Mim By La Mamounia 1

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Morocco mall. Casablanca - La Mamounia. Marrakech - dior.com






L’ÉDITO DE LA MAMOUNIA — PIERRE JOCHEM, DIRECTEUR GÉNÉRAL

À La Mamounia, cet automne 2015 coïncide avec une belle consécration que nous avons accueillie avec une immense fierté : l'hôtel a été sacré Meilleur hôtel au monde et Meilleur hôtel Moyen-Orient et Afrique par le Readers’ Choice 2015 du Condé Nast Traveller UK. Et c'est la première fois qu’un palace marocain et africain arrive en tête de ce classement influent qui est une référence dans notre métier. Cette distinction vient récompenser un lieu emblématique qui a marqué les esprits par une belle réouverture en 2009, dévoilant une rénovation bien faite ; mais aussi, les efforts déployés par toute une équipe au cours de six années quotidiennes de travail régulier, discret et attentionné. Pour mieux vous servir, nous avons également libéré nos collaborateurs de certaines procédures afin de leur permettre d'exprimer pleinement leur potentiel en y indexant la touche émotionnelle de la légendaire hospitalité marocaine. Cela a aussi créé la différence, et nos clients l'ont ressenti. Continuer à œuvrer chaque jour pour vous offrir un niveau d’excellence restera notre moteur. C'est ainsi que nous vous tendons aujourd'hui la nouvelle formule de notre magazine : une publication contemporaine qui conjugue le luxe et le raffinement à l'art et la culture, dans un esprit La Mamounia… et vous réservons des fêtes de fin d'année exceptionnelles, des moments privilégiés où votre hôtel s'illuminera de sublimes décorations et vous proposera une programmation unique et exaltée pour vous permettre de célébrer fin 2015 en beauté. Nous tenons sincèrement vous remercier pour tous les instants vécus ensemble cette année, et à l'aube de 2016, toute l'équipe de La Mamounia se joint à moi pour vous présenter nos vœux les plus chers, et vous souhaiter un agréable séjour parmi nous et à Marrakech. À bientôt ! At La Mamounia, the autumn brought with it a splendid accolade that we received with great pride: the hotel was voted Best Hotel in the World and Best Hotel in the Middle East and Africa at the Condé Nast Traveller UK Readers’ Choice Awards 2015 - the first time an African and Moroccan establishment has topped this influential ranking, one that acts as a reference in our industry. This distinction rewards an emblematic place which made a big impact with its grand reopening in 2009, revealing a well-executed renovation, but also the efforts of an entire team over the course of six years of daily hard work carried out discreetly and attentively. To better serve you, we have also given our employees greater liberty by freeing them from certain procedures, allowing them to realise their potential and offer the personal touch that makes Moroccan hospitality legendary. This has also made a difference, one that has been felt by our customers. Continuing to strive every day to offer you the highest level of excellence remains the thing that drives us. Thus today we present the new version of our magazine: a contemporary publication that combines luxury and refinement with art and culture, in the spirit of La Mamounia. We also have in store for you some exceptional end of year celebrations, privileged moments that will see the hotel light up with sublime decorations while offering you a unique and exhilarating programme of events so you can celebrate the end of 2015 in style. We would like to sincerely thank you for all the moments spent together this year and, as 2016 dawns, all the team of La Mamounia joins me in offering you our dearest wishes, and hope you have a pleasant stay with us in Marrakech. See you soon!

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L’ÉDITO DE L’ÉDITEUR — MOUNA ANAJJAR

[ mīm ]

M

‫م‬

Twin sister of M, (pronounced mim) is the 24th letter of the Arabic alphabet. It is the one we have chosen as the name for the dream we have achieved, and that you hold in your hands today. When La Mamounia tasked me with putting together the new version of its magazine I was of course honoured, but also excited to be able to edit a publication for this legendary luxury hotel. What were to share with its guests? By getting to know their habits, I discovered that most come here to relax, to take a break from life in a haven of peace, enchantment - a protective cocoon. From this arose the desire to accompany them without breaking the spell of the interlude from the every day, while offering them a different perspective on Morocco, Marrakech and La Mamounia. We wanted to create a magazine that went beyond the normal clichés. Ethereal and nourishing content that can be leafed through with pleasure and read with interest. Pages where images can take centre stage. With a dedicated team, we have made that dream into reality. And to bring you stories that capture both the eye and the imagination, we spoke with important personalities, scoured for the best talent, met up-and-coming stars and opened secret doors.

‫م‬

If [ mim-M ] could speak, it would say: “I am your opportunity to step into a different Morocco. My watchwords are: beauty, sensuality, playfulness, imagination and esprit. Because I am M. M for Mamounia, Marrakech, Morocco, Medina, Menara, Majorelle. M for Magical, Mythical, Marvellous, Majestic, Miraculous. M for Muse, Mirror, Maestro.”

‫م‬

Sœur jumelle du M, (prononcez mim) est la 24ème lettre de l'alphabet arabe. Elle est celle que nous avons choisie pour nommer le rêve que nous avons réalisé, et que vous tenez aujourd'hui entre vos mains.

Et pour vous raconter des histoires qui font voguer l'œil et l'imaginaire, nous avons discuté avec des personnalités, scanné des talents, accompagné des espoirs et poussé des portes secrètes.

Lorsque La Mamounia m'a confié la nouvelle formule de son magazine, j’étais bien sûr honorée, mais aussi émue de pouvoir éditer une publication pour ce palace de légende. Qu’allions-nous partager avec ses hôtes ? En explorant leurs habitudes, j'ai découvert que la plupart venaient ici pour se reposer, pour s'accorder une parenthèse dans un havre de paix, cocon protecteur et enchanteur. De cette réflexion surgit l'envie de les accompagner sans rompre la magie de la parenthèse, tout en leur livrant un regard différent, à la fois sur le Maroc, Marrakech et La Mamounia.

Si le [ mim-M ] parlait, il dirait : “Je suis une chance pour vous faire faire un pas dans un Maroc différent. Mes mots d’ordre sont : beauté, sensualité, enjouement, imaginaire et esprit.

Nous avons voulu un magazine au delà de la carte postale. Un contenu aérien et nourrissant qui se feuillette avec plaisir et se lit avec intérêt. Des pages qui laissent une place forte à l’image. Avec une équipe de passionnés, nous avons façonné ce rêve.

M in an invitation to travel to which I give you the keys. I hope you enjoy it, embrace it. A big thank you to all and see you soon!

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‫م‬

Car je suis M, M comme Mamounia, Marrakech, Maroc, Médina, Ménara, Majorelle. M comme Magique, Mythique, Merveilleux, Majestueux, Miraculeux. M comme Muse, Miroir, Maestro. M comme Mots, Musique. M comme Mille et une nuits.” M comme une invitation au voyage dont je vous livre les clés. J’espère que vous l’apprécierez, l’adopterez. Un grand merci à tous et à très vite !



CONTRIBUTEURS —

MOUS LAMRABAT

Né dans un village du Rif, Mous arrive très jeune en Belgique avec ses parents et ses huit frères et sœurs. Il tombe dans la photo en immortalisant les clichés de sa famille. À 23 ans, il démarre une collaboration avec des magazines belges -le Elle suivra-, et réalise des campagnes pour Sisley, Puma, Sony… Mais ce sont ses portraits de Stromae pour De Standaard Magazine qui créent le buzz en 2013, et révèlent son style décalé. Du Maroc, il aime restituer la poésie de la simplicité, celle qui a bercé son enfance, et nous livre pour ce 1er numéro du , “Marrakech In & Out”, une série où il ballade son objectif de La Mamounia au Mellah, jusqu'au village de Tamesloht (p. 84).

‫م‬

Born in a village in Morocco’s mountainous region of Rif, Mous moved to Belgium at a young age with his parents and eight siblings. His first taste of photography was taking snapshots of his family. At age 23, he started working for a number of Belgian magazines - and later Elle magazine – and began collaborations with brands like Sisley, Puma and Sony. But it was his portraits of the singer Stromae for Standaard Magazine in 2013 that really created a buzz, while revealing a distinct shift in the phtographer’s style. He loves to capture the elegance of simplicity - the simplicity that provided the backdrop to his childhood in Morocco - and in “Marrakech In & Out”, Mous’s contribution for this first edition of , his lens takes us on a tour from La Mamounia to the Mellah and the village Tamesloht (p. 84).

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DELPHINE WARIN

Elle suit des études de russe et de théâtre, avant de se former à la photo à New York. De retour à Paris, elle assiste Sarah Moon, et trouve sa voie dans le portrait -anonymes et célébrités. Elle offre ses services à la presse (Le Monde, Libération, Psychologies, Time Magazine…), son temps aux associations (Le Rire Médecin…), ses travaux aux institutions culturelles. Aujourd'hui, Delphine partage sa vie entre la France et le Maroc, où elle est représentée par la Galerie 127. Pour le , elle a photographié Douglas Kennedy et Mouna Anajjar (p. 24), tiré les portraits d'un champion de boxe et son coach (p. 74), et montre son travail dans le souk des barbiers d'Ait Ourir (p. 42).

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© Sarah Moon

Delphine studied Russian and the theatre before training in photography in New York. After returning to Paris she became an assistant to Sara Moon while establishing herself as a portrait photographer of both the famous and non-celebrities. She has worked for several newspapers and magazines (Le Monde, Libération, Psychologies, Time Magazine) while also offering her time to charities such as Le Rire Médecin and providing pieces for cultural institutions. Today, Delphine splits her life between France and Morocco, where she is represented by Gallery 127. For , she photographed Douglas Kennedy and Mouna Anajjar (p. 24), captured portraits of a boxing champion and his coach (p. 74), and displays her photos from among the barbers of the souk of Aït Ourir (p. 42).

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CHRISTINE TODESCO

C'est en revenant dans son pays de naissance, le Maroc, que l'astrologue Christine Todesco a renoué avec la peinture. Un atelier dans les collines du village d'Agafay, du papier, de la toile, du carton, du bois, de l'eau, de l'huile, des pigments et toutes sortes de matériaux glanés ci et là… De la belle matière, qu'elle transforme idéalement sur de grandes surfaces. Sur les pages du , elle a illustré à l'aquarelle les “Palmiers de Marrakech” (p. 68).

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It was upon returning to her country of birth, Morocco, that astrologer Christine Todesco renewed her acquaintance with painting. From a workshop in the hills of the village of Agafay, full of paper, canvas, cardboard, wood, water, oil, pigments and all kinds of materials gleaned here and there, she takes beautiful components and transforms them onto ideally large surfaces. For the pages of , she illustrated a watercolour: “Marrakech Palm Trees” (p. 68).

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SOMMAIRE —

MAINTENANT 12 > 39 News Now at La Mamounia 14 Agenda Culturel Selection of Noteworthy Cultural Events 18 In Bed With Douglas Kennedy Conversation With D. K. 24 Objet Culte Shopping 32 Instagram Power Interview 34 Le Disque Interdit The Forbidden Record 36 MAGNÉTIQUE 40 > 57 La Peau de L’homme The Male Skin 42 La Mamounia fait son Cinéma La Mamounia at The Movies 46 Le Prix Littéraire de La Mamounia La Mamounia Literary Award 48 Rencontre Laila + Artsi Portfolio Laila Hida & Arsti Ifrach 52 MYTHIQUE 58 > 71 Sublimes Mosquées Sublime Mosques 60 Palmier de Marrakech Palm Trees of Marrakech 68 MERVEILLEUX 72 > 101 Frères de Gants Glove Brothers 74 Super Soin Natural Treatments to Try Out 78 Joaillerie Jewelery 80 Marrakech In/Out Fashion 84 MAESTRO 102 > 107 Le Zellige Zellige, Secrets of Fabrication 104 MAGIQUE 108 > 114 Don Alfonso Gourmet Getaway 110

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By La Mamounia est édité par la S.A.R.L. Weekend Editions, R.C. : 66971, T.P. : 64494373, I.F. : 15229724. Fondatrice & Gérante : Mouna Anajjar. Adresse : 20, Lot Izdihar, route de Safi, Immeuble B, Bni Znassen, 40 000 Marrakech, Maroc. Rédaction & Infos : contact@weeditions.com Publicité : publicite@weeditions.com Directrice de la Publication & de la Rédaction : Mouna Anajjar. Direction Artistique & Graphisme : Corine Kapustin. Textes : Mouna Anajjar, Jérôme Becquet, Soufiane Chakkouche, Yasmina Lahlou. Traductions : Samuel Ball. Photos : Mous Lamrabat, Delphine Warin, Jean Madeyski. Illustrations : Christine Todesco. Stylisme : Lisa Lapauw. Make Up & Hair : Karima Maruan. Publicité : Justine Fonta. Impression : Agpograf/Nexe, Barcelone. Tous droits de reproduction réservés (textes et photos).

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MAINTENANT —

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NEWS/

NOW AT LA MAMOUNIA

ACTUALITÉS DE LA MAMOUNIA AUTOMNE-HIVER 2015/16 BRAVO : LA MAMOUNIA MEILLEUR HÔTEL AU MONDE Quelle belle consécration que ce Prix, qui vient récompenser le joyau de l'élégance et du raffinement à la marocaine. Le 1er septembre dernier à Londres, La Mamounia est élue Meilleur hôtel au monde et Meilleur hôtel Moyen-Orient et Afrique par le Readers’ Choice 2015 du Condé Nast Traveller UK. Et c’est la première fois qu’un palace marocain et africain arrive en tête du classement influent -et très attendu par tous les hôteliers- publié chaque année par le magazine britannique, à l'issu du vote de 50.000 lecteurs, selon plusieurs critères (chambres, emplacement, design, prestations, service, restauration, spa). Deux distinctions qui viennent compléter le long palmarès déjà obtenu par l'hôtel depuis sa réouverture. LA MAMOUNIA: BEST HOTEL IN THE WORLD On September 1, in London, La Mamounia was voted Best Hotel in the World and Best Hotel in the Middle East and Africa at the Condé Nast Traveller UK Readers’ Choice Awards 2015 - a handsome accolade in recognition of this gem of Moroccan elegance and refinement. It is the first time that a Moroccan or even African hotel has topped these rankings published each year by the British magazine and highly anticipated by all hoteliers. The awards are based on the votes of 50,000 of the magazine’s readers, using several criteria (rooms, location, design, facilities, service, food, spa). These two new distinctions add to the long list of those already obtained by the hotel since its reopening.

ACTIVITÉ : EN CALÈCHE LES ENFANTS !

Pour émerveiller ses jeunes résidents de 3 à 10 ans et leur tatouer des souvenirs de vacances à vie, La Mamounia les embarque pour un tour en calèche. Mais pas n'importe laquelle : l'hôtel, avec l'aide de ses meilleurs artisans, a minutieusement rénové sa calèche historique datant de son ouverture en 1923. Tirés par Cam, l’âne mascotte de l'hôtel, ils s'en vont découvrir les trésors nichés dans les 8 hectares des sublimes jardins… Tour de 15mn, tous les jours de 10h30 à 12h00, 4 enfants maximum. Prestation offerte par La Mamounia pendant les vacances scolaires.

ACTIVITY: HORSE-DRAWN CARRIAGE RIDE FOR CHILDREN! To delight young guests and leave them with lasting memories of a vacation of a lifetime, La Mamounia offers a horse-drawn carriage ride for those aged 3 to 10 years. But this is no ordinary carriage ride: the hotel, with the help of its best craftsmen, has carefully renovated a historic carriage dating back to La Mamounia’s opening in 1923. Drawn by Cam, the hotel’s donkey and mascot, they will discover the treasures nestled within the hotel’s 8 hectares of gorgeous gardens.

15-minute tour, every day from 10h00 to 12h00, 4 children max. Service offered by La Mamounia during school holidays.

