Résidence de création / Valérie Champigny / Présences allusives / Demi-lune 2017

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valérie champigny présences allusives à la Demi-lune

Résidence de création à La Demi-lune - Hôpital de Jour - Villenave d’Ornon (33)


La Demi-lune - Hôpital de Jour - soins polyvalents pour adolescents- Villenave d’Ornon (33) ! 2


RÉSIDENCE DE CRÉATION À LA DEMI-LUNE

aller à la rencontre dans le parc, circuler dans les couloirs ou les escaliers dans une sorte d’évasion faite d’explorations intérieures qui rendraient la perception presque flou entre l’imaginaire de la rencontre et l’impalpable de l’échange.

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Résidence artistique à l’Hôpital de jour « La Demi-lune » Valérie Champigny, plasticienne Si au printemps 2018, nous apprenons avec enthousiasme que la Demi-lune à Villenave d’Ornon (33) est maintenue, la résidence a quant à elle a pris forme en janvier 2017 dans le cadre d’un contexte de déconstruction du bâtiment et d’une prise en compte éventuelle des modifications de l’accueil des jeunes à « La Demi-lune de mars à décembre 2017.

La Demi-lune accueille une quinzaine de pré-adolescents et assure des soins polyvalents individualisés et intensifs prodigués dans la journée, le cas échéants à temps partiel.

AU PIED DE LA LETTRE Temps de médiation artistique : Au pied de la lettre Accompagnement des jeunes sur le projet Land art : Atelier collectif avec la création d’une anamorphose en extérieur visible depuis bibliothèque située au premier étage. PRÉSENCES ALLUSIVES Temps de création personnelle et participative Production photographique autour des traces d’un lieu habité et projeté en déconstruction. Réalisation d’une série photographique sur la Demi-lune. Photographies impliquant les jeunes dans un jeu de rôle expérimental.

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

Porte peinte sur le mur. de l’abri de jardin. ! 5


Entrer, sortir Connaissance et pratiques de l’espace de vie

Les portes imaginaires voisinent les vraies serrures. Je vais à la rencontre de chacun dans les jardins, dans les couloirs dans une sorte d’évasion faite d’explorations intérieures qui rend la perception presque floue. Je me laisse guider par la main pour franchir les espaces fermés ou ouverts.

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Observer dedans, dehors et à travers

Les vitres en plexiglas rayées deviennent mon filtre photographique Une interrogation troublée de la réalité Une motte de terre alunie sur le rebord de la fenêtre.

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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Équilibres et corps en mouvement

Nous partageons des moments. Aujourd’hui, il pleut et chacun expérimente des acrobaties à l’intérieur. Puis, fatigués, les adolescents aiment s’asseoir et regarder les photos que j’ai prises sur mon appareil photo numérique.

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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Objets , jeux et langages

Lieux et objets de refuge On se regroupe dans la salle du baby-foot, on y trouve : des inscriptions, des percussions, des rĂŠunions, des jeux de cache-caches sous les tables

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

Perception des espaces et du temps

Lundi, mardi Je t’avais dit… Un écho dans un labyrinthe. Mercredi, La course dans le couloir Deux escaliers qui se ressemblent. Jeudi, vendredi… Se perdre et se retrouver. Faire le tour dans la lumière verte.

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De loin, de près.

Une lumière verte dessine les couloirs, les portes et les cheminements entre le dedans et le dehors. Un adolescent m’explique qui est important d’accorder de l’attention et du soin à chacune des portes et me fait visiter l’établissement à sa manière tandis que d’autres dévalent les escaliers. Un autre me montre les dessins qu’il a minutieusement esquissé dans le creux de sa main. Au rez de chaussée, la cuisine couleur café rassemble les échanges d’avant l’atelier. ! 14


LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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Les repères d’une journée qui passe. Se rassembler pour un goûter d’un côté à l’ombre du poirier ou de l’autre sous la glycine. Un verre d’eau fraîche, son reflet sur le plateau orangé. Une adolescente m’offre une part de gâteau et un verre de menthe à l’eau.

Les après-midis ensoleillés Des histoires à se raconter Les miettes du goûter Quelques oiseaux. Les taxis vont arriver , on se dit : « à lundi ».

