des Neiges » permettant de créer de l’énergie grâce à la chaleur des sources chaudes du cirque de Salazie.

TÉMOIGNAGE

PASCAL LANGERON, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT D’ALBIOMA

« Nous travaillons avec l’ONF pour développer la filière bois d’énergie locale. On sait que 100 000 tonnes de bois pouvant être transformées en biomasse sont mobilisables sur l’île, sous forme de palettes, déchets verts, espèces invasives, bois de mauvaise qualité nuisant aux espèces endémiques... Notre but est de privilégier au maximum ce qui est disponible, ce qui générera de nouveaux emplois et contribuera à réduire la part des importations de biomasse. »

Rédaction : Pierre-Yves Fouché

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 35

L’ESPACE NATUREL SENSIBLE (ENS) DE CAP BLANC : DES DÉCOUVERTES AU FIL DE LA RIVIÈRE

r épA rtis sur toute l ’ île de l A r éunion , les e spA ces n Aturels sensibles sont de précieuses reliques de l A forêt originelle . g érés pA r des professionnels pA ssionnés de n Ature sous l A respons A bilité du d épA rtement , ils n ’ Attendent que votre visite d A ns ce numéro de l ’ e - m Ag , pA rtons à l A découverte de c A p b l A nc , seul « ens rivière » de l ’ île

Dans les Hauts de la rivière Langevin, l’ENS de Cap Blanc couvre une superficie de 460 hectares. Cet ENS offre un caractère exceptionnel de biodiversité et de paysages captivants, avec de beaux points de vue sur la cascade La Fouillée ou le morne Langevin qui domine la vallée. Au détour des sentiers, vous apercevrez des oiseaux forestiers, des insectes endémiques et plusieurs espèces indigènes longeant la rivière, comme le bois de rempart, le bois de joli cœur, le bois d’osto… Vous serez surpris par la mosaïque de patrimoines, naturel et culturel. Cet ENS permet aussi d’accéder après une longue randonnée à la région du volcan. Ouvert à tous, ce site concilie activités de loisirs et préservation des espèces indigènes et endémiques qui y vivent.

L’Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique des rivières du sud (AAPPMA-RS) vous invite ainsi à serpenter, en dehors bien sûr des périodes de fortes pluies, depuis les prés cultivés et les sous-bois jusqu’aux berges de la rivière des Sept Bras. Celle-ci, parmi les plus belles de l’île, est un lieu de reproduction de la truite arc-en-ciel, où les adeptes de la pêche en eau douce peuvent profiter d’un parcours diversifié le long de la rivière sur près de 1 600 mètres. Par ailleurs, non loin des berges, les vestiges d’un ancien village restent visibles.

L’ANCIEN VILLAGE DE CAP BLANC

Un village existait à Cap Blanc jusqu’en 1976. Il aurait été fondé dès 1775, avant d’abriter au milieu du XIX ème siècle des familles venues des environs de Saint-Joseph, attirées par l’essor du géranium. Une centaine de personnes, dont des « petits blancs des hauts » vivaient là isolées, pratiquant la culture de proximité et utilisant les fleurs de camélias, à la propriété moussante, pour se laver. Des vestiges de murets et autres enclos en pierre sèche témoignent de leurs habitations.

Elle débouche directement sur la rivière. © AAPPMA-RS

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Vestige de l’ancien village de Cap Blanc. © D. K/Bidi | Le phasme, ce long insecte phytophage (qui se nourrit de matières végétales), indigène de l’île est le roi du camouflage. © Jocelyn Céus Au village de Grand Galet, la route s’arrête. Pour atteindre Cap Blanc, il faut continuer à pied. Malgré quelques portions de ravines à franchir et passages à gué, la balade d’environ une heure est accessible à tout marcheur.

Aperçu du site, où une passerelle en bois a été installée par l’association gestionnaire pour faciliter l’accès aux visiteurs.

UNE PÊCHE À LA TRUITE TRÈS ENCADRÉE

L’ENS de Cap Blanc est un haut lieu de la pêche à la truite arc-en-ciel 1 de l’île, une activité strictement réglementée. Un permis de pêche est requis et des règles doivent être respectées : périodes d’ouverture et de fermeture, quotas, mailles biologiques (taille minimale de conservation)...

TÉMOIGNAGES

DAMIEN K/BIDI, ANIMATEUR DE L’AAPPMA-RS, CHARGÉE DE L’ENTRETIEN SUR LE SITE

« Mon métier est d’être animateur sur l’ENS de Cap Blanc, où j’organise des visites guidées du sentier. Notre association est mandatée par la Fédération départementale de pêche2, gestionnaire du site, pour entretenir les berges de la rivière et les parcelles de restauration écologique où nous recréons des miniforêts. Aux abords des sentiers, pour les sécuriser aussi, nous édifions des barrières en bois de goyavier tressé, une espèce exotique envahissante (EEE) qu’il serait difficile de transporter jusqu’en bas, car le parking est à une heure de marche. Les autres principales EEE que nous combattons sont le longose, la vigne marronne, le bringellier marron, le bois de Noël... Parmi les espèces indigènes qui repoussent naturellement, on trouve le bois de joli cœur, le café marron, le bois de corail, le petit bois d’oiseau ou encore le change-écorce, qui est l’arbre-hôte d’un magnifique insecte que j’aime faire découvrir : le phasme.

Notre équipe de sept personnes fait en sorte que le site reste propre face à un fort afflux de visiteurs. Le message à faire passer est de respecter les lieux. »

ARMAND MÉTRO, DIRECTEUR DE LA FÉDÉRATION 2

GESTIONNAIRE DE L’ENS DE CAP BLANC

« Notre fédération 2 met en œuvre les parcelles de restauration écologique, pour que les espèces exotiques envahissantes laissent place à des espèces indigènes. Nous favorisons la régénération naturelle, c’est-à-dire qu’une fois les EEE retirées, nous laissons faire la nature. Sur notre toute première parcelle, les arbres atteignent aujourd’hui une dizaine de mètres de haut ! La mise en lumière doit être progressive, il ne faut pas éliminer les EEE d’un coup car les plantes, couvertes par ces espèces, ne sont pas habituées à la lumière. Et quand la régénération fonctionne moins bien, sur les parcelles sans couvert forestier notamment, nous achetons des plants chez un pépiniériste agréé dans le cadre du plan départemental « 1 million d’Arbres pour La Réunion ». Nous organisons des chantiers de plantation participatifs en octobre lors des Rendez-Vous Natures et en mai pour la Fête de la Nature.

Notre garde-pêche assermenté veille au respect de la réglementation de pêche, contrôle les déchets, la présence de rats et les feux. La création de places à feux permettrait de canaliser la forte affluence sur le site. »

1 Les truites sont introduites au stade d’alevins (environ 1 500 par an). | 2 La Fédération départementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de La Réunion gère depuis 2008 pour le Département de La Réunion l’ENS de Cap Blanc.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 37
:
|
Castre
Rédaction et interview
Béatrice Tevanee
Stéphanie
: © AAPPMA-RS
Photos de la page

LA COOPÉRATION RÉGIONALE PORTUAIRE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

d A ns le c A dre du futur progr A mme européen interreg vi , les ports des îles du b A ssin sud-ouest de l ’océAn indien, de l’Afrique de l ’est et AustrAle mettront en œuvre des proJets de coopér Ation , notA mment pour éch A nger sur les bonnes pr Atiques environnementA les .

À la croisée de l’Asie et de l’Afrique et sur le chemin de l’Europe, l’océan Indien détient une position stratégique pour le commerce maritime mondial en termes économique et de sécurité maritime. Cependant un autre facteur est essentiel à prendre en compte : la gestion durable de ses ressources marines pour préserver les équilibres socioéconomiques et environnementaux de ses rivages. « Il faut en effet anticiper une forte augmentation des volumes d’échanges entre Asie et Afrique, ces flux étant dopés par la croissance démographique et économique du continent africain », prédit Henri Dupuis, directeur des stratégies internationale et commerciale du Grand Port Maritime de La Réunion (GPMDLR). « Les ports de la région vont donc avoir un rôle clé à jouer ». En plus, en tant que région ultrapériphérique (RUP), La Réunion a l’opportunité de bénéficier de cette réorganisation logistique qui se dessine pour devenir un acteur majeur du renforcement des liens entre l’Europe et l’Afrique.

Dans ce contexte, cette dynamique de coopération globale qui vise à être labellisée par l’Europe (INTERREG VI) renforcera les capacités des ports du Sud-Ouest de l’océan Indien, d’Afrique de l’Est et australe, en pérennisant les liens qui les unissent notamment par des échanges de bonnes pratiques et des formations en immersion pour développer les compétences de leurs salariés.

