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WWF MAGAZINE

ENSEMBLE, TOUT EST POSSIBLE

La crise de la biodiversitĂ© et celle du climat sont profondĂ©ment interdĂ©pendantes : la lutte contre le changement climatique est essentielle pour protĂ©ger la nature, et la protection de la nature est cruciale pour attĂ©nuer le changement climatique. L’ocĂ©an, les forĂȘts, les animaux et les sols de la planĂšte ont ainsi absorbĂ© pas moins de 54% des Ă©missions de CO2 produites par l’humain au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Des Ă©cosystĂšmes sains ont Ă©galement la capacitĂ© de nous protĂ©ger contre les effets du changement climatique, tels que les inondations, les sĂšcheresses ou les phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes. La nature a un rĂŽle clĂ© Ă  jouer, et pourtant son potentiel reste encore inexploitĂ©.

Nous attendons donc avec impatience la COP30 sur le climat qui se tiendra au BrĂ©sil en novembre, 10 ans aprĂšs l’accord de Paris. Accueilli dans la forĂȘt amazonienne, symbole de la force de la nature et de sa fragilitĂ©, ce sommet sera notamment l’occasion de faire progresser de maniĂšre signiïŹcative le rĂŽle de la nature dans les plans d’action pour le climat. Ces derniĂšres annĂ©es, les pays ont de plus en plus reconnu l’importance des solutions basĂ©es sur la nature dans l’action climatique. Il s’agit maintenant de transformer cette reconnaissance en action.

Et dans toutes les actions entreprises face au changement climatique, nous ne devons pas perdre de vue Ă  quel point le climat et la biodiversitĂ© sont Ă©troitement liĂ©s. Il serait illogique de dĂ©ployer des efforts qui proïŹteraient au climat mais nuiraient Ă  la biodiversitĂ©, surtout qu’il existe des solutions gagnant-gagnant qui s’attaquent Ă  ces deux crises en mĂȘme temps. Par exemple, la transition vers l’énergie Ă©olienne a le potentiel de booster aussi la nature, notamment dans notre mer du Nord (voir p18).

Lorsqu’on lui donne les moyens de se rĂ©tablir, la nature est gĂ©nĂ©reuse et rĂ©siliente. Nous avons pu voir un exemple de cette rĂ©silience dans la rĂ©serve de Majete au Malawi (voir p14) oĂč les rhinocĂ©ros noirs ont fait un retour Ă  peine croyable. Et des espĂšces aujourd’hui rares dans la partie belge de la mer du Nord, telles que les marsouins, les raies ou les phoques se tiennent prĂȘtes elles aussi Ă  faire leur retour chez nous, Ă  condition qu’on leur en donne la chance


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Ensemble, tout est possible !

de plaidoyer liĂ© Ă  l’ocĂ©an

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DOSSIER

SUIVRE ET COMPRENDRE LES ANIMAUX SAUVAGES

TERRAIN

Les rhinocéros noirs, de retour au Malawi

Merci 4

Votre adoption en action 22

Éoliennes : pour le climat, pour la nature

ERRATUM : la photo en haut de la p.4 du WWF Magazine n°112 représentait un léopard et non un jaguar.

Attention ! Suite Ă  une nouvelle lĂ©gislation, les ONG doivent transmettre le numĂ©ro de registre national des donateurs et donatrices Ă  l’administration ïŹscale pour que leurs dons soient dĂ©ductibles ïŹscalement. ComplĂ©tez vos donnĂ©es ici ou appelez le 02 340 09 20.

Le WWF Magazine est une publication du WWF-Belgique CommunautĂ© Française asbl. Tous droits rĂ©servĂ©s au WWF. Le logo et les initiales WWF sont des marques dĂ©posĂ©es du World Wide Fund for Nature. Reproduction des textes autorisĂ©e, Ă  condition qu’il soit fait mention de la source. ‱ Ont collaborĂ© Ă  ce numĂ©ro : Alison Avanzini, Pauwel De Wachter, Roxane Driessens, AnaĂŻs Maire, Hans Moyson, Laure Raimondi, Sarah Vanden Eede, DĂ©borah Van Thournout ‱ Coordination et rĂ©daction : Esther Favre-FĂ©lix, Emma Maris

‱ Traduction : Christelle Cosme, Emma Maris ‱ Design : Alexander Kahrel ‱ Impression : imprimĂ© de façon neutre en CO2 par Zwart Op Wit sur du papier recyclĂ© cyclus silk 90 gr. ‱ Photo de couverture : © Ola Jennersten / WWF-Sweden E.R. : DĂ©borah Van Thournout, Bd E. Jacqmain 90, 1000 Bruxelles.

© Jesse De Meulenaere

Un bateau pour les esturgeons

Bien qu’ils existent depuis plus de 200 millions d’annĂ©es, les esturgeons sont aujourd’hui en danger critique d’extinction. La perte de leur habitat, la fragmentation de leurs routes migratoires et le commerce illĂ©gal de caviar font peser de lourdes pressions sur ces vĂ©ritables fossiles vivants. Pour sauvegarder l’avenir de l’esturgeon, le WWF participe Ă  LIFE-Boat4Sturgeon, le tout premier Ă©levage d’esturgeons ïŹ‚ottant en Europe. L’objectif ? RelĂącher 1,6 million de jeunes esturgeons dans le Danube d’ici 2030.

Pour y parvenir, les partenaires du projet ont transformĂ© un ancien cargo en banque gĂ©nĂ©tique. Le navire hĂ©berge Ă  prĂ©sent 35 rĂ©servoirs remplis de larves des quatre espĂšces d’esturgeons encore prĂ©sentes dans le Danube. Lorsque les poissons seront sufïŹsamment grands, ils seront relĂąchĂ©s.

GrĂące Ă  votre soutien, ces jeunes esturgeons pourront bientĂŽt venir renforcer les populations existantes. Merci !

Le projet LIFE-Boat4Sturgeon est coïŹnancĂ© par l’Union europĂ©enne.

Gardien·nes des dauphins au Myanmar – aprĂšs le sĂ©isme

Le 28 mars, le Myanmar Ă©tait secouĂ© par un tremblement de terre d’une magnitude de 7,7 sur l’échelle de Richter. Le bilan est catastrophique. Les communautĂ©s de pĂȘcheurs et de pĂȘcheuses de la rĂ©gion de Mandalay et du lac Inle ont Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©es. Le WWF entretient des liens Ă©troits avec ces communautĂ©s, qui jouent un rĂŽle crucial dans la protection du dauphin de l’Irrawaddy. Nous avons donc immĂ©diatement appelĂ© Ă  votre soutien pour pouvoir leur fournir des systĂšmes de puriïŹcation de l’eau, des kits d’énergie solaire et une aide ïŹnanciĂšre sur le terrain.

