La disparition du Docteur Godard

LA DISPARITION DU DOCTEUR GODARD 1000 vies et si peu de réponses 0

0

Série documentaire en 4 épisodes

LE PITCH TOUS DISPARUS, COMBIEN DE VOLONTAIRES ?

Le 1er septembre 1999, un médecin part pêcher avec son ls et sa lle. Une simple virée familiale qui tourne rapidement au drame. Un voyage en mer surprenant : Camille et Marius doivent rentrer à l’école, leur mère Marie-France ne les accompagne pas, alors qu’un mot indique le contraire. Surtout : pourquoi partir sans prévenir ?

Une perquisition au domicile familial fait basculer l’enquête. Elle révèle d’importantes traces de sang. Celles de Marie-France. Où est-elle ? Et qu’est-il arrivé à Yves, Camille et Marius, qui ne sont pas rentrés le 5 septembre à Saint-Malo, comme ils auraient dû ? Une “disparition inquiétante” qui n’en est peut-être pas une. Les navigateurs ont-ils été les victimes malheureuses d’une mer sans merci, ou bien ont-ils tenté de masquer une fuite ? Et que s’est-il passé dans leur maison du Calvados ? Le médecin a-t-il agi seul ? Certaines de ses étonnantes relations lui auraient fait payer ses positions iconoclastes ?

Des questions qui n’ont toujours pas trouvé de réponses, malgré les indices déposés sur le chemin des enquêteurs : entre des parties du voilier retrouvées échouées aux quatre coins de la Manche, des restes humains, et des cartes appartenant à Yves Godard n’ayant pas touché l’eau mais s’échouant sur une plage… Alors que des témoins af rment avoir vu la famille à travers le monde, le doute plane. Accident maritime, suicide “altruiste”, disparition volontaire, meurtre, les théories s’accumulent au sujet de ce qui est devenu “l’affaire Godard”.

Mais la vérité n’a, à ce jour, jamais pu être établie.

Le doute plane. Yves Godard : victime ou coupable ? fi

fi

fi

PAGE 2

POURQUOI CETTE HISTOIRE NOUS INTÉRESSE Le Docteur Godard, c’est un peu le Xavier Dupont de Ligonnès breton (et méconnu). Son destin, tout comme l’enquête menée depuis sa disparition, intègre la même puissance d’intrigues, de rebondissements, et de plongée aussi dans l’intimité d’une famille française « moyenne » et de ses méandres.

Nous sommes convaincus qu’à l’image de Chevaline, l’affaire Godard peut devenir captivante en déroulant ces recherches à tiroir, ces péripéties plus étonnantes les unes que les autres, et des ingrédients (le cordeau, des éléments personnels qui réapparaissent par magie, etc…) qui continuent, des années après, d’intriguer les plus affutés des enquêteurs.

Plonger dans la vie de la famille Godard, pour comprendre le destin brisé de ses membres, c’est aussi, comme avec Xavier de Ligonnès, donner une illustration d’une France moyenne : des situations de rupture avec la société, et des sociétés secrètes qui luttent contre le pouvoir central.

Comme Chevaline, l’affaire Godard n’a toujours pas livré tous ses secrets. Mais comme Chevaline, les nombreux chemins et pistes ouverts par cette disparition sont palpitants et dignes d’un polar.

PAGE 3

TRAITEMENT VOIR LE MYSTÈRE (ENCORE) Le Docteur Godard, c’est un peu le Xavier Dupont de Ligonnès breton (et méconnu). Et son destin, tout comme l’enquête menée lors de sa disparition, intègre la même puissance d’intrigues, de rebondissements, et de plongée aussi dans l’intimité d’une famille française « moyenne » et de ses méandres.

PAGE 4

CHRONOLOGIE RÉSUMÉE 1er septembre 1999 : Yves Godard, médecin de 44 ans, quitte Saint-Malo à bord d'un voilier, le Nick, qu'il a loué pour cinq jours.

Avec lui : ses deux enfants, Camille (6 ans) et Marius (4 ans). Pas de trace de sa femme.

2 septembre 1999 : les douaniers procèdent à un contrôle de routine. Tout semble aller bien à bord du Nick. Ils aperçoivent Marius, assoupi à l'intérieur du bateau.

5 septembre 1999 : l'annexe du voilier est à la dérive. À bord : le chéquier et un blouson du docteur.

9 septembre 1999 : une perquisition « chez » les Godard permet aux gendarmes de retrouver des taches de sang appartenant à Marie-France (43 ans), la femme du médecin.

D'autres taches seront découvertes dans la voiture de son mari, garée à Saint-Malo.

L'enquête démarre.

16 septembre 1999 : un gilet de sauvetage du Nick est repêché par un plaisancier.

17 janvier 2000 : Au large de l'île de Batz, on retrouve un sac contenant des papiers et des vêtements appartenant au docteur Godard.

Mai 2000 : Aucun mouvement de fonds n'a eu lieu depuis sa disparition sur les comptes ouverts par Yves Godard à Madère.

6 juin 2000 : Un morceau de crâne humain est repêché par un chalutier, puis remis à l'eau. Un peu plus tard, un second crâne, plus petit, est lui aussi sorti de l'eau. Les analyses ADN montreront qu'il s'agit de celui de Camille.

Février 2001 : découverte de la carte professionnelle du médecin sur l'île des Ebihens.

Mai 2001 : dans le même secteur, sa carte de crédit est retrouvée. Selon les enquêteurs, l'arrivée progressive de ces éléments ne peut être mise sur le compte des courants marins.