À titre d’exemple, la coopération avec les Seychelles connaît de belles réalisations. Un premier volet a porté sur le projet « Smart Port » : la Seychelles Port Authority (SPA), qui gère le port de Victoria, a ainsi bénéficié de l’expérience de Port Réunion pour digitaliser les échanges documentaires au sein de sa communauté portuaire : la SPA s’est ainsi dotée d’un « Cargo Community System » – plateforme d’échanges de données servant à suivre le fret en temps réel et facilitant les procédures douanières – et du Guichet maritime unique « Victoria Management Information System » dédié à la gestion des escales de navires.

Le second volet de cette coopération franco-seychelloise concerne le projet « Green Port ». En 2022, avec un expert du cabinet Ecomed OI, le GPMDLR a présenté à la communauté portuaire et aux instances gouvernementales seychelloises, sa démarche environnementale. Elle s’appuie sur deux piliers : le Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN) et le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PA2D). S’en inspirant, la SPA a engagé la création de son propre « SDPN » avec l’objectif d’identifier la biodiversité à protéger sur le territoire portuaire puis d’apprécier les impacts des aménagements prévus pour définir des mesures visant à les éviter, les réduire ou les compenser.

LA SEMAINE MARITIME 2024

SERA ORGANISÉE AUX SEYCHELLES

Occasion de renforcer les liens entre les ports, la Semaine Maritime, dont la dernière édition a eu lieu en 2023 à La Réunion, se tiendra aux Seychelles en septembre prochain. Cet événement rassemblant les décideurs des ports et de leurs écosystèmes a vocation à accroître la notoriété du port d’accueil, de susciter des échanges et des synergies entre les acteurs portuaires locaux, régionaux et internationaux, tout en assurant la promotion de la mixité dans les métiers portuaires et logistiques.

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Flux du transport maritime de marchandises. © Marine Traffic

TÉMOIGNAGES

JEANIC LUBANZA, CHARGÉE DE COOPÉRATION

AU GRAND PORT MARITIME DE LA RÉUNION

« Coopérer avec les Seychelles, c’est établir une relation durable entre nos deux ports, en mettant en commun nos connaissances et nos expériences. Ce cadre de pensée “win-win” est favorable au développement durable de nos activités portuaires respectives. Nous comptons apporter une expertise aux Seychelles, par exemple en matière de tri des déchets à bord des navires, et nous avons beaucoup à apprendre de ce pays insulaire, où la réglementation est très rigoureuse en matière de protection de la biodiversité.

Nous intervenons en appui-conseil sur le document qui va être élaboré par la Seychelles Port Authority pour le “Green Port”. Par ailleurs, celle-ci a fait part de son souhait d’échanger sur d’autres thématiques comme les énergies renouvelables. Les projets de croisières durables ont également été évoqués. Une étude cofinancée en 2020 et 2021 par l’INTERREG V et l’AFD avait en effet souligné l’opportunité de faire émerger les segments de croisière “luxe” et “exploration” dans l’océan Indien, moins impactants vis-à-vis des milieux naturels et nécessitant moins d’infrastructures nouvelles. »

EGBERT MOUSTACHE, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE L’AUTORITÉ PORTUAIRE DES SEYCHELLES (SPA)

« Nous nous sommes beaucoup investis dans le “Smart Port” et souhaitons à présent concrétiser le “Green Port”. Nous avons discuté de ce projet ici aux Seychelles avec notre ministère de l’Environnement, les associations de défense de la nature, les acteurs de la pêche, etc. et allons impliquer dans cette démarche le maire de Victoria. Le “Green Port” va nous aider par exemple à mieux prévenir l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes, tels les pestes végétales ou les insectes comme les scarabées qui s’introduisent dans les containers. Nous cherchons aussi à être mieux préparés face à l’élévation du niveau de la mer.

Nous allons nous rapprocher de l’Ambassade de France aux Seychelles, qui a proposé de financer une étude environnementale à réaliser par un bureau français. Sur la base des inventaires de la biodiversité marine et terrestre des Seychelles qui seront produits par cette étude, nous rédigerons ensuite notre document d’orientations. Celui-ci s’inspirera, bien qu’adapté

local, de la

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 39
à notre écosystème méthodologie du Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN) de Port Réunion. »
Rédaction : Stéphanie Castre
Visite du GPMDLR par une délégation seychelloise, avec de gauche à droite : Éric Legrigeois, directeur général du GPMDLR ; Priscille Labarrère, cheffe du service environnement et aménagement du GPMDLR ; David Bianchi, responsable du service stratégique de la SPA ; capitaine Jean-Paul Fanchette, adjoint au capitaine de port des Seychelles ; Fabrice Brunetti, commandant de port du GPMDLR ; Jeanic Lubanza (ci-dessous) et Henri Dupuis, directeur des stratégies commerciales et internationales du GPMDLR. | Visite du port de Victoria aux Seychelles par des membres du GPMDLR. © Jeanic Lubanza
LE CLUSTER MARITIME DE LA RÉUNION (CMR) FACE AUX DÉFIS DE L’ÉCONOMIE BLEUE

d epuis un peu plus d ’ un A n , le cmr s ’ implique pleinement dA ns l A mise en œuvre de deux pro J ets fin A ncés pA r le f onds d ’ intervention m A ritime : un « b A romètre » de l ’ économie bleue et une étude sur le potentiel d ’ exploitAtion de n Avires côtiers à émission Z éro c A rbone .

Fin 2022, le Cluster Maritime de La Réunion figurait parmi les heureux lauréats de deux appels à candidature lancés la même année par le Fonds d’intervention maritime (FIM) et inaugurés par le secrétaire d’État chargé de la Mer. Grâce à ce fonds de dotation visant à « atteindre les objectifs de développement durable des activités maritimes à l’échelle des façades ou des bassins ultramarins », deux projets ont pu être lancés pour accompagner le développement des activités maritimes durables à La Réunion.

Le premier projet, d’une durée de deux ans et dont le budget s’élève à 47 395 € , consiste à réaliser un baromètre de l’économie bleue, afin de mettre en place un observatoire des données de ce modèle économique sur le territoire réunionnais.

« On a recensé sur l’île 424 entités en lien avec l’économie bleue, réparties entre les services de l’État, les associations et les entreprises. Les domaines abordés comprennent : la pêche, lamaintenanceetréparation, les services portuaires et logistiques, le tourisme bleu et le nautisme, la recherche, l’environnement et la formation », indique Sébastien Camus, président du Cluster Maritime de La Réunion. « À ce stade, nous avons reçu 70 questionnaires remplis – soit 16 % de retour – et nous visons 30% », poursuit Loïc Le Foulgoc, secrétaire général du CMR.

Les premiers résultats provisoires de cette étude montrent qu’en moyenne 92 % du chiffre d’affaires des entreprises interrogées est directement lié à l’économie bleue.

grandeur Nature OUTRE-MER 40
Réunion
en
présence du secrétaire d’État à la Mer Hervé Berville.
PUBLI-COMMUNIQUÉ
Port de Saint-Gilles-Les-Bains. © Stéphanie Castre

Ci-dessus : les organisateurs du Festival de l’Océan, autre rendez-vous incontournable autour de la mer à La Réunion. | En octobre 2023, le CMR a assisté à Nouméa aux premières Assises de l’économie maritime indopacifique pour échanger entre acteurs des différents « merritoires » ultramarins sur des sujets en lien avec l’économie, la préservation de la biodiversité, la transition énergétique, l’attractivité...

RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS DE LA MER, UNE ACTION ESSENTIELLE

La Semaine des Métiers du maritime et du fluvial se déroulera du 2 au 5 avril 2024. Cet événement national de France Travail et du Cluster Maritime Français mettra en avant les opportunités d’emploi et de formation dans le maritime. Une occasion de sensibiliser aux nouveaux métiers et tendances qui émergent : énergies maritimes renouvelables, biotechnologies bleues, génie écologique côtier... Des rencontres entre demandeurs d’emplois et entreprises seront proposées à La Réunion par le CMR, qui organisera par la suite, le samedi 15 juin 2024 , la Journée de la Mer, avec présentation au public des activités maritimes et nautiques, sensibilisation à l’environnement, visites de navires...

Les acteurs des activités nautiques sont très impliqués (40 % des retours) avec une prédominance en plongée sous-marine. Il apparaît que 26 % des emplois sont occupés par des femmes, avec de grandes disparités : jusqu’à 50 % pour les activités nautiques et 55 % dans les services tertiaires, contre seulement 6 % en réparation navale.

