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Un cœur ouvert | Un long chemin de réconciliation

Le long chemin de réconciliation du Liberia

Des milliers de jeunes ont été endoctrinés par une culture de violence. Comment l’éradiquer ?

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© Cameron Zohoori

La campagne missionnaire 2019, a mis l’accent sur le fait que, comme baptisés, nous sommes envoyés dans le monde, vers les autres, proches et lointains. À nous de mettre quotidiennement cette exigence en pratique en semant autour de nous des graines d’attention aux plus fragiles, de pardon, d’espoir ... Mais l’Église, en tant qu’institution, se doit aussi de la mettre en œuvre, dans tous les pays du monde. C’est notamment ce qu’elle fait au Liberia, pays-phare de la campagne Missio 2020. De 1989 à 2003, une terrible guerre civile a ravagé ce pays.

DENNIS CEPHAS NIMENE

Le 5 août 2003, il y a tout juste dix-sept ans, un détachement d’avant-garde de 200 “gardiens de la paix” nigérians accostait à Monrovia, la capitale du Liberia, marquant la fin de quatorze années d’une sanglante guerre civile. Les rues de Monrovia et de nombreux endroits dans le pays étaient jonchés de douilles de balles vides et de cadavres putréfiés dégageant une odeur âcre. Des immeubles vandalisés et pillés, étalant au grand jour les blessures des bombardements, fixaient les passants.

Inculquer aux jeunes le respect de la vie et de la dignité des êtres humains.

Semences de haine

Mais les gens étaient heureux car, pour la première fois depuis longtemps, les “tambours de la guerre” s’étaient tus. Ils pouvaient vaquer à leurs occupations habituelles, se procurer de la nourriture et des produits de première nécessité, sans être dérangés ni molestés. Cependant, le pays était déjà envahi par les semences de haine répandues le long des lignes de faille ethniques, tribales et politiques. Des milliers de jeunes gens avaient déjà été endoctrinés par une culture de violence bafouant le respect de la vie et la dignité humaine. Même après le désarmement des belligérants, les cœurs de ces derniers restaient encore endurcis et habitués à la violence.

Guérir les cœurs brisés

Les victimes, des personnes dont les proches ont perdu la vie, dont les biens ont été massivement pillés et détruits, ont été rappelées chez elles pour vivre dans le Liberia d’après-guerre, avec ceux-là mêmes qui avaient commis ces atrocités à leur encontre. « Je lui pardonne, mais je n’oublierai jamais ce qu’il a fait à ma famille », a déclaré M. Fatu lors d’une interview. 4

C’est précisément là que réside la mission de l’Église, guérir les cœurs brisés. L’Église elle-même a été victime de ces de 14 années conflit : églises, presbytères, séminaires, couvents, etc. vandalisés pillés et détruits sans raison. Des prêtres et religieuses ont même été tués.

Nous ne sommes pas au bout du chemin vers la réconciliation.

Un long chemin de réconciliation

Nous sommes loin d’être au bout du chemin de la guérison et de réconciliation. D’un côté, on réclame la constitution d’un tribunal pour juger les crimes de guerre et

Le P. Dennis Cephas Nimene est directeur de Missio au Libéria et secrétaire de la Conférence épiscopale libérienne. Vous pouvez lire d’autres aspects de son témoignage dans notre magazine de campagne et sur www.missio.be.

économiques, ce qui exige que les auteurs soient mis en examen et traduits en justice. De l’autre, on observe un silence apparent qui semble oublier le passé récent, comme s’il n’était rien arrivé.

Moi non plus, je ne te condamne pas

L’Église locale essaie de naviguer entre ces deux extrêmes. Elle continue à s’efforcer de désarmer les cœurs des auteurs des crimes et à panser les blessures des cœurs brisés des victimes. Dans un message pastoral récent, intitulé « Moi non-plus, je ne te condamne pas, va et ne pèche plus », les évêques du Liberia, après avoir prié et discuté avec les prêtres, religieux et laïcs, ont invité le peuple de Dieu et tous les hommes et femmes de bonne volonté, à user de ce paradigme comme un chemin possible vers la réconciliation.

Panser les plaies

En disant « moi non-plus, je ne te condamne pas », Jésus ne cautionnait pas l’acte de la femme convaincue d’adultère mais l’invitait à une introspection empreinte de repentir, et conduisant à une attitude de conversion du cœur (metanioa). Ce faisant, la femme serait réintégrée dans la communauté. C’était en même temps une invitation, pour ceux qui se scandalisaient de la transgression de la loi commise par la femme, à lui tendre une main miséricordieuse et à lui offrir l’opportunité d’un nouveau départ.

C’est par l’éducation aux valeurs bafouées, ignorées ou méprisées que le pays pourra se réconcilier. © Brittany Danisch

La mission de l’Église : guérir les cœurs brisés.

Tel est l’appel lancé par l’Église locale pour panser les plaies de notre société meurtrie. Dans ce processus, l’accent est mis sur le dialogue et la réconciliation.

Miser sur l’éducation

L’éducation est fondamentale dans ce processus : éducation aux valeurs bafouées, ignorées ou méprisées. L’Église poursuit cette mission à travers ses écoles et ses programmes de catéchèse, inculquant aux jeunes les valeurs oubliées, telles le respect de la vie humaine, la dignité des êtres humains, l’honnêteté et l’intégrité.

C’est certes un long chemin, mais comme le dit un vieux proverbe, un parcours de mille miles commence par un pas. Notre vœu le plus cher est qu’un jour notre pays soit réconcilié.

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