GrĂące Ă  votre gĂ©nĂ©rositĂ©, les gardien·nes des dauphins et leurs communautĂ©s ont pu faire leurs premiers pas sur la voie du rĂ©tablissement, travaillant d’arrache-pied pour rĂ©parer leur maison et leur bateau –leur principale source de revenus –, tout en continuant Ă  garder un Ɠil sur les dauphins de l’Irrawaddy. EffrayĂ©s par le tremblement de terre, ces dauphins auraient quittĂ© leur zone habituelle, mais ils semblent faire leur retour depuis dĂ©but mai : un signe encourageant. Merci pour votre soutien !

Avant le séisme © Ranjan

AprÚs le séisme
© Raffeiner Reputation / APA-Fotoservice / Reither
© Ranj

JOURNÉE INTERNATIONALE DU TESTAMENT

Votre héritage peut faire la différence.

« Ce 13 septembre, nous avons cĂ©lĂ©brĂ© toutes les personnes qui ont dĂ©cidĂ© d’offrir un avenir Ă  la nature par un don au WWF dans leur testament. S’engager par ce geste, c’est donner une chance aux gĂ©nĂ©rations futures de s’émerveiller devant les trĂ©sors dont regorge notre planĂšte. Merci inïŹniment pour votre conïŹance ! »

Responsable des relations testamentaires

Vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur les dons par testament ? Demandez votre brochure sur testament.wwf.be ou contactez Dominique au +32 476 58 07 42 ou à l’adresse dominique.weyers@wwf.be.

AprĂšs avoir frĂŽlĂ© l’extinction au milieu du 20e siĂšcle, le lynx borĂ©al fait actuellement son retour en Europe occidentale, comme d’autres grands carnivores tels que le loup ou l’ours. Mais les populations d’Europe centrale et occidentale restent trĂšs isolĂ©es les unes des autres, ce qui compromet leur diversitĂ© gĂ©nĂ©tique. La solution ? Les renforcer en y transfĂ©rant des lynx des Carpates, oĂč l’espĂšce se porte encore bien.

Avant de capturer et de transfĂ©rer un lynx, des recherches approfondies sont nĂ©cessaires. Quelle est la taille de la population ? Qu’en est-il de la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique et de l’état de santĂ© des lynx ? Des informations qui peuvent notamment ĂȘtre obtenues au moyen de colliers GPS. C’est ainsi que Braƈo TĂĄm, expert en grands carnivores auprĂšs du WWF en Slovaquie, a dĂ©jĂ  Ă©quipĂ© environ 25 lynx d’un Ă©metteur. Mais comment cela se passe-t-il concrĂštement ?

« C’est une vĂ©ritable aventure », raconte-t-il. « D’abord, il faut bien sĂ»r capturer un lynx. Nous utilisons pour cela des cages munies de trappes. Elles nous envoient automatiquement une notiïŹcation lorsqu’elles se referment. Quelqu’un doit alors venir vĂ©riïŹer, car dans la nature sauvage des Carpates slovaques, il n’y a pas que des lynx », poursuit Braƈo en riant. « Impossible de dire Ă  l’avance ce qui se trouve dans le piĂšge. Peut-ĂȘtre un chat sauvage, ou avec un peu moins de chance, un ours brun. Dans ce dernier cas, la prudence est de mise. »

Bouillotte et glaçons

Si c’est un lynx, Braƈo fait alors appel Ă  son Ă©quipe spĂ©cialisĂ©e. « Pour placer un collier, il faut anesthĂ©sier l’animal. La ou le vĂ©tĂ©rinaire le fait avec le plus grand soin. Nous voulons stresser le moins possible l’animal. Nous prĂ©parons donc tout dans le moindre dĂ©tail », explique Braƈo.

Une personne surveille notamment en permanence la tempĂ©rature corporelle de l’animal, car les fĂ©lins ne peuvent pas la rĂ©guler lorsqu’ils sont sous anesthĂ©sie. « En hiver, le mercure descend ici jusqu’à -20°C, nous gardons donc le lynx au chaud avec une couverture isolante et des bouillottes. En Ă©tĂ©, nous utilisons de la glace pour prĂ©venir la surchauffe », ajoute Braƈo.

Une heure pour passer le lynx au crible

Une fois que le lynx est endormi, les scientiïŹques ont environ une heure pour placer le collier et recueillir toutes sortes de donnĂ©es. « Nous proïŹtons de ce moment pour mesurer et photographier l’animal en long et en large », raconte Braƈo. « Nous prĂ©levons Ă©galement des Ă©chantillons pour en savoir plus sur sa santĂ© et pour pouvoir rĂ©aliser des analyses gĂ©nĂ©tiques. »

© VictorCap

Les scientiïŹques suivent pour cela les recommandations de ‘Linking Lynx’, une organisation qui facilite la comparaison des donnĂ©es de lynx Ă  travers l’Europe. Le but est de stimuler la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique de l’espĂšce en transfĂ©rant des animaux de maniĂšre ciblĂ©e aïŹn d’introduire un matĂ©riel gĂ©nĂ©tique nouveau. Une diversitĂ© qui est la bienvenue : dans certaines des populations d’Europe centrale et occidentale, on remarque aujourd’hui des problĂšmes cardiaques graves, dus au fait qu’elles descendent d’un trop petit nombre d’animaux. Les recherches de Braƈo et de son Ă©quipe sont donc essentielles pour dĂ©terminer quels animaux pourraient renforcer au mieux ces populations.

Ce que le lynx nous apprend Une fois le collier soigneusement placĂ©, la ou le vĂ©tĂ©rinaire inverse l’effet de l’anesthĂ©sique. Quelques instants plus tard, le lynx disparaĂźt Ă  nouveau dans la forĂȘt dense des Carpates slovaques. Les donnĂ©es GPS prennent alors le relais et rĂ©vĂšlent ses dĂ©placements, l’étendue de son territoire et les obstacles qu’il rencontre. Des informations essentielles, car l’une des principales menaces qui pĂšsent sur le lynx est la fragmentation de son habitat par les routes et les lignes ferroviaires. « Nous estimons que nous perdons chaque annĂ©e environ 10% de nos lynx Ă  cause de la circulation routiĂšre. Les donnĂ©es GPS nous aident Ă  identiïŹer oĂč nous devons intervenir », explique Braƈo.

« L’émetteur GPS nous indique aussi les meilleurs emplacements pour installer des piĂšges photographiques », continue Braƈo. « Avec ces piĂšges, nous comprenons mieux les dĂ©ïŹs que rencontrent les lynx : font-ils face Ă  une grande concurrence ? D’autres animaux s’emparent-ils souvent de leur proie ? Ces images nous en disent beaucoup sur les pressions pesant sur la population. »

Lors d’une translocation, par exemple depuis les Carpates vers l’Allemagne ou les Alpes dinariques, les colliers GPS ont Ă©galement tout leur sens : « Nous pouvons ainsi vĂ©riïŹer si nos efforts portent leurs fruits. Nous voyons par exemple que les lynx transfĂ©rĂ©s s’adaptent rapidement Ă  leur nouvel environnement : une excellente nouvelle ! » conclut Braƈo.