CUVÉE ICÔNE : EN ROUGE ET BLANC Place à la nouvelle cuvée Icône 2015 : un vin en collection limitée spécialement conçu pour les hôtes du palace, imaginé par le Chef sommelier maison et les meilleurs producteurs viticoles du Royaume. L'étiquette de cette 3ème cuvée est illustrée par Moulay Youssef Elkahfaï, un peintre marocain des plus talentueux. Pour le Rouge, le domaine La Ferme Rouge a assemblé des cépages Syrah et Viognier ; il nous fait penser aux vins de Côte-Rôtie en Vallée du Rhône septentrionale. L'Icône blanc, vin du soleil aux notes d'agrumes, mêle des arômes d’abricot et d’amande. Élaboré par le domaine d'Essaouira le Val d’Argan, il assemble deux cépages rhodaniens -Viognier et Roussane. En vente exclusive dans les restaurants et bars de La Mamounia.

CUVÉE ICÔNE: IN RED AND WHITE Icône, the limited edition house wine of La Mamounia, is specially designed for the hotel’s guests by the head sommelier and the best wine producers in the Kingdom of Morocco. The label for the 2015 vintage, the 3rd cuvée, was illustrated by Moulay Youssef Elkahfaï, a talented Moroccan painter. The red uses a blend of Syrah and Viognier grape varieties put together by La Ferme Rouge domain; it is reminiscent of a Côte-Rôtie wine from the northern Rhône valley. The white Icône, a sun-kissed wine with a hint of citrus, mingles apricot and almonds aromas. Developed by the Essaouira le Val d’Argan domain, it blends two grape varieties from the Rhône: Viognier and Roussane. Exclusively in La Mamounia’s restaurants and bars. 14



LES FÊTES DE FIN D’ANNÉE À LA MAMOUNIA S'ANNONCENT… EXCEPTIONNELLES !

Verity & Violet

Un vent de fête souffle sur le temple de l'élégance… Ce nouvel an, La Mamounia a vu les choses en XXL pour nous faire vivre des moments exceptionnels, inédits et joyeux, dans son cadre mythique et merveilleux. Des artistes internationaux, des menus de fêtes, des brunchs, une “Recover Party”... Et surtout, “The Party”, la dernière soirée de 2015, voit le lobby et la Galerie Majorelle se transformer pour la première fois en un lieu hautement festif, doté d'une scène et d'une piste de danse. Autre nouveauté, en plus des trois restaurants, on pourra également diner au lobby pour profiter pleinement de l’ambiance.

Soirées accessibles aux clients non-résidents. Dress code “smart casual” requis.

THE NEW YEAR CELEBRATIONS IN LA MAMOUNIA PROMISE TO BE … AMAZING! A festive spirit takes over the temple of elegance. This New Year, La Mamounia has pulled out all the stops to ensure an unprecedented and joyous celebration in its mythical and enchanting setting. International artists, holiday menus, brunches, a “Recover Party” ... And above all, “The Party”, which will see the lobby and Majorelle Gallery transformed, for the first time, into festive spaces with a stage and a dance floor. Another new feature will be the possibility for guests to dine in the lobby, in addition to the three restaurants, in order to enjoy the ambiance. Events available for

non-resident guests. “Smart casual” dress code requested.

DÈS LE 19 DÉCEMBRE Les cartes et menus prennent des allures de fête dans les Restaurants Marocain, Français et Italien. FROM THE 19TH OF DECEMBER Holiday menus take over at the Moroccan, French and Italian Restaurants. 25 DÉCEMBRE À partir de 12h30 au Pavillon de la Piscine, c'est Noël ! Le Christmas Brunch est animé par le trio Jazz All Stars. 25TH OF DECEMBER It’s Christmas time at Le Pavillon de la Piscine. The Christmas Brunch starts at 12.30, with musical accompaniment by the Jazz All Stars trio. 27 DÉCEMBRE La “First Party” débute à 19h à la Galerie Majorelle avec les surprenants Phly Boyz, elle se prolonge avec les DJ résidents Dan Lywood et Ben Bridgewater. 27TH OF DECEMBER The “First Party” begins at 19:00 at the Majorelle Gallery with the amazing Phly Boyz and continues with the resident DJs Dan Lywood and Ben Bridgewater. 16

J & The Band

Bel Air All Stars

Bel Air All Stars

Playlister

Phly Boyz

Bobby West

29 DÉCEMBRE Les Phly Boys ouvrent la “Before Party” à la Galerie Majorelle, le duo explosif Verity & Violet les suit, puis autour de 23h, mix enflammé des DJ. 29TH OF DECEMBER The Phly Boyz will open the “Before Party” at the Majorelle Gallery, the explosive duo Verity & Violet will follow and at around 23:00 the DJs will work their magic! 31 DÉCEMBRE Dès 19h30, “The Party”, que la fête commence ! Les Phly Boyz rentrent en scène au moment de l'apéritif. À 21h, les Playlister, s'emparent des platines. À 22h, on enchaîne jusqu'aux 12 coups de minuit avec un groupe impressionnant, les 12 artistes du Bel Air All Stars. Et on termine la nuit avec les DJ, sur la piste de danse. 31ST OF DECEMBER From 19:30, the celebrations get underway with “The Party”. The Phly Boyz return to the stage for the aperitif, then, at 21:00, the Playlister take over the decks. From 22:00, we keep the party going to the 12 strokes of midnight with the 12 members

of the impressive Bel Air All Stars, before ending the night on the dance floor with the DJs. 1ER JANVIER Rien de mieux qu'un “First Brunch” pour démarrer 2016 du bon pied. Au Pavillon de la Piscine, animé par Bobby West, pianiste des All Stars. 1ST OF JANUARY Nothing better than a “First Brunch” to get 2016 off to a good start. The Brunch will take place at Le Pavillon de la Piscine, with music by the All Star’s pianist, Bobby West. 2 JANVIER Avant de reprendre une vie normale, une “Recover Party”, avec les DJ résidents et le superbe groupe J & The Band. 2ND OF JANUARY Before returning to normal life, La Mamounia hosts the “Recover Party”, with resident DJs and the superb J & The Band.


BEAUTIFUL PEOPLE —

DE GAUCHE À DROITE, ET DE HAUT EN BAS : POPPY DELEVINGNE, JAMES COOK & PIERRE JOCHEM / POPPY DELEVINGNE POPPY DELEVINGNE & SES DEMOISELLES D'HONNEUR / KATE HUDSON & PIERRE JOCHEM / ZOOEY DESCHANEL & PIERRE JOCHEM CHRISTINE ORBAN, LEILA SLIMANI & PIERRE JOCHEM / CHRISTIAN LOUBOUTIN & MALAIKA ARORA KHAN / POPPY & CARA DELEVINGNE SHARON STONE & PIERRE JOCHEM / GAD ELMALEH & PIERRE JOCHEM / LAMBERT WILSON 17



Tahar Ben Jelloun

Décembre 2015 / Avril 2016 GALERIE TINDOUF www.gallerytindouf.com * 5 / 31 Décembre :

“RÊVE ORIENTALISTE”

exposition collective, tableaux et objets d'art du XVIIe au XXe siècles. * 2 / 21 Janvier : Exposition des tableaux de l’écrivain Tahar Ben Jelloun et signature du livre “POÈMES ECRITURES”.

* À partir du 24 Février : HOMMAGE AUX ARTISTES D’ESSAOUIRA, Berhiss, Ouarzaze, Ait Tazarin, Maimoun, Asmah…

5 Décembre 2015 / 17 Janvier 2016 JARDIN ROUGE www.montresso.com

“TRACING MOROCCO” DE HENDRIK BEIKIRCH Après deux années de collaboration avec l’artiste allemand Hendrik Beikirch, la fondation Montresso présente ses travaux de fin de résidence : 22 portraits et un livre, qui rendent hommage à des femmes et des hommes marocains et, à travers eux, des métiers ancestraux du Maroc, dont certains en voie de disparition.

RABAT

Jusqu'au 10 Janvier 2016 MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE ET DES ARTS VISUELS DE MARRAKECH www.mmpva.org

PHOTOGRAPHIES DE DAIDO MORIYAMA L'artiste japonais expose des photos du Japon des années 70-80 et de Marrakech en 1989, année de sa première visite au Maroc.

Muhcine Ennou

Jusqu'au 31 Décembre 2015 MUSÉE MOHAMMED VI DE RABAT (MMVI) www.museemohammed6.ma

“MAIN STREET” / “A WALK WITH THE WORLD'S FINES TURBAN ARTISTS” La Fondation Nationale des Musées et l'Association EAC-L'Boulvart invitent audacieusement l’art urbain à investir les murs du Musée, avec 12 artistes venus du Maroc, des USA, France, Tunisie, Chine, Suisse et Allemagne, dans le but de rendre la culture accessible aux jeunes. 19


PARIS

TURIN

Amélie Debray

12 Novembre 2015 / 17 Janvier 2016 BIENNALE DES PHOTOGRAPHES DU MONDE ARABE CONTEMPORAIN (1ÈRE ÉDITION) www.imarabe.org Maison Européenne de la Photographie & Institut du Monde Arabe 8 Décembre 2015 / 9 Janvier 2016 GALERIE DU PONT NEUF “CONNIVENCES” Photographies de Delphine Warin www.delphinewarin.com

LYON

A. Maiolino, Galleria Raffaella Cortes

VENISE

6 / 8 Novembre 2015 ARTISSIMA FOIRE INTERNATIONALE D'ART

CONTEMPORAIN DE TURIN (22ÈME ÉDITION) www.artissima.it

LONDRES

Anthéa Hamilton

Chiharu Shiota

Jusqu'au 3 Janvier 2016

Jusqu'au 22 Novembre 2015

BIENNALE DE LYON

BIENNALE DE VENISE

www.biennaledelyon.com

www.labiennale.org

(13ÈME ÉDITION)

“LA VIE MODERNE”

Christopher Wood

(56ÈME ÉDITION)

20 / 24 Janvier 2016

“ALL WORLD’S FUTURES”

LONDON ART FAIR (28ÈME ÉDITION) www.londonartfair.co.uk 20


GALERIE TINDOUF Authenticité, Tradition & Art Contemporain

Pour votre visite, prière de nous contacter afin de vous envoyer notre chauffeur. If you would like to arrange a visit, please contact us. We can provide a complimentary driver. MARRAKECH : 22, boulevard Mohamed VI. Guéliz - T +212 5 24 43 09 08 TANGER : 72, rue de la Liberté - T +212 5 39 93 86 00 www.gallerytindouf.com - gallerytindouf@gmail.com - Mobile +212 6 61 10 74 66





A CONVERSATION WITH —

A 9 ans, tu intègres la Collegiate School, le meilleur et plus vieux lycée privé de New York... J'ai passé un examen et j'ai été accepté, seuls quatre garçons étaient retenus par an. C'était extraordinaire, intellectuellement très compétitif. J'ai reçu une éducation classique, on a appris le latin à 12 ans, commencé à lire Shakespeare à 13, le français aussi, la musique classique -j'ai un goût certain pour la musique classique. D'un autre côté, c'était difficile, l'atmosphère était compétitive… Je n'y suis jamais retourné, c'était "Merci. Au revoir!".

Si vous vous le permettez Douglas, comme nous allons partager un moment intime, je dois d'abord vous poser 3 questions essentielles : 1- Est-ce que vous ronflez ? Ah (rires) ! Oui. En fait, je n'en n'ai aucune idée… mais on me l'a dit (rires). 2- Quel dormeur êtes-vous ? Comme tous les écrivains, je suis insomniaque. Il est très rare de trouver un romancier qui ne le soit pas : Dickens, Prout, Flaubert… Le cerveau travaille tout le temps, c'est le prix à payer, mais je le paie avec une certaine bienveillance, parce que je vis une vie, à mon sens, extraordinaire.

Au revoir la Collegiate School, au revoir New York, et bonjour le Maine ! Oui, j'ai rejoins le très prestigieux Bowdoin College qui se trouve dans l'Etat du Maine, une des meilleures université des Etats-Unis. J'aurai pu décrocher Columbia, mais j'avais besoin de quitter New York et la pression familiale : mon père me harcelait pour que je devienne avocat, et il me fallait créer un espace entre ma mère et moi… A la fin de ma 3ème année, j'obtiens le prix de la meilleure thèse historique, 700 dollars -en 1977 c'était pas mal ! J'achète un aller simple New York-Luxembourg, et je continue jusqu'à Dublin.

3- La dernière chose que vous faites avant de vous coucher ? J'écris environ 500 mots par jour, et tous les soirs, si c'est possible -ce n'est pas toujours évident, ni romantique (rires)- j'essaie de me relire. Simplement, parce que je sûr que le subconscient fonctionne toute la nuit. Très bien, on peut continuer. On peut se tutoyer aussi.

Pourquoi Dublin ? Ça, c'est la musique du hasard ! Il me restait une année de fac, je me suis dit pourquoi pas le Trinity College à Dublin. J'y connaissais du monde, dont une américaine qui terminait son Master. Ensemble, on a décidé de monter une compagnie de théâtre, on a loué le petit théâtre de l'université et on a lancé Stage One. Au bout de 3 mois, l'Art Council nous mettait à disposition un autre petit théâtre. Et après 3 saisons, on me proposait un poste au Théâtre National d'Irlande.

Ok, je vais essayer. Donc, Douglas Kennedy, qui es-tu ? Un homme avec une vie très intéressante… qui a vécu plusieurs vies. Quelqu'un qui s'adapte tout le temps. Tu es né un 1er janvier 1955 à New York, à Manhattan, plus exactement dans l’Upper West Side, quel petit garçon étais-tu ? Un homme de la classe moyenne, avec deux parents très malheureux, dans un mariage extrêmement difficile. C'était violent, émotionnellement, pas physiquement, il y avait tout le temps des disputes immenses. Ma mère est juive-allemande et mon père était (il est mort) catholique, la culpabilité était donc une affaire sérieuse. Mon père était très strict, il a été soldat pendant la Seconde Guerre mondiale -son père, capitaine dans la marine américaine. Une grande histoire de soldats ! C'était un homme intelligent, un homme de fer, mais il avait aussi un certain goût pour la musique classique, la danse... Il était toujours absent, cadre dans une entreprise des mines, il voyageait tout le temps, comme moi (sourire). Ma mère était une femme cultivée, mais elle était toujours anxieuse, une femme au foyer frustrée. Je pense que, pour elle, la vie était une déception. Mon père et moi étions proches… (silence), mais il parlait incessamment de discipline, et j'ai réalisé que je suis beaucoup plus discipliné qu'il ne l'était… J'étais un enfant anxieux, à mon sens à cause de mes parents, mais en définitive, grâce à eux, je suis devenu indépendant très jeune.

Est-ce à ce moment-là que tu commences à écrire ? J'ai commencé à écrire là-bas, toutes les nuits... l'insomnie, l'insomnie, avec une vraie machine à écrire manuelle. En 78-79, alors que j'étais en charge du petit théâtre, j'ai écrit une nouvelle que j'ai faite lire à un copain. Il dirigeait à l'époque un groupe d'acteurs pour la radio. Il l'a montrée à un producteur qui, quelques jours plus tard, me donnait rendez-vous dans un café et me demandait d'adapter mon scénario pour l'oreille. Ça a été mes débuts. J'avais 24 ans, ma propre pièce, que j'ai ensuite revendue à la BBC. Suivront deux autres pièces radiophoniques, puis, à 28 ans, tu démissionnes du théâtre pour te consacrer exclusivement à l’écriture. Pour arrondir tes fins de mois, tu piges, notamment pour l’Irish Times, qui finira par te confier une rubrique... En 85, tu te maries… Puis, 1986, année marquante, année contrastée, à la fois celle des échecs cuisants et celle des prémisses de ta carrière en tant qu'écrivain… J'avais signé un contrat avec une petite maison d'édition anglaise qui m'avait commandé un récit de voyage sur l'Égypte. Je suis parti un an, et à mon retour, c'était une catastrophe : la pièce de théâtre que je présentais à l’Abbey Theatre de Dublin s'est révélée être un désastre ; à la même période, je me faisais virer de l'Irish Times par le nouveau rédacteur en chef… Mais ce livre sur le voyage sera en réalité mon billet pour Londres.

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“Je pense que c’est important d’avoir les pieds sur le trottoir.” Et le succès frappa à ta porte, ton livre est traduit en 22 langues, c'est un triomphe partout… sauf aux USA, où tu es persona non grata. Oui, à cause des listes noires. Les Etats-Unis m'ont boycotté pendant 9 ans, puis le Time magazine a publié un grand portrait de moi “L'écrivain américain le plus connu en dehors des EtatsUnis”… Et enfin, l'oncle Sam est venu frappé à ma porte.

