Avant de parler du travail photographique de Delphin Montiel, com-
La photographie est avant tout un travail sur la lumière : c’est
mençons succinctement à décrire l’espace et le contexte où cette rési-
uniquement la lumière que l’on capte dans l’objectif. Sans elle, il
dence est installée ; cela n’en sera que plus clair pour comprendre les
n’existe plus rien, les objets sont incolores et disparaissent. Delphin
enjeux du travail proposé. Vous êtes un artiste, à qui l’on vous confie
Montiel l’a travaillée de manière à sublimer les lieux, les espaces, les
le soin de travailler dans un quartier dit « sensible » ou quartier à prio-
objets, comme pour vérifier si ces choses existaient bien réellement,
rité numéro 1 ; choisissez ce qui vous semble correct pour nommer un
à chaque instant. Loin d’être des vues froides, des états des lieux
tel quartier. Il comprend Le Peyrouat, Fabres et La Passerelle, dans la
distanciés, le travail du photographe sur la lumière permet de les
commune de Mont-de-Marsan. C’est un quartier en pleine restructu-
percevoir différemment : la lumière est là pour redorer les façades
ration, dont la population est un mélange de plus de trente nationa-
évidées, les places désertes. Il s’agit de ré-habiter ces endroits, de
lités. Vous allez y habiter pour plusieurs mois et faire la rencontre de
les enrichir.
ses habitants.
Qu’y voit-on ? Les ruines de la modernité. Les ruines d’une archi-
Il vous faut composer avec ces données : le contexte est donc primor-
tecture dite moderniste, une architecture qui ne s’est pas posée les
dial. Vous allez jouer de votre sensibilité pour enrichir ce qui vous
bonnes questions, celle de l’espace, de la vie qui allait l’habiter. Ni de
est déjà présenté. À vous d’y insérer votre travail et de proposer une
l’espace créé entre les architectures, les espaces publics. C’est un type
vision nouvelle du quartier. Tout l’enjeu de la résidence Mutations
d’architecture qui a été pensé dans les volumes les plus contraints et
d’office, un projet porté par la Ligue de l’Enseignement des Landes
les techniques les plus économiques. Même les appartements sont
depuis 2008 en partenariat avec opdhlm et la Mairie de Mont-de-
presque publics car les espaces sont les mêmes, les logements ont
Marsan se trouve ici.
tous la même configuration. Chaque voisin connaît l’appartement d’à
Delphin Montiel, lors de sa résidence, a rencontré certains habitants et notamment le gardien, a pris des photographies des lieux, à dif-
côté ; il y a très peu d’espaces singularisés. Le privé devient alors public.
férents moments de la journée, de nombreuses vues des bâtiments,
L’architecture de masse est presque une ruine dès sa construction.
des places, des détails significatifs, des vues de nuit. On y voit un
Elle sera soumise aux forces de la nature, détérioration temporelle
morceau de bâtiment évidé, un bout de ciel. La vie n’est pas loin, elle
ou tout simplement usée par la vie qui l’habite. Elle prétend et pro-
laisse des traces, çà et là des chaises sont installées, des morceaux
met permanence et sécurité, mais l’architecture n’est qu’une histoire
de béton sur lesquels on peut encore s’asseoir, pour revendiquer
de reconstruction et de rénovation permanente. Parfaite illustration
son quartier, tout simplement l’habiter, en dehors des logements
d’une fragilité, pérenne grâce à la photographie, elle représente un
confiés. Un vélo, un chien, une silhouette lointaine. Delphin Montiel
état fugitif, une lente transformation. La ruine est un langage, fruit
a parcouru les rues, a expérimenté la géographie du lieu, a pris ces
d’une intelligence collective, mais aussi d’un état d’urgence. Il y a
photos dans une démarche proche de celle du reporteur, dans une
pourtant une impossibilité concrète de représenter la ruine. Elle se
visée plus poétique que documentaire. Un travail photographique
dérobe, dans ce qui tombe et ce qui reste, c’est une percée d’une
qui témoigne de cet entre-deux du quartier, cet espace-temps entre
époque, un petit voyage dans le temps.
la destruction et la reconstruction. Des logements qui vont peu à peu disparaître pour laisser place à de nouvelles architectures, promesses d’un avenir plus juste pour le quartier. La déconstruction est lente, elle ne se fait pas d’un seul coup. Les bâtiments sont progressivement vidés, on enlève les matériaux qui les composent un à un. Reste le corps du bâtiment en béton, le squelette, à nu. C’est un effeuillage progressif, dont les témoins éprouvent les étapes.
