OUTRE-MER grandeur Nature n°27 _ mars-avril 2025

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ÉDITO

SUPÉRIEURE DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF)

L’année 2025 marque un jalon important dans l’histoire des Terres australes et antarctiques françaises, qui célèbrent le 70e anniversaire de leur collectivité, mais également les 30 ans du Marion Dufresne II

Créée par la loi n ° 55-1052 du 6 août 1955, la collectivité des TAAF administre cinq districts s’étendant sur plus de 80 % de l’hémisphère Sud entre le 11 e parallèle dans les îles Éparses et le 66e parallèle en terre Adélie. Cela représente 20 % du domaine maritime français et 2,3 millions de km ² de zone économique exclusive (ZEE) qui octroient à la France la position de 2e puissance maritime mondiale.

Depuis 70 ans, ces territoires d’exception, qui abritent l’une des plus fortes concentrations et diversités d’oiseaux et mammifères marins au monde, accueillent chaque année, selon les bases, entre 40 et 100 personnels techniques, scientifiques et militaires chargés de préserver ces sanctuaires de biodiversité, de conduire des programmes scientifiques de première importance en matière de compréhension des changements globaux, et d’assurer la souveraineté de la France.

Ces dernières années ont permis de reconnaître la valeur exceptionnelle de ces territoires à l’échelle nationale et internationale avec l’inscription des Terres et mers australes sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en 2019 – bien universel le plus vaste au monde depuis son extension en 2024 –, la création de la Réserve nationale naturelle des Glorieuses en 2021 ou encore l’extension de la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises en 2022. Avec le projet en cours de création d’une réserve naturelle nationale à l’échelle de l’ensemble des îles Éparses, les Terres australes et antarctiques françaises seront entièrement couvertes par un statut de protection fort de l’environnement. La valeur intrinsèque de la terre Adélie est également reconnue dans le cadre du Protocole de Madrid au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement. Tout cela constitue une belle reconnaissance, mais aussi, et surtout, une grande responsabilité pour les TAAF, qui doivent garantir la protection de ces environnements exceptionnels, à travers des plans de gestion adaptés aux enjeux.

Cet anniversaire, c’est également 70 années d’aventures humaines extraordinaires qui ont laissé un patrimoine culturel riche, dont nous nous efforçons d’assurer et de valoriser la mémoire. À l’heure où nous soufflons nos 70 bougies, nous nous tournons vers les enjeux majeurs qui nous attendent pour les prochaines décennies, notamment l’adaptation de nos bases au changement climatique, qui concerne de façon très directe ces territoires : recul du trait de côte dans les îles Éparses, fonte du glacier Cook à Kerguelen à l’horizon 2100, feux de végétation... La réduction de l’impact des activités humaines dans ces territoires isolés et la décarbonation de nos moyens constituent également un enjeu fort, notamment en matière de transport maritime. Enfin, la consolidation de nos relations avec les pays du Sud de l’océan Indien et les pays signataires du Traité sur l’Antarctique permettra de garantir un cadre propice à la protection de l’environnement, à l’exploitation durable des ressources halieutiques et à la collaboration dans le domaine de la recherche scientifique.

Enfin, je saisis l’opportunité qui m’est donnée dans cet édito, pour saluer le courage des hivernants du district d’Amsterdam qui ont fait face à un violent incendie mi-janvier, et la formidable solidarité maritime qui a permis de les évacuer et les mettre à l’abri dès les premières heures de la crise.

EN 2025, LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL FÊTE SES 50 ANS !

Tout au long de l’année, le Conservatoire du littoral célèbre ses 50 ans de protection et de valorisation de nos littoraux. À cette occasion, l’établissement « souhaite mettre en pleine lumière le sens profond de sa mission de service public –protéger, valoriser, partager – ainsi que l’engagement de toutes celles et ceux qui y contribuent au quotidien afin de rendre possible l’expérience du littoral et des rivages lacustres au plus grand nombre, pour aujourd’hui et pour demain. »

ACTU OUTRE-MER

À VOS AGENDAS : 6 BALADES

LITTORALES EN OUTRE-MER

À travers de nombreux événements partout en France, le Conservatoire rend hommage au travail collectif mené depuis 1975, tout en partageant son ambition et sa stratégie pour les prochaines décennies. Il s’agit de :

• faire connaître et aimer le littoral, l’établissement et son réseau de partenaires le plus largement possible ; • valoriser l’action accomplie et continuer à fédérer ; • agir et se projeter à l’horizon 2050.

La Réunion

Le 12 avril, Cap Lahoussaye, à la découverte de la savane

Mayotte

Le 17 ou 24 mai, balade au lac Dziani et sur les plages de Moya

Saint-Martin

Le 12 juin, visite de Grande Caye

Guadeloupe

Le 18 octobre, excursion au marais de Port-Louis

Martinique

Date restant à préciser, balade nautique en mangrove

Guyane

Juin (date à préciser), découverte des pripris de Yiyi

+ d’info ici : Dossier de presse des 50 ans du Conservatoire du littoral

En haut : vue sur la savane du Cap la Houssaye, à La Réunion. | Ci-dessus, de gauche à droite : le site de Grandes Cayes, sur le littoral de SaintMartin. | Les pripris de Yiyi, un lieu d’observation de la faune et la flore des marais de Guyane, accessible à tout public. © Conservatoire du littoral

LE RELAIS DES OUTRE-MER CÉLÈBRE L’ANNÉE DE LA MER

L’année 2025 a été désignée par le président de la République comme l’Année de la Mer. Cette initiative cherche à valoriser les écosystèmes maritimes et à sensibiliser aux enjeux environnementaux, économiques et culturels qui y sont liés.

Une série d’événements vont se succéder dans le cadre du Relais des outre-mer et, chaque mois, un territoire ultramarin sera mis à l’honneur. Ces événements souligneront le rapport à la mer des territoires, la richesse de leurs cultures et patrimoines, ainsi que les enjeux de préservation de leurs espaces maritimes. Le grand public sera sensibilisé aux questions environnementales liées à l’océan.

Le Relais des Outre-mer s’est ouvert en janvier en Polynésie française avant de poursuivre sa route à La Réunion. Il est prévu qu’il valorise les TAAF en mars, la Nouvelle-Calédonie en avril, Saint-Barthélemy en mai, Guyane en juin, la Guadeloupe en juillet, puis Wallis-et-Futuna en août, Saint-Pierre-et-Miquelon en septembre, la Martinique en octobre, Mayotte en novembre et enfin, Saint-Martin en décembre.

Rappelons que la France possède le deuxième plus grand domaine maritime au monde grâce à ses territoires ultramarins, qui représentent :

• 97 % de la zone économique exclusive française (ZEE) de près de 11 millions de km2 ;

• 80 % de la biodiversité française ;

• 10 % des récifs coralliens mondiaux.

LE PRIX « JEUNES CHERCHEURS

OUTRE-MER » 2025

L’Agence française de développement (AFD) et les universités partenaires des Actes de la recherche ultramarine (ARUM) lancent la deuxième édition du prix « Jeunes chercheurs Outre-mer ». L’objectif : soutenir et valoriser le travail des jeunes chercheurs en sciences économiques et sociales qui travaillent sur les outre-mer français.

Ce prix AFD « Jeunes chercheurs Outre-mer » est organisé sous forme d’un concours vidéo inspiré de « Ma thèse en 180 secondes ». Il permet à des chercheurs – titulaires d’une thèse soutenue au cours des trois dernières années – de faire connaître leur sujet de recherche dans un langage accessible à tous, en réalisant une présentation convaincante de trois minutes dans une vidéo face caméra.

La thèse doit porter sur un sujet de recherche théorique ou empirique dans une discipline relevant des sciences humaines, économiques et sociales et doit s’intéresser à au moins un territoire ultramarin. Des sujets en lien avec le développement soutenable sur le plan environnemental et juste sur le plan social, ou encore avec les conséquences attendues du changement climatique – et ses implications en termes de stratégies d’atténuation et d’adaptation – vont être particulièrement appréciés.

Les prix seront remis le 3 juin 2025, à l’occasion de la conférence « Perspectives Outre-mer » de l’AFD. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 14 mars.

En 2023, le plan de réhabilitation des prairies débuté en 2020 a permis de produire 106 tonnes de fourrage sur 27 hectares.

SAINT-PIERREET-MIQUELON

CULTIVER L’AVENIR À MIQUELON !

A u sein de l A C olle C tivité territori A le , l A C ellule Agri Cole espAC es rur A ux et n Aturels (CA ern ) soutient les exploitA nts Agri Coles de M iquelon , en les A idA nt à AM éliorer les rende M ents et l A dur A bilité des pr Atiques l e point Ave C son respons A ble , d enis C oste

INTERVIEW

DENIS COSTE, RESPONSABLE DE LA CAERN À MIQUELON

• À travers la CAERN, la Collectivité territoriale investit pour développer la filière agricole ?

- Oui, et l’objectif est notamment d’alimenter notre marché local. En effet, aujourd’hui, plus de 95 % des produits alimentaires consommés sur l’archipel sont importés. Alors l’enjeu est, plus que jamais, de tendre vers une meilleure autonomie alimentaire. Pour cela, notre équipe apporte aux agriculteurs un soutien technique et matériel.

• Comment cela se traduit-il concrètement ?

- La CAERN possède un parc technique, dont des tracteurs et diverses machines agricoles. Elle prend en charge les opérations de préparation du sol, de fertilisation et de récolte du fourrage... Ce soutien est essentiel pour assurer la viabilité économique des exploitations locales, car aucune d’entre elles n’aurait pu supporter de tels investissements. De plus,

à la CAERN, nous assistons les exploitants dans des tâches variées : curage des étables, transport d’intrants, entretien des clôtures de prairies... Nous sommes une équipe dévouée au développement agricole.

• La « réhabilitation » des prairies porte ses fruits ?

- Les terres de Miquelon-Langlade étaient emplies de mauvaises herbes, de pissenlit et petite oseille en particulier. Cet état dégradé des sols a motivé le lancement d’un plan 2020-2025 pour améliorer les rendements et la qualité de nos prairies. La finalité est d’y produire un fourrage de qualité, de réduire les importations et d’atteindre, à moyen terme, l’autosuffisance alimentaire pour les cheptels de l’archipel. C’est en bonne voie !

Rédaction et interview : Stéphanie Castre

La CAERN s’engage aussi à valoriser les déchets de ferme et de la mer en fertilisants naturels destinés à Miquelon. Le goémon – algues marines ci-dessus – est ainsi récolté pour être transformé en compost.
Photos de l’article
© CAERN / CT de Saint-Pierre-et-Miquelon

BARTHÉLEMY

UNE PÉPINIÈRE DESTINÉE À REVERDIR PLUSIEURS SITES DE L’ÎLE

A ve C l ’ A ide de l ’ A sso C i Ation i sl A nd n Ature experienCes sAint-bArth, l’AgenCe territoriAle de l ’ environneMent (Ate) réAMénAge depuis un A n s A pépinière . d u 20 dé C e M bre à fin février , des pl A ntAtions ont eu lieu C h A que vendredi

Afin de revégétaliser certains points de l’île avec des espèces indigènes issues de sa pépinière, l’ATE a lancé des appels à participation auprès de bénévoles. Grâce à eux, tous les vendredis matins, une session de plantation a ainsi pu être mise en place. « Nos plants proviennent de graines récoltées sur l’île que l’on a fait pousser au sein de notre pépinière. Ces plants étant grands désormais, ils vont pouvoir reverdir certaines zones de l’île », explique l’ATE.

Des membres de Island Nature Saint-Barth Experiences et des bénévoles étaient mobilisés sur le terrain, lors d’une session de plantation à Toiny organisée au mois de janvier. © ATE

Par exemple, le 15 janvier, 13 espèces indigènes ont été mises en terre au Fort Carl, ce morne couvert d’une forêt littorale sèche qui domine la ville de Gustavia.

« Pour aider les plants à se plaire dans leur nouvel endroit, un réservoir a été placé sur le site afin de permettre un arrosage régulier », précise l’ATE. Le projet a par ailleurs offert l’occasion aux élèves de CM2A de Gustavia, dans le cadre de leur aire éducative, de mieux connaître la flore indigène, tout en les sensibilisant à l’importance de la préserver.

L’OYA, UN SYSTÈME D’IRRIGATION ANCESTRAL ET ÉCOLOGIQUE

« De plus, des oyas ont été installés à côté de chaque plante », ajoute l’ATE. Enterré près des végétaux, puis rempli d’eau, l’oya est un pot en argile cuite poreuse utilisé pour diminuer les quantités d’eau nécessaires à l’arrosage. Distillée par capillarité à travers la matière poreuse du pot, l’eau contenue dans l’oya ne s’écoule en effet que si la terre est sèche. Les racines des plantes vont alors naturellement se diriger autour de l’oya pour absorber l’humidité qui s’en dégage et dont elles ont besoin.

Selon Tiphanie Lelong, qui pilote le projet, « réintroduire des espèces indigènes comme les plantes à fleurs Cordia dentata et Eugenia ligustrina, ou encore l’arbuste Jacquinia berteroi en danger d’extinction en France, cela permet de sensibiliser à la richesse de notre biodiversité et de recréer un habitat adapté à la faune indigène. En 2025, c’est autant que possible de nos espèces sensibles et protégées que l’on souhaite réintroduire dans le milieu. »

Déjà utilisés il y a 4 000 ans en Chine, les oyas, pots en terre cuite poreux, présentent l’avantage de diffuser de l’eau de façon continue, en fonction des besoins de la plante. Ici, une installation au Fort Carl. Ce type d’initiative vise à revégétaliser certaines zones sèches de l’île. © ATE

En 2024, 72 sociétés, essentiellement françaises, ont été autorisées à exercer dans la RNN de Saint-Martin, notamment dans ces domaines d’activité : day charter, location de navire, de kayaks... © RNNSM

SAINT-MARTIN CANDIDATER

POUR EXERCER UNE ACTIVITÉ COMMERCIALE

EN RÉSERVE NATURELLE

p our exer C er une ACtivité Co MM er C i A le dA ns l A r éserve n Aturelle n Ation A le de s A int -M A rtin , il Convient de déposer s A CA ndidAture et de répondre à une « C h A rte de bonne Conduite », le prin C ipe étA nt de respe C ter l A règle M entAtion environne M entA le en vigueur . l e point Ave C A shley d A niel , en C h A rge de C es dossiers de pA rten A ri At Ave C les AC teurs é Cono M iques

Tous les ans, le public est avisé du renouvellement de la procédure permettant d’obtenir l’autorisation annuelle de pratiquer une activité commerciale, qu’elle soit maritime ou terrestre, au sein de la Réserve naturelle de Saint-Martin (et de Saint-Barthélemy).

Le dépôt de dossier inclut les pièces administratives prouvant la conformité réglementaire – française et/ ou internationale – de l’activité concernée. La sélection des dossiers est réalisée par un comité technique auquel participent le gestionnaire de la Réserve et les services de l’État. L’autorisation est valable un an, mais peut être suspendue en cas d’irrégularités constatées par le gestionnaire ou les autorités compétentes. Tout constat d’activité commerciale non autorisée au sein d’une réserve naturelle entraîne des poursuites administratives ou pénales.

Rédaction : Stéphanie Castre

TÉMOIGNAGE

ASHLEY

DANIEL, CHEFFE DES GARDES À LA RÉSERVE NATURELLE NATIONALE DE SAINT-MARTIN

« Les professionnels n’ayant pas obtenu d’autorisation fin 2024 ont été invités à candidater avant le 31 janvier. Les autorisations délivrées seront valables jusqu’au 31 octobre 2025. Parmi les règles à respecter, on peut citer l’interdiction d’ancrer dans l’herbier, de chasser, pêcher, nourrir les poissons, détruire les récifs coralliens, de mettre de la musique ou encore d’utiliser des drones. À ce jour, le nombre de bateaux n’est pas limité dans la Réserve, mais chacun d’entre eux ne peut embarquer plus de 28 passagers. »

MARTINIQUE

LA COMMUNE

DE BASSE-POINTE

LANCE UN CRI D’ALARME !

l e 16 dé C e M bre 2024, à b A sse - p ointe , un pA n de l A fA l A ise s ’ est effondré sur plus de deux Mètres de lArge, touChAnt pArtielleMent une h A bitAtion . p our l A M uni C ipA lité , il est urgent d ’ Agir ! le point AveC philippe truCA, le MA ire A djoint délégué à l ’ AM én A ge M ent territori A l pour l A MA irie de b A sse - p ointe

INTERVIEW

PHILIPPE TRUCA, ADJOINT AU MAIRE DE POINTE-BASSE, DÉLÉGUÉ À L’AMÉNAGEMENT TERRITORIAL

• Quelle est la situation à laquelle est confrontée la municipalité ?