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

Dans le parc, penché sur le bassin, un enfant observe le temps, les rythmes de l’eau produits par le vent. Ou bien autre chose. Des mouvements indépendants du ciel et de l’eau continuent de s’agiter dans une même surface. L’eau et des reflets en dedans et au dessus. Des nymphéas dans une attention à perpétuellement reconstruire.

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L’apaisement : une œuvre collective impalpable

De l’eau. Des fonds marins sur les murs. Un adolescent parle dans le hublot, Un autre l’écoute attentivement.

Des murs peints. Naviguer de pièce en pièce. Entre les orages, le temps se déroule lentement dans une sorte de « Blue in Green » by. Miles Davis réinventé en permanence par l’ensemble de l’équipe.

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

Un bassin Une fontaine dans la cour

Souvent des objets flottent paisiblement sur l’eau. Un ballon bleu au contact des poissons rouges. Souvent des objets volent On les pêche. On les relance. On les oublient.

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Vue sur le jardin depuis la bibliothèque.

Mouvement des stores. Le store se lève puis se baisse. L’adolescent scrute dans la lumière changeante. Un silence profond. Une scène en boucle. Le temps qui passe. ! 20


LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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Les murs pour s’exprimer

Les murs, des livres ouverts dans l’énergie du toucher, des formes à lire.

Certains y ont repéré un profil de visage blanc dans le fond vert.

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

Zone de « Lancer de poires vertes » ! 25


La main en projet. Intention.

Le mur et la main. La main projette. Ici et main tenant. Sa main danse, du visage au sol. La main inscrit des signes dans l’espace. La main cherche, dessine, relie, efface, invente l’effacement. La main fait signe. La main signe. !  26


LA DEMI-LUNE, découverte et rencontre

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L’hôpital de jour « La Demi lune » dépend de l’hôpital de Cadillac. L’équipe pluridisciplinaire est composée de : - 1 cadre de santé - 3 infirmiers - 3 éducateurs spécialisés - 1 psychomotricien - 1 aide soignant - 1 psychologue - 1 praticien hospitalier

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valérie champigny présences allusives Collection Mutuum artothèque Résidence en Hôpital de jour à la Demi-lune ! 31


Présences allusives, série photographique

Ce lieu d’accueil a une histoire singulière (ancienne maison-close d’une architecture du début du XXe siècle de type art nouveau) qui invite à conserver des traces photographiques. Les jeunes occupent souvent le parc qui comprend des équipements sportifs mais aussi tout un parcours d’agrément sous de grand arbres. Lorsque je photographie la maison de « La Demi-lune », Les adolescents se manifestent peu à peu. Au tout début, je cherchais leurs silhouettes comme pour témoigner d’un lieu habité et c’est eux qui progressivement entrent dans le champ photographique en faisant comme « allusion » à leur présence. Ils me voient avec l’appareil tout en restant à la périphérie et passent successivement dans le champ, puis certains prennent des poses. C est une recherche dans la perception de l’autre et d’eux-même. L’un d’eux me montre qu’il peut grimper au plus haut du dispositif métallique qui porte le panier de Basket. Une jeune fille prend plusieurs poses intercalées de moments immobiles plus ou moins longs. Il y a comme une interaction à ressort que j’induis et accompagne. Une mise en abîme de l’allusion à leur présence qu’ils m’offrent tout en restant distants mais pas discrets.

Il y a entre les êtres quelque chose de très intuitif dans l’apprivoisement mais à la fois conscient du promeneur écoutant. Tout ressemble à une danse entre eux et moi dans le parc qui pourrait laisser croire à une invitation à la prise de vue, voire à la construction précaire d’une forme de confiance. Certains viennent voir les photographies sur mon appareil numérique, d’autres font des cercles autour de moi. Si ces adolescents ont des difficultés à partager leurs émotions, j’observe néanmoins un net désir d’une interaction au moment de ces prises de vue. Valérie Champigny ! 32


PRÉSENCES ALLUSIVES, une série photographique

LE CORPS EN JEU

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JEU

DE LA SÉRANDIPITÉ ! 35


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ENJEU DE LA PRÉSENCE ! 37


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POSTURE ACTIVE ! Â 39


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CROISEMENT DES SIGNES

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POINT DE VUES

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COURROIES DE TRANSMISSION

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PROMENEUR DE L’ORDINAIRE

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RENDEZ-VOUS AVEC UN INATTENDU

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ARPENTER , CONTOURNER ! Â 51


