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Une vie, une Mission | Dr Réginald Moreels

La mission de vie du Dr Réginald Moreels

Le Dr Moreels, médecin de renommée internationale, intervient à Beni, au nord est de la RDC.

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© RR

Dans cette nouvelle rubrique, nous allons explorer le sens que donnent au mot « mission » des personnes d’horizons divers. Pour la première édition, nous avons rencontré le Dr Réginald Moreels. Il est connu à la fois comme fondateur du département belge de Médecins Sans Frontières, comme politicien, en comme un professeur de médecine de renommée internationale.

TOM LUYPAERTS

Aujourd’hui, le Dr Moreels travaille principalement en République démocratique du Congo. Il nous livre ses principales motivations dans cet engagement et dans sa mission particulière.

Que vous évoque spontanément le mot « mission » ?

Je pense d’abord et avant tout aux missionnaires classiques, je ne peux m’en empêcher. Je vois un prêtre en face de moi, habituellement avec une barbe, qui revient d’un pays lointain et qui, au cours de la messe dominicale, témoigne de son travail. J’ai toujours beaucoup admiré ce genre de témoignage, et c’était aussi étrange de voir qu’un tel homme était parmi nous pendant un certain temps, mais serait bientôt reparti au loin, et toujours connecté. Cela a donné à mes yeux au « travail missionnaire » une aura contagieuse et mystérieuse, tout en excitant ma curiosité.

Diriez que vous avez vous-même une mission ?

Oui ! J’ai donné au mot une interprétation différente de celle de ces prêtres-missionnaires, mais il y a aussi

À mes yeux le ‘travail missionnaire’ avait une aura mystérieuse.

beaucoup de similitudes. Comme eux, par mon engagement politique et humanitaire, je m’efforce aussi de rendre le monde plus juste. À notre manière, nous prenons des mesures concrètes pour y parvenir. Cela enrichit non seulement le monde, mais aussi nous-mêmes.

Que voulez-vous dire?

Au cours de ma mission concrète et de mon engagement, j’ai découvert une mission plus personnelle. Mon « travail missionnaire » a développé au fil des ans une dimension plus profonde qui est restée longtemps cachée en moi. Maintenant, j’appelle cette dimension plus intime ma « mission de vie personnelle ».

En quoi consiste votre mission de vie ?

Je veux transmettre le cœur de mon engagement aux prochaines générations. Tout d’abord, à mes propres enfants. Je leur donne mes idées et ils se mettent au travail. Je leur laisserai une part de moi-même. Il s’agit en quelque sorte d’un « héritage d’engagement ».

Et vis-à-vis des autres personnes ?

Bien sûr, je transmets mon engagement le plus largement possible. Tout d’abord, vous regardez votre entourage, puis vos voisins immédiats, mais il y a d’autres personnes. Vous rencontrez des gens tout le temps et entrez en relation avec eux. Cela comporte des responsabilités. Mais c’est aussi un lieu d’échange enrichissant, où l’on peut laisser derrière soi des étincelles d’engagement. C’est ce sur quoi je travaille à ce stade de ma vie.

Mon ‘travail missionnaire’ a connu au fil des ans une dimension plus profonde.

Comment vous y prenez-vous ?

À l’heure actuelle, cela se reflète principalement dans mon travail en République démocratique du Congo. Surtout à l’hôpital de Beni, dans le nord-est du pays. La région est riche en cobalt, mais la paix est souvent loin d’être acquise. Les soins médicaux de qualité aussi. Il y a surtout un grand besoin de conseils professionnels en matière de chirurgie et d›obstétrique. De nombreuses femmes et enfants meurent parce que les futures mères ne sont pas opérées à temps ou parce que des complications surviennent lors de l’accouchement. C’est pourquoi il est important de bien former les chirurgiens et les sages-femmes et de disposer d’un hôpital décent où les gens peuvent se rendre.

Cela semble être un travail à long terme.

En effet. Il y a tellement d’obstacles tout le temps : l’insécurité persistante dans la région, la récente nouvelle flambée du virus Ebola, la crise du COVID-19... Ce n’est pas une mission

J’espère que mon engagement contribuera à faire réfléchir les gens.

facile. C’est pourquoi il est si important pour moi de transmettre mon engagement aux autres. Il faut qu’après moi, les gens continuent à s’impliquer et à s’engager. C’est la seule façon de surmonter l’adversité ensemble. Mon propre fils est à Beni en ce moment. Il pensait qu’on avait plus besoin de lui là-bas qu’ici.

Comment voyez-vous le monde ?

J’ai l’impression que ces dernières années, je suis devenu de plus en plus insatisfait de notre monde et de notre société. J’ai l’impression de me rebeller de plus en plus, parce que je vois de plus en plus d’injustice autour de moi. C’est pourquoi je voudrais prôner « l’écopersonnalisme ». Pour moi, « éco- » fait référence à la fois à l’écologie et à l’économie, parce que nous devons de toute urgence changer l’approche des deux. D’une part, nous

Pour en savoir plus sur le travail du Dr Réginald Moreels à Beni : www.unichir.africa

devons avoir plus de respect pour la nature : la faune, la flore et l’humain. D’un autre côté, nous devons échanger différemment les uns avec les autres. Nous devons renoncer à notre appétit insatiable pour le profit économique.

Pouvez-vous en donner un exemple?

Pour moi, l’organisation actuelle de la chaîne alimentaire en est un exemple dramatique. C’est surtout l’industrie de la viande qui me met en colère. C’est pourquoi je suis moimême devenu végétarien. Je ne supportais pas la façon dont les animaux sont traités. De plus, la pandémie de COVID-19 a amené beaucoup de gens à se demander à haute voix si l’élevage d’animaux sur une surface réduite n’ouvre pas la porte aux pandémies. D’autres secteurs s’attaquent constamment à la nature, mais aussi à l’homme. Nous voulons négocier avec des marges bénéficiaires qui ne profitent qu’à quelques heureux et, ce faisant, marchons sur les plates-bandes des autres. Ce n’est plus durable pour l’homme et notre planète.

J’espère que mon engagement contribuera trouverons une solution ensemble.

à faire réfléchir les gens. Ensuite, nous

À Beni, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, il est importat de former des médecins et des sages-femmes. © World Bank / Vincent Tremeau

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