« L’étude en cours montre aussi que chez les acteurs du tourisme bleu, 31% du chiffre d’affaires estimé est lié à l’observation des baleines – ou whale watching –avec en moyenne 135 sorties par structure dédiés aux cétacés en 2022. Ainsi le lien biodiversité et économie est fortement intriqué », analyse Sébastien Camus.

Le CMR espère pouvoir mobiliser encore davantage d’acteurs locaux, estimant avoir rencontré environ 60 % d’entre eux. Le projet est accueilli positivement, cependant le retour d’informations reste problématique et il s’avère nécessaire de relancer sans relâche les interlocuteurs.

1 Les navires de servitude sont destinés à assister les flottes professionnelles et opérationnelles.

Le second projet soutenu par le FIM, de deux ans également, est doté de 62 402 €. Il s’agit ici de rassembler des données sur les navires côtiers à La Réunion, dans la perspective de développer à leur bord des solutions « zéro carbone ». « Nous étudions les profils opérationnels de navires représentatifs des flottilles de pêche, de transport de passagers, et de servitude1 », expose Sébastien Camus. Le CMR essaie ainsi de rassembler les acteurs locaux par filière pour avancer en groupes de travail, sachant que l’étude va tenir compte du contexte spécifique de l’île : météo, durées de trajets, distances, types d’usages, activités... En parallèle, le CMR s’intéresse aux solutions technologiques appliquées ou en réflexion au niveau national. Il a par exemple participé au salon Euromaritime et rencontré des acteurs engagés : clusters, intégrateurs, bureaux d’études, armements... « Il n’existe pas une unique solution de décarbonation des navires. Ce sera en analysant nos profils que nous pourrons émettre des panels de solutions combinées pour apporter une décarbonation partielle ou totale à certains navires professionnels », conclut le président du CMR.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 41
: Stéphanie Castre
Rédaction

MAYOTTE

LE VOLCAN SOUS-MARIN

FANI MAORÉ TOUJOURS

SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Image du volcan Fani Maoré (dans le cercle) et de la ride volcanique de Mayotte, où 612 tremblements de terre non ressentis ont été enregistrés sur les stations terrestres en janvier 2024.

l es séismes en ess A ims 1 enregistrés en 2018 ont révélé l A n A iss A nce d ’ un volc A n sous - m A rin , le « f A ni m Aoré ». d epuis que le rése A u d ’ observAtion r é v o sim A A été créé , l A commun A uté scientifique reste mobilisée pour étudier et surveiller ce phénomène à l ’ œuvre à l ’ est de l ’ île .

INTERVIEW

NATHALIE FEUILLET, RESPONSABLE DE L’ÉQUIPE DE GÉOSCIENCES MARINES DE L’INSTITUT DE PHYSIQUE DU GLOBE DE PARIS (IPGP), SPÉCIALISTE EN GÉOLOGIE ET TECTONIQUE

• Pourriez-vous nous rappeler l’historique des premières missions à Mayotte ?

- En février 2019, des missions à terre et en mer ont été lancées avec le soutien du CNRS 2, du BRGM 3, de l’IPGP, de l’Ifremer et des différents ministères. Il s’agissait notamment d’installer des sismomètres de fond de mer (OBS) pour identifier la cause des séismes et estimer le risque pour la population. À l’époque, Il y avait un doute sur l’origine volcanique ou tectonique des séismes.

En mai 2019, dans le cadre de l’expédition MAYOBS1, nous avons eu la chance d’avoir le navire Marion Dufresne à notre disposition durant huit jours. Cette campagne a révélé la naissance du volcan Fani Maoré à 3 400 mètres de profondeur et à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Mayotte. Haut de 820 mètres, le volcan s’étend sur près de cinq kilomètres de diamètre. C’est un peu comme si vous recouvriez la moitié de la ville de Paris d’une épaisseur de lave atteignant plus de deux fois la hauteur de la tour Eiffel ! La campagne MAYOBS1 a permis de documenter l’éruption exceptionnelle qui a eu lieu au large de l’île le 15 mai 2018 : c’était la plus importante éruption sous-marine jamais observée.

Après cette découverte, le RéVoSIMA – Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte – a vu le jour. Depuis, plusieurs autres missions en mer se sont succédées dans le cadre de ce réseau pour observer et surveiller l’éruption ainsi que l’évolution de l’édifice volcanique.

• Quels ont été les instruments déployés et les mesures réalisées à bord ?

- Nous avons déployé des sismomètres fond de mer (OBS) pour enregistrer les séismes, les localiser et suivre l’évolution de la sismicité. Nous avons installé des capteurs de pression pour mesurer les déformations du sol. Des hydrophones ont été installés pour « écouter » les phénomènes sous-marins (séismes, interactions de la lave avec l’eau de mer). Nous avons même pu observer l’éruption en cours grâce à une caméra embarquée : le SCAMPI.

grandeur Nature OUTRE-MER 42
1 Situés de cinq à 15 km à l’est de Petite-Terre.| 2 Centre national de la recherche scientifique. | 3 Bureau de recherches géologiques et minières.
© RéVoSIMA, Feuillet et al., Nature Géosciences, 2021

De gauche à droite : lors de la campagne MAYOBS1, arrivée à bord du Marion Dufresne de la drague à roches remplie des échantillons de lave draguées sur les pentes du volcan.© Océane Foix / Université de Montpellier| CTD-Rosette déployée au-dessus du Fani Maoré, pour avoir des informations sur les paramètres physico-chimiques de la colonne d’eau au-dessus du volcan. © Isabelle Thinon / BRGM

Des données de bathymétrie – mesures des profondeurs du fond marin – ont été acquises pour observer l’évolution de la morphologie du fond océanique lors de la mise en place de nouvelles coulées. Des prélèvements d’eau de mer ont aussi été réalisés au-dessus du volcan avec des bathysondes CTDRosettes afin de mettre en évidence des anomalies physico-chimiques de la colonne d’eau. Avec les sondeurs multifaisceaux, nous avons imagé des panaches acoustiques de plus de 1 700 mètres de haut au sommet du volcan, sans doute produits par des sorties de fluides et des jets de particules.

Enfin, des échantillons de laves ont été prélevés pour comprendre leur origine et suivre leur évolution chimique et pétrologique, et ainsi avoir des informations sur les réservoirs magmatiques.

• Où en sommes-nous aujourd’hui ?

- Il n’y a plus de signe d’éruption à Mayotte depuis début 2021, mais la sismicité continue. La dernière campagne MAYOBS25, en septembre 2023, a été dédiée aux opérations courantes. Nous avons récupéré et déployé des OBS, des capteurs de pression et des hydrophones, imagé et prélevé la colonne d’eau, prélevé des échantillons de roche, cartographié le fond océanique. Aujourd’hui, si l’activité sismique a baissé, le volcan reste sous haute surveillance par le RéVoSIMA. La prochaine étape sera de mettre en place un observatoire permanent de fond de mer pour recueillir des informations en temps réel et avoir une surveillance journalière en mer au plus près du volcan.

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

Retour à bord d’un sismomètre fond de mer (OBS) après un séjour de plusieurs mois sur le fond marin. © Éric Jacques / IPGP

Dans le cadre du RéVoSIMA, une nouvelle station géophysique a été installée à Combani fin 2023, afin de densifier le réseau de surveillance de l’activité sismo-volcanique de Mayotte. © RéVoSIMA

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 43
grandeur Nature OUTRE-MER 44 « Voici une photographie du Marion Dufresne que j’ai prise en octobre 2020 au large de l’île de Mayotte dans le cadre de la mission MAYOBS15. La communauté scientifique suit d’extrêmement près les opérations de surveillance du Fani Maoré qui s’effectuent tous les ans à bord de ce navire », indique Élodie Lebas, cheffe des missions de surveillance MAYOBS | RéVoSIMA à l’IPGP. © Élodie Lebas

MAYOTTE, L’UN DES LIEUX LES PLUS EXPOSÉS AU MONDE À L’ALÉA VOLCANIQUE

Le 1 er février 2024, une délégation de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a été auditionnée à l’Assemblée nationale par la Commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer. L’IPGP « a rappelé le niveau d’activité des quatre volcans actifs d’outre-mer 1, situation inédite depuis des siècles, et souligné que les Antilles et très probablement Mayotte font partie des zones les plus exposées dans le monde à l’aléa volcanique. »

1 Réactivation importante de La Soufrière en Guadeloupe depuis 1992 ; celle de la montagne Pelée en Martinique depuis 2019 ; occurrence de deux à cinq éruptions par an au piton de la Fournaise à La Réunion ; et enfin éruption sous-marine majeure à Mayotte (2018-2021) qui a formé le nouveau volcan Fani Maoré, réactivant la zone volcanique de Mayotte après des millénaires de quiescence. Source : IPGP

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 45

LA CADEMA, À L’INITIATIVE DE SOLUTIONS POUR ENDIGUER LA CRISE DE L’EAU

f A ce à l A crise de l ’ e A u à m Ayotte , l A c ommun A uté d ’ Agglomér Ation d embéni - m A moud Z ou (cAdemA) recherche Activement des solutions AlternAtives pour gArAntir un Approvisionnement en e A u stA ble et dur A ble , indépendA nt et complémentA ire du rése A u d ’ e A u potA ble

La situation critique de la pénurie d’eau à Mayotte constitue un défi majeur, avec les « tours d’eau » qui persistent depuis cinq mois et causent des perturbations régulières dans la vie quotidienne des habitants. Les retenues collinaires de Combani et Dzoumogné, fournisseurs de 80 % de l’eau potable à Mayotte, sont aujourd’hui à un niveau historiquement bas évoquant la crise de 1997. La sécheresse de 2023 a imposé des restrictions quasi quotidiennes, parfois jusqu’à deux jours sur trois sans distribution d’eau. Cette situation récurrente, amplifiée par les effets du réchauffement climatique et la croissance démographique, génère un état de « stress hydrique chronique ».