© Jernej Javornik

QUAND DES DAUPHINS DÉVOILENT LEURS SECRETS

Dans les sinueuses riviĂšres de l’Amazonie bolivienne, le mystĂ©rieux « bufeo » (Inia geoffrensis boliviensis), un dauphin rose d’eau douce, joue un rĂŽle clĂ© dans son Ă©cosystĂšme. Pourtant, nous en savons encore trĂšs peu sur son comportement et son habitat. À l’aide de balises satellites, Lila Sainz, biologiste auprĂšs du WWF en Bolivie, tente d’en savoir plus, en collaboration avec Paul Van Damme et l’équipe de Faunagua.

Équiper les dauphins de balises exige une prĂ©paration minutieuse. « Nous voulons que les animaux restent le moins longtemps possible hors de l’eau », explique Lila. « Nous construisons donc d’abord un laboratoire mobile sur la plage. Ensuite, nous pĂ©nĂ©trons dans l’eau avec un ïŹlet adaptĂ© aux dauphins. DĂšs qu’un dauphin est dans le ïŹlet, nous le soulevons prĂ©cautionneusement sur une civiĂšre et l’amenons au laboratoire. »

Une telle opĂ©ration est un vrai travail d’équipe. « Nous partons pendant une Ă  trois semaines, avec au moins trois biologistes, un·e vĂ©tĂ©rinaire, plus quatre pĂȘcheuses ou pĂȘcheurs du coin, qui connaissent les dauphins de riviĂšre comme leur poche », raconte Lila.

Chaque seconde compte

Le compte Ă  rebours est lancĂ© dĂšs que le dauphin est sorti de l’eau. « Si nous humidiïŹons bien leur peau, les dauphins de riviĂšre peuvent rester sans risque pendant une heure hors de l’eau. Nous passons donc en permanence des Ă©ponges humides sur leur corps, pendant que notre vĂ©tĂ©rinaire surveille attentivement leur pouls et leur niveau de stress », explique Lila. Les scientiïŹques mettent chaque seconde Ă  proïŹt : pendant qu’une partie de l’équipe installe la balise, d’autres prennent des mesures et rĂ©alisent des analyses.

Jusqu’à prĂ©sent, l’équipe du WWF et de Faunagua a dĂ©jĂ  Ă©quipĂ© huit dauphins de balises. Aucun animal n’est restĂ© plus de 14 minutes sur la rive, et les dauphins ne semblent pas en avoir gardĂ© de mauvais souvenirs : « Une fois, un dauphin que nous venions d’équiper d’une balise est mĂȘme revenu vers le bateau : il essayait de se retrouver dans notre ïŹlet. Il paraissait vraiment Ă  l’aise et n’avait pas l’air pressĂ© de partir », se rappelle Paul.

EspĂšce indicatrice en danger

Notre planĂšte abrite encore six espĂšces de dauphins de riviĂšre, et elles sont toutes en danger, voire en danger critique. Leurs menaces principales : les ïŹlets de pĂȘche oĂč les dauphins risquent de s’enchevĂȘtrer, la pollution chimique qui affecte leur habitat et les barrages qui leur compliquent encore la vie. Ces barrages fragmentent leurs populations et limitent Ă  la fois leur libertĂ© de mouvement et celle de leurs proies, ce qui rĂ©duit la nourriture disponible.

Et pourtant, les dauphins de riviĂšre prĂ©sentent une valeur inestimable pour leur Ă©cosystĂšme. PrĂ©dateurs des eaux, ils mangent de grandes quantitĂ©s de poissons et prĂ©servent ainsi l’équilibre du milieu d’eau douce. Leur prĂ©sence est Ă©galement un indicateur de la santĂ© de l’écosystĂšme oĂč ils vivent, une information importante pour les pĂȘcheries dont dĂ©pendent des millions de personnes Ă  travers le monde. Ces balises satellites nous permettent donc de mieux comprendre leur rĂŽle, tout en surveillant les menaces qui pĂšsent sur eux.

Un aperçu de leur vie secrÚte

Les balises fournissent Ă©galement des informations uniques sur le comportement des dauphins. « Nous avons par exemple dĂ©couvert que les mĂąles et les femelles ne se dĂ©placent pas de la mĂȘme façon », explique Lila. « Les mĂąles restent plus souvent dans le courant principal de la riviĂšre, tandis que les femelles prĂ©fĂšrent les petits lacs et bras de riviĂšre. »

Nous savions dĂ©jĂ  que les dauphins de riviĂšre migrent, mais les distances qu’ils couvrent continuent Ă  nous Ă©tonner. « Certains animaux parcourent jusqu’à 300 kilomĂštres en Ă  peine deux mois », raconte Paul en souriant. « Et ils peuvent mĂȘme naviguer entre les arbres. Ils ne vivent donc pas seulement dans la riviĂšre proprement dite, mais aussi dans les forĂȘts inondĂ©es alentour, qui sont sous eau durant la saison des pluies », ajoute Lila. Pour sauvegarder l’avenir de ces dauphins, nous devons donc protĂ©ger non seulement les riviĂšres, mais aussi ces forĂȘts.

Unir nos forces

Un autre atout de ces expĂ©ditions scientiïŹques ? « Les pĂȘcheuses et pĂȘcheurs qui participent Ă  nos expĂ©ditions dĂ©veloppent un profond respect pour les dauphins de riviĂšre, devenant ainsi de vĂ©ritables allié·es », ajoute Lila. Cette sensibilisation est indispensable pour la conservation de l’espĂšce : lorsque les communautĂ©s comprennent le rĂŽle essentiel des dauphins de riviĂšre pour leur Ă©cosystĂšme, et donc pour la prĂ©servation de leurs sources de revenus, elles s’engagent Ă  protĂ©ger cette espĂšce prĂ©cieuse. Et son avenir en devient un peu plus rose.

En Zambie, les animaux que nous Ă©quipons d’émetteurs vivent sur la terre ferme. Mais l’eau – ou plutĂŽt le manque d’eau – occupe une place centrale dans leur histoire. À cause du changement climatique, les sĂ©cheresses se font de plus en plus frĂ©quentes. Et cela n’est pas sans provoquer quelques tensions entre humains et animaux.

Dans le sud-ouest de la Zambie, le parc national de Sioma Ngwezi s’étend sur plus de 5.000 kmÂČ. Entre les deux riviĂšres qui dĂ©limitent le parc – le ZambĂšze et le Kwando –, une savane boisĂ©e hĂ©berge des animaux emblĂ©matiques comme des guĂ©pards, des lycaons, des hyĂšnes et des Ă©lĂ©phants. Pendant la saison des pluies, le parc est parsemĂ© de milliers de petits lacs et autres mares. Mais comme aucune riviĂšre permanente ne traverse la savane boisĂ©e, l’accĂšs Ă  l’eau se transforme en dĂ©ïŹ durant la saison sĂšche.