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valérie champigny au pied de la lettre Un projet Land-art conçu et élaboré avec l’équipe de personnel soignant de la Demi-lune ! 53


Des sentiers tortueux, « des lignes d’erre » dessinées à la corde

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AU PIED DE LA LETTRE, une œuvre collective De l’atelier Land-Art vers « Au pied de la lettre » L’atelier land-art est né du désir de l’une, de la rencontre avec l’autre et , avec de grands adolescents, pour lesquels l’espace pouvait être sans limite, l’histoire sans repérage temporel. Au lieu de l’espace déjà délimité, de l’hôpital de jour, nous proposons un espace nature, infini ,dans lequel c’est à partir des créations des participants que l’espace sera délimité. Là où, pour certains la Demi-lune ne tient qu’à ne pas y être, où à la détruire, c’est ce nom là pourtant, qui viendra s’inscrire comme création collective, dès la première sortie. Création collective auxquelles s’ajouteront des créations individuelles.
 Créations soumises à la contingence de la rencontre avec un lieu, un moment, une matière, une lumière, un autre, des autres.
 Créations soumises au temps qui passe , se modifiant, disparaissant, laissant parfois une trace.
 Créations soumises au marcheur inconnu, qui les regarde ou les efface, à l’animal aussi qui les bouleverse, ou y laisse son empreinte.
 Créations qui raconte des histoires de rêves, des histoires d’inquiétude, de peur, des histoires d’au-revoir, des histoires qui font voyager ; créations qui ne racontent rien. À partir de cet atelier, un séjour sera organisé pour découvrir des créations d’artistes contemporains dans la forêt des Landes (art). Lors de ce séjour, la rencontre avec une artiste plasticienne, Valérie Champigny, en train de réaliser une œuvre de land-art, nous offrira un point de départ pour transformer un atelier thérapeutique, en projet artistique.

Ce projet s’inscrivant à contre-courant du projet originel, puisqu’il s’agit de faire œuvre collective, dans l’enceinte de la Demi-lune. Valérie nous proposa de créer un labyrinthe, ce qui permettait des investissements diversifiés : dessiner, planter, jardiner, mesurer…Labyrinthe où marcher, se perdre, se retrouver, se cacher . Une création vivante donc, qui n’utilise pas l’existant , le déjà là, mais qui fait jaillir du sol, regarde pousser, grandir et transformer l’espace au fur et à mesure. Un projet arriva soudainement venant contrarier le nôtre, la vente programmée de la Demi-lune. Ce projet fluctuait au gré des semaines, nous dépossédant d’une projection possible du nôtre sur un bout de sol où le réaliser, comme si ce lieu déjà, ne nous appartenait plus. Valérie, sensible aux effets de cette nouvelle, est venue s’imprégner de nos émotions, mais aussi de l’atmosphère, et de l’histoire du lieu, passé et à venir, afin de pouvoir donner vie à un nouveau projet. Nous avons alors abandonné ce projet qui s’élevait vers le ciel, pour redescendre sur terre, voire sous la terre, décidant alors de nous inscrire dans la terre Demi-Lunienne. Ainsi, chacun, adolescent ou adulte, peut venir creuser le sol pour y inscrire son initiale, et de là tracer une route, qui peut venir croiser, longer , compléter, celle de l’autre. Aussi bien ceux qui arrivent, que ceux déjà partis . En contrebas de la bibliothèque une carte se dessine, qui ne mène nulle part, arabesques et lettres d’un projet qui s’intitule : AU PIED DE LA LETTRE.

Jocelyne GOUT ! 55


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Au pied de la lettre, une oeuvre collective

Chacun investit l’espace du jardin pour les saisons du printemps et de l’été sous la forme d’un projet qui s’apparente au mouvement du Land-art. Laisser une empreinte avant de partir : L ’approche du Land-art ayant déjà été exploré par plusieurs des jeunes a permis d’imaginer collectivement à la suite de plusieurs rencontres un projet intitulé « Au pied de la lettre » accompagné par la plasticienne et en présence du personnel encadrant qui se déroulera sur une dizaine de rencontres les vendredis après-midi d’avril à décembre 2017. « Au pied de la lettre » se présente comme une anamorphose construite et conçue avec la participation de chacun y compris par les adultes encadrant qui souhaiteront s’associer au projet collectif. Cette anamorphose de lettres, élaborée dans le parc, sera visible depuis les fenêtres de la bibliothèque. S'inscrire pleinement dans le lieu : Dans un espace défini par les professionnels de la Demi-lune, une proposition de type Land-art invite les jeunes à inscrire leur initiale en extérieur. S’inscrire comme on trace des lettres : il peut s’agir d’une des lettres de son prénom, une lettre imaginaire, un idéogramme, une initiale ou chaque jeune selon ses difficultés pourra participer tout en étant aidé par les adultes et la plasticienne accompagnant le projet. Au pied de la lettre » est une installation en plein-air impliquant la participation physique de chacun et qui propose d’explorer les relations qu’entretient le langage, les mots, les lettres au sens propre comme au sens figuré. ! 57