Une nouvelle carte de crédit sera retrouvée en juillet de la même année à proximité.

8 août 2003 : une mallette, au nom d'Yves Godard, est retrouvée par un pêcheur.

Septembre 2006 : un tibia et un fémur du médecin sont retrouvés au large de Roscoff.

Des fouilles pour retrouver l'épave ne donnent rien.

PAGE 5

EPISODE 1

« DISPARITION INQUIÉTANTE »

EPISODE 1

« DISPARITION INQUIÉTANTE » Le 5 septembre 1999, un chalutier navigue sur une mer d’huile au large de l'Île de Batz. Les marins aperçoivent une tâche sombre se dessiner au loin. En s’approchant, ils remarquent qu’il s’agit de l’annexe d’un bateau. Une annexe, tout ce qu’il y a de plus normal : ses rames sont encore rangées dans leurs dames, elles n’ont pas servi. A l’intérieur, un ciré. En fouillant les poches, ils découvrent un chéquier au nom d’Yves Godard. Un monsieur Godard qui n’est pas sur l’embarcation, le bateau dont l’annexe provient pas dans les parages non plus.

Bizarre, cette annexe sans aucun habitant qui dérive en n’ayant manifestement pas été utilisée. Ils contactent la police maritime qui s’empresse de demander plus de renseignements au loueur. Situé à Saint-Malo, celui-ci con rme l’identité du docteur Godard.

“Il a loué le voilier pour 5 jours. Il devait faire une croisière depuis Saint-Malo jusqu’à PerrosGuirec avec ses deux enfants.” Problème : la famille aurait dû rentrer ce jour-même, mais il n’y a aucune trace de leur retour sur la terre ferme. Une enquête est aussitôt ouverte pour “disparition inquiétante”. A ce moment, on pense encore pouvoir sauver les apprentis navigateurs victimes d’un naufrage en mer. Un naufrage pourtant peu probable, ce qui éveille la curiosité des premiers enquêteurs. On leur décrit un médecin habitué à naviguer : une telle croisière aurait dû être une broutille pour lui. Surtout vu la météo clémente et le calme plat de l’eau. Et puis, que dire de cette annexe en parfait état à la dérive ?

Qui est cet Yves Godard, à la recherche de qui partent les enquêteurs ? Après de brefs entretiens avec son entourage, c’est l’image d’un homme lambda qui se dessine. Un médecin normand, s’étant établi dans le petit village de Tilly-sur-Seulles, vers Caen, avec sa femme Marie-France et leurs deux enfants Camille et Marius, 6 et 4 ans. Une famille recomposée, les deux parents ayant déjà des enfants, nés de leur précédente union. Yves est un médecin très apprécié de ses clients, décrit comme particulièrement attentionné et soucieux de leur bien-être. Marie-France est femme au foyer mais travaille régulièrement comme assistante au cabinet de son mari. Personne dans leur entourage proche n’était au courant qu’un départ en mer était prévu. Un voyage qui étonne, car Marie-France n’aime pas le bateau, car la rentrée scolaire approche, car Yves a des rendez-vous professionnels cette semaine-là. Un voyage qui questionne.

fi

PAGE 7

« DISPARITION INQUIÉTANTE » Deux jours plus tard, le 7 septembre, le commissaire Lezeau de la police scienti que nationale est invité à expertiser la fourgonnette du docteur, garée au parking du port de Saint-Malo. Une fourgonnette dans laquelle sont retrouvés une bouteille de Mir, un mégot de cigarette avec des traces de rouge à lèvre, des ampoules de morphine et des traces de sang, vraisemblablement nettoyées à la va-vite. Le portrait idéal du médecin sans histoire se ssure.

Une découverte macabre qui précipite les recherches : dès le lendemain, c’est le domicile familial qui est perquisitionné, et ce qui y est retrouvé continue de faire basculer le simple naufrage en mer vers un crime. Dans la maison, on n’a pas l’impression que le départ se soit fait de manière particulièrement précipitée. D’un simple coup d'œil, elle paraît comme d’habitude. Sauf que, quand on y regarde de près, on peut apercevoir des petites tâches brunes sur le sol du salon, ainsi que dans l’escalier qui mène à l’étage. Des tâches qui auraient pu être provoquées par des coupures, ce qui arrive, avec des enfants, se disent les gendarmes. Mais il y a beaucoup moins de doute concernant l’origine de ce qui paraît d’emblée être du sang quand ils passent la porte de la chambre parentale. Il y a des éclaboussures sur le mur au-dessus de la tête de lit, et une tâche d’environ trente centimètres de diamètre sur le matelas, qui a été retourné et recouvert d’un simple drap. Dans les toilettes, un liquide brunâtre contenant de la morphine. En bas, sur la table de la cuisine, un mot laissé à destination des deux aînés de Marie-France, écrit par Yves : “Nous partons quelques jours pour décompresser. On rentre dimanche après-midi. À toutes, Yves et Marie”.