Fruits et bétail

« Cette situation n’est pas nouvelle, mais avec le changement climatique, les animaux doivent parcourir des distances toujours plus grandes pour trouver de l’eau», explique Teddy Mukula, du WWF en Zambie.

« Sur leur chemin, les Ă©lĂ©phants rencontrent des potagers remplis de lĂ©gumes juteux et de mangues parfumĂ©es. Ils se laissent tenter et cela crĂ©e des conïŹ‚its, car les gens qui ont cultivĂ© cette nourriture voient le rĂ©sultat de leurs efforts disparaĂźtre en un clin d’Ɠil. »

Les hyĂšnes effectuent elles aussi des pĂ©rĂ©grinations toujours plus longues durant les mois secs. « En raison de la sĂ©cheresse, elles s’aventurent plus souvent dans les villages Ă  la recherche de nourriture. Si elles ont l’occasion d’attraper une vache ou une chĂšvre, elles ne la laissent pas passer », raconte Shadrach Mwaba, du WWF en Zambie. « Les propriĂ©taires de ces animaux n’en sont bien sĂ»r pas ravis. Ce genre d’histoire se termine donc souvent par des reprĂ©sailles envers les hyĂšnes. »

© Ola Jennersten / WWF-Sweden

Chance et difïŹcultĂ©s

Pour cartographier les lieux oĂč les animaux s’approchent de zones habitĂ©es, Teddy et Shadrach mettent en place des colliers GPS. TrĂšs timides, les hyĂšnes sont toutefois difïŹciles Ă  repĂ©rer dans la vĂ©gĂ©tation dense du parc national. Shadrach se souvient encore des difïŹcultĂ©s rencontrĂ©es lors de leur premiĂšre tentative. « Nous ne parvenions pas Ă  trouver d’hyĂšnes, et en plus, nous nous Ă©tions embourbĂ©s. Heureusement, nous avons rencontrĂ© des habitants du coin, qui nous ont aidĂ©s Ă  dĂ©gager notre vĂ©hicule. Quand nous leur avons expliquĂ© que nous voulions Ă©quiper une hyĂšne d’un Ă©metteur GPS, ils nous ont directement dit : ‘Nous savons oĂč vous pouvez en trouver !’ GrĂące Ă  leur aide, nous avons pu accomplir notre mission. »

HélicoptÚre

Les Ă©lĂ©phants sont bien sĂ»r plus faciles Ă  repĂ©rer. Mais comment placer un collier sur un tel colosse ? « Il faut mobiliser deux Ă©quipes : une au sol, et une dans les airs, dans un hĂ©licoptĂšre », raconte Teddy. « Depuis les airs, l’équipe en hĂ©licoptĂšre a une bonne vue du troupeau et la ou le vĂ©tĂ©rinaire peut anesthĂ©sier l’élĂ©phant en toute sĂ©curitĂ©. Ensuite, l’équipe au sol Ă©quipe mĂ©ticuleusement l’élĂ©phant d’un collier, pendant que l’équipe dans les airs continue Ă  surveiller le reste du troupeau. Le bruit de l’hĂ©licoptĂšre maintient les autres Ă©lĂ©phants Ă  distance de sĂ©curitĂ©. »

Cartographier les points chauds

Les donnĂ©es GPS ainsi rĂ©coltĂ©es donnent un aperçu des dĂ©placements des Ă©lĂ©phants. « Si on veut en savoir plus sur les dynamiques de population, il faut placer un Ă©metteur sur une femelle : elle vous donnera accĂšs Ă  tout le troupeau », explique Teddy. « Si vous Ă©quipez un mĂąle d’un collier, vous aurez alors un aperçu des dĂ©placements transfrontaliers, car ils parcourent de trĂšs grandes distances. »

C’est ainsi que l’équipe de Teddy a dĂ©couvert que des Ă©lĂ©phants traversaient depuis trois ans une nouvelle zone, en quĂȘte d’eau.

« Ces informations nous aident Ă  cartographier les points chauds des conïŹ‚its humain-animal. Nous pouvons alors intervenir de maniĂšre ciblĂ©e : nous informons les communautĂ©s, prenons

Envie d’aider Ă  prĂ©venir les conïŹ‚its humain-animal en Zambie ? Faites un don sur le compte BE12 3100 7350 7292, en indiquant « Zambie » en communication libre.

des mesures préventives et proposons des solutions si les éléphants causent malgré tout des dommages, par exemple en développant des sources de revenus alternatives », explique Teddy.

Perspectives d’avenir Shadrach rĂ©ïŹ‚Ă©chit dĂ©jĂ  Ă  l’étape suivante : « Ce qui nous manque encore, c’est un systĂšme d’avertissement automatique. Avec ce type de systĂšme, une alarme se dĂ©clenche lorsqu’un animal Ă©quipĂ© d’un collier franchit une frontiĂšre virtuelle. Vous pouvez alors directement envoyer l’équipe d’intervention rapide pour prĂ©venir les dommages. » Teddy est Ă©galement enthousiaste : « C’est efïŹcace ! Nous avons pu le vĂ©riïŹer dans d’autres parcs. Il nous manque juste encore les moyens ïŹnanciers pour le mettre en place. »

© James Morgan / WWF-US
© Shadrach Mwaba / WWF-Zambia

Majete, tĂ©moin d’un rĂ©tablissement

Le XXe siĂšcle a Ă©tĂ© une pĂ©riode sombre pour les rhinocĂ©ros noirs : la chasse et le braconnage trĂšs intensif ont fait chuter leur nombre de 98%, pour atteindre moins de 2.500 individus. Depuis lors, les efforts de conservation leur ont permis de rebondir, avec prĂšs de 6.500 individus aujourd’hui, mais l’espĂšce reste gravement menacĂ©e. Au sud-ouest du Malawi, la rĂ©serve faunique de Majete a ressenti de plein fouet l’histoire tragique de cette espĂšce emblĂ©matique.

Zone protĂ©gĂ©e depuis 1955, Majete a vu la guerre civile dĂ©cimer sa faune sauvage, les cornes des rhinocĂ©ros Ă©tant notamment traïŹquĂ©es pour ïŹnancer les combats. Dans les annĂ©es 2000, tous ses rhinocĂ©ros avaient Ă©tĂ© Ă©liminĂ©s. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’African Parks, le partenaire du WWF, s’est vu conïŹer la gestion de Majete, et le retour des rhinocĂ©ros faisait partie de ses prioritĂ©s. AprĂšs la mise en place d’un sanctuaire clĂŽturĂ© dans une petite partie du parc, deux rhinocĂ©ros noirs sont ainsi rĂ©introduits en 2003, suivis par deux autres en 2006 et six supplĂ©mentaires l’annĂ©e suivante. Majete avait enïŹn une nouvelle population fondatrice de rhinocĂ©ros noirs !