Donc, en mars 88, tu emménages à Londres. Je m'y suis installé avec ma femme, j'ai démarré une carrière de pigiste. C'était l'âge d'or du journalisme en Angleterre. Fabuleux ! A NY c'était très snob et à Londres très ironique, mais ma plume plaisait. J'ai écrit régulièrement des critiques pour The Times, pour The Listener (le magazine de la BBC) et le Sunday Telegraph. J'ai interviewé plusieurs célébrités, des romanciers, metteurs en scène -Balavoine, Francis Ford Coppola, Sting… Toute la richesse de cette culture me fascinait ! Mais toujours le doute, celui de pouvoir un jour devenir romancier. Puis en 91, après avoir livré mon récit de voyage “Combien”, je disparais. Pendant 6 mois, je sillonne le nord de l'Australie, de Darwin à Perth.

Depuis, tu écriras une dizaine de romans qui te propulseront sur les hauteurs des podiums. 14 millions de livres vendus dans le monde, une sorte d'exception littéraire. Peut-on parler d'une “Douglas touch” ? Je pense qu'il y a peut-être des raisons à mon grand lectorat. J'écris de vraies narrations, de vrais récits, et donc j'ai un style très accessible, mes protagonistes portent en eux une certaine complexité psychologique, c'est très important. Quand je construis un personnage, je commence avec l'idée que tout le monde a des choses pathologiques, névrotiques, c'est la condition humaine. Quand quelqu'un me dit “Ah oui, je suis très équilibré”, je pense que c'est un scientologue ou quelque chose du genre.

Pour écrire “Cul-de-sac” ? C'était pour, peut-être, écrire un récit de voyage. C'était un voyage d'“on verra”, j'avais des commandes d'articles pour les journaux, mais en dehors de ça, c'était “on verra !”. Finalement, de ce périple australien naitra ton 1er roman, “Cul-de-sac”. Le livre est refusé par les éditeurs américains, il sera publié en Angleterre… 3 ans plus tard, arrivera un autre thriller psychologique, “L'Homme qui voulait vivre sa vie”, qu'une jeune maison d'édition new-yorkaise t'achètera pour 1,1 millions de dollars… Le jackpot ? Oui, c'était le début de mon succès, tout le monde a pensé “Voici le nouveau John Grisham”.

Comment vis-tu le succès ? Le fait d'avoir connu une réussite tardive m'a beaucoup aidé. C'est sûr, j'ai une vie différente de beaucoup d'entre nous, mais le succès m'a surtout permis d'assurer l'avenir de mes enfants… et de pouvoir acheter les meilleures places pour le Philharmonie de Berlin et de Paris (rires). Je voyage beaucoup aussi… En dehors de ça, je vis comme un riche étudiant, je n'ai pas de voiture par exemple -sauf dans le Maine où c'est nécessaire-, je prends le métro, j'achète mes costumes dans des outlets… Je pense que c'est important d'avoir les pieds sur le trottoir (rires).

Mais les ventes ne suivent pas… Tu troques alors le style polar pour écrire ce roman qui changera ta vie : “La Poursuite du bonheur” sort en 2001, il marquera un tournant définitif et t'ouvrira une voie royale… Que s'était-il passé ? Avec “L'homme qui…”, j'avais signé un gros contrat aux Etats-Unis et j'avais eu d'excellentes critiques. Les ventes étaient bonnes, mais pas extraordinaires, et la maison d'édition, qui avait investi une fortune, était très déçue. C'était aussi un moment terrible, en 98, mon fils Max, 5 ans, a eu une grosse crise d'épilepsie, il était dans un état catastrophique qui a duré 3 mois, il avait déjà des troubles de développement mental, et j'ai pressenti un début d'autisme. J'avais raison. L'épilepsie s'est ensuite stabilisée, j'ai découvert un système éducatif spécialisé développé par l'Université californienne de Los Angeles (UCLA), que j'ai mis en place chez nous à Londres… C'était beaucoup de travail, un stress intense, et en même temps, les livres ne connaissaient pas un grand succès, malgré les bonnes critiques ; et la réalité est que j'avais un fils handicapé, et ça, ça vous change la vie, complètement ! Cet été là, on était dans le Maine en famille, sur cette grande plage, Popham Beach -que je cite souvent dans mes romans-, j'ai demandé à ma femme de garder les enfants pour une heure. Pendant ma ballade, une idée m'est venue : une grande fresque américaine, les années 40 et 50, l'époque de la liste noire, celle du Maccarthysme. C'était aussi le moment où je m'étais dit “Ok, je vais tout changer comme écrivain”. Le risque était important, j'ai écrit “La poursuite du bonheur” pendant un an et demi, sans contrat. Heureusement, j'avais de l'argent sur mon compte et une maison à Londres, mais je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer par la suite…

A quel moment apparait ta vocation pour l'écriture ? A 9 ans, j'avais écrit une petite nouvelle, et un de mes profs, Mme Flack, m'avait dit “C'est du talent Douglas”. Mais plus tard, à l'université, un camarade qui dirigeait la revue littéraire m'affirmait “Tu n'es pas écrivain, je suis écrivain”. Maintenant il est agent immobilier, à un niveau très élevé… mais voilà ! Ton dernier roman, “Mirage”, plante son décor au Maroc, et nous plonge dans les questionnements sur l'amour, le couple : sont-ils une illusion, un mirage ? Et pourquoi le Maroc ? C'est mon 14ème voyage au Maroc, c'est un pays que j'aime beaucoup. Quand j'ai eu l'idée de ce roman, j'étais dans le Sahara, en 4x4 avec un chauffeur au milieu des dunes, et il y avait une petite fille de 11 ans avec qui j'ai commencé à parler. Elle m'a indiqué qu'elle vivait là-bas, de loin, le lieu me semblait vide, mais en fait, il y avait une oasis. Cet élément a été crucial dans la construction de “Mirage” : dans le “là-bas”, il n'y avait rien, et pourtant il y a tout. C'est aussi l'histoire de Robyn et de ses propres mirages, une femme qui ne veut pas voir son mari tel qu'il est, et qui s'adapte… jusqu'au moment où elle découvre un secret, et là, commence un polar vertigineux.

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IN BED WITH —

Cela me donne envie de te lire un extrait du dernier livre de Yann Moix, avec lequel tu étais sur le plateau de La Grande Librairie, “Une simple lettre d'amour” : “Une femme, quand elle aime, se fait accroire que son dernier amour en date est confondu avec son amour ultime ; elle appelle ”homme de sa vie” un être humain qu'elle tentera, à force de mille contorsions, de mille arrangements, de mille dénis, d'inscrire dans une figure idéale. Tandis qu'un homme, quand il aime, aime toujours déjà ailleurs ; il appelle “femme de sa vie” la prochaine femme qu'il rencontrera. [...] Il est toujours bon d'écrire aux femmes que l'on aime. Ne serait-ce que pour les avertir, une fois la rupture consommée, qu'elle font bien de fuir ceux qui leur ont menti, les ont bernées, les ont parfois trompées pendant si longtemps. Il en va de leur départ comme de la mer, lorsque celle-ci se retire : on s'aperçoit de ce qui se cachait sous les flots. Des bidons d'essence, de vieux pneus, des bestioles décharnées. Pourquoi ne pas avouer, une bonne fois pour toutes, que les hommes sont des tricheurs, des hypocrites, des manipulateurs, des cyniques, des lâches et monnayeurs, bref : des salauds ? Dès lors qu'ils sont aimés, cela leur donne des ailes pour faire valoir cet amour dans d'autres bras…” C'est un grand provocateur Yann, c'est son truc ça, et il a du talent aussi. Mon point de vue est un peu plus nuancé (rires). Généralement dans les histoires d'amour, surtout au début, on voit ce qu'on veut voir (rires), puis on découvre des choses après, mais en réalité, tout était là depuis le départ. Pour moi, la question du couple a toujours été essentielle. Pourquoi est-il si difficile de vivre à deux !?

Les enfants en sont souvent la raison, ou le prétexte… Tu as révélé à propos de ton divorce que c'était ton choix de partir, comment l'as-tu géré avec les tiens ? J'ai divorcé en 2009, après 24 ans de mariage, c'est pas mal ! Max avait 16 ans et Amélia 12, c'était très difficile pour eux, une grande blessure, aussi parce que c'était un divorce compliqué. Mais complètement nécessaire. J'ai beaucoup appris, c'était passionnant (rires)… Aux Etats-Unis, on nous assène sans cesse qu'on peut faire ce qu'on veut, la réalité est que la vie est une lutte, il y a des choses bienveillantes et malveillantes, et peut-être que la plus grande lutte c'est soi-même. Soi-même, et non une lutte contre les autres finalement… Oui, et quand j'ai commencé à le comprendre, c'était philosophiquement une libération. Parce que personne ne te parle de ça. Je comprends que ce soit une sorte de “reprise” de pouvoir. Pas évidente, car chacun a son propre fonctionnement. Je suis anxieux, par exemple, j'ai des peurs, c'est un aspect de moi. Je comprends ça maintenant, après beaucoup de travail, c'est partout dans mon écriture, ça sert mon écriture, mais c'est aussi un aspect qui parfois me dérange quand il devient excessif. Comme chaque déséquilibre ! C'est la condition humaine, et je suis sûr que Freud avait raison : dans la vie d'adulte, on lutte tout le temps avec les blessures de l'enfance.

Et pourquoi ?! Le quotidien est le poison des relations intimes. Au début tout est extraordinaire, le sexe est hallucinant, la personne est géniale, et puis il y a ce moment où le camion arrive avec tous les bagages…

Que reste t-il de l'éducation de ton enfance, quelles sont les valeurs qui t'ont accompagnées ? Grâce à Bowdoin, j'ai un cerveau qui analyse tout, tout le temps, et je comprends que le monde n'est pas manichéen, à l'inverse des Républicains aux Etats-Unis, pour qui tout est noir ou blanc. J'ai aussi acquis une curiosité et une ouverture d'esprit immenses... Comme valeurs ? Peut-être l'ambition. Mais c'était une enfance difficile.

(Rires) La grosse livraison ! Oui… et “Pourquoi as-tu oublié, pour la 4ème fois, le papier hygiénique ?!”… (rires), des choses comme ça. Le grand défi d'un couple n'est pas d'éviter le quotidien mais d'arriver à le transcender. Tu as aussi dit que le malheur était un choix, et tes livres mettent souvent en scène des personnages qui se créent leurs propres prisons… Tout le monde a des blessures et des tragédies, il n'y a pas de formule, ni de recette, chacun traîne des héritages complexes. Il y a des gens complexes et d'autres compliqués (rires). Les êtres complexes, ça c'est intéressant, les compliqués, ça c'est “Oh mon Dieu, où est la sortie ?”… Mais la vérité, s'il y a une vérité, c'est qu'on fait des choix tout le temps, tout est choix. Quand quelqu'un me dit “Oh non, c'est impossible !”, je réponds : “Mais qui a dit ça ?!”… C'est comme ces gens qui restent dans un mariage totalement raté.

Et de quoi t'es-tu affranchi ? Éviter les mêmes crises à mes enfants. Refuser de créer une situation de culpabilité, je n'ai jamais dit “À cause de toi”, jamais ! C'est pour moi la pire des choses. Bien sûr, comme tous les parents j'ai dû faire des erreurs, mais j'essaie d'éviter celles de ma génération, il y a trop de parents qui sont comme des hélicoptères au-dessus des têtes de leurs enfants, c'est très dangereux. Quel genre de père es-tu ? Je suis très proche de mes enfants, ils sont le centre de ma vie. Mais je sais aussi qu'il faut savoir leur laisser de l'espace, et avoir confiance en eux. Max a eu 23 ans, il est dans une grande école de beaux-arts aux Etats-Unis -c'est une immense fierté-, il veut devenir photographe, il a aussi une petite amie. Amelia en a 19, elle est au conservatoire, et veut devenir comédienne. Ce sont des adultes à présent, ils doivent vivre leur vie, et je comprends qu'il est important, surtout avec un père romancier, qu'ils aient une identité en dehors de moi.

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“Les mots comptent, tout le temps.” Aujourd'hui, tu vis entre Londres, Paris, Berlin, mais tu as aussi acheté une maison dans le Maine. On dit que plus on avance en âge, plus on a besoin de retrouver ses racines. Est-ce aussi ton cas ? C'était important de rester à Londres tant que mes enfants y étaient, puis, le moment de retourner aux USA est arrivé, j'ai décidé d'acheter une maison dans le Maine en 2007, et en 2011, je suis devenu résident. Mais en réalité, je n'ai jamais fermé ma porte à une ville, à des gens oui (rires), mais jamais à une ville.

Un mini questionnaire pour la fin, tu me réponds sans réfléchir. - Que ferais-tu si tu étais une femme le temps d'une journée ? Les choses que je fais habituellement, écrire, aller au concert, au cinéma… - Un tue-l'amour rédhibitoire ? La bonté est capitale pour moi, la générosité aussi. La bienveilance, ça c'est un grand cadeau.

Même pas à New York ? Revenir à NY était énorme : des questions familiales inextricables, une ville où j'ai eu des déceptions professionnelles, où j'étais bloqué par des maisons d'édition… C'était très dur, j'ai finalement décidé de faire face et d'y retourner… oh mon Dieu, 35 ans après ! L'instant où je me suis installé dans mon pied à terre à Manhattan, en mars 2014, était très bouleversant. La première nuit, j'étais en larmes, c'était Waouh !

- Une expression que tu utilises tout le temps ? “On verra”. J'aime cette phrase parce qu'elle recèle quelque chose d'existentiel. Peut-être, on n'en a aucune idée, on verra ! - Le mot le plus sensuel (en français) ? Ce n'est pas “On verra” (rires). “Intimité”. J'aime sa musicalité, et l'intimité, dans la vie, c'est indispensable.

En tant qu'écrivain lu par des millions de personnes, quelle valeur représentent pour toi les mots ? Dans “Quitter le monde”, j'ai écrit que les mots comptent, tout le temps. Lorsqu'on dit quelque chose d'important, ça compte, si c'est négatif, ça compte vraiment, si c'est positif, ça compte autant. Les mots sont aussi mon métier, quand j'écris, je trouve un certain équilibre, et je découvre aussi beaucoup de choses sur soi-même et sur les autres.

- Un aveu ? Je n'ai jamais terminé “Moby Dick”. - Une chose que tu aimerais faire avant de mourir ? Jouer au saxophone (je vais prendre des cours, c'est ma résolution pour 2016)… Et continuer à écrire jusqu'à la fin de ma vie. - Quel est ton plus grand accomplissement ? Mes enfants.

Nous sommes aujourd'hui dans un monde en pleine mutation, malgré les résistances... À ton avis, dans quel monde vivront nos enfants ? L'autre jour, je disais à ma fille Amélia, qui comme moi est très féministe, que j'étais très content qu'elle ait 19 ans en 2015, et pas en 55, parce que la condition des femmes était complètement différente… D'accord, il y a des crises partout, politiquement, socialement, mais le monde est plus stable qu'il y a 70 ans. Même s'il y a le terrorisme, des choses comme ça ont toujours existé, toujours, la condition humaine est une crise permanente.

- Si tu devais pardonner à quelqu'un, ça serait à qui ? À mon père… et, je lui ai pardonné. Même si nous n'étions pas proches à la fin de sa vie, pour moi, c'était très important de lui pardonner. Le pardon est essentiel pour soi-même, c'est une libération et aussi une détoxification. - Ton plus gros mensonge ? Ça c'est privé (rires). - Si tu avais le droit à un super pouvoir, ça serait lequel ? Éliminer la pauvreté, parce qu'elle est la cause de la plupart des problèmes modernes. Combattre l'ignorance, augmenter la tolérance et installer l'idée qu'on peut avoir la foi, mais que personne n'a de réponse.