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AU PIED DE LA LETTRE, une œuvre collective

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CONVERSATION entre Valérie Champigny, plasticienne et Benjamin Charcos, infirmier.

Valérie Champigny. Bonjour Benjamin, tu es arrivé récemment en tant qu’infirmier à l’Hôpital de jour « La Demi-Lune » au milieu du projet « Au pied de la lettre » dans lequel tu t’es pleinement investi, j’ai eu envie de te faire témoigner sur cette rencontre avec ce lieu qui risque d’être détruit et sur l’activité de création participative. Je te laisse te présenter : Benjamin Charcos J’ai 26 ans. Je suis arrivé le 15 juin 2017. Je suis ici depuis un peu plus de six mois. J’ai travaillé dans des structures similaires accueillant des adolescents atteints de pathologies psychiatriques mais dans un contexte d’hôpital. Ici, c’est différent : les adolescents sont pris en charge mais n’ont pas la sensation de ce rendre dans un hôpital. La Demi-lune accueille 17 jeunes mais pas forcément sur la même journée. Ce lieu est sans doute voué à disparaître mais c’est une maison et cela induit un rapport différent qui comprend plus d’humanité. VC C’est un lieu un peu particulier puisqu’il s’agit d’une ancienne maison-close de type Art nouveau. bâtit au début du XXe siècle. Elle est étonnante avec ses deux escaliers, avec sa bibliothèque très éclairée qui surplombe le parc dans la partie demi-sphérique depuis le premier étage. Il me semble que ce lieu permet aux adolescents de s’extraire du contexte familial tout en conservant une ambiance chaleureuse et familière ? BC Oui, c’est un lieu vraiment atypique. Dans un accueil adolescent traditionnel, il y a l’odeur de l’hospitalier et des architectures quasi-identiques et formatées avec la même prestation. À la Demi-Lune, on ne trouve pas cette monotonie. Par exemple, ici, on trouve un petit bassin avec une fontaine. C’est un détail mais c’est un agrément qui ne serait pas autorisé dans une architecture hospitalière aujourd’hui alors qu’il s’agit d’un espace de jeu, de contemplation qui contribue au bien-être. VC Le projet « Au pied de la lettre » ne se résume pas seulement à sa partie technique (dessiner au sol avec les cordes, creuser les sentiers et les lettres dans le sol), c’est aussi faire vivre ces cheminements quand les jeunes sont en extérieur indépendamment de l’atelier et tu as donc su prendre le relais entre mes temps de présence. C’est ce relais que tu as opéré entre mes interventions qui a permis la réussite du projet. Je voulais connaitre quelles sont tes affinités avec avec un projet Land-art ? BC D’une part, je suis sensible à l’idée d’un projet artistique associé à la nature. Je viens des Landes et le rapport à la terre est très présent dans la culture Landaise. D’autre part, on stimule quelque chose de plus large dans l’échange avec les jeunes en Hôpital de jour sur des activités en extérieur quand la météo le permet. C’est une voie transversale pour canaliser les émotions. Et j’ajouterai que ce projet vient comme une sorte de sursaut pour réinvestir ce lieu usé par le temps et déstabilisé par cette possible destruction.