- Il est important de rappeler que la commune de Basse-Pointe est située sur la façade atlantique et donc très exposée aux vagues de l’océan qui attaquent les falaises où sont érigées de nombreuses habitations. Les phénomènes pluvieux étant de plus en plus fréquents, on observe des glissements de terrain qui ne font qu’amplifier l’érosion. La déstabilisation des sols fragilise les habitations et les infrastructures. La situation des quartiers Hackaert et Tapis Vert s’avère aujourd’hui très préoccupante.

• Un constat qui ne date pas d’hier ?

- En effet, ce contexte est connu depuis de nombreuses années. Il y a sept ans, à la suite d’une étude réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nous avions déjà fermé une crèche du quartier Hackaert, qui présentait un danger pour la sécurité des enfants et du personnel.

le 16 décembre. Ce glissement de terrain localisé a fragilisé les fondations de la maison photographiée ici et témoigne de l’urgence à évacuer la quinzaine d’habitations à risque.

• Selon vous, il y a donc urgence à agir ?

- Tout à fait. Si, à présent, une quinzaine d’habitations est menacée, ce chiffre pourrait augmenter, touchant partiellement une cinquantaine de foyers.

Les falaises s’élevant à près de 30 mètres, la vie des habitants se trouve en péril. Dans l’une des maisons à proximité immédiate, un mur de cuisine ne tient que grâce aux racines d’un arbre, le sol n’est plus droit, on passe la main à travers les fissures du mur...

La priorité est de mettre les habitants en sécurité et de leur trouver un logement qui corresponde à leurs attentes. Ce qui n’est pas chose facile, car il s’agit de personnes âgées, installées depuis parfois plus de 30 ans, habituées à leur environnement et qui se trouvent souvent dans des situations très précaires.

• Dans ce contexte, quelles solutions concrètes avez-vous pu identifier ?

- En collaboration avec la DEAL, ainsi que l’École nationale supérieure de paysage (ENSPV) et l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Est, nous travaillons sur des projets de planification, afin de trouver des solutions adéquates.

Dans le cadre de la loi Climat et résilience, dont l’objectif est d’atteindre le « zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 », la mairie a proposé de restaurer des maisons abandonnées – pour cause d’indivisions – ce qui éviterait de construire sur des terrains agricoles.

Cette proposition pragmatique a été soumise à la délégation ministérielle qui s’est déplacée dans notre commune le 16 janvier dernier pour constater les dégâts, rencontrer les habitants, obtenir des données chiffrées et prendre des photographies sur site.

• À quelles difficultés se heurte la mairie ?

- La commune a à la fois besoin de financement et d’ingénierie. Elle ne peut se substituer à l’État. Notre équipe municipale souhaite une simplification des procédures pour pouvoir accélérer les choses et obtenir des actions concrètes. Nous ne pouvons plus attendre, car la vie des habitants est menacée !

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

Deux inspecteurs de l’Hexagone se sont rendus sur le site le 16 janvier pour proposer une stratégie de recomposition spatiale.

Sous l’effet de l’érosion du littoral, un pan de la falaise du quartier Haut du Morne s’est effondré

L’UPCYCLING AU SERVICE DE L’ART, DU DÉVELOPPEMENT ET DE L’OCÉAN EN MARTINIQUE

l e projet « f ilets du futur : M ode dur A ble et se C onde C h A n C e », fin A n C é p A r l ’A gen C e

fr A nç A ise de développe M ent (A fd ), A vo CAtion à C réer une C olle C tion de M ode dur A ble en M A rtinique i l utilise des MAtéri A ux up C y C lés en lien A ve C l ’ o C é A n et ACC o M p A gne l A réinsertion so C ioprofessionnelle de sept fe MM es en situ Ation de pré CA rité

Le fonds Metis est un dispositif de l’AFD qui soutient des initiatives artistiques visant l’atteinte des Objectifs de développement durable. En vue de la conférence « Océan » des Nations unies qui se déroulera à Nice en juin prochain, Metis a lancé un programme ciblant cette thématique.

DES FEMMES D’ANTILLES ET D’AILLEURS…

En Martinique, l’ONG féministe D’Antilles et D’Ailleurs agit pour l’égalité des sexes en accompagnant et formant les populations vulnérables. Elle facilite l’insertion socioprofessionnelle des femmes et des jeunes filles victimes de violence et d’exploitation sexuelle, dont la majorité ont vécu des migrations intracaribéennes.

… ENGAGÉES POUR LA MODE DURABLE

Les sept femmes impliquées dans le projet « Filets du futur » suivent une formation en couture au sein de l’atelier « Made in Women ». Les designeuses Jaddict et Alba Royo se sont inspirées des parcours de ces personnes pour créer des tenues qui portent leurs récits et, au-delà, font résonner la voix des femmes confrontées à la violence et à la vulnérabilité. La collection s’ancre également dans une rencontre : celle des femmes de l’atelier avec les acteurs du milieu marin de l’île. Leurs échanges autour de la gestion des déchets et de la fabrication de filets de pêche ont donné naissance à des pièces uniques, confectionnées à partir de matériaux récupérés auprès des pêcheurs et des centres nautiques, tels des filets, bouées, voiles ou déchets marins. Une manière de tisser des liens entre leurs réalités, tout en insufflant une nouvelle vie à ces éléments.

QU’EST-CE QUE L’UPCYCLING ?

Cette tendance de l’économie circulaire – qui signifie littéralement « recycler par le haut » – consiste à valoriser des produits usagés ou en apparence inutiles, en leur donnant une qualité ou une utilité supérieure.

DES PARCOURS DE VIE LIÉS À L’OCÉAN

Si cette collection illustre le récit de sept femmes, elle incarne plus largement le lien de toute une île à l’océan qui la borde. Intimement entrelacé à leurs histoires et à la mémoire vive des migrations, inexorablement lié à l’avenir de leurs territoires et aux défis climatiques, l’océan est ainsi le fil conducteur de cette initiative.

La clôture du projet aura lieu en juin, dans la dynamique de la conférence des Nations unies sur l’Océan. L’organisation d’un défilé de mode en Martinique offrira alors l’occasion de présenter une dizaine de créations du projet « Filets du futur » et de sensibiliser à la protection des océans, à la lutte contre les violences faites aux femmes et pour l’égalité des sexes.

Des pêcheurs martiniquais ont participé à ce projet socioartistique, à travers notamment la fourniture de filets de pêche usagés.

INTERVIEW CROISÉE

CAMILLE GUIGONNET, CHARGÉE DE PROJETS RÉGIONAUX À LA DIRECTION

RÉGIONALE OCÉAN ATLANTIQUE

DE L’AFD, ET LAVINIA RUSCIGNI, DIRECTRICE DE L’ONG

D’ANTILLES ET D’AILLEURS

• Comment ce projet « Filets du futur » est-il né ?

Camille Guigonnet - Le fonds Metis de l’AFD a pour ambition de soutenir des projets ayant une approche artistique à fort impact social. Il encourage la création d’œuvres d’art engagées et inspirées par des réalités sociales concrètes. Ces projets doivent susciter l’émotion et se servent des arts pour dénoncer la pauvreté, lutter pour la protection de l’environnement ou encore les violences de genre

Lavinia Ruscigni - Chez D’Antilles et D’Ailleurs, nous avons une conviction très forte que toutes les femmes qui viennent à nous, quel que soit leur parcours de vie, peuvent renaître de leurs cendres si elles sont bien accompagnées. La rencontre avec l’AFD s’est faite très naturellement autour du projet « Filets du futur », qui soutient le parcours de résilience de ces femmes, en y ajoutant une dimension artistique et écologique.

• Que retiendrez-vous de ce partenariat entre vos deux structures ?

Camille Guigonnet - À l’AFD, nous ne sommes pas outillés pour financer des projets « si petits ». C’est donc assez novateur pour moi de suivre un projet à 15 000 €, et je suis impressionnée de voir l’impact que peut avoir un tel budget ! C’est par ailleurs très riche de porter un projet en lien direct avec celles qui vont en bénéficier et de toucher du doigt une autre dimension du développement, dont les résultats sont concrets, immédiats et particulièrement efficaces

Lavinia Ruscigni - Le soutien apporté par l’AFD va au-delà du projet « Filets du futur ». Avec ce financement, D’Antilles et D’Ailleurs gagne en visibilité et en crédibilité. Ce partenariat nous donne plus de poids et va nous permettre de sécuriser nos actions au-delà du projet.

Sans parler des futurs partenariats que nous pourrons développer ailleurs dans la Caraïbe, autour des parcours migratoires de ces femmes, qui remontent jusqu’au Guyana, au Suriname, en République dominicaine… Ce ne sont pas les besoins qui manquent !

Le projet aide à valoriser ces femmes, en renforçant leur confiance en elles grâce à des ateliers de couture, de design et de collage.
Le fonds Metis de l’AFD contribue ainsi à sensibiliser à la protection des océans, en mettant en lumière la mode éthique et responsable.

« À travers la création d’une collection de vêtements upcyclés, nous transformerons des filets de pêche récupérés et des matériaux issus des

fonds marins en pièces uniques, alliant créativité et engagement écologique », conclut la designeuse martiniquaise Jaddict. © Inés Arámburo

LES CLÉS D’UNE MEILLEURE AUTOSUFFISANCE

ALIMENTAIRE EN MARTINIQUE

C o MM ent renfor C er l ’ A utono M ie A li M entA ire en M A rtinique ? u ne question qui en CAC he bien d ’ A utres , et dont les réponses M obilisent le Con C ept de systè M es A li M entA ires . e xpli CAtions et exe M ples d ’ A ppli CAtion en M A rtinique .

De la fourniture d’intrants à la consommation, en passant par la production, la collecte, la transformation et la distribution, un système alimentaire englobe toutes les étapes composant des chaînes de valeur.

Les systèmes alimentaires sont, d’une part, conditionnés par des moteurs interférant avec une variété d’acteurs et de flux de denrées : l’environnement biophysique et environnemental, les dynamiques territoriales, les infrastructures et technologies, les politiques publiques et la gouvernance, la démographie et d’autres facteurs socioéconomiques. D’autre part, ces systèmes produisent des impacts, à la fois sur l’environnement, l’équilibre territorial et l’équité, la santé, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et ont également des conséquences socioéconomiques.

UN CONCEPT À L’INTERFACE

DE NOMBREUSES DISCIPLINES

L’analyse des systèmes alimentaires d’un territoire nécessite de cerner les freins, les leviers à la production et les comportements des consommateurs.

Elle sollicite des compétences multiples : en agronomie, en écologie, en sciences des aliments ou en hydrologie pour connaître le système productif du territoire ; en économie pour caractériser les relations d’échanges entre les différents acteurs ; en nutrition pour aborder la consommation ; en sociologie et en anthropologie pour analyser les comportements des acteurs.

Les recherches sur ces systèmes alimentaires sont par ailleurs souvent menées à plusieurs échelles : micro, celle des individus et des ménages ; méso, pour s’intéresser à l’environnement alimentaire qui conditionne les choix ; mais aussi macro, celle des territoires, pour analyser les impacts à grande échelle des comportements de chacun des acteurs.

L’étude de ces systèmes repose sur des données qualitatives et quantitatives collectées sur le terrain via des enquêtes, entretiens et analyses statistiques.

Le rôle de chercheurs tels que Sandrine Fréguin-Gresh est essentiel pour décoder ces dynamiques complexes et ainsi mieux cerner les leviers d’action pour renforcer l’autonomie du territoire

Le secteur agricole de la Martinique doit faire face à des contraintes structurelles : accès limité aux ressources foncières, manque de ressources des agriculteurs, forte concurrence, pollutions diffuses, conditions biogéophysiques délicates... À cela s’ajoutent des effets de saisonnalité, des aléas climatiques et une forte volatilité des prix, mais aussi un manque de disponibilité et un coût élevé de la main-d’œuvre et des difficultés d’organisation de la profession. Tout ceci entraîne une offre locale quantitativement insuffisante, irrégulière et chère.

l es re C her C hes sur les systè M es A li M entA ires M enées

A u C ir A d jouent un rôle déter M in A nt , en lien Ave C les différents ACteurs . A CCo M pAgner l ’ innovAtion org A nis Ationnelle des ACteurs du territoire pA r l A Con C eption de sCénArios prospeCtifs ou engAger des disCussions AveC l’étAt et les élus loCAux pour Mieux répondre Aux Attentes des professionnels et A ux besoins du territoire sont A utA nt de M issions A ssu M ées pA r le C ir A d , qui œuvre en pArtenAriAt AveC les ColleCtivités loCAles, les instituts teChniques, les finAnCeurs, Ainsi que les ConsoMMAteurs, les produCteurs, les distributeurs et les trAnsforMAteurs l ’ obje C tif étA nt d ’ él A borer des solutions A d A ptées A ux Contextes spé C ifiques des outre M er

INTERVIEW

SANDRINE FRÉGUIN-GRESH, ÉCONOMISTE AGRICOLE ET GÉOGRAPHE RURALE AU CIRAD, À L’UNITÉ MIXTE DE RECHERCHE ART-DEV 1 EN MARTINIQUE

• Comment vos travaux de recherche aident-ils à mieux saisir la question de l’autosuffisance alimentaire en Martinique ?

- Dans le cadre de l’objectif d’autonomie alimentaire au sein des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) à l’horizon 2030 annoncé par Emmanuel Macron, le ministère des Outre-mer et l’AFD ont confié au Cirad une étude transversale et par territoire, pour mieux comprendre les freins et les leviers à l’autosuffisance alimentaire dans les DROM.

Publié en 2021, ce rapport basé sur l’expertise de nombreux contributeurs, dont le Cirad, a été poursuivi en Martinique par des recherches sur l’approvisionnement en denrées agricoles locales dans la restauration collective. Ces résultats seront utiles à la Collectivité territoriale de Martinique pour surmonter les divers obstacles identifiés.

• Quels sont les leviers à actionner pour renforcer la production alimentaire locale ?

- Cet état des lieux sur les systèmes alimentaires ultramarins réalisé en 2021 nous a permis de dégager sept leviers essentiels, dont certains doivent répondre à des enjeux majeurs comme l’étalement urbain, qui réduit les surfaces cultivables, dans un contexte de pollution diffuse des sols limitant la possibilité de produire local et sain en Martinique.

l es CA ntines sont un levier sur lequel s ’ A ppuyer pour soutenir l A produ Ction lo CA le , tout en sensibilis A nt les plus jeunes – et les A dultes à tr Avers eux – A ux enjeux d ’ une A li M entAtion s A ine , de qu A lité et dur A ble i l existe

CependAnt de Multiples freins à l ’ ApprovisionneMent loCAl en CA ntine , tels que l A diffi C ulté des petits produ Cteurs à répondre A ux pro C édures d ’ AC h Ats dA ns le CA dre de l A Co MMA nde publique ou en Core l ’ org A nis Ation en C uisine inAdAptée à lA prépArAtion de repAs à bAse d’ingrédients frAis

Le levier de l’alimentation est aussi central, au regard des problématiques de santé publique affectant les populations antillaises : surpoids, obésité, diabète, cholestérol, hypertension, etc.

Par ailleurs, le soutien équitable entre les différentes filières agricoles reste un grand défi, qui nécessite des politiques publiques adaptées pour promouvoir un développement durable et résilient.

• Vos travaux actuels portent sur les comportements alimentaires liés à la transition protéique des jeunes adultes. De quoi s’agit-il ?

- Nous avons lancé en 2024 un nouveau projet financé par l’ADEME et l’ARS, appelé « Maracudja », basé sur l’économie expérimentale, pour mieux comprendre l’environnement alimentaire et les facteurs de choix en faveur de la consommation de protéines végétales chez les jeunes.

Les résultats permettront de proposer des recommandations aux acteurs publics pour accompagner cette transition alimentaire, dans un contexte de surconsommation des produits d’origine animale qui affectent à la fois la santé, mais aussi l’environnement.

La cantine du collège Asselin de Beauville à Ducos, en Martinique.