Le sang appartient sûrement à Marie-France, se disent les gendarmes qui n'y comprennent plus rien. Une information judiciaire pour homicide volontaire est ouverte et con ée au juge malouin Gérard Zaug. Une enquête que le juge compte boucler rapidement, pour ne pas reproduire le asco Caroline Dickinson [une enquête très critiquée par les médias britannique pour sa longueur]. De grands efforts sont mis en place pour retrouver les disparus au plus vite. Et la priorité est mise sur Marie-France.

fi

fi

PAGE 8 fi

fi

EPISODE 1

EPISODE 1

« DISPARITION INQUIÉTANTE » Une Marie-France dite timide, mais follement amoureuse du docteur Godard, à qui elle écrit souvent des lettres. Une Marie-France qui n’aime pas être en mer. Une Marie-France qui tromperait son mari avec son psy ? Pourtant, tout le monde s'accorde à dire qu’Yves et Marie forment un couple fusionnel, inséparable. Y a-t-il eu une dispute tragique, ou le couple aurait-il pris le large ensemble ? Les témoignages divergent. La voisine qui a vu le docteur lui faire signe de la voiture le jour de son départ n’est plus sûre de la présence de Marie-France à ses côtés. Le loueur du Nick, lui, est limpide : il n’y avait pas de femme quand Yves est venu chercher le voilier. Retrouver Marie-France (morte ou vivante) permettrait d’éclaircir les zones d’ombres de l’affaire. C’est une priorité.

Le 16 septembre, le sang découvert dans la maison est identi é comme étant le sien. Le doute n’est plus permis. Sur la n de l’automne 1999, le territoire entre Tilly-sur-Seulles et Saint-Malo est quadrillé. Des battues à grande échelle sont organisées. Tous les recoins sont fouillés, en vain. En décembre, la tempête balaie tout sur son passage et enterre dé nitivement les espoirs des enquêteurs. S’il y avait des restes de Marie-France Godard, les vents les ont emportés.

Le 23 septembre 1999, un radeau appartenant au Nick est retrouvé dans la baie de Lyme.

Selon les experts, il n’est pas possible que les éléments du voilier puissent avoir émergé dans les zones où ils ont été retrouvés. La seule explication pour ces surprenantes zones de repêche : ils auraient été délibérément éparpillés. Ce qui fait pencher la balance vers l’idée d’une fuite volontaire. Et si tout n’était qu’une mise en scène ? Le sang, la lettre ? Et si MarieFrance n’était pas morte mais était partie avec son mari et leurs enfants ?

Un nouveau rebondissement fait basculer l’enquête. Pendant que certains sont délégués pour la recherche effrénée de Marie-France, d’autres vont être envoyés sur une piste toute autre. Une piste contenant elle aussi son lot d’énigmes et de déconvenues. Un chamboulement des investigations causé par une lettre anonyme qui arrive au commissariat de Rennes n septembre 1999. Elle indique que le docteur et ses enfants seraient sur “Isle of Man”, une île britannique située en mer d’Irlande. La disparition d’Yves Godard devient fi

fi

fi

fi

PAGE 9

EPISODE 1

« DISPARITION INQUIÉTANTE » l’Affaire ; une affaire qui prend une soudaine dimension internationale. L’indice laissé dans la lettre fait croire aux enquêteurs qu’ils sont sur une piste sérieuse. La disparition organisée de la famille Godard. Ils ne se doutent pas encore de l’envergure que va prendre l’Affaire.

PAGE 10

EPISODE 2

UN DOCTEUR, TANT DE VIES

UN DOCTEUR, TANT DE VIES Octobre 1999. L’enquête française continue au large de l’Ecosse. Jean-Paul Aubry, Jérôme Motte, Bernard Macé, trois gendarmes bretons, ont fait le déplacement. Malgré le froid et la bruine, le soleil leur paraît pointer derrière les nuages menaçants. Ils ont bien l’impression d’être à deux doigts de tenir leur homme.

A peine sont-ils débarqués que les témoignages s’accumulent pour valider la présence de la famille Godard sur l’île de Man. Ils ne peuvent pas chômer parce que les médias se sont déjà rameutés, parce qu’ils ont la pression du juge Zaug, parce qu’ils n’ont aucune raison de croire que la piste sur laquelle les a mis leur mystérieux informateur soit fausse. Un habitant af rme avoir vu le père et ses enfants vers l’embarcadère de l’île, s’achetant des billets. Et une résidente de l’hôtel, quant à elle, a vu une femme blonde, arrivée en Clio bleue, les rejoignant dans leur chambre. Les enfants se seraient jetés dans ses bras à son arrivée. Cette femme blonde pourrait-elle être Marie-France portant une perruque ? Cette dernière, n’aimant pas naviguer, aurait-elle rejoint sa famille par ses propres moyens ?

La présence d’une femme blonde dérange et amène les gendarmes à changer de théorie une énième fois. “Le juge Zaug ne voulait pas entendre parler de cette histoire. On enquêtait pour meurtre. Et si la femme blonde était Marie-France, ça voulait dire qu’il n’y avait plus de meurtre”. Ils passent plusieurs jours à s’user les yeux en visionnant des centaines d’heures de caméra de surveillance en vain. Il faut préciser (hasard ou coup monté ?) que les caméras de surveillance ne fonctionnent plus pendant les deux jours où la famille est supposée avoir été dans les parages. Dégoûtés, les gendarmes sont prêts à rentrer au bercail quand un coup de l change à nouveau le programme. Le corbeau a encore frappé et oriente les enquêteurs vers l’île de Lewis, plus au nord encore, à l’ouest de l’Ecosse. Une seconde lettre plus pressante qui implore de “[Sauver] Marius et Camille”. Un départ pour Stornoway, la “capitale” de Lewis, est réservé sans attendre.