Avec des cycles, des scénarios et des acteurs différents ! Toujours des cycles, et des crises. Maintenant on vit une période de grand changement, je suis sûr qu'on se le dira dans 50 ans. Technologiquement, on est au milieu d'une grande révolution qui va modifier beaucoup de choses. Je pense aussi que, petit à petit, on réalisera qu'il faudra changer notre point de vue au sujet de l'environnement, même si la mondialisation et la consommation sont partout… Je crois que l'économie libre est importante, mais qu'il faut cotiser pour un certain nombre de choses : l'éducation et la santé, la culture aussi. L'art, les musées, les théâtres, ça ne coûte rien, surtout comparés aux dépenses militaires ! C'est le gros problème aux USA, le gouffre de l'éducation : on a parmi les meilleurs universités au monde, mais ça coûte une fortune. Beaucoup d'étudiants, à l'obtention de leur diplôme, ont déjà 200.000 dollars de dettes, c'est horrible, et stupide ! Donc chaque génération a ses problèmes et ses propres défis, mais je reste assez optimiste. Il y a toujours des choses horribles… et le pardon est essentiel.

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“In everyone there is something pathological or neurotic, it's the human condition.” To write “The Dead Heart”? It was to perhaps write a travelogue. It was a case of “we'll see”, I had commissions for newspaper articles, but apart from that, it was “we'll see”.

Your latest novel “The Heat of Betrayal”, set in Morocco, plunges us deep into questions about love, about our relationships: are they an illusion, a mirage? And why Morocco? This is my 14th trip to Morocco, it is a country I love a lot. When I had the idea for this novel, I was in the Sahara, in a 4x4 with a driver in the middle of the dunes and there was a little girl of 11-years-old with whom I started to talk. She pointed and said she lived over there and, when I looked, I saw nothing. But, in fact, there was an oasis there. This was a crucial element in the construction of “The Heat of Betrayal”: over there, there was nothing, and at the same time everything. It is also the story of Robyn and her own illusions, a woman who doesn't want to see her husband for who he is and gets used to that ... until she discovers a secret, and there begins a dizzying thriller.

But in the end, this Australia trip saw the birth of your first novel, “The Dead Heart”. The book was rejected by American publishers, but published in England. Three years later, you would write another psychological thriller “The Big Picture”, which a young New York publishing house bought the rights to for 1.1 million dollars. You’d hit the jackpot? Yes, it was the start of my success, everyone was thinking: “This is the new John Grisham.” But the sales didn’t follow. You swapped the crime thriller style to write your next novel, the one which would change your life: “The Pursuit of Happiness”, which came out in 2001. It marked a definitive turning point and opened a new road to you. How did it happen? With “The Big Picture”, I’d signed a big contract in the US and I’d had excellent reviews. The sales were good, but not exceptional and the publisher, which had invested a fortune, was very disappointed. It also came at a terrible moment. In ’98 my son Max, then aged 5, had a big epileptic fit and was in a terrible state for three months. He already had mental development problems and I thought I could detect the start of autism. I was right. The epilepsy then stabilised, I discovered a specialist learning system developed by UCLA that I set up back at home in London. It was a lot of work, very stressful, and at the same time the books weren’t proving a great success, despite the good reviews; and the reality is that I had a handicapped son, and that changes your life completely! That summer, we went as a family to Maine and on Popham Beach – a huge beach that I often mention in my books – I asked my wife to watch the kids for an hour. I went for a walk and then this idea hit me: a big American saga, set in the 40s and 50s, the era of the blacklist, of McCarthyism. It was also the moment when I said to myself “Ok, I’m going to change everything as a writer”. The risk was big. I wrote “The Pursuit of Happiness” over a year and a half, without a contract. Fortunately, I had some money in the bank and a house in London, but I had no idea what would happen next.

That makes me want to read you an extract from “Une simple lettre d'amour” (”A Simple Love Letter”), the latest book by Yann Moix, with whom you were recently on the French television show “La Grande Librairie” (The Great Library): “A woman, when she loves, fools herself into believing that her latest love is her ultimate love. She calls “the love her life” a human being whom she will try to force into a thousand contortions, a thousand configurations, a thousand denials to create her ideal man. But a man, when he loves, always loving somewhere else already: He calls “the love of his life” the next woman he meets. It is always good to write to the women that one loves. Even if just to warn them, once the break up is through, that they would do well to shun those who have lied to them, that have deceived them, that have sometimes cheated on them for so long. The same holds true for their departure as for the sea when it retreats: one can see what lay beneath the waves: cans of petrol, old tires, emaciated creatures. Why not admit, once and for all, that men are cheats, hypocrites, cynics, cowards and counterfeiters, in short: bastards? As soon as they are loved, it gives rise to them exercising that love in someone else's arms…” Yann is a great provocateur, that's his thing, and he has a talent for it too. My point of view is a bit more nuanced (laughs). Typically in love stories, especially at the start, we see what we want to see (laughs), then we discover things afterwards. But in reality, everything was there from the start. For me, the issue of “the couple" has always been essential. Why is it so difficult to live with someone else!?

And success came knocking at your door. Your book, translated into 22 languages, was a triumph all over the world, accept for the USA, where you became a persona non grata. Yes, because of these blacklists. I was boycotted in the US for nine months. Then Time magazine published a long portrait of me: “The most famous American writer outside of the United Sates”. And finally, Uncle Sam came knocking at my door.

And why is that? Daily routine is like poison for intimate relationships. At the start everything is extraordinary, the sex is amazing, the person is great, and then there's that moment when the truck arrives with all the baggage.

Since then, you’ve written a dozen novels that have propelled you to the top of bestseller lists. 14 million of sales worldwide - it’s fairly exceptional in the literary world. Do you think there is such a thing as “the Douglas touch”? I think that maybe there are some reasons for my big readership. I write real narratives, real stories and therefore I have a very accessible style, my protagonists carry with them a certain psychological complexity - this is very important. When I construct a character I begin with the idea that in everyone there is something pathological or neurotic, it's the human condition. When someone says “Oh yes, I am very balanced”, I think to myself they must be a Scientologist or something.

(Laughs) The big delivery! Yes... and ”Why have you forgotten to buy the toilet paper for the fourth time?!” (laughs) the things like that. The big challenge for a couple is not avoiding routine but being able to transcend it. You have also said that misfortune is a choice and your books often feature characters that have built their own prisons around themselves… Everybody has their scars and tragedies, there is no formula, no recipe, everyone drags their baggage around with them. There are complex people and others who are just complicated (laughs). The complex beings, they're interesting, but with the complicated ones it's like “Oh my God, where is the exit?” But the truth, if there is a truth, is that we make choices all the time, everything is a choice. When someone says “Oh no, that's impossible!” I reply “Who says so?”... It's like those people who stay in an utterly failed marriage.

How do you regard success? Having experienced success late helped me a lot. Sure, I have a different life to most, but above all success has allowed me to ensure the future of my children ... and to buy the best tickets for the Berlin and Paris Philharmonics (laughs). I travel a lot too. Apart from that, I live like a wealthy student: I have no car for example - except in Maine where it is necessary - and I take the subway instead, I buy my suits in outlet stores... I think it's important to keep your feet on the ground (laughs).

Children are often the reason for that, or at least the pretext. You have revealed that with your divorce it was your choice to leave - how did you manage things with your children? I divorced in 2009, after 24 years of marriage - that's not bad! Max was 16 and Amelia 12, it was very difficult for them, a big scar, not least because it was a messy divorce. But it was absolutely necessary.

At what point did writing become your vocation? At 9 years old I wrote a short story and one of my teachers, Mrs. Flack, said: “There's talent here Douglas”. But later, in college, a fellow who ran the literary magazine told me “You are not a writer, I'm a writer.” Now he's a real estate agent, a very high up one ... but “voila!”

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IN BED WITH —

Today we live in a world that's constantly changing, despite resistance by some. In your view, what sort of world will our children live in? The other day I said to my daughter Amelia, who like me is very feminist, I'm very glad she is 19 in 2015 and not 1955, because the status of women was completely different then. Sure, there are crises everywhere, politically, socially, but the world is more stable now than 70 years ago. Even with terrorism, things like that have always existed, always. The human condition is one of permanent crisis.

I learnt a lot, it was interesting (laughs). In the US, it's constantly hammered into us that we can do whatever we want, but the reality is that life is a struggle, there are benevolent things and malevolent things and perhaps the greatest fight is with oneself. With oneself and, that is to say, not against others… Yes. And when I started to understand this it was a philosophical liberation, because nobody ever tells you this.

The same cycles but with different scenarios and actors! Cycles and crises, always. Now we live in a period of great change, I am sure we will say so in 50 years. Technologically, we are in the midst of a great revolution which will change everything. I also think that, little by little, we realise that it will change our perspective about the environment, even if globalisation and consumption are everywhere. I believe that a free economy is important, but that it must make contributions towards a number of things: education and health, culture too. Art, museums, theatres, they cost nothing compared to military spending! This is the big problem in the US, the money pit of education: we have some of the best universities in the world, but they cost a fortune. Many students by the time they graduate are already $200,000 in debt. It's horrible, and it's stupid! So each generation has its problems and its challenges, but I remain pretty optimistic. There are always going to be terrible things ... and forgiveness is essential.

So this is a kind of “recovery” of power? It's not obvious, because everyone has their own way of functioning. I am anxious, for example, I have fears, it's part of who I am. I understand that now, after a lot of effort. It's everywhere in my writing, it is my writing, but it's also something that sometimes bothers me when it becomes excessive. Like every imbalance! It is the human condition and I'm sure that Freud was right: in adult life we are always battling against childhood traumas. What's left over from your childhood education, what are the values that have stuck with you? Thanks to Bowdoin, I have a brain that analyses everything, all the time. I understand that the world is not Manichaean, unlike the Republicans in the US for whom everything is black and white. I have also acquired an immense sense of curiosity and openness. As for values, maybe ambition… but it was a difficult childhood.

A mini questionnaire to finish. I'd like you to answer without thinking. - What would you do if you were a woman for a day? The things I usually do: write, go to a concert, a film... - An instant turn-off? Kindness is crucial for me, generosity too. Benevolence, that's a great gift.

And what have you left behind? I try to avoid putting my children through the same crises I experienced. I refuse to create a situation of blame. I never say “It's your fault”, never! For me it is the worst thing. Of course, like every parent I make mistakes, but I try to avoid those of my generation. There are too many parents who hover like helicopters above the heads of their children, it is very dangerous.

- A phrase you use all the time? “We'll see”. I like that phrase because it conceals something existential. Maybe, we have no idea, we'll see!

What type of father would you say you are? I am very close to my children, they are the centre of my life. But I also know you need to give them space and have confidence in them. Max just turned 23, he is at a big fine arts school in the United States - I'm very proud. He wants to become a photographer, he also has a girlfriend. Amelia is 19, she is at drama school and wants to become an actress. They are adults now, they should live their own lives and I understand that it's important, especially with a novelist father, they have an identity outside of me.

- The most sensuous word (in French)? It's not “We'll see” (laughs). “Intimité” (intimacy) - I like the musicality of the word, and intimacy is essential in life. - A confession? I never finished “Moby Dick”. - One thing you want to do before you die? Play the saxophone (I'm going to take lessons, it's my resolution for 2016) and to keep writing until the end of my life.

Today, you live between London, Paris, Berlin, but you've also bought a house in Maine. It is said that the older we get, the more we need to rediscover our roots. Is that your case? It was important to stay in London as my children were there, and then, the moment to return to the US arrived, I decided to buy a home in Maine in 2007 and in 2011 I became a resident there. But in reality, I have never closed my door to a city - to people yes (laughs), but never to a city.

My children.

- What is your greatest achievement?

- If you had to forgive someone, who would it be? My father ... and I did forgive him in fact. Although we were not close at the end of his life, for me it was very important to forgive him. Forgiveness is essential for oneself, it's a release and also a detoxification.

Not even to New York? To go back to NY was a big deal: the inextricable family issues, a city where I experienced professional disappointments, where I was shut out by the publishing houses. It was very difficult, but I finally decided to face the music and go back … my God, 35 years later! The day I moved into my pied à terre in Manhattan in March 2014 was very upsetting. The first night I was in tears, it was just: Wow!

- The biggest lie you ever told? That's private (laughs).

As a writer read by millions of people, what value do words hold for you? In “Leaving the world” I wrote that words matter, all the time. When we say something important, it counts, if it is negative, it really matters, if it's positive, it matters just as much. Words are my business and when I write I find a certain equilibrium and I also discover a lot about myself and about others.

- If you could have a superpower, what would it be? The power to end poverty, because it is the cause of most modern problems. Also the power to combat ignorance, increase tolerance and install the idea that you can have faith, but no one has the answer.

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« En tout être comme en toute chose se côtoient et s’imbriquent Lumière et Ténèbres. Dans une datte que vous croquez, la chair nourrit votre corps, mais le goût suave et le parfum et la couleur nourrissent votre esprit. » Amin Maalouf − “Les Jardins de Lumière”, 1991


SHOPPING —

PARFUM AUX DATTES / DATE PERFUME

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Un diffuseur de parfum d’intérieur dont on fait la star. Il le mérite ! Conçue par le parfumeur Fragonard, cette fragrance exclusive aux dattes permet d'emporter un peu de La Mamounia chez soi. A perfume diffuser for interiors that will make them the star of the show. No more than they deserve! Designed by the perfumer Fragonard, this exclusive fragrance scented with dates gives you the chance to take a little piece of La Mamounia home with you.

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LE

DISQUE Enfermé dans un coffre fort de Marrakech, un album de hip-hop crée depuis mars 2014 la polémique. Pourquoi ? Son prix : 5 millions de dollars. Problème : personne ne pourra l'écouter ou l'acquérir, sauf une seule personne. Vente aux enchères historique, fans hystériques et révolution dans l'industrie du disque, retour sur une œuvre d'art marrackchie qui fait beaucoup de bruit, sauf ici…

INTERDIT TEXTE JÉRÔME BECQUET PHOTOS ILJA MEEFOUT


EXCLUSIF —

“John Moose, un groupe de folk suédois, a sorti un album qui ne s'écoute QUE dans la forêt. Une application, liée à un GPS envoie vos coordonnées, détermine si vous êtes bien dans les bois, et seulement à ce moment-là, la musique -et ce qu'elle signifie- devient accessible”, explique Tarik Azzougarh. Son propos est simple : au même titre que la Joconde au Louvre, la musique est une œuvre d'art. Et son sens, sa valeur, dépassent la simple notion de “contenu”, téléchargeable et quasi instantanément dévaluée. Tarik, utopiste ? Peut-être, toujours est-il qu'il est à l'origine d'une démarche artistique sans précédent avec “Once Upon A Time In Shaolin”, un album de hip-hop unique, tant par son nombre de copies que par son plan marketing. Flashback. Le 26 mars 2014, un communiqué de presse du magazine Forbes secoue la terre entière : le Wu Tang Clan, légendaire groupe de rap new-yorkais des années 1990, travaille depuis 6 ans dans le plus grand secret sur un double album, seulement disponible en un seul exemplaire. À l'époque, le prix n'est pas encore fixé, on sait juste que son montant comportera au moins 6 zéros. “Nous allons faire une vente unique d'un objet collector. C'est comme si quelqu'un possédait le sceptre d'un roi égyptien”, annonce RZA, pilier du Wu Tang Clan, également acteur pour Jim Jarmush et producteur de B.O. pour Tarantino. Immédiatement, Le New York Times, Le Guardian, Le Telegraph… tous les plus gros titres de la presse internationale s'emparent de l'histoire. Le Wu Tang, icône du ghetto, allait-il se retrouver au musée, à l'instar de Picasso ou Basquiat, et ainsi accéder à l'immortalité ? Pour le savoir, c'est au pied de l'Atlas, à quelques kilomètres de Marrakech, qu'il faut se rendre. Là, une ferme, un portail estampillé du W jaune -le logo du groupe. C'est ici que Tarik, alias Cilvaringz, qui partage -excusez du peu- les casquettes de manager, producteur et rappeur du Clan, a produit tous les beats de “Once Upon A Time In Shaolin”. “Il nous a fallu près de 10 ans pour matérialiser les pensées que nous échangions avec RZA, rembobine Cilvaringz. Il nous était inconcevable d'imaginer un énième album dont la durée de vie n'excéderait pas une semaine. Très vite, nous avons opté pour l'objet unique, la rareté comme contre-pied au vide

substantiel du téléchargement. Les neuf membres du Clan ont tous validé le concept, non sans mal, et je suis passé en phase de production.” Les échanges de mails entre RZA et Cilvaringz rythment les semaines, puis, enfin, les 31 instrumentales sont prêtes. Direction NY, pour trois mois non-stop d'enregistrement avec tous les rappeurs du collectif. “À la fin, tout le monde était tellement excité que RZA et moi avons voulu revenir sur la décision et tout rendre public. Ça sonnait tellement bien ! Certains membres m'en ont voulu, c'était très dur, mais pas plus que les fans, qui se sont défoulés sur moi. Eux qui ont soutenu le Wu Tang pendant vingt et un ans, ne pouvaient même pas y avoir accès ! Ils ne comprenaient pas la portée artistique du projet à l'époque, et m'insultaient sur les réseaux sociaux”, se souvient Tarik. À tel point qu'une campagne Kickstarter de crowdfunding a été lancée par l'un d'eux afin de récolter les 5 millions nécessaires, pour ensuite partager l'album sur le web -la campagne est terminée, et n'a récolté que 15.000 dollars. Pire, un autre fan radical, Chris Everhart, a usé du même procédé pour acquérir l'album, et carrément le détruire ! En vain. Cilvaringz tient bon : “Je sais que ça à l'air insensé, qu'on peut se ramasser et finir complètement ridicule. Mais l'essence de nos idées est d'inspirer la création, l'originalité, et nourrir le débat, pour empêcher la musique de mourir.” Depuis, le disque a continué de faire parler de lui. Le magazine Forbes, en la personne du journaliste Zack O'Malley Greenburg, a parcouru 5.600 km des USA jusqu'à Marrakech pour en écouter 51 secondes. Pas une de plus. Le disque est retourné aussitôt dans son écrin d'argent, confectionné par l'artiste anglo-marocain Yahya, dans le coffre-fort du palace Royal Mansour. Puis, le 7 mai 2014, après moult rumeurs, la chanteuse Cher -sous le pseudo de ses débuts en 1964 Bonnie Jo Masona confirmé sur Twitter qu'elle avait posé sa voix sur deux chansons de l'album. “Ses passages furent enregistrés individuellement, il n'y a pas eu d'interaction directe avec le Clan”, tempère toutefois l'attachée de presse de Cher. Aux dernières nouvelles, il devrait aussi y avoir des participations de joueurs du FC Barcelone… Puis, nouveau