Une équipe de choc

Une fois cette petite famille constituĂ©e et le reste de la rĂ©serve faunique clĂŽturĂ©e, African Parks a dĂ©cidĂ© de mettre en place une Ă©quipe bien spĂ©ciïŹque. Quatre Ă©cogardes ont Ă©tĂ© spĂ©cialement formĂ©s pour suivre les traces des rhinocĂ©ros et les protĂ©ger. Depuis maintenant 20 ans pour certains d’entre eux, ces Ă©cogardes se rĂ©veillent chaque jour Ă  4h30 et

partent sur des quads sur la piste des rhinocĂ©ros de Majete. Au ïŹl des annĂ©es, les pachydermes sous leur surveillance ont augmentĂ© de façon exponentielle, pour atteindre le nombre de 32 aujourd’hui. L’équipe connait chaque individu, ses habitudes de promenade, ses prĂ©fĂ©rences alimentaires, sa façon de marcher, la forme de ses oreilles... Ce prĂ©cieux travail d’observation permet entre autres de dĂ©terminer le taux de natalitĂ©, de mortalitĂ©, ou de faire appel aux vĂ©tĂ©rinaires en cas de blessures.

Les pisteurs prennent Ă©galement des photos qui sont ensuite croisĂ©es avec la base de donnĂ©es d’African Parks et permettent ainsi de dĂ©terminer les dĂ©placements des diffĂ©rents groupes ainsi que de surveiller leur patrimoine gĂ©nĂ©tique. « Pour prendre ces photos, les pisteurs grimpent parfois littĂ©ralement aux arbres, et ils appellent les rhinocĂ©ros une fois

installĂ©s en haut », explique Craig Thomas d’African Parks. Ces animaux ont une mauvaise vue mais ils sont curieux : intriguĂ©s, ils s’approchent donc souvent jusque sous leurs branches. « À la ïŹn de l’étĂ©, nous avons posĂ© 10 balises GPS sur ces rhinocĂ©ros, ce qui reprĂ©sente un gain de temps pour les pisteurs, qui pourront les localiser plus facilement », ajoute Craig. Comment s’attacheune telle balise ? Non pas Ă  l’aide d’un collier (cf. p6 Ă  13), mais en forant un trou Ă  la base de la corne et en y glissant une antenne !

Cornes maudites

Le rhinocĂ©ros a peu de prĂ©dateurs naturels : son principal ennemi est l’humain. Les braconniers et traïŹquants le traquent sans rĂ©pit pour s’approprier sa corne, en ayant recours Ă  des mĂ©thodes de plus en plus sophistiquĂ©es pour Ă©chapper aux autoritĂ©s, y compris l’usage d’hĂ©licoptĂšres ou de matĂ©riel de vision nocturne. Bien que le commerce international de corne de rhinocĂ©ros soit interdit depuis 1977, la demande reste forte. Plus prisĂ©es que l’or ou la cocaĂŻne, leurs cornes sont leur malĂ©diction. RĂ©duites en poudre, elles sont utilisĂ©es dans la mĂ©decine traditionnelle asiatique qui leur attribue des pseudovertus thĂ©rapeutiques pour toute une palette de maux allant du mal de tĂȘte Ă  la ïŹĂšvre, et plus rĂ©cemment le cancer.

© African Parks

Coexistence et bien-ĂȘtre

En complĂ©ment du travail prĂ©cieux des pisteurs, des actions de sensibilisation auprĂšs des communautĂ©s environnant le parc confortent la coexistence. « Avant de commencer Ă  rĂ©introduire les rhinocĂ©ros, nous avons Ă©tĂ© dans les villages pour expliquer en dĂ©tail ce que nous allions faire et pourquoi ces animaux Ă©taient si prĂ©cieux. Il est essentiel que les gens se sentent concernĂ©s par ce qui se passe Ă  l’intĂ©rieur du parc », raconte Craig. « Chaque annĂ©e en septembre, nous organisons aussi un grand match de football et une piĂšce de

théùtre Ă  l’occasion de la journĂ©e du rhinocĂ©ros. Cela peut paraitre anecdotique mais ce type de travail communautaire est essentiel. Nous discutons avec les habitant·es au quotidien et nous remarquons que les gens ressentent positivement la prĂ©sence du parc : on reçoit beaucoup de questions sur les animaux prĂ©sents, ils nous racontent leurs propres observations
 »

Le bien-ĂȘtre des communautĂ©s locales est Ă  lui seul un point d’attention clĂ© du modĂšle d’African Parks : 176 emplois locaux permanents, des emplois

saisonniers, une dynamisation de l’économie par le tourisme, la mise en place de huit â€˜Ă©picentres’ comportant clinique, bibliothĂšque et puits d’eau potable, la crĂ©ation d’un vivier pour l’élevage de poissons et de ruches pour l’apiculture, des bourses d’études pour les enfants, un soutien aux Ă©coles
 « Nous ouvrons aussi le parc aux communautĂ©s environnantes lorsqu’il y a des produits qui peuvent ĂȘtre rĂ©coltĂ©s de maniĂšre durable, tels que de l’herbe sĂšche ou du bambou en abondance », explique Craig.

Vigilance face au braconnage

« Le travail communautaire, c’est aussi notre premiĂšre ligne de dĂ©fense face au braconnage : ça passe par avoir de plus en plus de personnes convaincues de l’importance des rhinocĂ©ros, mais aussi par exemple par des informateurs qui peuvent faire des dĂ©nonciations anonymes », poursuit Craig. À l’intĂ©rieur du parc, les gardien·nes de clĂŽture forment la deuxiĂšme ligne de dĂ©fense : ces personnes qui vivent

Ă  la pĂ©riphĂ©rie du parc parcourent chaque jour une partie de la clĂŽture pour vĂ©riïŹer qu’il n’y ait pas de cassures Ă  rĂ©parer ou de signes d’intrusion. EnïŹn, Ă  l’intĂ©rieur du parc, la troisiĂšme ligne de dĂ©fense est assurĂ©e par les patrouilles des Ă©cogardes. « GrĂące Ă  notre travail Ă©troit avec les communautĂ©s, ce systĂšme Ă  trois lignes marche trĂšs bien : on a un taux de braconnage trĂšs bas – essentiellement pour la pĂȘche, la consommation personnelle ou le bois de chauffage

– et zĂ©ro attaque sur les rhinocĂ©ros jusqu’à prĂ©sent ! »

Un rĂ©sultat remarquable, mais le braconnage de haut vol reste une menace sous-latente. « Nous ne pouvons pas faire preuve de complaisance, il faut ĂȘtre prĂȘt en tout temps face Ă  la possibilitĂ© d’une attaque du crime organisĂ© : la question n’est pas de savoir ‘si’, mais ‘quand’. »

Carte d’identitĂ©

Nom scientiïŹque : Diceros bicornis

Population : PrĂšs de 6.500 individus

Statut : En danger critique d’extinction

Habitat : Savane semi-arides, zones forestiĂšres, zones humides

Alimentation : À la di Ă©rence du rhinocĂ©ros blanc, le rhinocĂ©ros noir Ă  une lĂšvre supĂ©rieure prĂ©hensile, avec laquelle il attrape les feuilles des buissons et des arbres, tels que les acacias.