Le 18 octobre 1999, George Murray est inspecteur de police à Stornoway. Quand il décroche son combiné et entend que des enquêteurs français sont en route et souhaitent le rencontrer PAGE 12 fi

fi

EPISODE 2

EPISODE 2

UN DOCTEUR, TANT DE VIES pour une sombre histoire de disparition, il est étonné. L’île de Lewis est petite et isolée de tout. Sa carrière se résume à de la petite délinquance sans importance. Et cette affaire Godard, il n’en a tout simplement pas entendu parler. Quand il voit les trois gendarmes bretons débarquer en tenue de civil, il ne sait pas ce qu’il doit faire. Il demande à la direction de la police écossaise le protocole à suivre. Et la réponse qui tombe d’en haut s’écrase bien bas sur les enquêteurs français : en l’absence d’une commission rogatoire internationale, ils n’ont pas le droit d’enquêter. Une commission qui n’a pas été demandée par la magistrature française. Une enquête qui est remise aux policiers écossais.

Aubry, Motte et Macé sont con nés dans un hôtel pendant que leurs confrères écossais font leur travail à leur place. Et les témoignages qu’ils recueillent sont édi ants. La propriétaire d’une boutique de souvenirs af rme avoir vu un couple accompagné d’une petite lle de 6 à 7 ans et d’un garçon plus jeune entrer dans son magasin. Elle reconnaît Yves Godard sur la photo qu’on lui présente et se souvient d’un détail : les enfants n’étaient pas habillés pour la saison. Il y a également un chauffeur de taxi qui af rme avoir déposé un français et ses deux enfants dans un gîte à dix kilomètres de Stornoway. Un coup de massue pour les français qui savent que les policiers locaux sont plus occupés à les surveiller qu’à chercher Godard. Ils sont persuadés d’avoir loupé leur fugitif de peu. L’interlude écossaise se termine sur un échec de plus. Avec l’arrivée massive de la presse à Lewis et l’impossibilité d’enquêter, les gendarmes se rendent à la raison et rentrent chez eux.

Pendant ce temps, sur le anc sud de la Manche, l’enquête continue d’avancer cahin caha.

C’est le temps des battues qui ne donnent rien. Et, le 16 janvier 2000, un sac de toile est miraculeusement remonté des eaux par un chalutier. Une découverte qui relance l’affaire, un court instant seulement. Il contient les effets personnels de la famille, dont un marteau (certainement utilisé pour couler le sac). Un indice de plus régurgité par la mer, mais qui n’apporte pas davantage de réponse. Les disparus semblent volatilisés, les enquêteurs ne savent pas où les chercher.

fi

fi

fi

fi

fi

fl

PAGE 13

EPISODE 2

UN DOCTEUR, TANT DE VIES Face à cette impasse, la réponse se trouve peut-être du côté de la psychologie. On se penche sur le passé du docteur Godard à la recherche de clés de compréhension. Une première chose que révèlent les analyses est sa relation au père. Un père à la fois idolâtré et détesté. Un père qui lui a transmis sa passion de la voile. Un père pédopsychiatre qui a incité son ls à suivre sa voie dans la médecine. Mais aussi un père dont le portrait idyllique se brise lorsqu’Yves apprend qu’il a abandonné sa mère pour sa maîtresse lors d’un tour du monde à la voile. Ce changement de vie paternelle en mer, une coïncidence ? En tout cas, selon les proches d’Yves Godard, cet abandon a créé une rupture dans sa vie.

Avant même cette trahison du père, l’enquête au cœur de la personnalité du fugitif révèle un esprit plus loufoque qu’il n’y paraît. Une pratique de la médecine peu commune, pour commencer. Car le docteur Yves Godard est avant tout un amateur de médecines alternatives. Sa défense des bienfaits de l’acupuncture dans le traitement contre le cancer dans sa thèse de n d’étude, médiatisée dans un journal local, lui vaut une suspension de six mois. Un début de carrière bancal qui n’enterre pas pour autant ses intérêts décalés.

D’anciens patients témoignent de l’habitude que le docteur avait prise d’inviter une voyante pendant les rendez-vous médicaux. Un docteur qui fournissait aussi gracieusement ses clients en médicaments interdits en France.

Un homme spécial dans sa pratique de la médecine, mais aussi de l’amour. Atypique est l’adjectif qui conviendrait le plus pour décrire la relation entre Marie-France et Yves. Les deux ont vécu six mois dans un château après leur mariage, vivant principalement dans la chambre à coucher, Yves ne sortant que pour quelques consultations, histoire de ramener un peu d’argent. Et puis, leurs habitudes épistolaires qui ont étonné les enquêteurs. Des lettres, que les époux s’envoyaient régulièrement alors qu’ils vivaient sous le même toit.

Quand ils continuent de creuser le passé de Godard, les enquêteurs découvrent un homme avec une passion prémonitoire pour le théâtre : en 1990, il est à l’af che de Non-assistance à personne en danger de Fassbinder. Un fan du dramaturge allemand, particulièrement friand de Liberté à Brême, l’histoire de Mme Gottfried, une veuve décapitée publiquement après fi

fi

fi

PAGE 14

EPISODE 2

UN DOCTEUR, TANT DE VIES avoir empoisonné à l’arsenic quinze personnes de son entourage. Une passion pour des pièces dramatiques ne fait pas un criminel. Des démêlés avec la police peuvent en revanche changer la donne. Monsieur Godard est en effet soupçonné d’avoir mis le feu à du matériel agricole suite à une altercation avec un paysan. Et, en 1996, deux adolescentes relèvent l’immatriculation de son fourgon, à Caen, dans la rue de son cabinet. Elles af rment avoir vu un homme à l’intérieur qui exhibait son pénis. Une accusation qui ne donnera pas suite, les deux lles ne se manifestant plus jamais au commissariat.

