édito pAR philippe schweyer
MON PROGRAMME ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Il y a quelques jours, après un repas bien arrosé et une indigestion de politique à la télé, j’ai rêvé que j’étais sur le point d’être nommé ministre de l’économie. Moi qui ne suis ni somnambule ni économiste, je me suis mis à détailler à voix haute, entre deux ronflements, les grandes lignes de mon programme économique et social. Heureusement, ma première supportrice a eu le reflexe d’enregistrer mes propos visionnaires avec son iPhone : - Chers concitoyens, le monde est désormais divisé en deux… D’un côté, les gens malheureux de ne pas avoir de travail. De l’autre, les gens malheureux à cause de leur travail… RRRR (inspiration)… PCHHHH (expiration)… Là, on entend distinctement sur l’enregistrement le voisin qui crie “La ferme ! On bosse nous !” à travers la cloison. Heureusement, ça ne m’a pas empêché de poursuivre : - A force de vouloir tout rationaliser pour gagner en productivité, nous avons créé un monde totalement irrationnel, voué à s’enfoncer dans la crise… RRRR… PCHHHH… RRRR… Quelques ronflements plus tard, je reprends de plus belle : - Chers concitoyens, ça fait des mois que mon facteur ne passe plus que quatre fois par semaine, tout ça parce que ses collègues sont en arrêt de travail… Dès que je serai ministre de l’économie, je rétablirai le service public à la Poste, rien que parce que ça me rend malade de ne pas avoir de courrier dans ma boîte… - Toi et ton courrier… Tu ferais mieux d’aider les profs ! - Au lieu de perdre de l’argent et de l’énergie à évaluer tout et n’importe quoi, je laisserai les enseignants enseigner et je mettrai le paquet pour aider les élèves en difficulté. Ça sera un bon investissement pour le pays ! - Paroles, paroles… - Tant que j’y suis, je dirai au ministre de l’immigration d’aller bosser dans le privé. Au lieu de chercher la croissance avec les dents, je filerai plein d’argent aux pays pauvres. Pas par générosité, mais parce que ça me coûtera moins cher que de me battre en vain contre les flux migratoires. En accueillant aimablement les immigrants, en les laissant circuler librement et en leur faisant construire plein de logements, je redonnerai du souffle au budget de l’Etat… - Toujours les mêmes qui bossent… Et la culture ? - Chers concitoyens, plutôt que de dévitaliser le ministère de la culture, je propose de le transformer en ministère de l’Utopie ! - Doux rêveur… - Tout rêve n’est pas chimère… RRRR… Faisons preuve d’imagination… D’autres modes de vie sont possibles… PCHHHH… - Ah oui ? - En pariant sur l’épanouissement du plus grand nombre, sur l’éducation, la justice, l’égalité et la fraternité, il y a une chance que ça aille mieux… RRRR… - C’est bon, laisse-moi dormir ! - Chers concitoyens, j’ai failli oublier l’écologie ! En tant que ministre de l’économie, je ferai le maximum pour l’écologie. Pas question que l’on finisse tous intoxiqués ou irradiés… PCHHHH… - Bonne nuit ! - Mais attention, ne comptez pas sur moi pour travailler moins sans gagner plus ! … RRRR… PCHHHH…
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