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coup de théâtre : en décembre 2014, dans le clip “F--- That” du dj producteur et multimillionnaire Skrillex, 27 ans, le coffret en argent estampillé Wu apparaît ! Internet s'embrase. Le staff du jeune dj démentira rapidement, le disque n'a toujours pas trouvé acquéreur. Enfin, le 2 mars 2015, au MoMA à New York, nouvelle apparition du disque, entre deux gardes du corps, lors d'une écoute unique de 13 minutes, accompagnée d'une discussion sur la possibilité d'un nouveau visage de la musique dans l'art entre RZA, son protégé Cilvaringz, le critique de musique Sasha Frere Jones et des fans. “C'était incroyable, se souvient Cilvaringz. Certains fans secouaient leur tête comme s'ils écoutaient un bon vieux disque du Wu dans leur salon, et d'autres ne bougeaient pas d'un cil, soucieux de se souvenir de chaque rime, de chaque sample !” Et aujourd'hui ? “Nous avons reçu beaucoup d'offres, à travers le site Paddle 8, la maison de ventes aux enchères qui a notamment vendu des œuvres de Jeff Koons et Damien Hirst. Nous ne pouvons pas donner plus d'informations pour le moment, mais bientôt, tout cela sera rendu officiel…”, annonce le producteur. Car avant tout, un problème de taille s'est posé : le contrat ! Il n'y en a jamais eu de la sorte. Et oui, petite particularité, le disque ne pourra pas être diffusé commercialement avant... 88 ans, donc en 2103. “Au bout de cette durée, le copyright sera transféré au propriétaire de l'œuvre, il pourra choisir de le diffuser ou non”, explique Cilvaringz. De toute façon, les fichiers numériques et toutes les sauvegardes de l'album ont été détruits. Patience…





PHOTOREPORTAGE —

LA PEAU DE L’HOMME TEXTE & PHOTOS DELPHINE WARIN

Je ne veux rien oublier... Me souvenir comment tout a commencé, évolué sur la durée, pour en arriver à cette proximité avec la peau de l'homme. Avec son intime et universelle humanité, derrière le grain buriné de l'épiderme. Une proximité impensable, de prime abord, pour une femme, occidentale, dans l'univers exclusivement masculin de ces barbiers du souk d'Aït Ourir, situé à une quarantaine de kilomètres de Marrakech. Un travail d'approche fait de patience, d'écoute, d’apprivoisement, d'effacement aussi.

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Vivant entre le Maroc et la France, sensible à l’âme marocaine, j'ai toujours aimé ce souk de campagne, ignoré des touristes. Une fois par semaine, le mardi, ce marché hors du temps est le point de convergence des hommes des environs. Car dans ce monde rural, traditionnel, ce sont eux qui font le marché. Les rares femmes que l'on croise sont des veuves ou des mendiantes. Le souk est un lieu privilégié de lien social. Un passage obligé. Les cercles d'hommes éparpillés le reste du temps dans les campagnes, les villages et les montagnes, s'y retrouvent pour parler affaires, famille, santé, unions, etc. Chaque souk possède son atmosphère, ses habitués et ses habitudes.

révélant les sillons que la vie a creusés sur le visage de ces hommes, à l'existence rude, austère. Je ne photographiais plus seulement le barbier en train de travailler, mais quelque chose de plus profond, de plus intérieur. Quelque chose de l'au-delà de la peau, de l'être... De l’ordre de l’inconscient. L'homme, habitué à se tenir debout face à la vie, une fois assis dans le fauteuil, s'abandonne entre les mains du barbier, qui prend soin de lui dans un étonnant ballet de gestes à la fois fermes et tendres, enveloppants, presque maternels. L’être derrière l’homme est mis à nu. Vulnérable. Le visage change. L’expression se transforme. Le masque tombe. Quel que soit leur âge, l’enfant qu’ils ont été, refait brièvement surface à fleur de peau. Il y a quelque chose de touchant, de précieux, de sensuel même, à saisir ces instants d’intimité... Un bref état de grâce : dès qu’ils se lèvent, ils se remettent d’aplomb pour repartir dans ce monde où “le masculin l’emporte“.

Aller chez le barbier fait partie des rituels incontournables. C'est le moment où les hommes peuvent enfin s'occuper d'eux... souffler, abandonner l’armure de leur rôle social, qui les contraint culturellement à la rigidité et au contrôle. Une parenthèse précieuse, presque “sacrée“. Le souk d'Aït Ourir compte un vaste quartier de barbiers, parcouru de deux allées principales. Chaque échoppe, tel un décor de théâtre fait de bric et de broc, ressemble au barbier qui l'occupe. Dans ces alcôves oubliées de la modernité, on pourrait être cinquante ans en arrière, tout serait pareil...

Je m’étonne encore de m’être faite acceptée à ce point... Il y a tous ces moments privilégiés, tels des cadeaux, où Hassan et ses amis m’invitent à partager leur tagine avec une grande simplicité et beaucoup d’humour. Nous rions de bon cœur, notamment sur le fait que ce sont les hommes qui, à tour de rôle, préparent le repas (on les surnomme : “Madame numéro Wahed (un)“, “Madame numéro Jouj (deux)“, etc.). Parfois ils sont moins chaleureux, ou peut-être s’agit-il simplement d’une retenue naturelle. De mon côté, je tiens mon engagement : je leur donne systématiquement les photos. Et l’un d’entre eux m’a dit un jour : “C’est la confiance, c’est la loi : tu as une bonne note, 20/20 à présent.“ Que je leur apporte leurs photos trois ou quatre semaines plus tard n’est pas un problème. Ici, le temps importe peu. C’est la parole qui compte.

Le défi en tant que femme-photographe -qui plus est européenneétait d’arriver à me fondre dans ce monde d'hommes, au point de disparaître, de presque me faire oublier... Les approcher pas à pas, peu à peu, respectueusement, afin de créer un lien. “Asexué“, pour arriver à entrer dans leur intimité masculine. Pénétrer ainsi les univers clos (unités psychiatriques, liens familiaux, etc.) fait partie de l'essence-même de mon travail de photographe. Pendant des semaines, des mois, j'y suis donc allée à tâtons, sans photographier, pour m’immerger dans l’ambiance et me familiariser avec les uns et les autres. Je me sentais souvent épiée, dévisagée. “Étrangère“, dans tous les sens du terme. Fragile au milieu de tous ces hommes méfiants. Alors, surtout ne rien brusquer... Le moindre geste insistant aurait pu briser ce qui se mettait en place, avec une infinie lenteur. Gagner leur confiance était devenu une quête obsessionnelle. Avec, en arrière-plan, l'idée de dépeindre de l’intérieur l'atmosphère si particulière de ce huis-clos masculin.

Au fil du temps, nous n’avons plus besoin de mots avec Hassan. Un regard suffit ; il demande discrètement au client s’il accepte d’être photographié, et c’est tout simplement oui ou non. Parfois, rien ne se passe et j’ai l’impression que tout est à refaire: réapprivoiser leur confiance, trouver la juste distance (en tant que photographe et sur le plan humain), ne jamais laisser planer la moindre ambiguïté. D’autres fois, c’est léger, je suis “l’attraction“ du matin : la joie circule alors dans le quartier des barbiers. J’entends tout autour de moi les mots “Tswoer“ ou “Favor“... Je suis devenue la photographe des barbiers. Cela n’aurait pu advenir si je n’avais pas pris le temps… Le temps de la confiance.

J'y suis retournée, encore et encore, une fois, cinq fois, dix fois... Petit à petit, j'ai parlé à l'un, puis à l'autre. Au fil du temps, je me suis liée plus particulièrement à Hassan. Il m'a fait confiance, et une profonde complicité, exempte d'ambiguïté, s'est tissée entre nous. J’ai pu alors commencer à photographier. De loin, au départ. Englobant, dans mon regard et dans l'objectif, l'art du barbier, l'environnement, les clients et ceux qui attendaient leur tour. Je demandais à chacun : “Tu veux une photo ? C'est une faveur.“ (“Briti tswoer ? Favor.“)... en chuchotant “Un cadeau“, comme ils disent en arabe... Si l'on me répondait “Oui“, je fonçais. “Non“, je respectais. Puis, il y eut ce moment-clé, fondateur, où mon point de vue a littéralement basculé, où mon travail a pris tout son sens. Tout à coup, la distance a changé, et j'ai réalisé que mon sujet se transformait, là, sous mes yeux, pour devenir beaucoup plus intime que je ne l'avais imaginé... ni même osé l'imaginer. J'étais proche, très proche... au point de voir apparaître le grain de la peau, parchemin

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PHOTOREPORTAGE —

THE MALE SKIN

I returned there again and again; once, five times, six times. Gradually, I talked to one person after another. Over time, I established a particular connection with Hassan. He trusted me and a deep affinity, one without ambiguity, grew between us. I could begin to photograph - from a distance at first, encompassing, both to my eye and to the camera lens, the barber's art, the environment, the customers and those waiting their turn. ”Briti tswoer? Favor (Do you want a photo, it's a favour)”, I ask each person, murmuring that it's ”a gift”, as they say in Arabic. If they answered ”Yes”, I would seize the opportunity. If they said ”No”, I would respect it.

I don't want to forget anything… I want to remember how everything started, how it evolved over time to arrive at this point, at this closeness with the man skin, with its intimate and universal humanity, behind the weathered texture of the epidermis. An unimaginable closeness, at first glance, for a western woman in the exclusively masculine world of the barbers of the souk of Ait Ourir, located around 40 kilometres from Marrakech. Getting to that point would take patience, listening, familiarisation and humility too.

Then came the key, founding, moment, where my perspective was rocked, where my job made perfect sense. Suddenly, the distance changed and I realised that my subject was changing there before my eyes to become much more intimate than I had imagined ... or even dared imagine. I was close, very close ... to the point of seeing the texture of the skin, a parchment revealing the furrows that life had carved on the faces of these men, a hard, austere life. I was no longer merely photographing the barber working, but something more profound, more internal. Something beyond the skin, something from the realms of the subconscious. The man, used to standing tall when facing life, once seated in the chair abandons himself to the barber's hands, which take care of him in a stunning ballet of gestures at once firm and tender, enveloping, almost maternal. The person behind the man is exposed. Vulnerable. The face changes. The expression transforms. The mask falls. Whatever their age the child they once were briefly returns to the surface of the skin. There is something touching, precious, sensual even in capturing these moments of intimacy. It is a brief state of grace: As soon as they arise, they recover their composure and are ready to return to a world where masculinity prevails.

Living between Morocco and France, and sensitive to the Moroccan soul, I have always loved this rural souk ignored by the tourists. Once a week, on Tuesdays, this timeless market becomes a gathering point for the men of the surrounding area. For, in this rural, traditional world, it is they who attend the market. The few women that one comes across are widows or beggars. The souk is an essential part of social bonding. A necessity. Groups of men who are for the rest of the time scattered throughout the countryside, villages and mountains go there to talk business, family, health, marriages, etc. Each souk has its own atmosphere, its regulars and its customs.

It still amazes me the level of acceptance I gained at this point … there are all these special moments, like gifts, when Hassan and his friends invite me with great simplicity and humour to share a Tagine with them. We laugh heartily, particularly at the fact that it is the men who take turns to prepare the meals (they use nicknames: ”Madam number wahed (one)”, ”Madam number jouj (two)”, etc.). Sometimes they seem less warm, or maybe it is just their natural restraint. For my part, I keep my word; I give them their pictures as a matter of course. One day, one of them said to me: ”It is trust that is the law: You have a good record, 20 out of 20 so far.” That I bring them their photos three of four weeks later is not a problem. Here, time means nothing. It is your word that counts.

A visit to the barber is an indispensable ritual. It is the place where the men can at last take care of themselves, relax and abandon the armour of their usual societal role, which requires them to conform to norms of rigidity and control. It is a precious interlude, almost “sacred”. The Ait Ourir souk has a vast section given over to the barbers, traversed by two major thoroughfares. Each stall, looking like some haphazard theatre set, resembles the barber who occupies it. In these alcoves forgotten by modernity, one could be 50 years back in time - everything would be the same.

After a while, even words are no longer needed with Hassan. A glance is enough. He asks the customer quietly if he minds being photographed and then it is simply a question of yes or no. Sometimes I don't get anywhere and I get the feeling that I need to do everything again from the start: regain their trust, find the right distance (both as a photographer and in human terms), never allow for any ambiguity. Other times it's easy, I am the "star attraction" of the morning: Joy then seems to circulate throughout the barbershop quarter of the souk. I hear all around me the words ”Tswoer” or ”Favor”… I had become the photographer of the barbers. This would never have happened if I had not taken the time … time to trust.

The challenge for a female photographer - and a European one at that - was to blend into this men's world to the point of being invisible, of almost making myself forgotten … to get close to them step by step, little by little, respectfully, to form a bond. It was necessary to become ”asexual”, to enter their world of masculine intimacy, but penetrating closed worlds (psychiatric units, family relationships, etc.) is a major part of my work as a photographer. For weeks, months even, I went there just to feel my way around, not taking any photographs, so that I could immerse myself in the ambience and familiarise myself with everything. I often felt myself being watched, stared at - ”foreign” in every sense of the word, fragile amongst all these suspicious men. Above all it was important not to rush things - the smallest act of over insistence could be enough to shatter everything that had taken so long to put into place. Gaining their trust had become an obsessive quest. Behind it all was the notion of capturing from the inside the atmosphere so particular to this secret, all-male, world.