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CONVERSATION entre Valérie Champigny, plasticienne et Benjamin Charcos, infirmier. VC Comment les jeunes se sont-ils emparé du projet « Au pied de la lettre » ? BC Il y a différentes observations que j’ai pu faire notamment depuis la fenêtre de la bibliothèque. On peut les voir rouler dans les sentiers avec la brouette ou faire rouler le ballon de foot dans les sinuosités. Certains enjambent les lignes, d’autres les contournent. VC Tu as su apporter des ramifications au projet. Et ce détournement est quelque chose qui m’intéresse. C’est pour moi le signe que ma proposition était juste et qu’elle se greffe naturellement avec l’existant. J’ai remarqué que tu as, avec les jeunes, créé des sentiers à des endroits inondés de la cour pour permettre à l’eau de s’évacuer, que maintenant des adolescents utilisent la terre retirée pour combler des trous dans la cour, ou bien qu’à l’intérieur, vous avez dessiné et peint dans des fissures sur les murs. Il m’a semblé qu’habiter les fissures à l’intérieur était une continuité des sentiers? BC Depuis septembre, j’ai proposé ces activités pour une raison très simple : Comment accueillir un jeune en souffrance dans un lieu fissuré ou à l’abandon? - À la fois le lieu permet une ouverture d’esprit différente d’un hôpital de jour classique mais parallèlement voir ces fissures pour le jeune qui arrive nouvellement, souvent issus de milieux défavorisés, qu’est ce que cela peut refléter? Cela témoigne d’un lieu qui a été marqué par des violences ou des graffitis connotés or ce lieu d’accueil doit inspirer un sentiment de sécurité. VC D’une certaine façon, tu soulignes le fait que prendre soin symboliquement du lieu, c’est aussi prendre soin des personnes qui y vivent? BC Les anciennes équipes de la Demi-lune avaient peint des fresques. L’équipe s’est déstructurée au fil du temps. Certains infirmiers sont partis à la retraite. Le projet des fresques n’est plus porté par personne. Les fresques ont maintenant vécues. Nous n’osons pas y toucher car ça a été le projet d’une ancienne équipe mais ne pas poursuivre c’est laisser l’ensemble de ces créations se dégrader. Les fresques sont devenues ternes. Au début, il y avait la lune, puis la Demi-lune et puis avec la probable destruction, c’est l’éclipse totale !!! - Peut-être que ce lieu va disparaitre mais il faut impérativement en prendre soin quelque soit son devenir et l’échéance de sa possible destruction! VC La notion de soin que tu développes tant autour de l’accueil du jeune à travers le lieu que plus directement dans les échanges que tu construis avec eux autour de l’activité semblent vecteur de réparation au sens large. Peut-on imaginer une seconde vie pour ce lieu comme pour l’humain? BC Oui, on peut avoir une seconde vie même après l’expérience de l’hospitalisation. On peut avoir eu une fragilité ou une moment de faiblesse. Dans l’art brut, certains artistes ont aussi eu un passé en psychiatrie. L’art, c’est une expression de soi, c’est un outil et un levier essentiel principalement pour des jeunes en Hôpital de jour.

Au final, après deux années de pourparlers, la Demi-lune et son parc ne seront pas détruits et l’unité sera maintenue.

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des cheminements du dedans au dehors

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Autre création de type Land-art réalisée par Valérie Champigny

Owiiig, est un « polyèdre à visage humain » réalisé en Avril 2018 dans une maison d’enfants à Caractère Social. La plasticienne utilise le paysage dans une ouverture sur la relation à l’autre. Le polyèdre figure cet autre à multiples facettes que l’on accueille..

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PARCOURS ARTISTIQUE / Valérie CHAMPIGNY Artiste « plasticienne et compilatrice de choses » valeriechampigny.com Valérie Champigny

Née le 28/03/1972 Vit et travaille en Sud-Gironde (33)
 plasticienne et enseignante, 
 Valérie Champigny est titulaire du DNSEP (1996) de l’Ecole des Beaux-arts de Bordeaux et prépare actuellement un Master 2 pro en Ingénierie projets culturels et interculturels. Elle a suivi plusieurs programmes de résidence en France et en Europe dont celui de Arteleku à San Sébastian en Espagne (Programme international organisé par Dario Urzay). En charge de l‘artothèque Mutuum, elle transmet les arts-plastiques et l’histoire de l’art en collège, lycée et à l’Université du Temps-libre. 
 Valérie Champigny a obtenu le Prix de la Fondation de France en 2009 pour la création de la Résidence Mutation d’Office dans une Fédération d’éducation populaire. Elle a développé à travers la création de la résidence Mutations d’Office et de l’artothèque Mutuum, différents projets artistiques en Aquitaine et sur des quartiers en requalification (Le Peyrouat à Mont de Marsan, Le Grand-Parc à Bordeaux, le quartier des Maisons rondes à Morcenx). Elle a créé dans ce cadre les éditions Mutuum (BNF) avec deux collections : les catalogues d’artistes et les cahiers de résidences. L’artothèque Mutuum regroupe aujourd’hui une vingtaine d’expositions destinées à l’emprunt. Elle publie régulièrement des Portraits d’artistes pour la presse web ou destinés à des revues d’art. Ses œuvres pérennes sont accessibles à la visite à l’ASEPF et invitent à une véritable conscience dans l’immersion du paysage.