L’OFFICE

DE L’EAU MARTINIQUE EN SOUTIEN DES ACTEURS ÉCONOMIQUES DE L’ÎLE

d epuis plusieurs A nnées , l ’ o ffi C e de l ’ e A u M A rtinique ACCo M pAgne les C h AM bres Consul A ires en C h A rge des A ff A ires é C ono M iques sur le territoire , pour une M eilleure gestion de l ’ e A u et de l ’ A ss A inisse M ent A u sein des entreprises MA rtiniqu A ises .

UN ENGAGEMENT RENOUVELÉ POUR

UNE MEILLEURE GESTION DE L’EAU

L’ODE Martinique est partenaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique (CCIM) et de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA).

Depuis 2020, la CCIM et l’ODE collaborent à travers une convention de moyens destinée à sensibiliser et accompagner les entreprises dans leur gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Cette initiative, reconduite pour la période 2025-2027, s’inscrit dans une démarche de continuité et de renforcement des actions engagées. En effet, plusieurs projets ont vu le

jour, comme des ateliers de sensibilisation auprès des opérateurs touristiques et le lancement d’un appel à projets pour les économies d’eau dans les entreprises.

C’est en 2021, que la CMA et l’ODE ont lancé un chantier commun afin de sensibiliser et accompagner les artisans dans l’amélioration de leurs pratiques en matière de gestion de l’eau et de préservation des milieux aquatiques. Grâce à cette convention, plusieurs actions concrètes ont été mises en place : un appel à projets sur l’économie d’eau, des formations « Chantier propre » pour le BTP et des dispositifs de financement pour la récupération des huiles et graisses en partenariat avec l’éco-organisme Cyclevia.

L’ODE

DES OBJECTIFS CONCRETS POUR LES ENTREPRISES MARTINIQUAISES

Le renouvellement de cette convention a pour but de :

• Consolider la collaboration entre la CCIM et l’ODE pour mieux appréhender l’impact des activités commerciales et industrielles sur l’eau et les milieux aquatiques.

• Améliorer la communication et l’accompagnement des entreprises en diffusant les aides disponibles via des actions concertées.

• Proposer un appui technique et des formations spécifiques aux acteurs économiques.

Cette Convention AveC lA CMA, révisAble AnnuelleMent, s ’ insCrit dAns lA volonté de l’ode d ’ AdApter ContinuelleMent ses ACtions Aux réAlités du terrAin elle perMet Aux ArtisAns loCAux de bénéfiCier d ’ un ACCoMpAgneMent stru C turé pour une Meilleure gestion de l ’ eAu, tout en C ontribu A nt à l A préserv Ation des ressour C es en e A u et des M ilieux A qu Atiques de l A M A rtinique .

Plusieurs actions clés sont prévues au programme 2025-2027, comme :

• Le financement d’un poste de chargé de mission pour accompagner les entreprises sur les enjeux de l’eau et de l’assainissement.

• Les actions de formation et de sensibilisation en faveur des opérateurs touristiques et industriels.

• La mise en œuvre d’une opération groupée pour aider financièrement les restaurateurs à équiper leurs établissements en systèmes de prétraitement des graisses.

• Le renouvellement de l’appel à projets « Économie d’eau dans les entreprises » avec une dotation s’élevant à 200 000 € sur deux phases.

D’un montant global de 888 000 € , ce programme est soutenu à hauteur de 579 000 € par l’ODE, soit 65 %.

UN ACCOMPAGNEMENT SUR MESURE DES ARTISANS MARTINIQUAIS

Le renouvellement de la convention avec la CMA de la Martinique démontre la dynamique et les enjeux de ce partenariat. Doté d’un budget prévisionnel de 397 000 €, dont 76 % financés par l’ODE, ce programme 2025-2027 repose sur ces axes stratégiques :

• Un accompagnement renforcé : recrutement d’un chargé de mission assurant le relais entre ODE et artisans.

• Des actions concrètes sur le terrain : diagnostic eau et assainissement dans les entreprises, renouvellement de l’opération « Garage propre » pour une meilleure gestion des huiles usagées.

• Des aides financières ciblées : lancement d’un nouvel appel à projets pour favoriser l’économie d’eau dans les entreprises artisanales.

Rédaction
Mathilde
Edmond-Mariette
Minoton / ODE
Martinique

GUADELOUPE

RESTAURER L’HABITAT DE L’IGUANE DES PETITES

ANTILLES, AVEC LES DÉSIRADIENS

l ’ o ffi C e n Ation A l des forêts ( onf ) g u A deloupe œuvre à re C onstituer l ’ h A bitAt n Aturel de l ’ igu A ne des p etites A ntilles , un reptile endé M ique qui survit sur l A p ointe des C olibris , à l A d ésir A de . l A popul Ation de l ’ île est pleine M ent A sso C iée A u projet , qui A pour AM bition de s A uveg A rder C ette espè C e à enjeu f A unistique et pAtri M oni A l MA jeur

Gestionnaire des parcelles appartenant à l’État sur la Pointe des Colibris, l’antenne guadeloupéenne de l’Office national des forêts (ONF) a bénéficié pour ce projet de restauration d’une subvention de 740 400 euros de l’Office français de la biodiversité (OFB), dans le cadre de « Mission Nature 2024 »

L’ÉVOLUTION DE LA POINTE DES COLIBRIS, SUR L’ÎLE DE LA DÉSIRADE

La Pointe des Colibris a été, au fil des années, « victime » de sa localisation excentrée à l’ouest de la Désirade. D’abord décharge sauvage, elle a ensuite servi de dépôt temporaire de matériaux issus d’un cyclone, puis a fait l’objet de dépôts de sargasses lors des premières campagnes de collecte. Enfin, le site a été fortement modifié par des prairies de pâturage depuis de nombreuses années.

UN REPTILE PROCHE DE L’EXTINCTION

Aujourd’hui, ces sources de dégradation ont été levées et il devient urgent de restaurer le couvert végétal de la Pointe des Colibris, habitat de l’iguane des Petites Antilles qui, classé par l’UICN en danger critique d’extinction, ne subsiste plus que sur une poignée d’îles et îlets. La Pointe des Colibris, forêt domaniale du littoral, est un site de première importance pour l’espèce. Or, les effectifs y ont décliné, passant de 550 individus en 2012 à 150 en 2022.

UNE INITIATIVE ANCRÉE LOCALEMENT

Si le projet vise à restaurer l’habitat de ce reptile emblématique, il prend en compte les usages et usagers du site, pour en valoriser la qualité paysagère et offrir au public des aménagements adaptés.

INTERVIEW

MYLÈNE MUSQUET, DIRECTRICE RÉGIONALE DE L’ONF GUADELOUPE

• Quelle est pour vous la condition indispensable à la réussite de cette restauration écologique ?

- Ce projet de restauration de la Pointe des Colibris prône des solutions fondées sur la nature, qui s’inscrivent dans un temps long. La clé de sa réussite n’est pas seulement technique et écologique, elle réside dans la collaboration et la contribution des Désiradiens à cette initiative. Les opérations de plantation et d’aménagement ne pourront être efficaces si les travaux mis en place ne sont pas partagés, expliqués et surtout, coconstruits avec la population.

• Concrètement, comment garantir l’ancrage du projet sur le territoire ?

- Nous avons pensé le projet avec les élus de la Désirade pour qu’il se déroule de A à Z ici, sur le

« L’iguane des Petites Antilles est une espèce en voie d’extinction et dont le nombre d’individus ne cesse de baisser. L’aménagement et la restauration écologique de la Pointe des Colibris (...) de façon concertée avec les élus, les riverains et les scolaires permettront de réduire les menaces que constituent les collisions routières et la perte de la végétation naturelle, tout en sensibilisant les usagers aux enjeux de conservation de l’espèce ».

Nicolas Paranthoën, chargé du projet Iguane des Petites Antilles à l’ONF

territoire. Nous allons par exemple mobiliser le tissu socioéconomique local lors des différentes phases du projet.

Ainsi, une pépinière ou un agriculteur désiradien sera mis à contribution pour la production des plants, leur entretien et leur arrosage. La collaboration locale ira de la collecte des graines à la production des espèces que nous replanterons. Il en sera de même pour les travaux sur la piste d’accès et les zones de stationnement. Ces acteurs économiques seront des bénéficiaires directs de l’opération, qui devient alors à leurs yeux pleinement porteuse de sens

• Comment s’assurer de la bonne acceptation du projet sur le long terme ?

- Tout d’abord, nous travaillerons avec les usagers du site : les habitués qui pratiquent la pêche à la ligne ou la randonnée. L’objectif n’est pas de mettre la nature sous cloche, mais de prendre en compte les usages et besoins des riverains qui sont compatibles avec les nouvelles orientations de réhabilitation du site, afin que le plus grand nombre puisse s’approprier les actions. Pour renforcer la communication et l’implication de tous, nous organisons aussi, avec le maire de la Désirade, des réunions publiques qui maintiennent le dialogue et facilitent la compréhension du projet.

Enfin, l’une des actions prévues concerne la création et l’animation d’une aire terrestre éducative à l’issue des travaux. Les élèves pourront ainsi participer aux phases de collecte de graines, aux plantations... Tout ceci concourt à une meilleure appropriation du site par l’ensemble de la population locale ! En haut de page : dépôt de sargasses et remblai sur la Pointe des Colibris, avant le démarrage des travaux de restauration écologique. © ONF | Ci-dessus : Mylène Musquet, deuxième en partant de la gauche, en compagnie de représentants de l’OFB. © France-Antilles Rédaction et interview : Lucie Labbouz

Diurne et arboricole, l’iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) peut mesurer jusqu’à 1,60 mètre de long. Herbivore, il se nourrit de feuilles, de fleurs et de fruits. © Anaïg Dantec / ONF Guadeloupe | La Pointe des Colibris, sur l’île de la Désirade. © ONF Guadeloupe

+ d’info ici : La vidéo du projet de restauration écologique du site

Cette plateforme d’observation, installée en 2020, permet d’admirer la beauté paysagère de ce site qui accueille l’une des dernières populations viables d’iguanes des Petites Antilles, une espèce en danger qui a bénéficié d’un Plan national d’actions. © ONF Guadeloupe

« ATTENTION, ON MARCHE SUR DES ŒUFS ! », UNE ACTION POUR LA FAUNE SAUVAGE LITTORALE

« porter une vision élArgie de l ’ espACe littorAl CoMMe un bien CoMMun, que nous Avons en pArtAge et dont nous soMMes responsAbles », est un MessAge-Clé des 50 Ans du ConservAtoire du littor A l C élébrés C ette A nnée . p A r M i les no M breux événe M ents prévus , l A 6 e édition de l ’ opér Ation n Ation A le « A ttention , on MA r C he sur des œufs ! » vA être l A n C ée le 27 MA rs

« Attention, on marche sur des œufs ! » est une campagne initiée en 2020 par le Conservatoire du littoral, l’OFB 1 , l’ONF 2 , la LPO 3 et Rivages de France, en partenariat avec un grand nombre d’associations et gestionnaires de sites naturels. Cette opération, reconduite chaque année durant plusieurs semaines, s’adresse aussi bien au grand public qu’aux institutionnels, élus et médias. Elle appelle à la vigilance les usagers des plages, des estuaires et bords d’étangs pour préserver les espèces qui s’y reproduisent.

UNE OPÉRATION DÉPLOYÉE

SUR TOUS LES LITTORAUX DE FRANCE

L’objectif est ainsi de sensibiliser à la fragilité des écosystèmes littoraux et au respect de la faune sauvage fréquentant ces espaces souvent touristiques, en particulier durant la période de nidification des oiseaux. Depuis 2020, l’opération « Attention, on marche sur des œufs ! » a permis l’envol de plusieurs centaines de poussins, qui n’auraient pas survécu sans les interventions des équipes locales.

En outre-mer, l’action vise en priorité à protéger les espèces d’oiseaux vulnérables, mais également les tortues marines venant pondre sur les plages.

1 Office français de la biodiversité. | 2 Office national des forêts. |

3 Ligue pour la protection des oiseaux.

TÉMOIGNAGE

STÉPHANIE LONGA, RESPONSABLE

EAU, MILIEUX HUMIDES ET CHASSES AU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

« Basée à Rochefort, je pilote depuis quatre mois “Attention, on marche sur des œufs !” (OMSDO). Des consignes vont être véhiculées auprès des usagers du littoral durant cet événement, afin de limiter l’impact sur la biodiversité et les éventuels échecs de reproduction des espèces. À l’occasion des 50 ans du Conservatoire, cette édition 2025 mettra en avant les actions menées avec nos partenaires et mobilisera de nombreuses classes, y compris en outre-mer ! »

En Guadeloupe, la Grande Saline de la Pointe des Châteaux est un milieu fragile abritant la nidification de nombreux oiseaux. © Conservatoire du littoral| L’îlot M’tsamboro, un site majeur à Mayotte pour la ponte de tortues marines. © Frédéric Larrey / Conservatoire du littoral

TÉMOIGNAGES

MÉDHY BROUSSILLON, DÉLÉGUÉ ADJOINT

POUR LES RIVAGES FRANÇAIS D’AMÉRIQUE AU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

« La présence d’œufs d’oiseaux au sol est encore souvent considérée comme accidentelle, tant l’image du nid perché dans la végétation est ancrée dans les consciences. Pourtant, certaines espèces telles que la petite sterne ou le gravelot de Wilson nidifient sur le sable ou les cayes et sont donc particulièrement vulnérables au dérangement.

À la Pointe des Châteaux, il est primordial de mettre à distance les visiteurs par rapport aux habitats les plus propices à la nidification de ces espèces. C’est pourquoi, en complément des mesures réglementaires prises par la Ville de Saint-François et pour concilier les usages, nous installerons d’ici avril 2025 un poste d’observation et de sensibilisation sur l’avifaune des Petites Salines, en lien avec le sentier de découverte autour du Morne Pavillon. »

JÉRÉMY AMIOT, RESPONSABLE DE L’ANTENNE DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL À MAYOTTE

« Des panneaux de sensibilisation vont être placés à Moya, en arrière-plage, sur les sites de ponte de tortues vertes et imbriquées protégés par arrêté de protection de biotope. L’association Oulanga na Nyamba va informer les usagers sur les bons gestes à tenir en présence de tortues et en cas d’émergences. Pour ne pas compromettre la montée des tortues, il est interdit d’accéder aux plages de 18h à 6h, et si l’on observe des tortillons, il ne faut pas y toucher.

Nous agissons aussi avec Les Naturalistes de Mayotte et le Gepomay pour protéger le phaéton à bec jaune, ou paille-en-queue. Accessible en bateau, l’îlot Pouhou est un site de nidification important, menacé par le piétinement des œufs et le dérangement des adultes qui y nichent. Enfin, nous luttons contre le rat noir, grand prédateur des œufs de pailles-en-queue. »

Rédaction : Sandrine Chopot

FOCUS SUR LA BONNE GESTION DE LA RESSOURCE EN EAU À MARIE-GALANTE

dAns l ’ ArChipel guAdeloupéen, MArie-gAlAnte, troisièMe plus grAnde île des Antilles frAnçAises Ave C ses 158 k M 2 , se dé MA rque d A ns le do MA ine de l A gestion de l ’ e A u , Ave C d ’ ex C ellents

résultAts . l e point Ave C j oh A nn l egr A s , de l A C o MM un A uté de C o MM unes .

LA NAPPE PHRÉATIQUE, UNIQUE RESSOURCE

D’ EAU POTABLE

Dépourvue de grands cours d’eau permettant les prélèvements de surface, Marie-Galante s’alimente en eau grâce à sa nappe phréatique. Le système d’adduction local de l’eau potable est actuellement constitué de sept forages répartis sur l’île et pompant cette nappe, de huit réservoirs de stockage et de 240 kilomètres de réseau de distribution.

La nappe phréatique se renouvelle en permanence par la pluviométrie. Or, depuis quelques années, les cycles de rechargement ont tendance à se traduire par une raréfaction des pluies dites « efficaces », c’est-à-dire modérées et longues. Comme ailleurs en outre-mer, on observe en effet à Marie-Galante une intensification des pluies de courte durée, limitant l’infiltration de l’eau, qui ruisselle alors jusqu’aux ravines et à la mer.

Par ailleurs, il convient de ne pas surexploiter cette ressource fragile qu’est la nappe phréatique, au risque d’y faire pénétrer l’eau de mer. Se prémunir du risque de salinisation de cette eau souterraine est en effet primordial, si l’on considère notamment le coût très onéreux qu’impliquerait la mise en place d’unités de désalinisation comme à Saint-Martin, île quant à elle dénuée d’eau douce.