Sous l’impulsion éclairée de son président Rachadi Saindou, la Cadema propose des solutions innovantes telles que les générateurs atmosphériques d’eau, pour répondre aux besoins pressants de la population et garantir un accès ininterrompu à cette ressource vitale.

Parallèlement, l’exploitation optimisée des eaux de ruissellement, programmée pour être opérationnelle d’ici fin 2024, émerge comme une alternative stratégique pour pallier les déficits, en tirant parti de l’abondance des ressources hydriques de l’île. Ces initiatives témoignent de l’engagement de son Président à faire de la Cadema la première intercommunalité mahoraise apportant des solutions écologiques concrètes. Le générateur, qui capte l’humidité de l’air pour produire de l’eau non potable, représente une innovation majeure. Cette approche audacieuse conjuguant protection de l’environnement et progrès social, démontre la détermination de la Cadema à façonner un avenir plus dynamique et durable pour son territoire. Sous la direction de Fabien Trifol, directeur Aménagement et Environnement, des actions ciblées, touchant près d’un tiers de la population mahoraise, visent à assurer un approvisionnement en eau stable et durable, offrant ainsi une réponse à la crise.

Le

grandeur Nature OUTRE-MER 46 PUBLI-COMMUNIQUÉ
siège de la Cadema, à Mamoudzou, est visible au deuxième plan. On aperçoit la marina et le débarcadère de la barge reliant GrandeTerre à Petite-Terre, tandis qu’en arrière-plan s’étend la forêt de mangrove de Kawéni. | Rachadi Saindou, président de la Cadema.
© CADEMA

INTERVIEW

FABIEN TRIFOL, DIRECTEUR AMÉNAGEMENT ET ENVIRONNEMENT À LA CADEMA

• L’utilisation de l’humidité dans l’air pourrait-elle être une solution à la crise de l’eau ?

- Le recours à l’hygrométrie constitue l’une des solutions. Dans une démarche de transition écologique et énergétique, la Cadema a identifié une ressource mobilisable dans l’immédiat : l’air. Par un procédé de condensation en effet, l’air permet de créer de l’eau.

À Mayotte, le taux d’humidité moyen s’élève à 85 % le jour et à 95 % la nuit ! Il y a ainsi une réserve renouvelable d’une ressource en eau. S’inscrivant dans cette dynamique, la Cadema s’est équipée de deux générateurs atmosphériques d’eau sur les deux sites de la collectivité, Mamoudzou et Dembéni. Chaque générateur produit jusqu’à 50 litres d’eau et permet à ce stade d’assurer les besoins des agents et des élus.

Par ailleurs, la Cadema souhaite faire bénéficier sa population de cette alternative et va prochainement acquérir six générateurs d’eau atmosphérique pour une production journalière minimale de 5 000 litres avec trois installations à Mamoudzou et trois à Dembéni.

Cette eau produite pourra être utilisée comme « eau ménagère » par la population. La Cadema a entamé des démarches auprès du ministère de la Santé et de l’ARS, afin d’obtenir une validation, courant 2024, qui permettrait une utilisation comme eau destinée à la consommation. Par ailleurs, l’alimentation des générateurs se fera dans un premier temps de manière électrique. Elle basculera rapidement, pour des raisons environnementales, sur un système hybride.

• À moyen terme, la Cadema souhaite utiliser les eaux superficielles comme autre alternative ?

- Le captage des eaux de ruissellement est une alternative pour approvisionner la population et les acteurs économiques en eau, le territoire regorgeant de rivières et ravines. De Hajangua aux Hauts-Vallons, la Cadema a ainsi identifié huit sites de captage potentiels. Un système de pompage, sans électricité ni coût énergétique, permettra d’effectuer ces captages superficiels et de distribuer de l’eau à la population du territoire. La mise en service des installations est prévue fin 2024.

• Sur quelle troisième alternative travaillez-vous ?

- Dans la continuité de ses services, la Cadema installe actuellement des récupérateurs d’eau qui vont être raccordés au réseau de ses deux sites administratifs de Mamoudzou et Tsararano. Ces récupérateurs seront alimentés par l’eau de pluie d’une part, et l’eau du réseau d’autre part, lorsque la première source viendra à manquer. Cette mesure, en cours de réalisation, représente une dépense de 65 000 euros, financée à hauteur de 80 % par l’État. Nous mettons ainsi en place des solutions concrètes, respectueuses de l’environnement et à un coût abordable.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 47 Rédaction et interview : Marie Jaofeno | Stéphanie Castre
50 litres
jour. © CADEMA
Cuve de 300 litres avec surpresseur. | Générateur d’eau atmosphérique GENAQ commercialisé par la société Bourbon Froid océan Indien, présent sur les deux sites administratifs de Mamoudzou et Dembéni et permettant une production d’eau de
par

LE PROJET D’USINE DE DESSALEMENT QUI INQUIÈTE

LES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES

le 14 décembre 2023, Afin d ’ Augmenter lA ressource en eAu, lA préfecture de mAyotte A déclAré une procédure d ’ urgence civile pour l A construction d ’ une usine de dess A lement à i roni b é , dispens A nt le pro J et d ’ étude d ’ imp A ct et d ’ év A lu Ation environnementA le . r encontre Avec les représentA nts des principA les A ssoci Ations m A hor A ises de défense de l A n Ature

INTERVIEW

MICHEL CHARPENTIER, PRÉSIDENT DES NATURALISTES DE MAYOTTE

• Comment expliquer que Mayotte ait subi ces derniers mois autant de coupures d’eau ?

- L’année 2023-2024 a été particulièrement déficitaire en pluie, avec -24 % par rapport aux moyennes, mais ce n’était pas non plus si extraordinaire. Nous avons connu au moins trois années – 1979, 1993 et 1997 – de pluviométrie encore plus faible. La différence, c’est qu’aujourd’hui il y a beaucoup plus de monde à Mayotte et donc plus de besoins. Après la dernière crise de l’eau de 2017, qui aurait dû nous alerter, aucune nouvelle campagne de forage n’a été faite et les Eaux de Mayotte n’ont pas mis en place de système annuel de recherche de fuites. Des experts venus sur l’île en septembre 2023 ont montré que 30 % de l’eau potable se perdait alors en fuites dans le réseau, ce qui est considérable. Nous n’avons pas été préparés au mieux à cette nouvelle crise de l’eau et avons subi les conséquences d’un manque d’anticipation.

• Pourquoi le projet d’usine de dessalement à Ironi Bé, le deuxième de l’île, vous inquiète-t-il ?

- En 2017, la principale mesure de l’urgence a été de porter la première usine de dessalement de Mayotte, en Petite-Terre, à 5 000 m3/jour. C’était un effet d’affichage immédiat pour répondre à la demande en eau qui était très forte. Je me suis dit “pourquoi pas” ; je ne suis pas opposé aux usines de dessalement et ce sera probablement indispensable d’en créer pour faire face à la croissance démographique. Mais que ce soit pour Petite-Terre en 2017 ou à présent pour Ironi Bé, avec mes confrères de MNE et de la FMAE, nous regrettons l’absence à la fois de concertation avec les acteurs de la société civile et d’étude environnementale.