Un homme qui n’a pas que des démêlés avec la police mais aussi avec le sc. Les enquêteurs découvrent un Yves Godard endetté jusqu’au cou, devant jusqu’à 300 000 euros en 1998 aux caisses de retraites, allocations familiales, et assurance maladie. Une rondelette somme à rembourser, pas impossible pour un médecin qui peut emprunter à la banque plus aisément que le français moyen. Mais un médecin qui a tout de même reçu de l’argent de son père et qui empruntait de l’argent à ses patients…

La maison de Tilly-sur-Seulles recèle de secrets. Les enquêteurs tombent notamment sur les lettres d’amour que Marie-France écrivait à son époux. Notamment une qui retient particulièrement leur attention, où elle invite Yves à refaire sa vie : “Il faudrait presque que tu vendes ta clientèle pour te remettre dans tes pompes et pourquoi pas te réinstaller ailleurs a n de repartir sous une autre forme. J’ai bien peur que tu n’aies pas le choix. Il faudrait que tu aies une clientèle qui ne te connaisse pas, qui ne t’a pas connu avant, a n qu’elle n’ait aucun a priori sur toi. Bien sûr tout cela est plus facile à dire qu’à faire. Mais qu’est-ce que tu risques, si ce n’est d’être mieux après ? Actuellement, je pense que le plus urgent pour toi est de te sauver toi. De te privilégier. De te soigner avant que de soigner les autres. Si jamais tu prends cette décision, il faut qu’elle vienne de toi et de toi seul. C’est-à-dire que tu ne sois pas in uencé par moi sinon ce ne sera pas bien”. Une lettre évidemment suspecte suite à la disparition de la famille. Une lettre qui intrigue, car Marie-France n’y mentionne pas le rôle qu’elle ou les enfants joueraient dans la nouvelle vie du docteur.

fi

fi

fi

fi

fl

fi

PAGE 15

EPISODE 2

UN DOCTEUR, TANT DE VIES Un autre détail titille la curiosité des enquêteurs au l des lettres : “Je veux bien aller m’harmoniser avec toi. Mais il faut avant tout qu’on s’harmonise tous les deux”. Formulation maladroite ou révélateur ? Les gendarmes sont en tout cas familiers avec cette notion d’harmonisation. Ils pensent tout de suite à Invitation à la vie intense, sorte de groupe religieux parallèle considéré comme une secte depuis 1995. Une secte mélangeant des principes chrétiens, hindous et bouddhistes, qui promeut l’harmonisation des énergies corporelles pour soigner les maladies. Des préceptes qui auraient pu séduire un Yves Godard amateur de médecines douces. Les gendarmes sont aussi habitués aux suicides collectifs organisés dans les milieux sectaires, donc l’idée que le docteur ait pu vouloir faire la même chose avec sa famille les ef eure. Ils ne veulent rien laisser de côté, surtout qu’ils découvrent au l des auditions qu’Yves a participé à une réunion de la secte IVI dans la forêt de Paimpont (Brocéliande). Quels liens entretenait-il donc avec cette secte ? La théorie prend corps quand ils découvrent qu’Yvonne Trubert, la gourou d’IVI, vit à Plouha, dans les côtes d’Armor, à côté de l’endroit où le voilier Nick a été aperçu pour la dernière fois.

Les gendarmes sont persuadés de tenir le bon bout. Une coïncidence trop grosse pour en être une. Et puisque la famille Godard est décidément impossible à retrouver, les autorités décident de reprendre l’enquête par le début, et de retracer étape par étape le chemin parcouru par le Nick jusqu’à ce qu’il sorte des radars.

fi

fl

fi

PAGE 16

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE Le 2 septembre 1999, Roberto Fraga exerce sa routine quotidienne de douanier. Il surveille la zone entre le cap d’Erquy et le cap Fréhel. Au bout de ses jumelles, il aperçoit une scène détonante. Un voilier qui navigue au moteur, voiles couchées, malgré le vent qui souf e. Une raison suf sante pour motiver le douanier à dire quelques mots au matelot. En posant le pied sur le Nick, il remarque une ambiance bizarre, sans qu’il puisse précisément expliquer pourquoi. Yves Godard a l’air agité, dérangé, il est très peu bavard. A part Yves, le douanier remarque un enfant au repos. “Un autre dort sur la couchette arrière”, lui assure le marin.

Impossible pour lui de véri er ses dires, puisqu’il est immobilisé à la barre, qu’il ne peut pas lâcher pour faire des véri cations approfondies. Comme si Yves Godard cherchait à le freiner dans son travail. Roberto remarque malgré tout un autre détail intriguant, qu’il rapporte aux enquêteurs lors de son audition : la présence d’une housse de planche à voile, “qui aurait pu servir à dissimuler le cadavre de Marie-France” se dit-il à posteriori. Le jour même, il est intrigué mais ne creuse pas. Il ne peut pas se douter qu’il sera le dernier à voir le docteur Godard en vie. Après avoir véri é avec le loueur que tout est en règle, il laisse le docteur repartir vers des destinations qu’il est le seul à connaître. Tout est apparemment en règle, mais Roberto ne peut s’empêcher d’échanger avec son collègue un regard entendu. “Yves Godard a la tête d’un homme qui aurait balancé sa femme par-dessus bord”.