En quĂȘte de compagnons

Morphologie : Les rhinocĂ©ros sont les plus gros mammifĂšres terrestres, juste aprĂšs les Ă©lĂ©phants. Le rhinocĂ©ros noir est plus petit que le rhinocĂ©ros blanc, mais il peut tout de mĂȘme atteindre 1,5 mĂštre de haut et peser 1,4 tonne. Ses deux cornes poussent continuellement tout au long de sa vie (comme les ongles chez les humains) et la corne la plus longue mesure en moyenne 50 cm. Ils sont Ă©galement dotĂ©s d’une musculature impressionnante qui leur permet de courir trĂšs vite sur une courte distance, jusqu’à 50 km/h. TrĂšs agiles, ils peuvent aussi faire volte-face en pleine course.

SociabilitĂ© : Les rhinocĂ©ros noirs adultes sont le plus souvent solitaires. Une mĂšre et ses ïŹlles peuvent rester ensemble pendant de longues pĂ©riodes, tandis qu’une femelle sans progĂ©niture peut rejoindre une femelle voisine.

DurĂ©e de vie : Les rhinocĂ©ros noirs peuvent atteindre l’ñge de 40 Ă  50 ans.

Sens : Les rhinocéros ont une mauvaise vue mais un odorat développé et une trÚs bonne audition.

Petits oiseaux bruns de 20cm de long, avec un bec large et des griffes acĂ©rĂ©es, les pics-bƓufs se perchent sur les bovins, les zĂšbres ou les rhinocĂ©ros pour grignoter les tiques, les insectes et les parasites de leur peau ; lorsqu’ils sont inquiets, ces oiseaux sifïŹ‚ ent, alertant ainsi le mammifĂšre sur lequel ils sont perchĂ©s d’un Ă©ventuel danger, tel que la prĂ©sence de lions ou d’hyĂšnes. Ce service est particuliĂšrement utile au rhinocĂ©ros dont la vision est mauvaise, et cela transparait dans le nom swahili du pic-bƓuf, Askari wa kifaru, qui se traduit par « gardien du rhinocĂ©ros ». Le chercheur australien Roan Plotz a mĂȘme prouvĂ© que les rhinocĂ©ros accompagnĂ©s de ces oiseaux avaient plus de chances de dĂ©tecter les humains, ce qui les protĂšge donc Ă  fortiori aussi des braconniers !

« Dans un Ă©cosystĂšme sain, ces oiseaux sont abondants », explique Craig Thomas. « Mais Ă  Majete, nous n’en observons que trĂšs rarement, malgrĂ© des conditions apparemment idĂ©ales pour leur permettre de prospĂ©rer. Nous avons donc fait des recherches et nous sommes rendu compte que les pesticides utilisĂ©s sur les animaux domestiques dans la pĂ©riphĂ©rie du parc Ă©taient trĂšs nocifs pour ces pics-bƓufs. Nous envisageons donc de faire un travail de sensibilisation pour changer ces habitudes, voire de pousser pour un changement lĂ©gislatif qui interdirait la commercialisation de ce type de pesticide spĂ©ciïŹque - des alternatives peu coĂ»teuses et respectueuses des oiseaux existent », conclut Craig, avec l’espoir que les rhinocĂ©ros de Majete retrouvent bientĂŽt leurs ïŹ dĂšles compagnons.

© Martin Harvey / WWF

ÉOLIENNES POUR LE CLIMAT, POUR LA NATURE

Investir dans l’énergie verte, c’est investir dans notre avenir. Mais ce qui est bon pour le climat risque-t-il d’avoir un impact nĂ©gatif sur la biodiversitĂ© ? On pense parfois aux oiseaux qui perdent la vie dans les pales des Ă©oliennes. Et dans les parcs Ă©oliens offshores, c’est tout un monde marin qui risque d’ĂȘtre perturbé  Heureusement, des solutions existent !

En matiĂšre d’énergie Ă©olienne offshore, la Belgique fait partie des pays pionniers en Europe. Et notre pays veut accĂ©lĂ©rer la transition Ă©nergĂ©tique, notamment via l’éolien en mer du Nord. Toutefois, il ne faut pas oublier que toute activitĂ© humaine qui s’installe dans une zone naturelle aura un impact sur cet Ă©cosystĂšme. Et le monde marin est aussi riche que mystĂ©rieux


« Nous pouvons trouver une solution gagnant-gagnant : la transition vers l’énergie Ă©olienne est positive pour le climat, mais elle peut et doit Ă©galement ĂȘtre bĂ©nĂ©ïŹque pour la biodiversitĂ© et la sociĂ©tĂ© », explique Sarah Vanden Eede, spĂ©cialiste de la mer du Nord au WWF. « Avant de se lancer dans un tel projet, il est donc essentiel d’évaluer son impact sur la nature qui l’accueillera, et de prendre en compte tous les paramĂštres possibles pour minimiser cet impact, protĂ©ger la nature et, si possible, la renforcer et la restaurer. »

Un impact négatif ?

La biodiversité de la mer du Nord pourrait en effet facilement se retrouver à pùtir de projets offshores mal conçus : collision des oiseaux avec les pales, pollution lumineuse, vibrations perturbant les systÚmes de géolocalisation des mammifÚres marins...

« L’installation d’une structure en bĂ©ton et mĂ©tal, dans un environnement oĂč ces matĂ©riaux Ă©taient absents, crĂ©e par ailleurs une sorte d’habitat artiïŹciel nouveau qui

attire certaines espĂšces spĂ©ciïŹques mais bouleverse aussi l’écosystĂšme », ajoute Sarah. « Les espĂšces attirĂ©es par le bĂ©ton et le mĂ©tal risquent ainsi d’entrer en concurrence avec notre biodiversitĂ© indigĂšne, qui s’épanouit quant Ă  elle plutĂŽt sur le gravier et le sable. »

Des solutions existent « Il y a un compromis Ă  trouver entre la meilleure efïŹcacitĂ© Ă©nergĂ©tique et l’impact le plus faible sur la nature », explique Sarah. « Et ça commence

©JesseDeMeulenaere ©JesseD M len

simplement par mettre en pratique toutes les solutions que nous connaissons déjà. Beaucoup de ces adaptations ne sont pas si coûteuses ! »