Il en est de même pour ces paysages photographiés par Delphin Montiel : il a documenté cette transformation, ce processus de déconstruction et de reconstruction, nous donne à voir la lumière qui baigne ces lieux, qui réchauffe une architecture froide, qui nous fait considérer les choses autrement. C’est une démarche humble, qui ne prétend pas changer les choses, bousculer le quartier et redorer la vie de ses habitants. Ces photographies existent pour nous
Les photographies de Delphin Montiel pourraient être les équi-
dévoiler l’intérêt propre aux choses, même de celles dont on pré-
valents des peintures et gravures du xviii siècle, représentant
tend qu’elles sont laides. Les photographies de Delphin subliment
des ruines de bâtiments, dans une visée romantique. Ceux qu’on
ces nouveaux paysages, qui constituent une part non négligeable
appelait les « ruinistes » et qui s’étaient fait spécialistes de la repré-
de notre quotidien dans la ville. Il appartient à chacun de mettre en
sentation de la ruine, proposaient des paysages pittoresques, c’est-
lumière ce qui se trouve sous nos yeux.
e
à-dire qui méritaient d’être peints. Il s’agit de la même démarche de représentation de la part de Delphin Montiel, avec un outil actuel : l’appareil photographique. Mais aussi, une technique nommée « high dynamic range »1 qu’il a utilisée pour quelques clichés.
1. L’imagerie à grande gamme dynamique (High dynamic range imaging ou HDRI) regroupe un ensemble de techniques numériques permettant d’obtenir une grande plage dynamique dans une image. Son intérêt est de pouvoir représenter ou de mémoriser de nombreux niveaux d’intensité lumineuse dans une image (source Wikipedia).
LAUREN HURET
Montois d’origine, né en 1981, Delphin Montiel étudie le saxophone et la basse au Conservatoire de Mont-de-Marsan. En 2004, il entre à l’Université de Toulouse – Le Mirail pour étudier la musicologie. Durant son cursus universitaire, il travaille sérieusement la photographie et participe à plusieurs concours. Son travail s’oriente peu à peu vers une valorisation des friches industrielles abandonnées, des usines désaffectées, machines hors d’usage dans les Landes. En 2010, dans le cadre de la résidence d’artistes Mutations d’office, Delphin Montiel s’engage avec les habitants sur le travail de mémoire d’un quartier en rénovation. 2010 Résidence d’artistes Mutations d’office – Ligue de l’Enseignement des Landes sur le quartier nord en rénovation de Mont-de-Marsan. 2009 Résidence annuelle avec le soutien de la ville de Mont-de-Marsan. Recherche photographique sur les coulisses de la saison culturelle. Résidence Sonore à Tokyo (Japon) en partenariat avec le service culturel de l’Ambassade de France à Tokyo. 2008 Exposition de photographies au Festival international du cinéma de Contis
RÉSIDENCE D’ARTISTES LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DES LANDES VALÉRIE CHAMPIGNY MÉDIATRICE CULTURELLE 122 RUE DU GÉNÉRAL DE LOBIT 40000 MONT DE MARSAN CONTACT 06 48 18 94 21 V.CHAMPIGNY@MUTATIONSDOFFICE.NET WWW.MUTATIONSDOFFICE.NET
Partenaires locaux Bois & Services École Maternelle L’Argenté INSUP (PJJ) Point info ANRU Conseil de quartier Associations de quartier Le Marque Page, bibliothèque de quartier Jardins familiaux
Partenaires financiers Conseil régional d’Aquitaine Conseil général des Landes Mairie de Mont de Marsan Fondation de France Caisse de Dépôts et Consignations FEDER ACSE
Catalogue d’artiste achevé d’imprimer chez Graphit’s imprimeur (France) Dépot légal novembre 2010 Éditions Mutations d’office ISBN 978-2-918969-02-0 © Mutations d’office Delphin Montiel Design la/projects
Prix de vente 5 €