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RÉSIDENCE DE CRÉATION À LA DEMI-LUNE Des cheminements, du dedans au dehors Valérie Champigny est une plasticienne protéiforme. Elle utilise des outils très divers dans ses expérimentations. Elle n’œuvre pas uniquement dans le champs du Land-art. Elle intervient sur des missions de « Développement artistique relationnel » qui implique un temps d’observation et de prise en compte du contexte jusqu’à faire une proposition adaptée, ciselée et qui tout à la fois laisse place à des détournements, des virages ou improvisations possibles. Valérie Champigny a tout d’abord pris connaissance avec l’équipe et l’unité des soins dans lequel elle s’insèrera ce dispositif, utilisant différentes formes de médiations : une forme d’art-thérapie poïétique. Puis, au fil de ses venue, elle a pris le temps de la rencontre plus approfondie avec les jeunes qui lui ont fait visiter la Demilune mais aussi le parc. Elle découvrira les activités qui rythment la vie quotidienne, les ateliers déjà en place (argile, percussions, jardinage…), le moment fédérateur du goûter, le départ des jeunes en taxi. Puis elle a fait des photographies des jeunes dans l’hôpital de jour La Demi-lune ce qui a conduit à la série photographique « Présence allusives » tout en développant le projet Land-art « Au pied de la lettre ». La semaine de l’adolescent sera donc rythmée par un atelier Land art durant un an et demi. « Les adolescents présentent certaines difficultés et leur participation n’est pas toujours régulière mais reste une surprise permanente dans la façon dont ils s’approprieront le projet « Au pied de la lettre. C’est pour une rencontre avec des personnes et non un groupe puis à chaque fois tout en continuant le projet des sentiers, la présence de chaque jeune donne une tournure nouvelle que nous n’avions pas envisagés tel que remplir les cavités d’eau ou de feuilles ». Valérie Champigny Pour la série photographique « Présences allusives » tout comme pour le projet « Au pied de la lettre », les jeunes viennent librement proposer leur présence ou leur contribution. L’activité est à la fois concrète et symbolique en prenant corps. Agir permet de s’inscrire dans la matérialité et d’interagir avec les autres, d’utiliser des outils, de se prêter les outils, d’apporter et ranger les outils, la brouette… D’autres préfèrent un état proche du retrait mais observent de plus loin et viennent arpenter les sentiers quand l’équipe prépare le goûter. L’appropriation du projet se fait au rythme de chacun. C’est ce que permet le Land-art : un espace vécu, transformé et physiquement traversé ou investi par l’imaginaire et renoue avec la question de la relation de l’homme avec la nature au moment où les jeunes sont exposés aux addictions aux jeux vidéo. C’est aussi participer à la transformation du lieu donc la cour en quelques séances n’était plus la même, une sorte de rebond créateur pour ce lieu en questionnement sur sa continuité d’accueil… Thomas Laurens

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RÉSIDENCE DE CRÉATION À LA DEMI-LUNE

Je remercie Jocelyne Gout pour avoir initié et soutenu ce projet à la Demi-lune et pour m’avoir accompagnée dans mes questionnements sur la diversité des formes participatives des adolescents dans le contexte d’un Hôpital de jour.. Je remercie Benjamin Charcos pour son aide à la réalisation et son énergie dans la continuité du projet. Je remercie l’équipe pour son accueil toujours chaleureux et bienveillant.

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Éditions Mutuum artothèque / A&a ISBN 9782355850059 Collection catalogue d’artiste ISSN - 2115-1849 ©Valérie Champigny / Mutuum www.valeriechampigny.com www.mutuum.fr Design, conception graphique Mutuum Imprimé à l’imprimerie de l’Hôpital de Cadillac

Avec le soutien : - de l’Hôpital Psychiatrique de Cadillac en Gironde - Mutuum, artothèque itinérante en Aquitaine

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Éditions MUTUUM

Collection Catalogues d’artistes

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