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PRIX LITTÉRAIRE DE LA MAMOUNIA —

Dans l’ordre croissant du nombre de pages que contiennent leurs romans, les lauréats de cette 6ème édition sont : Najib Redouane pour “À l’ombre de l’eucalyptus”, Rachid Khaless pour ”Quand Adam a décidé de vivre”, Leïla Slimani pour ”Dans le jardin de l’ogre”, Maria Guessous pour “Nous n’irons pas tous au Paradis” et enfin, Imane Robelin pour “Pour tout l’or de Casablanca”. Face à eux, un jury de premier choix : la romancière française Christine Orban (présidente du jury), l’universitaire marocaine Karima Yatribi, le célèbre écrivain américain Douglas Kennedy, le journaliste et romancier marocain Réda Dalil (lauréat de la précédente édition), l’auteur franco-congolais Alain Mabanckou, l’écrivain et universitaire belge Vincent Engel et l’écrivain marocain Mohamed Nedali (lauréat de la 3ème édition).

Il était une fois le Prix Littéraire de La Mamounia, une manifestation culturelle devenue incontournable au fur et à mesure que les pages des écrivains marocains se noircissaient. Dotée d’une enveloppe de 200.000 dirhams (18.000 euros) et d’un billet d’avion en classe Affaire offert par la Royal Air Maroc (transporteur aérien officiel), sa récompense a la noble aspiration de soutenir et promouvoir la littérature marocaine francophone à travers le globe. Et à en croire le nombre d’organes de presse nationaux et internationaux présents à l’événement, le pari semble être gagné. Voici l’histoire. Les personnages Une fois n’est pas coutume, les personnages principaux sont les écrivains. Comme les doigts d’une main, ils sont cinq : trois femmes et deux hommes issus de différents horizons mais unis dans leur marocanité et surtout dans leur passion, celle du verbe.

La nouveauté Cette année, le Prix a décidé de privilégier des auteurs moins connus du grand public, certains font même leurs premiers pas dans l'écriture, à l’instar de Leïla Slimani et Najib Redouane dont c'est là leur premier roman. “Cette initiative vise essentiellement à propulser les jeunes auteurs dans leur carrière”, nous explique Réda Dalil. Quant on lui demande “Quels sont les critères que vous avez pris en compte pour élire le gagnant ?”, Réda nous confie “Ce sont principalement des critères de fond et de forme. Mais pour ne rien vous cacher, quand un roman vous parle, quand il y a cette petite musique qui se déclenche en vous en le lisant, c’est qu’il ne faut pas aller chercher plus loin, c’est le bon.” L’histoire Cette matinée du 19 septembre 2015 était chaude et ensoleillée. Il était 11h30, quand les couloirs fastueux de La Mamounia commencèrent à grouiller d’un monde tout en élégance. Auteurs, journalistes, éditeurs et autres amoureux de la plume attendaient l'ouverture des portes de la salle de conférence, où huit membres du jury, alignés sur leur secret, allaient bientôt révéler le nom de l'heureux élu. Lorsque le brouhaha se dissipa, Pierre Jochem, le directeur général de l’hôtel, ouvrit le bal. Les nominés furent invités à se présenter. Un à un, ils dévoilèrent leurs identité et univers, et défendirent leur travail avec passion. Les présentations faites, un silence épais remplit la salle, puis, d'une voix émue et assurée, Christine Orban déclara : “Le jury a décidé, à l’unanimité, d’attribuer le prix de la 6ème édition littéraire de La Mamounia à Leïla Slimani pour son roman “Dans le jardin de l'ogre”.” Aussitôt, les applaudissements impatients jaillirent, accueillant un petit bout de femme pleine de charme et de délicatesse qui exprima une joie timide, retenue, simple. À y lire de plus près, il y a chez Leïla quelque chose d’Adèle, l’héroïne de son roman, une chose mystérieuse qui n’ouvre qu’une fine fente sur le jardin de ses émotions. Puis, d’un pas agile, le sourire léger, elle s’approcha et récupéra son dû, après quoi elle se livra aux journalistes. Un jeu de questions/réponses qu’elle clôtura par un “Quand je suis derrière mon écran, je ne suis ni musulmane, ni chrétienne, ni vieille, ni jeune, ni pauvre, ni riche, je suis quelqu’un qui écrit une histoire et c’est tout.” Une histoire dont nous vous livrons ici un extrait.

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LITERATURE —

ONCE UPON A TIME: LA MAMOUNIA LITERARY AWARD

LEÏLA SLIMANI

DANS LE JARDIN DE L’OGRE roman

GALLIMARD

Once upon a time at La Mamounia Literary Award - a cultural event that became impossible to ignore the more as Moroccan writers rose in prominence. With a first prize of 200.000 dirhams (18.000 euros) and a business class plane ticket provided by Royal Air Maroc (the official airline), the award has the noble aspiration of supporting and promoting Francophone Moroccan literature across the globe. And, judging by the number of national and international media that flock to the event, that goal seems to have been achieved. This is its story.

The characters For once, the main characters of the story are the writers. There are five of them, like the fingers of a hand: three women and two men all from different backgrounds but united by their Moroccan homeland and above all their passion, that of the written word. The laureates of the sixth edition of the award are: Najib Redouane for “A l’ombre de l’eucalyptus” (In the Shade of the Eucalyptus), Rachid Khaless for “Quand Adam a décidé de vivre” (When Adam Decided to Live), Leïla Slimani for “Dans le jardin de l’ogre” (In the Ogre’s Garden), Maria Guessous for “Nous n’irons pas tous au Paradis” (We Will Not All Go to Heaven) and Imane Robelin for “Pour tout l’or de Casablanca” (For All the Gold in Casablanca). Facing them, a first-class jury: The French novelist Christine Orban (the jury’s president), the Moroccan academic Karima Yatribi, the celebrated American writer Douglas Kennedy, the Moroccan novelist and journalist Réda Dalil (winner of last year’s prize) Franco-Congolese writer Alain Mabanckou, the Belgian writer and academic Vincent Engel and Moroccan writer Mohamed Nedali (winner of the 3rd edition of the prize). The twist This year, the award’s organisers decided to focus on lesser known authors, some taking just their first steps in the world of literature, like debut novelists Leïla Slimani and Najib Redouane.“This initiative primarily aims to help boost the careers of young authors,” says Dalil. When asked “What criteria do you use to select the winner?” Dalil confides: “There are criteria of content and style. But to be honest with you, when a novel speaks to you, when there is this little bit of music that is triggered by reading it, we don’t need to look any further than that, we know it’s good.” The plot The morning of September 19, 2015 was warm and sunny. It was 11:30 when the sumptuous halls of La Mamounia began to come alive in a world full of elegance: authors, journalists, editors and other literature lovers awaiting the opening of the conference room doors where the eight jury members would soon divulge their closely guarded secret and reveal the name of the lucky winner. When the noise subsided, Pierre Jochem, General Manager of the hotel, officially opened the gala ball. The nominees were invited to introduce themselves. One by one, their identities, their worlds, unfolded as they spoke about their work with passion. The presentations over with, a heavy silence filled the room. And then, in an assured voice but one filled with emotion, Christine Orban announced: “The jury decided unanimously to award the the 6th edition of the La Mamounia Literary Award to Leila Slimani for her novel ’In the Garden of the Ogre’.” Immediately, an eager applause filled the room for a small but feisty, charming and delicate woman, a picture of timid joy, of restraint, simplicity. In fact, there is in Slimani something of the heroine of her novel, Adèle – something mysterious that opens but a narrow window on the garden of her emotions. Then, with a light step, a slight smile, she approached to collect her prize, after which she spoke to the journalists. A question and answer session ended with her stating: “When I am in front of my screen, I am neither Muslim nor Christian, neither old nor young, neither poor nor rich, I am someone who writes a story and that's it.” An excerpt of that story is printed here.

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“Balhawan”, 2013



“Looking For You”

“Looking For You”

Il parle le langage des émotions, jusqu'à en devenir intense, elle, plus réfléchie, pèse ses mots, les ponctue de silences. Il juxtapose motifs, formes et couleurs les plus improbables avec une singularité folle, sa signature ; elle se drape de sobriété, en totale discrétion. Leur style contraste, et si tout semble opposer Artsi Ifrach, créateur de mode maroco-israélien signant sous sa griffe ART/C, et Laila Hida, jeune photographe marocaine de 32 ans, fondatrice du Derb el ferran -un espace alternatif de culture et d'expression artistique dans la Médina-, pourtant lorsqu'on découvre leur collaboration, les correspondances deviennent évidentes. Ils nous en parlent.

Ils se sont rencontrés en 2010 à Marrakech, chez Artsi, alors que Laila s'y rendait pour faire son portrait, une commande du magazine L'Officiel. Ils se recroiseront un an plus tard dans une allée du Marrakech Art Fair -Laila y exposait en 2011-, Artsi lui saute au cou, la prend par le bras et lui fait faire le tour de la foire, pour l'emmener voir des œuvres qu'il avait beaucoup aimées. Arrivés au stand en question, il lui indique des photos en lui disant “J'aime bien ça“, Laila lui répond “Et bien ça, c'est moi.“ Depuis, le fil de leur entente s'est cousu de tendresse et de respect. Quand je les questionne sur la nature de leur collaboration, Artsi me répond : “Je pense que c'est comme une relation de couple, on n'a pas besoin de beaucoup parler, on se comprend assez facilement.“ Laila poursuit : “En réalité, on est vraiment très différents.

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Notre relation a mis du temps à s'imbriquer, parce que, tu sais, Artsi, c'est un peu un personnage “nanana“ et moi, je suis un peu à l'inverse de ça. Mais du coup, comme ça s'est fait doucement et sur la durée, et bien l'amitié a commencé à se créer, et c'est vrai que notre premier projet ensemble a aussi contribué à la consolider.“ Leur premier vrai projet ensemble est en réalité un travail archivé. Une pochette d'album pour un artiste en quête d'identité visuelle, qui traîne quelque part dans le fond d'un tiroir. “C'était horrible !“ se souvient Artsi, avant de partir dans un éclat de rire contagieux. Laila se reprend et tempère : “Bon, c'était une expérience…“ De toute évidence, ils n'avaient jamais planifié d'avoir ce genre d'aventures ensemble. Mais, lorsque Zahra Hindi donne le feu vert à Artsi pour faire partie de sa collection, il appelle


“Hindi & Anir”

immédiatement Laila : “Écoutes, faisons un shooting avec Hindi et son ami Anir”. En 2012 paraissait leur première série photo “Hindi & Anir", révélant une Zahra dans un costume de Frida kahlo, à ses côtés, son homme de toujours. ”On l'a juste fait et c'était fantastique.”, dit Artsi les yeux encore remplis d'étincelles. Depuis, les projets s'enchainent et le style du duo s'aiguise. Ensemble, ils signeront d'autres séries des collections du styliste, certaines les emmèneront en Ethiopie, “Uthopia” (2013-14), d'autres en Inde, “In DNA” (2013-14), ou en Espagne : “I cross the line” (2015/16). Laila poursuit en douceur sa traduction imagée du monde d'Arsti, son œil sublime le beau et tempère le fou, pour le rendre éternel. “Laila n'est pas une photographe de mode et je ne suis pas un créateur de mode, aime à rappeler le styliste

“Hindi & Anir”

d'accord, mais ça nous a fait évolué dans notre vision et dans notre travail”, observe Laila. En 2014, ils sont tous les deux invités à exposer à Tanger dans le cadre d'un festival d'art, lui de son côté et elle du sien, ils décident de présenter un projet commun. “Looking For You” dévoile, sur fond blanc, une série qui questionne la société de consommation qu'est la nôtre. Suivra “Borderless” en 2015, pour le South Festival de Cadix en Espagne, une réflexion sur ces cultures qui voyagent, africaines notamment, ces vêtements et objets exotiques qui traversent les frontières, alors qu'au même moment, les individus de ces cultures-là sont privés de visas. Véritable succès.

multi-casquettes. J'ai beaucoup de respect pour les images, je ne viens pas avec cet égo démesuré du styliste qui exige que l'on voit ses vêtements à tout prix, cela m'importe peu, parce que je fais entièrement confiance à ce que Laila va apporter. Et je peux dire que 50% de ce que je représente, cette chose qui fait de moi un bon fashion designer, est là grâce aux photos de Laila, parce qu'elle arrive à créer quelque chose d'intemporel.” À côté des séries pour le label ARTC/C, le duo se lance dans un travail purement artistique. Rien d'étonnant de la part de deux créatifs qui se revendiquent hors des circuits de la mode, et dont le regard de l'un maintient l'autre en tension. “On vient de cultures communes mais de religions différentes. Nos différences nous challengent beaucoup, dans nos égos, nos regards, on n'est pas toujours

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Quand je leur demande ce qui caractérise leur duo ? La réponse est spontanée : “Aucun ne force l'autre dans notre collaboration, on a une idée, on en parle, et quand ça marche pour nous deux, alors on la retient”, révèle Artsi. Laila poursuit : “Et finalement, ça se fait au moment du shooting, on apporte tout, et là, c'est comme une transe, ça se fait très vite… ça ne dure pas une journée, ça dure environs deux heures, on parle très peu, on ne se parle presque pas en fait, et tac tac tac, on y va, on est hyper concentrés, et puis après, ça y est.” Tout est dit.


“In DNA”

“In DNA”

LAILA + ARTSI He speaks the language of emotions, to the point of becoming intense. She is more thoughtful, weighing her words, punctuating them with silence. He juxtaposes the most unlikely patterns, shapes and colours with incredibly originality; she wraps herself in restraint, in total discretion. Their styles are completely contrasting and everything about Artsi Ifrach, a Moroccan-Israeli fashion designer and creator of the label ART/C, and Laila Hida, a 32-year-old Moroccan photographer and founder of Derb el ferran - a space of alternative culture and artistic expression in the Medina - seems at odds. But when one gets to know their collaborations, connections start to become obvious. They speak to us about their work. 56


“I Cross The Line”

“I Cross The Line”

creative hats. “I have a great respect for images, I am not one of these stylists with a massive ego who demands that we see his clothes no matter what, it doesn't matter to me because I know Laila will deliver. And I can say that 50 percent of what I represent, the thing that makes me a good fashion designer, is down to Laila’s photos, because she manages to create something timeless.”

The two met in 2010 in Marrakech when Laila visted Artsi's home to photograph him for L'Officiel magazine. They bumped into each other again a year later at the Marrakech Art Fair, where Laila was exhibiting her work. Artsi grabbed her by the arm to show her around the fair, to take her to see a certain collection of works he had fallen in love with. Arriving at the stand in question, he gestured to the photos. “I like these a lot,” he said. Laila responded: “Good, they're mine!”

Alongside their projects for the ART/C label, the two are engaged in purely artistic work. It's no surprise for two creatives who claim to be outsiders in the world of fashion and between whom a look from one can spark life into the other. “We come from similar backgrounds but different religions. Our differences are big challenges to us, for our egos, our respective ways of looking at things. We do not always agree, but that helps our vision and our work to evolve,” says Laila. In 2014, the two were each invited to Tangier to exhibit at an art festival and decided to submit a joint project called “Looking for You” - a series of portraits on a white background which question the consumer culture of our society. Next came “Borderless” for the 2015 South Festival of Cadiz in Spain, a reflection on the dispersal of certain cultures, particularly African, across national borders; how clothes and exotic objects, for example, can cross frontiers, while at the same time the original practitioners of those cultures are denied visas. It was a great success.

After that, the seed of their friendship blossomed through tenderness and respect. When I asked them about the nature of their collaboration, Artsi replied: “I think that it’s a bit like a relationship between a couple: we don't need to talk a lot, we understand each other quite easily.” Laila continues: “In reality, we are really very different. Our relationship took time to develop, because, you know, Artsi is a bit of an eccentric character and I'm a bit the opposite. Because of that, things happened gradually, over time, and happily the friendship started to establish itself and it's true that our first project together also helped to consolidate it.” That first project turned out to be one to forget. An album sleeve for an artist in search of a visual identity that now finds itself somewhere in the back of drawer. “It was horrible!” remembers Artsi, before letting rip with a loud, contagious laugh. Laila collects herself to add: “Well, let's just say it was an experience…” By all accounts, they had never planned to have these sorts of adventures together. But when the singer Zahra Hindi gave Artsi the green light to model his collection he immediately called up Laila. “Listen, come and do a shoot with Hindi and her friend Anir,” he told her. And so, in 2012, their first photo series, “Hindi & Anir”, appeared. It showed Zahra in a Frida Kahlo costume, her lifelong partner by her side. “We just did it and it was fantastic,” says Artsi, eyes still glinting.