LE SOUTIEN DU PLAN EAU DOM

Dans le cadre du Plan eau DOM, les collectivités ultramarines ont la possibilité de signer avec l’État et ses partenaires un contrat de progrès. La Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG) a été la première collectivité des Antilles à signer un tel contrat, qui permet de bénéficier de travaux et d’ingénierie en faveur de l’eau et l’assainissement.

Visite de la station d’épuration de Domblière lors du comité de suivi du contrat de progrès de la CCMG le 3 février 2025, en présence de Maryse Etzol, présidente de la CCMG, Jean-Claude Maës, maire de Capesterre-de-Marie-Galante et Théo Gal, sous-préfet chargé de l’eau et de l’assainissement. Cette station a été réalisée en filtres plantés de végétaux, une première à Marie-Galante. © CCMG

INTERVIEW

DURABLE À LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE MARIE-GALANTE (CCMG)

• Pouvez-vous nous dire un mot sur les très bons résultats obtenus par la CCMG dans le cadre du Plan eau DOM ?

- Le niveau d’avancement de notre contrat de progrès, qui s’achèvera en 2026, est assez élevé. Nous avons par exemple déjà engagé ou réalisé 100 % des actions d’amélioration de l’eau potable et 65 % de celles dédiées à la meilleure performance de l’assainissement.

Ce contrat ambitieux vise ainsi à coordonner un plan d’actions stratégique pour améliorer la gestion des services d’eau potable et d’assainissement sur l’île. Le Plan eau DOM nous permet de bénéficier d’un programme pluriannuel d’investissements et de nous renforcer en termes d’ingénierie.

Je pense que le dynamisme de la CCMG dans les domaines de l’eau et de l’assainissement est lié à la taille de notre territoire, qui facilite les concertations entre acteurs, mais aussi à la présence d’élus locaux moteurs et forces de propositions. Il est à noter que l’eau à Marie-Galante est de très bonne qualité du fait qu’il n’y a pas eu ici de culture intensive de bananes ni de pollution des sols au chlordécone.

• En quoi la station d’épuration de Domblière, inaugurée fin 2024, est-elle inédite ?

- Elle utilise des filtres plantés de végétaux, une solution rustique, low tech et performante. Les eaux usées sont déversées sur un filtre composé de sable et de plantes, ces dernières favorisant l’infiltration des eaux usées dans le sable. Cet aménagement écologique illustre aussi une volonté d’aller au-delà des exigences réglementaires, car nous l’avons doté d’une zone de rejet végétalisée unique à l’échelle des Antilles-Guyane. Ce système complémentaire, petit plus du projet, vient parfaire le traitement de l’eau.

interview

Stéphanie Castre + d’info ici : Vidéo de présentation de Dlo Péyi

GUYANE

HADRIEN LALAGÜE : « J’AI TOUJOURS CHERCHÉ À MARIER MON ACTIVITÉ

DE PHOTOGRAPHE AVEC CELLE DE BIOLOGISTE »

INTERVIEW

HADRIEN LALAGÜE, DOCTEUR

EN BIOLOGIE ET PHOTOGRAPHE

NATURALISTE EN GUYANE

• En 2023, vos images vous ont fait gagner le prix Wildlife Photographer, dans la catégorie « Comportement, oiseaux ». Pouvez-vous revenir sur votre parcours ayant mené à cette consécration ?

- J’ai commencé à faire de la photo très jeune, après m’être essayé au dessin et à la peinture, sans vraiment atteindre le niveau de satisfaction que j’espérais. J’ai longtemps vu la photo comme une activité purement de loisir. Parfois, prendre l’appareil, c’est simplement un prétexte pour partir en balade ou passer du temps à contempler un paysage.

En 2013, à mes débuts en Guyane, quand je travaillais dans la recherche, je partais régulièrement en forêt, mais sans avoir forcément d’objectif précis. Je ne recherche pas un type de photo. J’aime les belles images, dès qu’il y a un paysage esthétique, une lumière particulière, un animal dans une pose singulière... Les photos qui m’intéressent le moins sont celles centrées sur des objets du quotidien ou sur l’humain. Au contraire, je vois la photographie comme une façon de m’extirper du monde humain et de me rapprocher de la nature.

biologiste et photogrAphe en guyAne, hAdrien lAlAgüe A été priMé Au Wildlife photogrApher of the y e A r 2023, le plus prestigieux Con Cours intern Ation A l de photogr A phie de n Ature , dé C erné pA r le M usée d ’ h istoire n Aturelle de l ondres r en Contre En haut de page : jeune caïman à

de rainettes singes (Phyllomedusa bicolor) à Kourou. | Silures à antennes (Ancistrusaff.hoplogenys) dans le fleuve Sinnamary, le mâle adulte ayant de curieuses excroissances molles autour du museau.

• À côté de la photo, vous êtes biologiste pour le bureau Hydreco, expert en milieux aquatiques. Quel lien faites-vous entre ces deux activités ?

- Je pense que j’ai toujours cherché à marier mon activité de photographe avec celle de biologiste, sans vraiment y parvenir, jusqu’à ces dernières années. Déjà, quand je m’essayais au dessin, j’avais une approche scientifique et je m’amusais à esquisser des squelettes, des oiseaux. Au fil des années et des sorties, je me suis de plus en plus concentré sur des sujets que j’étudie par ailleurs dans le cadre d’une démarche scientifique. Je passe moins de temps qu’avant devant un coucher de soleil ou un animal qui ne fait pas partie de mes études. Concrètement, avec l’association Guyane Wild Fish dans laquelle je suis engagé, nous recensons les populations locales de poissons et, comme nous manquons d’illustrations d’espèces dans leur milieu, je tâche d’en faire le plus possible.

De même, en dehors de mon poste, je travaille beaucoup sur les mygales et participe à un projet scientifique sur les broméliacées de Guyane. À chaque sortie, je cherche à avoir de belles illustrations pour pouvoir nourrir la littérature scientifique. La Guyane reste l’un de ces territoires où il y a encore de vastes zones blanches pour le biologiste. Beaucoup d’espèces n’ont pas encore été bien photographiées.

• La photographie est-elle un moyen pour vous de sensibiliser le grand public, dans un contexte où la biodiversité est, partout dans le monde, de plus en plus menacée ?

- L’écologiste américain Aldo Leopold disait que pour parvenir à protéger la nature, il fallait la connaître, la voir et la toucher, mais que si on la touchait trop, il n’y aurait plus rien à protéger.

Je pense que l’on est en permanence dans la quête de cet équilibre et qu’effectivement, il faut connaître les différentes espèces d’oiseaux ou la migration des poissons pour pouvoir diminuer l’impact que l’on a sur la nature. Certaines de mes photos sont reprises dans des ouvrages scientifiques et j’espère qu’elles pourront aussi apparaître dans des livres à destination du grand public, afin de faire découvrir la richesse de ces écosystèmes méconnus.

• Avec votre double casquette de biologistephotographe, vous êtes un témoin privilégié pour saisir l’impact des activités humaines et du dérèglement climatique sur la faune et la flore guyanaise. Que constatez-vous ?

- Il est impossible, a fortiori dans un écosystème aussi riche que la forêt guyanaise, de percevoir l’impact global du dérèglement climatique sur la biodiversité. D’autant que les zones équatoriales sont celles qui se réchauffent le moins rapidement.

En revanche, on constate une fragmentation de plus en plus forte de l’habitat. Les forêts reculent en raison de l’extension des zones agricoles et de l’artificialisation des sols.

Et même si la Guyane demeure très peu densément peuplée et la forêt, largement protégée, l’expansion humaine entraîne un recul indéniable de la faune. En 10 ans, on a observé une augmentation considérable de la pression humaine, qui est étroitement liée à la croissance démographique et aux nombreuses activités qui en découlent.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset + d’info ici : https://www.instagram.com/hadrien_ lalague/?hl=fr

Accouplement
© Hadrien Lalagüe
Ci-dessus : la rivière Manaré, un affluent de l’Approuague. | Yaya-sadine (Bryconops affinis) dans un affluent du fleuve Mana. | Ce serpent d’environ 1,50 mètre, le chasseur souligné (Chironus exoletus) fréquente les lisières de forêts, ainsi que les strates arbustives des savanes. Cette espèce diurne, couramment observée dans l’ouest de la Guyane, est inoffensive pour l’homme. © Hadrien Lalagüe
Amazonius germani, une grosse mygale arboricole endémique de Guyane. | Inselberg Mamilihpan au lever du soleil. Dans le sud-ouest de la Guyane, ce piton rocheux est connu pour abriter des peintures rupestres uniques en Guyane et de nombreux vestiges des premiers peuples d’Amazonie. | Mort et naissance, ombres et lumières ; restes d’un papillon Morpho melenaus dans le sous-bois. © Hadrien Lalagüe

Au crépuscule, une chauve-souris (Glossophaga soricina) sort par une galerie terrestre du tronc de l’arbre creux dans lequel niche la colonie.

Un ocelot (Leopardus pardalis), félin léger (8 à 18 kg) mais puissant, dans les environs de Kourou. Photos de la page : © Hadrien Lalagüe
Lever de soleil sur la rivière Tampok, un affluent de la rivière Lawa qui se jette à tour, en aval, dans le fleuve Maroni. © Hadrien Lalagüe

INTERCO’ OUTRE-MER DONNE LA PAROLE AUX INTERCOMMUNALITÉS DE GUYANE SUR LEURS PRIORITÉS EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT

dAns Ce nuMéro de l ’ e-MAg, interCo ‘outre-Mer, réseAu des interCoMMunAlités ultrAMArines, M et en AvA nt ses A dhérents en g uyA ne , A uxquels nous Avons posé C ette question : « pourriezvous nous pArler d ’ un projet environneMentAl MAjeur Au sein de votre interCoMMunAlité,

ContribuAnt à répondre Aux défis Auxquels lA guyAne est Confrontée ? »

TÉMOIGNAGES

SERGE SMOCK, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DU CENTRE LITTORAL (CACL)

« La CACL investit plus de 263 millions d’euros dans la transition et l’autonomie énergétique du territoire.

Anticipant la fermeture prochaine du site de stockage de déchets des Marsouins, avec mes collègues élus et les équipes de la CACL nous travaillons depuis des années au développement d’une filière pérenne pour le traitement et la valorisation des déchets des trois territoires : CACL, CCDS et CCEG.

Afin de traduire cette ambition, l’Agglo a sélectionné, dans le cadre d’une délégation de service public conception-construction-exploitation, le meilleur projet tourné vers la mise en œuvre d’une économie circulaire déchets-énergie.

Celui-ci permet de sécuriser la gestion des déchets sur le long terme, d’augmenter leur valorisation notamment surleplanénergétique,enproduisantdel’électricitépour plus de 40000 habitants, avec la construction d’une unité de valorisation énergétique et ainsi, de prendre en compte l’évolution démographique de la Guyane. »

FRANÇOIS RINGUET, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DES SAVANES (CCDS)

« Du fait du changement climatique, nous avons été touchés de plein fouet par des périodes de sécheresse extrême. Aussi, ai-je pris l’initiative l’année dernière de mettre à disposition des agriculteurs qui en ont fait la demande de l’eau agricole, afin que les exploitations ne soient pas en rupture de production. Les agriculteurs des savanes ont pu ainsi bénéficier de la solidarité de la communauté de communes.

Ce dispositif d’urgence vient en complément des aides apportées à travers le programme Leader et, chaque année, deux agriculteurs sont financés afin qu’ils puissent participer au Salon international de l’agriculture (SIA) à Paris. Après un appel à candidatures, quatre agriculteurs ont été sélectionnés cette année pour représenter la diversité et la qualité des produits agricoles des savanes.

Nous avons présenté en avant-première au SIA 2025 un « Guide de l’agriculture biologique – territoire des Savanes » qui rappelle les grands principes de l’agriculture biologique, la liste des agriculteurs bio du territoire, ainsi que les points de vente en Guyane. »

d’unité de valorisation énergétique porté par la CACL, dans le cadre d’une délégation de service public à tranche ferme intégrant les seules études de conception à ce

SOPHIE CHARLES, PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE L’OUEST GUYANAIS (CCOG)

« L’Écopôle Colibri est un projet ambitieux estimé à 15 millions d’euros, que la CCOG pilote pour moderniser la gestion des déchets dans l’Ouest guyanais.

Conçu pour traiter plus de 25 000 tonnes de déchets par an, il regroupe une déchèterie, un centre de tri, une installation de stockage des déchets non dangereux (ISDND) et des équipements de pointe, des presses à balles notamment, afin d’optimiser la logistique et de promouvoir le recyclage, basé à Saint-Laurent du Maroni.

En 2024, l’ISDND a accueilli 45 000 m³ de déchets enfouis. L’objectif est de bâtir une filière de valorisation adaptée aux réalités locales, en protégeant l’environnement. L’Écopôle Colibri prévoit aussi un espace pédagogique pour sensibiliser le grand public aux enjeux de la gestion des déchets.

À travers ce projet d’envergure, la CCOG affirme sa volonté de doter le territoire d’infrastructures capables de relever les défis environnementaux et de favoriser un développement durable et résilient. »

fabrication d’huile essentielle créatrice d’emploi. © CCDS

LE MOT DE LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, PRÉSIDENTE

D’INTERCO’ OUTRE-MER

« Je remercie chaleureusement les président(e)s d’intercommunalités qui se sont exprimés ici dans cet article, et je tiens à souligner le grand dynamisme des projets environnementaux à l’œuvre aujourd’hui en Guyane.

Dans un esprit de partage d’expériences, Interco’ Outre-mer initie des échanges permanents avec ses adhérents. Il est de notre responsabilité de porter la voix de l’intercommunalité ultramarine au niveau régional, en France hexagonale et au niveau européen, pour continuer de sensibiliser les pouvoirs publics sur les réalités et priorités de chacun de ces territoires. »

Projet
stade. © CACL | Inauguration de la déchèterie Colibri par Sophie Charles en décembre 2024. © CCOG
Avec l’appui du Fonds vert, la CCDS valorise le bois de rose en bâtissant une filière de
Rédaction
Stéphanie Castre

ÎLE DE LA RÉUNION

LES SCOUTS DE LA RÉUNION

À L’ASSAUT DE L’OCÉAN

Sortie en bus jusqu’au port de Sainte-Rose pour ces scoots partis à la découverte du patrimoine marin réunionnais. © Dream’s life concept

M A lgré s A situ Ation dA ns l ’ o C é A n i ndien entre M A uri C e et M A dAg A s CA r , l A r éunion ne s ’ est j AMA is tournée pleine M ent vers le gr A nd bleu . C’ est C e qu ’ ont ConstAté les s Couts de f r A n C e de l ’ ouest de l ’ île , seuls s Couts des outre - M er fr A nç A is à ne pA s exer C er d ’ AC tivités MA riti M es et n A utiques u ne tribu MA rine en tr A in de gr A ndir « ti pA s , ti pA s 1 ».

Tout commence il y a deux ans quand Tony Pipard, enseignant d’arts appliqués au Port, s’est rendu aux portes ouvertes du mouvement. « J’ai toujours voulu être scout, mais cela n’a pas été possible pour moi. J’avais donc fait les démarches pour y inscrire mes deux filles, mais faute de chef scout, on nous a mis sur liste d’attente. Je me suis porté volontaire et ma femme Josette m’a emboîté le pas quelque temps après. »

« SENSIBILISER LES JEUNES

RÉUNIONNAIS AU MONDE DE L’OCÉAN »

Breton et petit-fils de pêcheur, Tony Pipard a eu envie de créer cette tribu de scouts marins. « Le but est d’abord de sensibiliser au monde de l’océan, c’est pour cela que l’on a organisé un tour de l’île sur le patrimoine marin de La Réunion ».