De nombreuses propositions ont en effet dĂ©jĂ  Ă©tĂ© identiïŹĂ©es : mettre Ă  l’arrĂȘt les turbines pendant les migrations des oiseaux, installer des senseurs dĂ©tectant la prĂ©sence d’animaux, limiter les Ă©clairages inutiles, peindre l’une des trois pales pour rendre l’éolienne mieux visible pour les oiseaux
 Concernant la pollution sonore, l’utilisation de « rideaux de bulles » pour tenter de bloquer les ondes sonores au moment du forage de l’éolienne dans le sol a fait ses preuves. La planiïŹcation spatiale a elle aussi son importance : il vaut mieux rester en dehors des zones protĂ©gĂ©es et des routes migratoires, mais aussi s’assurer que toutes les Ă©oliennes soient de la mĂȘme hauteur et qu’elles soient groupĂ©es de maniĂšre assez dense pour dĂ©courager les oiseaux de s’engager parmi elles, tout en prĂ©voyant des corridors bien larges entre les parcs Ă©oliens. Des recherches plus approfondies sont par ailleurs nĂ©cessaires,

notamment pour parvenir Ă  terme Ă  des parcs Ă©oliens modulaires. « IdĂ©alement, un parc Ă©olien offshore devrait ĂȘtre constituĂ© de composants rĂ©utilisables, pouvant ĂȘtre rĂ©parĂ©s, remplacĂ©s ou dĂ©mantelĂ©s et recyclĂ©s », explique Sarah Vanden Eede. Une maniĂšre de minimiser autant que possible les bouleversements des sĂ©diments du fond marin, considĂ©rables lors de tous travaux en mer.

Booster la nature

EnïŹn, il ne faut pas se contenter de chercher Ă  minimiser l’impact des parcs Ă©oliens sur la nature : leur prĂ©sence a le potentiel de booster rĂ©ellement la biodiversitĂ© ! « Dans le plan d’action pour la restauration de la nature en mer du Nord belge, une de nos prioritĂ©s est par exemple la restauration des bancs de graviers, aïŹn d’y permettre le dĂ©veloppement de rĂ©cifs de moules et d’huitres », explique Sarah. « Les parcs Ă©oliens pourraient nous aider Ă  booster cet objectif. Dans les zones oĂč le fond marin comporte des reliquats de bancs de graviers, on pourrait mettre Ă  proïŹt l’espace au sol situĂ© entre les Ă©oliennes : en y installant des petits ilots de gravier et en s’assurant

que ces ilots soient colonisĂ©s par des espĂšces de coquillages intĂ©ressantes, on pourrait obtenir Ă  terme un vĂ©ritable rĂ©seau d’habitat de gravier favorable aux rĂ©cifs de coquillages, ce qui renforcerait les projets des zones Natura 2000 et la biodiversitĂ© de la mer du Nord dans son ensemble. »

Vers une nouvelle norme « Une conception des parcs Ă©oliens respectueuse de la nature, ça devrait ĂȘtre la norme », martĂšle Sarah. « Les marchĂ©s publics et les demandes de permis environnementaux liĂ©s Ă  l’éolien offshore devraient donc obligatoirement inclure des exigences concernant la conception respectueuse de la nature, aïŹn que cela devienne un rĂ©ïŹ‚exe pour l’industrie. C’est dĂ©jĂ  le cas aux Pays-Bas, nous continuerons de plaider pour que cela devienne le cas aussi en Belgique », conclut Sarah.

Illustration par © Hendrik Gheerardyn

LES HUITRES, SUPERHÉROÏNES DE LA MER

Les bancs de gravier sont les rĂ©cifs coralliens de la mer du Nord. Les huitres y sont des espĂšces clĂ©s de voĂ»te, et leurs vastes colonies o rent un habitat, un abri et une protection contre les prĂ©dateurs Ă  des centaines d’espĂšces, y compris des poissons Ă  valeur commerciale tels que les anchois et les harengs. Les bancs d’huitres contribuent Ă©galement Ă  stabiliser les sĂ©diments au fond de l’ocĂ©an, ce qui peut protĂ©ger les littoraux de l’érosion et des tempĂȘtes. De plus, chaque huitre est capable de ïŹltrer jusque 200 litres d’eau par jour pour en extraire du plancton et d’autres particules pour son alimentation. Ce faisant, les huitres contribuent Ă  amĂ©liorer la qualitĂ© de l’eau en Ă©liminant l’excĂšs de nutriments et de polluants. Et une eau plus propre est synonyme d’un ocĂ©an plus sain, avec davantage de vie vĂ©gĂ©tale et animale, ce qui accroĂźt la capacitĂ© de l’ocĂ©an Ă  piĂ©ger le carbone. EnïŹn, les huitres contribuent

Ă©galement Ă  l’échange de nutriments entre les habitats benthiques (fond de l’ocĂ©an) et pĂ©lagiques (eaux libres). GrĂące Ă  tous ces services, la valeur des huitres en tant qu’ingĂ©nieures de l’écosystĂšme a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e entre 4.775 en 86.000 euros par hectare et par an !

Jusqu’au milieu du 19e siĂšcle, les bancs d’huitres Ă©taient abondants dans les eaux belges. Victime de surpĂȘche puis de maladies, l’espĂšce y a entiĂšrement disparu... « Le retour des rĂ©cifs d’huitre est notre grand rĂȘve », conïŹrme Sarah Vanden Eede. Un rĂȘve qui pourrait donc devenir rĂ©alitĂ© grĂące Ă  des structures o shores dont la conception tienne compte de la nature. Et d’ici lĂ , une premiĂšre bonne nouvelle : un projet pilote lancĂ© par le consortium Belreefs a tentĂ© de rĂ©introduire de premiĂšres huitres belges cet Ă©tĂ© !

© Jeroen Helmer / ARK
© Floor Driessen / Bureau Waardenburg

DÉCOUVRIR LES ENJEUX DES OUTILS POUR FAIRE

ENVIRONNEMENTAUX AUX ÉLÈVES!

Le WWF-Écoles, c’est une offre d’outils pĂ©dagogiques de dossiers Ă©ducatifs, de jeux, de concours ou encore de sites web interactifs, pour tout dĂ©couvrir sur notre belle planĂšte. Nous mettons gratuitement ce catalogue Ă  disposition des enseignant·es, parents, ou de tout autre professionnel·le qui travaille avec des enfants ou des jeunes, de 6 Ă  18 ans.

L’objectif ? Permettre Ă  nos jeunes de comprendre les grands enjeux environnementaux de façon ludique et amusante. Les Ă©lĂšves peuvent ainsi en apprendre plus sur l’importance du loup ou de la loutre, expĂ©rimenter par eux-mĂȘmes les effets du changement climatique via un atelier scientiïŹque, ou encore chercher des solutions Ă  la pollution

HansMoyson/WWF-Belgium

DES ENSEIGNANTES TÉMOIGNENT

« Tous mes Ă©lĂšves ont adorĂ© l’escape game sur le plastique et y ont participĂ© avec beaucoup de plaisir. Je pense que certaines habitudes familiales ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  changer. Un tout grand merci au WWF ! » SĂ©verine, enseignante en P5/P6.