When I ask if there was such a thing as the “Artsi & Laila touch”, the response is immediate: “Neither of us forces the other in our collaboration. We have an idea, we talk about it and when it works for both of us we keep hold of it,” says Artsi. Laila adds: “And in the end, at the moment of the shooting, we commit everything and then it's like being in a trance. It is done very quickly … it doesn’t even last a day, it takes about two hours, we speak very little, we hardly talk at all in fact and we just get on with it. We are super concentrated and then after that’s it.” There’s nothing more to say.

With the projects coming thick and fast since, the duo have had the chance to hone their style. They worked together on a number of other shoots for Artsi’s collections, taking them to Ethiopia (”Uthopia” - 2013/14), India (”In DNA” - 2013/14) and Spain (”I cross the line” - 2015/16). With a soft touch, Laila translates the Artsi’s world into images, her photographer's eye enhancing the beautiful and tempering the extravagant, rendering it eternal in the process. “Laila is not a fashion photographer and I am not a fashion designer,” likes to recall Artsi, a man who wears many different

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MYTHIQUE —

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SUBLIMES MOSQUEES PHOTOS : REZA DOMIRI GANJI TEXTE YASMINA LAHLOU


ARCHITECTURE —

Des monuments qui s’inspirent à la fois de l’art sassanide (dernière dynastie zoroastrienne avant l’arrivée de l’islam), de la culture iranienne et de l’influence musulmane.

À travers une époustouflante série de photographies, Mohammad Reza Domiri Ganji, un Iranien de 24 ans féru d'architecture, rend hommage aux sublimes mosquées de son pays, en révélant ainsi toute la beauté, la finesse et la complexité. En un mot, la perfection. Dévoiler toute la beauté de l’architecture persane, en célébrer la splendeur et la magnificence à travers ses clichés de mosquées à Ispahan, Shiraz, Téhéran et ailleurs en Iran : c’est ce qui anime Mohammad Reza Domiri Ganji. “Nous avons un riche héritage architectural, qui va de Persépolis ou Pasargadae (il y a plus de 2500 ans) à certaines mosquées d’Ispahan (qui ont 300 ou 400 ans).“ Et le jeune photographe panoramiste de déplorer aussitôt “l’insuffisant effort de préservation et de valorisation des sites historiques“.

Équipé de son Canon 7D fixé sur trépied, l’artiste capture plafonds, dômes et voûtes, arcades, niches et colonnes, qui d’un coup d’appareil magique deviennent kaléidoscopiques. Lumière, symétrie, motifs, couleurs et matériaux… tout se mêle, embrassant l’espace de façon vertigineuse. Il choisit avec précision la manière de prendre ses clichés (mode fish-eye, panorama ou grand angle), avant de les retravailler minutieusement sur ordinateur. Pour Mohammad Reza, l’architecture des mosquées iraniennes peut se résumer en quelques mots-clés : “Art islamo-perse ; coloré ; symétrique ; fantastique !” La symétrie parfaite des édifices, les rosaces et autres motifs géométriques, les mosaïques, l’extrême minutie des détails et les jeux de lumière à travers les vitraux colorés l'ont captivé et inspiré. Tels des kaléidoscopes géants, ses clichés révèlent toute la beauté de ces mosquées. Bien que divers et varié, l’art islamique garde néanmoins une certaine unité. Du Maghreb au Machrek, du sud de l’Espagne andalouse à l’Asie, en passant par la Turquie, on retrouve les mêmes motifs esthétiques fondamentaux, bien que déclinés en une infinité de variations. Au cours de l’histoire, chaque civilisation s’est forgé de fait une esthétique originale

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et spécifique. De la mosquée bleue d’Istanbul (style ottoman ou schéma basilique) au Masjid al-Aqsa d’Al-Qods (style arabe), de la mosquée Hassan II de Casablanca (style mauresque) à la mosquée Rose d’Ispahan (style perse ou régime à dômes), on peut admirer des calligraphies, arabesques et motifs géométriques extrêmement variés, mais toujours symboliques et abstraits puisque la représentation d'êtres vivants est interdite dans les lieux religieux musulmans.


Plafond / voûte de la Mosquée du Chah, ou de L’Imam Construite à Ispahan en 1630, la Mosquée du Chah (également appelée Mosquée de l'Imam, en référence à l’ayatollah Khomeiny) est un véritable bijou architectural : pureté des lignes, richesse et raffinement des motifs décoratifs, foisonnement en même temps qu’harmonie des couleurs, jeux de lumières autour de la coupole, ornementations fines et délicates… le tout, sublimé ici par l’objectif de Reza Domiri Ganji. Ceiling / vault of the Shah or Imam Mosque Built in Isfahan in 1630, the Shah Mosque (also called known as the Imam Mosque, after Ayatollah Khomeini) is an architectural gem: clean lines, rich and refined decorative motifs, abundant yet harmonious colours, light playing around the dome, fine, delicate ornamentation... all sublimated here by Ganji's camera lense.

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Plafond / voûte de la Mosquée Nasir-al-mulk Construite à Shiraz en 1888, la mosquée Nasir-al-Mulk (également appelée Mosquée Rose) est sans doute l'une des plus belles au monde. Ce cliché capture tous les détails de ce chef-d’œuvre architectural traditionnel perse, notamment les mosaïques aux détails minutieux, les rosaces complexes, la variété des motifs, des couleurs et des formes géométriques qui semblent se démultiplier à l’infini… et la lumière. Ceiling / vault of the Nasir Al-mulk Mosque Built in 1888, the Nasir al-Mulk Mosque (Mosque also called the Pink Mosque) in Shiraz is perhaps one of the most beautiful in the world. This photograph captures every detail of this traditional Persian architectural masterpiece, including mosaics with minute details, complex rose windows, the variety of patterns, colors and geometric shapes that seem to multiply to infinity... and the light.

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PORTFOLIO —

SUBLIME MOSQUES

Mosquée Vakil Construite à Chiraz en 1773, la sublime Mosquée Vakil abrite notamment une vaste salle de prière ornée de 48 colonnes torsadées et de mosaïques aux motifs floraux datant de l'époque de la dynastie Qâjare. Le photographe a su saisir la captivante perspective de l’édifice, la douceur des angles, la récurrente symétrie architecturale, la répétition des formes, donnant ainsi à l’espace une autre dimension. Les salles voûtées, niches et arcades en stuc ou marbre, ainsi que le jeu de lumière naturelle, accentuent l’effet kaléidoscopique et son aspect étourdissant.

Through a breathtaking series of photographs, Mohammad Reza Domiri Ganji, a 24-year-old Iranian architecture buff, honours the sublime mosques in his country, revealing their beauty, delicacy and complexity. In a word: perfection.

Vakil Mosque Built in 1773, the sublime Vakil Mosque in Shiraz is notable for its vast prayer room adorned with 48 twisted columns and mosaics with floral motifs dating from the time of the early Qajar dynasty. The photographer has captured the captivating perspective of the building, the gentle angles, recurrent architectural symmetry, repetition of forms, giving the space a new dimension. The vaulted rooms, niches and arches in stucco or marble, as well as the play of natural light, accentuate the kaleidoscopic effect and its stunning appearance.

Revealing the beauty of Perisan architecture, celebrating its splendour and magnificence through his shots of mosques in Isfahan, Shiraz, Tehran and elsewhere in Iran: this is what drives Mohammad Reza Domiri Ganji. “We have a rich architectural heritage, which runs from the time of Persepolis and Pasargadae (which are more than 2,500 years old) to certain mosques in Isfahan (around 300 to 400 years-old)”, says Mohammad Reza. The young panoramic photographer says he deplores “the insufficient preservation and restoration efforts” of these historic monuments, which simultaneously draw influence from the art of the Sasanian period (the last Zoroastrian dynasty before the arrival of Islam), the Iranian culture and the Muslim religion. Equipped with his Canon 7D mounted on a tripod, the art photographer captures ceilings, domes and vaults, arches, niches and columns, which with his magicians touch with the camera become kaleidoscopic. Light, symmetry, patterns, colors and materials … everything mixes together, embracing space in breathtaking fashion. He chooses precisely how to take his shots (fisheye mode,

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panorama or wide angle) and then works meticulously on his computer. For Mohammad Reza the architecture of Iranian mosques can be summed up in a few key words: “Islamic-Persian art, colourful, symmetrical, fantastic.” The perfect symmetry of the edifices, the rose windows, the mosaics and other geometric patterns, the extreme attention to detail and the way the light plays through the stained glass have captivated and inspired him. Like giant kaleidoscopes, his photographs reveal all the beauty of these mosques. Although diverse and varied, Islamic art neverthless retains a certain continuity. From the Maghreb to the Mashreq, from southern Andalusian Spain to Asia via Turkey, one finds the same fundamental aesthetic motifs, even if they unfold in endless variations. Throughout history, each civilization has left its mark with its own original and specific aesthetic. From the Blue Mosque of Istanbul (Ottoman style) to the al-Aqsa mosque of Jerusalem (Arabic style), from the Hassan II mosque in Casablanca (Moorish style) to the Pink Mosque of Shiraz (Persian style), one can admire calligraphies, arabesques and geometric patterns of extreme variation, but always symbolic and abstract as the representation of living beings is forbidden in Muslim places of worship.



HISTOIRE —

PALMIER DE MARRAKECH ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ

TEXTE SOUFIANE CHAKKOUCHE ILLUSTRATIONS CHRISTINE TODESCO

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PORTRAITS —

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BOXE —

FRÈRES DE GANTS TEXTE SOUFIANE CHAKKOUCHE PHOTOS DELPHINE WARIN

Ils sont comme une paire de gants, frères de sang, inséparables dans l’entraînement comme sur le ring de la vie. J’ai nommé Rachid et Kriss : deux destinées destinées à ne jamais se croiser et que seul le sport pouvait unir, chose que le plus noble des sports a fini par très bien faire. Portraits.

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PORTRAITS —

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GLOVE BROTHERS

C’est entre les sacs de frappe et les tapis roulants de la nouvelle salle de boxe Jkitou Boxing Club, située au cœur du Guéliz, que Kriss et Rachid m’ont donné rendez-vous. Le premier a le verbe facile, le second est plus réservé, à la limite de la timidité, mais tous deux ont le mot sincère et le diapason bien accordé. Une complicité qui les a conduits à introduire un nouveau concept dans la Ville Rouge dans le domaine du coaching sportif et du fitness. Il s’agit d’une discipline hybride mariant des exercices cardio-vasculaires intenses à de véritables entrainements de boxeurs. De plus, les deux acolytes accompagnent leurs protégés, allant jusqu’à se mettre au parfum qui sort des assiettes de ces derniers. À en croire les adeptes qu’on a rencontrés, la méthode fait des ravages et, surtout, affine et sculpte les silhouettes à vitesse Grand V.

They are like a pair of gloves, blood brothers, inseparable in training as they are in the ring of life. I present Rachid and Kriss: two destinies destined to never have crossed and that only sport could have united, something the noblest of sports has come very much to do. It is between the punching bags and treadmills of the new boxing gym, the Jkitou Boxing Club, in the heart of Guéliz that I first meet Kriss and Rachid. The former has an easy way of talking, the latter is more reserved, bordering on shyness, but both speak with sincerity and sing very much from the same hymn sheet. It was this shared bond that led them to introduce a new sport and fitness concept to the Red City, a hybrid discipline combining intense cardiovascular exercises with authentic boxing workouts. These two accomplices also keep a close eye on their protégés, all the way up to being wise as to what they put on their dinner plates. And, on the evidence of their followers I have met, the method is devastatingly effective, above all in refining and sculpting the figure at lightning speed.

Rachid : “The Lion” Comme ses crochets et ses directs, si on fait abstraction de sa gentillesse, les mots de Rachid sont pesés, francs et directs, petit aperçu : “On boxe comme on est dans la vie, et dans la boxe on ne peut pas tricher.” Champion de France en 2011 dans la catégorie des super-moyens (entre 72,574 kg et 76,205 kg pour les intimes précis), à 29 ans, le CV de ce jeune papa de deux enfants (bientôt trois, mais chut ! On ne vous a rien dit) affiche 24 combats pour 24 victoires, dont 17 par KO. On comprend alors pourquoi on le surnomme le Lion. Toutefois, l’histoire de Rachid avec ce sport n’est pas vraiment une vocation, c’est une destinée, car c’est l’histoire d’une famille qui vit dans la banlieue parisienne et dont presque tous les membres ont croisé les gants. C’est donc tout naturellement que Rachid a commencé à boxer à l’âge de 11 ans, pour passer amateur à 14, puis pro à 22 ans à peine, enchainant les victoires en un temps record, au mythique Cirque d’Hiver de Paris. Son dernier combat a eu lieu à Marrakech, où il a élu domicile depuis quatre ans, une lutte acharnée qu’il remporta par arrêt de l’arbitre au huitième round, et au terme de laquelle il reçut la ceinture WBC-Méditerranée des super-moyens. Pour rappel, ce titre le qualifie au Championnat du Monde qui aura lieu en 2017. Et si le Lion y rugira à nouveau, cela sonnera le gong d’une nouvelle vie qui commence, celle de Champion du Monde.

Rachid: The Lion Rachid's words, if one disregards his kindness, are like his hooks and crosses in the ring: measured, frank and direct. I have heard him say, for example: “We box like we live our lives and in boxing one cannot cheat.“ Champion of France in 2011 in the super middleweight category (between 72.574 kg and 76.205 kg, to be exact) at 29 years old, the CV of this young father of two (soon to be three, but shhh! Keep it under your hat) reads 24 fights, 24 wins, 17 by knockout. It's easy to understand why they call him “The Lion“. Coming from a family from the Parisian suburbs and one where nearly every member has put on the gloves at one time or another, boxing was never really a mere vocation for Rachid, it was a destiny. It was no surprise then that Rachid started to box at the age 11, becoming an amateur at 14 and turning pro at barely 22, stringing together victories in record time at the legendary Cirque d'Hiver in Paris. His last fight was in Marrakech, where he has lived for four years. It was a fierce fight that Rachid won when it was stopped by the referee in the eighth round, and for which he was awarded the WBC Mediterranean Super Middleweight belt. The title qualifies him for the World Championships to be held in 2017 and if the Lion can roar once more, it will signal the start of a new life for Rachid, that of a World Champion. Kriss the Marseillais To the question “What is your motto in life?“ Kriss doesn't hesitate even for a moment. “The harder the fight, the more beautiful the victory,“ he says. The phrase speaks volumes about both this young man's temperament and his unusual career trajectory. Born in Marseille, his sporting career began a million miles away from the world of boxing. Before becoming a sports coach and Rachid's trainer, Kriss was a pro basketball player, plying his trade for a number of teams in the top divisions of France, Germany and Spain. At 27, following an injury, he gave up this career to return to his first love: combat sports in general and boxing in particular. He went about getting a professional diploma in sports education, specialising in combat sport. At the same time, and with some vigour, he took part in Reebok's CrossFit training programme, renowned for being the toughest out there. But it was in meeting Rachid, the exceptional boxer to whom he quickly became friend, confidant and coach, that his destiny finally found its true path. Incidentally, Kriss has also trained the likes of Naomi Campbell, Tommy Hilfiger and Mick Jagger no less!

Kriss de Mars À la question “Quelle est ta devise dans la vie ?”, Kriss n’hésite pas un instant : “Plus le combat est difficile, plus la victoire est belle.” La phrase en dit long sur le tempérament de ce jeune célibataire et sur son atypique parcours. Né à Marseille, la carrière sportive de Kriss avait débuté à mille lieues du milieu de la boxe. Avant de devenir entraineur de Rachid et coach sportif, Kriss était basketteur pro dans différentes équipes de première division en France, en Allemagne et en Espagne. À 27 ans, et suite à une blessure, il stoppa sa carrière et se tourna vers ses amours de jeunesse, les sports de combat en général, et la boxe en particulier. Dès lors, il passa un Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS pour les intimes), spécialité sport de combat. Puis, dans la foulée, il suivit avec brio la formation en CrossFit de Reebok, qui est mondialement réputée pour être des plus dures. Cependant, ce fut sa rencontre avec Rachid, le boxeur d’exception dont il devient rapidement l’ami, le confident et l’entraineur, qui fit enfin poser son destin sur les rails. Pour la petite histoire, Kriss a déjà entrainé des personnalités comme Naomi Campbell, Tommy Hilfiger ou encore Mick Jagger. Rien que ça !