Reboisement des plages pour favoriser le retour des tortues marines avec l’aide du centre Kélonia de Saint-Leu, initiation à la pêche, kayak... Les jeunes ont également été immergés dans l’histoire de leur île, avec notamment la visite du Lazaret de La Grande Chaloupe, lieu de quarantaine érigé au XIXe siècle afin d’éviter la propagation d’épidémies, et où étaient isolés les engagés venus travailler sur l’île après l’abolition de l’esclavage. « Sur les 37 jeunes qui étaient présents, seulement sept connaissaient cette partie de leur histoire. »

Camps en bord de mer, brevet de natation, certificat d’aisance aquatique et sauvetage en eaux vives, tel est le programme pour préparer au mieux les futurs matelots avant de les confronter à l’océan. Le souhait de Tony Pipard est d’organiser deux à trois sorties à voile par mois cette année, mais cela a un coût : « Il nous faut trouver des partenaires et, par ailleurs, des accompagnants pouvant former les jeunes de la mécanique à la navigation. L’idée, c’est aussi d’acheter des kayaks pour rendre cette activité accessible à tous. On a estimé à 10 000 euros le budget nécessaire, dans un premier temps, pour véritablement réussir à lancer notre activité. »

Tony Pipard (à gauche) et Josette Séraphin Pipard (à droite) en compagnie de leurs filles Lina et Luna, de Xavier et son père Joe.

FORMER LES CITOYENS DE DEMAIN

Selon Josette Séraphin Pipard, également chef scout et enseignante, cette nouvelle tribu de scouts marins est surtout un prétexte pour accompagner au mieux des jeunes de tous milieux. « Le service militaire offrait l’opportunité aux jeunes d’acquérir une certaine autonomie vis-à-vis de leur famille, tout en assurant la mixité sociale. Le scoutisme peut permettre cela. On forme également ces jeunes pour qu’ils puissent décrocher le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA), puis devenir directeurs de camps et, enfin, chefs scouts. Dans le scoutisme, un jeune est formé à devenir un citoyen. »

Xavier est un scout de 12 ans, collégien à La Possession. D’année en année, il a fait tomber les clichés sur ce mouvement auprès de ses camarades. « J’étais le seul scout du collège ; au début, ils voyaient les scouts comme un truc de zoreils [gens venus de métropole, NDLR] alors qu’il y a de tout, des Blancs, des Malgaches, des Chinois, des Malbars [descendants d’engagés venus de l’Inde, NDLR] à l’image de La Réunion. On devient débrouillard, autonome. Maintenant, je sais faire à manger pour toute la tribu et j’adore passer des moments avec eux en pleine nature. » Et les activités ne manquent pas. Par exemple, le 30 mars, les scouts encadreront le Trail de la trisomie 21. Puis ils participeront au reboisement de la réserve du Maïdo, l’un des sommets les plus emblématiques de l’île.

Rédaction : Pierre-Yves Fouché

La Réunion recense aujourd’hui 309 adhérents scouts, dont 158 filles et 151 garçons. La tribu des futurs scouts marins de Saint-Paul représente déjà 73 jeunes et 25 bénévoles, ce qui illustre un bel engouement pour les activités sportives pratiquées sur l’eau. © SGDF Anne Mousse 974
Les jeunes scoots de La Réunion ont récemment pu s’initier au kayak et aux jeux d’eau sur le site de l’Étang Saint-Paul.
Séance de pêche traditionnelle à la gaulette – longue tige de bambou utilisée comme canne – et concours de pêche proposés au Port.

LA FORCE D’UN RÉSEAU D’ACTEURS

DYNAMIQUES AU SERVICE DE LA BIODIVERSITÉ

M ieux tr A v A iller ense M ble de MA nière à g A gner en effi CAC ité et bâtir des p A rten A ri Ats

dur A bles en f A veur de l A biodiversité , telle est l ’ AM bition de C éline M A urer , déléguée

territori A le o C é A n i ndien à l ’ ofb depuis bientôt un A n . r en Contre .

INTERVIEW

CÉLINE MAURER, DÉLÉGUÉE

TERRITORIALE OCÉAN INDIEN À

L’OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ

• Quels sont les points communs entre votre mission actuelle et la précédente exercée pour l’OFB en Nouvelle-Calédonie ?

- La Nouvelle-Calédonie, l’île de La Réunion et Mayotte font partie des hotspots de la biodiversité, identifiés pour leur richesse remarquable mais aussi leur fragilité. Dans ces territoires, le tissu associatif est très dense, et je suis frappée par la dynamique des acteurs engagés en faveur de la biodiversité. Je n’ai pas encore beaucoup de recul, ayant pris mes fonctions en avril 2024, mais cette mobilisation est déjà une évidence.

• Et les différences notables ?

- Dans le Pacifique, la délégation territoriale (DT) de l’OFB en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna a un fonctionnement particulier. En effet, ces deux territoires

possèdent la compétence en matière d’environnement. L’OFB intervient à leur demande par voie de convention, pour la mise en œuvre de leurs politiques environnementales et le développement de partenariats.

Dans l’océan Indien, plusieurs structures de l’OFB interviennent en complément de la délégation territoriale basée à Saint-Denis et qui compte six agents : deux implantations de services départementaux de police à La Réunion et à Mayotte, l’Unité technique et connaissance (UTC) à Saint-Denis, ainsi que le Parc naturel marin de Mayotte. L’OFB participe aussi à des projets dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Nos champs d’expertise sont le fruit de notre histoire. En Nouvelle-Calédonie, l’implantation existait à travers l’Agence des aires marines protégées (AAMP) avec un accompagnement historique du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en charge du Parc naturel de la mer de Corail. Alors qu’à La Réunion, les premières entités étaient l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) centrés sur les volets faune et milieux aquatiques. Aujourd’hui, le périmètre d’action de l’OFB englobe les milieux marins, aquatiques et terrestres.

Exemple

« NOUS ŒUVRONS AVEC

LES ENTITÉS

DE L’OFB, LES ACTEURS LOCAUX ET LES POLITIQUES PUBLIQUES. NOUS AVONS LA CHANCE D’AVOIR UN TISSU D’ACTEURS TRÈS RICHE. LA FORCE DU RÉSEAU DOIT NOUS PERMETTRE DE GAGNER EN EFFICACITÉ ! »

• Quelques projets phares à nous citer ?

- Notre délégation territoriale œuvre sur des missions d’appui aux politiques publiques et de mobilisation des acteurs. Dans le cadre de la solidarité interbassins, elle apporte un soutien financier conséquent à des investissements permettant de lutter contre les pressions sur les milieux. Par exemple, à Mayotte, l’OFB soutient à hauteur de 3,7 millions d’euros – coût total de l’opération de 12 millions d’euros – la construction d’une nouvelle station d’épuration de l’ordre de 6 000 équivalenthabitants, dont la mise en service est prévue en 2025.

Lauréate de l’appel à projets « Restauration écologique des milieux humides d’outre-mer », la Communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) – dans le sud de La Réunion – bénéficie de notre accompagnement dans son projet de restauration écologique des berges et ravines de l’Étang du Gol. Aujourd’hui, le nombre d’espèces de l’avifaune a doublé sur le site !

• Et enfin, vos ambitions ?

J’aimerais collaborer davantage avec l’Agence régionale de la biodiversité (ARB) de La Réunion, pour aller encore plus loin dans notre mission de mobilisation des acteurs et des collectivités locales.

Je souhaite poursuivre le déploiement des Atlas de la biodiversité communale (ABC), qui permet à toute collectivité de disposer d’une cartographie partagée des enjeux de biodiversité sur son territoire. J’ai à cœur aussi de participer au développement du réseau des aires éducatives. À La Réunion, 50 établissements sont engagés dans la démarche, et 10 à Mayotte.

Enfin, parmi les nombreux projets à mettre en œuvre, il me semble important de faire connaître « Territoires engagés pour la nature », un label qui fait émerger et valorise des plans d’actions portés par les collectivités.

L’OFB soutient la construction de cette station d’épuration à Koungou (Mayotte), dont le clarificateur est ici en phase de test d’étanchéité.

UN COMITÉ DES FINANCEURS DE LA BIODIVERSITÉ À MAYOTTE

Depuis un an, ce comité accompagne les porteurs de projets et favorise les initiatives en faveur de la biodiversité, grâce à une meilleure collaboration des financeurs. « À Mayotte, après le passage du cyclone Chido, nous souhaitons élargir ce cercle de financeurs à des fondations privées. On se rend compte, en mutualisant nos efforts, que l’on peut travailler sur une approche globale intégrant à la fois la biodiversité, la santé, l’économie sociale et solidaire », se réjouit Céline Maurer.

Dans la commune de Saint-Louis, l’Étang du Gol est une zone humide du littoral réunionnais abritant une biodiversité remarquable. © Cynorkis

Sortie pédagogique avec des élèves chargés de gérer l’aire terrestre éducative (ATE) de Chirongui, dans le sud de Mayotte.

LES ENFANTS, ACTEURS D’UN AVENIR PLUS VERT !

A lors qu ’ AvA n C e sur le front de M er de s A int - d enis le projet de forêt urb A ine du b A r AC hois , 24 enfA nts de l A spl opé ont été invités pA r é ri C k A b A reigts , MA ire de l A v ille , à pA rti C iper

à l A pl A ntAtion de végétA ux test . u ne expérien C e enri C hiss A nte pour C es jeunes et leurs en CA dr A nts , qui Contribuent A insi à l ’ AM én Age M ent de C e futur espAC e boisé .

Site sanctuarisé depuis un an, l’emplacement de la future forêt urbaine accueille aujourd’hui la phase 2 du projet, qui consiste à enrichir les sols avant les plantations. Un mélange de terre et de pierres est en place, couplé à des graminées de type prairie. La nature et la météo travaillent ensemble pour permettre une régénération du sol sans intervention humaine, ni entretien ou arrosage, et le sol fait l’objet d’un suivi d’analyse chimique tous les six mois.

Ce projet ambitieux de la Ville de Saint-Denis s’inspire des travaux du botaniste japonais Akira Miyawaki, qui a développé une méthode de recréation de forêts indigènes sur des sols appauvris et des sites en friche. Selon cette méthode, la future petite forêt dionysienne fera se côtoyer une composition d’espèces adaptées aux embruns et à la vie en bord de mer.

QUATRE ZONES TESTS DE COMPOST

Sur proposition du paysagiste et maître d’œuvre Philippe Cretin du bureau d’études Sodexi, la Ville de Saint-Denis va profiter de ce temps de régénération pour tester divers types de compost. Le protocole a été élaboré entre la Ville, le paysagiste, l’entreprise La Mare Espaces verts et le laboratoire LAMS 21, en fonction des potentiels disponibles sur l’île.

Quatre zones tests déclinées sous forme de jardinières en bois de 100 m ² ont ainsi été mises en place.

Tandis qu’une première zone abrite un compost de déchets verts grossiers, de résidus et poussières de pellets de bois, un autre espace va permettre de tester un compost issu de déchets verts fins. Une troisième zone renferme un mélange de résidus de boues de stations d’épuration et de déchets verts gros calibre. Enfin, la dernière parcelle est dédiée aux résidus de déchets alimentaires, à partir du tri des bacs gris du nord et de l’est de l’île.

« L’objectif est d’expérimenter ces types de composts aussi bien sur leurs performances que sur leurs contraintes. Un de ces quatre mélanges sera mis en œuvre sur l’ensemble de la parcelle avant de procéder à la plantation de la micro-forêt durant la phase 3, qui consistera à mettre en terre 22000 plants sur une surface de 5000 m2. C’est donc une étape dont nous attendons beaucoup, car les résultats serviront aux aménagements paysagers futurs », explique Nadège Grenier-Duvert, cheffe de projet à la direction des Grands projets de la Ville de Saint-Denis.

UNE CENTAINE DE PLANTS, SIX ESPÈCES

Le 4 décembre dernier, durant une demi-journée, les enfants de la SPL OPÉ, Oser Pour l’Éducation, ont planté 100 plants de six espèces distinctes, dont cinq endémiques de La Réunion et une endémique de Maurice : manioc bord de mer ; bois de tension ; baume de l’île Plate (Île Maurice) ; bois de chenille ; bois d’arnette et bois de senteur blanc.

Cela représente 25 plants par zone expérimentale. Choisies pour leur rusticité, ces espèces figurent dans la liste des plantes qui peupleront ultérieurement la forêt urbaine. « Après les travaux pratiques, nous avons pu échanger avec les enfants, par exemple, sur l’histoire du bois de senteur blanc, qui aurait pu disparaître il y a quelques années, ou leur faire observer la petite fleur blanche du manioc bord de mer », note Nadège Grenier-Duvert.

La Ville de Saint-Denis a pour ambition de partager ce projet pédagogique autour de la forêt urbaine avec les petits Dionysiens. « Nous réfléchissons à l’élaboration de séquences coordonnées avec la direction des Espaces publics, de l’environnement et du cadre de vie, ainsi que la direction de l’Éducation, pour mobiliser encore davantage de jeunes autour du projet », conclut Nadège Grenier-Duvert.

INTERVIEW

JEAN-MAX BOYER, CONSEILLER MUNICIPAL DE SAINT-DENIS ET PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE OSER POUR L’ÉDUCATION (SPL OPÉ)

• Quel regard portez-vous sur cette plantation réalisée par les enfants ?

- C’est une très belle opération porteuse d’espoir pour la Ville de Saint-Denis et le futur de notre île. C’est aussi un symbole fort pour la SPL OPÉ, qui n’est pas

juste une garderie d’enfants, mais une association qui nourrit l’ambition d’un avenir plus prometteur, via des actions déclinées sur l’ensemble du territoire.

• Comment les jeunes ont-ils vécu l’expérience ?

- Ils ont appris à planter, à creuser des trous, à dépoter les arbres, à bien les positionner en terre, à remblayer… Ils étaient tous très investis, curieux, très pressés de mettre la main à la pâte, de prendre l’arrosoir. Je tiens à dire à Madame la Maire, aux partenaires et animateurs que nous avons tous pris plaisir à partager nos connaissances et notre savoir-faire avec les enfants.

• Un acte symbolique qui montre que chacun peut contribuer à un avenir plus vert ?

- Tout à fait. Les enfants, dès leur plus jeune âge, en classe de maternelle, vont grandir avec les arbres. Ils sont les adultes de demain et ils pourront profiter de cette forêt urbaine. Ils représentent un excellent vecteur de communication auprès de leurs familles et seront les acteurs du sauvetage de notre planète !

Rédaction
: Sandrine Chopot
Photos :
©
Ville de
Saint-Denis

En haut de page : animation avec un groupe d’enfants par la SPL OPÉ sur le site de la future micro-forêt urbaine. | Ci-dessus : exemple de parcelle d’expérimentation de compost. | Page suivante : présence d’Éricka Bareigts, maire de Saint-Denis, auprès des enfants.

Photos : © Ville de Saint-Denis

LA VILLE DE SAINT-DENIS REMPORTE LE TROPHÉE DE L’ACHAT RESPONSABLE

Dans le cadre du marché d’aménagement de la micro-forêt urbaine, la Ville a reçu le Trophée de l’Achat Responsable, remis par Brigitte Adame (à gauche sur la photo), présidente de la Maison de l’Emploi Nord 974, aux côtés de Serge Hoareau, président du Haut conseil de la commande publique de La Réunion (à droite). Cette distinction récompense une initiative écologique et souligne aussi la capacité d’une collectivité à intégrer des enjeux environnementaux, sociaux et économiques dans un projet d’aménagement urbain.

Le marché de la micro-forêt intègre en effet un volet social fort, avec près de 1 150 heures d’insertion prévues afin d’accompagner des personnes en difficulté vers l’emploi.

Au centre, Fernande Anilha, élue déléguée à la commission d’appels d’offres et marchés des travaux, fournitures et services, a reçu le prix pour la Ville.

Par ailleurs, la Ville de Saint-Denis a veillé à travailler avec des TPE-PME locales, de manière à valoriser le tissu économique de l’île, tout en respectant des critères éthiques rigoureux, dans le cadre de la Stratégie du Bon Achat.

LES ÉCOSYSTÈMES CORALLIENS PROFONDS

DÉVOILENT LEURS SECRETS AU LARGE DU PORT

à l ’ issue de qu Atre A nnées de re C her C hes pA ssées A u g r A nd p ort M A riti M e de l A r éunion ( gp M dlr ), l udovi C hoA r A u A brill AMM ent réussi s A souten A n C e en dé C e M bre dernier r en Contre Ave C l ’ un des r A res experts en f r A n C e des é Cosystè M es Cor A lliens M ésophotiques ( e CM s ), qui vivent entre 30 et 150 M ètres de profondeur

INTERVIEW

LUDOVIC HOARAU, BIOLOGISTE MARIN ET DIPLÔMÉ D’UN DOCTORAT À L’UMR ENTROPIE, UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION

• En quoi les communautés coralliennes formentelles des écosystèmes d’une immense valeur ?