Le projet à Ironi Bé ambitionne un bien plus gros débit qu’en Petite-Terre. On nous annonce une mise en service en 2025 avec, dans un premier temps, une production d’eau de 10 000 m3/jour, sachant que l’usine sera conçue pour 50 000 m3/jour 1. Là encore, je dis “pourquoi pas”, mais quelles vont être les incidences environnementales ? Le site retenu à Ironi Bé avantage les Eaux de Mayotte en termes de distribution d’eau, du fait de sa proximité du réseau. Mais tout d’abord, pour installer les canalisations de l’usine, il faudra trouer la mangrove, un habitat fragile où vit par exemple le crabier blanc, oiseau en danger d’extinction... Ensuite, et j’en viens à notre principal sujet d’inquiétude, quel sera l’impact des rejets de saumure, cette eau sursalée, sous-oxygénée, sur les organismes et animaux marins du lagon ? Il n’existe pas d’études à ce sujet, car aucun pays n’a installé d’usine de dessalement dans un lagon fermé. Je précise que l’usine de Petite-Terre rejette la saumure hors du lagon, au large. Si le site d’Ironi Bé est maintenu, il faudrait à minima déverser la saumure loin de la barrière de corail, dans un lieu de brassage. Nous appelons à la prudence, pour ne pas dégrader davantage les richesses inestimables du lagon.

grandeur Nature OUTRE-MER 48 PUBLI-COMMUNIQUÉ
1 Les besoins quotidiens en eau à Mayotte sont estimés à 42 000 m3 + d’info ici : Lettre aux ministres et élus (7 mars 2024)
Le fond de baie d’Ironi Bé, site où est prévue l’usine.

TÉMOIGNAGES

ALI MADI, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION MAHORAISE DES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES

« L’usine d’Ironi Bé ne poserait pas de problème si elle était bien faite. Or il n’y a eu ni étude d’impact ni enquête publique. Les citoyens ont un droit de regard sur ceprojet.Quandlesautoritésfontseules,c’estl’échec... Nous sommes des facilitateurs des politiques publiques et mettons à disposition notre expertise. Il faut que nos partenaires saisissent cette chance. Nous souhaitons un dialogue et comptons sur le nouveau préfet et ses équipes pour écouter notre cri du cœur sur ce dossier.

Par ailleurs, la réutilisation des eaux usées traitées a l’avantage de s’assurer du bon traitement des eaux, de protéger le lagon nourricier pour les familles mahoraises et le tourisme, car le système est souvent très défaillant et des eaux sales achèvent leur course dans le lagon. Les eaux de toiture pourraient être plus utilisées dans les écoles notamment pour les chasses d’eau, ce que font déjà la CSSM 2 et Météo-France. Enfin nous pourrions, au lieu de rendre l’ensemble de l’eau potable, en distribuer une partie à l’agriculture et au BTP, qui n’ont pas besoin d’eau propre à la consommation. Innovons et partageons l’eau ! »

HOULAM CHAMSIDINE, PRÉSIDENT DE MAYOTTE NATURE ENVIRONNEMENT

« J’ai bien peur que les solutions rapides – comme la récupération des eaux de pluie et de ruissellement, les générateurs atmosphériques, voire les usines de dessalement sous réserve d’études d’impacts préalables – ne suffisent pas. En complément, le reboisement doit être au cœur de nos actions. Mayotte subit depuis bien trop longtemps une déforestation à grande échelle qui amoindrit la pénétration de l’eau dans la terre. Dans son cheminement vers le lagon, l’eau de pluie ruisselle, ce qui accélère l’érosion des sols et emporte des pollutions qui asphyxient les coraux et nuisent aux poissons, aux tortues, etc.

Pourquoi ne pas s’inspirer du plan « 1 million d’Arbres pour La Réunion » du Département de La Réunion ? Cela pourrait se faire ici, chaque étudiant, chaque élève de Mayotte pourrait planter un arbre. Il faudrait travailler les zones tampons, entre crêtes protégées par la RNN 3 des forêts de Mayotteet zones agricoles. La pluie captée dans les sols reboisés pourrait alors recharger les nappes phréatiques, qui alimentent nos rivières, elles-mêmes sources de biodiversité... »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 49
Ci-dessus : vue sur le lagon de Mayotte et le mont Choungui. © MNE| 2 Caisse de sécurité sociale de Mayotte. | 3 Réserve naturelle nationale. Rédaction et interview : Stéphanie Castre

TAAF

LE PROJET « RÉCIFS ISOLÉS 2 »

VA ÉVALUER L’ÉTAT DE SANTÉ DES CORAUX DES ÎLES ÉPARSES

l es récifs cor A lliens des îles e pA rses sont de véritA bles témoins des ch A ngements glob A ux . p our fA ire le point sur leur étAt de s A nté , les t erres A ustr A les et A ntA rctiques fr A nç A ises , l ’ofb 1 , l ’ifrecor 2 et lA fondAtion de lA mer s ’ engAgent à trAvers le proJet récifs isolés 2.

Les îles Éparses, dispersées autour de Madagascar, font partie d’un des 36 points chauds de biodiversité à l’échelle mondiale. Ces îles sont parmi les derniers sanctuaires de biodiversité tropicale de l’océan Indien occidental disposant d’un patrimoine biologique exceptionnel et notamment d’écosystèmes récifaux dans un très bon état de conservation. De par leur isolement et une occupation humaine historiquement très limitée, ces îles sont très peu soumises aux pressions humaines directes. Elles rendent compte des effets des variations climatiques et de leurs seuls impacts sur les écosystèmes marins et insulaires. Elles représentent ainsi des sites de référence pour la communauté scientifique qui s’intéresse à l’évolution du climat, de la biodiversité et aux conséquences des changements globaux dans cette région du monde.

Le projet Récifs Isolés 2, porté par les TAAF en collaboration avec de nombreux partenaires techniques et

scientifiques, a vocation à évaluer l’état de santé des récifs coralliens des îles Éparses et de la Zélée (Mayotte), de développer un observatoire long terme et de contribuer à la mise en réseaux des aires marines protégées voisines. Il s’inscrit dans la continuité du projet « Récifs isolés » qui portait les mêmes objectifs sur le périmètre plus resserré du Parc naturel marin de Mayotte et de la Réserve naturelle nationale de l’archipel des Glorieuses et dont les résultats ont abouti à des mesures de gestion.

À travers une série de campagnes, dont les prochaines sont programmées en avril puis fin 2024, le projet vise plus spécifiquement à :

• établir, via des protocoles standardisés à l’échelle nationale ou internationale, un bilan de l’état de santé de ces récifs coralliens isolés et écosystèmes associés (mangroves et herbiers à phanérogames), cinq ans après le dernier suivi ;

grandeur Nature OUTRE-MER 50
1 L’Office français de la biodiversité. | 2 L’Initiative française pour les récifs coralliens.

Page précédente : exploration sous-marine au large d’Europa, la plus grande et riche en biodiversité des Îles Éparses. | Cidessus : plongée avec transect et photogrammétrie pendant la campagne précédente « Récifs isolés », pour mieux connaître l’état de santé des récifs aux Glorieuses. © Julien Wickel

• identifier selon leur évolution, l’effet potentiel du changement climatique – épisode de blanchissement coralliens successifs – et des rares activités humaines comme la pêche illégale aux concombres de mer ;

• tester des outils innovants pour le suivi des récifs isolés comme des approches acoustiques, génétiques (ADNe), ou de géomatique : drone, télédétection...

• partager et valoriser les résultats et conclusions de ces travaux avec les gestionnaires d’aires marines protégées de la zone et le grand public.

Les résultats issus de ces campagnes contribueront au prochain bilan global sur l’état de santé des récifs coralliens d’outre-mer piloté par l’IFRECOR. Ils permettront localement d’orienter les efforts de gestion pour protéger l’ensemble de ces écosystèmes sensibles, notamment dans la perspective du projet de classement en Réserve naturelle nationale des îles Éparses.

Rédaction et interview : Pauline Salvatico

TÉMOIGNAGE

CLÉMENT LELABOUSSE, CHARGÉ DU PLAN LOCAL IFRECOR ET GRÉGOIRE MOUTARDIER, COORDINATEUR DU PROGRAMME RÉCIFS ISOLÉS 2

« Une prochaine mission est prévue à bord du Marion Dufresne II pour l’île Tromelin. Nous nous tenons informés de l’évolution des indicateurs de température. Actuellement avec El Niño, une vague de chaleur est attendue dans la zone en mars ou avril, ce qui risque d’entraîner un blanchissement des coraux.