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SUPER SOIN

“La nature a tout ce qu'il faut pour nous rendre belle.” AMALA : SOINS NATURELS À TESTER AU SPA DE LA MAMOUNIA TEXTE MOUNA ANAJJAR


AMALA —

NATURAL TREATMENTS TO TRY OUT IN LA MAMOUNIA

C'est par cette marque de soin allemande dont le nom en Sanscrit signifie “pureté absolue”, que le spa de La Mamounia s'est laissé séduire au printemps dernier.

Last spring, the spa at La Mamounia was seduced by this German cosmetics brand, whose name in Sanskrit means “absolute purity”.

Précurseur du bio avant l'heure, plébiscitée par d'illustres utilisatrices aguerries -Eva Mendes, Kate Hudson, Anne Hathaway et Julianne Moore en sont fans-, mais encore confidentielle pour le grand nombre, Amala est le premier label cosmétique à avoir fait de la nature son principal allié, en s’imposant des règles très strictes en matière de respect environnemental. Car, pour sa fondatrice Ute Leube, “la nature a tout ce qu'il faut pour nous rendre belle”. Depuis les années 70, Ute se consacre aux recherches sur les plantes, se passionne pour les huiles essentielles et milite pour une beauté exempte de produits chimiques. Un engagement qui la mène naturellement à développer Amala, marque 100% bio, dont les ingrédients proviennent exclusivement des sols d'agriculteurs partenaires pratiquant une culture équitable ; dont chaque plante est extraite méticuleusement dans la pure tradition des maîtres distilleurs -afin d'en préserver les vertus intrinsèqueset aucun produit n'est testé sur animal.

An early trailblazer of organic products, loved by famous long-time fans such as Eva Mendes, Kate Hudson, Anne Hathaway and Julianne Moore, but still a secret to many, Amala is the first cosmetics brand to have truly embraced nature by adopting strict rules on respect for the environment. Because, for its founder Ute Leube: “Nature has all it takes to make us beautiful”. Since the 70s, Ute has been devoted to plant research, passionate about essential oils and a campaigner for beauty products free from chemicals. It was only a matter of time before these interests gave birth to Amala, a 100% organic brand, whose ingredients come exclusively from the soil of fair trade farmers. The ingredients are meticulously extracted from plants in the tradition of master distillers in order to preserve their intrinsic properties, while no products are tested on animals. All this comes together to create a simple, elegant and clinically proven line of cosmetics, which is available in four ranges and 48 treatments dedicated to the face and body, to Moisturize, Rejuvenate, Purify , Soothe or Detoxify. For example, Jasmine, with its nourishing soothing and antioxidant properties, is used for hydration. Trying a treatment in a wellness room is a must; it starts with a crystal foot bath to rid the body of tension and lasts one and a half hours for maximum benefit. The results are immediate: the skin is soft, rehydrated and radiates health from deep within. In Marrakech, Amala products are available exclusively at the Spa and boutique at La Mamounia and the two are a perfect match - this luxurious Moroccan oasis was, after all, built within an enchanted garden.

À la clé, une ligne cosmétique sobre, élégante et cliniquement prouvée, qui se décline en quatre gammes et quarante huit soins dédiés au visage et au corps, pour Hydrater, Rajeunir, Purifier, Apaiser ou Détoxifier. Le jasmin, aux vertus nourrissantes, apaisantes et anti-oxydantes, est ainsi utilisé pour l'hydratation. Tenter le soin en cabine est un must, il démarre par un bain de pieds aux cristaux pour débarrasser le corps des tensions et dure 1h30 pour plus d'efficacité. Le résultat est immédiat : la peau est douce, réhydratée en profondeur, elle respire la santé. Précisons que les produits Amala sont présents en exclusivité à Marrakech au Spa et à la boutique de La Mamounia. Lieu idéal pour un mariage harmonieux, n'oublions pas que cet écrin du luxe à la marocaine s'était bâti sur un jardin enchanteur.

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RABAT 120, PLACE DES ALAWITES. AVENUE ALLAL BEN ABDALLAH T +212 537 703 450

MARRAKECH GALERIE 10, RUE SOURYA. GUÉLIZ T +212 524 449 233

PARIS 8 BIS, AVENUE PERCIER. 75008 SUR RDV : T +336 15 45 66 30 INFOS@FADILAELGADI.COM


FASHION —

PHOTOGRAPHER MOUS LAMRABAT MODEL EMILIE (MARTINE'S WOMEN AGENCY) STYLIST LISA LAPAUW HAIR & MAKE UP KARIMA MARUAN

THANKS LA MAMOUNIA STAFF + EZEKKI ABDESSADEK & FAMILY (ART TISSAGE TAM, TAMESOLHT) + ARTSI IFRACH (THE HOUSE, MEDINA)

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This page: COAT CASPER WERNER, TURBAN STYLIST OWN Left: DRESS COS, SHIRT MARNI, HAT MEDINA MARRAKECH


DRESS & APRON ART/C, BABOUCHES MEDINA MARRAKECH



This page: JUMPSUIT MARTHE DE BUCK, SNEAKERS REEBOK Right: DRESS MARINE SERRE, BRACELET DIOR (LA MAMOUNIA)



JACKET YSL (STUDIO 14, LA MAMOUNIA) PANTS LAUREN SEVERAC


COAT MARTHE DE BUCK PANTS ART/C


This page: BRA WOLFORD, VINTAGE SKIRT Right: ENSEMBLE FADILA EL GADI, NECKLACE DIOR (LA MAMOUNIA), BABOUCHES MEDINA MARRAKECH



This page: BODY WOLFORD, JEWELLERY JAD BIJOUX (LA MAMOUNIA) Right: DRESS VALENTINO & CLUTCH BAG YSL (STUDIO 14, LA MAMOUNIA), SUNGLASSES & LUGGAGE PRADA (LA MAMOUNIA), SHOES JOERI VAN CAMPENHOUT




MAESTRO —

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MAESTRO —

LE ZELLIGE SECRETS DE FABRICATION

TEXTE YASMINA LAHLOU

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Suite Al Mamoun, La Mamounia





MAGIQUE —

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SUR LES TERRES DE DON ALFONSO POUR COMPRENDRE D'OÙ VIENT LE GOÛT QUI FAIT CHAVIRER LES ASSIETTES DU RESTAURANT ITALIEN DE LA MAMOUNIA, IL FAUT ENTREPRENDRE LE VOYAGE JUSQU'À SANT'AGATA SUI DUE GOLFI, UN MINUSCULE VILLAGE, JUCHÉ SUR LES COLLINES VERDOYANTES À LA CROISÉE DES GOLFES DE NAPLES ET DE SALERNE. CAR C'EST LÀ, AU BOUT D'UNE PETITE RUELLE JUSTE À CÔTÉ DE L'ÉGLISE, QUE SE NICHE L'UNE DES TABLES ITALIENNES LES PLUS DÉSIRÉES DES GOURMETS, LE 2 ÉTOILES MICHELIN DON ALFONSO 1890, ÉGALEMENT BOUTIQUE HÔTEL RELAIS & CHÂTEAUX, TENUE PAR LE CHEF-PATRON ALFONSO IACCARINO, SA FEMME LIVIA ET LEURS FILS ERNESTO ET MARIO.

PAR MOUNA ANAJJAR PHOTOS STEFANO SCATA


ESCAPADE —

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GASTRONOMIE —

Quand j'arrive au Don Alfonso, après un trajet d'1h30 sur une route en lacets, il est presque 19h. Livia me reçoit avec un enthousiasme sincère, elle me sert un cocktail de bienvenue, et me fait faire le tour de l'établissement. Ce n’est pas encore le coup de feu, mais tout le monde s'active, le restaurant affiche complet -comme tous les soirs de ce mois d'août. Pendant qu'on discute sous la pergola, je ne peux m'empêcher d'admirer la valse des toques en cuisine. Livia me raconte leur folle aventure, le jour où, avec son mari, ils décident de reprendre l'affaire familiale, un hôtel-restaurant fondé en 1890 par le grand-père d'Alfonso, Alfonso Costanza Laccarino. C'était en 1973, le couple décide de tout miser sur le restaurant et se partage salle et fourneaux. Personne n'y croyait, sauf eux. Leur idée était pourtant simple, mais sans doute insolite pour l'époque : faire une cuisine d'excellence, n'utilisant que des produits et de l’huile d’olive extra vierge de cette région du Sud de l'Italie qui leur est chère et les a vus grandir, la Campanie. En 1986, une première étoile Michelin vient couronner leurs efforts. La deuxième suivra en 1991. Puis, la consécration arrive, avec une troisième étoile qu'ils garderont pendant cinq ans, et qui positionnera définitivement Don Alfonso sur le podium des meilleures références gastronomiques au monde.

Les premiers clients commencent à arriver, Livia s'en va installer une famille d'Anglais, des habitués du lieu. Mario m'invite à passer à table -après m'avoir fait découvrir un coin impressionnant : leur cave à vins, 15.000 bouteilles, s'ouvre sur un ancien passage étrusque, témoignage de ce lieu chargé d'histoire…- et me fait servir un menu interminable, dont le souvenir réveille encore l'extase de mes papilles : Beignets de homard sauce aigre-douce avec leur infusion d’agrumes, Œuf à la truffe, Gnocchi à la Scamorza fumée et petites tomates vésuviennes, Sfogliatella Napolitaine revisitée, Soufflé aux saveurs de fleurs d'oranger et amandes… Il me confie que certains de leurs clients ont besoin de revenir une fois par mois. Je le comprends. “Leurs compliments et leur amour, c'est notre moteur, c'est ce qui nous donne le sourire tous les matins“, m'avouera t-il exténué en fin de service. Le lendemain matin, c'est avec le père que j'ai rendez-vous. La veille, Alfonso était à Rome pour une mission de consulting, le surlendemain, le chef rejoindra Macao pour les mêmes raisons. Je le retrouve sur ses terres chéries qui le ressourcent, Le Peracciole, une ferme biologique de sept hectares qu'il a acquise en 1990 dans la partie la plus sauvage de la péninsule de Sorrente. Un site enchanteur sur la Punta

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Campanella, avec vue imprenable sur Capri. Le chef paysan y a planté oliviers, citronniers, orangers, figuiers… y cultive fruits, légumes et herbes ; y élève des poules qui lui donnent des œufs, sans oublier Sabatino, la vache qui produit du compost. “À l'époque, quand j'annonçais à mon entourage que j'avais fait l'acquisition de terres pour planter du bio, tout le monde a dit “Mais il est fou“ !“, se rappelle t-il, sourire en coin. Est-ce le microclimat, l’effet du Vésuve ou la minéralité de la terre ? Ici, la moindre tomate possède le goût d'un autre monde, les citrons bios rendent unique leur Limoncello maison. Et chaque matin, des paniers remplis des récoltes de la ferme sont acheminés au restaurant, pour arriver ultra-fraîches et parfumées dans l’assiette des clients. “Pour nous, la grande cuisine se fait dans les champs, comme les plus grands vins dans la vigne“, c'est la devise qu'Ernesto, l'autre fils qui opère derrière les fourneaux, a apprise de son père. La relève est assurée ! Elle sonne comme une déclaration d’amour à ce coin d’Italie, qui aujourd'hui résonne jusqu'à Marrakech, à La Mamounia, où chaque jour, l'équipe mise en place par la famille Laccarino retranscrit les fameuses recettes qui ont fait sa renommée.


GOURMET GETAWAY —

ON THE LANDS OF DON ALFONSO TO UNDERSTAND THE ORIGIN OF THE FLAVOURS THAT MAKE FOR THE KNOCKOUT PLATES OF LA MAMOUNIA’S ITALIEN RESTAURANT, WE MUST GO ON A JOURNEY TO SANT’AGATA SUI DUE GOLFI, A TINY VILLAGE PERCHED ON THE GREEN HILLS WHERE THE GULFS OF NAPLES AND SALERNO MEET. FOR IT IS THERE, TUCKED AWAY AT THE END OF A SMALL STREET JUST NEXT TO THE CHURCH, ONE CAN FIND A RESTAURANT THAT IS ONE OF THE MOST SOUGHT-AFTER IN ITALY: THE 2 MICHELIN STAR DON ALFONSO 1890, ALSO A BOUTIQUE HOTEL THAT BELONGS TO THE RELAIS & CHÂTEAUX ASSOCIATION, RUN BY CHEF-PATRON ALFONSO IACCARINO, HIS WIFE LIVIA AND THEIR SONS ERNESTO AND MARIO. When I arrive at Don Alfonso, after a one-and-a-half hour journey along hairpin bends, it is almost 7pm. Livia greets me with sincere enthusiasm, serves me a welcome cocktail and gives me a tour of the establishment. It is not yet the busiest time of day, but everyone is active, the restaurant sold out as it is every night of August - the month of my visit. While we talk under the pergola, I cannot help admiring the way the chefs' hats waltz about in the kitchen. Livia tells me the story of their crazy adventure; the day when, with her husband, they decided to take over the family business - a hotel and restaurant founded in 1890 by Alfonso's grandfather, Alfonso Laccarino Costanza. It was in 1973 that the couple decided to stake everything they had on the restaurant and divide themselves between kitchen and front of house. Nobody believed in the project, except them. Their idea was simple enough, but without doubt unusual for the time: serve excellent food, using only products and extra virgin olive oil of this southern region of Italy, Campania, a region dear to them and in which they grew up. In 1986, their efforts were rewarded with their first Michelin star. A second followed in 1991.Then the restaurant received its consecration: a third star that it kept for 5 years. Finally, Don Alfonso had definitively taken its position on the podium of the best Italian gastronomic restaurants in the world. The first customers start arriving. Livia goes to show an English family, regulars at the restaurant, to their table. Mario invites me to sit down to eat - but not before showing me an impressive part of the restaurant: the wine cellar, 15,000 bottles, opening out onto an ancient Etruscan passage, testimony to the history of the place - and serves me a seemingly never-ending meal, the memory of which still sends my taste buds into a frenzy: Battered lobster with sweet and sour sauce and citrus infusion, Egg with truffle, Gnocchi with smoked Scamorza and small Vesuvian tomatoes, Neapolitan Sfogliatella, Soufflé with flavours of orange blossom and almond… Mario tells

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me that some of their customers feel compelled to return once a month. I understand that. “Their compliments and love is what powers us, it is what gives us a smile every morning,” he confessed to me, exhausted, at the end of service. The next morning, it was time to meet the father of the family. The day before, Alfonso was in Rome on a consulting job, the day after next, he would be heading to Macau for the same reason. I caught up with him as he recharged his batteries on the land he cherishes - La Peracciole, an organic farm spanning seven hectares that he acquired in 1990 in the wildest part of the Sorrento peninsula. It is an enchanting site on the Punta Campanella, with stunning views of Capri. The chef-cum-farmer has planted olive trees, lemon trees, orange trees, fig trees on the land, he has cultivated fruits, vegetables and herbs and raised hens to produce eggs - and not forgetting Sabatino, the cow who produces compost. “When I told people that I'd bought some land to grow organic produce, everybody said ‘he's crazy’!”, he recalls with a sly grin. Maybe it's the microclimate, the effect of Vesuvius or the minerals in the soil, but here even a simple tomato has a taste like that from another world, the organic lemons make the family's homemade Limoncello utterly unique. And every morning, baskets filled with crops from the farm are sent to the restaurant, so that they are ultra-fresh and fragrant when they arrive on the customers' plates. “For us, good cooking starts in the fields, as the best wines do in the vineyard” is the motto Ernesto, the other son who works in the kitchen, learned from his father (the future of the restaurant seems in safe hands!). It has the sound of a declaration of love to this small slice of Italy, one that can be heard as far away as Marrakech and La Mamounia, where each day the team put in place by the Laccarino family recreates the famous recipes that made their name.






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