- Les récifs coralliens, qui recouvrent moins d’1 % de la surface des océans, abritent environ 30 % de la biodiversité marine mondiale. Ils protègent aussi des millions de personnes en jouant un rôle barrière, et nous offrent de précieux biens et services. On estime à 49 millions d’euros par an les services écosystémiques qu’ils rendent à La Réunion, entre la protection côtière, la pêche récifale, le tourisme et les loisirs.

Or, les coraux se dégradent inexorablement, du fait des changements environnementaux et autres pressions anthropiques. Sur l’île, on note une diminution du corail vivant depuis les années 1990. L’étude des écosystèmes coralliens mésophotiques (ECMs) n’a jamais été aussi urgente pour tenter de protéger les récifs.

• Vos recherches ont ainsi porté sur les ECMs ?

- Oui, j’ai souhaité étudier ces écosystèmes profonds, qui demeurent encore largement méconnus et bien moins documentés que ceux de la zone euphotique, plus proches de la surface. Dans le sud-ouest de l’océan Indien, il y a eu très peu de publications scientifiques sur le sujet. Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les ECMs composeraient environ 70 % de l’habitat récifal corallien au niveau global !

Les ECMs sont caractérisés par la présence d’organismes tels que les coraux dépendant de la lumière et autres organismes benthiques (vivant au fond des eaux) comme les algues, les éponges ou les antipathaires – également appelés « coraux noirs » – qui forment un habitat sur des fonds situés entre ~ 30 et 150 mètres en régions tropicales et subtropicales.

• Quel est votre sujet de thèse ?

- Ma thèse propose d’étudier l’écologie des ECMs à La Réunion, avec trois axes principaux : la structure des communautés macro-benthiques ; les processus démographiques et la connectivité génétique des coraux ; et enfin les implications des ECMs pour la conservation, ce qui revient à se poser notamment cette question : la zone mésophotique peut-elle être une zone refuge pour les coraux moins profonds, qui sont impactés par un grand nombre de menaces ? 1

• Pour ce faire, vous avez longuement exploré les eaux au large du Grand Port Maritime ?

- Ma thèse a pour objet d’améliorer les connaissances et la conservation des ECMs à La Réunion. Et elle vise notamment à valoriser le patrimoine naturel marin du

À gauche : réalisation de photoquadrats par Ludovic Hoarau pour quantifier la structure des communautés benthiques de la zone mésophotique à 60 mètres de profondeur sur le récif corallien à Saint-Leu. Ce sont 40 photoquadrats qui ont été effectués dans chacune des 60 stations échantillonnées, soit un total de 2 400 photoquadrats analysés. | À droite : la zone mésophotique (ici à -54 mètres au Port) peut être un refuge important pour des espèces de poissons d’intérêt commercial fort. © ECOMER / Hendrik Sauvignet

Grand Port Maritime de La Réunion. Pour ce travail de recherche, plus de 260 heures de plongée ont eu lieu en recycleur dans plus de 60 stations couvrant les eaux de Saint-Leu, Saint-Paul, du Port et les coulées de lave de Sainte-Rose. Cela a permis de caractériser la lumière, la température, la salinité, de quantifier le recouvrement corallien, la densité des coraux et des cnidaires, cet embranchement auquel appartient le corail et qui inclut les gorgones et anémones de mer, etc.

Parmi toutes les stations étudiées sur l’île dans la zone mésophotique, c’est au Port Est que le taux de recrutement corallien – ou le nombres de larves de corail qui ont pu se fixer sur le substrat et s’y développer avec les tout premiers polypes fabriquant leur squelette calcaire – s’est avéré le plus fort ! Il s’agit de la première étude mondiale sur le recrutement des coraux au-delà de 50 mètres. Par ailleurs, nous avons découvert au Port Ouest des forêts animales marines 2 hébergeant une biodiversité extrêmement riche et jusque-là très peu documentée. C’est un site exceptionnel qu’il convient de protéger en priorité, des fils de pêche tout particulièrement.

• En quelques mots, quelles sont les principales conclusions de votre thèse ?

- Pour ce qui est des espèces coralliennes étudiées, on constate l’existence d’une forte connectivité génétique entre les différentes profondeurs et aussi d’un site d’étude à l’autre. Cela va dans le sens de l’existence d’une zone refuge profonde pour quelques espèces coralliennes, une hypothèse qui reste encore très débattue par les scientifiques.

TÉMOIGNAGE

LUCIE PENIN, MAÎTRESSE DE CONFÉRENCE

À L’UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION

« Les travaux de Ludovic Hoarau ont produit des résultats inattendus. Quand on compare les communautés de coraux à faible profondeur, elles se ressemblent. Tandis que plus profond, elles sont très différentes les unes des autres. Les écosystèmes marins du Port sont remarquables et cela aussi est une surprise !

Je m’intéresse depuis 20 ans au recrutement des coraux. Grâce à cette thèse, nous bénéficions de connaissances nouvelles autour de La Réunion. Ayant travaillé précédemment en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, je suis convaincue qu’il sera très intéressant de comparer cette étude sur les écosystèmes coralliens mésophotiques réunionnais avec celles menées dans les autres territoires ultramarins. »

2 Du fait que les coraux, coraux noirs et autres gorgones font partie du règne animal, ces habitats sont qualifiés de « forêts

LE CORAIL A BESOIN DE QUATRE À SEPT ANS

POUR PASSER DU STADE JUVÉNILE

À L’ÂGE ADULTE

Ludovic Hoarau plonge au-dessus d’un récif découvert au large de la Réserve naturelle marine de La Réunion (RNMR) dans la zone mésophotique, à -45 mètres, au recouvrement corallien très important. La thèse de Ludovic montre l’importance de la conservation des ECMs pour la résilience des écosystèmes coralliens, et préconise un élargissement de la RNMR vers le large. © ECOMER / Hendrik Sauvignet

Ci-dessus : forêt animale marine composée de grandes gorgones du genre Subergorgia dans la zone portuaire. Cet habitat situé à 50 mètres de profondeur présente en effet une morphologie arborescente s’apparentant à une forêt. © ECOMER / Hendrik Sauvignet

EN ZONE MÉSOPHOTIQUE,

IL NE SUBSISTE QUE 10 % DE LA LUMIÈRE ENTRE -30 ET -40 MÈTRES ET 1 % ENTRE -60 ET -80 MÈTRES

Cet animal, un crinoïde, a été photographIé sur un corail noir au large de Saint-Paul, à -58 mètres. La thèse de Ludovic Hoarau s’inscrit dans les objectifs du Schéma Directeur du Patrimoine Naturel du Grand Port Maritime, les premiers suivis de la biodiversité marine du port ayant débuté en 2016. Ludovic a bénéficié d’une bourse CIFRE de l’ANRT avec le soutien du GPMDLR, de l’IRD et de l’Université de La Réunion.

Gorgones et coraux durs à -62 mètres. | Grands coraux tabulaires du genre Acropora à -45 mètres. © ECOMER / H. Sauvignet | Recouvrement exceptionnel de coraux du genre Leptoseris à -80 mètres. |Anémone et poissons-clowns à -50 mètres. © ECOMER / Ludovic Hoarau
Photographie
Ludovic Hoarau

MICHEL CHARPENTIER : « APRÈS CHIDO : LA FORÊT CONCENTRE

TOUS LES ENJEUX

DE LA BIODIVERSITÉ »

e n plus de son bil A n hu MA in très lourd –une qu A r A ntA ine de M orts A M ini MA et des Milliers de dispArus – le CyClone Chido AyAnt frAppé MAyotte le 14 déCeMbre 2024 A rAvAgé l A biodiversité lo CA le . M i C hel C h A rpentier , président de l ’ A sso C i Ation l es n Atur A listes de M Ayotte dresse un pre M ier bil A n

INTERVIEW

MICHEL

CHARPENTIER, PRÉSIDENT DE

L’ASSOCIATION

LES NATURALISTES DE MAYOTTE

• Deux mois après le passage de Chido, que peuton dire de ses conséquences sur les divers écosystèmes mahorais ?

- Située au sein d’un point chaud de biodiversité, l’île de Mayotte bénéficie d’un patrimoine naturel exceptionnel avec ses 5 % de forêts naturelles. Toute l’île a été touchée, mais pas de la même façon. Le nord de Grande-Terre a le plus souffert, avec des forêts entières ayant été comme moissonnées.

À mesure que l’on descend vers le sud de l’île, les conséquences du cyclone apparaissent un peu moins destructrices, mais le bilan reste exceptionnel. Dans les régions modérément touchées, un arbre sur deux a été déraciné.

Du côté maritime, la tempête tropicale Dikeledi, qui a touché l’île en janvier, a eu un impact au moins aussi important que Chido. La tempête a en effet ravagé les récifs, particulièrement le récif-barrière, en première ligne face à la forte houle cyclonique.

• Comment se porte la faune endémique de l’île, dont l’habitat a été partiellement détruit ?

- Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan précis, mais il est certain que toutes les espèces liées à la forêt, comme le maki ou la roussette, ont eu des pertes et que leur mortalité va croître.

Photo
© Naturalistes de Mayotte

Outre les morts qui sont directement liés au passage du cyclone, ces espèces frugivores ne trouvent plus de ressources pour subvenir à leurs besoins.

C’est la raison pour laquelle de plus en plus de makis sont contraints de s’approcher des villages. Ce phénomène était d’ailleurs déjà perceptible en raison de la déforestation, mais s’est amplifié après Chido. Il faut également évoquer la désocialisation et la perte de repères provoquées par le passage du cyclone, particulièrement problématiques pour les espèces communautaires comme le maki.

On appréhende aussi le sort de certains oiseaux, déjà en situation critique, à l’image du crabier blanc. Les cinq sites de nidification de cette espèce ont été abandonnés après le cyclone et on ignore si les crabiers ont réussi à se réfugier autre part. Enfin, le surcreusement des ravines, lié aux fortes pluies et à la houle cyclonique, a entraîné une forte érosion des plages où viennent pondre les tortues vertes, ce qui a eu pour effet de déterrer des milliers d’œufs.

Un élément vient contrebalancer ce tableau assez sombre : la végétation, même mal en point, est en train de cicatriser un peu partout dans l’île. Des arbres qui étaient complètement effeuillés et ébranchés, mais encore vivants, ont commencé un peu partout à repartir.

• Au regard de ces différents éléments, comment appréhendez-vous l’après-cyclone ?

- Du point de vue de la biodiversité, il faudra être particulièrement vigilant sur deux points : certaines espèces pionnières envahissantes risquent d’asphyxier la reprise de la végétation naturelle. D’autre part, certaines personnes profitent de cette déforestation pour y faire de la culture sur brûlis, et ce en toute illégalité, ce qui morcelle un peu plus la forêt et provoque des incendies non maîtrisés. Le maintien et l’extension du couvert forestier sont une exigence pour garantir la ressource en eau et préserver la riche biodiversité de Mayotte pour les générations futures.

Si on regarde la reconstruction, je crains qu’on en vienne à bétonner toute l’île, sans trop de vigilance pour les zones de risques naturels : bords de rivière, front de mer, zones humides, zones d’éboulement...

L’application du « Zéro artificialisation nette » est nécessaire pour préserver les espaces naturels et la biodiversité de l’île. De même, je ne peux que déplorer la réapparition des bangas [bidonvilles] dans des ravines classées comme sites à risques et dont on sait pertinemment qu’elles seront exposées aux prochains cyclones ou inondations.

• Comment penser, au contraire, la reconstruction de Mayotte dans une perspective écologique ?

- Une alternative au tout béton serait de miser, au moins en partie, sur la construction en terre, déjà utilisée dans l‘architecture traditionnelle mahoraise et qui constitue un matériau abondant, moins énergivore et de meilleure qualité thermique.

Ensuite, il faudrait profiter des budgets débloqués dans le cadre de la reconstruction pour mettre en place une ambitieuse politique de suivi et protection des espaces naturels, en particulier forestiers, qui constituent le « château d’eau » de l’île.

Dans l’opinion publique, le passage du cyclone a accentué l’intérêt croissant qu’il y a pour la biodiversité. Le sort des makis a particulièrement touché la population, et j’espère que cette sensibilité va s’élargir à la forêt toute entière, mais il y a des forces contraires très actives. De notre côté, nous tâchons d’essayer de sensibiliser les autorités à ces questions.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset

Déracinement d’un baobab sur une plage du sud. © Naturalistes de Mayotte | Mini-canyon creusé dans le cordon littoral par la houle cyclonique et les pluies charriées par les ravines. Un nid de tortue est apparent à mi-hauteur de la falaise. © Marc Allegri

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TERRE OUTRE-MER

À MAYOTTE, L’EAU VICTIME DE LA DÉFORESTATION

Six mois par an, Mayotte manque d’eau. Depuis 2017, en fin de saison sèche et en début de saison des pluies, la distribution en eau potable est interrompue une à deux fois par semaine sur toute l’île. Une situation inquiétante, qui s’aggrave. Deux explications : les sécheresses devenues récurrentes avec le dérèglement climatique, et surtout, la déforestation massive de Mayotte. Mais quel est le lien entre la déforestation et l’accès à l’eau potable ?

La végétation permet à la pluie de s’infiltrer dans la terre, beaucoup plus facilement et en profondeur que si le sol est à nu. Une fois la pluie tombée, les forêts émettent de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, qui favorise à nouveau les précipitations. Ce cycle permet aux nappes phréatiques et aux rivières de se remplir.

Mais à Mayotte, chaque année, 250 hectares de forêt sont défrichées. Des surfaces colossales pour une petite île d’à peine 374 km2. Le taux de déforestation annuel de Mayotte se situe entre celui de l’Argentine et de l’Indonésie, deux des pays où sévit la plus forte déforestation au monde.

Cette déforestation s’explique en partie par l’explosion démographique que connaît l’île : la population de Mayotte a triplé en 30 ans.

Tous les jours, des arbres sont coupés ou brûlés partout à Mayotte, pour construire à la place des logements, ou produire du manioc et de la banane, pour nourrir la population la plus pauvre de France.

En cause également, le Code forestier, qui tolère les défrichements de moins de quatre hectares, comme dans de nombreux départements de l’Hexagone. Une situation dénoncée par les associations de défense de l’environnement, qui réclament une réglementation adaptée à la surface du territoire.

En plus d’une pénurie en eau, la faune et la flore de Mayotte sont également en danger. Le lagon et les récifs coralliens subissent l’érosion des sols. Lessivées par les pluies, 20 000 tonnes de terre dévalent chaque année les collines, étouffent les coraux et embourbent le lagon de Mayotte, l’un des plus beaux au monde.

En janvier 2021, des scientifiques du monde entier ont envoyé une motion d’alerte aux responsables politiques locaux et nationaux. Le 4 mai 2021, la Réserve naturelle nationale des forêts de Mayotte a été créée. Mais selon la Fédération mahoraise des associations environnementales (FMAE) - CPIE Maoré, si la déforestation de l’île n’est pas enrayée d’ici cinq ans, c’est la ressource en eau et la survie de la biodiversité qui pourraient être compromises.

Visuel : © Valentine Dubois

MAYOTTE : QUELLE STRATÉGIE DE REFORESTATION ?

à lA suite du pAssAge dévAstAteur de Chido, qui A CAusé de grAves doMMAges Aux forêts

MA hor A ises , le d ép A rte M ent de M Ayotte solliCite une Aide d ’ urgenCe pour ACCoMpAgner

lA régénér Ation de C es é Cosystè M es vitA ux pour l A préserv Ation de l A biodiversité et des ressour C es en e A u

INTERVIEW

ABDOU MOUSTOIFA, DIRECTEUR ADJOINT À LA DIRECTION DE L’AGRICULTURE, LA PÊCHE ET LA FORÊT DU DÉPARTEMENT DE MAYOTTE

• Pouvez-vous nous rappeler quelles sont les missions du Département en ce qui concerne les forêts de Mayotte ?

- À Mayotte, il y a deux grands propriétaires de forêts : l’État, avec ses 2 000 hectares de forêts domaniales, et le Département, qui possède 6 000 hectares. Notre première mission est de surveiller nos forêts, une tâche plus que jamais cruciale depuis Chido. En effet, nous déplorons des infractions massives – défrichements et mises en culture illégales, cultures sur brûlis... – qui

Les vents violents et les fortes pluies ont arraché les arbres, provoqué des glissements de terrain et détruit de vastes zones.