Avec nos partenaires, nous planifions du mieux possible nos missions en optimisant tous les paramètres : matériel, organisation des opérations hyperbares, etc. Si les travaux à effectuer sous l’eau restent assez simples, les conditions peuvent être compliquées et il faut toujours avoir un plan de secours. De retour au bureau, beaucoup de travail nous attend, pour analyser et estimer le blanchissement et ainsi l’état de santé des récifs coralliens. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 51
Sortie en mer aux Glorieuses lors du projet « Récifs isolés ». © DR

+ d’info ici : Holothuries, gardiennes méconnues des écosystèmes côtiers

grandeur Nature OUTRE-MER 52 Communément appelées « concombres de mer », les holothuries, en recyclant les sédiments, favorisent la croissance des coraux et préservent le substrat. | Petite tortue verte tentant de gagner l’océan peu après sa naissance. | Richesse d’une zone récifale à Europa. © Quentin d’Orchymont
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 53
1 700
maximum
© Alexis Cuvillier | Mise en place d’un transect,
d’un
un suivi des récifs coralliens. © GCRMN
Longue d’environ
mètres et large d’au
700
mètres, Tromelin est la seule des Îles Éparses située hors du canal du Mozambique.
c’est-à-dire
tracé linéaire sous-marin permettant

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grandeur Nature OUTRE-MER 54

TERRE OUTRE-MER

EN 2024, DE L’ACTUALITÉ DANS LES TAAF

c ette A nnée les tAA f, terres Austr A les et A ntA rctiques fr A nç A ises , vont être Au centre de toutes les Attentions. Avec tout d ’ A bord, depuis le début de l ’ A nnée, le l A ncement de leur i niti Ative pour l A recherche dA ns les îles é pA rses

La recherche scientifique est un axe fort des TAAF et cette année ce programme sera copiloté par l’administration des TAAF et le ministère en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour renforcer et accompagner la mise en place de programmes scientifiques dans ces territoires. Cette feuille de route cadre trois grands axes de recherche.

Franck Lustenberger, directeur de l’Environnement aux Terres australes et antarctiques françaises : « Le premier porte sur le développement, la mise en place et le renforcement d’observatoires et de moyens de suivi de ces écosystèmes. Ça c’est le premier point.

Le deuxième point, qui est très important, concerne la connectivité des aires marines protégées entre elles, c’est-à-dire comment ces territoires des îles Éparses, dans leur environnement régional, sont connectées physiquement et au titre du monde vivant aussi avec les territoires voisins, et comment on peut avoir des phénomènes de circulation et de migration d’espèces dans un contexte de changement climatique.

Et puis la troisième et dernière grande thématique qui est concernée dans l’Initiative recherche, c’est le sujet justement des pressions qui s’exercent sur ces milieux certes préservés, mais pour lesquels on a notamment des questions de pressions, d’usages, d’effets du changement climatique, sur lesquelles on doit travailler davantage pour mieux cibler nos objectifs de gestion ».

En juin 2021, l’archipel Glorieuses a été classé en Réserve naturelle nationale et, conformément aux annonces du président de la République Emmanuel Macron, ce classement va être étendu à l’échelle de l’ensemble des îles Éparses. « Ce sont donc les îles Éparses du canal du Mozambique et Tromelin au nord de La Réunion, qui seront à terme classées entièrement en Réserve naturelle nationale pour les espaces terrestres mais aussi pour la zone économique exclusive qui est associée à ces territoires ».

Une annonce qui devrait se faire durant la seconde moitié de l’année 2024.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT Ce texte est issu de la chronique radio « Terre Outre-mer » présentée par Caroline Marie à écouter sur La1ere.fr , l’offre numérique Outre-mer de France Télévisions
L’île de Grande Glorieuse dans les Îles Éparses. © Stéphanie Castre
: Caroline Marie
Interview
55

POLYNÉSIE FRANÇAISE

PLONGÉE DANS LE MONDE DES CÉTACÉS AVEC

L’ASSOCIATION OCEANIA !

l es e A ux polynésiennes A britent une richesse m A rine exceptionnelle , notA mment une diversité impressionnAnte de cétAcés Avec plus de 25 espèces recensées. Au cœur de lA préservAtion de ces géAnts des mers se trouve l ’ AssociAtion oceAniA, créée pAr lA cétologue chArlotte esposito.

Oceania, association de loi 1901, est basée sur l’île de Moorea en Polynésie française. Fondée en 2017 par Charlotte Esposito, elle a pour objectif d’assurer l’avenir des cétacés de Polynésie française grâce à des campagnes de prévention des collisions avec les navires assurant les liaisons entre Moorea et Papeete, à des études scientifiques, mais aussi grâce à la sensibilisation du grand public.

PRÉVENIR LES COLLISIONS : UN ENJEU VITAL

Un objectif prioritaire d’Oceania est la prévention des collisions entre les cétacés et les bateaux au travers d’un programme dénommé « Vigie Sanctuaire ». Les eaux polynésiennes, et particulièrement l’axe TahitiMoorea, sont fréquentées par de nombreux navires à passagers qui peuvent être un réel danger pour les baleines. L’association travaille ainsi en étroite collaboration avec les armateurs et met en place depuis 2018 des mesures visant à mieux comprendre et limiter les risques de collisions : notamment la surveillance accrue des zones fréquentées par les cétacés et la sensibilisation des navigateurs aux règles de navigation respectueuses de la faune marine. Chaque année, grâce à ces vigies embarquées sur les navires, des dizaines de collisions sont évitées.

grandeur Nature 56 OUTRE-MER
s’appuie sur OBSenMER, une plateforme facilitant la
en mer. + d’info ici : OBSenMER
Oceania
saisie et l’analyse des observations

CULTIVER L’AMOUR DES OCÉANS DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE

Oceania s’engage activement dans des programmes éducatifs destinés aux jeunes générations. La sensibilisation des enfants à l’importance de la conservation marine est au cœur de cette initiative. Ateliers interactifs, cours dans les écoles et sorties éducatives en mer permettent aux enfants de découvrir la beauté et la fragilité de l’écosystème marin, suscitant ainsi un amour précoce pour la préservation de l’environnement. Les enfants apprennent également à repérer des baleines à l’aide de jumelles ou à découvrir leurs chants lors d’ateliers immersifs. « Ces jeunes seront peut-être un jour embarqués sur des bateaux pour assurer la vigie ou, qui sait, deviendront à leur tour biologistes marins », souligne Charlotte Esposito.

RECHERCHE SCIENTIFIQUE : DÉCOUVRIR POUR MIEUX PROTÉGER

En parallèle, l’association s’investit dans la recherche scientifique pour approfondir la compréhension des cétacés et de leur habitat. Des études sur le comportement, la migration et la santé des baleines fournissent des données essentielles pour élaborer des stratégies de conservation efficaces. Cette recherche contribue à la protection des cétacés en Polynésie, et offre également des perspectives précieuses pour la conservation marine à l’échelle mondiale.

TÉMOIGNAGE

CHARLOTTE ESPOSITO, BIOLOGISTE MARINE, FONDATRICE ET DIRECTRICE DE L’ASSOCIATION OCEANIA

RECENSEMENT DES POPULATIONS : UNE CARTOGRAPHIE POUR LA PROTECTION

Enfin, l’association Oceania mène des missions de recensement des populations de baleines. Ces recensements permettent d’estimer la taille des populations, de suivre leur évolution et d’identifier les zones cruciales pour leur reproduction. Ces informations sont essentielles pour élaborer des plans de conservation adaptés à chaque espèce. Oceania, sous la direction passionnée de Charlotte Esposito, se positionne en tant que gardienne dévouée des cétacés en Polynésie française. Grâce à ses initiatives, l’association ouvre la voie à un avenir marin durable, où la coexistence harmonieuse entre l’homme et les cétacés est possible.

« Oceania se veut une courroie de transmission entre la science et le grand public, pour inciter les observateurs locaux à s’impliquer dans la protection des cétacés de Polynésie française et ainsi devenir des acteurs de la biodiversité. » Photographies

Rédaction : Mariane Aimar

LE PROJET VIGIE SANCTUAIRE EN QUELQUES CHIFFRES

• 614 jours de surveillance depuis 2018

• Plus de 70 000 kilomètres parcourus

+ d’info ici : https://www.asso-oceania.com/

• 3 258 observations de baleines réalisées

• 805 manœuvres d’évitements effectuées

contact@asso-oceania.com

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 57
: Association Oceania
grandeur Nature 58 OUTRE-MER
La raison d’être d’Oceania ? « Renforcer le lien entre l’homme et la nature en s’inspirant du savoir-faire local et ancestral. Oceania fait naître des projets communautaires innovants qui œuvrent pour la protection des baleines et dauphins de Polynésie française. »
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 59 L’association recherche notamment des écovolontaires : « Tu as du temps libre ? (...) Rejoins l’équipe Oceania sur une mission de huit jours pour participer au suivi et au recensement des baleines à bosse au sein du sanctuaire polynésien ». + d’info ici : Le projet AVA
Photographies : Association Oceania

NOUVELLECALÉDONIE

à n oumé A , l A commun Auté du pAcifique (cps) A présenté en février Aux communes de nouvelle- c Alédonie un nouvel outil

c A rtogr A phique qui A ide notA mment à suivre, grâce A ux données s AtellitA ires , l ’ évolution du tr A it de côte , l ’ étAt des m A ngroves ou des ressources en e A ux .