Les enquêteurs tentent tant bien que mal de retracer l’itinéraire mystérieux du docteur Godard. Car ce dernier ne s’est manifestement pas tenu au plan initial. Il a vite dérivé de la route vers Perros-Guirec. Où essayait-il d’aller ? Les enquêteurs accumulent des témoignages : celui d’une vendeuse de gaufres dans l’anse de Bréhec qui af rme en avoir préparé deux pour les enfants Godard. Celui d’Yves, un pêcheur, certain d’avoir aperçu le Nick le 2 septembre 1999 à “une trentaine de mètres de lui”. Et puis celui de Georgette qui est sûre d’avoir vu le voilier dans ses jumelles, au mouillage à la pointe de Minard, en baie de Bréhec, le matin du 4 septembre.

Des témoignages nombreux qui aident à dessiner le parcours du docteur. Mais des témoignages dif ciles à obtenir, à cause d’une enquête balancée de service en service. Au

fl

fi

fi

fi

fi

fi

fi

PAGE 18

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE départ con ée à une brigade maritime vite dépassée quand du sang est découvert dans la fourgonnette, puis reprise par des gendarmes, éparpillés entre Saint-Malo et Rennes. Et puis, des guerres de polices au sein de la gendarmerie, une concurrence nocive entre les brigades de recherche et la section de recherche qui font ralentir l’enquête. Sans compter une police écossaise peu encline à aider les Français, les faisant peut-être payer le piétinement de l’affaire Dickinson.

Une chose que les enquêteurs peuvent néanmoins af rmer : le Nick est resté cinq jours dans l’anse de Bréhec. Une immobilité du voilier qui questionne. Et puis, cinq jours, c’est long, il peut s’en passer des choses. Surtout, cinq jours à Bréhec qui font pencher les enquêteurs sur la théorie de la disparition volontaire, et les écarte de celle d’un naufrage malencontreux.

En fouillant la personnalité du docteur Godard, les enquêteurs sont persuadés que son départ n’est pas qu’un hasard ou une envie spontanée de prendre le large. Au contraire, dès juillet, soit deux mois avant sa disparition, il a fait un aller-retour à Paris pour obtenir un carnet de vaccination international, alors qu’il aurait pu en obtenir un chez lui. Il a aussi choisi de louer un voilier à Saint-Malo, des semaines avant le départ, alors qu’il y avait des ports plus proches de son domicile qui lui offraient les mêmes prestations. Surtout, il a continué de vivre comme si de rien n’était, prenant des rendez-vous sur la semaine du 1er au 5 septembre 1999 - des fois avec des patients imaginaires - ne parlant de son départ à personne. Voulait-il le cacher à sa femme, ou à la France entière ?

Le départ en mer était donc préparé, calculé, depuis des semaines. Et ces cinq jours à Bréhec, à quoi ont-ils pu lui servir ? A chercher des provisions, sachant qu’il n’en a pas acheté avant le départ ? A visiter des proches ? Les enquêteurs découvrent qu’Yvonne Trubert, la cheffe d’IVI, a une maison sur les hauteurs de Bréhec. Si les gendarmes pensent qu’Yves est proche de la secte, l’était-il également de son gourou ? Les doutes sont permis, mais, encore une fois, l’enquête est impactée par une presse invasive passionnée par le fait divers. A peine les gendarmes commencent-ils à soupçonner Trubert que son nom fuite dans la presse. C’est

fi

fi

PAGE 19

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE trop tard lorsqu’ils viennent l’interroger ; elle a sûrement eu le temps de cacher des preuves et de se préparer aux interrogatoires. Ils ne peuvent rien tirer d’elle.

Des éléments suspects, trop gros pour être de simples hasards, mais qui arrivent trop tard dans l’enquête. Les gendarmes ne peuvent que continuer de penser que le docteur aurait eu un complice dans sa fuite, et que ces cinq jours à Bréhec lui auraient permis de préparer toute la logistique avant de quitter les eaux françaises pour la froide mer d’Irlande. Et puis, qui est le corbeau ? Un autre membre de la secte IVI ? Yvonne Trubert elle-même ? Les analyses concluent que les lettres ont été écrites par une femme sexagénaire, les enquêteurs penchent pour Janine, amie du docteur et voyante, qui l’assistait régulièrement lors de ses consultations. Sauf qu’après des tests, les résultats sont négatifs : elle n’a rien à voir avec les indices anonymes. Elle ne sait d’ailleurs rien de ce qui est arrivé à la famille Godard. Les enquêteurs égrènent piste après piste, toujours en vain.

Ce corbeau, qui peut-il bien être ? Quelqu’un qui sait, mais a peur des représailles ? Un complice pris de remords ? Un bon samaritain ou quelqu’un qui s’amuse à jouer avec les gendarmes ? Yves Godard lui-même, en train de construire sa propre légende ? Malgré toutes ces questions, les enquêteurs se raccrochent toujours à ce corbeau non identi é. Car la piste de l’île de Man est trop sérieuse pour n’être, là encore, qu’une simple coïncidence.

L’île de Man est un paradis scal notoire. Et Yves Godard est endetté, ils le savent. Et si l’île de Man n’était qu’une étape avant de reconstruire sa vie ?

Dans leur perquisition de la maison de Tilly, les gendarmes sont tombés sur une brochure de Piroga Management, une société installée à Madère - un paradis scal - qui a pour but d’héberger des fonds d’artisans français souhaitant échapper au sc. Un élément qui fait tilt lorsqu’ils apprennent que le docteur est endetté. Ils creusent alors la piste nancière, en espérant qu’elle les mène à leur homme. Ils découvrent que Piroga est liée à la CDCA (Confédération de Défense des Commerçants et Artisans), un syndicat d’extrême-droite que les gendarmes connaissent bien. Ses partisans estiment se faire voler par l’Etat en payant leurs cotisations ; le syndicat prodigue donc en masse des conseils pour échapper aux fi

fi

fi

fi

fi

PAGE 20

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE huissiers. Ils sont connus pour leurs actions violentes, en meetings ou manifestations, ou en s’en prenant directement à des of ciers ministériels demandant la régularisation des nances de certains adhérents du CDCA. C’est ainsi que plusieurs ont porté plainte pour saccage de leur bureau ou de leur voiture, et que le CDCA est étroitement surveillé par les autorités.