« 25 AGENTS DÉPARTEMENTAUX

ASSERMENTÉS POUR SURVEILLER NOS FORÊTS, CELA NE SUFFIT PAS

! »

entraînent l’érosion des sols et l’envasement du lagon. Ensuite, nous devons entretenir la forêt. Nous luttons par exemple contre les lianes envahissantes, évacuons le bois qui tombe et le recyclons à la scierie de Coconi, où nous avons aussi une unité de fabrication de charbon. Notre troisième mission consiste à reboiser les zones qui ont du mal à se régénérer naturellement.

• Quelle est selon vous l’urgence du moment ?

- Pour accomplir notre mission de surveillance, notre équipe compte seulement 25 gardes forestiers, là où le besoin est estimé à une centaine d’agents, pas forcément assermentés d’ailleurs – à savoir pourvus du droit de verbaliser – car une simple présence humaine avec un bon maillage territorial peut déjà être efficace pour prévenir de nouvelles dégradations.

Je pense que le Département dispose de nombreux agents en Parcours emploi compétences (PEC), qui pourraient venir renforcer nos rangs. C’est la proposition de quelqu’un qui se bat pour la forêt !

Cela étant dit, il faudrait sécuriser cette surveillance : nos équipes prennent des risques pour leur vie, en se retrouvant en pleine nature face à des individus parfois armés de machettes. Pourquoi ne pas faire intervenir

la Sécurité civile pour aider à surveiller nos forêts ?

Autre urgence, et non des moindres : nous avons déploré deux départs de feux de forêt en début d’année, heureusement stoppés du fait de la saison des pluies. Si nous laissons nos forêts avec tous ces bois morts sans surveillance, le risque d’incendie va être exponentiel dès l’arrivée de la saison sèche en mai.

• Qu’en est-il de l’entretien des forêts ?

- Cela a été notre priorité numéro un après Chido. Nous avons abattu un travail colossal pour dégager les sentiers et permettre à nouveau l’accès aux différents massifs. L’entretien a nécessité deux mois de labeur sur 320 kilomètres de pistes et 197 tronçons, avec l’aide de 80 hommes. Une étape franchie avec succès. À présent, nous souhaitons valoriser le bois qui jonche toute l’île, pour les besoins de la population. Il va falloir remettre en état la scierie départementale, dont tous les équipements sont détruits. Et également acquérir des scieries mobiles.

• En termes de reboisement, quelle stratégie a été identifiée ?

- Tout d’abord, un état des lieux des forêts départementales réalisé par drone montre qu’environ 70 % des forêts de Mayotte ont été décimées.

Le Département a acquis une expérience et une expertise dans ce métier qu’est le reboisement. À chaque

« 70 % DES FORÊTS SONT DÉCIMÉES, OR LA LOI DU 24 FÉVRIER 2025

D’URGENCE POUR MAYOTTE

NE MENTIONNE PAS LE MOT “FORÊT” »

massif forestier correspond un plan d’aménagement de l’Office national des forêts (ONF), qui est notre prestataire. On pourrait croire qu’en subventionnant directement des associations, celles-ci seraient en mesure de replanter les espèces forestières. Mieux vaut que les fonds parviennent au Département et que ce dernier, avec l’ONF, encadre les associations, pour les former aux gestes et techniques du reboisement.

Depuis Chido, nous avons enchaîné les réunions, monté des dossiers... Le constat est clair : nous devons reboiser 100 hectares par an à Mayotte durant ces cinq prochaines années. Avant Chido, nous avancions au rythme de 40 hectares par an. Sachant que plus de 100 hectares forestiers disparaissent chaque année à cause des brûlis et des défrichements sauvages... Faute de moyens de surveillance supplémentaires, c’est un tonneau qui ne se remplira jamais !

• Une estimation du budget dont le Département a besoin pour l’aide d’urgence aux forêts ?

- Quand on additionne notamment ces besoins de reboisement, mais aussi la remise en état de la scierie de Coconi, la mise en place d’une unité de charbon, le réaménagement complet de notre unité de production de plants à Coconi, le recrutement d’ouvriers pépiniéristes, etc., le budget global pour reboiser nos forêts est évalué à 27 millions d’euros sur cinq ans. Le Plan stratégique national (PSN) ne permettra pas d’atteindre cet objectif. Il faut donc trouver des sources de financement, et ce de toute urgence.

• Un mot pour les décideurs qui nous lisent ?

- Nos forêts sont déjà plus vertes qu’au lendemain de Chido. Mais ce sont des herbes qui repoussent et bien souvent des espèces envahissantes. Sans plan d’urgence pour la surveillance, l’entretien et le reboisement de nos forêts, nous allons au-devant de risques majeurs d’incendies, de pertes durables de la biodiversité et de crises de l’eau accentuées du fait des pertes considérables du couvert forestier.

La serre de Coconi permet au Département de Mayotte, expert dans ce domaine, de produire des plants en pépinière.
Rédaction

UN PROJET PHARE DE LA CAGNM : LA RESTAURATION DE LA RIVIÈRE BOUYOUNI

l A C o MM un A uté d ’A gglo M ér Ation du g r A nd n ord de M Ayotte (CAgn M) est fière de vous

A nnon C er le l A n C e M ent offi C iel du projet de restA ur Ation é Cologique de l A rivière b ouyouni , l A uré At du pre M ier A ppel à projets du progr AMM e européen bestlife 2030, porté p A r l ’ u nion intern Ation A le pour l A C onserv Ation de l A n Ature ( ui C n ).

Ce projet a vocation à préserver les ripisylves – flore arborée bordant un cours d’eau naturel – essentielles au maintien de la biodiversité et à la gestion durable des ressources en eau sur les berges de la rivière Bouyouni, dans le Grand Nord de Mayotte.

LE PROGRAMME BESTLIFE2030

Le BESTLIFE2030 est un programme européen dédié à la restauration des écosystèmes naturels, ainsi qu’à l’adaptation aux impacts du changement climatique. Il soutient des projets innovants qui ambitionnent de :

• préserver les habitats dégradés ;

• protéger les espèces menacées ;

• gérer durablement les ressources naturelles ;

• sensibiliser les populations à l’environnement.

Ce programme alloue une subvention de 86 723 euros à ce projet de la CAGNM, soit 95 % de financement.

En effet, le projet de restauration écologique de la rivière Bouyouni a été retenu dans le cadre du premier appel à projets BESTLIFE2030 en raison de son approche écosystémique – méthode de gestion tenant compte de toutes les composantes d’un écosystème, dont fait partie l’être humain – et de son potentiel de reproductibilité à l’échelle du territoire.

LA RIVIÈRE BOUYOUNI : UN PATRIMOINE NATUREL MENACÉ

La rivière Bouyouni, l’une des principales rivières permanentes de Mayotte, occupe une place stratégique pour la préservation de la biodiversité locale et l’approvisionnement en eau potable. Toutefois, la dégradation avancée de ses ripisylves compromet la qualité de ses eaux, tout comme la pérennité des habitats naturels qui en dépendent.

L’approche intégrée du projet, de même que le volet communication qui va être déployé, garantissent un impact positif durable tant sur l’environnement que sur la prise de conscience collective autour des enjeux écologiques de la rivière Bouyouni. © CAGNM

UN PROJET AMBITIEUX

Le projet prévoit la restauration écologique de plus d’un kilomètre de ripisylves à travers des actions ciblées de replantation d’espèces végétales indigènes. Cette initiative s’inscrit dans une démarche intégrée visant à sensibiliser les populations locales à l’importance des ripisylves et de leurs fonctions écologiques, essentielles pour la résilience environnementale du territoire.

UNE INTERVENTION MÉTHODIQUE

La replantation aura lieu sur 15 segments des berges de la rivière. Ces zones prioritaires ont été identifiées dans le cadre d’une étude préalable conduite en 2024, avec l’appui d’une assistance à maîtrise d’ouvrage mandatée par la collectivité. Ce diagnostic a permis de localiser avec précision les sections nécessitant une intervention immédiate et adaptée.

LES ÉTAPES-CLÉS DE LA RESTAURATION

Menée sur 30 mois, de novembre 2024 à avril 2027, la restauration écologique de la rivière Bouyouni s’articule autour de quatre phases.

La première phase, qui va être initiée prochainement, consiste à collecter les semences d’espèces indigènes directement sur le bassin versant de la rivière Bouyouni, pour préserver leur origine génétique et leur adaptation au milieu local. Cette phase intègre :

• la sélection des espèces les plus adaptées, avec un objectif de 450 graines pour chacune d’entre elles ;

• la coordination avec des écologues forestiers ;

• le respect des quotas pour garantir la pérennité des populations végétales existantes.

Prévue cette année, la deuxième étape sera celle de la production en pépinières. Les semences récoltées vont être cultivées dans des pépinières locales pour produire 2 500 plants en godets forestiers, spécialement adaptés aux conditions climatiques et hydrologiques de Mayotte. Un suivi technique rigoureux sera assuré afin de vérifier la qualité sanitaire et écologique des plants, jusqu’à leur transfert sur les sites de plantation.

Enfin, les jeunes plants seront mis en terre sur plus d’un kilomètre linéaire de ripisylves dégradées au début de la saison des pluies 2026-2027, pour maximiser les taux de reprise. Cette troisième phase inclut :

• la préparation des sites, à travers le piquetage et l’élimination des espèces envahissantes ;

• la plantation selon un protocole précis, adapté aux caractéristiques hydrologiques locales ;

• la protection des spécimens patrimoniaux présents à proximité.

OBJECTIFS ET IMPACTS ATTENDUS

La plantation de plus de 2 000 arbres et arbustes indigènes aura pour effet de revitaliser les ripisylves et de rétablir leurs fonctions naturelles, tout en favorisant la conservation d’espèces menacées. Ce projet contribuera à renforcer la résilience du territoire face à l’érosion des sols, aux risques d’inondation et à la pollution des ressources en eau. Enfin, les riverains et les jeunes seront sensibilisés aux rôles essentiels des ripisylves dans le maintien des équilibres écologiques et la gestion durable des ressources.

Ce projet repose aussi sur une collaboration avec la Ville de Bandraboua ; le Département de Mayotte, apportant son expertise sur les essences adaptées et assurant le suivi des travaux ; les porteurs du programme LESELAM (Lutte contre l’érosion des sols et l’envasement du lagon à Mayotte) ; les associations locales, impliquées dans les actions de reboisement et la sensibilisation des publics.

Rédaction

TAAF

LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES

FRANÇAISES : 70 ANS

C onnues pour leur i MM ense intérêt s C ientifique et é C ologique , les t erres A ustr A les et A ntA r C tiques fr A nç A ises fêtent leurs 70 A ns en 2025. l ’ o CCA sion de f A ire ( re ) dé C ouvrir les M issions de l A C olle C tivité d ’ outre - M er siége A nt à s A int - p ierre , à l A r éunion .

En Antarctique, l’année 2025 s’est ouverte sur une avancée scientifique majeure. La campagne de forage Beyond Epica, conduite par des scientifiques européens notamment issus du CNRS et de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), a atteint de la glace datant de plus d’1,2 million d’années. Cette découverte permettra de reconstituer les évolutions du climat et la composition de l’atmosphère terrestre au-delà de 800 000 ans dans le passé.

Il s’agit là du dernier exemple en date de l’importance scientifique cruciale que revêt l’Antarctique à l’heure du dérèglement climatique et de la nécessité de s’investir dans cette région du monde très convoitée. La France compte en cela un avantage : les cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui fêtent leur 70e anniversaire.

Réunis sous une même collectivité depuis 1955, les archipels de Crozet et Kerguelen, découverts à la fin du XVIIIe siècle par des explorateurs français, la Terre Adélie, foulée par Dumont d’Urville en 1840, les îles Éparses et les îles Saint-Paul et Amsterdam offrent plus de 2 millions de km ² de zone économique exclusive (ZEE) à la France.

NOTORIÉTÉ SCIENTIFIQUE

Ces territoires dotés d’une biodiversité unique abritent deux réserves naturelles nationales et forment la deuxième plus grande aire marine protégée au monde. Les îles Éparses abritent à elles seules plus de 3 750 espèces marines, tandis que les îles Australes – Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Asmterdam – accueillent plus de 50 millions d’oiseaux issus de 47 espèces, dont huit endémiques.

Grâce à ses stations scientifiques et météorologiques dont les premières datent des années 50, et à ses divers programmes de recherche, la France figure au premier rang mondial des publications scientifiques sur les régions subantarctiques et à la cinquième place concernant l’Antarctique. « Nos îles subantarctiques sont des lieux parfaits pour mesurer le plus justement possible, par triangulation, les mesures sismographiques de l’hémisphère Sud. Elles sont un formidable outil de suivi et de préservation de la biodiversité à travers, notamment, l’organisation de la pêche à la légine [poisson évoluant entre -300 et - 2 000 mètres] et les aires marines protégées », confirme Jimmy Pahun, député et membre du conseil consultatif des TAAF.

Cette année, les Terres australes et antarctiques françaises célèbrent leurs 70 ans ! Des Îles Éparses à la Terre adélie en passant par les îles subantarctiques françaises, l’administration supérieure des TAAF assure depuis 1955 des missions de souveraineté, de soutien à la recherche scientifique et de protection de la biodiversité exceptionnelle de ces territoires français du bout du monde.

INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES

Malgré cet intérêt, les TAAF font toujours face à un déficit de notoriété. Pour mieux faire connaître ces territoires, l’administration des TAAF prévoit pour 2025 plusieurs événements, comme des expositions à La Réunion, ou encore le lancement d’une chaîne de podcasts et d’une page Instagram.

« Même si ce sont des territoires très lointains, il ne faut surtout pas que ce soient des territoires oubliés. [Je souhaiterais] qu’un jour, sur les cartes de France apprises par les enfants, figurent également les territoires des TAAF », confie Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du conseil consultatif des TAAF.

Sur le terrain, l’ambition française fait aussi face à plusieurs défis, auxquels le One Planet - Polar Summit de novembre 2023, a apporté quelques réponses. Emmanuel Macron y a multiplié les annonces, dont notamment la reconstruction de la très vétuste station antarctique Dumont d’Urville (DDU), ouverte en 1956, et la rénovation de celle de Concordia, cogérée avec l’Italie, mais aussi la construction d’un nouveau

navire de recherche océanographique ou encore une hausse du budget français dédié à la recherche polaire.

Celui-ci devrait passer à un milliard d’euros d’ici 2030, soit deux fois plus que les 500 millions dépensés entre 2017 et 2023. Une mesure on ne peut plus nécessaire après des années de déficit chronique. En 2021, un rapport parlementaire alertait sur le budget de l’IPEV, de 16 millions d’euros par an jugé « beaucoup trop faible », au regard de la concurrence. Son homologue, l’Australian Antarctic Division étant, par exemple, doté de 88 millions d’euros par an. À ce jour, ces mesures n’ont toutefois pas été financées concrètement.

Enfin, un autre chantier majeur viendra modifier le paysage austral dans les prochaines années : le remplacement attendu du Marion Dufresne II, célèbre ravitailleur des districts qui fête cette année ses 30 ans, faisant à double titre, de 2025, une année symbolique pour les TAAF.

Rédaction : Enzo Dubesset

humaines et de protection de l’environnement, pour les futures générations. © Adrien Colomb + d’info ici : Le dossier de presse complet des 70 ans des TAAF (mise en ligne sur le site des TAAF prévue à compter de mi-mars)

Retour de l’île des Pétrels en Terre adélie. Les TAAF, qui célèbrent cette
année 70 ans de vie en milieu isolé, représentent des terres de recherche scientifique, d’aventures

Attisé par des vents violents, ce feu de végétation qui s’est déclaré le 15 janvier 2025 a menacé les bâtiments de la base Martin-de-Viviès.

UNE ACTUALITÉ MARQUÉE PAR L’INCENDIE QUI A RAVAGÉ L’ÎLE D’AMSTERDAM

L’après-midi du 15 janvier, l’incendie, dont l’origine reste inconnue, s’est déclaré à 2,5 kilomètres de la base Martin-de-Viviès près de la Pointe Bénédicte, dite « Pointe B », où est implantée l’une des stations de mesure de gaz à effet de serre les plus renommées au monde, la deuxième plus ancienne après Hawaï.

À Amsterdam, sur cette île parmi les plus isolées de la planète, réputée pour détenir des records de pureté de l’air, les flammes se sont rapidement propagées en direction de la base scientifique et sont devenues hors de contrôle. Faute des moyens nécessaires pour circonscrire les flammes, la décision s’est imposée d’évacuer toutes les personnes présentes sur place.

