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plein de choses auraient été différentes. Et en même temps, il ne faudrait pas que ce soit un enfermement — si Cascadeur c’est seulement Meaning, bon, pourquoi pas, mais… ça me fait penser à Patrick Hernandez : toute sa vie résumée à un titre alors qu’il en a fait plein d’autres, enfin sûrement, enfin je ne sais pas… Cela montre surtout que tout change selon les moyens que l’on donne à un titre précis ; si tout d’un coup, il est démultiplié, il va plaire à plus de monde, c’est logique. Ce n’est pas qu’il soit deux millions de fois meilleur, c’est simplement qu’il a plus d’audience. Donc ça pose aussi des questions, est-ce que les tubes on ne les fabrique pas un peu… Je sais, c’est un peu démago, mais cela montre bien que le travail de certains décideurs peut faire renaitre ou non un artiste. Foncièrement, tu es quelqu’un d’optimiste ? Oui… Mais pas aveugle. On est tous dans l’urgence, alors on va réitérer ce que l’on fait tout le temps, puisque notre souci premier c’est de réintégrer au plus vite notre système, de retrouver « la vie d’avant ». On est une fabrique à dealers, et au lieu de s’attaquer aux causes, on met en cage certaines personnes. Cette pandémie, on en est responsable, on est tellement voraces, tellement assoiffés, de gains, de profits, de bénéfices… Pour moi, c’est la résultante du fait que l’on soit des prédateurs. Et comme tout prédateur, on s’autodévore.

Ah oui, c’est très optimiste, tout ça, en effet ! (Rires) C’est vraiment ce que je pense en plus… L’homme est anthropophage, et sera responsable de sa propre destruction. Alors, il accusera sûrement le pangolin ou la chauve-souris, mais la vérité c’est qu’à force de coloniser la nature, de piller les forêts, de forcer les animaux à se rapprocher des villes… En retour, il y a forcément des attentats de ce genre. Mais le pire dans toute cette histoire, c’est qu’on va continuer à se comporter de la même manière. Parce que l’on vit dans un monde du basculement accéléré, de traites, d’emprunts, de crédits, où la nécessité de repenser le système a beau être impérieuse, au final c’est presque un luxe, car la grande majorité des gens est suspendue aux limites du quotidien. Regarde les intermittents du spectacle, et le prolongement de l’année blanche jusqu’en décembre, cela montre bien que l’on est toujours dans une bulle artificielle de survie, que rien n’est résolu. On va continuer à sous-payer les infirmiers, continuer à penser que les enseignants sont des fainéants et les musiciens des drogués, que « les artistes sont là pour nous divertir, » alors que le divertissement est plutôt dans ces médias en continu qui mettent en avant des gens qui tuent d’autres autres gens lorsque les chiffres du Covid sont moins alarmants… Mais malgré tout, je suis confiant. Il y a plein de gens qui s’interrogent, qui se risquent à repenser nos modes de vie, et je trouve ça rassurant. Comme quand on te dit « l’industrie de la musique, c’est mort » alors que le monde entier continue d’écouter de la musique, de lire des livres, d’avoir cette soif de vivre — alors estce que vivre, c’est se ruer au McDo, ça c’est un autre débat… Mais, quoi qu’il en soit, oui, je suis et reste optimiste ! L’être humain est capable de tellement de choses incroyables, il sait être monstrueux autant qu’angélique. Espérons seulement qu’il puisse enfin un jour véritablement envisager le monde autrement. — CASCADEUR, The Human Octopus, Ghost Surfer, Camera

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