« DIGITAL EARTH PACIFIC », LA NOUVELLE PLATEFORME DE SUIVI DES CHANGEMENTS ENVIRONNEMENTAUX

À l’invitation de Vaimu’a Muliava, membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie chargé entre autres missions de l’innovation technologique, la plateforme « Digital Earth Pacific » a été présentée le 6 février à sept représentants de communes calédoniennes, au siège de la Communauté du Pacifique (CPS) qui met ce nouvel instrument au service du « caillou ».

Outil capable d’analyser les données d’observation de la Terre en les rendant accessibles et utilisables, Digital Earth Pacific propose de surveiller les évolutions environnementales liées au changement climatique. « Ce dispositif,misgracieusementàdispositiondesÉtatset

territoires du Pacifique, existe déjà en Australie, en Afrique et en Amérique du Sud. Il est destiné à assurer un suivi pour permettre aux collectivités de prendre des décisions éclairées face aux défis et aux effets du dérèglement climatique », annonce la Communauté du Pacifique dont le directeur général, Stuart Minchin, est à l’origine du projet. Dans un contexte où les pays et territoires du Pacifique se situent aux avant-postes notamment de la montée des eaux, la CPS mise sur l’opportunité d’utiliser les données géospatiales dans les politiques publiques locales, que ce soit en matière d’aménagement du territoire, d’environnement ou de gestion des risques.

grandeur Nature OUTRE-MER 60
© Digital Earth Pacific
© DEP +
La plateforme Digital Earth Pacific en est à ses débuts. Stuart Minchin a insisté sur la nécessité de travailler en partenariat avec les communes afin d’adapter l’outil DEP pour répondre à leurs besoins particuliers, en identifiant des cas d’usage supplémentaires.
d’info ici : https://digitalearthpacific.org/

Le suivi de l’évolution des zones de mangroves est l’un trois modules proposés par l’outil Digital Earth Pacific. © DEP

Présentation du Digital Earth Pacific le 6 février au siège de la CPS à Nouméa. © Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Des décennies de données satellites mettent ainsi en évidence les transformations subies par les îles du Pacifique, afin de fournir une aide à la décision face aux défis qui se posent en Océanie. Les trois modules aujourd’hui proposés invitent à visualiser au fil du temps le phénomène d’érosion qui modifie le trait de côte, mais aussi l’évolution des zones de mangroves et des espaces de ressources en eaux. La plateforme est un bien public régional en libre accès, qui sera mis à jour régulièrement par l’intermédiaire des systèmes satellitaires mondiaux.

Rédaction : Stéphanie Castre

TÉMOIGNAGE

VAIMU’A MULIAVA, MEMBRE DU GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE CHARGÉ DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE

« Digital Earth Pacific (DEP) est une plateforme donnant un accès gratuit aux institutions, notamment aux communes, à des informations permettant de mieux appréhender l’élévation du niveau de la mer, le réchauffement, les pollutions, l’état de nos sources d’eau douce... et d’anticiper au mieux les catastrophes naturelles.

Les services du gouvernement assisteront les communes dans la précision de leurs besoins pour aider les équipes de la Communauté du Pacifique (CPS) à faire évoluer au mieux la plateforme DEP pour qu’elle réponde au mieux aux besoins des collectivités : suivi du trait de côte, suivi du carbone bleu ou la surveillance en temps réel de la pêche illégale dans le Pacifique. »

61 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
© DEP
Dans les pays et territoires du Pacifique, le suivi du trait de côte est possible depuis l’an 2000 via Digital Earth Pacific, qui permet d’observer les phénomènes d’érosion et d’accrétion du littoral. | Grâce à cet outil, il est également possible de suivre les variations des niveaux d’eau.

UN APPEL À PROJETS

« SOS CORAIL » POUR PROTÉGER

ET RESTAURER LES MANGROVES

l ’ ifrecor 1 et l A f ond Ation de l A mer l A ncent , J usqu ’ A u 2 Avril 2024, un A ppel à pro J ets vis A nt à soutenir des initi Atives en fAveur de l A préservAtion des m A ngroves en outre - mer , grâce à l A pl Ateforme de fin A ncement pA rticipAtif « sos c or A il ».

Les mangroves ont perdu plus de 20 % de leur surface au niveau mondial ces 30 dernières années, en grande partie à cause des activités humaines.

En réponse à ce constat alarmant, l’IFRECOR et la Fondation de la Mer lancent un appel à projets spécifiquement dédié à la protection et à la restauration des mangroves, pour soutenir des actions de 15 000 € à 150 000 € et d’une durée de moins de trois ans. Les thématiques sont les suivantes : protéger, innover, connaître et sensibiliser. Ces projets seront financés

via le programme SOS Corail, dont l’objectif est la protection et la gestion durable des récifs coralliens, des mangroves et des herbiers dans les outre-mer français. Créé par la Fondation de la mer en partenariat avec l’IFRECOR, ce programme de mobilisation et d’appel aux dons via une plateforme de financement en ligne permet aux individus et aux entreprises de soutenir les projets sélectionnés par un comité d’experts. Depuis son lancement en mai 2021, SOS Corail a permis de collecter plus de 700 000 € pour accompagner 21 projets dans sept territoires ultramarins.

grandeur Nature OUTRE-MER 62 PUBLI-COMMUNIQUÉ
1 L’initiative française pour les récifs coralliens agit depuis 1999 pour protéger et gérer durablement les récifs coralliens et les écosystèmes associés (mangroves, herbiers) en outre-mer. | Ci-dessus : paysage de mangrove (© DR) et suivi des récifs coralliens. © Bastien Preuss

INTERVIEW CROISÉE

ALEXANDRE IASCHINE, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA FONDATION DE LA MER ET SANDRINE JOB, FONDATRICE ET MEMBRE DU COMITÉ DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION PALA DALIK

• Comment s’est mis en place le programme SOS Corail avec l’IFRECOR ?

Alexandre Iaschine - La Fondation de la Mer est née en 2015 d’une recommandation du Grenelle de la Mer, avec l’ambition d’être au service de tous les acteurs de terrain qui agissent pour la protection de l’océan. La Fondation de la Mer est partenaire de nombreuses institutions nationales et scientifiques et s’implique plus particulièrement sur les thèmes de la connaissance, de la sensibilisation des publics, de la transformation des entreprises et de la protection de l’océan.

Le programme SOS Corail a ensuite été construit avec l’IFRECOR six ans plus tard dans le but, d’une part, de communiquer et sensibiliser sur les dangers auxquels sont confrontés les récifs coralliens et, d’autre part, de soutenir et accompagner dans la durée les acteurs de terrain via le mécénat et le financement participatif. Ce programme de l’IFRECOR et de la Fondation de la Mer se positionne donc au service de la cause de la protection des océans, avec la conviction que nous avons encore, malgré l’urgence, une capacité à agir pour protéger et restaurer les écosystèmes et les espèces en danger.

• Le premier projet financé par SOS Corail a été porté par votre association Pala Dalik ?

Sandrine Job - En effet. Pala Dalik a été créée en 2011 pour faire participer la société civile au suivi de l’état de santé des récifs coralliens de Nouvelle-

Calédonie. À l’époque, on parlait peu de « sciences participatives ». Au fil des années, Pala Dalik a contribué à structurer le Réseau d’Observation des Récifs Coralliens (RORC) de Nouvelle-Calédonie, un programme de suivi des récifs réalisé par des bénévoles encadrés par des scientifiques, sur l’ensemble du territoire. L’association a également voulu répondre aux besoins des enseignants, en leur proposant des animations et des supports pédagogiques en milieu scolaire.

En 2021, à l’occasion des 10 ans de Pala Dalik, nous avons souhaité créer une exposition itinérante se basant sur les outils développés depuis 2011. L’idée était d’aller à la rencontre des publics isolés de Nouvelle-Calédonie afin de réduire les inégalités d’accès à la connaissance scientifique. Grâce au soutien reçu par SOS Corail, nous avons pu créer cette exposition itinérante légère, vivante et interactive qui propose de l’information, des jeux, de la photo, des vidéos et visites virtuelles au cœur des récifs calédoniens. L’exposition vit depuis trois ans et continue à être animée par nos nombreux bénévoles. Depuis son déploiement, elle a permis à notre association d’être présente sur une cinquantaine d’événements et de toucher près de 5 000 personnes !