En campagne de pêche dans les eaux de Saint-Paul et Amsterdam, le caseyeur langoustier Austral a été dérouté à la demande de la préfète, administratrice supérieure des TAAF. Les 31 personnes qui travaillaient sur l’île d’Amsterdam ont pu être embarquées à son bord le 16 janvier à l’aube, avant de rejoindre le Marion Dufresne, lui-même dérouté pour prêter main forte à l’opération de secours.

LES FEUX, D’UNE AMPLEUR INÉDITE, AURAIENT RÉDUIT EN CENDRES PLUS DE LA MOITIÉ DE L’ÎLE

Selon un premier bilan de l’administration des TAAF, qui s’appuie sur des images satellites, 55 % de l’île – de 58 km2 – aurait été décimé. Plusieurs espèces endémiques sont menacées. L’île héberge notamment 65 % de la population mondiale d’albatros à bec jaune, ainsi que l’albatros d’Amsterdam, en danger d’extinction avec 63 couples reproducteurs dénombrés et qui allait entrer en période de reproduction. Amsterdam abrite aussi le Phylica arborea, seul arbre des Terres australes françaises, dont la précieuse pépinière est partie en fumée.

Le 7 février, une mission de reconnaissance a quitté La Réunion sur le Floréal, frégate de la Marine, afin d’estimer les dégâts de l’incendie, d’enquêter sur ses causes et d’envisager la réouverture de la base.

Rédaction : Stéphanie Castre + d’info ici : Reportage de TF1 du 14 février 2025

POLYNÉSIE FRANÇAISE

LA PERLICULTURE POLYNÉSIENNE VICTIME DE SES PROPRES DÉCHETS PLASTIQUES

Ramassage de déchets plastiques par les bénévoles de l’association Te Hotu No Te Fenua (« le fruit de la terre »). © Temana Tevaitai

bouées, CordAges, grillAges, filets… les objets en plAstique ont ACCoMpAgné le développeMent de l A filière perli Cole en p olynésie fr A nç A ise , s A ns que le se C teur s ’ en inquiète . A ux t u AM otu , des M illiers de tonnes de dé C hets ont été relevés sur C h A que Atoll l e point sur l A situ Ation

En 2003, une première étude réalisée à la demande du Service de la perliculture recensait les impacts de l’activité sur l’environnement. Les résultats ont montré que le collectage et le nettoyage avaient les effets les plus négatifs. Le collectage entraîne un transfert des épibiontes – organismes qui vivent sur d’autres êtres vivants – entre atolls lors des transferts de nacres, tandis que le nettoyage favorise leur dispersion et multiplication à l’intérieur du lagon.

Dans son rapport rendu fin 2021, la Chambre territoriale des comptes examinait la politique des ressources marines conduite par la Polynésie française depuis 2015. Elle a noté que la première reconnaissance visuelle des déchets par des plongeurs professionnels et une estimation du tonnage n’ont été diligentées à Takaroa que « 12 ans après le constat de pollution du lagon par les activités de production. »

Selon les magistrats, la majorité des professionnels serait « néanmoins consciente que l’activité impacte l’environnement ». La méthode artificielle de culture des perles peut causer des déséquilibres écosystémiques si les lagons sont surexploités, prévient Plastic Odyssey qui souligne que tout le plastique utilisé dans l’eau génère une grande quantité de microplastique. L’huître perlière, animal filtreur par excellence, est particulièrement vulnérable face à cette pollution, puisqu’un adulte filtre jusqu’à 25 litres d’eau de mer par heure.

IDENTIFIER, RÉCUPÉRER, RETRAITER…

La prise de conscience se traduit dans le budget à compter de 2016, avec des études et actions conduites soit par la collectivité, soit dans le cadre du projet RESCCUE 1, cofinancé par l’Agence française de développement (AFD) et le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). Une estimation à Takaroa et Takapoto montre que 82 tonnes de déchets plastiques sont théoriquement produites chaque année par les fermes perlières, ainsi que 37 tonnes de bouées et 28 tonnes de cordes en polymère. Des travaux d’identification et de cartographie des stocks de déchets ont été menés également à Manihi et Ahe. Aujourd’hui, on évoque un stock historique cumulé depuis 40 ans de plusieurs milliers de tonnes par île perlicole et une production annuelle de déchets constante estimée à plusieurs centaines de tonnes par île.

L’évaluation des conséquences environnementales n’est pas simple en raison de la grande hétérogénéité entre les îles. La Chambre territoriale des comptes évoque « une connaissance des enjeux, des obligations réglementaires, des gisements et des filières très imparfaites puisque les natures et gisements de déchets produits, et a fortiori les procédés usuels de gestion correspondants, et des coûts associés, sont totalement ignorés des perliculteurs. » La Direction des ressources marines (DRM) travaille à la réduction des impacts

L’équipe de Plastic Odyssey a effectué des tests à bord du navire en broyant des déchets plastiques issus de la perliculture. Elle a ensuite fabriqué des planches en plastique recyclé pour construire un banc qui a été offert à la communauté de l’atoll d’Apataki, dans les Tuamotu. © Plastic Odyssey | Taivini Teai, ministre en charge notamment de l’Environnement. © Gouvernement de la Polynésie française

négatifs des fermes perlières. Elle recherche des entreprises qui produisent des biomatériaux pour remplacer les grillages faits de plastique et assurer un suivi environnemental. Un système de collecte des déchets perlicoles a été mis en place sur différentes îles afin qu’ils soient acheminés par bateau vers un centre d’enfouissement à Tahiti.

TAIVINI TEAI :

« ENCOURAGER LE RÉEMPLOI, LE RECYCLAGE ET L’INNOVATION »

Taivini Teai, ministre de l’Environnement, a participé le 11 février 2025 à l’ouverture du séminaire de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) Pacifique sur le thème de l’économie circulaire dans le Pacifique francophone. Il a rappelé l’importance de repenser les modes de production, de consommation et de gestion des ressources afin de construire une économie régénérative : « Nous devons sortir d’un modèle linéaire où nous prenons, consommons et jetons. Il est impératif de bâtir une économie où chaque matière est valorisée et chaque produit a une seconde vie. »

Cet événement est l’occasion de valoriser des initiatives locales telles que celles de l’association T ā t ā ’i, qui développe un réseau de recycleries, ou encore de

l’entreprise Biobase, pionnière dans la création de solutions alternatives aux produits plastiques.

Récemment, le Pays a adopté une loi visant à réduire les produits à usage unique et s’apprête à déployer son Schéma territorial de prévention et de gestion des déchets (STPGD). « Ce schéma vise à encourager le réemploi, le recyclage et l’innovation », souligne Taivini Teai. Le document prévoit notamment une réduction de 30 % des déchets à enfouir d’ici 2032, mais également une baisse de 40 % du tonnage des déchets alimentaires enfouis d’ici 2032, ou encore une augmentation du tonnage de déchets recyclables collectés de 60 % d’ici 2030.

Rédaction : Damien Grivois

NOUVELLECALÉDONIE

LA BIODIVERSITE

FACE AU CLIMAT SOCIAL

Pose de panneaux de sensibilisation à la protection de la flore et des oiseaux marins sur l’îlot Ange à Païta, par les Gardiens Des Îles. Depuis plusieurs années, les bénévoles de l’association nettoient, reboisent et protègent cet îlot situé à proximité de Nouméa. © Gardiens Des Îles

l es é M eutes qui ont é C l Até en n ouvelle -C A lédonie en MA i 2024 ont eu de no M breux i M pACts sur le territoire s i les dégâts MAtériels C on C ernent surtout n ou M é A et les C o MM unes A lentour , C ’ est l A dyn AM ique de tout l ’ A r C hipel qui est A ujourd ’ hui bouleversée . C e C li MAt de C rise fr A gilise notAMM ent le se C teur environne M entA l et les efforts de C onservAtion .

INTERVIEW

MALIK OEDIN, CHEF DU DISTRICT FORESTIER OUEST EN PROVINCE NORD ET PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION GARDIENS DES ÎLES

• En tant que président associatif, comment décrirais-tu le climat social en Nouvelle-Calédonie ?

- La situation s’est bien améliorée, mais le contexte reste incertain. Certains manques se font encore sentir très rapidement, comme par exemple en ce qui concerne le personnel médical ou les secours. Depuis les événements de l’an dernier, les offres de services sont réduites sur l’ensemble du territoire.

Les services restants sont désormais regroupés autour de la capitale, Nouméa. C’est ce qui a naturellement été observé, et qui permet sans doute de préserver l’activité économique et administrative. Malgré un apaisement global, le pouvoir d’achat a diminué, ce qui fait persister une tension sociale.

• Et les impacts sur l’environnement ?

- En province Sud et particulièrement à Nouméa où se sont concentrées les émeutes, on peut voir les conséquences directes des mouvements sociaux sur la biodiversité. Entre autres, la destruction d’infrastructures a probablement généré une forte pollution qui fragilise les écosystèmes locaux, notamment marins. La gestion de cette pollution est aujourd’hui l’un des soucis environnementaux dus aux émeutes.

À l’échelle du territoire, on constate une augmentation de certaines pratiques telles que la chasse, la pêche et le braconnage, afin de compenser le contexte financier difficile ainsi que des ruptures d’approvisionnement.

Pour gérer la crise, les fonds ont été essentiellement redirigés vers les secteurs sociaux et économiques, de manière à favoriser leur résilience. On observe de façon générale que les décisions prises lors de ces crises sociales le sont souvent au détriment du secteur environnemental, qui passe alors au second plan des priorités.

• Comment réagis-tu face à cette situation ?

- Récemment, une communication a été publiée grâce au travail de l’association Gardiens Des îles, que je préside. C’est une réflexion menant justement à la conclusion que les investissements en faveur de l’environnement baissent lors de périodes d’instabilité comme celles que nous traversons. Cette étude a pour but d’alerter la communauté scientifique sur ce phénomène. Il s’agit également de donner des outils pour défendre les financements écologiques en faveur du territoire. L’association Gardiens Des Îles agit aussi comme un catalyseur en embauchant de jeunes qui souhaitent travailler dans l’écologie, malgré un contexte actuel peu favorable à l’emploi.

Enfin, en parallèle de mon travail associatif, j’occupe un poste dans la conservation de la biodiversité, notamment des forêts au sein de la province Nord de la NouvelleCalédonie. J’ai notamment beaucoup travaillé sur la protection d’espèces, dont principalement les chauvessouris, à travers le programme Horizon Roussettes.

• Peux-tu nous parler de ce programme ?

- On trouve chez nous quatre espèces de roussettes. Horizon Roussettes s’intéresse particulièrement à deux d’entre elles qui sont très chassées : la roussette rousse et la roussette du Pacifique. Ces chiroptères sont comptés tous les ans depuis 2010, il s’agit d’un des suivis d’espèces les plus robustes au monde !

Il fait appel aux sciences participatives qui permet aux habitants locaux, à l’issue d’une formation, de compter annuellement les roussettes aux côtés des gardes nature pour suivre la tendance de la population. Les concertations issues du programme Horizon Roussettes ont servi à proposer des mesures de gestion concertées de ces espèces.

Dans la situation actuelle, ce projet revêt encore plus d’importance, car il évalue les effets du climat social sur les roussettes. Par exemple, il y a eu, depuis les émeutes, des signalements d’individus qui troquaient ces chauves-souris contre des munitions [leur vente ayant été fermée de mai à décembre 2024].

• Pourquoi la roussette ?

- C’est d’abord un animal de premier ordre ici au niveau culturel : il fait même partie des emblèmes de la Nouvelle-Calédonie. La monnaie kanak est par exemple fabriquée en poils et os de roussettes.

Sur le plan biologique, ce sont de grandes pollinisatrices. La Nouvelle-Calédonie présente un fort taux d’endémisme – un grand nombre d’espèces qu’on ne trouve nulle part ailleurs – ce qui implique une certaine complémentarité entre les espèces, et le fait que certaines plantes dépendent spécifiquement des roussettes pour assurer leur pollinisation.

Rédaction et interview : Justine Taugourdeau

+ d’info ici : Les roussettes dans la province Nord

Porté par la province Nord et cofinancé par l’OFB, le programme Horizon Roussettes cherche à préserver durablement les populations de roussettes, en prenant en compte les aspects socioculturels et en associant les habitants aux réflexions. © Nicolas Job / Province Nord

WALLISET-FUTUNA

MATILITE VALAO, UNE WALLISIENNE ENGAGÉE

p restAtAire en gestion d ’ entreprise et gérAnte du gite o C e A ni A à W A llis , l A jeune fe MM e A représenté son A r C hipel d A ns le CA dre de l A C op 29, org A nisée en nove M bre 2024 pA r l ’ u niversité du q uébe C r en Contre

INTERVIEW

MATILITE VALAO, CHEFFE D’ENTREPRISE ET AMBASSADRICE DE L’ENVIRONNEMENT À WALLIS

• En 2024, vous avez bénéficié d’une formation de l’ONU dédié aux peuples autochtones ?

- J’ai obtenu une bourse dans le cadre du programme du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), dont la formation aide à mieux défendre les droits des populations autochtones. J’ai ainsi eu la chance de représenter mon archipel.

L’érosion côtière est très marquée à Wallis. Face à la montée du niveau de l’océan Pacifique, des pans entiers de plages ont disparu depuis ces dernières décennies. © Matilite Valao

Une préformation s’est déroulée pendant 15 jours à l’Université du Québec, puis j’ai suivi une formation au rythme beaucoup plus effrené, pendant un mois, à Genève. Depuis mon retour, je m’engage à partager les connaissances acquises avec ma communauté, afin de l’aider à mieux défendre ses droits.

Par exemple, à Wallis-et-Futuna, nous faisons face à des problèmes liés au foncier. En ce qui concerne l’érosion littorale notamment, des enrochements sont effectués entre les propriétés privées des habitants et l’océan, sans que ces derniers n’aient été consultés. Certes, l’action est menée en raison de l’érosion, mais je m’interroge par exemple sur le devenir des projets qu’ont ces foyers sur le littoral. Les habitants doivent faire valoir leurs droits.

Ouverture de la formation donnée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, par Tovar da Silva Nunes (à l’écran), ambassadeur et représentant permanent à l’ONU. | La France comptait à Genève 11 représentants des peuples autochtones.

La replantation de palétuviers apparaît, pour Matilite Valao, comme une solution pour atténuer les effets du changement climatique dans l’archipel. Il est à noter qu’une expertise est primordiale dans ce domaine : souvent, dès lors que les pressions sur les écosystèmes sont écartées ou que les connexions hydrologiques sont rétablies, les milieux se regénèrent d’eux-mêmes (voir ICI le guide du FFEM).

• Vous avez ensuite été sollicitée pour participer à la COP29 ?

- Oui, j’ai contribué à la préparation de la COP 29, sous forme de visioconférences entre experts de tous horizons, pour échanger sur les visions de chacun.

• Quels messages avez-vous souhaité passer ?

- Il est important d’adapter les stratégies environnementales au contexte que nous vivons ici. Le changement climatique a fortement marqué nos rivages, l’érosion côtière est fragrante à Wallis, qui est une île plate, contrairement à Futuna. Avant, la mangrove nous protégeait. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et

le récif, exposé de plein fouet, blanchit. La vie marine en souffre. Alors, l’action phare que je préconise, tout comme le STE, est la replantation de nos mangroves. Nous devons nous appuyer sur les solutions connues par les peuples autochtones et, pour cela, il convient de recenser les pratiques traditionnelles.

Wallis est si petite, j’ai vraiment envie de la conserver. J’ai peur, car à Wallis, la mer est notre garde-manger. C’est effrayant l’impact du changement climatique. Il fait de plus en plus chaud, il y a beaucoup trop de voitures... Dans le cadre de la gérance du gîte, en tant que simple prestataire, je laisse des consignes aux clients : limiter l’usage des climatiseurs et bien aérer les pièces, réduire l’utilisation de l’eau, faire le tri, etc. J’essaie de mettre en place de petites actions.

Rédaction et interview : Stéphanie Castre

Fédérer l ’ outre-mer, Favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable

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Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Enzo Dubesset, Sandrine Chopot, Pierre-Yves Fouché, Damien Grivois, Axelle Dorville, Justine Taugourdeau, Mathilde Edmond-Mariette Minoton, Naïza Soihiboudine, Caroline Marie Conception graphique : Océindia OcéIndia

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