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Orson Welles n’a eu de cesse de manifester son admiration pour Shakespeare. En 1948, il adapte Macbeth au cinéma, suivi, en 1952, d’Othello. À l’occasion de la réédition des deux films dans des versions restaurées, Carlotta publie deux nouvelles traductions des pièces illustrées d’images des films. David d’Équainville, qui a dirigé ces publications, nous relate cette aventure éditoriale.

La volonté nue Dans le cas précis de ces nouvelles traductions, on revient à quelque chose qui est de l’ordre du rythme pur, avec de temps en temps des passages ciselés, directs et crus. Vous avez dirigé cette publication, pouvez-vous expliciter l’origine du projet ? L’origine du projet s’inscrit dans la logique développée par Carlotta film qui est de proposer aux cinéphiles les œuvres du répertoire classique dans le cadre soit de films restaurés soit oubliés et remis en salle ou en librairie. C’est à l’occasion de la restauration des deux films d’Orson Welles que nous avons envisagé de faire une publication en édition limitée de ces deux pièces illustrées par les images de Welles. Nous renouons là avec la tradition du livre illustré, tout en insistant sur la rencontre textuelle et visuelle des deux auteurs, Shakespeare et Welles. Une nouvelle traduction s’imposait ; c’est le meilleur moyen de redécouvrir une œuvre. Une traduction est une captation de code. Le traducteur cherche à distinguer la mélodie de l’auteur, sa signature, son style et à repérer tous les éléments sur lesquels il va s’appuyer pour mener à bien cette redécouverte de la pièce. Patrick Reumaux, le traducteur, a une métaphore qui explique très bien cette idée de captation de code qui est le rapport existant entre l’ophrys des orchidées et l’abeille. Ce sont deux univers qui ne se connaissent pas, l’ophrys donne à voir à l’abeille son reflet, son autre, et grâce à cet artifice l’abeille vient polliniser, l’ophrys permettant ainsi à la fleur de survivre. Traduire, c’est trouver la mélodie et restituer celle-ci avec force.

Welles s’approprie l’œuvre de Shakespeare en modifiant parfois l’ordre des vers et des scènes. On aurait pu imaginer une autre lecture qui aurait été celle de la retranscription intégrale de la version wellessienne, là où vous faites vivre côte à côte les images du film et cette nouvelle traduction… Welles, dans son adaptation, fait un travail de restitution par rapport à son point de vue de réalisateur des deux histoires en proposant une iconographie, des partis pris de mise en scène, des jeux d’acteurs bien précis qui ont fait date et inspiré le théâtre. On a deux dynamiques parallèles qui ont la même intention de revisiter l’œuvre shakespearienne afin de la redécouvrir dans toute sa force. L’intérêt d’une traduction reste la capacité à pointer la richesse d’une œuvre. Reumaux a également cherché du côté des conteurs de la Renaissance, d’où ces libertés. Justement, Welles cherche à capter ce qui est de l’ordre de l’environnement immédiat de ce temps ? Tout à fait. En ce sens, cela résonne avec la dynamique développée par Carlotta qui est de proposer à des publics variés des œuvres du répertoire classique accompagnées d’un ouvrage qui emprunte les mêmes chemins. C’est un nouvel axe de développement complémentaire qui enrichit la mission de redécouverte du cinéma classique sans oublier, toutefois, les jeunes réalisateurs et le cinéma contemporain.

Antoine de Baecque apporte son point de vue en tant qu’historien du cinéma. On apprend que ce sont des films qui ont fait scandale en temps réel, créant un séisme au sein de la critique cinématographique. Envisagez-vous de répéter le processus ? Oui, l’idée étant à chaque fois d’offrir au lecteur un maximum de clefs pour comprendre ce à quoi le livre tend. Ici, il y a une introduction du traducteur qui explicite de façon très libre ses choix et qui assume ses partis pris. Antoine de Baecque raconte la place de ces deux films dans la filmographie de Welles ainsi que leur place dans le cinéma d’aujourd’hui. Le lecteur peut, ainsi, aborder l’œuvre avec ces deux viatiques. C’est une édition limitée, une version poche est-elle envisagée ? L’association des deux pièces fait sens par rapport aux illustrations de Welles, rassemblées dans un seul livre en édition limitée. C’est un nouveau point de vue sur Shakespeare qui présente le point de vue de Welles qui était déjà un nouveau point de vue aussi sur Shakespeare, plus libre dans son adaptation, ça tombait, en conséquence, sous le sens. On envisage tout à fait par la suite de séparer les deux textes de manière à leur assurer une diffusion plus large mais on ne sera plus dans le registre de l’édition illustrée, limitée. Macbeth / Othello de William Shakespeare, deux pièces illustrée par Orson Welles, sous la direction de David D’Équainville, nouvelle traduction de Patrick Reumaux, édition limitée Carlotta Macbeth / Othello, versions restaurées, nouvelles éditions Blu-ray et DVD, Carlotta

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