D’autant plus que son leader, Christian Poucet, a lui-même fait de la prison.

En creusant son passé, les enquêteurs découvrent rapidement que le docteur est un proche de ce syndicat. Il est même bien plus qu’un simple militant discret ; il s’est proposé d’être le trésorier de la Confédération dans le Calvados. A quel point le docteur était-il proche de ce groupuscule ? Les gendarmes ont beau interroger différents membres du CDCA, ils restent tous de marbre : ils ne savent pas ce qu'il est advenu des Godard, et si tous admettent qu'il est possible qu'Yves ait des comptes bancaires off-shore, ils ne savent rien de ses manipulations. Sauf que les enquêteurs sont sûrs que le docteur avait de l'argent à l'étranger. Ils lui découvrent rapidement un compte à Madère, au Portugal, mais il est dif cile pour eux de creuser davantage face au secret bancaire.

Sans qu'elle mène quelque part, les enquêteurs se raccrochent malgré tout à cette piste de l'argent. Parce qu'elle étaye celle de la disparition volontaire. Ils n'ont pas oublié les lettres sentimentales que s'envoyaient les deux conjoints. Surtout pas celle où Marie-France invite Yves à recommencer sa vie, ailleurs. "Il faudrait presque que tu vendes ta clientèle pour te remettre dans tes pompes et pourquoi pas te réinstaller ailleurs a n de repartir sous une autre forme. J’ai bien peur que tu n’aies pas le choix [...] Le plus urgent pour toi est de te sauver toi. De te privilégier. De te soigner avant que de soigner les autres.". Une phrase qui ne s'oublie pas si vite quand on connaît la tragédie qui s'est déroulée quelques semaines après que ces lignes soient écrites. Est-ce que Marie-France était au courant des plans macabres de son mari ?

Les enquêteurs sont persuadés de tenir le bon bout. Bien qu'ils n'aient aucune preuve tangible, cette disparition volontaire, organisée, du docteur Godard est celle qui éclaircit tous les points d'ombres de l'affaire. La raison pour laquelle il aurait été vu à Man, à Lewis. fi

fi

fi

fi

PAGE 21

EPISODE 3

UN HOMME EN FUITE Sans le formaliser, les enquêteurs s'imaginent déjà le trajet du docteur et de sa famille : étape 1, faire croire à un naufrage en éparpillant des indices sur son chemin, étape 2 : passer à l'Île de Man pour récupérer son magot, étape 3 : refaire sa vie ailleurs. Où, les enquêteurs n'en ont aucune idée. C'est là que s'arrêtent leurs suppositions. Mais ils s'autorisent même à croire que la famille n'a perdu aucune de ses âmes. Le sang de Marie-France à Tilly ? Une simple mise en scène. Après tout, des témoins disent bien avoir vu une femme blonde avec la famille sur l'Île de Man. C'est sans doute Marie-France. S'ils ne trouvent pas de cadavre, c'est peut-être parce qu'il n'y en avait tout simplement pas. Mais neuf mois après le début des investigations, alors qu’ils croyaient tenir une piste sérieuse, les enquêteurs vont déchanter. La mer a encore plus d'un tour dans sa Manche.

Le 6 juin 2000, des pêcheurs remontent un crâne humain. Trop petit pour être celui d'un adulte. Quelques analyses plus tard, il est expertisé comme étant celui de Camille Godard.

La théorie de la fuite volontaire sans encombres tombe à l'eau. Le mystère ne fait que s'épaissir. Il ne s'éclaircira jamais.

PAGE 22

EPISODE 4

UNE AFFAIRE SANS FIN

EPISODE 4

UNE AFFAIRE SANS FIN Le 9 juin 2000 est un jour lambda pour cette équipe de pêcheurs. Le temps est clément, le soleil tape, ils respirent à plein nez l’iode marin. Dans leurs lets, au milieu des poissons, ils découvrent un bout de ce qui ressemble à un petit crâne. Sans importance, pensent-ils. Ils le rejettent à l’eau. Jusqu’à ce que, deux heures plus tard, ils en pêchent un second. Un crâne entier, cette fois. Manifestement humain, sûrement celui d’un enfant. En Bretagne, cela fait presque un an que l’Affaire Godard déchaîne les médias. Une affaire que les pêcheurs connaissent bien, et cette découverte les rend livides. Pourvu que ce ne soit pas lié à la disparition de la famille normande.

Quelques semaines plus tard, le crâne est expertisé. Il s’agit de celui de Camille Godard. Le fragment de crâne était probablement celui de son petit frère. Selon les analyses scienti ques, le crâne a dû être immergé depuis au moins février. Plusieurs mois, donc, que les gendarmes cherchent dans le vent. C’est dans l’eau que la réponse se trouvait, peut-être même depuis le début. Et la piste de la fuite volontaire d’être dé nitivement écartée.

Si Camille a été retrouvée dans la Manche, alors on peut sûrement y retrouver le reste de sa famille. Des fouilles sont organisées dans la zone où le douanier a contrôlé le Nick, le 2 septembre 1999. Mais les plongeurs ont beau s’user les poumons, ils ne retrouvent rien.