« La Mini COP est une excellente animation qui permet de mieux comprendre le fonctionnement d’une confĂ©rence sur le climat. Les Ă©lĂšves sont motivĂ©s et se prennent au jeu. » GeneviĂšve, enseignante en 5e secondaire.

« L’AgendAnimaux est ludique et facile Ă  utiliser. Les Ă©lĂšves ont adorĂ© et ont tout de suite demandĂ© Ă  inscrire leurs anniversaires dessus. En plus, il existe des ïŹches Ă  exploiter avec le calendrier. » Violette, enseignante en sciences en 1re, 2e et 3e secondaires. DĂ©couvrez tous nos outils pĂ©dagogiques !

VOTRE ADOPTION EN ACTION

Vous avez adopté un lion ou une tortue marine ? Découvrez les derniÚres nouvelles de votre espÚce préférée !

Nous Ă©crivons ensemble l’avenir du lion

La protection des lions ne repose pas sur un seul acte spectaculaire, mais sur une multitude d’initiatives discrĂštes, rĂ©pĂ©tĂ©es, portĂ©es chaque jour par des communautĂ©s engagĂ©es et des scientiïŹques sur le terrain, et leurs soutiens Ă  travers le monde.

Dans la réserve du Masai Mara, au sud-ouest du Kenya, le WWF-Belgique mÚne avec le Mara Predator Conservation Programme un projet pour améliorer la cohabitation entre les lions et les humains.

Cette rĂ©serve et les terres communautaires qui l’entourent sont le prolongement des grandes plaines du Serengeti en Tanzanie. Elles constituent aussi l’un des derniers bastions de la vie sauvage en Afrique de l’Est. Ce paysage emblĂ©matique abrite 500 lions, ainsi qu’une densitĂ© exceptionnelle de guĂ©pards, d’hyĂšnes et d’herbivores, notamment au moment de la cĂ©lĂšbre migration des gnous.

20 jeunes au cƓur du projet
 FormĂ©e pour attĂ©nuer les conïŹ‚its entre humains et lions, une Ă©quipe de 20 jeunes patrouille chaque jour dans les zones sensibles, dialogue avec les communautĂ©s, intervient en cas d’incident et propose des solutions : enclos renforcĂ©s, dispositifs lumineux anti-prĂ©dateurs, sensibilisation


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Aujourd’hui, neuf jeunes lions en dispersion et deux guĂ©pards portent des colliers satellites. Les donnĂ©es qu’ils Ă©mettent permettent de comprendre les interactions, d’anticiper les conïŹ‚its et de mieux cibler les actions de protection.

100 Cent enclos traditionnels ont été construits pour répondre aux besoins des éleveurs et des éleveuses.

3.000 Nous avons distribuĂ© 3.000 lampes anti-prĂ©dateurs aux communautĂ©s locales. AlimentĂ©es par l’énergie solaire, elles Ă©mettent des ïŹ‚ashs alĂ©atoires qui imitent une prĂ©sence humaine et dissuadent ainsi les prĂ©dateurs d’approcher les enclos.

Leur travail est renforcĂ© par la mise en place de colliers GPS, qui nous permettent de suivre les dĂ©placements des lions en temps rĂ©el. Lorsque l’un d’entre eux franchit les limites d’une zone protĂ©gĂ©e, une alerte est immĂ©diatement envoyĂ©e Ă  l’équipe ambassadrice.

LE RÉSULTAT ?

Notre projet avec Mara Predator Conservation Programme montre qu’une approche intĂ©grĂ©e alliant technologie, connaissance du terrain, savoirs traditionnels et implication locale peut rĂ©ellement faire reculer les menaces qui pĂšsent sur les grands prĂ©dateurs d’Afrique.

Merci d’ĂȘtre Ă  nos cĂŽtĂ©s !

© Emma Maris / WWF-Belgium

Tortues marines : à la recherche de refuges sûrs TORTUE

Nom scientiïŹque : Dermochelys coriacea

Taille et poids : jusqu’à deux mùtres et 900 kg

Longévité : 50 à 100 ans

Une voyageuse légendaire

Capable de plonger Ă  plus de 1.200 mĂštres de profondeur, la tortue luth accomplit un immense pĂ©riple pour rejoindre la plage qui l’a vue naĂźtre. Et perpĂ©tuer le cycle de la vie en y pondant Ă  son tour.

Un rĂŽle clĂ© dans l’ocĂ©an Elle est un maillon essentiel de la biodiversitĂ© marine et cĂŽtiĂšre. En se nourrissant de mĂ©duses, elle rĂ©gule leurs populations. En pondant, elle enrichit les plages de nutriments. Et certains poissons se nourrissent des algues et parasites sur sa carapace : la tortue luth devient ainsi un vĂ©ritable « bu et ambulant » pour la faune marine.

Sur les plages de Pomio, en Papouasie-NouvelleGuinĂ©e, un travail de terrain essentiel est en cours pour protĂ©ger les tortues marines, et en particulier la tortue luth (Dermochelys coriacea), une espĂšce menacĂ©e Ă  l’échelle mondiale.

Les sites de nidiïŹcation de Pomio, parmi les plus importants de la rĂ©gion, sont menacĂ©s par l’érosion, les activitĂ©s humaines et le rĂ©chauffement climatique. Mais il y a des signes d’espoir : Ă  Galue par exemple, des traces fraĂźches de ponte ont rĂ©cemment Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es.

Une nouvelle encourageante pour toutes les personnes impliquées dans la protection de ces voyageuses ancestrales.

‱ Un rĂ©seau de suivi local a Ă©tĂ© mis en place dans les villages de Galue, Bairaman, Malai et Bain.

‱ À ce jour, quatre communautĂ©s cĂŽtiĂšres de Pomio ont signĂ© un accord de conservation avec le WWF.

‱ Les premiĂšres sessions de sensibilisation Ă  la protection de la nature ont rassemblĂ© plus de 30 participant·es

EnïŹn, l’ensemble du matĂ©riel nĂ©cessaire au suivi des plages (kits d’observation, documents Ă©ducatifs, Ă©quipements) est prĂȘt Ă  ĂȘtre dĂ©ployĂ© sur le terrain. Ce dispositif permettra de mieux repĂ©rer les pontes, sĂ©curiser les nids et recueillir des donnĂ©es prĂ©cieuses pour la recherche. GrĂące Ă  toutes les personnes qui ont adoptĂ© une tortue marine, nous Ɠuvrons pour que les plages de Pomio demeurent des refuges sĂ»rs pour toutes les tortues marines qui viennent y pondre.

ET ENSUITE ?

L’objectif est clair : former davantage de volontaires, renforcer la collecte de donnĂ©es, et favoriser les Ă©changes entre gardien·nes du PaciïŹque, depuis les cĂŽtes de Papouasie jusqu’aux Fidji.

Merci de faire partie de ce voyage !

© JĂŒrgen Freund / WWF

WWF-Belgique C.F. ASBL

Bd Emile Jacqmain 90

1000 Bruxelles

02 340 09 20

wwf.be

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