+d’info ici : Nouvel appel à projets SOS Corail sur les mangroves, ouvert jusqu’au 2 avril 2024

https://ifrecor.fr/

https://www.soscorail.org/

https://www.fondationdelamer.org/

https://www.paladalik.com/

L’exposition

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 63
Rédaction et interview
Labbouz
de Pala Dalik soutenue par SOS Corail comprend des immersions en réalité virtuelle. © Sandrine Job
: Lucie

WALLIS-ET-FUTUNA

QUATRE ANS D’EFFORTS POUR PROMOUVOIR UNE PÊCHE CÔTIÈRE PLUS DURABLE

Avec l ’ Appui du progrAmme protege finAncé pAr l ’union européenne et de lA communAuté du p A cifique ( cps ), une str Atégie d ’ intervention pour une gestion dur A ble des ressources côtières A été mise en œuvre dA ns l ’ A rchipel de 2020 à 2023. l ’ heure du bil A n .

Afin de garantir un approvisionnement durable en ressources marines côtières à Wallis-et-Futuna, la Direction des services de l’agriculture, de la forêt et de la pêche (DSA) a élaboré une stratégie de gestion de quatre ans. À l’issue de ce travail qui a mobilisé de nombreux acteurs locaux, une évaluation révèle que la compréhension de l’intérêt des pratiques de pêche vertueuses a augmenté au sein de la population.

Cependant, force est de constater que la DSA n’a pas encore réussi à instaurer une gestion durable des ressources côtières à Wallis-et-Futuna. Trois ans d’efforts n’ont pas suffi à changer radicalement les mentalités ni les mauvaises pratiques de pêche comme la chasse sous-marine de nuit, l’utilisation abusive des filets ou la pêche d’espèces protégées. Des disparités sont également apparues entre les deux îles du territoire, l’absence de relais d’animation à Futuna n’ayant pas permis d’y susciter le même enthousiasme qu’à Wallis. Il est intéressant ici d’évoquer le contexte de la pêche dans l’archipel où autrefois, la vie des habitants

dépendait des ressources marines pour leur subsistance et la structuration de la société. Une évolution notable s’est produite ces dernières décennies. En effet, la part des ménages pratiquant la pêche a sensiblement diminué – passant de 35 % en 2006 à seulement 9 % en 2020 – et la consommation de poisson frais a suivi une tendance similaire 1. Ce déclin est lié à plusieurs facteurs, dont un changement dans les habitudes alimentaires, mais pourrait aussi être lié à une diminution des ressources côtières et à la dégradation des habitats côtiers 2

Néanmoins, cette dépendance aux ressources marines pourrait connaître un regain dans les années à venir, en raison de la hausse des coûts des matières premières et du transport maritime. Une politique favorisant une alimentation plus saine et locale pourrait, qui plus est, remettre le poisson au centre des préoccupations alimentaires des ménages. Garantir un approvisionnement durable en ressources marines côtières est ainsi devenu une priorité pour les autorités locales.

grandeur Nature 64 OUTRE-MER
Ci-dessus : les Journées de la pêche durable à Wallis-et-Futuna. | 1 Bouard et al. 2021. | 2 Jaugeon et Juncker 2021 ; Jaugeon et al. 2023a.

Sensibilisation à la pêche durable. | Des concours ont récompensé les pêcheurs ayant collecté le plus de données. Ces collectes ont révélé que 22 des 45 espèces évaluées à Wallis étaient surexploitées : loche camouflage, tazard rayé, grand barracuda, nason à éperons bleus...

Or à Wallis-et-Futuna, s’il existe un corpus juridique pour encadrer l’activité de la pêche, aucune mesure de gestion n’est réellement appliquée et aucun cadre durable pour la gestion des ressources récifales et lagonaires n’a été établi. C’est dans ce contexte que la DSA a élaboré une stratégie novatrice, doublée d’une campagne de communication impactante, afin d’initier un changement de paradigme dans la gestion des pêches à Wallis-et-Futuna. Cette gestion s’est voulue participative, c’est-à-dire qu’elle a intégré à chaque étape de sa mise en œuvre la population locale et tous les intervenants. Un défi majeur s’est posé au long du projet : comment promouvoir une telle gestion lorsque celle-ci n’est pas perçue comme une priorité par la majorité de la population ?

Cette perception ne favorise guère en effet l’instauration d’une gestion durable des ressources côtières. Surtout que la décrue démographique, bien que bénéfique en termes de pression de pêche, entraîne un déclin des savoirs traditionnels et de la cohésion sociale. De plus, il a été observé par la DSA plusieurs obstacles au passage à l’action : la dépendance aux subventions publiques amoindrit l’investissement des communautés

locales dans la gestion des pêches ; la complexité de l’organisation institutionnelle à Wallis-et-Futuna rend difficile la coordination des efforts de gestion ; et les conflits de gouvernance entre différentes instances peuvent entraver le processus décisionnel.

Face à ces défis, la stratégie pilotée par la DSA a permis de lancer trois principales mesures de gestion. La création tout d’abord en 2022 du Comité consultatif des pêches, qui aide par exemple la DSA à revoir la réglementation actuelle en concertation avec les pêcheurs. Par ailleurs, un projet d’aire marine coutumière de 2 km² est né dans le district de Hihifo, bénéficiant du soutien des chefferies et officiellement inauguré en octobre 2023. Troisièmement, une équipe d’écogardes informe et sensibilise maintenant les pêcheurs et le grand public sur la réglementation en vigueur. Les premières interventions auprès des chasseurs de nuit montrent que les pêcheurs exerçant cette activité connaissent mais ne respectent pas la réglementation. Ces trois initiatives prometteuses en phase de maturation restent fragiles. Elles ont besoin de soutien pour être pérennisées et avoir un impact significatif sur les ressources côtières de l’archipel.

Rédaction : Baptiste Jaugeon

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 65
+ d’info ici : Campagne « La mer notre source de vie »

fédérer l ’ outre-mer, favoriser les éChanges, mettre en lumière les aCteurs de terrain, les initiatives Pour la ProteCtion de la nature et le déveloPPement durable

pAge fAcebook « e-mAg outre-mer »

OcéIndia

Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Romy Loublier, Axelle Dorville, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Pierre-Yves Fouché, Mathilde Edmont-Mariette Minoton, Caroline Cunisse, Béatrice Tevanee, Marie Jaofeno, Pauline Salvatico, Baptiste Jaugeon, Caroline Marie Conception graphique : Océindia

ULTRAMARIN
grandeur Nature L’E-MAG
DE L’ENVIRONNEMENT
décideurs
acteurs
internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux ÉDITO | Éricka Bareigts , maire de saint-denis de La rÉunion SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON | La reLocaLisation de miqueLon MAYOTTE | protÉger Les îLots forestiers sur Les monts et crêtes SOMMAIRE 2 édito 3 actu outre-mer
Saint-Pierre-et-Miquelon
Saint-Martin 11 Saint-Barthélemy 14 Martinique 18 Guadeloupe 20 Guyane 24 Île de La Réunion 34 Mayotte 40 TAAF 46 Polynésie française 52 Nouvelle-Calédonie 54 Wallis-et-Futuna OcéIndia
UNE n°20 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT JANVIER | FÉVRIER 2024 OUTRE-MER | AU CŒUR DE LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ 2030
SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX :
publics
ultramarins de l ’ environnement académies d ’ outre-mer
5
10
grandeur Nature OUTRE-MER
OUTRE-MER

Articles inside

OUTRE-MER grandeur Nature n°21 _ mars-avril 2024

1min
page 66

Wallis-et-Futuna

5min
pages 64-65

IFRECOR

4min
pages 62-63

Nouvelle-Calédonie

4min
pages 60-61

Polynésie française

4min
pages 56-59

Terre Outre-mer

2min
pages 54-55

TAAF

4min
pages 50-53

Conseil départemental de Mayotte

6min
pages 48-49

Cadema

5min
pages 46-47

Mayotte

5min
pages 42-45

Cluster Maritime de La Réunion

5min
pages 40-41

Port Réunion

6min
pages 38-39

Île de La Réunion

6min
pages 36-37

Île de La Réunion

4min
pages 34-35

AFD

4min
pages 32-33

Guyane

5min
pages 28-31

Cirad

4min
pages 26-27

Guadeloupe

5min
pages 22-25

Interco' Outre-mer

6min
pages 20-21

ODE Martinique

5min
pages 18-19

Martinique

5min
pages 16-17

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

5min
pages 14-15

Saint-Barthélemy

5min
pages 11-13

Saint-Martin

3min
page 10

OFB

4min
pages 8-9

Saint-Pierre-et-Miquelon

3min
pages 5-7

Actu Outre-mer

4min
pages 3-4
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