L’épave est toujours portée disparue. Comme le docteur Godard. S’est-il donné la mort ou at-il fui après le massacre de sa famille ? Les enquêteurs n’en savent toujours rien.

La découverte des ossements de Camille donne un nouvel entrain morbide à l’Affaire qui n’a de cesse de passionner les Français. Plus aucune pudeur n’est de mise dans une Affaire qui est devenue criminelle. Les témoignages pleuvent, des gens assurent avoir vu le médecin, parfois accompagné de sa femme, aux quatre coins de la France et du monde. Une “nouvelle vie” du docteur qui passionne, mais qui fait perdre un temps fou aux enquêteurs qui véri ent chaque témoignage sans qu’aucun ne donne suite. Dur de discerner le témoignage honnête du canular.

fi

fi

fi

fi

PAGE 24

EPISODE 4

UNE AFFAIRE SANS FIN Surtout que les canulars s’enchaînent. A partir de juin 2000, c’est une véritable opée d’indices qui sont retrouvés sur les plages bretonnes et normandes. Des ossements, parfois animaux, qui émergent. A chaque fois, on appelle les gendarmes au sujet de Godard. A chaque fois, ces ossements n’ont rien à voir avec l’Affaire. Un jour, c’est une mallette qui est retrouvée sur une plage avec le nom Godard marqué au feutre : un canular.

Des essais qui ne donnent rien. Comme un leitmotiv depuis le début de l’enquête. Les gendarmes ont beau creuser toutes les pistes, elles ne mènent quasiment toujours à rien. En 2006, un nouveau rebondissement fait basculer l’Affaire. Le 13 septembre, un chalutier remonte un tibia et un fémur, au large des côtes bretonnes. Les analyses ADN con rment qu’ils appartiennent à Yves Godard. Suicide ou accident, les enquêteurs n’en savent rien.

Mais ils n’ont pas l’intention de clore leurs investigations. Et ils ne sont pas les seuls.

Depuis février 2001 des cartes appartenant au docteur eurissent sur la plage des Ebihens, en Bretagne. Une carte bancaire, une attestation de la Sécurité Sociale, une carte de crédit…

Et une plage qui était chère au disparu, qui venait souvent jouer en famille quand il était enfant. Où il retournait souvent se balader, seul. Et des cartes qui n’ont manifestement pas touché l’eau, déposées sur le sable par main humaine. Quelqu’un joue avec les gendarmes.

Qui pourrait avoir toutes ces cartes en sa possession, pourquoi les déposer, pourquoi sur cette plage ? Elle devient une attraction, les badauds s’y pressent comme ils le feraient pour une maison hantée. Quand une nouvelle carte plasti ée est découverte le 14 décembre 2008, les gendarmes décident d’employer les grands moyens.

Ils tentent de ler cet informateur inconnu, mais ne trouvent pas qui il peut être. Ils montent la garde dans une maison à proximité de la plage dans le but de démasquer leur corbeau, mais ils ne retrouvent personne. La mer est également fouillée de fonds en comble. Depuis le début de l’enquête, des sonars de la marine nationale ont été utilisés, des plongeurs ont fouillé les moindres recoins de l’endroit où le crâne de Camille a été retrouvé. À la n de l’année 2008, ce sont de grands moyens humains qui sont déployés pour retrouver quelque chose dans la mer ou sur terre. Le but ? Chercher d’autres restes de l'épave ou bien le fi

fl

fi

fl

fi

fi

PAGE 25

EPISODE 4

UNE AFFAIRE SANS FIN “déposeur de cartes” qui joue un petit peu trop avec les nerfs des enquêteurs. Cette personne pourrait être un complice du docteur, quelqu’un en lien avec sa disparition, peutêtre même l’auteur des lettres anonymes. Malgré toutes ces tentatives, les mystères de l’Affaire Godard restent entiers.

Si la vérité n’a jamais pu être établie, différentes théories existent pour tenter de l’expliquer.

Celle d’une disparition volontaire qui aurait mené à un naufrage malencontreux. Celle d’un suicide organisé par le docteur, après avoir tué sa femme. Celle d’un assassinat, faisant d’Yves Godard une victime collatérale des histoires quasi-ma euses du CDCA dont le patron a été tué en 2001. Des théories, voilà tout ce que les enquêteurs, qui ont travaillé presque dix ans sur l’Affaire, peuvent se mettre sous la dent. Rien de concret.

Le 14 septembre 2012, la justice met n aux investigations en prononçant un non-lieu. Dans son réquisitoire, le parquet relève que “la seule hypothèse que l’on peut exclure est que la disparition de la famille s’explique par un simple accident de mer” et, “même si c’est la piste la plus probable, on ne peut pas af rmer formellement qu’Yves Godard est l’auteur de l’homicide : c’est un non-lieu faute de charge”. Trois ans plus tard, le 7 décembre 2015, Marie-France et Marius Godard sont of ciellement considérés comme décédés. Une n of cielle qui ne clôt pas une enquête sans n, les seules réponses ne pouvant désormais qu’être apportées par la mer. Une mer rieuse qui semble avoir joué, comme tout le monde, avec les enquêteurs pendant leurs investigations, ou bien une mer innocente. Peut-être que les indices retrouvés ont été éparpillés par quelqu'un… Mais que s’est-il donc passé sur le voilier du docteur Godard ?

fi

fi

fi

fi

fi

fi

fi

PAGE 26